L'esprit
antropique
Par Jean-Marc Lepain
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Chapitre II. Cosmologie et métaphysique de Baha'u'llah
Afin de comprendre toute la portée du Principe
anthropique dans les Écrits de Baha'u'llah, il nous faut tout d'abord commencer
par donner un très bref résumé de sa cosmologie et de sa métaphysique.
Baha'u'llah a clairement établi dans ses Écrits que la science et la religion,
que ce soit sous la forme d'une théologie ou d'une métaphysique, sont deux processus
heuristiques distincts qui ne doivent pas être confondus. L'une et l'autre doivent
demeurer complètement indépendants dans leur démarche, ce qui ne les empêche pas
de confronter leurs résultats et même de rechercher une certaine harmonie. D'un
point de vue scientifique, il est normal que la cosmologie reste totalement indépendante
de la métaphysique.
Cependant, si nous parlons d'une cosmologie baha'ie, le mot cosmologie prend ici
une valeur différente. La cosmologie de Baha'u'llah n'a aucune portée scientifique.
Il n'existe pas d'ailleurs à proprement parler d'exposé de cosmologie dans l'oeuvre
de Baha'u'llah, mais on trouve, dispersées dans un grand nombre de Tablettes,
certaines citations qui, une fois réunies, forment un tout assez cohérent. Malgré
cela, cette "cosmologie" ne forme pas une théorie cosmologique. C'est à la science
de nous éclairer sur son sens profond. Ce serait une erreur de vouloir la faire
parler en lieu et place de la science. En ce sens la cosmologie baha'ie n'a qu'une
portée métaphysique.
2.1. La cosmologie de Baha'u'llah
Les Écrits baha'is distinguent entre la création (khlaq) et l'univers. En fait,
Baha'u'llah parle plutôt de monde ('alam), en précisant que notre monde matériel
n'est qu'un cas particulier dans la création qui est essentiellement composée
de mondes spirituels. Ceci amène la métaphysique baha'ie à distinguer entre la
création du monde créaturel (khalq) et la création du monde matériel, car rien
nous dit qu'il y ait eu simultanéité entre les deux, d'autant plus que le monde
matériel est clairement subordonné à la hiérarchie des mondes spirituels.
L'univers n'est en lui-même qu'une partie infime de la création qui est constituée
de mondes "infinis dans leur nombre autant que dans leur étendue" [20].
Nous n'entrerons pas en détail dans le problème de la création des mondes spirituels
qui sort de notre propos. Nous nous contenterons de rappeler que la création repose
sur un double processus: l'émanation (tajali; sudur) et la manifestation (zuhur).
Dieu n'a pas créé la création directement, mais il a utilisé l'Esprit qui est
une émanation de lui-même. Il y a peut être un inconvénient à parler ici "d'Esprit"
parce que cela suggère une identité de nature avec l'esprit ou l'âme de l'homme,
alors que dans ce cas le terme ne peut avoir qu'une signification métaphorique.
Nous pensons qu'il faut entendre ici le mot "Esprit" (Ruh) dans son sens le plus
fondamental, c'est-à-dire comme une réalité de nature purement spirituelle ou
intelligible.
Baha'u'llah emploie d'ailleurs un vocabulaire très riche pour parler de cette
réalité primordiale émanant de l'essence divine. Il l'appelle également "le Verbe"
(Kalima), "le Commendement" ('Amr) ou "la Volonté première" (al-Irada al-awwaliyya)
qui est "la cause de tout ce qui a été et qui sera" [21],
"le Point primal" (an-Nuqta al-awwaliyya) ou tout simplement "la Premièreté" (al-Awwaliyya).
Dans la Tablette de la Sagesse, Baha'u'llah écrit: "... le Verbe de Dieu...est
la Cause de la création tout entière." [22]
'Abdu'l-Baha explique que la transcendance de l'essence divine lui interdit de
descendre dans le monde de la création, car elle est totalement dépourvue de caractéristique,
spécification ou différenciation. Mais de cette essence émane la Volonté première
qui est, par rapport à elle, comme les rayons qui émanent du soleil. [23]
De ce texte, il ressort clairement qu'entre la Volonté première, c'est à dire
le Verbe ou l'Esprit, et la création, quelle fut matérielle ou spirituelle existe
deux formes d'unité, une unité existentielle et une unité contingentielle, et
c'est ce qui les différencies de l'essence divine tout en les plaçant dans une
catégorie d'existence complètement différente. Unité existentielle ne veut pas
dire ici unité substantielle.
Il ne s'agit donc pas d'une forme de panthéisme. Dans la création subsistent des
modes d'existence ou des catégories ontologiques différentes, mais toutes les
modalités ontologiques ont leur origine dans cette Volonté première. De cette
façon, le Monde créaturel est une unité, constituant une réalité unique (basit
al-haqiqa). 'Abdu'l-Baha écrit "le monde de l'existence est un monde unique, bien
que ses stations soient multiples et distinctes." [24]
L'Esprit est porteur de tous les attributs divins qui deviennent ensuite manifestes
lorsqu'ils se reflètent dans le miroir de la création. Il faut cependant prendre
garde au fait que le concept d'attribut divin ne représente pas du tout la même
chose dans la métaphysique baha'ie que dans la théologie des grandes religions
monothéistes. Pour Baha'u'llah, Dieu est une pure essence, absolument transcendante.
Sa transcendance le place au-delà de tout attribut, et il est donc clair que l'essence
divine ne saurait avoir d'attribut. Ce problème représente le point de départ
de tout le problème anthropique dans la pensée baha'ie.
Les attributs naissent de la perspective anthropique propre à l'homme. L'homme
ne connaît pas Dieu, mais seulement sa Manifestation universelle (Mazhar-i-kull),
qui est l'incarnation du Verbe (kalama) et de l'Esprit-saint (Ruhu'l-quds) et
qui se manifeste dans sa perfection dans les Manifestations individuelles, c'est-à-dire
les prophètes et les messagers divins. La source des attributs divins est donc
dans cette Manifestation universelle que Baha'u'llah appelle parfois "le premier
miroir" parce que tel un miroir dirigé vers le soleil, elle a la possibilité de
refléter la perfection divine dans toute sa plénitude. A un degré inférieur, chaque
chose créée est également la manifestion des noms et attributs de Dieu. C'est
donc toute la création qui a la capacité de refléter ces qualités. Baha'u'llah
écrit:
"Tout ce qui est dans les cieux et sur la terre porte en soi la preuve directe
des attributs et des noms de Dieu, puisqu'en tout atome sont enchâssés des signes
qui portent de la révélation de cette grande lumière un éloquent témoignage."
[25]
C'est en raison de la limitation de l'esprit humain et de la capacité limitée
des choses de refléter les attributs divins qu'une différenciation apparaît entre
les attributs. D'un côté, les attributs divins n'en sont pas moins un des niveaux
les plus fondamentaux de la réalité de la création. Ce sont eux qui sont responsables
de l'existence et de l'équilibre du monde.
D'un autre côté, il ne faut pas oublier que la diversité des attributs que l'homme
croit discerner n'est qu'une pure "illusion anthropique". Au-delà du niveau fondamental
de la réalité essentielle des choses, niveau qui fait de ces réalités des manifestations
spéculaires des attributs divins, il existe un niveau de réalité encore plus fondamental
et ultime, où les attributs divins n'existent plus en tant que multiplicité ou
diffraction de la lumière divine, et où n'existe plus qu'une seule réalité que
Baha'u'llah appelle "le Signe de Dieu" (Ayyat Allah). C'est ce qu'il explique
dans l'une de ses Tablettes:
"Il est évident que lorsque tous les voiles qui cachent les réalités des manifestations
des Noms et Attributs de Dieu et, qui plus est, de toutes choses crées, visibles
et invisibles, auront été déchirés, rien ne restera plus que ce Signe de Dieu,
qu'il a mis lui-même au dedans de toutes ces réalités." [26]
Ailleurs Baha'u'llah ajoute:
"...ces noms et ces attributs...ont tous été engendrés par l'opération de ce signe
de Dieu, qui d'ailleurs, en son essence, les dépasse infiniment. Et à ce point
même que, comparé à sa gloire (comme du reste tout ce qui n'est point ce Signe
même), ils se résolvent en un pur néant, se relèguent dans l'oubli." [27]
'Abdu'l-Baha a expliqué que ce "Signe de Dieu" constituait la représentation et
la plus véridique que l'homme pouvait se faire de la divinité et devait être considérée
comme "le degré final de la compréhension" et "la limite de l'intelligibilité".
[28]
2.2. De la création du monde
La matière n'est elle-même qu'une modalité de l'Esprit ou du Verbe qui est susceptible
de prendre des modalités infinies correspondant aux différents mondes. L'Esprit
est une émanation de Dieu. C'est une réalité qui existe en-dehors du temps et
de l'espace, c'est-à-dire, en termes physiques, une réalité sans dimension. C'est
précisément cette absence de dimension de l'Esprit qui fait que le monde spirituel
est distinct du monde matériel et qu'il demeure invisible à ceux qui sont prisonniers
des dimensions de l'espace.
Le monde matériel est engendré par l'ensemble des mondes spirituels, et plus particulièrement
par le monde le plus proche que Baha'u'llah appelle le Malakut, ce qui de manière
très approximative peut être traduit par "Royaume".
Aucune idée ne nous est donné sur la façon dont un monde engendre l'autre, mais
il semble exclu que ce soit par émanation, car l'émanation est un phénomène purement
spirituel [29]. Dans une de ses Tablettes,
Baha'u'llah explique qu'il existe un point de contact entre ces deux mondes qui
est le point où les "réalités spirituelles" (haqa'iq) se transforment en réalités
matérielles; ce point est appelé par Baha'u'llah "taqyid" de la racine QYD qui
signifie "nouer".
Nous pouvons traduire taqyid par "coalescence", qui nous semble l'image la plus
propre pour rendre cette idée de passage entre deux modalités ontologiques distinctes.
Pour approcher le point de coalescence, il faut parcourir différents niveaux de
la réalité phénoménale qui commence par la matière sensible qui elle-même n'est
que la manifestation perceptible de plusieurs niveaux de réalité sous-jacents.
Baha'u'llah explique que l'intelligence humaine ne pourra jamais approcher le
point de coalescence car les lois de la rationalité et de l'intelligibilité se
brisent avant d'atteindre le niveau de réalité le plus fondamental qui se trouve
à son contact.
Baha'u'llah inclut dans le Malakut à proximité du point de coalescence, un monde
très particulier, dont le concept a été élaboré par la mystique musulmane, et
qu'on appelle le "Monde imaginal" ('alam al-mithal). Dans la philosophie musulmane,
le Monde imaginal est le monde des événements de l'âme, ou bien un monde où les
réalités existent sous forme de "corps subtil". Il est très difficile de préciser
la nature exacte de ce Monde imaginal parce que les références que nous avons
pu recueillir jusqu'à ce jour sont trop peu nombreuses.
Cependant, il semble qu'il faille comprendre que le Monde imaginal joue un rôle
capital dans le processus de la coalescence, car ce serait par son intermédiaire
que les lois du monde spirituel deviennent les lois de la rationalité universelle
qui sont à l'origines des lois cosmiques de notre univers. Certaines réalités
intellectuelles, comme les nombres et certaines lois de la physique ou des mathématiques
pourraient avoir une forme de préexistence dans le Monde imaginal.
Il n'est pas certain qu'il faille lier le problème de la coalescence des réalités
matérielles au problème de la création de l'univers à partir de la première singularité.
En effet, il existe peut-être une coalescence propre à chaque objet matériel de
notre univers, comme il se peut que ce soit tout l'univers qui soit né d'un processus
brutal et unique de coalescence. La question n'est pas évoquée par Baha'u'llah.
Cependant, compte tenu de l'allure générale de la métaphysique baha'ie, le sentiment
de l'auteur est qu'il faut regarder la coalescence comme reflétant plutôt un niveau
d'explication intelligible et métaphysique que comme un processus scientifique.
La question n'a d'ailleurs que peu de sens, puisque la coalescence a dû se produire
avant même l'émergence de l'espace temps et bien avant que n'apparaissent les
lois de la physique, c'est-à-dire dans un cadre métaphysique au sens propre du
terme.
On trouve dans la Tablette de la Sagesse [30]
un texte très frappant sur la création de l'univers. Le processus qui y est décrit
ressemble étrangement à celui du Big Bang:
"Ce qui existe a existé avant, mais pas sous la forme que tu vois aujourd'hui.
Le monde de l'existence a été créé par le moyen de la chaleur générée entre une
force active et ce qui est son récepteur. Ces deux sont les même,s et néanmoins
différents" [31].
Nous nous sommes contentés de reproduire ici en français la traduction effectuée
par Habib Taherzadeh en anglais. Celle-ci présente cependant plusieurs difficultés.
La première tient au fait qu'il n'existe pas de vocabulaire adéquat en français
ou en anglais pour rendre la terminologie de Baha'u'llah. Le mot fa'il a été rendu
par "force active", ce qui est assez correct. On pourrait aussi parler d'un "principe
d'action" ou d'un "agent actif". Mais le plus difficile est de traduire le mot
munfa'il, qu'il ne faut surtout pas rendre par "force passive" ou toute chose
du même genre.
Le mot munfa'il désigne ce qui subit l'action, l'agent récepteur. Or, Baha'u'llah
spécifie bien que le fa´il et le munfa'il ne font qu'un. Nous sommes donc devant
la description d'un processus de rétroaction d'une force sur elle-même. C'est
ce qui n'apparaît pas assez clairement dans la traduction; d'autant plus que le
traducteur a traduit la phrase suivante "These two are the same, and yet are different".
Nous pensons qu'il vaudrait mieux traduire ici simplement "Il est le Même et l'Autre".
Baha'u'llah, en effet, ne parle pas de deux choses mais d'une seul car il utilise
le pronom personnel singulier huwa (il); il s'agit bien entendu du fa'il, de la
force active. Quant au "Même et l'Autre", il s'agit tout simplement d'une allusion
à la fameuse théorie de Platon qui veut que l'univers soit composé d'un mélange
comprenant le Même (l'identique) et l'Autre (l'altérité); ce qui trouve naturellement
sa place dans un texte consacré pour l'essentiel à la philosophie grecque. Cela
ne veut pas dire que Baha'u'llah reprenne à son compte la théorie du Même et de
l'Autre, mais simplement qu'il y voit une similarité avec le fa'il et le munfa'il.
Ce texte est le seul que nous connaissons sur la création de l'univers dans les
Écrits de Baha'u'llah en dehors de quelques allusions que l'on trouve dans la
Tablette des versets de Lumière [32].
On admirera sa sobriété. Baha'u'llah n'a jamais souhaité s'étendre sur des questions
qui ne relevaient pas de sa fonction prophétique. Dans un langage très simple,
mais néanmoins subtil et complexe, il a dit l'essentiel et d'une manière qui pratiquement
cent vingt ans après reste parfaitement compatible avec nos connaissances scientifiques
qu'il semble même avoir anticipé.
2.3. De l'éternité du monde
Au plan cosmologique, Baha'u'llah admet que notre univers a eu un commencement.
Il affirme cependant qu'au plan métaphysique la création n'a pas eu de début dans
le temps [33], car puisqu'il y a toujours
eu un créateur, il y a toujours eu une création [34]:
Baha'u'llah écrit:
"Tiens pour certain que la création de Dieu a existé de toute éternité et qu'elle
ne cessera jamais d'être. Son commencement n'a pas de commencement, et sa fin
n'a pas de fin. Le nom de Dieu "le Créateur" postule une création, et de même
que son titre le Seigneur des hommes" implique l'existence de serviteurs." [35]
2.4. Hypothèse sur la pluralité des mondes
La cosmologie baha'ie admet une pluralité de mondes. Dans l'une de ses Tablettes,
Baha'u'llah écrit:
"...la création de Dieu embrasse des mondes indépendants de ce monde, et des créatures
différentes du dit monde. Dans chacun de ces mondes et pour chacun d'eux, le tout-puissant
a établit un ordre des choses que nul ne peut sonder que lui..." [36]
Cette hypothèse est particulièrement importante parce qu'elle justifie de nombreux
travaux concernant d'autres univers possibles, ceux par exemple fondés sur la
variation des constantes fondamentales de la nature. Il existe également l'hypothèse
selon laquelle l'univers contiendrait en lui tous les univers possibles. Nous
reviendrons sur les conséquences métaphysiques de ces hypothèses.
2.5. Le caractère contingent de l'univers
La contingence est la principale caractéristique de l'univers. Baha'u'llah définit
la contingence de manière très classique comme le fait de "dépendre d'une autre
cause". [37] De manière particulièrement
intéressante, Baha'u'llah conçoit la contingence comme une limite à l'intelligibilité
de l'univers. L'univers ne peut être compris dans sa plénitude de l'intérieur.
Seul Dieu qui est extérieur à la création en comprend tous les aspects. Baha'u'llah
écrit: "Tout ce qui, dans le monde des contingences peut être exprimé ou conçu
reste enfermé dans les limites inhérentes à la nature de ce monde" [38].
Ce principe de l'intelligibilité limité de l'univers est lié au principe phénoménologique
dont nous verrons qu'il constitue une des bases du Principe anthropique.
Les Écrits baha'is accordent une grande importance à cette contingence et nous
verrons que non seulement elle est indispensable pour construire le Principe anthropique,
mais qu'elle semble exclure les modèles cosmologiques qui sont construits en fonction
de principes qui visent explicitement à exclure toute contingence dans l'univers.
La cosmologie de Baha'u'llah est assez souple pour pouvoir demeurer compatible
avec à peu près tous les modèles qui sont actuellement utilisés en physique. C'est
dire qu'il n'existe pas à proprement parler de cosmologie baha'ie, mais en fait
seulement un ensemble d'idées cosmologiques susceptibles de s'insérer dans divers
systèmes. Parmi ces idées, on trouve affirmer celle que l'univers forme un tout
profondément uni par les lois de la physique, à tel point que toute partie de
l'univers, aussi infiniment petite soit elle, est profondément solidaire du cosmos.
Cette idée de profonde interdépendance de toutes les parties du cosmos semble
suggérer que les phénomènes, sous leur apparence de diversité, sont en réalité
la manifestation d'une réalité unique sous-jacente et plus fondamentale.
2.6. Finitude et infinitude de l'univers
Il est également important de remarquer que nulle part les Écrits baha'is ne semblent
affirmer que l'univers soit borné; il est même affirmé à plusieurs reprises que
la création est infinie. Il n'est cependant pas clair si cette création est infinie
parce que les mondes spirituels existent en nombre infini, ou s'il faut entendre
que l'univers physique soit également infini [39].
Baha'u'llah dit que cela dépend essentiellement du point de vue auquel on se place.
Dans une de ses Tablettes, il déclare:
"Pour ce qui est de ta question concernant le point de savoir si le monde physique
est enfermé dans certaines limites, sache que l'intelligence d'un pareil sujet
dépend surtout de l'observateur lui-même. Dans un sens ce monde physique est limité,
et dans un autre il est affranchi de toutes bornes." [40]
Nous avons ici une des plus claires applications de ce que nous avons appelé le
principe phénoménologique dont nous montrerons plus loin qu'il constitue dans
les Écrits baha'is une composante essentielle du Principe anthropique. Au-delà
de son apparente ambiguïté, cette citation peut laisser entendre que le point
de vue selon lequel l'univers est borné est précisément le point de vue anthropique.
Or, lorsque "l'observateur" franchit ce qui nous pourrions appeler "la frontière
de l'intelligibilité anthropique", selon Baha'u'llah lui-même, ce qu'observe l'observateur
dépendant essentiellement de son situs ontologique et de son état spirituel, car
c'est de son état spirituel que dépendent les modes d'intelligibilité non rationnels
qui fonctionnent sur des modes proches de l'intuition. Nous ne pouvons malheureusement
pas développer cette question sans entrer dans les détails de la gnoséologie et
de la noétique baha'ies, ce qui pour le moment nous entraînerait trop loin de
notre sujet.
Peut-être, comme dans le cas du commencement de l'univers, faut-il comprendre
les choses à deux niveaux: l'univers serait physiquement borné, en raison même
de notre perspective anthropique, mais métaphysiquement infini. Cela constitue
certainement une simplification un peu abusive, mais elle est suffisante pour
le moment par rapport au propos qui est le nôtre de montrer que la cosmologie
de Baha'u'llah reste non seulement compatible avec une grand nombre de modèles
étudiés par la science, mais encore, outre son étonnante modernité si on songe
que ces textes ont entre cent et cent cinquante ans, développe une analyse de
l'intelligibilité et de la rationalité de l'univers extraordinairement actuelle
et frappante.
2.7. Le monisme épistémologique de la cosmologie
baha'ie
Un autre caractère étonnant de la cosmologie de Baha'u'llah se trouve dans l'idée
que la création tout entière, spirituelle et matérielle, est gouvernée par une
loi unique qui assume des manifestations différentes en fonction des modalités
ontologiques et des niveaux de réalité dans laquelle elle se déploie. Nous pourrion
qualifier cette position de "monisme épistémologique". La question du monisme
épistémologique a, bien entendu, un rapport étroit avec ce que nous avons appelé
l'unicité contingentielle et existencielle de la création. C'est parce que l'ensemble
de la création dérive d'une réalité unique qu'il n'y a qu'une seule loi.
Un exemple qui nous est donné par 'Abdu'l-Baha qui explique que la loi unique
de l'univers spirituel et matériel correspond à ce que d'un point de vue humain
on pourrait appeler la loi d'Amour. Cette loi d'Amour est fondée sur le principe
d'attraction. Il existe quelque chose qu'on peut appeler "Amour" entre Dieu et
l'homme parce que il existe entre eux une attraction naturelle qui est une propriété
de la nature spirituelle de l'un et l'autre.
Dans le monde physique, la loi d'amour prend d'autres formes. Par exemple, dit
'Abdu'l-Baha, dans le monde physique la loi d'amour peut prendre la forme de la
gravitation universelle ou de la force qui maintient les atomes ensembles. Dans
un langage plus moderne le domaine de cette loi d'attraction couvrirait aussi
bien l'interaction faible que l'interaction forte car le mot "atome" en persan
renvoi au concept de Démocrite qui peut s'appliquer aussi bien aux molécules qu'aux
particules plus fondamentales.
Non seulement cette idée pointe définitivement en direction de la Théorie de la
Grande Unification, ce qui est déjà en soi remarquable, mais offre une consistance
étonnante avec les travaux de certains physiciens tels que S. Hawking, J. Wheeler
et B. DeWitt [41] qui ont tenté de démontrer
que l'hypothèse d'une loi unique de l'univers était l'hypothèse la plus probable
pour expliquer les propriétés de l'univers, car celles-ci étant si complexes,
qu'il paraît presque inconcevable de construire un ensemble de lois qui a tout
moment demeurent consistantes entre elles.
L'idée que l'univers ne soit gouverné que par une loi unique paraît être la seule
alternative qu'on puisse opposer à des théories qui visent à éliminer, comme nous
le verrons, la contingence de l'univers, comme c'est le cas de la théorie des
mondes multiple ou de la théorie de jauge stochastique qui vise à réaliser toutes
les possibilités virtuelles des lois de la physique [42].
Cependant, ce monisme épistémologique ne doit être confondu ni avec le réductionnisme
ontologique qui veut que tout l'univers puisse être réduit aux équations des forces
et des particules qui sont l'objet de la physique, ni avec le déterminisme épistémologique
qui assure que tout système n'est que le développement des principes qui prévalaient
à son origine. Le monisme épistémologique n'a aucun caractère scientifique. Il
est une théorie purement métaphysique.
2.8. Le niveau fondamental de la réalité
Baha'u'llah présente la création comme une hiérarchie de mondes communiquant les
uns avec les autres. Il ne s'agit pas de mondes insulaires, mais plutôt de différents
niveaux d'une même réalité. Ceci est vrai également des réalités sensibles qui
sont elles-mêmes l'expression des réalités spirituelles du Malakut.
L'idée que la réalité phénoménale puisse être décomposée en différents niveaux
de réalité est une idée assez familière à la physique moderne, qui a appris à
regarder au-delà de la réalité sensible, et qui sait qu'en fonction des différents
niveaux de l'échelle microscopique auxquels on se situe, les lois et les forces
dominantes ne sont plus les mêmes; ce qui exige un certain effort d'adaptation
intellectuelle pour recomposer une image rationnelle et intelligible de cette
réalité. Par exemple, au-delà du monde sensible, essentiellement dominé par la
force de gravité, se trouve le monde des molécules dominé par la force électro-faible.
Au-delà de l'atome se trouve le monde des électrons, protons et neutrons, dominé
par la force d'interaction forte. Le monde des particules fondamentales et du
vide quantique s'interprète avec les théorie de jauge, etc.
Il est intéressant de noter que cette approche de la réalité en fonction de différents
niveaux de réalité cadre tout à fait avec la conception baha'ie qui l'étend d'ailleurs
à l'ensemble des mondes spirituels. Baha'u'llah explique qu'il existe un niveau
de réalité fondamental, qui se situe probablement avant le point de coalescence,
et qui présente des caractéristiques très similaires à l'esprit humain. Il en
parle dans la Tablette de la Sagesse que nous avons déjà citée, à propos de Socrate,
et il dit:
"Il est celui qui a perçu dans les choses une nature unique, équilibrée, et compénétrante,
ayant une ressemblance très proche à l'esprit humain, et il découvrit que cette
nature est différente de la substance des choses dans leur forme subtile. Il a
eu des paroles particulières sur ce thème capital. Si tu interrogeais les sages
de cet âge sur ces questions, tu te rendrais compte de leur incapacité à les saisir."
[43]
Cette citation est particulièrement importante parce qu'elle montre que la métaphysique
baha'ie, qui souvent a une forte inclination vers le réalisme, peut également
s'accommoder d'une interprétation idéaliste de l'univers.
Nous pensons, quant à nous, que le problème n'est pas tant de trancher entre conception
réaliste et une conception idéaliste, mais plutôt de réconcilier deux perspectives
indispensables dans une image intelligible, et nous pensons que le Principe phénoménologique
de Baha'u'llah, dont nous parlerons à propos de la structure métaphysique du Principe
anthropique au chapitre suivant, est là pour nous y aider.
Cette question du rapport entre deux images de l'univers, l'une réaliste et l'autre
idéaliste, est une des questions les plus complexes que l'on puisse rencontrer
en philosophie et en épistémologie, mais aussi une des plus importantes. D'une
manière générale, toutes les religions favorisent une conception réaliste de l'univers
parce que cette conception réaliste s'intègre mieux dans une conception téléologique
de l'univers. Or, dans l'état actuel de la science, la mécanique quantique peut
difficilement être interprétée autrement que de manière idéaliste.
On peut toujours penser, comme le faisait Einstein, que cela est dû à une insuffisance
théorique. Mais nous devons prendre acte du fait, qu'au XXe siècle les conceptions
idéalistes de l'univers ont toute la faveur de la science et présentent un sérieux
défi aux conceptions réalistes traditionnelles. On ne peut pas s'attendre à ce
que nous traitions tout le problème ici, d'autant qu'il est plus que probable
que celui-ci ne connaîtra jamais de solution définitive, comme le suggèrent d'ailleurs
les textes baha'is. Nous nous contenterons donc d'essayer de jeter quelques rayons
de lumière assez faible dans quelques coins obscurs de la question, en espérant
un jour pouvoir écrire quelque chose de plus approfondi sur ce sujet particulièrement
important.
La différence qui existe entre le réalisme relatif baha'i et une position kantienne
d'abord et idéaliste ensuite, réside dans le fait que ce réalisme relatif prête
à la chose sensible un certain degré de réalité. La chose sensible n'est pas une
illusion. Elle existe, et en prenant certaines précautions, il est possible de
faire confiance à nos sens. Mais la chose sensible n'est pas toute la réalité.
Elle est un phénomène qui manifeste des niveaux de réalité plus fondamentaux.
Or ces niveaux de réalité ne sont pas directement intelligibles, ou certains sont
plus intelligibles que d'autres. Leur intelligibilité est relative et décroît
proportionnellement à leur éloignement du situs ontologique de l'homme. De ce
fait, la réalité en soi est inpénétrable parce que finalement toutes choses finissent
par revenir au Premier émané et à Dieu. Dans ce sens-là, et dans ce sens-là seulement,
la chose en soi n'existe pas.
Affirmer que la réalité fondamentale de l'univers est semblable à l'esprit humain
peut être interprété de différentes façons. Cela peut vouloir dire que sa réalité
substantielle est semblable à la pensée humaine, qui est essentiellement le produit
d'une interaction, comme toute les réalités intellectuelles, ce qui signifierait
que la nature de l'univers, et par conséquent son ordre, sont des réalités intellectuelles
naissant de semblables interactions avec les éléments de l'univers.
Nous pensons cependant que ce n'est pas dans ce sens qu'il faut entendre le mot
"esprit", et que cette interprétation naît d'une confusion qui existe dans la
philosophie anglo-saxonne entre pensée, conscience et esprit. Ce qui est visé
ici n'est pas la pensée de l'homme qui naît effectivement d'une interaction, mais
l'esprit prit comme conscience. Or, ce qui caractérise la conscience, et tout
particulièrement la conscience spirituelle, c'est qu'elle est intuitive, et 'Abdu'l-Baha
donne comme exemple de connaissance intuitive la conscience que nous avons de
nous-mêmes.
C'est peut-être ici que nous voyons apparaître un distinction fondamentale entre
le concept de rationalité et le concept d'intelligibilité. La rationalité est
analytique. Elle repose sur des lois précises qui engendrent d'autres lois qui
constituent une véritable architecture. L'intelligibilité peut, elle, demeurer
purement intuitive. Nous penchons donc en faveur d'une seconde interprétation
qui fait de cette nature compénétrante une réalité spirituelle, et non intellectuelle;
ce qui s'insère tout à fait dans une métaphysique où l'Esprit est le principal
paradigme.
Cette approche de l'aspect idéaliste de notre univers fait qu'il est impossible
d'interpréter la réalité ultime de notre univers comme étant de même type qu'un
programme informatique. La tendance à vouloir assimiler l'intelligence humaine
à un programme d'intelligence artificielle, et d'étendre ensuite ce paradigme
à l'ensemble de l'univers est très forte à l'heure actuelle dans les sciences
cognitives, mais nous pensons que R. Penrose a développé des arguments tout à
fait convainquants pour réfuter ce point de vue [44].
La science a toujours eu besoin d'un paradigme métaphorique qui illustre et résume
les relations que l'on constate dans l'univers. Jusqu'au début du XXe siècle,
il n'y a eu que deux paradigmes métaphoriques: le paradigme biologique qui compare
l'univers à un être vivant, et le paradigme mécaniste qui compare l'univers à
une machine; une horloge par exemple. Depuis quelques décennies est apparu le
paradigme informatique qui cherche à analyser les relations fondamentales de l'univers
en terme de logiciel et de progiciel.
Ce paradigme s'accompagne généralement d'une vue idéaliste: "ce que l'homme connaît
ce n'est pas l'univers en soi mais seulement son programme; or ce programme est
le seul univers qui existe, car nous ne pouvons connaître l'univers en soi, et
il doit être similaire à l'esprit humain (sous-entendu à l'esprit humain modélisé
comme programme informatique), sinon il ne serait pas rationnel et donc nous ne
le connaîtrions pas".
Il faut remarquer que la rationalité est ici implicitement conçue comme immanente
à l'homme; ce paradigme se base donc sur une conception anthropique de la rationalité
qui s'oppose soit à l'idée que la rationalité est immanente à l'univers et s'impose
de cette façon à l'homme, soit qu'elle est transcendante. C'est donc ce qui fait
la différence entre cette conception idéaliste, et l'idée de Baha'u'llah qu'un
des niveaux fondamentaux de la réalité est constitué par une "nature" semblable
à l'esprit humain. Si nous devons en conclure qu'entre cette nature et l'esprit
humain, il existe une structure rationnelle commune, c'est parce que nous nous
basons à la fois sur l'assomption que l'homme est le macrocosme, et sur l'idée
que la rationalité de son esprit n'est pas un ordre idéaliste que l'homme projette
sur le cosmos, mais qu'elle est immanent à l'ensemble du cosmos.
2.9. Principaux caractères de la métaphysique
baha'ie
La cosmologie baha'ie n'a aucune prétention scientifique. Baha'u'llah l'a dit
lui-même, le rôle d'une Manifestation de Dieu ou d'un prophète n'est pas de révéler
aux homme les mystères de la nature en se faisant médecin, physicien ou biologiste,
mais seulement de révéler aux hommes la loi divine et de leur montrer la voie
qui libérera toutes leurs potentialités spirituelles. De ce fait, la cosmologie
baha'ie doit être regardée comme de nature essentiellement métaphysique, et non
pas scientifique. C'est pourquoi il nous paraît maintenant nécessaire de consacrer
quelques paragraphes à resituer cette cosmologie dans son cadre scientifique.
Pour Baha'u'llah, Dieu est totalement en-dehors de sa création et il lui est totalement
transcendant. De ce fait, Dieu est totalement inconnaissable et rien ne peut être
dit de lui ou de sa nature si ce n'est qu'il est le créateur: "...l'Être divin
est établi dans une habitation qui se trouve hors de portée de la connaissance
de quiconque n'est pas lui." [45] Il n'existe
donc pas à proprement parler de théologie baha'ie. On ne peut raisonner sur Dieu.
On ne peut ni dire ce qu'il est, ni dire ce qu'il n'est pas. Par conséquent, Dieu
ne joue aucun rôle dans la métaphysique baha'ie qui n'est concernée que par les
questions gnoséologiques, noétiques et épistémologiques et par l'ontologie en
général dont un des problèmes est de discuter les rapports du monde sensible avec
les mondes suprasensibles. Les ambitions de la métaphysique baha'ie sont assez
limitées parce qu'elle part de l'assomption que la création est infinie alors
que l'esprit humain est limité.
De ce fait, même en ce qui concerne le monde sensible l'homme ne peut avoir qu'une
compréhension limitée. Ainsi que l'Écrit 'Abdu'l-Baha "La raison humaine...ne
peut embrasser la Réalité en soi, le monde infini" [46].
Nous touchons donc ici à la question de l'intelligibilité du monde dont nous verrons
qu'elle est étroitement liée au Principe anthropique. Si même le monde phénoménal
n'est que partiellement intelligible, alors que dire des mondes spirituels? La
métaphysique baha'ie reconnaît qu'il s'agit essentiellement de questions de pure
conjecture sur lesquelles les raisonnements rationnels n'ont que peu d'emprise.
Ce que l'on peut s'avoir des mondes spirituels se limite essentiellement à deux
sources: la Révélation des Écritures saintes qui nous apprend un minimum de choses,
et la relation de similitude qui existe entre le monde matériel et le monde spirituel.
En effet, la seule réalité vraiment existante étant l'Esprit, le monde matériel
n'a pas une existence indépendante du monde spirituel; il lui est étroitement
lié dans une relation de dépendance et il poursuit dans son évolution une finalité
dont il est étroitement dépendant.
De ce fait, le monde matériel n'est pas sans ressemblance avec le monde spirituel.
Il est construit dans une relation analogique qui fait des réalités matérielles
l'expression métaphorique des réalités spirituelles. De ce fait en observant le
monde matériel l'homme peut se faire une certaine idée du monde spirituel.
2.10. Conséquences de la cosmologie et de la
métaphysique de Baha'u'llah
Un point intéressant qu'il convient de remarquer dès à présent concerne les conséquences
que l'on peut tirer de l'articulation entre la cosmologie et la métaphysique de
Baha'u'llah. Le fait que Baha'u'llah admet que l'univers a eu un début dans le
temps, mais qu'il enseigne que la création n'a pas eu de commencement, peut être
compris de deux manières, l'une restrictive et l'autre plus générale.
On peut soit penser que de toute éternité a existé un monde spirituel qui a donné
naissance à un ou plusieurs mondes matériels qui eux ont eut un début dans le
temps. Ou bien on peut comprendre que notre monde a été précédé d'autres mondes
aujourd'hui disparus et probablement sera suivi d'autre mondes encore.
Par ailleurs, Baha'u'llah nous dit que les mondes sont en nombre infini. On peut
se demander si cela n'ouvre pas la possibilité à l'existence d'autres univers
parallèles aux nôtres. Il est possible que par "monde" Baha'u'llah entende des
mondes "spirituels", c'est-à-dire suprasensibles, mais si on s'interroge sur ce
que pourrait être un univers qui par exemple pourrait avoir moins de quatre ou
plus de quatre dimensions, ces univers n'en seraient pas plus spirituels mais
ils seraient certainement suprasensibles de notre point de vue d'observateur.
Il est d'ailleurs précisé qu'un monde spirituel est un monde à zéro dimension,
puisqu'il est situé en-dehors du temps et de l'espace. Il faut cependant retenir
que la cosmologie et la métaphysique de Baha'u'llah sont relativement ouvertes
à l'hypothèse d'une pluralité d'univers existant soit en parallèle soit en succession.
Ceci est particulièrement important pour notre compréhension du fonctionnement
du Principe anthropique dans les Écrits baha'is, car cela ouvre la possibilité
de lier la cosmologie de Baha'u'llah avec toute une série de cosmologies modernes
basées sur l'hypothèse d'une pluralité d'univers telle que Everett a été le premier
à en émettre l'hypothèse dès 1957 [47].
Dans la mesure où généralement la principale motivation de telles théories est
l'élimination de la contingences, celles-ci se trouvent aux antipodes de la philosophie,
mais d'un point de vue philosophiques il n'est pas impossible d'avoir recours
à des mondes multipoles tout en préservant la contingence dans le cadre d'une
interprétation réaliste
Ceci a une grande importance pour notre propos parce que les théories quantiques
basées sur l'hypothèse d'une pluralité de mondes sont des interprétations de type
réaliste. Or la métaphysique baha'ie semble avoir une certaine inclination pour
les interprétations réalistes, bien que comme nous le montrerons il ne s'agit
pas d'un réalisme total, mais d'un réalisme relatif qui s'accommode assez bien
d'une certaine dose d'idéalisme d'une manière tout à fait original, ce qui constitue
un des points les plus intéressants de la métaphysique baha'ie.
Notes
20. E.E.B. n° LXXIX, p. 141.
21. Baha'u'llah, Majmu'iy-i-Alwah-i-mubarakih,
tome I, p. 2.
22. Tablets of Baha'u'llah, p.
140.
23. 'Abdu'l-Baha, Makatib, tome
III, p. 358.
24. Selection of the Writtings
of 'Abdu'l-Baha, p. 193.
25. E.E.B. n° XC, p. 164.
26. E.E.B. n° LXXIII, p. 131.
27. E.E.B. n° LXXXIII, p. 153.
28. 'Abdu'l- Baha, Some Answered
Questions, Wilmette, 1968, ch. XXXVII, p 167.
29. Il faut distinguer ici deux
aspects du concept de création et leur relation respective avec le processus d'émanation.
Ce que nous voulons dire ici est que la matière n'est pas une émanation des mondes
spirituels. Cependant toutes les choses du monde phénoménal ayant une dimension
spirituelle et étant un reflet des attributs de Dieu, dans ce sens on peut dire
que tout ce qui existe est une émanation de Dieu; mais ce qui est l'objet de l'émanation
est uniquement la réalité spirituelle et non la réalité matérielle qui en est
la manifestation. cf. 'Abdu'l-Bahah, Some Answered Question, Ch. LIII, , 236-237.
30. La tradition orale a donné
le nom de "Tablette de la Sagesse" (Lawh-i-Hikmat) à cette épitre et c'est le
titre qui a été conservé dans la traduction anglaise. Cependant, la première édition
en langue arabe du texte au Caire portait le titre, à notre avis beaucoup plus
exacte, de Lawh-i-Hukama, ce qu'on peut traduire par "Tablette des Sages", ou
mieux encore par "Tablette des Philosophes" car on sait que l'arabe hakim (pl.:
hukama) est le mot que les traducteurs arabes ont choisi pour rendre de grec "philosophe",
tout comme le mot hikma rend le grec "philosophie". Le titre de l'édition du Caire
est plus proche du contenu effectif du texte dont une partie importante est consacrée
à des jugements concernant les principaux philosophes de l'Antiquité grecque.
Si on veut garder le titre de Lawh-i-Hikmat, il vaudrait mieux traduire celui-ci
par "Tablette sur la Philosophie".
31. Tablets of Baha'u'llah, Haïfa,
1978, p. 140.
32. Ma'idiy-i-Asimani, tome IV,
pp. 49-86.
33. cf. Extraits des Écrits de
Baha'u'llah (par la suite abrégé en E.E.B) n° XXVI, p. 58,: "Le processus de sa
création n'a pas eu de commencement et ne peut avoir de fin". cf. également n°
LXXXII, p. 151.
34. E.E.B. n° XXVI, p. 58.
35. E.E.B. n° LXXVIII, p. 140.
36. E.E.B. n° LXXIX, p. 142.
37. E.E.B., n° LXXXI, p. 146.
38. E.E.B. n° LXXVIII, . p. 140.
39. Par exemple, à plusieurs reprises
'Abdu'l-Baha parle d'"espace infini"; cf The Promulgation of Universal Peace(
par la suite abrégé en P.U.P.), p. 17.
40. E.E.B. n° LXXXII, p. 151
41. cf. J. A. Wheeler, Monist,
47, 40 (1960) et B. S. DeWitt, Physical Review, 160, 1113 (1967).
42. cf. J. Barrow et F. Tipler,
op. cit., p.257-258.
43. Tablets of Baha'u'llah, p.
146.
44. cf. R. Penrose, The Emperor
New Mind, Oxford, 1989.
45. E.E.B., n° LXXVIII, p. 140.
46. 'Abdu'l-Baha, The Promulgation
of Universal Peace 2e éd., Wilmette, 1982, p. 22.
47. H. Everett, Review of Modern
Physics, vol. 29, 1957, p. 454 et sqq.