Archéologie
du royaume de dieu
Par Jean-Marc Lepain
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DEUXIEME PARTIE: LA THEOSOPHIE
Chapitre VII. Gnose et transformation intérieure de l'homme
Les chapitres précédents nous ont permis
de voir que la conception baha'ie des mondes divins révélait un véritable système
métaphysique dont nous avons esquissé les grandes lignes. Nous avons déjà eu
plusieurs fois l'occasion de faire allusion au caractère herméneutique de cette
hiérarchie des mondes, sans cependant nous appesantir sur le sens profond de
celle-ci. Les chapitres qui vont suivre auront pour but de faire apparaître
la liaison qui existe entre métaphysique et herméneutique d'une part, et théosophie
et philosophie de la nature de l'autre.
Nous nous fixerons donc comme objectif de montrer que l'enseignement de Baha'u'llah
se présente avant tout comme une théosophie, c'est-à-dire comme une gnose visant
à la transformation totale de l'individu, liée à une interprétation du cosmos
établissant un lien entre l'univers et la parole révélée. Nous commencerons
par approfondir ce lien entre l'univers et la parole révélée en étudiant le
caractère spécifique de la gnose baha'ie, et en approfondissant ensuite les
rapports entre la Révélation et son interprétation herméneutique.
VII.1. Gnose et réalité
Le lecteur occidental a souvent des difficultés à accepter que pour bien comprendre
les Écrits de Baha'u'llah, comme d'ailleurs ceux de la plupart des mystiques
orientaux, il lui faut d'abord abandonner la plupart de ses habitudes de lecture
et ses préconceptions sur les rapports entre le contenu et la forme d'un texte
littéraire. Nous sommes en effet habitués à considérer le style comme un élément
secondaire du discours, voire comme un simple ornement. Or, il ne faut pas s'attendre
à retrouver dans les Ecrits de Baha'u'llah les règles cartésiennes du discours,
ni même les conseils de Boileau sur la clarté du style.
Les écrits de Baha'u'llah se refusent à tout didactisme. Ils sont plus proches
de la poésie que du discours philosophique, car ils visent à communiquer l'ineffable.
La conception qui les sous-tend repose sur le principe qu'il n'est pas possible
de séparer le spirituel du matériel, l'intelligible du sensible, l'imaginal
de l'empirique. Aucun être physique ne peut être réduit à sa seule dimension
sensible, car tout objet, fut-il le plus prosaïque, contient aussi une dimension
spirituelle.
Le monde possède donc plusieurs niveaux de réalité. Au-delà de la réalité empirique,
il existe une réalité spirituelle, elle-même composée de plusieurs niveaux de
réalité, qui forment non pas un autre monde, mais une surréalité (haqiqat).
Les Ecrits de Baha'u'llah visent à nous donner accès à cette surréalité; c'est
en cela qu'ils forment une gnose.
Par gnose, il ne faut pas entendre un savoir ésotérique vulgaire, ni même un
enseignement initiatique tel que prétendent en dispenser conventicules aux buts
plus ou moins avoués. Il faut entendre ici le mot "gnose" dans son sens le plus
fort, le plus élevé et le plus noble: un savoir qui ne s'acquière que par la
lente transformation de notre être intérieur. Les Ecrits de Baha'u'llah sont
parsemés de mises en garde: nul ne parviendra à la conception de son enseignement
avant de ne s'être préalablement détaché du monde et de tout ce qu'il contient,
d'avoir purifié ses yeux, ses oreilles et son coeur. Il existe des tablettes
entières qui sont consacrées aux méthodes d'acquisition de cet entendement spirituel.
On comprendra facilement que la finalité "gnostique" de cet enseignement en
conditionne la forme. Aussi, si Baha'u'llah ne néglige jamais de s'adresser
à la raison, il entend aussi parler au coeur, c'est-à-dire à cet entendement
spirituel qui est une forme d'intuition liée à l'expérience qu'a notre âme des
mondes supérieurs et de leurs rapports analogiques et homologiques avec le monde
d'ici-bas.
C'est pour cela que Baha'u'llah adopte un style qui s'adresse directement à
cette intuition, à travers un langage de symboles puisés dans le patrimoine
commun de l'inconscient collectif humain, dont le monde des rêves nous donne
parfois une vision fugitive. Cet aspect est sans doute le plus déroutant pour
le lecteur occidental habitué à considérer les métaphores comme de puérils artifices,
dont le discours rationnel de l'homme moderne doit se dépouiller, et qui voit
dans les arbres, le vent, les oiseaux évoqués par Baha'u'llah, les excès d'un
style oriental suranné dont il faut écarter les oripeaux pour parvenir à la
substantifique moelle du sens.
Le danger serait de s'aventurer dans l'oeuvre de Baha'u'llah en prenant les
roses et les rossignols qu'il évoque pour de charmantes allégories, et de penser
qu'il ne s'agit que d'accessoires de style s'adressant aux âmes simples et faciles
à décripter. C'est bien pour cela que Baha'u'llah dit que le savoir mondain
est le plus épais des voiles qui obscurcissent l'entendement spirituel.
Or, pour Baha'u'llah les mots qu'utilise la Révélation ne sont que des véhicules
d'une force infinie qui a le pouvoir de transformer l'homme et le monde. Cette
force ne saurait être réduite au contenu sémantique des mots, ainsi qu'il l'écrit
dans son Commentaire de la Sourate de Wa'l-Shams :
"Sache sà n'en point douter que, de même que tu dois croire que la parole de
Dieu, exaltée soit sa gloire, dure éternellement, de même tu dois croire, et
d'une foi aussi ferme, que la signification de cette parole ne saurait être
épuisée (1)."
Nous sommes donc avertis que les Ecrits de Baha'u'llah ne sont pas réductibles
à un sens unique, fut-il le sens obvi. Au contraire, il y a foisonnement de
sens. En fait, non seulement il y a un sens personnel à chaque lecteur, mais
il existe encore pour chaque lecteur une multitude de significations dont chacune
est adaptée à chaque état spirituel qu'il est destiné à traverser.
VII.2. La réalité voilée
Non seulement le sens des mots est inépuisable, mais encore les mots eux-mêmes
ne peuvent emprisonner la réalité. C'est ici une des thèses fondamentales de
l'épistémê baha'ie : l'univers n'est que partiellement accessible à la raison.
Non seulement la raison ne peut saisir la réalité ultime du cosmos, mais il
existe, au-delà du cosmos, un univers spirituel qui lui échappe dans la plus
grande mesure. Le monde n'est que partiellement intelligible. Baha'u'llah écrit:
"Combien grande est la multitude des vérités (2)
que le vêtement des mots ne saurait contenir! Combien nombreuses sont ces vérités
qu'aucune expression ne peut rendre de façon adéquate, dont le sens ne pourra
être jamais dévoilé, et auxquelles il est impossible de faire l'allusion la
plus lointaine! (3)"
Baha'u'llah prend cependant garde de ne pas tomber dans la thèse du solipsisme.
Affirmer que le langage rationnel ne peut saisir la réalité ultime de l'univers
ne signifie pas que celui-ci soit dépourvu d'un sens et d'une finalité, mais
que ceux-ci échappent partiellement à l'homme. Parvenir à ce sens suppose un
dépassement de la raison, une connaissance spirituelle, donc une gnose.
On retrouve ici le problème que pose toute tentative de communiquer une expérience
mystique: comment exprimer par des mots ce qui par essence est ineffable? Mais
ce qui est particulièrement intéressant, c'est que Baha'u'llah étend le problème
à l'ensemble du réel. Nous verrons surgir cette question lorsque nous essayerons
de cerner la notion baha'ie de "Nature" dont Baha'u'llah dit qu'elle est une
réalité semblable à l'esprit de l'homme, et que 'Abdu'l-Baha définit comme une
"réalité intelligible", c'est-à-dire une réalité non sensible. L'essence du
sensible est non sensible; ainsi la perception empirique de la réalité ne peut
être que partielle. Par conséquent, saisir la réalité ultime de l'univers est
de même nature que l'expérience mystique. C'est une expérience mystique en soi!
En reprenant la terminologie mise au point par Bernard d'Espagnat, on peut donc
définir l'univers comme une réalité voilée qui échappe à toute interprétation
réaliste. Il est frappant de voir Baha'u'llah utiliser un vocabulaire très proche
et reprendre cette image du voile (hijab) qui sépare l'observateur de la réalité
fondamentale (haqiqat), de la création située au delà de l'expérience sensible.
La réalité empirique, que d'Espagnat appelle également "réalité faible", n'est
que la manifestation d'une réalité infiniment plus vaste. Cependant, cette réalité
plus vaste, la "réalité forte", que Baha'u'llah appelle haqiqat, terme qu'on
pourrait traduire par "surréalité", est une réalité non physique dont nous ne
pouvons avoir qu'une connaissance approchée, soit par une connaissance anagogique,
soit par l'intuition connaturelle de l'homme qui perçoit la nature du réel à
partir de son expérience spirituelle en tant que partie constitutive de cet
univers, ou encore par des procédés noétiques complexes, tels que des concepts
construits à partir d'algorithmes mathématiques opératoires, mais dont l'esprit
humain ne parvient pas à se faire une représentation concrète.
D'une certaine façon, ces expressions mathématiques ne fonctionnent pas de manière
très différente de la connaissance spirituelle anagogique (4).
Cependant, la perception de la réalité ne peut être réduite à un simple processus
noétique. Baha'u'llah nous avertit que l'ascèse spirituelle ne suffit pas pour
obtenir cette gnose (ma'rifat, 'irfan); il faut en plus une élection divine
et une grâce spéciale, ainsi qu'il l'écrit:
"Parmi ces vérités, il en est qui ne peuvent être révélées que dans la mesure
où sont capables de les recevoir les dépositaires de la lumière de notre science
et ceux qui reçoivent notre grâce cachée" (5).
Cette gnose n'est pas une, mais multiple, car non seulement elle a le pouvoir
de se démultiplier en fonction de tous les états spirituels que traverse le
chercheur, mais il existe plusieurs voies, telles que la voie du coeur, la voie
de l'esprit et l'illumination de l'âme.
VII.3. Les conditions du vrai chercheur
Pour comprendre la nature des trois types de gnoses dont parle Baha'u'llah,
il nous faut remonter à ce qu'il est convenu d'appeler "les conditions du vrai
chercheur" qui constituent un thème récurrent de toute l'oeuvre de Baha'u'llah.
Ces conditions, variables dans leur nombre et dans leur forme, constituent un
tout cohérent qui reflète une conception anthropologique et psychologique de
l'homme tout à fait originale. Ces "conditions" avaient, aux yeux de Baha'u'llah,
une telle importance qu'il les a fait figurer en tête de ses oeuvres les plus
importantes comme un avertissement au lecteur téméraire. Un des exposés les
plus clairs de ces conditions du vrai chercheur se trouve dans le Livre de la
Certitude :
"O mon frère! Quand le vrai chercheur (mujahid) s'engage dans le sentier de
la recherche qui mène à la connaissance de l'Ancien des Jours, il doit avant
toutes choses purifier son coeur, siège de la révélation des mystères intimes
de Dieu, de la noire poussière de la science humaine et des insinuations sataniques
(6). Il doit sanctifier son âme, ce sanctuaire
de l'amour éternel du Bien-Aimé, de toutes souillures terrestres, et la détacher
de tout ce qui est l'eau et la boue des choses sans réalité (7).
Il lui faut enfin si bien épurer ses sentiments qu'il ne reste aucune trace
d'amour ou de haine, de peur qu'aveuglément l'amour ne l'incline à l'erreur
(8), ou que la haine ne le détourne de la
vérité". (9)
Ce texte commence par définir la recherche. Le "vrai chercheur" est un "mujahid",
c'est-à-dire quelqu'un qui est entré dans le jihad qui n'est rien d'autre que
l'effort (jahd) de l'homme pour parvenir à la connaissance de Dieu.
Nous voyons dans ce texte clairement apparaître trois conditions à cette recherche
qui sont des conditions préalables.
- purifier son coeur
- sanctifier son âme
- épurer ses sentiments
Ces trois conditions apparaissent d'ailleurs avec une légère variante dans la
première page de l'introduction du Livre de la Certitude où Baha'u'llah cite
dans l'ordre:
- sanctifier l'âme
- détourner les oreilles des paroles humaines
- les coeurs des attachements terrestres
- les esprits des préoccupations du monde
- les yeux de la vue des choses périssables
D'innombrables tablettes commencent par ce genre d'énumération préalable. Peu
importe le nombre de conditions, car on peut aisément démontrer qu'il est toujours
possible de les ramener aux trois conditions fondamentales.
A travers ces trois conditions du vrai chercheur, nous voyons apparaître les
trois organes constitutifs de la psychologie de Baha'u'llah: le coeur (qalb;
dil), l'esprit (nafs) et l'âme (ruh). Il existe ici une grande imprécision du
vocabulaire, qui d'ailleurs, n'est pas propre à Baha'u'llah et qui, comme nous
le verrons remonte à l'Ancien Testament.
Les théologiens musulmans ont toujours eu des difficultés à distinguer entre
l'âme et l'esprit, si bien que tantôt les uns emploient le mot nafs au sens
d'âme, tantôt au sens d'esprit, et de même avec ruh. La terminologie de Baha'u'llah
est elle-même fluctuante; si bien qu'il faut toujours s'appuyer sur le contexte
pour cerner le sens des mots nafs et ruh.
La même incertitude existe d'ailleurs en français et en anglais en raison des
difficultés du grec et du latin à rendre la terminologie hébraïque de la Bible.
Ruh au sens d'Esprit saint est toujours traduit par Spiritus, mais il n'en va
pas de même de ruh au sens du principe éternel qui survit à l'homme au-delà
de la mort. Considérant qu'en français, cette réalité éternelle est appelée
"l'âme", nous nous tiendrons à ce principe et traduirons ruh et nafs par "âme"
à chaque fois que ces mots désigneront cette réalité éternelle. Nous réserverons
le mot "esprit" pour désigner la réalité psychique de l'homme dont nous essayerons
bientôt de donner une définition.
Le vocabulaire de Baha'u'llah ne se limite pas d'ailleurs à ces trois mots.
Le mot "coeur" peut servir à traduire l'arabe qalb et le persan dil que Baha'u'llah
utilise soit comme synonymes, soit avec des définitions différentes. L'arabe
fu'ad est également utilisé comme un synonyme interchangeable avec qalb et dil.
On renconte encore le mot sidr qui signifie littéralement "poitrine" et qui
est susceptible de prendre de multiples valeurs. Le passage que nous citions
plus haut n'est d'ailleurs pas une traduction littérale du persan mais plutôt
une interprétation. En restant plus proche du texte, on trouverait les trois
termes de qalb (coeur en arabe); sidr (poitrine); dil (coeur en persan) que
Shoghi Effendi a rendu respectivement par "heart","breast" et "soul" (10).
La seule chose que nous pouvons donc retenir, c'est qu'il existe dans la psychologie
de Baha'u'llah trois éléments qui peuvent prendre des apparences multiples.
Si nous descendons un peu plus profondément dans les Écrits de Baha'u'llah,
nous nous apercevons que derrière ce vocabulaire fluctuant se cache une grande
constance de doctrine. Le coeur (qalb) est, pour Baha'u'llah, le siège de l'intuition.
C'est également un miroir qui doit être purifié de la poussière du monde. Le
coeur est "le siège de la révélation des mystères intimes de Dieu".
Le coeur est "le domaine de Dieu" (11),
il est comparé au mont Sinaï (12), c'est-à-dire
au lieu où le prophète Moïse reçut son inspiration. C'est par son coeur que
l'homme peut comprendre l'essence des Livres saints; le coeur est donc le lieu
où s'élabore l'herméneutique spirituelle (ta'wil). C'est selon la terminologie
des philosophes ishraqis, l'organe de l'imagination créatrice.
Le coeur étant un miroir, il a besoin d'être constamment entretenu; sans cet
entretien quotidien, il risque d'être recouvert par les poussières de la vie
quotidienne et de perdre toutes ses propriétés spéculaires. Le coeur met donc
l'homme au contact des mystères supérieurs. Le processus qui conduit à la purification
du coeur est le détachement. En effet, le coeur est bien un organe cognitif,
siège d'une gnose et cette gnose n'est pas le produit de l'accumulation d'un
savoir, mais le fruit de la transformation intérieure de l'homme. Or, la clé
de cette transformation est pour le coeur le détachement:
"Nul ne peut atteindre les rives de l'océan de la vraie compréhension s'il n'est
détaché de tout ce qui existe au ciel et sur la terre" (13)
On notera ici que le détachement concerne aussi bien les choses terrestres que
célestes. Agir dans l'espoir d'une récompense dans l'autre monde, c'est faire
preuve d'attachement aux choses célestes. Etre détaché veut donc dire bien plus
que renoncer aux biens de ce monde. Dans la Tablette des bases du Souverain
Bien (Lawh-i-Asl-i kullu'l-khayr), aussi appelée Parole de Sagesse, Baha'u'llah
écrit:
"l'essence du détachement est pour un homme de tourner son visage vers les cours
de son seigneur, d'entrer en sa présence, de contempler sa face et de se tenir
comme témoin devant lui". (14)
L'esprit(nafs) est le principe vital de l'homme. C'est en même temps sa psyché.
L'esprit est l'enveloppe qui contient le moi animal, avec tous les instincts
que nous avons hérités de notre nature animale, et l'ego qui est en fait le
fruit d'une illusion. Réinterprété en termes modernes, l'esprit est l'organe
de notre vie psychique. Il contient tous les éléments de notre personnalité,
notre inconscient, notre subconscient et nos névroses. C'est lui, et non l'âme,
qui peut être affecté par la maladie mentale.
L'esprit est l'organe de la connaissance intellectuelle; c'est pour cela que
Baha'u'llah assimile souvent l'esprit aux yeux qui voient et aux oreilles qui
entendent. Deux choses peuvent empêcher notre esprit de prendre conscience de
la nature du monde. La première est sa subjectivité et son ego qui poussent
chaque homme à voir le monde de la manière qui l'arrange le mieux et qui conforte
l'opinion qu'il a de lui-même; la deuxième ce sont les préjugés et les connaissances
acquises. C'est pour cela que Baha'u'llah écrit:
"Le vrai chercheur n'a d'autre ambition que de trouver...mais on ne parvient
à une telle condition qu'en renonçant à tout, c'est-à-dire à ce qu'on a vu,
entendu, compris...". (15)
C'est ce que Baha'u'llah résume en disant que l'homme doit "élever" son esprit
"au-dessus de toute contingence terrestre" (16).
Il doit d'abord renoncer à lui-même, à son sens de l'identité pour trouver son
"moi divin" qui est l'expression de la véritable nature spirituelle de l'homme,
et il doit assujettir ses passions et ses instincts à cette nature supérieure
et divine (lahuti ou ilahi).
L'âme (ruh), est autre chose que l'esprit. C'est une essence (dhat) et "une
réalité spirituelle" (haqiqat) dont nous avons déjà largement évoqué la fonction
et les attributs. C'est l'âme qui constitue la véritable individualité de l'homme
et qui porte son identité et sa personnalité véritable, qui n'ont rien à voir
avec les caractéristiques psychologiques qui sont les attributs de la psyché
(nafs). La véritable fonction de l'âme est de connaître son Créateur, et à travers
cette connaissance de recevoir sa grâce (fayd), de grandir et de se développer
grâce à elle. De fait, l'âme est dotée d'une faculté particulière qui est la
raison (''aql). Il serait dangereux de confondre cette "raison" avec la faculté
rationnelle de la philosophie occidentale du XVIIème et XVIIIème siècles. La
raison est, pour Baha'u'llah, ce qui distingue l'homme de l'animal. Elle est
donc spirituelle, comme la nature de l'homme.
"La raison", écrit Baha'u'llah, "doit être considérée comme un signe de la Révélation
de Celui qui est le Souverain Seigneur de tous. C'est par sa Manifestation qu'ont
été révélés tous ses Noms et attributs, et la suppression de son activité équivaudrait
à leur complète destruction". (17).
"C'est une même étroite relation qui unit cette faculté à tout ce qui , dans
le temple humain a reçu en dépôt ses Noms et attributs". (18)
Alors que l'animal est prisonnier de la Nature et que ses facultés cognitives
ne lui permettent pas de dépasser le monde sensible, la raison permet à l'homme
d'accéder aux mondes intellectuels et intelligibles; c'est-à-dire de comprendre
la réalité cachée dans la nature et imaginer les réalités spirituelles. La raison
est donc la faculté qui donne accès au monde spirituel. C'est pourquoi nous
parlerons parfois "d'imagination active", étant donné les rapports qui existent
entre cette raison et le monde imaginal et pour la distinguer de la raison ratiotinante
définie par les philosophes du XVIIe siècle occidental.
Il est maintenant important de définir la liaison qui existe entre l'âme (ruh)
et l'esprit (nafs); ou nous aimerions mieux dire entre l'âme et la psyché.
La psyché est un élément transitoire qui récapitule plusieurs aspects de l'homme.
Elle comprend en elle-même ce que 'Abdu'l-Baha appelle "l'esprit animal", c'est-à-dire
le principe vital qui est dans notre corps physique et qui nous permet en même
temps de percevoir le monde par nos sens. Or, l'esprit animal est mortel.
'Abdu'l-Baha explique: "L'esprit animal est le pouvoir de l'ensemble des sens,
qui est dû à l'assemblage et au mélange des éléments; et lorsque cet assemblage
est dissout, ce pouvoir aussi s'annihile et meurt". (19)
Mais le nafs est plus que l'esprit animal. Il porte une grande partie de nos
caractéristiques psychologiques que nous sommes habitués à considérer comme
des éléments déterminants de notre personnalité. Or, l'âme ne peut agir directement
sur le monde. Les rapports de l'âme avec le monde sensible passent tous à travers
le nafs. Ce nafs agit comme un prisme déformant car il est dominé par la subjectivité
du moi.
Plus le nafs dépend des "contingences terrestres" (20),
plus notre perception du monde est déformée. Pour arriver à voir le monde tel
qu'il est réellement il faut dépouiller le nafs de la subjectivité du moi. C'est
cette sujectivité du moi que Baha'u'llah appelle "les vaines imaginations" (21).
Pour cette raison, l'essentiel du travail de transformation de l'être intérieur
passe par le dépouillement de l'ego et l'anéantissement du moi (fana). Au moment
de la mort, le nafs disparaît, au même moment disparaît donc la subjectivité
de l'ego. L'âme peut alors prendre conscience d'elle-même et du monde tels qu'ils
sont dans leur réalité objective. Baha'u'llah dit que l'effet produit par la
disparition de la psyché est comme un voile qui est brusquement déchiré. Lorsque
le voile disparaît, l'âme ne peut plus se réfugier dans "les vaines imaginations"
et s'illusionner sur elle-même. Elle prend conscience de son rang et de son
accomplissement spirituel, comme de la valeur de toutes les actions qu'elle
a commises dans ce monde, ainsi que l'écrit Baha'u'llah:
"Il est clair et évident qu'après leur mort physique tous les hommes prendront
conscience de la valeur de leurs actes et comprendront pleinement ce que leurs
mains ont forgé". (22)
Le nafs est donc un phénomène transitoire qui naît de l'interaction de l'âme
et du corps. Aussitôt que la liaison entre l'âme et le corps se rompt, l'illusion
de la psyché disparaît. Le voile des "vaines imaginations" est déchiré, et la
subjectivité du moi s'évanouit. Cependant, le rôle de l'âme, c'est dès cette
vie de parvenir à la purification du moi et à la domination du nafs. Un homme
vraiment spirituel est celui qui voit par les yeux de l'âme et non par les yeux
de la psyché. Le rôle de l'âme c'est d'être illuminée par la lumière divine
et, comme un miroir, de renvoyer cette lumière dans le coeur de l'homme pour
que tout son être soit illuminé. Nous sommes encore en présence d'une gnose.
A propos de l'âme et du coeur, Baha'u'llah écrit :
"Polis ton coeur avec le brillant de l'Esprit (ruh, c'est-à-dire l'âme) et dirige
toi vers l'appel du Très-haut (23)"..
"O fils de l'Existence ! Ton coeur est ma demeure : Sanctifie-le pour que j'y
descend. Ton esprit (ruh) est ma face : purifie-la pour que j'y apparaisse".
(24)
"O fils de l'homme ! La lumière a brillé sur l'horizon de Tur et sur le Sinaï
de ton coeur a soufflé l'esprit (ruh) de clarté. Délivre toi des voiles des
imaginations, et pénètre dans l'arène, prêt pour la vie éternelle et la rencontre.
Là ne t'atteindront ni la mort, ni le malheur, ni l'ennemi". (25)
Nous retrouverons bien ici cette théologie spéculaire à laquelle nous avons
déjà fait allusion. Nous voyons également que le coeur aussi bien que l'esprit
(nafs) sont assujetis à l'âme, ce qui montre l'interdépendance des trois conditions
du vrai chercheur ; purifier son coeur, affranchir son esprit (nafs) et sanctifier
son âme (ruh). L'âme étant une essence, elle est déjà pure par excellence et
ne peut être souillée, car les choses terrestres sont sans effet sur elle.
Il lui faut cependant recevoir l'illumination de la lumière divine pour qu'elle
devienne le miroir de la Face de Dieu et que se trouvent activées en elle les
potentialités spirituelles qui forment "le Dépôt Divin". Cette illumination
de la lumière divine constitue ce que 'Abdu'l-Baha appelle "l'esprit de Foi"
ou "l'Esprit Céleste" (ruh-i-asimani), dont il dit qu'il vient des souffles
du Saint Esprit et, par le pouvoir divin, il est la cause de la vie éternelle.
C'est ce pouvoir qui rend "céleste l'homme terrestre et parfait l'homme imparfait.
Il rend pur celui qui est impur, éloquent celui qui est muet, il purifie et
sanctifié celui qui est prisonnier des passions charnelles ; il rend savant
l'ignorant". (26)
VII.4. Les trois sortes de gnoses
Il existe dans les Écrits de Baha'u'llah un rapport étroit entre la psychologie,
les conditions du vrai chercheur et l'épistémê. Baha'u'llah utilise quatre termes
pour parler de la connaissance spirituelle: 'ilm, ma'rifat, 'irfan et hikmat.
La richesse de ce vocabulaire implique une spécialisation de ces mots et recouvre
toute une gnoséologie. Sur les quatre termes énumérés, 'ilm est un terme générique
qui en arabe désigne toute forme de science et de savoir.
Dans les Écrits de Baha'u'llah, ce mot désigne soit la connaissance divine au
sens général, soit il est un terme récapitulatif susceptible de se substituer
à n'importe quel autre des trois termes de la gnoséologie. C'est ainsi qu'on
trouve des expressions telles que "'ilm va ma'rifat", "'ilm va irfan", "'ilm
va hikmat" où chaque fois le mot 'ilm sert à rappeler tous les autres termes
de la série.
Shoghi Effendi a traduit ma'rifat par "connaissance divine" ou par "vraie connaissance"
et 'irfan par "vraie compréhension" (27).
Il s'agit d'expressions arbitraires utilisées faute d'équivalent dans les langues
occidentales, incapables de transmettre les subtilités de la gnoséologie de
Baha'u'llah.
Ma'rifat est susceptible de recevoir en arabe et en persan des acceptions multiples.
Le terme sert à décrire l'objet de l'intellection plus que le processus. Cependant,
Baha'u'llah lui donne un sens bien particulier qui ne se laisse cerner qu'après
une longue fréquentation de ses écrits.
Quant à 'irfan, c'est un terme technique de la langue soufie, adapté de l'arabe
au persan, qui désigne la gnose par excellence, le savoir ésotérique qui s'acquièrt
par la transformation de l'être intérieur et la connaissance intuitive et directe
du sens caché de l'écriture. L''irfan est un processus noétique qui permet de
saisir les "allusions" (isharat) et de percer les mystères (asrar) pour arriver
au sens spirituel (ma'ani) de la révélation par le déchiffrement des symboles
analogiques. L''irfan est donc l'instrument de l'herméneutique par excellence.
Néanmoins, ainsi que nous le verrons, Baha'u'llah élargit considérablement le
sens et la technique de l''irfan.
Hikmat est généralement rendu par "sagesse", car c'est l'apanage par excellence
du sage (hakim) et donc l'aboutissement de toute la gnoséologie. Il n'y a pas
de vraie sagesse sans "vraie connaissance" (ma'rifat) et sans "vraie compréhension
" ('irfan).
Le vocabulaire de la gnoséologie de Baha'u'llah présente les mêmes difficultés
que celui de la psychologie. Le vocabulaire dont hérite Baha'u'llah est le fruit
d'une longue évolution et véhicule une tradition ancienne. On ne peut, pour
le comprendre, avoir recours aux dictionnaires et aux encyclopédies. Il faut
en pénétrer le sens de l'intérieur des textes.
Or, Baha'u'llah, une fois de plus refuse d'emprunter une voie dogmatique. C'est
donc, probablement volontairement, qu'il ne permet pas que les vérités complexes
dont il parle puisse être enfermées dans une phraséologie réductrice. Ainsi,
quand nous cherchons à cerner le sens du vocabulaire de sa gnoséologie, nous
faut-il à chaque pas remettre en cause nos résultats et accepter qu'un même
terme puisse se référer à des définitions multiples sur lesquelles seul le contexte
nous éclaire.
De l'étude des textes, il est évident que Baha'u'llah se référe non seulement
à plusieurs niveaux de connaissance, mais surtout à plusieurs types. Ce sont
ces types qu'il faut saisir directement au-delà des fluctuations de vocabulaire.
Comme toujours, c'est la loi du contexte qui doit s'imposer. C'est sans doute
là un des points sur lesquels la logique orientale s'oppose le plus à la logique
occidentale, et c'est donc une grave source de malentendus.
Plusieurs passages du Livre de la Certitude semblent suggérer un lien étroit
entre les différents types de gnoses et la psychologie. A la fin du passage
concernant les conditions du vrai chercheur, Baha'u'llah écrit:
"C'est seulement lorsque la lampe de la recherche (talab), de l'effort (majahidih),
du désir passionné (dhuq), de la dévotion enflammée (shuq), de l'amour fervent
('ishq), de l'extase (valih), du ravissement mystique (jadhb) et de l'attachement
ardent (hubb) (28), est allumée dans le
coeur (qalb) du chercheur, que les brises de son amour passent sur son âme (29),
que l'obscurité de l'erreur est dissipée, les brumes du doute et de la perplexité
sont dispersées, qu'alors la lumière de la connaissance ('ilm) et de la certitude
(yaqin) enveloppe son être. A ce moment, le héraut mystique (bashir-i-manavi)
venant de la Cité de Dieu se met à briller tel un matin rayonnant, et par la
trompette de la connaissance (ma'rifat), le coeur (qalb), l'âme (nafs), et l'esprit
(ruh) sont éveillés du sommeil de la négligence. Alors, les multiples faveurs
et les grâces débordantes de l'Esprit-saint éternel (ruh-i-samadani) confère
au chercheur une nouvelle vie, de telle sorte qu'elle sera dotée de nouveaux
yeux, de nouvelles oreilles, d'un nouveau coeur (qalb) et d'une nouvelle conscience
(fu'ad)". (30)
Ce texte indique clairement que le but de la connaissance divine, c'est-à-dire
du 'ilm qui récapitule toutes les autres formes de gnoses, est d'éveiller à
une vie nouvelle le coeur, l'âme-psyché (nafs) et l'esprit (ruh) (31).
Ceci établit donc clairement que ces trois éléments du composé humain ne sont
pas seulement des éléments de la personnalité psychologique et spirituelle de
l'homme, mais également des organes distincts de la connaissance.
Nous serions donc tentés, en nous fondant sur une étude des textes, à établir
un lien plus ou moins étroit entre les trois composés psychologiques de l'homme
et les trois types de gnoses que sont la vraie connaissance (ma'rifat), la vraie
compréhension ('irfan) et la sagesse (hikmat).
Bien entendu, le vocabulaire psychologique de Baha'u'llah étant assez fluctuant,
comme son vocabulaire gnoséologique, cette association est plus suggérée par
l'analyse du contenu des textes que par l'étude purement sémantique des termes
employés. Moyennant toutes ces précautions, nous croyons pouvoir affirmer qu'il
existe une connaissance de la psyché, une connaissance du coeur et une connaissance
de l'âme.
Le premier degré de la gnose, qui souvent chez Baha'u'llah correspond au terme
ma'rifat, est associé à la purification du moi (nafs), et au plan psychologique,
à la transformation de cette partie de la conscience que nous avons appelé la
psyché. C'est le type de connaissance que l'on trouve en entrant dans la "Vallée
de la Recherche" (32), c'est-à-dire en renonçant
d'abord à tout ce qu'on a appris selon la formule que répète souvent Baha'u'llah
"la connaissance est le plus épais des voiles" (33).
Cette connaissance, qui est un voile, est ce que Baha'u'llah appelle "les sciences
exotériques" ('ulum-i-zahirih) et se trouve sans rapport avec la station que
procure la vraie connaissance (ma'rifat) (34).
Les voiles qui s'interposent entre la conscience et la vraie connaissance sont
de deux sortes: ceux qui proviennent de l'intellect et ceux qui proviennent
des passions (hawa), c'est-à-dire de la nature inférieure de l'homme et de son
ego. Ainsi, Baha'u'llah explique à propos des voiles de l'intellect que le savoir
('ilm) est de deux sortes: le savoir divin et le savoir satanique.
Le savoir divin est reçu comme une inspiration (ilhamat) venant directement
de Dieu pour peu que l'homme se rende disponible pour le recevoir, alors que
le savoir satanique résulte des suggestions du moi, et conduit à prendre pour
réalité ce qui n'est que le produit de l'imagination pervertie (takhayulat)
de l'homme sous l'instigation du "moi obscur" (nafs-i-zalimani) qui représente
les aspects les plus bas de la psyché; ceux qui proviennent directement de notre
héritage animal, qui chuchotte à nos oreilles des désirs égoïstes et suscitent
en nous des passions terrestres (35).
D'un côté, nous dit Baha'u'llah, nous avons le savoir satanique. Sa source réside
dans les suggestions des désirs égoïstes, son principe opère comme un voile
entre la créature et son créateur; son résultat est l'arrogance (kibr), l'orgueil
(ghurur), et la présomption (nakhvat) qui constituent un poison mortel qui finit
par tuer la vie de l'âme. De l'autre côté, nous avons le savoir divin, dont
la source est Dieu lui-même, et dont le principe est "craint Dieu et Dieu t'enseignera".
Cette crainte de Dieu est une crainte avant tout révérencieuse. Elle procède
de la reconnaissance de la subordination de la créature à son créateur; elle
est donc indispensable pour que l'homme reçoive les inspirations divines (ilhamat).
Son résultat se manifeste dans l'homme par la patience si caractéristique de
la "Vallée de la Recherche", et le désir ardent (shuq) qui conduisent progressivement
au deuxième degré de la gnose qui est la vraie compréhension (irfan) et l'amour
(mahabat) (36).
Les suggestions de la partie inférieure de l'homme ne sont pas les seuls obstacles
entre sa conscience et la vraie connaissance. Les préjugés et l'attachement
inconsidéré à l'opinion d'autrui constituent également des voiles difficiles
à déchirer. C'est pour cela que Baha'u'llah dit que, pour atteindre la vraie
connaissance, il faut oublier ce qu'on a appris et renoncer à tout l'héritage
de nos pères (37). Les certitudes idéologiques,
théologiques ou même claniques et nationales constituent des pseudo-identités
qui empêchent l'homme de parvenir à la connaissance de la nouvelle Manifestation
(38).
La vraie connaissance conduit naturellement au deuxième degré de la gnose qui
est "la vraie compréhension" ('irfan). Alors que la vraie connaissance dépendait
encore d'un effort de volonté et de rationalité. La vraie compréhension est
un processus encore plus intuitif qui concerne l'organe de l'intuition par excellence,
c'est-à-dire le coeur, qui doit être purifié par le détachement des choses terrestres.
Il doit être délivré de la prison du moi (nafs) et des passions (hava) (39).
Le coeur est comme un miroir. Même lorsqu'il est tourné vers le Malakut, il
existe toujours le danger que la poussière du monde terrestre se dépose sur
lui et affaiblisse son pouvoir. C'est pourquoi le coeur a besoin d'être purifié
quotidiennement.
Lorsque le coeur a été délivré de tout attachement (ta'aluqat), il devient le
lieu d'entendement (idrâk) et d'inspiration (ilhamat) du monde de l'invisible
(ghayb), et par un processus d'inspiration et d'illumination, en lui sont déposés
les secrets (asrar) des sciences divines (ulum-i-rabbani) (40)
.
La purification du coeur de la poussière de la malice (ghard) rend l'homme capable
de comprendre le sens des termes symboliques révélés par le Verbe divin dans
chaque dispensation (41). Ainsi, si nous
retrouvons ici le sens traditionnel et technique de l''irfan de la tradition
mystique persane, mais considérablement élargie. La différence porte essentiellement
sur le fait que les soufis et les mystiques pensent que l'acquisition de la
connaissance irfanique dépend de leur ascèse et de leurs efforts, alors que
pour Baha'u'llah la connaissance irfanique est une grâce qui dépend du bon plaisir
de Dieu, et est totalement dépendante de la connaissance des Manifestations
divines, qui sont comme les soleils de la science ('ilm) et de la vraie compréhension
(42).
Cette vraie compréhension se manifeste dans le coeur comme une illumination
(tajalli) qui fait que l'homme devient le lieu de manifestation (zuhurat) des
grâces émanant (fuyudat) du monde infini de l'invisible (ghayb-i-muntanahi)
(43). Cette vraie compréhension agit comme
un feu, qui comme le feu du buisson ardent, détruit les voiles qui obscurcissent
la vision spirituelle (44). Ainsi les mystères
divins (asrar) et le savoir spirituel ('ilm) apparaissent à la vue du chercheur
dépouillé de tous voiles (45).
L'homme ne peut parvenir à cette connaissance irfanique, sans avoir déjà acquis
la vraie connaissance; c'est-à-dire la purification de l'entendement. L'oeil
et le coeur agissent ensemble. L'un et l'autre sont sensibles aux séductions
du monde terrestre. Une fois, les suggestions (isharat) du monde matériel rejettées,
l'homme atteind la vraie compréhension ('irfan) infinie.
Cette vraie compréhension équivaut à la connaissance de la réalité (haqq), qui
est la Vérité absolue qui ne nécessite aucune preuve ni aucun témoignage (46),
c'est-à-dire la vérité de la révélation divine, la réalité ultime de l'univers,
et finalement Dieu (al-Haqq). Le chercheur parcourt ainsi les différents degrés
de la vraie compréhension ('irfan) jusqu'à ce qu'il s'élève au "ciel de l'esprit"
(ruh) où il ne voit plus que Dieu en toutes choses, et ne connaît toutes choses
qu'à travers la connaissance de Dieu et de ses manifestations. Nous touchons
ici un point important de l'épistémê baha'ie.
La science conduit du monde sensible au monde intelligible, la gnose conduit
du monde spirituel aux réalités terrestres et la théosophie réalise la synthèse
de ce double mouvement. La vraie compréhension participe à ce double processus.
Elle représente cette connaissance qui descend du monde de l'invisible, mais
elle ne permet pas seulement de comprendre les secrets du tawil ou les réalités
spirituelles, elle embrasse également toutes les réalités terrestres.
L''irfan permet de connaître la réalité des choses non comme des réalités indépendantes,
mais comme des "traces" (athar) du Royaume des Noms, des miroirs des attributs
de Dieu, des réalités dépendantes de la réalité divine dont elles sont l'émanation.
La connaissance de Dieu est indispensable pour parvenir à la compréhension de
la réalité ultime de la création, alors que pour connaître Dieu, nous n'avons
besoin de rien d'autre que lui.
Le troisième degré de la gnose est constituée par la sagesse (hikmat). La sagesse
est la connaissance de l'âme. Elle se manifeste dans l'âme lorsque celle-ci
est "sanctifiée" (taqdis). Cette "sanctification" décrit le processus par lequel
l'âme acquiert les qualités divines. Elle est l'aboutissement de tout le processus
de la vie spirituelle. Elle ne requiert pas seulement le détachement, mais la
manifestation de qualités positives telles la justice, la compassion et surtout
l'amour du prochain. L'âme sanctifiée est l'âme qui manifeste au monde les attributs
divins qui n'existeraient qu'à l'état potentiel en elle. La sagesse est la manifestation
de la nature spirituelle de l'homme.
Le mot "sagesse" désigne deux choses dans les Ecrits baha'is; d'une part la
manifestation en l'homme des qualités divines; la sagesse devient alors la connaissance
en acte, et d'autre part l'intelligence des mystères (asrar) de Dieu. Alors
que la vraie compréhension est encore une connaissance humaine, le sage participe
à la connaissance de Dieu.
Dans le premier sens de sagesse en acte, 'Abdu'l-Baha est le meilleur exemple
de cette sagesse. En tant qu'exemple parfait des enseignements de son père,
chacun de ses actes était la manifestation de sa nature parfaite et d'une spiritualité
absolue; toute trace du moi étant effacée, 'Abdu'l-Baha accédait à la science
de son père. Ses actions étaient l'expression de la totalité de son savoir;
elles manifestaient la sagesse. Cette sagesse n'est donc pas un savoir littéraire
ou une science des mots, mais une grammaire de l'action. La science de l'acte
juste au moment juste, l'incarnation de l'amour absolu.
Mais Baha'u'llah fait souvent allusion à un autre sens du mot qui est en fait
étroitement dépendant du premier. Baha'u'llah parle des "mystères de la connaissance
('ilm) et de la sagesse (hikmat)" (47) et
des "secrets de la sagesse divine" (asrar-i-hikmat-i-rabbani) (48).
Baha'u'llah suggère que ses "secrets" et ses "mystères" ne sont rien d'autre
que la compréhension de la nature des noms divins, ce qui nous conduit à sa
théologie spéculaire présentant la création comme le reflet des noms et attributs
de l'Essence divine.
Ainsi, il est écrit que quiconque médite sur la manifestation des Noms divins
dans la réalité des choses créées, verra s'ouvrir devant lui les portes de la
sagesse et les portails du savoir divin ('ilm). Il existe donc un lien étroit
entre la sagesse et la connaissance des mondes spirituels.
Lorsque l'homme atteint l'horizon de la science divine ('ilm-rabbani), il obtient
cette vision divine (basirat-i-ilahiyyih) qui, par l'intermédiaire du Verbe
parfait et éternel (kalamat-i-tamiy-i-samadaniyyih), le rend capable de comprendre
les mystères (asrar) (49) de la sagesse
spirituelle (hikmat-i-ruhiyyih) et de contempler ceux-ci sans voiles, derrière
le tabernacle de la grâce absolue (fadl wa afdal) (50).
La sagesse culmine donc dans ce pouvoir de vision spirituelle qui la met en
contact avec le Verbe divin détenteur des secrets de la révélation et, lui permet
d'accéder ainsi à la contemplation des choses cachées aux yeux des mortels.
Ailleurs, Baha'u'llah déclare que la science ('ilm) et la sagesse agissent comme
le feu et qu'elles ne sont accessibles qu'à ceux qui possèdent la vision spirituelle
(basirat) et la nature divine (fitrat) (51).
Et il ajoute que la sagesse n'apparaît que dans un coeur sans tâches (52).
Finalement, cette sagesse n'est rien d'autre que la connaissance de la révélation,
non pas de la parole révélée mais de la révélation comme loi cosmique.
VII.5. La gnose comme connaissance des
Manifestations divines
Avant même l'acquisition des vertus divines telles que la droiture ou l'amour,
il est une condition encore plus fondamentale que le chercheur doit remplir
pour obtenir la science divine: il doit d'abord reconnaître la Manifestation
de Dieu pour son époque.
Cette connaissance de la manifestation constitue le premier degré de la gnose,
c'est-à-dire l'objet de la "vraie connaissance" (ma'rifat). Ce n'est que par
cette connaissance que l'on peut accéder à la " vie nouvelle" et acquérir un
"nouvel esprit" (ruh) (53), car les prophètes
sont les essences de la connaissance ('ilm) et de la compréhension ('aql) (54);
ce 'aql représentant la puissance intellective de l'homme qui le rend capable
de penser les mystères divins et de saisir les réalités intelligibles et non
pas la raison ratiocinante, comme on le croit trop souvent.
Cette raison spirtuelle est en même temps faculté imaginative, capable de déchiffrer
les symboles. Cette connaissance forme la science véritable de l'unicité divine
(tawhid) et constitue le but fondamental et suprême de la création (55).
Cette connaissance de la Manifestation, c'est-à-dire du prophète, est équivalente
à la connaissance de Dieu, car Dieu est en lui-même inconnaissable. La seule
chose que nous pouvons connaître de lui, ce sont ses noms et attributs dont
les manifestations divines constituent le miroir le plus parfait. Leur face
n'est autre que la science divine (56).
Les Manifestations divines sont elles-mêmes des manifestations du monde de l'invisible
(ghayb). Elles sont les "essences du savoir" (jawhar-i-'ilm) et les "symboles
de la sagesse" (lata'if-i-hikmat) (57).
Elles constituent le ciel du savoir et de la connaissance dont elles sont l'émanation.
Elles sont la cause de la croissance de "l'arbre de l'unicité" (tawhid) qui
manifeste les "fruits de son absolue singularité" (tafrid), "les feuilles du
détachement" (tajrid) "les fleurs de la science divine" ('ilm) et de "la certitude"
(iqan), "les brises de la sagesse" (hikmat) et de "l'élucidation" (bayân) (58).
La science des manifestations divines est une, comme la science de Dieu est
une. Elle est l'expression de tous les noms et attributs divins. Elle est donc
bien plus qu'un savoir. Mais, pour descendre jusqu'aux hommes, cette science
emprunte le véhicule de la révélation qui elle-même finit par s'incarner dans
le langage humain. C'est pour cela que Baha'u'llah les décrit comme un soleil
brillant au-dessus de la science ('ilm) et du sens spirituel (ma'ani) (59).
Les prophètes sont les dépositaires de ce sens spirituel. Ils sont les seuls
à en connaître la véritable herméneutique (ta'wil). La compréhension véritable
('irfan) est précisément ce qui permet à l'homme d'entrer en contact avec le
sens spirituel, mais il ne peut le faire qu'au travers de la Manifestation.
Cette connaissance de la Manifestation est la seule qui puisse conférer à l'âme
(ruh) une nouvelle vie (60), qui est l'esprit
de foi. Cet esprit de foi constitue le but de la création de l'homme. En ce
sens, l'esprit de foi est identique au savoir divin (61)
.
VII.6. L'unité du savoir spirituel
Il y aurait un danger à vouloir présenter de manière trop indépendante les trois
types de gnoses que nous avons identifiés. Le processus de croissance spirituelle
de l'homme est un processus unique. Les gnoses divines forment une unité, même
si plusieurs voies conduisent à cette unité. Baha'u'llah écrit: :
"Allume avec l'huile de la sagesse (hikmat) la lampe de l'esprit (ruh) dans
la niche de ton coeur, et protège-la avec le globe de la compréhension ('aql),
de telle sorte que les souffles des infidèles soient impuissants à éteindre
sa flamme ou à en obscurcir son éclat. Ainsi nous avons illuminé les cieux du
verbe (bayan) par la splendeur de la sagesse divine (hikmat) et de la compréhension
('irfan) afin de parvenir à la paix du coeur que procure la certitude" (62).
Cette citation récapitule tout ce que nous avons dit sur la psychologie et la
gnoséologie baha'ies. En même temps, elle montre l'unité de ce savoir spirituel.
Dans un autre texte, Baha'u'llah écrit que c'est grâce aux "ondées de la miséricorde"
(ghamam-i-rahmat), c'est-à-dire en fait grâce à une grâce particulière que le
coeur peut devenir un sol fertile pour la connaissance divine (ma'rifat) et
la sagesse (hikmat) (63). Cette miséricorde,
dit-il, descend du "ciel de la révélation" grâce "aux brises de la générosité"
et aux "souffles de l'unicité".
L'unicité dont il est ici question est la science du tawhid, c'est-à-dire pour
les baha'is, la compréhension de la nature de la manifestation divine. C'est
par le pouvoir de cette grâce que s'épanouissent dans le coeur le savoir divin
et la sagesse (64). Cette grâce a le pouvoir
de transformer le plus ignorant des hommes, comme nous le montre l'exemple des
prophètes du passé dont les disciples étaient des gens simples et sans éducation.
Ce sont pourtant ces gens simples et sans éducation, qui ont pu reconnaître
la nouvelle Manifestation alors que les prêtres et les gens éduqués restaient
aveuglés par leur savoir mondain. Ce sont ces mêmes gens simples qui ont saisi
mieux que les gens éduqués, le sens et la portée du message prophétique et qui
l'ont répandu dans la société. Baha'u'llah dit que ces gens simples ont été
pétris dans "l'argile de la connaissance éternelle" ('ilm-i-laduni) (65);
car le savoir est "une lumière que Dieu met dans le coeur de qui il veut" (66).
Pour acquérir ce savoir mystique, il faut préalablement se départir du savoir
qui a cours parmi les hommes et qui se transmet et s'échange; car le savoir
mystique ne se troque pas, ni ne s'échange, car il est incommensurable. Il est
une pure expérience qui procède d'une pure illumination (tajalli) provenant
du "soleil de la connaissance divine" ('ilm) et du "sens spirituel" (ma'ani).
C'est par ce seul moyen que les "mystères de la sagesse divine" (asrar-i-hikmat-i-laduni)
peuvent être communiqués à l'homme.
VII.7. La Certitude
Le résultat en l'homme et l'aboutissement du savoir spirituel, c'est la certitude.
Parvenu à cette véritable connaissance, on s'aperçoit que la vie de la chair
n'est pas la véritable vie, car la vie véritable est celle du coeur (hayat-i-qalb)
qui appartient seulement à ceux qui ont un coeur pur et rayonnant qui est le
résultat de la foi (iman) et de la certitude (iqan) qui procurent l'immortalité
(67).
Cette foi et cette certitude totalisent et récapitulent tout le savoir divin.
Cependant, la qualité de cette certitude dépend de la condition spirituelle
du croyant. Pour distinguer ces états spirituels, Baha'u'llah fait usage d'une
vieille tradition du soufisme qui distingue la certitude de celui qui a connu
('ilmu'l-yaqin), la certitude de celui qui a vu ('aynu'l-yaqun) et la certitude
de celui qui a expérimenté (haqqu'l-yaqin) (68).
Le passage à la certitude de l'expérience est l'étape la plus délicate et la
plus périlleuse. Beaucoup ont connu et ont vu mais refusent d'aller plus loin
par crainte des sacrifices et des renoncements que cela exigerait d'eux. Baha'u'llah
décrit le passage au haqqu'l-yaqin comme le véritable "sirat", c'est-à-dire
le pont qui surplombe l'enfer et permet aux justes d'accéder au paradis alors
que pour les impies le sirat devient étroit comme le tranchant d'une épée les
faisant tomber dans les flammes de l'enfer.
Le haqqu'l-yaqin exige la disparition de toute trace du moi et un dépouillement
total de l'individu. Dans cet état, toute trace du moi devient un véritable
danger pour la survie spirituelle de l'individu. Dans un autre passage, Baha'u'llah
parle de la certitude de celui qui a vu, de la certitude de celui qui a expérimenté
et de la certitude de la lumière (nuru'l-yaqin) (69).
Cette certitude de la lumière correspond à l'état du croyant lorsqu'il est devenu
un pur miroir capable de refléter les noms divins. Baha'u'llah dit que le croyant
qui a atteint cet état bénéficie d'une gnose spéciale qui fait que les atomes
de toutes choses deviennent des guides pour le conduire jusqu'au bien-aimé objet
de sa quête et que la vérité devient pour lui aussi facile à discerner de l'erreur
que de faire la distinction entre le jour et la nuit.
Notes
(1) E.E.B. p. 162.
(2) haqiqat, pl. haqa'iq; c'est-à-dire "vérité"
mais aussi "réalité".
(3) E.E.B., n° LXXXIX, p. 163.
(4) Sur les questions de réalité faible et
de réalité forte cf. Bernard d'Espagnat, A la recherche du réel, Paris, 3e éd.
1991, particulèrement pp. 132-168.
(5) E.E.B. p. 163.
(6) Le mot "satanique" se réfère à la nature
inférieure de l'homme, c'est-à-dire à son ego et à l'héritage de sa nature animale
par opposition à son moi divin qui est sa nature spirituelle.
(7) Les choses du monde sensible sont sans
réalité par rapport à la surréalité que constitue le monde spirituel.
(8) Par "amour", il faut entendre ici l'affection
pour les choses sensibles ou pour les êtres.
(9) Certitude et E.E.B. p. 245.
(10) Nous ferons ici remarquer que soul
et spirit ne correspondent pas exactement à "âme" et "esprit" en français, ce
qui ne facilite pas la clarté des traductions faites à partir de l'anglais.
(11) Paroles Cachées, n° 72 p. 16.
(12) Ibid., n° 76. p. 16.
(13) Certitude, p. 3;
(14) Tablets of Baha'u'llah, p. 155.
(15) Les Sept Vallées, p. 10.
(16) Certitude, p. 3.
(17) E.E.B., LXXXIII, p. 152
(18) Ibid., p. 153
(19) Les Leçons de Saint Jean d'Acre, Ch.
LV., p. 214, éd. 1982.
(20) Les shu'unat-i-'ardiyyih que nous avons
déjà rencontrées.
(21) Voir par exemple E.E.B., LXXXI, p.
145.
(22) E.E.B., LXXXVI, p. 158.
(23) Paroles cachées, en persan, n° 92,
p. 25, éd. 1970. Majmu'ih, p. 385. Le mot ruh peut avoir ici un double sens.
Il peut désigner l'âme, mais aussi l'Esprit-saint. Cependant, dans un cas comme
dans l'autre, l'âme est le miroir de l'Esprit-saint. Nous sommes bien ici en
présence d'une métaphysique illuminative.
(24) Paroles cachées, en arabe, n° 72, p.
16, et Majmu'ih, p. 29.
(25) Paroles cachées, n° 76, p. 16, et Majmu'ih,
p. 30.
(26) Les Leçons de Saint Jean d'Acre, éd.
1982, pp. 150-151; Mufawadat, p. 109.
(27) cf. Book of Certitude, p.3; 97-99;
192-196. Pour tout ce chapitre, l'abréviation "Certitude" renverra à la traduction
anglaise de Shoghi Effendi dans l'édition américaine de 1970. Nous avons renoncer
à utiliser la traduction à partir du persan de H.Dreyfus, ni même la version
révisée par P. Spierkel, car elle ne répondait pas à nos exigences de littéralisme
permettant de mettre le texte persan en parallèle.
(28) Nous avons énuméré ici quelques uns
des états mystiques (hal) les plus importants que le chercheur est destiné à
parcourir avant d'atteindre la station (maqam) de la "Septième vallée" et de
"l'anéantissement total" (fana). Cette phrase mériterait un long commentaire
pour permettre de décrire plus précisément ces états.
(29) Ce terme n'apparaît que dans la traduction
de Shoghi Effendi.
(30) Book of Certitude, p. 195-196; Iqan p.
151. Fu'ad est un autre mot arabe signifiant "coeur". Shoghi Effendi le traduit
par "mind" et nous le rendons par "conscience".
(31) La traduction de ces termes est malheureusement
fort ambiguë. Seul l'usage des termes arabes permet de ne pas s'égarer.
(32) cf. Les Sept Vallées.
(33) Book of Certitude, p. 188.
(34) Iqan, p. 112.
(35) cf. Book of Certitude, p. 69; Iqan,
p. 53. Ce passage présente des similitudes remarquables avec la doctrine de
Carl Jung. Le "moi obscur" de Baha'u'llah correspond à ce que Jung appelle "l'ombre".
L'expression nafs-i-zalimani s'oppose à l'expression nafs-i-rahmani (moi divin)
dont nous reparlerons.
(36) Ibid. Nous donnons ici un commentaire
en forme de paraphrase qui croise ce passage du Livre de la Certitude avec plusieurs
autres notamment du même livre ou des Sept Vallées.
(37) cf. Les Sept Vallées, p. 11.
(38) cf. Book of Certitude, p. 16, p. 105-106.;
Iqan p. 80 et 85.
(39) Book of Certitude, p. 52. Iqan p. 40.
(40) Book of Certitude, p.70; Iqan, p.54.
(41) Book of Certitude, p.62; Iqan, p.53.
(42) Book of Certitude, p.3; Iqan, p.3.
(43) Ibid.p. 3 et Iqan p. 3.
(44) Book of Certitude, p.53; Iqan, p. 47.
(45) Book of Certitude, p.52, Iqan, p.46.
(46) Book of Certitude, p.91.
(47) Book of Certitude, p.28; Iqan, p.22.
(48) Iqan, p.100.
(49) Iqan, p.76.
(50) Book of Certitude, p.16; Iqan p.13.
(51) Book of Certitude, p.28; Iqan p.23.
(52) Book of Certitude, p.191.
(53) Iqan, p.120.
(54) Iqan, p.116; Certitude p.149. Shoghi
Effendi a traduit ici "'aql" par "understanding" alors que le mot signifie couramment
"raison". Il s'agit en fait de l'intelligence spirituelle qu'on peut également
appeler l'imagination active qui permet de comprendre les réalités spirituelles.
Nous reparlerons de cette imagination active à propos du Monde imaginal.
(55) Certitude p.28; Iqan p;23.
(56) Iqan p. 110.
(57) Certitude p.44; Iqan p.33.
(58) Certitude p.33-34; Iqan p.26. La suite
de termes persans que nous trouvons ici ne forme pas une série fortuite, mais
constitue différentes caractéristiques techniques de la spiritualité baha'ie.
Le français ne peut malheureusement rendre la grande richesse de ce vocabulaire.
Tajrid par exemple signifie le dépouillement du moi qui se trouve réduit à sa
pure nature spirituelle.
(59) Iqan p.105.
(60) Certitude p.118; Iqan p.90.
(61) Certitude p.28; Iqan p.23.
(62) Certitude p.61; Iqan p.48.
(63) Certitude p.46; Iqan p.35.
(64) ibid.
(65) L'expression laduni est malheureusement
intraduisible, car elle contient une allusion coranique. Ladun signifie littéralement
"proche de", "en la présence de". Dans le Coran le mot se réfère à la présence
divine symbolisée par le "Trône". Laduni signifie donc "proche de Dieu", "parvenu
en la présence de Dieu". Une science laduni est une connaissance donnée directement
par Dieu par le moyen d'une intuition mystique.
(66) Célèbre tradition musulmane (hadith).
(67) Iqan p.33, p.151, Baha'u'llah parle
de la "science de la certitude" comme d'une condition du véritable chercheur.
(68) Certitude p.120, Iqan p.92 et Iqan
p.103 et 152.
(69) Iqan p.152.