Médiathèque baha'ie

Mason Remey
et ceux qui l'ont suivi

Département du Secrétariat - Centre mondial baha'i - 31/12/1997
(traduction de Pierre Spierckel, non révisée)



Shoghi Effendi n'a pas seulement expliqué la nature et les dangers de violer de l'Alliance, il a aussi plusieurs fois exposé le destin des individus et des groupes qui s'abandonnent à ce qui est la pire des fautes humaines. Réfléchir sur les conséquences subies par ceux qui cherchent à saper l'unité de la Cause, disait-il, aide les croyants à apprécier plus exactement la puissance de protection de l'Alliance de Baha'u'llah.
Trois décennies ont passé depuis la violation de l'Alliance par Mason Remey. Elles offrent une perspective qui permet de juger du destin de ceux qui le suivirent le long de ce chemin stérile.

* La nature du bris de l'Alliance :

Qu'est-ce que briser l'Alliance ? La Maison de Justice écrit à un individu dans une lettre datée du 23 mars 1975 :
" Lorsqu'une personne déclare accepter Baha'u'llah en tant que Manifestation de Dieu, elle entre dans l'Alliance et accepte la totalité de sa révélation. S'il lui prend de changer et d'attaquer Baha'u'llah ou l'institution centrale de la Foi, elle viole l'Alliance. Lorsque cela arrive, tous les efforts sont faits pour aider cette personne à reconnaître le caractère erroné et illogique de son action, mais si elle persiste elle doit, suivant les instructions de Baha'u'llah lui-même, être évitée en tant que briseur de l'Alliance. "(1)

Le Gardien a décrit les défauts qui, à des degrés variés affectent des gens et les poussent à violer l'Alliance à laquelle ils savent qu'ils ont juré fidélité : " haine aveugle, vanité, orgueil sans borne, incroyable sottise, perfidie abjecte, ambition ostentatoire "(2). Il se peut que certains aient été trompés par d'autres, mais 'Abdu'l-Baha dit, en parlant d'eux :

" Ils ne doutent pas de la validité de l'Alliance, mais des motifs égoïstes les entraînent à cette condition. Ce n'est pas qu'ils ignorent ce qu'ils font ; Ils en sont parfaitement conscients, ce qui ne les empêche pas, pour autant, de manifester leur opposition. "(3)

* Danger du bris de l'Alliance :

Le Maître nous a prévenus que s'il n'était pas maîtrisé, le bris de l'Alliance pourrait " détruire complètement la Cause de Dieu, exterminer sa loi et rendre inutiles tous les efforts passés. " Cet avertissement est situé après le rappel que le but central de la Révélation de Baha'u'llah est de créer l'unité :

"Sans la puissance protectrice de l'Alliance qui rend imprenable le fort de la Cause de Dieu, on verrait en un jour apparaître parmi les baha'is, comme ce fut le cas dans le passé, des milliers de sectes différentes." (4).

Le fait de briser l'Alliance, en dehors du danger qu'il pose au développement de la Cause, représente une contagion spirituelle qui, par son subtil appel à l'ego, est une menace pour l'intégrité du croyant. 'Abdu'l-Baha ordonna que quiconque est infecté par le virus du bris de l'Alliance soit complètement exclu de la communauté baha'ie et il demanda à tous les croyants d'éviter absolument tout contact avec les personnes impliquées.

* L'effet sur les personnes impliquées :

Dans sa description du développement de la Foi, le Gardien cite plusieurs fois l'exemple de ces " mouvements qui, soutenus par des aventuriers égoïstes et trompeurs, se retrouvent tôt ou tard empêtrés dans les machinations de leurs auteurs, sombrent dans la honte et plongent finalement dans l'oubli total ". Il ajoute :

" L'extinction de l'influence précaire exercée par quelques-uns de ces ennemis, le déclin subi par le destin d'autres, le repentir sincère que d'autres encore exprimèrent puis leur réintégration dans le cadre des activités d'enseignement et de l'administration de la Foi, tout cela forme une évidence suffisante de la force irrépressible et de l'esprit invincible qui animent ceux qui s'identifient avec le Testament de 'Abdu'l-Baha et appliquent loyalement ses clauses et ses injonctions. " (5)

* Un processus d'assainissement :

À propos d'un groupe de briseurs de l'Alliance des États-Unis qui devait plus tard se diviser et disparaître à la suite du décès des deux individus qui l'avaient créé, Shoghi Effendi écrivait:

" Le schisme que leurs chefs insensés tentèrent avec persévérance de provoquer dans la Foi sera vu rapidement, et à leur surprise complète, comme un processus d'assainissement, un agent nettoyant, qui, loin de décimer les rangs de ses disciples, renforce leur unité indestructible et démontre une fois encore à un monde sceptique ou indifférent, la force de cohésion des institutions de cette foi, la nature incorruptible des ses buts et de ses principes et le pouvoir de récupération inhérent à sa vie communautaire. " (6)

* La proclamation des Mains-de-la-Cause concernant le Gardiennat :

Dans la soirée du 4 novembre 1957, dès que la nouvelle du décès du Gardien fut connue au Centre mondial baha'i, l'appartement de Shoghi Effendi fut immédiatement fermé à clé et gardé afin que personne n'y puisse avoir accès avant que les Mains de la Cause aient le temps de se réunir en Terre sainte, ce qu'elles firent peu après les funérailles du Gardien.

'Abdu'l-Baha explique clairement dans son testament de quelle manière le Gardien doit désigner son successeur :
" Les Mains de la Cause doivent élire, au sein de leur groupe, neuf personnes… L'élection de ces neuf personnes doit avoir lieu soit à l'unanimité soit à la majorité des voix de l'ensemble des Mains de la Cause de Dieu et ces neufs élus doivent, par un vote unanime ou majoritaire, agréer celui que le Gardien de la Cause de Dieu a choisi comme successeur. " (7)

Aussitôt que vingt-six des vingt-sept Mains de la Cause furent rassemblées en Terre sainte (Mme Corinne True, d'âge avancé et malade, n'avait pu se déplacer, mais elle signa par la suite des attestations confirmant son soutien aux diverses actions prises par ses collègues), elles désignèrent neuf d'entre elles qui pénétrèrent dans l'appartement du Gardien et cherchèrent tout document qu'il aurait pu y laisser. Suite à leur rapport, toutes les Mains, y compris Charles Mason Remey, signèrent un texte attestant que Shoghi Effendi était décédé " sans avoir nommer son successeur… " (8)

Le premier conclave des Mains, réuni ensuite à Bahji, publia une proclamation " aux baha'is d'orient et d'occident " annonçant : " Puisque tous les Aghsan (branches), sans exception, sont soit morts soit ont été déclarés violateurs de l'Alliance par le Gardien ", il est clair que " Shoghi Effendi n'a pu nommer aucun successeur… " Appelant les croyants à s'unir pour terminer la Croisade de dix ans élaborée par le Gardien, les Mains indiquèrent que, le moment venu, le monde baha'i élirait " la Maison Universelle de Justice, cette institution suprême dont l'infaillibilité, le Testament du Maître nous l'assure, est divinement conférée " (9).

Lorsque cette institution divinement ordonnée existera, toutes les conditions de la Foi pourront être réexaminées et les mesures nécessaires à ses futures opérations pourront être déterminées en consultation avec les Mains de la Cause.

Comme ses collègues les autres Mains, Mason Remey signa, pour la seconde fois, cette déclaration formelle qu'il n'y avait pas de successeur à Shoghi Effendi en tant que Gardien de la Cause de Dieu.

* L'expulsion de Mason Remey :

En dépit de ses affirmations écrites en 1957 que Shoghi Effendi n'avait pas nommé de successeur et qu'il n'aurait pas pu le faire, Remey réclama ce rang pour lui-même en avril 1960, déclarant dans une proclamation qu'il était le Deuxième Gardien. Il basait cette prétention fallacieuse sur le fait qu'il avait été désigné président du Conseil International Baha'i, organisme nommé par le Gardien. Comme il refusait de renoncer à cette tentative de saisir le contrôle de la Cause, les Mains de la Cause l'expulsèrent de la Foi en tant que violateur de l'Alliance.

Peu après, un certain nombre de croyants, en Europe, aux États-Unis et ailleurs, qui avaient accepté sa revendication furent expulsés eux aussi. Citons, parmi eux, John Carré, Donald Harvey, Joel Marangella, Reginald King et Leland Jensen qui, plus tard, auront tous un rôle important dans la série de con?its qui devaient diviser désespérément le reste des adeptes de Remey.

* La mort de Mason Remey :

C'est en avril 1974 que la Maison Universelle de Justice prévenait le monde baha'i :

" Charles Mason Remey, dont la tentative arrogante d'usurper le gardiennat après le décès de Shoghi Effendi conduisit à son expulsion du rang des fidèles, est mort à Florence, en Italie, dans la centième année de sa vie, enterré sans rites religieux, abandonné par ses anciens adeptes. L'histoire de cette pitoyable défection par quelqu'un qui avait reçu de grands honneurs du Maître et du Gardien, constitue un exemple de plus de la futilité de toute tentative de saper l'Alliance imprenable de la Cause de Baha'u'llah. " (10)

* L'Assemblée Spirituelle Nationale… sous le Gardiennat :

En 1961-62, suite à la défection de Remey, un groupe s'appelant " baha'is sous le Gardiennat " se forma au Nouveau-Mexique et, en avril 1963, forma ce qu'ils appelèrent " l'Assemblée spirituelle national sous le gardiennat héréditaire ". Le même mois, un organisme semblable fut créé au Pakistan, mais il se dispersa bientôt.

Enregistré légalement en mars 1964, le groupe du Nouveau-Mexique fit un procès à l'Assemblée spirituelle nationale des baha'is des États-Unis en prétendant être le propriétaire de plein droit de la propriété du temple de Wilmette et le représentant autorisé de la Foi baha'ie aux États-Unis. l'Assemblée spirituelle légitime déposa une plainte contre ce groupe pour contrefaçon d'une marque déposée et obtint par la suite un jugement leur interdisant de se servir de la terminologie officielle baha'ie et de porter préjudice de toute autre manière aux droits civils de l'Assemblée nationale.

Alors que le groupe du Nouveau-Mexique se préparait à faire un second procès, Remey leur donna subitement l'ordre de cesser la procédure " quelles qu'en soient les conséquences ". Peu après, Remey ordonna au groupe de Santa Fé " Assemblée nationale " de se dissoudre. Ainsi se termina le défi légal lancé, aux États-Unis, contre les droits de la Cause.

* Le second Conseil International Baha'i de Remey :

Alors Remey créa (le 21 septembre 1964) ce qu'il nomma un "second conseil international baha'i". Comme président de ce conseil il désigna Joel Marangella, un croyant américain vivant en France, qui soutenait Remey dès le début et qui avait été expulsé de la Foi par les Mains de la Cause le 3 août 1960. Remey lui-même ayant cherché à fonder sa prétention au gardiennat sur sa position comme président du Conseil international baha'i créé par Shoghi Effendi, cette action de sa part semblait donner à Marangella une position prééminente parmi les adeptes de Remey.

Il semble pourtant que de sérieux conflits avaient déjà cours dans la bande des briseurs de l'Alliance, car dès le 18 octobre 1966, Remey décida de dissoudre brutalement ce " conseil " et ordonna à son ancien président, Joel Marangella, " de lui donner tous les documents que vous possédez en rapport avec ce second conseil qui n'existe plus. " Cette action, qui privait Marangella de son rôle dirigeant, eut pour effet d'augmenter au lieu de diminuer les différences d'opinions apparues dans le groupe. Le 29 janvier 1967, Remey se plaignait que " quelques amis ont lancé le bruit que le Gardien perd la tête et que quelqu'un le manipule… "

* La nomination de Donald Harvey :

Le 15 mai 1967, Remey désigna formellement l'un de ses adeptes, Donald Harvey, comme celui qui devait lui succéder après sa mort en tant que "Troisième Gardien de la Foi". Harvey, un baha'i américain qui résidait aussi en France au moment de la défection de Remey, faisait partie du premier groupe des violateurs de l'Alliance. L'année suivante, Remey désigna cinq des "vingt-quatre anciens" prévus qui devaient " administrer la Foi de Baha'u'llah " en coopération avec Harvey. Plus tard néanmoins, Remey supprima l'institution des anciens, comme il l'avait fait avec d'autres organismes, sans avoir complété les nominations prévues.

Harvey, qui resta le successeur désigné de Remey, ne fit rien, ni avant ni après la mort de Remey pour exercer les pouvoirs qui lui avaient été ainsi conférés. Ses diverses lettres affirment qu'il n'avait aucun intérêt dans les questions d'organisation, affirmant que la croyance religieuse était purement une question individuelle.

* La prétention de Joel Marangella :

Le 12 novembre 1969, Marangella annonçait soudainement que c'était lui et non Harvey qu'on devait considérer comme le successeur légitime de Remey. D'après Marangella, quelques années auparavant (en décembre 1961) Remey lui aurait envoyé une lettre scellée avec une note jointe indiquant que Marangella " saurait à quel moment briser le sceau ". Marangella expliquait que peu après sa nomination comme président du " Second conseil international baha'i " il avait ouvert cette enveloppe pour y découvrir une brève note, signée de Remey, lui enjoignant " d'informer le monde baha'i que je vous ai désigné comme le troisième Gardien de la Foi baha'ie ". Néanmoins, Marangella n'avait pas jusqu'ici mis cette instruction en application.

Comme raison d'ignorer la nomination de Harvey comme successeur officiel, Marangella avança que Remey donnait des signes de comportement irrationnel. À cette époque, Remey avait commencé à attaquer Shoghi Effendi, déclarant que l'ordre administratif ne représentait que l'organisation de " la Foi babie " et qu'il devait être " démantelé ". Remey se considérait maintenant comme " premier " Gardien de la Foi baha'ie.

À la suite de son annonce, Marangella créa ce qu'il appela un " Bureau national de la Foi baha'ie orthodoxe ". Puis, Harvey et Marangella, chacun prétendant être le successeur légitime de Remey, s'ignorèrent.

* Le rôle de John Carré :

C'est à cette époque que d'autres prétendants firent aussi connaître leurs prétendus droits. John Carré, un écrivain prolifique, avait été un des premiers adeptes de Remey, expulsé comme briseur de l'Alliance en 1961. Au début, il avait soutenu les prétentions de Remey au gardiennat en envoyant un flot de lettres aux baha'is dont il avait l'adresse. Lorsqu'éclata la querelle à propos de la succession de Remey, Carré se fit soudainement le porte-parole des prétentions bizarres, et sans aucun rapport, d'un nommé Jamshid Ma'ani, un Iranien qui avait été pionnier en Indonésie et qui se présentait comme " celui qui crée des messagers à chaque instant ".

Lorsque Ma'ani commença à donner des signes d'une maladie mentale qui le fit hospitaliser à Téhéran, Carré abandonna cet intérêt là aussi pour apparaître, plus tard, sous le pseudonyme de " John Christofil " écrivant comme porte-parole de diverses associations dont " la maison de lumière " et la " maison de l'humanité ". Dans ce nouveau rôle, Carré concentra de plus en plus son attention sur des " événements catastrophiques " qui devaient avoir lieu avant la fin du siècle en préparation de la venue de la " troisième " Manifestation de Dieu.

* L'intervention de Reginald King :

Pendant ce temps, aux États-Unis, deux nouveaux groupes de violateurs de l'Alliance s'étaient formés et se dénonçaient âprement l'un l'autre. Le premier était dirigé par Reginald ("Rex") King, qui avait été élu secrétaire de cette " Assemblée Nationale " du Nouveau-Mexique rapidement dissoute par Remey en 1964. Mécontent de la résistance de Remey à son propre rôle de dirigeant aux États-Unis, King décida de partir pour l'Italie afin de l'y rencontrer. Ils semblent que leur réunion fut houleuse. À la suite de cette rencontre, Remey publia une lettre dénonçant King : " son rang sera éternellement et pour toujours celui de Satan pour l'éternité " (13 septembre 1969). Lorsque deux mois plus tard Marangella annonça ses prétentions, King lui fit allégeance.

Mais cette relation devait, elle aussi, se briser rapidement. King décida que Marangella ayant fait " un certain nombre d'interprétations fautives des Écrits ", il " avait cessé de remplir les conditions nécessaires au rôle de Gardien. " Il affirma que " pas plus Mason Remey que Marangella n'avaient en fait été des gardiens… car ils n'étaient pas de la descendance linéaire " (de Baha'u'llah). La position de Harvey était ignorée. King disait que Remey avait été, en réalité, un " régent " et que lui (King) en était arrivé à la compréhension que " lui-même était le second Régent… "

Ni Harvey et ni Marangella ne firent attention à cette prétention pas plus qu'à leurs prétentions réciproques ou à celle de Carré. King mourut le 1er avril 1977 laissant les droits qu'il croyait avoir à un " conseil " composé des membres de sa famille.

* Le cas de Leland Jensen :

En parallèle avec la longue lutte de King pour régner sur les adeptes de Remey vivant aux États-Unis, on trouve celle d'un autre prétendant, Leland Jensen. La querelle entre les deux hommes éclata en 1963 alors qu'ils étaient tous deux membres de " l'Assemblée nationale… sous le gardiennat héréditaire " du Nouveau-Mexique. Jensen avait accusé King d'avoir " pris le contrôle " du groupe des États-Unis et King avait alors proposé d'établir un " tribunal baha'i " pour " expulser [Jensen] de la Foi baha'ie ". C'est l'opposition de Remey à cette manœuvre qui fut à l'origine de la désaffection de King.

L'émergence de Jensen marque une grave détérioration de l'état moral du groupe qui suivait Remey. Après s'être installé à Missoula dans le Montana en 1964, pour éviter un déluge désastreux prédit par Remey, Jensen fut condamné en 1969 pour comportement " obscène et lascif ", et enfermé à la prison d'État du Montana. Là, il convertit plusieurs prisonniers à sa prétention d'être " Josué " comme le lui avait appris un visiteur angélique. À sa sortie de prison il voyagea à travers les États-Unis pour essayer de convaincre ce qui restait des adeptes de Remey de la vérité religieuse de ses interprétations personnelles. (Par exemple, Jensen proclamait être non seulement " Josué " et " le retour du Christ " mais aussi la Maison Universelle de Justice " embryonnaire "). Ses activités se ralentirent énormément à partir de mai 1980 après que Jensen ait prédit une " fin du monde " qui ne vint pas malgré trois changements de dates (29 avril, 7 mai, 22-23 mai 1980). Si quelques-uns de ses plus proches collaborateurs et des membres de sa famille continuèrent à le soutenir, la majorité de ses adeptes l'abandonnèrent.

* Les tentatives pour impliquer Giuseppe Pepe :

L'épisode le plus étrange de cette longue et confuse histoire, est peut-être celui qui implique une personne qui n'était pas membre de la Foi et qui n'avait eut aucun rôle dans les activités des divers briseurs de l'Alliance. Lors d'une visite en Italie, Remey avait fait la connaissance d'un jeune homme nommé Giuseppe Pepe qui, lorsque Remey s'installa à Florence à la suite de son expulsion, devint son secrétaire et son homme de compagnie. Plus tard, Remey adopta légalement Pepe. C'est ce dernier qui, avec l'aide du consulat américain à Florence, organisa l'enterrement de Remey en 1974. Quelle ne fut pas sa surprise et son chagrin de découvrir que Jensen, arguant de cette relation d'adoption, annonçait dans une lettre ouverte que lui (Pepe) était le "prince héritier", le successeur légitime de Remey en tant que " quatrième Gardien ". Il suffisait à Pepe de s'assurer de son rang en se laissant couronner " Roi du Royaume par le Grand-Prêtre… ". La lettre suggérait fortement que ledit " Grand-Prêtre " était Jensen. Les violateurs de l'Alliance continuant à utiliser son nom dans leurs bulletins et leur correspondance, et ce malgré ses protestations, Pepe écrivit à une institution baha'ie dont il avait l'adresse pour clarifier la situation. Il confirmait que les actions des briseurs de l'Alliance avaient été entreprises sans sa permission et que ses demandes répétées qu'elles cessent étaient ignorées.

* La situation actuelle :

Les années passant, les divisions continuèrent à proliférer, aucun des dirigeants de la défection étant capables d'étayer ses prétentions, opposées à celles que faisaient les autres, et la plupart formées d'idées personnelles conçues par différents individus sans rapport aucun les unes avec les autres. Empêtrées dans leurs accusations et contre-accusations, abandonnées par la plupart de ceux qui les avaient prises au sérieux à l'origine et complètement ignorées par la communauté baha'ie, les différentes factions remeystes offrent aujourd'hui une illustration frappante de la description que fit 'Abdu'l-Baha, il y a plus de quatre-vingt ans, du bris de l'Alliance :

Ces agitations des violateurs ne sont rien d'autre que l'écume des vagues de l'océan - un de ses traits inséparables, - mais l'océan de l'Alliance va surgir et rejettera sur le rivage les dépouilles des morts, car il ne peut les retenir. (11)

En 1991, le groupe des adeptes de Remey s'était pratiquement désintégré. La mort avait fait disparaître trois des principaux personnages : Mason Remey en 1974, Reginald King en 1977 et le successeur désigné de Remey, Donald Harvey en 1991. John Carré s'est plongé dans des recherches ésotériques qui lui sont propres. La disgrâce publique et le ridicule ont réduit l'influence de Leland Jensen à celle du gourou d'une secte comptant deux ou trois groupes isolés dans le Midwest américain et Giuseppe Pepe s'est finalement dégagé de toute tentative de la part des violateurs pour l'impliquer dans leurs projets ambitieux.

Seul Joel Marangella continue à affirmer sa misérable prétention au poste que Remey lui avait brièvement octroyé, puis retiré, il y a plus de trente ans. De temps en temps, il passe dans les journaux des annonces qui, soi-disant, représentent le point de vue d'un groupe qu'il appelle "la Foi baha'ie orthodoxe". Manquant de l'énergie et des possibilités nécessaires pour éveiller l'intérêt du public, ce pitoyable survivant de la défection de Remey semble avoir encore l'espoir d'attirer sous son influence, d'une manière ou d'une autre, les membres loyaux de la communauté baha'ie.

Que des hommes et des femmes raisonnablement intelligents soient incapables - après trois décennies - de se libérer de cette pulsion incessante d'extravagance et d'ambition qui noya chaque espoir et chaque plan qu'ils élaborèrent, est un conte édifiant. Le destin de ceux qui suivirent Charles Mason Remey présente un cas d'école sur la nature et l'effet paralysant du virus de la violation de l'Alliance.

Depuis la rédaction de ce document, Leland Jensen est mort en août 1996.


Notes :

1. Le Pourvoir de l'Alliance, 2e partie p. 7-8
2. Messages to America : Selected Letters and Cablegrams Adressed to the Baha'is of North America, 1933-1946 (Wilmette : Baha'i Publishing Committee, 1947), p. 51
3. Star of the West, vol. X, p. 246. cité dans The Power of the Covenant, part 2, p. 11
4. Baha'i World Faith (Wilmette : baha'i Publishing trust, 1976), pp 357-58
5. Messages to AmMerica, p.49
6. Messages to America, p. 50
7. Testament de 'Abdu'l-Baha, p. 25, 26 (M.E.B. ed.1970)
8. The Ministry of the Custodians (Haïfa : Baha'i World Center, 1992), p. 29
9. The Ministry of the Custodians, pp 35-36, 37, 38
10. Baha'i News (USA), avril 1974, p.3 ; cité dans Le Pouvoir de l'Alliance, 2e partie. p. 29
11. Sélections des Écrits de 'Abdu'l-Baha § 185, p. 208.

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