Médiathèque baha'ie

Tel que je suis, je suis suffisamment bien
Un principe porteur pour l'éducation de l'enfant
Hélène Sander


Retour à la bibliothèque


Le titre choisi pour cette intervention est volontairement provocateur. La phrase " Tel que je suis, je suis suffisamment bien ", peut en effet générer chez celui qui l'écoute ou la lit un sentiment de malaise, voire de contrariété. Elle pourrait en effet être interprétée comme une incitation à une autosatisfaction de mauvais aloi, de nature à installer l'individu dans la complaisance, et à mettre fin à tout effort de progrès. Une telle interprétation paraîtrait logique au regard du discours que la plupart d'entre nous avons entendu durant notre enfance : nous avons été invités à ne surtout pas " nous reposer sur nos lauriers ", et à ne jamais être satisfait de nous-même, de peur de cesser de progresser. L'expérience acquise par la psychologie moderne montre toutefois qu'une telle crainte n'est pas fondée, et qu'il faut au contraire savoir s'accepter pour évoluer en tant qu'individu.
On pourrait naturellement aussi, d'un point de vue religieux, objecter que l'être humain ne peut pas être " suffisamment bien ", ce qui est d'une certaine manière, évidemment vrai, mais tout dépend du point de vue dans lequel on se place, et du sens que l'on donne aux mots.

Il ne s'agit pas, on l'aura compris, de freiner le progrès de l'enfant, bien au contraire, et nous allons préciser ce qu'il faut entendre par ce mode de pensée, car c'en est un.

Le sujet de cette école d'été (163), IDENTITE, INTEGRATION, SERVICE, est extrêmement bien pensé, car il existe entre ces trois notions un lien logique très fort, les deux premières étant nécessaires à la troisième : le sentiment identitaire, i.e. la conscience de son être propre, et le sentiment d'appartenance qu'est l'intégration, sont les éléments qui mènent tout naturellement au service, mais ils en sont aussi des conditions indispensables. Il ne peut pas y avoir de service accompli dans un véritable esprit de service (généreux, désintéressé, mais aussi courageux) lorsqu' identité et intégration n'existent pas chez un individu, et ces éléments doivent se mettre en place de préférence dès l'enfance, même si l'éducation d'un être ne s'arrête pas à celle-ci. Lorsque nous parlerons ici d'éducation, nous nous référerons principalement à celle de l'enfant, mais aussi à celle de l'adulte, l'auto-éducation que nous devons poursuivre tout au long de notre vie, êtres en devenir que nous sommes.

Voici tout d'abord les références de cette intervention :

- Tout d'abord les Ecrits bahá'ís, avec les textes révélés par Bahá'u'lláh, puis 'Abdú'l-Bahá, et les textes du Gardien, Shoghi Effendi.

- La deuxième catégorie de références est celle de la psychologie individuelle adlérienne, avec les travaux de Alfred ADLER (1870-1937), contemporain et collègue de Sigmund Freud et de Ernst Jung, et ceux de son élève Rudolf DREIKURS (1897-1972), et de deux représentants éminents de cette école de psychologie, le regretté Erik BLUMENTHAL (1914-2004) et Theo SCHOENAKER (né en 1932). Selon ce modèle de psychologie, l'être humain est envisagé dans sa dimension sociale, sa " santé " psychologique se mesurant à la qualité de ses rapports avec les autres.

Nous allons maintenant détailler ces trois notions, identité, intégration, et service, et voir leur implication pour l'éducation.

* Identité :

Il ne s'agira pas ici d'entrer dans des considérations philosophiques, l'identité étant une notion très complexe. Nous en resterons à des définitions pragmatiques.

Voici un extrait de la définition du mot " identité " par le Petit Robert (Edition 2004): " Psychol. Identité personnelle, caractère de ce qui demeure identique à soi-même. Problème psychologique de l'id. du moi. Crise d'id. - Identité culturelle : ensemble de traits culturels propres à un groupe ethnique (langue, religion, art, etc.) qui lui confèrent son individualité ; sentiment d'appartenance d'un individu à ce groupe (cf. acculturation, déculturation …) " Un autre aspect évoqué est " le fait pour une personne d'être tel individu et de pouvoir être légalement reconnue pour tel sans nulle confusion grâce aux éléments (état civil, signalement) qui l'individualisent ; ces éléments. ". Plusieurs termes utilisés en français se rapportent à cette identité " légale " ou " bancaire ". Les informations utilisées sur ce type de document pour caractériser un individu, nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, état civil, profession, nom des parents, ou encore taille, couleur des yeux, caractéristiques biométriques, etc. constituent une partie de l'identité de l'individu. Certaines de ces références sont déterminées d'avance et il nous appartient de les accepter et de les apprécier (ses origines, ses parents en particulier, mais aussi sa taille, la couleur de ses yeux, etc…), d'autres dépendent de l'individu, et sont modifiables, telles la profession, la situation familiale, le lieu de vie, etc.
L'identité " culturelle " est par ailleurs un élément important, et qui revêt une importance croissante à l'heure de la mondialisation, mais aussi pour nous bahá'ís, avec l'appréciation de la diversité.

Mais tous ces aspects ne sont que des aspects matériels, et ce ne sont pas ces aspects matériels de l'identité, même si ils sont importants, qui construisent l'individu. Ce qui construit l'individu n'est pas de nature purement matérielle, mais surtout de nature spirituelle.

Ce qui construit l'individu, c'est la conscience de son identité en tant qu'être humain, i.e. la conscience de son rang en tant qu'être humain, et de sa valeur.
Lisons quelques Ecrits de Bahá'u'lláh à ce sujet :

" Le Grand Être dit : Considère l'être humain comme une mine, riche en gemmes d'une inestimable valeur. "
(Baha'u'llah, Extraits des Ecrits, 122,3

" J'ai parfait en chacun de vous ma création pour que l'excellence de mon ouvrage soit pleinement révélée aux yeux des hommes. "
(Baha'u'llah, Extraits des Ecrits, 75)

" Tu es ma lampe, et ma lumière est en toi. Puise en elle ton éclat, et ne cherche nul autre que moi. Car je t'ai créé riche, et sur toi, généreusement, j'ai répandu ma grâce. "
(Baha'u'llah, Paroles Cachées I,11)

Ces Ecrits ont été choisis parmi beaucoup d'autres de contenu similaire.

Ces Ecrits sont valables pour chaque être humain. Ils constituent en quelque sorte une définition de la nature de l'être humain. Dieu a parfait en chacun de nous sa création.
Lorsque nous rencontrons un être humain, nous rencontrons un être en qui Dieu a parfait sa création.
On ne peut pas imaginer que cet écrit " en chacun de vous " exclue qui que ce soit, il est donc bien valable pour chacun d'entre nous.

La perspective ouverte par ces extraits change le regard ! Notre regard sur les autres change également si nous gardons à l'esprit ce que nous dit 'Abdu'l-Bahá :
" Il ne faut voir en chaque être humain que ce qui est digne de louange. Si nous agissons ainsi, nous pouvons être ami de la race humaine tout entière. Si toutefois nous considérons les autres sous l'angle de leurs défauts, alors il devient très difficile d'avoir envers eux une attitude amicale. (…) C'est pourquoi nous devons, lorsque nous portons notre regard sur autrui, voir ce en quoi il excelle, et non ce en quoi il faillit. " (Sélection des Ecrits d'Abdu'l-Bahá n°144 p. 168)

" (Nous devons être unis. Nous devons nous aimer les uns les autres.) Nous devons sans cesse nous louer les uns les autres. Nous devons faire l'éloge de tous, effaçant ainsi la discorde et la haine qui ont causé la désaffection parmi les hommes. "
'Abdu'l-Baha, Promulgation of Universal Peace p. 410 (traduction de courtoisie)

Il nous est difficile de parvenir à ce qui nous est demandé ici, ce qui est normal, parce que nous sommes imparfaits. Cela n'en est pas moins ce vers quoi nous devons tendre, ce dont nous devons nous rapprocher le plus possible.

Pour pouvoir s'en rapprocher, il faut avoir conscience de sa propre valeur.

" Dieu fasse que tous les hommes se tournent vers les trésors cachés dans leur être propre. "
Bahá'u'lláh, Paroles du Paradis, Tablettes p. 75

Un autre extrait met en évidence le lien entre cette connaissance de soi-même et l'action qui peut être celle de l'être humain :

" Si l'homme appréciait l'élévation de son rang et la sublimité de sa destinée, il ferait preuve de bon caractère, d'actes purs et de conduite bienséante et louable. "
Bahá'u'lláh, Lawh-i-Maqsud , Tablettes p. 181

* Identité et éducation :

On sait que l'enfant se forge dans les premières années de sa vie une idée de lui-même, des autres, et de la vie ou du monde en général. Une image qu'il va garder, et qui le marque.
D'où l'importance de faire prendre conscience à l'enfant dès son plus jeune âge de la valeur de l'être humain : dans nos relations entre nous, parents, entre parents et enfants, et dans nos relations avec toutes les personnes que nous rencontrons, et par le respect que nous marquons à chacun.

Il est essentiel de montrer à l'enfant qu'il a une valeur intrinsèque, une valeur que personne ne peut lui prendre, une valeur qu'il lui appartiendra d'utiliser, mais qui existe indépendamment de ce qu'il fait ou ne fait pas.

Cela s'appelle l'encouragement.
L'encouragement est selon 'Abdu'l-Bahá un principe divin :
" Sachez qu'instruire, rectifier et purifier le caractère, donner du cœur et encourager l'enfant sont d'une importance extrême car tels sont les principes divins de base. "
('Abdu'l-Bahá, Compilation sur l'Education bahá'íe p. 19)

Nous savons encourager. Nous félicitons un enfant lorsqu'il a de bons résultats à l'école, en musique, en sport. Nous savons généralement aussi le féliciter lorsqu'il a fait un progrès.

Mais ce ne sont pas ces attitudes-là qui encouragent le plus. C'est une bonne attitude que de féliciter l'enfant dans ces cas-là (cela montre notre intérêt pour lui, et notre participation à ses joies), mais ce n'est pas à ce moment-là qu'il en a le plus besoin. Ce dont il a besoin, c'est de savoir que nous croyons en ses capacités, en ses potentiels, que nous sommes convaincus de l'existence de ces gemmes enfouies dans " la mine de son être essentiel " (Bahá'u'lláh), et de sa capacité à les extraire. C'est de savoir que nous voyons en lui un être dans lequel Dieu a parfait Sa création, un réceptacle de la lumière divine… C'est une forme d'encouragement que l'on peut qualifier d'existentielle, nous encourageons alors l'autre pour ce qu'il est, même en potentialité, et non pas seulement par rapport à ce qu'il fait ou à des résultats. Ce point est important, nous y reviendrons plus loin.

Cela ne veut pas dire qu'il faille être indulgent ou complaisant vis-à-vis de l'enfant. Au contraire. " Enseignez-leur le travail et l'effort, accoutumez-les aux épreuves " nous dit 'Abdu'l-Bahá (Compilation sur l'Education bahá'íe, p. 24)
Cela veut dire qu'il faut demander à un enfant des efforts, ce qui revient à lui montrer que les adultes l'en croient capable. A l'inverse, un enfant à qui on ne demande pas assez d'efforts en déduit qu'il n'est pas capable. Comme en toutes choses, il s'agit de trouver la bonne mesure : demander trop d'efforts aurait l'effet inverse de celui recherché, et découragerait l'enfant.

Une éducation encourageante est donc une éducation que beaucoup de gens considèreraient comme plutôt stricte. Une éducation qui sollicite les enfants, qui les invite à utiliser leur potentiel. Gâter ou surprotéger un enfant, i.e. tout lui fournir sans qu'il ait besoin de faire lui-même un effort, est une des plus grandes erreurs que nous puissions commettre dans l'éducation.

Un autre point très important, car nous savons qu'il constitue le meilleur moyen de se développer, sur un plan spirituel comme matériel, est le respect de la loi, la loi divine tout d'abord :
" Ô mon serviteur ! Obéis-moi et je te ferai semblable à moi-même. "
Bahá'u'lláh, Les quatre Vallées p. 71

Il s'agit donc d'acquérir l'obéissance à la loi divine, et aussi par déduction l'obéissance au gouvernement, aux lois humaines ensuite. L'apprentissage du respect de la loi divine se fait par l'apprentissage du respect de la loi parentale, celle qu'énoncent les parents. Un apprentissage qui doit être précoce.
Selon Bahá'u'lláh (Compilation sur l'Education bahá'íe p. 5), si les enfants n'obéissent pas à leurs parents, cela signifie dans un certain sens qu'ils n'obéiront pas à Dieu. " De tels enfants n'auront de considération pour personne et feront exactement ce qui leur plaît. "

La loi, et en particulier la loi divine, constitue pour l'être humain le cadre dans lequel il se développe harmonieusement. Ce n'est pas un carcan, ce n'est pas une contrainte, mais un cadre qui le protège, et le guide, lui assurant la vraie liberté :
" Dis : Si peu que vous le sachiez, la vraie liberté pour l'homme consiste à se soumettre à mes commandements. Si les hommes observaient ce que Nous leur avons envoyé du ciel de la révélation, ils atteindraient certainement à la liberté parfaite. "
Bahá'u'lláh, Kitab-i-Aqdas 125

A ce propos, lors de l'interview qu'il a récemment donnée à la télévision allemande (août 2006), le Pape Benoît XVI a répondu à une question sur les interdits en recommandant de ne pas considérer les interdits, mais le modèle de vie proposé par la religion - en l'occurrence catholique. Un raisonnement qui peut tout à fait s'appliquer à la foi bahá'íe. Un très bon exemple est à cet égard la famille.

Comment faire pour éduquer l'enfant à ce sens de la loi ?
Ce qui se fait habituellement consiste à repérer les erreurs et à intervenir lorsqu'une erreur est commise. L'apprentissage des règles de l'orthographe est par exemple abordé de cette manière, on souligne la faute. L'apprentissage des règles de comportement est effectué dans la même optique, ce qui n'est pas heureux. En fait, il vaut mieux encourager lorsque l'enfant agit bien plutôt que de nous focaliser sur ce qui va mal.

Un texte d' 'Abdu'l-Bahá résume la conduite à tenir en matière d'éducation:
" Chaque fois qu'une mère constate que son enfant se conduit bien, qu'elle lui fasse des éloges, qu'elle l'applaudisse et réjouisse son cœur mais si le moindre trait indésirable venait à se manifester, qu'elle conseille l'enfant et le punisse, en utilisant des moyens fondés sur la raison et même, en cas de nécessité, une légère réprimande verbale. Il est toutefois inadmissible de frapper un enfant ou de l'humilier. En effet, l'enfant soumis à des coups ou à des insultes aura un caractère totalement dénaturé. "
(Sélection des Ecrits d' 'Abdu'l-Bahá, n°95 p. 124)

En cas de comportement inadéquat, la bonne réponse n'est pas le châtiment corporel, ni une autre forme d'humiliation, mais des " moyens fondés sur la raison ", ou même une légère réprimande verbale. Les moyens fondés sur la raison font appel à la logique : un enfant qui ne veut pas se laver les dents ne peut pas manger de choses sucrées, parce que dans ce cas il développerait des caries - une logique à opposer à la punition de type " puisque c'est comme cela, tu seras privé de bonbons ". La différence réside dans la logique du raisonnement, mais aussi et surtout dans l'esprit dans lequel la conséquence est formulée. Autre exemple : " Puisque tu as une mauvaise note tu seras privé de cinéma " ne constitue pas une punition logique. Par contre, la conclusion d'une concertation avec l'enfant lors de laquelle il est constaté qu'il ne travaille pas assez pourrait être la nécessité de réduire le temps passé devant la télévision. Cette conclusion, logique et formulée sans intention d'abaisser l'enfant, sera beaucoup mieux acceptée par celui-ci.

Il convient de noter que dans ce texte, 'Abdu'l-Bahá évoque en premier l'encouragement de l'enfant lorsqu'il a un comportement adéquat.

Des essais scientifiques ont été menés avec une classe de CP, classe dont les enfants ont naturellement du mal à rester assis longtemps compte tenu de leur âge. Au lieu de réprimander les enfants lorsqu'ils se lèvent, comportement habituel, on a demandé aux enseignants de les encourager lorsqu'ils restent assis. Le résultat est que les enfants se lèvent en moyenne 2 fois moins souvent lorsqu'on les encourage en cas de comportement souhaité que lorsque l'on réprimande le comportement non désiré. (SCHOENAKER, Theo : Mut tut gut p. 116)
La critique, le reproche, ne donnent qu'un résultat de courte durée, et renforcent au contraire le comportement à éviter, en mettant l'accent sur ce comportement-là plutôt que sur un comportement positif. Il y a des enfants à qui il faut dire sans arrêt de faire, ou de ne pas faire quelque chose, alors qu'avec une intelligence normalement constituée, une seule fois devrait suffire… Ils ont tout simplement " programmé " les adultes pour qu'ils réagissent à ce comportement, ce qui leur permet d'attirer leur attention, et/ou de manifester leur indépendance.

* Comment fonctionne l'encouragement ?



Source: Schoenaker/Seitzer/Wichtmann 1995 So macht mir mein Beruf wieder Spa?, p. 103

Commentaire: L'encouragement dans une atmosphère appropriée (i.e. une relation saine entre l'enseignant et l'enfant, car on ne peut pas encourager quelqu'un si cet encouragement n'est pas accepté par son destinataire) permet d'accepter et de faire sien cet encouragement. L'enfant pense alors (dialogue intérieur) : " elle croit en moi ", et intègre " je crois en moi " ; il en déduit " je suis capable ". Il agit ensuite, et s' " auto-encourage " par un dialogue intérieur de type " bien réussi ", " pas mal ", " pas terrible, mais j'ai essayé, la prochaine fois, ce sera mieux ".
L'encouragement devient alors un cercle vertueux.
A l'inverse, le découragement peut fonctionner aussi en cercle, mais avec des conséquences très négatives que nous n'allons pas traiter ici.

Un homme ou une femme qui a été encouragé durant son enfance adoptera ce mode de fonctionnement. Il ou elle aura la faculté de s'auto-encourager plus tard, et il dépendra moins de l'avis des autres, avec lesquels il n'aura pas tendance à se comparer.

- Le courage de l'imperfection

Que permet l'encouragement ?
D'avoir le sentiment d'être à la hauteur, d'être suffisant.
De développer du courage, et en particulier le courage de l'imperfection.

Que dit le Gardien de la perfection, et des progrès que peut faire l'homme ?
" L'élimination complète et entière de l'ego implique la perfection, ce qu'aucun homme ne pourra jamais totalement atteindre. Mais cet ego peut et doit être soumis toujours plus à l'âme éclairée de l'homme. C'est là ce qu'implique le progrès spirituel. "
Extrait d'une lettre écrite de la part de Shoghi Effendi à un croyant, datée du 14 décembre 1941, traduction de courtoisie

Il permet d'accepter le fait qu'en tant qu'être humain je sois nécessairement imparfait, par nature. C'est une règle contre laquelle nous ne pouvons rien.
Face à cette règle, il y a deux attitudes. Accepter, ou ne pas accepter.
Si nous n'acceptons pas cette imperfection, nous allons rester toute notre vie dans l'insatisfaction, en cherchant à atteindre la perfection et en ne nous donnant le droit d'être satisfait qu'une fois qu'elle sera atteinte. Comme elle ne peut pas être atteinte, nous allons penser toute notre vie que nous ne sommes pas suffisamment " bien ". Nous allons redouter l'erreur et ne pas l'accepter, ce qui augmente le risque d'en commettre parce que cela nous focalise sur ce que nous voulons éviter, et nous expose à des tensions, à du stress, à une vie tourmentée, inquiète.

Si l'on imagine un enfant qui apprend à marcher, penserons-nous qu'il est suffisamment bien seulement au moment où il saura marcher, ou est-il déjà suffisamment bien pendant qu'il est en train d'apprendre? 'Abdu'l-Bahá nous dit de ne pas regarder la graine, mais " l'arbre puissant " qu'elle va devenir, (SEA n°40 p. 81 sq.). Nous pourrions appliquer le même raisonnement à l'adulte : si je suis en train de suivre une formation professionnelle, serai-je assez bien seulement lorsque j'aurai fini ma formation ? Ou plus tard, lorsque j'aurai aussi de l'expérience professionnelle ? Ou seulement plus tard encore, si j'ai réussi à gravir les échelons de la hiérarchie ? On le voit, l'insatisfaction permanente est ici programmée.

- L'autre possibilité est de tenir le raisonnement suivant :

"Tel que je suis, je suis suffisamment bien "
" Je suis tel que je suis (i.e. imparfait), et tel que je suis, je suis suffisamment bien. "

NB : importance du mot " suffisamment ". L'énoncé " je suis bien " induirait un risque de comparaison, pour être " mieux ".

" Tel que je suis, je suis suffisamment bien " ne veut pas dire " je ne peux pas être meilleur " (Schoenaker 2006 p. 146). Ce n'est pas non plus une catégorie morale dans le sens de l'opposition " bon " contre " mauvais ". Ce n'est pas nous qui décidons ce qui est bon et mauvais, nous pouvons seulement nous efforcer d'aller dans la direction que nous croyons être celle du bien.

" Suffisamment bien " veut dire ici : " j'ai en moi des caractères divins, j'ai en moi des gemmes d'une valeur inestimable, j'ai en moi des possibilités de développement infinies. Dieu m'a donné tout ce dont j'ai besoin pour cette vie. Dans cette optique, je suis suffisamment bien.
" Je suis suffisamment bien pour réussir ma vie professionnelle, suffisamment bien pour trouver un conjoint, et avoir avec lui une relation de couple harmonieuse, suffisamment bien pour élever mes enfants (non pas en étant un modèle parfait, mais un modèle imparfait), suffisamment bien pour avoir des amis sur qui je pourrai compter et qui pourront compter sur moi, suffisamment bien pour servir la Cause en laquelle je crois. "

Cette phrase veut dire aussi : " J'accepte d'être imparfait, de commettre des erreurs, et je ne vais pas me focaliser sur celles-ci. "

Attitude envers les erreurs :
Tendre vers l'excellence est une bonne chose, c'est une chose qui nous est demandée dans les Ecrits, mais il faut mettre en garde contre le perfectionnisme, qui est une attitude qui est poussée à l'extrême. Que dit le Gardien au sujet des erreurs ?

" Nous devons toujours regarder en avant et chercher à accomplir dans le futur ce que nous n'avons pas réussi à faire dans le passé. Les échecs, les difficultés et épreuves, si nous en usons correctement, peuvent devenir les moyens de purifier nos esprits, de consolider nos caractères et de nous permettre de nous élever vers de plus hauts niveaux de service. "
(Extrait d'une lettre écrite au nom de Shoghi Effendi, 14.12.1941 et adressée à un croyant. Compilation Vivre la vie p. 11).

Il nous faut donc
' regarder en avant. C'est ce que font les musiciens d'un orchestre, aucun musicien ne s'arrête lorsqu'il a fait une fausse note, il regarde la suite de la partition, et il continue de jouer. Certes, il va peut-être retravailler d'ici le prochain concert le passage qui a posé problème. Mais il n'a pas intérêt à se demander si c'était grave, si le public a entendu la fausse note, ou si il a fait mauvaise impression. Sinon il risque de continuer à jouer faux et dans ce cas, c'est à l'ensemble de l'orchestre que cela nuira.

Le musicien est entraîné à passer outre la faute, et à continuer de jouer. Le Gardien nous dit d'ailleurs que chacun d'entre nous se trouve à un poste qu'il ne doit pas abandonner.
C'est un entraînement que nous devrions acquérir aussi. Une telle attitude est à l'opposé de la mauvaise conscience, des sentiments de culpabilité. Sur un plan moral, il est généralement admis que la faute commise est moins grave lorsque son auteur se sent coupable, mais nous n'en savons rien. Par contre, ce que les psychologues sont de plus en plus nombreux à dire, c'est que ce n'est pas le sentiment de culpabilité qui fait avancer l'individu, mais le fait d'être dans un état psychologique suffisamment bon pour avoir la force et le courage de changer ce que l'on a besoin de changer.

Qu'est-ce qui nous met en situation de progresser ?
Le progrès est possible à partir de l'acceptation de soi et de l'imperfection inhérente à notre nature d'humains. Cette acceptation nous permet d'accepter les échecs, et d'en faire le " bon usage " préconisé par Shoghi Effendi. Pour quelqu'un qui n'a pas suffisamment confiance en lui-même, un échec représente une catastrophe, qui l'anéantit.
L'acceptation de soi n'est pas un acte narcissique qui consisterait à se tourner vers soi-même, elle permet au contraire de s'oublier, et de se tourner vers les autres.

Elle permet d'aborder la vie, le travail, avec sérénité, et elle permet la créativité, l'efficacité, l'évolution de l'individu, et elle favorise aussi le sentiment d'appartenance et le don de soi. Elle nous incite à agir :
" Ne vous arrêtez pas à l'examen de vos aptitudes et de vos capacités personnelles, mais fixez plutôt votre regard sur la munificente et parfaite bonté de Dieu, la grâce divine et la puissance du Saint-Esprit - puissance qui transforme la goutte d'eau en océan, et l'étoile en soleil. "
'Abdu'l-Bahá, Sélection des Ecrits n°68 p. 104

" Ne jaugez donc pas le degré de vos aptitudes, ne demandez pas si vous êtes dignes de la tâche : fondez vos espoirs sur l'assistance et la bonté, les faveurs et les dons de Bahá'u'lláh (…) " ibid. n°8 p. 23

Ce mode de pensée favorise le contentement, et la joie.

" En vérité, la chose la plus nécessaire est le contentement en toutes circonstances, il préserve des états morbides et des lassitudes. Ne cédez jamais à la tristesse ni au chagrin, ils sont la cause des plus grandes misères. "
'Abdu'l-Bahá, L'Art divin de vivre p. 103

" La joie nous donne des ailes. Quand nous sommes heureux, notre énergie est plus grande, notre intelligence plus vive et notre compréhension moins voilée. Nous semblons mieux à même d'affronter la vie et de découvrir un champ d'activité utile.
Mais quand la tristesse nous étreint, notre force nous abandonne, nous devenons faibles, notre compréhension diminue et notre intelligence s'obscurcit. "
'Abdu'l-Bahá, Causeries d' 'Abdu'l-Bahá à Paris p. 92 sq.
Nous voyons dans cette citation le lien entre la joie et le fait de trouver un champ d'activité utile, prélude au service.

" Je veux que vous soyez heureux (…), que vous riiez, que vous soyez radieux et que vous vous réjouissiez, pour que d'autres deviennent heureux grâce à vous. "
'Abdu'l-Bahá, Promulgation of Universal Peace p. 218, traduction de courtoisie
Ici apparaît le lien entre le bonheur (qui nécessite un certain niveau de satisfaction !) et le fait que ce bonheur se transfère aux autres.

Relisons une courte prière révélée par 'Abdu'l-Bahá

" O Dieu, rafraîchis et réjouis mon esprit. Purifie mon cœur. Eclaire mes facultés. Je remets toutes mes affaires entre tes mains. Tu es mon guide et mon refuge.
" Je ne veux pas m'abandonner plus longtemps à la tristesse et au chagrin, je veux être débordant de joie et de bonheur
" Je ne veux plus être envahi par l'anxiété ni laisser les tourments m'accabler, je ne veux plus m'appesantir sur les ennuis de la vie. "

" O Dieu, Tu es pour moi un ami plus véritable que je ne le suis moi-même "

La conclusion de cette prière est le service : " Je me consacre à toi, Ô Seigneur "

* Humilité et encouragement:

Et l'humilité dans tout cela ? N'est-ce pas développer son ego, que de raisonner ainsi ?
Voici une réflexion personnelle sur l'humilité. L'humilité signifie savoir que je suis, en temps qu'être humain, infiniment petit face à l'infiniment grand. Mais c'est aussi avoir conscience de l'importance de cet infiniment petit, de cette goutte d'eau que je suis dans un océan, de cette feuille ou de cette branche sur l'immensité de l'arbre, de ce fruit, condamné à disparaître sur un plan matériel, mais qui continuera d'exister sur un plan spirituel. Etre humble ne signifie pas devenir néant, ne signifie pas se rabaisser (alors que nous devons nous élever), mais avoir conscience des proportions, du fait d'être un être humain parmi une infinité d'autres êtres humains, et être impuissant et pauvre, comme nous le reconnaissons chaque jour dans nos prières, impuissant et pauvre lorsque notre regard se tourne vers Dieu.
L'humilité est là lorsqu'un être humain mesure la différence entre son rang, celui de la Manifestation de Dieu et celui de Dieu, et lorsqu'il aborde les autres avec le plus grand respect pour les attributs divins que chacun d'eux renferme.
Et aussi lorsque nous savons repérer où nous en sommes, comme nous le demande Bahá'u'lláh :
" L'homme devrait connaître son propre " moi " et reconnaître ce qui mène à la grandeur ou à la bassesse, à la gloire ou à l'humiliation, à la richesse ou à la pauvreté. "
Bahá'u'lláh, Tarazat, Tablettes p. 34 sq.)

Tout ceci n'enlève rien à la nécessité de travailler, car tout ce qui ne progresse pas régresse, comme nous l'indique 'Abdu'l-Bahá, qui nous propose également l'image de l'oiseau qui ne doit pas cesser de voler.
L'enfant élevé dans l'idée qu'il est, tel qu'il est, suffisamment bien, aura envie de voler.

* Intégration, ou le sentiment d'appartenance :

Le mot " intégration " est ainsi défini par le Petit Robert : " Opération par laquelle un individu ou un groupe s'incorpore à une collectivité, à un milieu (opposé à " ségrégation "). I. politique, sociale, raciale, culturelle (cf. acculturation). I. des Noirs au système d'éducation commun, aux Etats-Unis (cf. assimilation, fusion, incorporation, insertion). Politique d'i. des immigrés. "

En psychologie, cette notion d'intégration est synonyme de sentiment d'appartenance

Il s'agit là d'un besoin essentiel de l'être humain : avoir une place. De fait, tout être humain a une place, car Dieu n'a, nous disent les Ecrits, de préférence pour aucune âme, d'où une égalité de valeur entre les individus, d'où une place pour chacun.
" Aux yeux de Dieu ", déclare-t-il ['Abdu'l-Bahá], " tous les hommes sont égaux. Il n'y a ni distinction, ni préférence pour aucune âme (…) "
'Abdu'l-Bahá, cité par Shoghi Effendi dans L'Avènement de la Justice divine p. 52

Ce sentiment d'avoir ou non une place est subjectif, car objectivement, chaque être humain a sa place, mais il a besoin d'en être sûr, et ce encore plus à une époque où tout le monde lutte pour se faire une place, voire pour prendre la place de quelqu'un d'autre.

Or l'enfant (comme d'ailleurs l'adulte) a besoin de se sentir précieux, important, utile pour les autres, il se pose la question : quelle est ma place, est-ce que je fais partie du groupe, et comment en faire partie ? Ai-je ma place dans la famille (question particulièrement cruciale à l'arrivée de l'enfant suivant) ? Ai-je ma place dans ma classe à l'école, dans mon club de sport ? etc. L'expérience que fait l'enfant à ce moment de son existence est très importante, parce qu'elle va déterminer la manière dont il se situera plus tard par rapport à la collectivité. Il y a des êtres qui trouvent naturellement et facilement leur place partout où ils se trouvent dans la vie, il y a des êtres pour qui c'est plus difficile, et il y a des êtres qui ne la trouvent jamais. Cela peut être dans un domaine précis, par exemple sur le plan familial, ou sur le plan professionnel, cela peut être dans un contexte social, cela peut être aussi partout, avec quelqu'un qui se sent rejeté dans tous les domaines, et qui est aussi dans une attitude de méfiance vis-à-vis des autres.

Ce n'est pas une fatalité, on peut corriger par la suite les représentations mentales qui empêchent quelqu'un de trouver sa place, mais il y a des tendances qui sont acquises pendant l'enfance et qui peuvent se perpétuer si aucun travail n'est fait.

Un élément qui favorise ce sentiment d'appartenance est la conscience de sa valeur en tant qu'être humain membre de la communauté humaine, parce que cette conscience situe déjà l'individu dans son contexte social.
L'adage " je suis, tel que je suis, suffisamment bien " peut se compléter par " et j'ai ma place dans … ma famille, à l'école/ dans ma profession, dans mon équipe de football, dans ma communauté religieuse, dans la communauté humaine étendue à la planète, puisque c'est là notre objectif en tant que bahá'ís.

Un autre élément qui favorise le sentiment d'appartenance est l'attitude des autres.

Comment favoriser ce sentiment chez l'enfant ?

- en lui donnant une attention, mais une attention mesurée, pas excessive (car la demande de l'enfant en la matière est souvent infinie), ni trop peu, ni trop, car il faut favoriser son indépendance, et éviter qu'il n'en vienne à penser qu'il n'a de place que lorsque tout tourne autour de lui.

- avec l'encouragement " existentiel ".

Nous avons parlé de l'encouragement par rapport à l'effort, ou par rapport au succès, mais cet encouragement-là risque d'inciter l'enfant à développer l'idée qu'il n'a sa place que si … il a de très bons résultats, ou si … il répond à certaines attentes. Il n'est pas souhaitable de lier la valeur de quelqu'un à ses résultats, à ses succès, ni même à ses efforts. On connaît les comportements perturbateurs des " mauvais " élèves, qui ne trouvent pas leur place dans une classe.

L'encouragement existentiel est celui que véhicule la phrase " je suis tel que je suis, et tel que je suis, je suis suffisamment bien ". Parce que cette idée nous libère de la comparaison avec les autres. Beaucoup de gens évaluent leur propre valeur en fonction de celle des autres [ou en fonction de leurs propres critères]. S'ils sont " meilleurs " que les autres, ils ont une appréciation positive d'eux-mêmes, s'ils sont " moins bons ", une appréciation négative, avec éventuellement un complexe d'infériorité. Mais la comparaison nous sépare des autres, elle peut faire naître en nous de l'envie, elle peut favoriser la médisance. Savoir que nous n'avons pas besoin de cette comparaison sécurise, et libère l'esprit pour des pensées plus fructueuses. L'individu n'a plus le besoin inquiet de regarder à droite ou à gauche où en sont les autres, il ne se situe pas sur une échelle de hauteur, mais sur un niveau d'égalité de valeur avec les autres, et il pourra alors se réjouir de leur succès...

Il est bon que l'enfant entende ou comprenne, dans notre discours ou notre manière d'être avec lui : " c'est bien que tu sois là, c'est une bonne chose pour nous tous. "

Il en déduira : " Tel que je suis, je suis suffisamment bien, et j'ai ma place … "
et il pourra alors se tourner vers l'autre en ajoutant :
" et toi aussi… "

Il est bon aussi de véhiculer cette idée vis-à-vis des gens que nous rencontrons dans notre vie quotidienne, en particulier ceux auxquels personne ne semble s'intéresser, la dame qui s'occupe des toilettes par exemple, ou le concierge du bâtiment où nous travaillons, etc. Il n'est pas possible de donner leur place aux autres, il appartient à chacun de prendre la sienne, mais on peut aider les autres à avoir conscience de cette place qu'ils ont, de fait. Une telle attitude représente plus que de la gentillesse, et n'est ni de la condescendance, ni de la déférence, mais plutôt une manifestation d'intérêt, de la compréhension pour un problème qui se pose et que la personne n'arrive pas à résoudre, pour les contingences de son travail, etc. Un peu de temps, un mot gentil, une question posée avec intérêt, tout cela favorise le sentiment d'appartenance.

Dans un ouvrage récent (Das Leben selbst gestalten 2006), Theo SCHOENAKER a répertorié des attitudes favorisant le sentiment d'appartenance, à partir d'exemples donnés par les personnes interrogées dans une sorte de sondage:
- venir vers moi
- me sourire
- avoir un geste d’invitation
- un regard aimable
- me faire participer
- se tourner vers moi
- une poignée de main, ou une main sur mon épaule
- me parler
- apprécier mes résultats/progrès
- prendre mes idées au sérieux
- m’écouter
- m’appeler par mon nom
- poser des questions
- humour
- faire quelque chose avec moi
- avoir du temps pour moi

Abdu'l-Bahá nous demande de " faire du bien à chaque personne rencontrée sur le chemin, et être pour elle source de bienfait " (Sélection des Ecrits 1,5 p. 3). Une manière simple de répondre à cette injonction est de veiller à montrer à chaque personne rencontrée qu'elle est importante pour nous

* Service :

Est vraiment un homme celui qui, aujourd'hui, se consacre au service de la race humaine tout entière.
(Bahá'u'lláh, Tablettes révélées après le Kitab-i-Aqdas )

" Est vraiment un homme celui qui … " : nous retrouvons ici la notion d'identité.

Le sentiment d'appartenance qui est vécu dans l'environnement affectif, et dans l'environnement personnel d'un individu, génère une attitude capitale pour la vie sociale, le sens de la communauté (notion mise en évidence par Alfred Adler, " Gemeinschaftsgefühl ").

Avoir le sens de la communauté c'est avoir le souci de la communauté, de la collectivité.
C'est faire en sorte de ne pas salir un lieu public, de ne pas se servir copieusement à un buffet sans regarder si il y aura assez à manger pour les autres, c'est aider la mère de famille qui a du mal à monter des marches avec une poussette ou la personne handicapée, c'est avoir le sens de la coopération, c'est d'une manière générale avoir le souci des autres, et le souci du bien de l'ensemble, ce qui devrait inclure dans notre monde actuel le souci de l'environnement, et ce qui inclut pour nous bahá'ís le souci de faire avancer les plans de la Maison Universelle de Justice, parce que nous pensons que c'est ce dont a besoin l'humanité maintenant, et que ce besoin est urgent.

C'est ce sens de la communauté, allié à la conscience de sa valeur et de ses capacités, qui va mener l'enfant, ou plus tard l'adulte, au service, tout naturellement. Un service qui est abordé avec confiance et courage, et en acceptant de prendre des risques, l'individu n'ayant pas peur de commettre des erreurs, peur ô combien préjudiciable : combien de fois ne faisons-nous pas quelque chose (poser une question, dire une prière …) par peur de ne pas être suffisant ?

Lorsque quelqu'un a un fort sentiment identitaire, et un sentiment d'appartenance lui permettant de dire avec conviction " je suis tel que je suis (i.e. imparfait), et tel que je suis, je suis suffisamment bien, et j'ai ma place dans la communauté humaine ", le service en découle de manière naturelle. La question que se pose l'individu est : " qu'est ce que je peux faire, pour toi, pour vous pour nous ? ".

Le schéma suivant illustre le lien entre encouragement, intégration et service:

Source: Schoenaker/Seitzer/Wichtmann 1995, So macht mir mein Beruf wieder Spa? p. 80

Commentaire: L'encouragement fait naître et renforce le sentiment d'appartenance (dialogue intérieur: " je suis tel que je suis suffisamment bien ", " je suis capable de faire quelque chose ", " on a besoin de moi ", " j'ai ma place ", " je suis important " ..). Le destinataire a alors le courage d'entreprendre quelque chose (" j'y arriverai bien "). Il devient créatif et va apporter sa contribution à l'ensemble. Même sans la reconnaissance par les autres, dont il n'a plus besoin, sa confiance en lui-même, son courage et sa satisfaction vont augmenter, ce qui va augmenter à nouveau son intérêt pour les autres (" que puis-je faire d'autre ? ", et raisonnement en termes de " nous "). Il s'ensuit une attitude d'apprentissage, et l'encouragement de lui-même et des autres.

Qu'entend-on par 'service' ?

" Priez le seul vrai Dieu qu'il vous soit permis de goûter à la saveur des œuvres qui sont accomplies dans son chemin et de participer à la douceur de l'humilité et de la soumission consenties pour l'amour de Lui. Oubliez-vous et tournez vos regards vers vos semblables. Tendez vos énergies vers ce qui peut servir à l'éducation des hommes. "
Bahá'u'lláh, Extrait des Ecrits p. 9

Pour se tourner facilement vers les autres et pour servir, avec l'esprit dans lequel se service doit être accompli, il faut pouvoir s'oublier, i .e. ne pas avoir de souci avec soi-même, ne pas se poser la question de la place que l'on a (intégration), ni celle de la compétence (identité).

* Effet du service sur l'identité et l'intégration :

Il n'y a pas de sens ou d'équation unique " identité + intégration = service ", ces trois aspects jouent l'un sur les autres dans les deux sens :

" Plus nous nous cherchons nous-mêmes, moins nous avons de chances de nous trouver ; et plus nous cherchons Dieu, et nous efforçons de servir nos compagnons, plus nous nous connaîtrons profondément nous-mêmes, et plus nous aurons d'assurance intérieurement. Ceci est l'une des grandes lois spirituelles de la vie. "
Shoghi Effendi, Extrait d'une lettre écrite à un croyant, 18 février 1952, Lights of Guidance n°391 p. 115, traduction non révisée.

Le fait d'être invité à servir (la famille par exemple en ce qui concerne l'enfant) favorise également le sentiment identitaire, et le sentiment d'appartenance de l'enfant, tout comme celui de l'adulte.
Ceci est à rapprocher d'un conseil prodigué par Alfred Adler (1870-1937) à une de ses patientes, qui se plaignait de toutes sortes de choses : pendant 15 jours, elle devait tous les jours s'occuper de quelqu'un de malheureux, ce qui avait pour but de détourner son attention de sa personne, tout en lui faisant prendre conscience de son importance pour les autres.

Voici une avant-dernière citation :
" Lorsque l'être humain peut être un bon camarade pour tous et qu'il contribue par un travail utile et un mariage heureux au bien de l'ensemble, il ne se sentira jamais inférieur ni opprimé par les autres ! Il se sentira chez lui dans l'Univers, vivant dans un lieu agréable, parmi des gens qu'il apprécie, et capable de résoudre toutes les difficultés. Il aura le sentiment que ce monde est son monde, qu'il doit agir et organiser les choses, et non attendre en regardant. Il sera totalement certain que l'époque actuelle n'est qu'une des nombreuses époques de l'histoire de l'humanité et qu'il fait partie de l'histoire humaine dans sa totalité - passé, présent, avenir - ; Mais il saura aussi que ce n'est qu'ici et maintenant qu'il peut jouer son rôle créateur et apporter sa contribution au développement de l'humanité. Certes, il y a dans ce monde de la souffrance, des difficultés, des préjugés et des malheurs, mais ce monde est le nôtre, et ses bons comme ses mauvais côtés nous appartiennent. Nous pouvons travailler à l'amélioration de ce monde et nous pouvons espérer que les choses avancent, si chaque individu qui accomplit sa tâche de la bonne manière, apporte sa contribution à son amélioration. "

Ce texte pourrait tout à fait être un texte bahá'í, du point de vue de son contenu. Il date de 1931, et pourrait être comparé à différents textes du Gardien. Son auteur est Alfred Adler, et il est tiré du livre Wozu leben wir ? (" Quel est le but de notre vie ", Fischer Verlag p. 204, cité par Theo SCHOENAKER, Das Leben selbst gestalten, RDI-Verlag 2006, p. 242).

Ce texte est plein d'espoir. Notre monde est tel qu'il est, nous sommes tels que nous sommes, mais nous avons tout ce qu'il faut pour agir, chacun d'entre nous a le potentiel nécessaire, et nous l'avons aussi en tant que communauté. C'est à nous d'agir pour le bien de tous, et nous sommes " suffisamment bien " pour le faire, il faut seulement que nous en soyons conscients.

Nous terminerons avec une citation d' Abdu'l-Bahá, notée par un témoin lors d'un mariage, 'Abdu'l-Bahá adresse aux mariés, un souhait qui est ici repris pour nous tous :

" Puisse la joie croître en vous au cours des années, et puissiez-vous devenir des arbres florissants portant de délicieux fruits parfumés qui sont des bénédictions dans le sentier du service."
('Abdu'l-Bahá, 'Abdu'l-Bahá à Londres, 2.23)

Bibliographie (ouvrages autres que les Ecrits bahá'is)

ANDRE, Christophe : Imparfaits, libres et heureux - Pratiques de l'estime de soi, Editions Odile Jacob, 2006
DREIKURS, Rudolf : Le Défi de l'Enfant, Editions Robert Laffont
DREIKURS, Rudolf : Psychology in the Classroom, Manual for Teachers, Harper & Collins (disponible sur Amazon)
NELSEN, Jane: Positive Discipline, reviewed and updated 2006 (disponible sur Amazon)
SCHOENACKER, Theo, SEITZER, Julitta, WICHTMANN, Gerda: So macht mir mein Beruf wieder Spa? - Ein Selbsthilfebuch für Erzieherinnen, Kösel Verlag 1995
SCHOENAKER, Theo : Mut tut gut - ich wei?, ich bin okay, Horizonte Verlag, 4. Aufl. 1995

Retour à la bibliothèque