Médiathèque baha'ie

Compilation de Amnesty International
Philosophies, religions et droits humains
Point de vue des religions sur les droits humains
source: Article complet sur le site Amnesty
- septembre 2001

Article de Leïla Saberan-Mesbah, secrétaire nationale de
l'Assemblée Spirituelle des Baha'is de France

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Chapitre 11. La foi Baha'ie et les droits humains

Tout défenseur des droits humains pourrait trouver dans les principes spirituels et humanistes qui animent les baha'is une source d'inspiration et inversement "la Déclaration des Droits de l'Homme" pourrait aisément constituer une profession de foi pour le fidèle baha'i.

Parce qu'elle est convaincue que les droits de tous les hommes sont à protéger et à garantir, la communauté baha'ie oeuvre partout où elle se trouve, dans les coins les plus reculés de la Planète, au bien-être de l'humanité dans son ensemble et non à celui d'un groupe au détriment d'un autre.

Quelques principes cardinaux de cette religion donnent à tout croyant baha'i les grandes orientations pour qu'il puisse, y alimentant son âme et y puisant une conscience d'acteur responsable, se consacrer à cette gageure de tout considérer par le biais du concept central de l'unité de l'humanité: si un élément de cette unité est en souffrance, c'est l'ensemble qui souffre.

La prise de conscience d'un devoir que chaque homme a envers l'autre et d'une nécessité urgente d'être acteurs responsables engagent les Baha'is à des actions complexes et à rebondissements évidents : puisque tout est inévitablement lié, la nécessité de soigner le détail pour le bien-être global est toujours une urgence mais doit aussi être considéré dans son ensemble et avec une vision à plus long terme. La croyance en l'unité du genre humain, le projet ambitieux d'oeuvrer à son bien-être et à sa prospérité, de croire qu'un avenir radieux est réservé à la société humaine invitent la communauté baha'ie à veiller à préserver les droits des humains vivant dans ce village, notre planète.

L'aperçu sur la perspective d'un avenir plus juste et plus " humain " ne justifie cependant pas à lui seul cet engagement en faveur de nos semblables : selon les Baha'is, le souci de voir respectés les droits fondamentaux de l'Homme est enraciné - sinon ancré - dans la réalité religieuse de l'homme et la foi qu'il a en Dieu.


a) L'homme créé "noble"

Malgré la méfiance à l'égard des religions née de certaines dérives, malgré la perte de mémoire du fait religieux notamment dans les pays industrialisés devenus amnésiques de leurs fondements, les Baha'is estiment que depuis les temps immémoriaux où l'Homme a senti la nécessité de donner à ses morts une sépulture, la préoccupation des droits de notre prochain est enracinée dans des références transcendantales. C'est parce que l'Homme créé à l'image de Dieu nous renvoie à une réalité transcendante que le miroir où se reflète l'image de l'homme dégradé, humilié nous est intolérable : cela nous rappelle que l'enjeu est la dignité sacrée de l'être humain " car en lui sont virtuellement révélés, à un degré qu'aucune autre chose créée ne saurait atteindre, tous les attributs et noms de Dieu ".

Pour le Baha'i, cet appel à voir le reflet des qualités de Dieu en l'homme devient une invitation à respecter l'autre et à n'accepter à son encontre ni dégradation physique ou morale ni injustice subie ; cela incite aussi le croyant lui-même à veiller à ne pas être envers soie, l'artisan d'une déchéance personnelle. On pourrait dire que les lois de vie simples que les Baha'is suivent sont des lois d'hygiène de vie pour le respect de leur propre corps considéré comme le temple de l'âme. " Ô Fils de l'esprit, Je t'ai créé noble, pourtant tu t'es abaissé. Elève-toi à la condition pour laquelle tu fus créé. " dit Dieu à sa créature, à travers les Ecrits de Baha'u'llah. La déchéance, la dégradation, l'humiliation d'aucune créature humaine ne peuvent être tolérées. L'être humain ne devrait marquer d'humilité qu'envers Dieu. (pas de confession des péchés, pas de directeur de conscience, pas de clergé, pas d'intermédiaire entre soi et son Créateur).

La responsabilité vis à vis de l'humain - soi-même et les autres - est engagée au premier chef vis à vis de l'enfant. Notre enfant ne nous appartient certes pas, mais lui et tous les autres sont un gage qui nous est confié par Dieu. La responsabilité éducative fait partie, pour les Baha'is d'une priorité vitale : et l'éducation ne se limite pas à l'instruction ou à la connaissance : dans la démarche éducative comme dans la démarche thérapeutique la globalité de l'être est à considérer. Si la dimension spirituelle de l'être est négligée et qu'elle reste atrophiée, ou si la soif de l'absolu est malheureusement déviée, ou qu'elle demeure à jamais inassouvie, on peut considérer les droits légitimes de l'humain bafoués.

La religion baha'ie comme les autres religions cultive le détachement pour les choses de ce monde ; " Connaître et adorer Dieu " donne sens à notre propre existence. Cependant ce n'est pas une religion du renoncement, de la pénitence ou de l'ascétisme : les fruits et les richesses de la terre sont des dons de Dieu. De passage sur cette terre, mais non pas " étranger ", chaque individu, au service de l'humanité, sait jouir des bienfaits divins, doit faire fructifier, dans le partage équitable, les richesses de la terre.


b) Les grandes orientations données par les principes baha'is pour agir en faveur des droits humains

La répartition équitable des richesses et des ressources de la terre, la disparition progressive des extrêmes de pauvreté et de cumul de richesse, la création d'un tribunal international, l'adoption d'une langue auxiliaire universelle, le respect de l'égalité des droits de la femme et de l'homme, la généralisation de l'éducation universelle, la reconnaissance de l'unité du genre humain dans le respect de sa diversité, la conviction de l'unité des religions issues d'un seul et unique Dieu, le nécessaire équilibre entre la science et la religion, la recherche vitale d'une solution spirituelle aux problèmes économiques, tels sont les grands thèmes dont les Baha'is se nourrissent et qui alimentent leur faim d'une plus grande justice en satisfaisant leur désir de voir l'humanité s'épanouir et développer ses riches potentialités. L'abolition de l'esclavage, du travail des enfants, la lutte contre les préjugés raciaux, sociaux, culturels sont des acquis si familiers qu'ils servent maintenant non plus à dénoncer mais seulement à amplifier une voix indignée contre des abus.

La philosophie baha'ie - que 'Abdu'l-Baha développe - souligne que l'être humain est un être doué de raison et de conscience, que sa soif de l'absolu le guide, que sa quête de vérité correspond à une démarche qui tend vers cet absolu sans pouvoir jamais l'atteindre. Cet éclairage permet de donner sa juste place à un principe baha'i central, " la recherche indépendante et personnelle de la vérité ". Au nom de ce principe cardinal, toute intolérance qui brime les consciences devient une atteinte aux droits humains.

Un autre principe " le travaillait dans un esprit de service élevé au rang de prière " donne la mesure de l'engagement du Baha'i dans le service de l'humanité.

Et enfin un survol rapide sur un principe pratique, celui qu'en interne les Baha'is nomment " la consultation ", permettra de donner un aperçu, sur le vif, d'une méthode en action dont le fondement est le respect, l'écoute, la reconnaissance, la valorisation de la parole de chacun et dont la finalité est de trouver des solutions et d'agir au mieux. " La consultation accorde une plus grande vigilance et transforme la conjecture en certitude. Elle est une brillante lumière qui, dans un monde obscur, nous ouvre la voie et nous conduit " dit 'Abdu'l-Baha.

Voici, à l'appui de l'explication de cette méthode, quelques lignes tirées d'un article de H. Danesh " Universal Man and Prejudiced Man, dans la revue World Order - Printemps 1974, P. 23-24)

" L'élément fondamental créé par Baha'u'llah pour la formation et l'épanouissement de l'individu est la consultation. Elle s'applique à tous les domaines d'association humaine, incluant la famille. Les Baha'is sont invités à s'exprimer " dans une totale liberté ", mais " de manière à éviter tout point de friction, de malaise ou de discorde ". Ils sont encouragés à considérer leurs idées comme des contributions offertes au groupe et à s'efforcer de faire abstraction de tout intérêt personnel qui pourrait être rattaché à ces idées une fois qu'elles ont été présentées. La critique d'autrui comme moyen de contrôle social est fortement découragé, que cette critique surgisse au cours de réunions consultatives ou de simples rencontres entre individus. L'esprit de confiance que ce genre de communication produit, engendre en retour un amour réel et un profond sentiment d'unité "


c) Conclusion

En guise de conclusion pour confirmer que l'engagement de chaque Baha'i à oeuvrer pour les droits humains est effectivement inspiré par les figures fondatrices de cette religion révélée, voici deux citations, la première de Baha'u'llah et la deuxième de 'Abdu'l-Baha, l'interprète autorisé de la parole de son père :

"Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre porte en soi la preuve directe des attributs et noms de Dieu, puisqu'en tout atome sont enchâssés des signes qui portent de la révélation de cette grande lumière un éloquent témoignage... Mais cela est surtout - et à un suprême degré - vrai de l'homme, qui, entre toutes choses créées, a été revêtu de la robe d'un tel bienfait, et choisi pour la gloire d'une telle distinction. Car en lui sont virtuellement révélés - à un degré qu'aucune autre chose créée ne saurait atteindre - tous les attributs et noms de Dieu.
C'est en l'homme - la plus noble et la plus parfaite de toutes les choses créées - que se manifeste le mieux la force de cette révélation, et c'est lui qui en exprime le plus complètement sa gloire."

"Nous avons été dotés de sens et de facultés pour les vouer au service du bien commun afin que nous distinguant par rapport à toute autre forme de vie, par la perceptibilité et la raison, nous puissions travailler en tout temps et de toute manière, que l'occasion soit grande ou petite, ordinaire ou extraordinaire, jusqu'à ce que l'humanité entière soit à coup sûr rassemblée dans la forteresse imprenable de la connaissance.
Nous devons constamment établir de nouvelles bases pour le bonheur humain et créer et promouvoir de nouveaux instruments à cette fin.
Combien excellent, combien honorable est l'homme qui se dresse pour affronter ses responsabilités. Combien misérable et méprisable est celui qui ferme les yeux au bien-être de la société et gaspille sa précieuse vie à la poursuite de ses propres intérêts et de ses avantages personnels.
Le bonheur suprême appartient à l'homme et si dans l'arène de la civilisation et la justice, il éperonne le coursier de ses efforts, il verra les signes de Dieu dans le monde et dans son âme ."

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