Histoire d'Ahmad (à qui Baha'u'llah adressa
la fameuse "Tablette d'Ahmad")
Il y a deux tablettes qui portent chacune le nom d'Ahmad: l'une est en persan,
l'autre en arabe. C'est cette dernière qui est en usage à travers le monde baha'i
et c'est de cette dernière aussi que le Bien-aimé Gardien a dit qu'elle était
dotée d'un pouvoir spécial.
La tablette en persan est longue et a été écrite à l'intention d'Ahmad de Kashan.
Haji Mirza Jani qui fut le premier homme à embrasser la foi du Bab à Kashan, chez
qui le Bab séjourna quelques jours (l), et qui tomba finalement martyr à Tihràn,
avait trois frères. L'un d'eux ne fut jamais disposé à embrasser la foi de son
frère, bien que celui-ci se donna beaucoup de peine pour la lui enseigner. Il
resta musulman et mourut comme tel. Le second s'appelait Ismai'l et a été surnommé
par Baha'u'llah "Dhabih (2) (le Sacrifié), et aussi "Anis" (le Compagnon); le
troisième qui alla à Baghdad s'appelait Ahmad. Ce dernier resta avec la Beauté
antique et eut l'honneur d'être de ceux qui furent choisis par lui pour l'accompagner
dans son exil à Istanbul.
Mais malheureusement, les nombreuses épreuves amenèrent cet Ahmad à quitter le
droit chemin et à se ranger du côté d'Azal. Il causa alors beaucoup de souffrances
à la Beauté bénie, à sa famille et à ses amis. Dans le but de mettre en garde
cet homme contre ses mauvaises actions et leurs conséquences néfastes pour la
foi naissante, Baha'u'llah lui envoya cette longue tablette en persan qui est
pleine d'exhortations, d'éclaircissements sur le pouvoir divin et de conseils
quant aux agissements et au comportement d'un vrai chercheur. Ahmad resta négligent,
ne fut pas ému et ne changea pas, mais lorsqu'il trouva qu'il ne pouvait plus
vivre en Turquie, il retourna en 'Iraq où il retrouva ses anciens compagnons et
reprit avec eux sa vie inique. L'une de ses pires habitudes était d'insulter les
gens et de les maudire dans un langage des plus vils et des plus acerbes. Dans
l'une de ses disputes avec ses amis pervers, il les blessa avec son langage cinglant
et ses victimes le tuèrent une nuit, afin de se débarrasser de lui.
Des passages de la tablette en persan se trouvent repris dans les "Extraits des
Ecrits de Baha'u'llah". (3)
* Ahmad commence sa recherche
Quant à l'autre Ahmad en l'honneur de qui la "tablette" bien connue fut révélée,
il naquit à Yazd aux environs de 1805 dans une famille noble et riche. Son père
et ses oncles étaient des notables de la ville, mais, à l'âge de quatorze ans
déjà, Ahmad montrait un grand penchant pour le mysticisme et s'efforçait de trouver
de nouveaux sentiers menant à la vérité. A l'âge de quinze ans, il avait déjà
commencé ses investigations au cours desquelles il devait apprendre qu'il y avait
des saints ou des hommes pieux qui connaissaient des prières spéciales dont la
lecture et la répétition un nombre déterminé de fois, et en respectant certains
rites, permettaient définitivement au lecteur de contempler la face du Qa'im promis
(le Messie). Cela ranima la flamme de ses désirs ardents sans cesse croissants.
Il commença à pratiquer une vie d'ascète, faite de longues prières, de jours consécutifs
de jeûne et de retraite, vivant à l'écart des gens et du monde. Ses parents et
ses proches n'approuvèrent jamais ces pratiques, ils ne lui permirent pas non
plus de poursuivre cette retraite qui était contraire à leur façon de vivre et
à leurs ambitions. Semblable opposition ne pouvait être tolérée par un homme tel
qu'Ahmad qui était de toute son âme attentif dans ses efforts, afin de parvenir
au désir de son coeur : la réunion avec son éternel Bien-aimé. Aussi, un matin
de bonne heure, il fit un petit bagage de ses habits et de ce qui lui appartenait
et sous le prétexte d'aller au bain public, il quitta la maison de son père et
commença sa recherche de la manifestation divine.
Dans un accoutrement de mendiant, il erra de village en village, menant une conduite
irréprochable, et partout où il trouvait un "pir" (chef spirituel), il s'asseyait
à ses pieds avec une grande dévotion, dans l'espoir de trouver un chemin vers
les mondes mystérieux de la vérité.
Il suppliait invariablement ces maîtres de lui donner une prière spéciale dont
la lecture le rapprocherait de la cour de son Bien-aimé. Chaque fois que quelqu'un
lui suggérait une pratique quelconque, il était tellement ardent dans sa recherche
qu'il mettait immédiatement en pratique les instructions reçues avec une sincérité
absolue quelqu'ardues et longues que fussent de telles pratiques. Mais tout cela
ne servit à rien.
Perdant l'espoir et la foi dans de telles recherches, il se mit en route vers
l'Inde, pays bien connu pour ses enseignants mystiques et ses ermites aux pouvoirs
spéciaux et aux dons spirituels. Il atteignit Bombay et s'y établit, toujours
à la recherche de quelqu'un qui lui donnerait un aperçu fugitif de la cour glorieuse
du Promis.
On lui dit que si quelqu'un faisait des ablutions spécifiques, se vêtait d'habits
d'un blanc immaculé, se prosternait et répétait le verset du Qur'an "Il n'y a
pas d'autre Dieu que Dieu", douze mille fois, il atteindrait définitivement ses
desseins et le désir de son coeur. Ahmad se prosterna pendant des heures pour
répéter le verset susmentionné douze mille fois, non pas à une seule reprise,
mais de nombreuses fois, et se trouva cependant encore dans l'obscurité.
Découragé, il retourna en Perse mais n'alla pas dans sa ville natale de Yazd.
Il s'établit dans la ville de Kashan et commença son métier de tailleur dans lequel
il excellait. En peu de temps, il devint un homme d'affaires ayant très bien réussi;
mais dans le plus profond de son coeur, c'était encore un homme qui cherchait
sans relâche.
* Un étranger montre la voie
"Frappez, et l'on vous ouvrira", "demandez et l'on vous accordera". Aucun vrai
chercheur n'est jamais revenu de sa porte de miséricorde insatisfait ou sans réponse.
Ce fut ici à Kashan que les rumeurs concernant un homme, qui se proclamait la
Qa'im promis, parvinrent à ses oreilles. Persévérant dans ses efforts et sincère
dans sa recherche, il s'adressa à beaucoup de personnes dans de nombreuses voies
différentes. Nul ne pût lui donner un indice pour le guider.
C'est alors qu'un jour un voyageur inconnu arriva dans cette ville et s'établit
dans la même auberge où Ahmad avait installé son affaire florissante. Une voix
intérieure poussa Ahmad à se rapprocher de cet inconnu. Au cours de leur conversation,
il interrogea le voyageur au sujet de la rumeur qui prenait de l'ampleur. "Pourquoi
me posez-vous cette question ?" demanda le voyageur. "Je veux savoir si c'est
vrai. Si cela est exact, je la suivrais de toute ma force" fut la réplique d'Ahmad.
Le voyageur, avec un sourire de triomphe sur son visage, lui dit d'aller dans
le Khurasan trouver un certain érudit fameux nommé Mulla Abdu'l Khaliq qui lui
dirait toute la vérité.
Le lendemain même de ce jour, Ahmad était sur le chemin de la province du Kkurasan.
Les boutiquiers voisins furent très surpris lorsqu'ils ne trouvèrent pas Ahmad
à son travail comme à l'accoutumée. "Que s'était-il passé entre lui et le voyageur
inconnu ?" se demandaient-ils l'un à l'autre, et personne ne connaissait la vraie
réponse.
Ahmad traversa les déserts et les montagnes à pied, le coeur débordant de joie
et d'ardeur. Chaque pas qu 'il faisait le rapprochait du moment où tous ses efforts
seraient couronnés du succès tant désiré - sa réunion avec son Bien-aimé, pour
la recherche de la présence duquel il n'épargnait aucun effort et ne trouvait
aucun sacrifice assez grand.
Il atteignit Mashhad, dans le Kburasan, épuisé et si malade qu'il dut s'aliter.
Après deux mois de lutte pour surmonter sa faiblesse, il rassembla ses dernières
forces et ce qui lui restait de courage et alla directement à la porte de la maison
désirée. Voici ses propres mots tels qu'il les a rapportés à ses amis et compagnons
de l'époque. "Lorsque j'atteignis la maison, je frappai à la porte et le serviteur
de la maison m'ouvrit. Tenant la porte entrouverte, il me demanda : "que voulez-vous
?" "Je dois voir ton maître", répondis-je. L'homme retourna à l'intérieur de la
maison et vint ensuite le mulla en personne.
Il m'introduisit dans la maison et lorsque nous nous trouvâmes face à face, je
lui expliquai tout ce qui m'était arrivé. Lorsque j'eus fini, il me saisit brusquement
par le bras et me dit : "Ne dites pas de pareilles choses ici" et il me poussa
hors de la maison. Mon chagrin n'avait pas de limite. Le coeur brisé et ébahi,
je me demandai si tous mes efforts avaient été vains. "A qui dois-je m'adresser
? Vers qui dois-je aller ?... Mais je ne lâcherai jamais cet homme. Je persisterai
jusqu'à ce qu'il m'ouvre son coeur et me guide vers le droit chemin de Dieu. Il
faut que celui qui cherche boive jusqu'à la lie la coupe amère de la souffrance."
Le matin suivant, j'étais de nouveau à la porte de la même maison. Je frappai
plus fort que le jour précédent. Cette fois, le mulla lui-même vint m'ouvrir la
porte et lorsque celle-ci fut ouverte, je dis : "Je ne m'en irai pas, je ne vous
laisserai pas avant que vous ne me disiez toute la vérité". Cette fois-ci, le
mulla trouva que j'étais sérieux et honnête. Il était désormais sûr que je n'étais
pas venu à sa porte pour l'espionner ou être la cause de difficultés pour lui
et ses amis."
Ahmad reçut alors comme instruction d'assister aux prières du soir à une certaine
mosquée où le même mulla menait les prières en commun qu'il faisait suivre d'un
long sermon. On lui dit aussi de suivre le mulla à la fin de son sermon. La nuit
suivante, Ahmad fit son possible pour trouver le mulla après la prière mais une
foule de gens entourait celui-ci et Ahmad n'eut même pas la moindre chance de
l'approcher. Le jour suivant, lorsqu'ils se rencontrèrent de nouveau, Ahmad reçut
comme instruction de se rendre à une autre mosquée à la nuit tombante et là une
troisième personne l'attendrait pour lui montrer le chemin. En conséquence, Ahmad
se rendit à la mosquée au coucher du soleil et comme promis, après les prières
du soir, une certaine personne vint à lui et lui fit signe de le suivre. Sans
hésitation ni peur, Ahmad la suivit. Maintenant, les trois hommes commencent à
marcher comme des ombres dans les ténèbres de la nuit, à travers des rues étroites
et obscures. Ahmad, totalement étranger, n'hésita jamais, ne chancela pas, ne
s'enfuit pas non plus. Il faisait chaque pas avec grande détermination et était
prêt à n'importe quel dénouement.
Finalement, ils atteignirent une certaine maison. Ils frappèrent très doucement
à la porte et on leur ouvrit aussitôt. Les nouveaux venus entrèrent très rapidement
; par des passages couverts, ils atteignirent une petite cour, montèrent quelques
marches et se trouvèrent à l'étage à la porte d'une chambre où un personnage très
digne se trouvait assis. Le mulla s'approcha de cette personne révérée, avec beaucoup
d'humilité et de respect et chuchota courtoisement : "C'est l'homme dont je vous
ai parlé" et montra du doigt Ahmad qui se tenait au seuil de la porte avec énormément
de respect et d'impatience. "Bienvenue, veuillez entrer et vous asseoir" dit l'homme.
Ahmad entra alors dans la chambre et s'assit sur le plancher.
L'hôte n'était autre que le grand Mulla Sadiq (le Véridique), l'un des premiers
croyants durant le ministère du Bab et homme très distingué par son érudition,
son audace et sa fermeté. Pendant le ministère de Baha'u'llah, le même Mulla Sadiq
(le Véridique) fit preuve d'une ardeur telle et d'un zèle si grand, qu'il reçut
de Baha'u'llah le titre d'Asdaq (le plus véridique).
* Un trésor est trouvé
Ahmad qui, pendant vingt-cinq ans, avait erré dans les vallées de la recherche
et n'avait trouvé, nulle part, même pas une goutte pour étancher sa soif, trouve
à présent un sentier qui le mène à la source principale. Avec des lèvres desséchées
et une aspiration inassouvie, il boit aux flots parfumés et doux des versets de
Dieu qui découlent de sa nouvelle manifestation. Trois séances suffisent pour
qu'il embrasse la foi de tout son coeur et de toute son âme. Il est si enivré,
si exalté et si enthousiaste qu'Asdaq l'exhorte à retourner dans sa famille à
Kashan et insiste sur le fait qu'il ne doit mentionner la foi à personne, même
pas à sa propre femme.
En ces jours, la cause naissante de Dieu était confrontée à de grands dangers.
Le peu de croyants recrutés parmi les gens pauvres du monde étaient tout le temps
l'objet de nombreuses atrocités. Même l'air était imprégné de suspicion, d'espionnage
et de calomnies. Dès lors les amis devaient être très attentifs de peur que le
moindre acte imprudent ou même une parole dépourvue de sens n'allumât une conflagration
sans fin qui eût pu consumer les croyants dans sa flamme.
Asdaq, sachant combien Ahmad avait souffert, devina qu'il n'avait pas d'argent
pour retourner chez lui; il lui donna un petit cadeau pour sa famille et la somme
de trois tumans (un dollar) et lui conseilla d'agir avec beaucoup de sagesse.
Commentant son retour à Kashan, Ahmad raconte ; "Lorsque j'atteignis Kashan, tout
le monde me demanda ce qui m'était arrivé pour avoir tout abandonné si brusquement.
Je leur dis : "J'aspirais tellement à faire un pèlerinage que je n'ai pu y résister
et j'ai eu bien raison. Quoi d'autre pouvait m'arracher à mon travail, à ma maison
et à ma famille sinon cette aspiration qui vient du plus profond de soi-même ?
Dès l'instant où j'entendis ces paroles de la bouche du voyageur, il n'y eut plus
de répit pour moi."
A Kashan, il reprit son travail mais n'aspirait qu'à enseigner la foi. Il apprit
par une certaine rumeur qu'un nommé Haji Mirza Jani avait changé de foi et était
devenu le disciple d'une nouvelle religion obscure. Il alla trouver ce dernier
et lorsque les deux hommes furent face à face, il n'y eut plus de fin à leur joie
et à leur émotion. Ils devinrent bien vite amis et compagnons constants et les
premiers et seuls Babis de cette ville.
Un jour, Haji Mirza Jani vint chez Ahmad pour lui demander avec un grand enthousiasme
et une émotion incontrôlée : "Voudrais-tu voir le visage de ton Seigneur ?" Le
coeur d'Ahmad bondit de joie. Plein d'allégresse et d'extase, il se leva aussitôt
de son siège et demanda : "Comment et quand ?" Haji lui expliqua quels arrangements
il avait pris avec les gardes pour avoir le Bab comme hôte pendant deux ou trois
nuits. Ahmad se rendit, dès lors, à l'heure indiquée, à la maison de Haji. Quand
il entra, ses yeux tombèrent sur un visage dont la beauté dépassait celle du ciel
et de la terre. Un jeune siyyid était assis et exprimait tant de douceur, de grandeur
et de majesté que personne ne pouvait s'empêcher de voir dans ses traits la lumière
de Dieu. Quelques membres du clergé et des dignitaires de la ville étaient assis
par terre en cercle, et les serviteurs se tenaient debout à la porte.
L'un des mullas fixa le Bab et lui dit : "On nous a dit qu'un jeune homme à Shiraz
s'est proclamé le Bab, est-ce vrai ?" "Oui", répondit le Bab. "Est-ce qu'il révèle
aussi des versets ?" demanda le même homme. Le Bab répondit : "Et nous révélons
aussi des versets."
Ahmed raconte plus loin : "Cette réponse claire et courageuse était suffisante
pour quiconque avait des oreilles pour entendre et des yeux pour voir afin de
trouver immédiatement toute la vérité. Son beau visage et la puissance de ses
paroles ainsi que sa présence suffisaient a tout. Mais lorsqu'on servit le thé
et qu'on offrit une tasse au Bab, il la prit aussitôt, appela le domestique du
même mulla et la lui donna avec beaucoup de bonté. Le jour suivant, ce même serviteur
humble vint à moi et avec énormément de regret déplora la stupidité de son maître.
Une petite explication concernant le rang du Bab l'amena à se rallier à nous et
notre nombre s'éleva à trois."
Ce petit noyau commença à croître et le nombre des adhérents devint de plus en
plus grand. Cela mit en courroux le clergé qui faisait l'impossible pour arrêter
le flot de ce courant de vie déjà puissant. Il poussa la foule ignorante et cruelle
à piller, confisquer et tuer tous ceux qui portaient le nom du Bab. Chaque jour
elle allait à la maison de l'un d'entre eux et sa haine était si grande qu'elle
en cassait les portes et les fenêtres, détruisant et pillant l'immeuble, et emportant
le contenu comme butin. Le soir on trouvait les corps des personnes tuées dans
les rues et les ruelles et même disséminées dans les montagnes et les plaines
avoisinantes. Cela dura longtemps et la maison d'Ahmad ne fut pas épargnée. Il
dut alors se cacher dans une tour pendant quarante jours, tour où les amis lui
apportaient de la nourriture et dos provisions.
* Voyage à la demeure de la paix
Trouvant que la vie devenait insupportable à Kashan et ayant appris que Baghdad
était devenu le point d'attraction, Ahmad décida d'y aller. "Et Dieu appela à
la demeure de la paix (Baghdad) et II guida celui qu'Il voulut dans le droit chemin."(4)
Dans l'obscurité de la nuit, Ahmad sortit de sa cachette, escalada le mur de la
ville et se mit en route pour Baghdad. Il voyagea à pied, plein d'amour, d'enthousiasme
et d'ardeur pour contempler la face de celui que Dieu manifesterait. Chemin faisant,
il rencontra un autre homme qui voyageait dans la même direction que lui. De crainte
d'être molesté plus loin, Ahmad essaya d'ignorer l'étranger ne soufflant même
pas un mot ; mais l'homme continua à marcher à ses côtés. Prenant grand soin de
ne jamais faire allusion à la foi ou au but de son voyage, Ahmad atteignit sa
destination en même temps que son compagnon de voyage. A leur arrivée à Baghdad,
ils se séparèrent et Ahmad se mit immédiatement à la recherche de la maison de
Baha'u'llah. Lorsqu'il trouva la maison et y entra, il découvrit à son grand étonnement
que son compagnon de route s'y trouvait également. Il comprit alors que son ami
était aussi Babi et qu'il s'était mis en route pour atteindre la présence de la
Beauté bénie.
* Ahmad en présence de Baha'u'llah
C'était un nouveau souffle que prenait cette expérience pour un homme comme Ahmad
qui, tout au long de sa vie, avait cherché cette immense source spirituelle. Quand
pour la première fois, il découvrit l'expression juvénile de Baha'u'llah, son
visage aux fraîches couleurs et son pouvoir pénétrant, il en fut ébahi. Il ne
reprit ses sens que lorsque la Beauté ancienne lui fit gaiement la remarque suivante
: "II devient Babi pour sa cacher finalement dans une tour!"
Baha'u'llah lui permit de rester à Baghdad et de s'établir tout près de lui. Ahmad
installa aussitôt sa petite machine à coudre et devint l'homme le plus heureux
du monde. Que peut-on attendre d'autre ? Vivre à l'époque de la manifestation
suprême de Dieu, l'adorer, être aimé de cette manifestation et être si près d'elle
par le coeur et par l'âme même pour la résidence.
Lorsqu'on lui demanda une fois ce qui s'était passé pendant les années écoulées
si près de Baha'u'llah, il dit avec des larmes dans les yeux "que les événements
de ces années-là étaient innombrables, grands et dotés d'une puissance extrême.
Nos nuits étaient remplies d'épisodes inoubliables. Ce que nous vivions était
gai et parfois triste ; c'était cependant au-delà du pouvoir de description de
quiconque. Par exemple (5) un jour, lorsque la Beauté bénie se promenait, un officier
du gouvernement s'approcha de lui et lui dit qu'un de ses disciples avait été
tué et que son corps avait été jeté sur le bord du fleuve. La Langue du pouvoir
et de la puissance répondit : "Personne ne l'a tué. A travers soixante-dix mille
voiles de lumière, Nous lui avons montré la gloire de Dieu, et ce dans une mesure
plus petite que le chas d'une aiguille; il lui a été impossible de supporter le
fardeau de sa vie et il s'est offert en sacrifice."
Lorsqu'on transmit à Baha'u'llah le décret du calife et qu'il dut quitter Bagdad
pour Istanbul, il abandonna la ville le trente-deuxième jour après Naw-Ruz pour
aller au jardin du Ridvan. Ce même jour, le fleuve déborda et ce n'est qu'au neuvième
jour qu'il fut possible aux membres de sa famille de le rejoindre dans ce jardin.
Le fleuve déborda alors une deuxième fois et ne se retira que le douzième jour.
C'est alors que tous le rejoignirent.
Ahmad supplia Baha'u'llah de l'inclure parmi ses compagnons d'exil, mais Baha'u'llah
n'accéda pas à sa demande et se choisit un petit nombre de personnes et dit aux
autres de rester pour enseigner et protéger la couse, soulignant le fait que cela
serait meilleur pour l'intérêt de la foi de Dieu. Lors de son départ, tous ceux
qui allaient rester en arrière se tinrent debout, en rang, et tous étaient si
débordés de chagrin qu'ils éclatèrent en sanglots. Baha'u'llah s'approcha à nouveau
d'eux et les consola en disant : "Cela est meilleur pour la cause. Quelques-uns
de ceux qui m'accompagnent sont susceptibles de faire du tort ; c'est pour cela
que je les prends avec moi." L'un des amis pouvait à peine contrôler son extrême
souffrance et son chagrin. Il s'adressa a la foule en récitant le poème de Sa'di
: "Levons-nous pour pleurer, comme des nuages de printemps, le jour où les amants
sont séparés de leur Bien-aimé, on peut même entendre se lamenter les pierres."
Baha'u'llah dit alors : "Cela a été dit pour ce jour". Il monta alors sur son
cheval et l'un des amis plaça un sac de pièces de monnaie devant la selle. Baha'u'llah
commença à les distribuer aux pauvres qui se trouvaient là et qui se lamentaient.
Lorsqu'ils coururent vers lui et se poussèrent l'un l'autre, il plongea sa main
dans le sac et jeta toutes les pièces par terre en disant : "Prenez-les vous-mêmes."
Ahmad vit son Bien-aimé disparaître de la vue vers une destination inconnue. Il
ne pouvait pas imaginer qu'il était comme le soleil allant vers le zénith de son
pouvoir et de sa puissance. Le coeur triste et l'âme dans une détresse totale,
il retourna à Baghdad qui lui semblait désormais dépourvue de toute attraction.
Il essaya de se rendre heureux en réunissant, les amis et en les encourageant
à se disperser pour enseigner la foi qui venait d'être proclamée. Bien que servant
activement la cause, il n'était cependant pas heureux. La seule chose qui pouvait
le rendre heureux était la proximité de son Bien-aimé.
* La tablette est révélée
Après quelques années, il quitta à nouveau sa maison et son travail et se mit
en route à pied vers Andrinople, la ville de son amour et de non désir. A son
arrivée à Istanbul, il reçut une tablette de Baha'u'llah qui est bien connue à
présent sous le nom de "Tablette d'Ahmad". C'est ainsi qu'il décrit comment il
la reçut ; "Je reçus la tablette du "Rossignol du paradis", la lus et la relus
et je finis par découvrir que mon Bien-aimé voulait que je parte enseigner la
cause. Dès lors je préférai lui obéir plutôt que d'aller le visiter."
Ahmad était spécialement chargé de voyager à travers la Perse, de retrouver les
vieilles familles babies pour leur transmettre le nouveau message du Seigneur.
C'est de là d'ailleurs que vient la glorieuse référence faite au Bab dans cette
tablette. La tâche était ardue, au-delà de toute description, d'où les exhortations
telles que : "Sois une flamme ardente pour mes ennemis et un fleuve de vie éternelle
pour mes bien-aimés, et ne sois pas de ceux qui doutent." Le chemin qu'il devait
parcourir devait être plein de sang, d'épines et de souffrances de tous genres
mais suivi de promesses de victoires si enthousiasmantes telles que : "Si tu es
atteint par l'affliction dans mon sentier ou couvert d'opprobre par amour pour
moi, n'en sois pas troublé."
Avec cette amulette divine en sa possession, un petit morceau de papier qui avait
été doté par Baha'u'llah "d'une puissance et d'une signification spéciales", et
vêtu de simples habits de mendiant, Ahmad retourna en Perse. Il entra dans le
pays par la région où le Bab avait été emprisonné et martyrisé et traversa cette
région comme une brise vivifiante. Beaucoup de Babis purent ainsi voir le soleil
qui brillait d'Andrinople et même beaucoup de musulmans embrassèrent de tout leur
coeur la foi.
* La bonne nouvelle de la proximité de Dieu
Ahmad devint l'incarnation de sa propre tablette. Une persévérance, un esprit
indompté, une ténacité, une fermeté comme les siennes, cela se trouvait rarement
dans les annales de la cause. Lorsqu'il rencontrait un sympathisant, même si cela
lui eût apporté des afflictions et des avilissements, il retournait autant de
fois qu'il fallait pour épuiser la question qu'il avait laissée à moitié débattue.
Par exemple, lorsqu'il voyageait à travers la province du Khurasan, il alla chez
une famille Babie bien connue à la tête de laquelle se trouvait un personnage
aussi important que Furughi (6), l'un des survivants du soulèvement de Tabarsi.
Ahmad entra chez eux, petit à petit ouvrit le sujet et dans des termes très francs,
vigoureux et emphatiques il expliqua que celui que Dieu devait manifester n'était
autre que Baha'u'llah dont la lumière était alors en train de briller de l'horizon
de la "lointaine prison" - Andrinople.
Furughi qui avait si audacieusement combattu à "Tabarsi, commença ici aussi une
bataille. Au fil des heures, la discussion devint de plus en plus intense. Furughi
se fâcha très fort, attaqua Ahmad, lui cassa une dent et le jeta hors de la maison.
Ahmad quitta la maison le coeur brisé; mais intrépide, il y retourna plus tard,
frappa à la porte et dit qu'il ne partirait pas avant d'avoir épuisé le sujet
et d'être arrivé à quelque conclusion définitive.
Nous ne devons pas oublier que les babis étaient dans un péril si grand que même
un morceau de papier portant les versets du Bab trouvé dans une maison, suffisait
pour que la maison soit détruite et que ses habitants soient envoyés en prison
ou même que leurs noms allongent la liste des martyrs. Dès lors, tous les amis
cachaient leurs livres et leurs écrits dans les murs de leur maison. Lorsque Ahmad
alla chez les Furaghi pour la deuxième fois afin de reprendre la discussion, il
dit avec emphase que le plus grand nom BAHA avait été souvent mentionné par le
Bab dans tous ses écrits. Furughi contesta la vérité de cette déclaration. Pour
prouver à Ahmad que c'était faux, il brisa une partie du mur et sortit une liasse
de papier contenant les écrits du Bab et promit de ne pas contredire les textes
explicites. Ahmad raconte : "Le tout premier écrit que nous ouvrîmes faisait référence
au nom de BAHA. "Comme promis, Furughi et tous les membres de sa famille acceptèrent
la foi de Baha'u'llah, en devinrent des défenseurs zélés et se distinguèrent dans
sa propagation et sa protection.
* Une flamme ardente
Après avoir traversé toutes les régions de la province de Khurasan, Ahmad décida
d'aller une nouvelle fois à Baghdad pour transmettre le message d'amour et les
voeux de Baha'u'llah à tous les amis de cette ville très importante. Malheureusement,
chemin faisant, il tomba malade une nouvelle fois et ne put atteindre Baghdad.
De plus, à Tihran, quelques-uns des membres du clergé de Kashan le reconnurent
et portèrent plainte contre lui à la cour du roi, roi qui était toujours prêt
à infliger des peines aux adhérents de la nouvelle foi. Il fut par conséquent
arrêté et remis aux mains d'un certain officier qui reçut pour ordre de faire
des investigations sur son cas et de le mettre immédiatement à mort dans l'éventualité
où il aurait eu la certitude que sa victime s'était écartée du droit chemin.
Le jeune officier ne désirant pas molester Ahmad, il insista alors pour que celui-ci
rejette sa foi. Ahmad raconte : "A ce moment-là, j'étais à l'apogée de ma foi
et de mon enthousiasme et jamais, même pour un seul instant, je ne pouvais imaginer
de rejeter ma foi." Toujours prêt à offrir sa vie dans le sentier de la cause,
il servait avec un tel esprit de sacrifice qu'il insistait sur le fait qu'il n'était
pas babi mais bien baha'i, c'est-à-dire un disciple de la manifestation suprême.
Il fut arrêté et alors qu'il était en prison il apprit que la femme de l'officier
était tombée soudain gravement malade. Pris de panique et dans une détresse extrême,
l'officier vint à Ahmad et lui dit ; "Si ma femme recouvre la santé, je te relâche."
Trois jours après, le jeune homme peu soucieux des conséquences terribles que
cela pouvait entraîner pour lui, amenait Ahmad à la porte de Tihran et le relâchait.
* Une rivière de vie éternelle
Comme un oiseau qu'on vient de libérer, il alla d'abord aux villages où il y avait
quelques tamiseurs de blé qui étaient Babis. Ceux-ci le reçurent avec énormément
de courtoisie et d'amour. Ils lui offrirent l'hospitalité et lui les guida dans
le droit chemin de Dieu. Débordant de joie, Ahmad les quitta et se mit en route
pour la province de Fars dont la capitale était Shiraz. Il vécut dans cette province
près d'un quart de siècle et devint le compagnon constant des affligés et de ceux
qui avaient eu à souffrir d'injustice. Il les consola durant les périodes de persécution
et leur apporta de l'espoir et une vision des horizons sans cesse plus larges
de victoires et de triomphes.
Ce fut par le truchement des vieillards de cette région de la Perse que cet humble
serviteur, l'auteur, apprit les échos lointains relatifs à un derviche glorieux
vivant parmi les villageois et leur servant d'ange protecteur, de guide et de
source de miséricorde. Ce sont ces rumeurs qui m'incitèrent à faire des recherches
à son sujet et c'est alors que je trouvai que cet adorable individu n'était autre
que notre précieux Ahmad - un nom qui est mentionné à présent à travers le monde
entier avec tant d'amour et de dévotion.
Ahmad reçut nombre des enseignants itinérants qui passaient à travers cette région
de la Perse et les fêta dans son humble demeure mentionnant Dieu et sa foi et
racontant tout ce qu'avaient vécu les nombreux enseignants qui s'étaient consacrés
en ce jour à apaiser de nombreuses âmes.
L'un des événements les plus touchants qu'il a relaté lui-même est le suivant
: "Un jour, un homme à peine habillé et quasiment pieds nus, vint frapper à la
porte de ma maison. Il était complètement épuisé et à bout de ressources. Un mélange
de poussière et de transpiration avait rendu ses vêtements raides et brunâtres.
Il s'avéra que c'était Haji Mirza Haydar- Ali (7). Je l'aidai immédiatement à
se débarrasser de ses vêtements. Je les lavai et les étendis à sécher au soleil
pendant qu'il se reposait en attendant la venue des amis à une réunion."
* Ferme dans mon amour
Des années pleines de jours riches en événements s'écoulèrent, mais lorsque les
vagues de persécution s'étendirent à toute la Perse, les amis, pleins d'amour
et d'admiration pour Ahmad, s'efforcèrent de le protéger contre les attaques fatales
et après de longues consultations lui suggérèrent de quitter aussitôt ce coin
délaissé et abandonné du pays au profit d'un centre plus peuplé. Partout où Ahmad
allait, les amis lui conseillaient la même chose. Il était si bien connu à travers
toute la région que sa seule présence causait de l'agitation parmi les musulmans
bigots dont les premières flèches visaient toujours Ahmad en personne. Après avoir
changé plusieurs fois de résidence, il s'établit à Tihran. Il ne vacilla jamais
dans sa foi et ne fut jamais autre chose que "cette flamme ardente et cette rivière
de vie éternelle".
Ayant vécu un siècle, jouissant toujours d'une bonne santé, il quitta ce monde
en 1905 à Tihran pour aller rejoindre la présence de son Bien-aimé.
Sur le plan familial, Ahmad eut deux enfants, un fils nommé Mirza Muhammad et
une fille Guhar Khanum. Lorsque la maison d'Ahmad fut confisquée, Mirza Muhammad,
sa femme et ses enfants quittèrent la ville de Kashan pour aller à Tihran. Lui,
sa femme et sa petite-fille moururent sur le chemin de Tihran. Les restes de leur
tombe s'il y en eut, sont perdus à jamais.
Il resta seulement leur fils, Jamal, âgé de cinq ans. Les muletiers qui transportaient
de la nourriture entre les provinces et Tihran, ne sachant pas que Jamal était
un fils de babi, eurent pitié de cet enfant abandonné et sans foyer et le mirent
sur l'un de leurs chargements pour l'amener à Tihran. Dans cette grande capitale,
le pauvre enfant fut complètement abandonné à lui-même et personne ne lui parla
de ses glorieux ancêtres ou de la foi dans le sentier de laquelle la famille avait
supporté tant d'afflictions et de souffrances indescriptibles. Il resta dans cet
état jusqu'à ce que sa tante, Guhar Khanum (8) vint Aussi à Tihran. Lorsque Ahmad
arriva à la capitale, il connut son petit-fils qu'il aimait beaucoup. Il le prit
sous l'aile de son propre amour et de sa protection et Jamal finit par être un
excellent baha'i. Son trait le plus caractéristique était sa détermination de
fer et son infatigable énergie. Rien ne put jamais écarter cet homme du sentier
de Dieu bien que ce sentier fut toujours pour lui très étroit et parsemé d'épines,
de sang, de malheurs et de calamités de toutes sortes. Vers la fin de sa vie,
Ahmad confia la tablette originale à Jamal. Celui-ci, à son tour, pur de coeur
comme il était et dévoué A la foi de Dieu, l'offrit comme cadeau à la Main de
la cause, dépositaire du Huquq, fils et frère de deux illustres martyrs, Jinab-i-Valiyu'llah
Varqa.
Lorsque .Jinab-i-Varqa, conformément aux instructions du Bien-aimé Gardien, vint
assister à la cérémonie inaugurale du temple de Wilmette, durant la conférence
intercontinentale de l'an neuf (1933), il apporta cette très précieuse tablette
comme son propre don aux archives des baha'ies des Etats-Unis. A présent, les
amis bien-aimes de ce pays sont les dépositaires de ce grand cadeau de Dieu à
l'humanité.
{Baha'i News, n° 432/433, mars et avril 1967}
Sources de références personnelles : - Une lettre écrite sur le même sujet par Jinab Eshrag Khawari à la demande
de Mme Amélia Collins en 1958 ;
- Manuscrit envoyé à l'auteur par Mirza Fazl-ulldh Shahidi de Khurasan;
- Investigations personnelles des Djamalis, descendants de l'Ahmad immortel en
Iran.
Notes
1. Dawn-Breakers, pp. 217-222 (éd. Anglaise)
2. Extraits des Ecrits de Baha'u'llah - CXV, pp 157-162 (éd.l979 MEB Bruxelles
5. Dieu passe près de nous, p. 130. - M.E.B. Bruxelles, 1976
6. L'un des membres de cette famille fut désigné, ainsi que dix-huit autres, comme
"Apôtres de Baha'u'llah", par le Bien-aimé Gardien. La liste de ceux-ci figure
dans "Thé Baha'i World", Vol. III, p.80 où le Gardien dit : "Mirza Mahmud était
un esprit indomptable et un défenseur zélé de la foi."
7. L'homme qui reçut du Bien-aimé Maître, le titre de "L'Ange de Mont Carmel.
8. Quant à Guhar Khanum, la merveilleuse fille de Ahmad, elle fut une baha'ie
très active. Le récit de l'histoire de cette femme téméraire n'a été relaté que
très brièvement. On rencontre rarement un coeur aussi ouvert. Donnons-en un exemple
:
Du temps de Baha'u'llah, quelques éminents professeurs étaient véritablement vénérés
par les amis. L'un d'eux, qui était en possession de nombreuses lettres exaltées
de la Perfection bénie, se rendait souvent chez Guhar Khanum et celle-ci éprouvait
pour lui un immense respect, allant jusqu'à lui cirer les chaussures. Il semble
que de tels titres et un respect aussi profond avaient tourné la tête de certains
d'entre eux. Ils pensaient assumer un rang privilégié dans la foi de Dieu. Une
personne semblable vint un jour chez Guhar Khanum, après l'ascension de Baha'u'llah.
Quand l'hôtesse eut offert du thé et des gâteaux et se tint près de la porte,
les mains croisées, en signe de respect absolu et d'hommage, elle s'aperçut que
l'homme n'avait pris aucun rafraîchissement. Il paraissait sombre et pensif. Guhar
Khanum lui en demanda la raison. "Je dois me rendre en Terre sainte, dit-il, "et
m'occuper des affaires de la cause moi-même. La foi a été laissée entre les mains
d'un jeune homme.
"En entendant ces mots, Guhar Khanum haussa la voix en disant : "Croyez-vous que
Baha'u'llah ne savait pas qui désigner pour lui succéder" Elle entra alors dans
la pièce, prit le plateau avec le thé et les gâteaux et sur un ton très énergique
pria le hautain et arrogant personnage de quitter immédiatement la maison. Elle
se rendit ensuite dans les familles baha'ies de son entourage et leur conseilla
d'être particulièrement prudentes avec lui jusqu'à ce qu'elles aient reçu des
instructions définitives de la plus grande Branche.
L'exemple suivant illustre bien la pureté de son coeur. Elle entendit, un jour,
qu'une très jeune fille appartenant à une famille baha'ie, était au lit, atteinte
d'une maladie grave. Elle se rendit à son chevet et pria Dieu en disant: "Oh mon
Seigneur. J'ai déjà eu ma part de vie. S'il vous plaît, prenez-moi et laissez
cet enfant à ses parents." La même nuit, elle décédait et la jeune malade recouvrait
la santé.
Tablette
d'Ahmad Baha'u'llah
Il est le Roi, l'Omniscient, le Sage! Voici que le Rossignol du paradis chante,
sur les branches de l'Arbre d'éternité, de saintes et douces mélodies annonçant
aux âmes sincères les joyeuses nouvelles de la proximité de Dieu, invitant ceux
qui croient en l'unité divine, à se rendre aux parvis du Très-Généreux, informant
"les peuples du détachement" du message révélé par Dieu le Roi, le Glorieux, l'Incomparable,
guidant les adorateurs vers le siège de sainteté et vers cette resplendissante
Beauté.
En vérité, voici la Beauté sublime, annoncée dans les Livres des Messagers, par
qui la vérité pourra se distinguer de l'erreur, par qui sera éprouvée la sagesse
de tout commandement. Il est, en vérité, l'Arbre de vie qui porte les fruits de
Dieu, l'Exalté, le Puissant, le Grand !
O Ahmad! Sois témoin qu'en vérité, Il est Dieu et qu'il n'y a pas d'autre Dieu
que Lui, le Roi, le Protecteur, l'Incomparable, l'Omnipotent. Et que Celui qu'Il
a envoyé sous le nom d'Ali, c'est-à-dire Sa Sainteté le Bab, fut le véritable
envoyé de Dieu, au commandement de qui nous nous conformons tous.
Dis : ô peuple, obéissez aux ordonnances de Dieu qui vous ont été prescrites dans
le Bayan par le Glorieux, le Sage.
En vérité, Il est le Roi des Messagers et son Livre est le Livre-Mère, si seulement
vous pouviez le savoir.
Ainsi, de cette prison, le Rossignol lance vers vous son appel. Il lui appartient
seulement de vous remettre ce clair message.
Que celui qui le désire refuse ce conseil, et que celui qui le désire choisisse
le chemin de son Seigneur.
O peuple, si vous rejetez ces versets, sur quelle preuve fondez-vous votre foi
en Dieu? Produisez-la donc, ô assemblée de fourbes! Par Celui qui tient mon âme
dans sa Main, ils ne le peuvent et ne le pourront jamais, dussent-ils s'allier
tous pour le faire.
O Ahmad ! N'oublie pas mes faveurs durant mon absence. Souviens-toi de mes jours
pendant tes jours de ma détresse et de mon bannissement en cette prison lointaine.
Et demeure si ferme dans mon amour que ton coeur ne vacille pas, dussent les épées
de tes ennemis faire pleuvoir leurs coups sur toi, et les cieux et la terre se
soulever contre toi.
Sois pour mes ennemis comme la flamme du brasier et pour mes bien-aimés comme
un fleuve de vie éternelle, et ne sois pas de ceux qui doutent.
Et si, en mon sentier, tu es surpris par l'affliction, ou si, à cause de Moi,
tu es dépouillé de ton honneur, que ton âme n'en soit pas troublée.
Sois confiant en Dieu, ton Seigneur et le Seigneur de tes pères. Car les hommes
s'égarent dans les sentiers de l'illusion, privés de discernement et incapables
de voir Dieu de leurs propres yeux ou d'entendre sa mélodie de leurs propres oreilles.
C'est ainsi que nous les avons trouvés comme tu peux également le constater.
Ainsi, leurs superstitions sont devenues des voiles entre eux et leur propre coeur,
et elles les ont tenus à l'écart du chemin de Dieu, le Glorifié, le Grand.
Sois bien certain qu'en vérité celui qui se détourne de cette Beauté s'est aussi
détourné des Messagers du passé et a fait preuve d'orgueil envers Dieu, de toute
éternité en toute éternité.
Grave en ton coeur cette Tablette, ô Ahmad! Chante-la jusqu'à la fin de tes jours
et ne t'en écarte pas. Car, en vérité, Dieu a réservé à celui qui la chante, la
récompense de cent martyrs et un service dans les deux mondes.
Ces faveurs, Nous te les avons accordées, en gage de notre miséricorde, pour que
tu sois du nombre de ceux qui sont reconnaissants.
Par Dieu ! Si cette Tablette est lue avec une absolue sincérité par celui qui
est plongé dans l'affliction ou le chagrin, Dieu dissipera sa tristesse, résoudra
ses difficultés et le délivrera de ses épreuves.
En vérité, Il est le Miséricordieux, le Compatissant, Loué soit Dieu, le Seigneur
de tous les mondes.