La révélation de Baha'u'llah
Volume 3 - Adib Taherzadeh
Akka 1868-1877

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CHAPITRE 10: Mort de la Branche-la-plus-pure

Deux années étaient presque passées depuis que Baha'u'llah avait été emprisonné dans la caserne, lorsque soudainement survint un événement des plus tragique. Ce fut le décès prématuré de Mirza Mihdi, nommé la Branche-la-plus-pure, le plus jeune frère de 'Abdu'l-Baha qui fut grièvement blessé lorsqu'il tomba du toit de la caserne.

En 1848, à une époque où les disciples du Bab étaient submergés par les souffrances et les persécutions, naquit un fils de Baha'u'llah et de son illustre femme Asiyih Khanum, nommée Navvab (voir vol.1). Il avait quatre ans de moins que 'Abdu'l-Baha et reçut le nom de Mihdi, du nom d'un frère de Baha'u'llah, cher à son coeur, et qui était décédé un an auparavant. Par la suite, la Plume du Très-Haut donna à son fils le titre de Ghusnu'llahu'l-Athar (la plus pure Branche).

Contrairement à 'Abdu'l-Baha, Mirza Mihdi ne pouvait pas bien se remémorer la vie luxueuse de Téhéran, car son père avait été emprisonné au Siyah-Chal lorsqu'il avait quatre ans, et tous ses biens furent pillés et saisis par les ennemis de la Cause. Durant les quatre mois que Baha'u'llah passa dans cet horrible cachot, la sainte Famille passait des jours d'angoisse et de crainte, ne sachant pas ce qui allait lui arriver. Souvent effrayé et anxieux, cet enfant d'âge tendre et de nature délicate trouva dans les bras d'une mère aimante et dévouée son seul abri et refuge. Mais la providence le priva aussi de cela. Comme le voyage vers Bagdad, entrepris dans le dur froid de l'hiver, était chargé d'épreuves et de dangers insupportables pour un enfant aussi délicat que Mirza Mihdi, il dut être laissé à Téhéran à la garde de parents. Pendant près de sept ans, il goûta l'agonie et le déchirement de la séparation de ses parents bien-aimés. Il semble que déjà en ce jeune âge, son âme était préparée par le Tout-Puissant, à travers la douleur et la souffrance, à jouer un rôle important dans l'arène du sacrifice et de verser un éclat impérissable sur la Cause de son divin Père.

Mirza Mihdi fut emmené à Bagdad pour rejoindre la Famille en 1276AH (vers 1860 EC). Ce fut dans cette ville que ce pur et saint jeune homme, remarqué pour son humilité, rencontra l'Esprit divin et fut magnétisé par les forces énergisantes de la révélation de Baha'u'llah. À partir de ce moment, il consacra chaque instant de sa vie au service de son divin Père. Il fut le compagnon de Baha'u'llah à Bagdad, Andrinople et Acre, et le servit comme secrétaire * vers la fin de sa vie, laissant à la postérité quelques épîtres écrites de sa main. Les dix dernières années de sa vie furent emplies des épreuves et des souffrances infligées à Baha'u'llah et à ses compagnons au cours des trois bannissements successifs de Bagdad à Acre.

*[nota: il faut noter ici que bien que Mirza Aqa Jan ait été le secrétaire de Baha'u'llah, de temps en temps il y avait d'autres personnes qui accomplissaient cette tâche]

La Branche-la-plus-pure ressemblait à 'Abdu'l-Baha et tout au long de sa courte vie pleine d'événements, il fit preuve des mêmes qualités spirituelles qui distinguaient son illustre frère. Les croyants l'aimaient et le vénéraient comme ils aimaient et vénéraient 'Abdu'l-Baha.

À Acre, la Branche-la-plus-pure vivait dans la caserne près de son Père. Souvent, il allait tard dans l'après-midi en la présence de Baha'u'llah pour lui servir de secrétaire. Le 22 juin 1870, tôt dans la soirée, Baha'u'llah informa son fils que ce soir-là, il n'avait pas besoin de lui pour écrire et qu'il pouvait monter sur le toit et prier et méditer comme à son habitude. C'était un exercice normal pour les prisonniers que de monter sur le toit pour avoir un peu de fraîcheur après la chaleur d'un jour d'été. La Branche-la-plus-pure marchait souvent de long en large sur le toit, chantant des prières et méditant. Mais ce soir fatal, tandis qu'il chantait les versets de Qasidiy-i-Varqa'iyyih, un des plus émouvants poèmes de Baha'u'llah révélé dans le Kurdistan (voir vol.1), il fut transporté par un élan de total détachement et de joie. Tandis qu'il marchait les yeux fermés le long de cet espace familier, absorbé dans ses méditations coutumières, il tomba à travers une ouverture sur un cageot ouvert posé sur le sol plus bas. Il fut grièvement blessé et saignait abondamment. Ses blessures étaient si horribles qu'ils furent obligés de déchirer ses vêtements pour les lui ôter. Ce qui suit est un résumé du récit des circonstances tragiques de la chute et de la mort de la Branche-la-plus-pure:

Il est impossible pour quiconque d'imaginer la mesure de l'humilité et de la sobriété, et de l'intensité du dévouement et de la modestie que la Branche-la-plus-pure manifesta dans sa vie. Il était de quelques années plus jeune que le Maître, mais légèrement plus grand que lui. Il servait de secrétaire à Baha'u'llah et transcrivait les Écrits... Lorsqu'il avait fini d'écrire, il avait pour habitude de monter sur le toit de la caserne pour prier. Il y avait là une ouverture au milieu du toit près de l'endroit où se trouvait la cuisine. Tandis qu'il marchait dans un état de prière, attiré vers le Royaume d'Abha, son visage tourné vers le haut, il tomba à travers cette ouverture sur des objets très durs. Le son terrible de l'impact nous fit tous courir vers la scène de la tragédie où nous vîmes avec stupéfaction ce qui, décrété par Dieu, était arrivé et nous en fûmes choqués au point de nous frapper sur la tête. Puis la Beauté ancienne sortit la pièce et lui demanda ce qu'il avait fait qui ait pu occasionner une telle chute. La Branche-la-plus-pure répondit qu'il savait bien où se trouvait l'ouverture et qu'il avait toujours fait attention à ne pas s'en approcher, mais cette fois-ci c'était son destin de l'avoir oublié.

Nous portâmes son corps précieux dans sa chambre et appelâmes un médecin qui était italien, mais il ne put rien faire... Malgré une grande douleur de l'agonie et une grande faiblesse, il accueillit chaleureusement ceux qui venaient à côté de son lit, les combla d'une abondance d'amour et de faveurs et s'excusa auprès de chacun, disant qu'il était honteux de voir qu'ils étaient tous assis et que lui était allongé en leur présence... (n°1 mémoire non publiée)

Des membres de la sainte Famille et quelques compagnons se réunirent autour de lui et tous étaient si bouleversés et accablés de douleur, que 'Abdu'l-Baha, les larmes aux yeux, alla vers Baha'u'llah, se prosterna à ses pieds et supplia qu'il soit guéri. Il a été rapporté que Baha'u'llah a dit "Ô Ma Branche-la-plus-grande ('Abdu'l-Baha) laisse-le dans les mains de Dieu". Il se dirigea alors au chevet de son fils blessé, renvoya tout le monde hors de sa présence et resta quelque temps à côté de lui. Quoique personne ne sache ce qui se passa durant cette heure précieuse, entre l'amant et le Bien-Aimé, nous pouvons être certains que ce fils de Baha'u'llah, dont la dévotion et l'amour pour la cause de son père ne connaissait pas de limite, a dû être transporté par les effusions de bienfaits et d'amour de son Seigneur.

Il faut se souvenir que la relation entre Baha'u'llah et les membres de sa famille qui demeurèrent fidèles à la Cause, n'était pas identique aux relations qui existent entre les membres des autres familles. Habituellement, chez eux, un père et un fils ont une attitude très intime et informelle l'un envers l'autre. Mais dans le cas de Baha'u'llah et de ces enfants fidèles c'était en vérité, très différent, bien que cette relation intime de père et fils existât entre eux. Cependant, le rang de Baha'u'llah comme Manifestation de Dieu éclipsait complètement le fait qu'il soit leur père physique. 'Abdu'l-Baha, la Très-Sainte-Feuille et la Branche-la-plus-pure considéraient Baha'u'llah non seulement comme leur père mais aussi comme leur Seigneur. Et comme ils avaient sincèrement reconnu son rang, ils agissaient en tous temps à son Seuil comme les plus humbles serviteurs. 'Abdu'l-Baha se rendait toujours en présence de Baha'u'llah dans une attitude tellement humble et respectueuse qu'aucun des disciples n'aurait pu, comme lui, manifester un esprit de modestie et de total effacement. L'humilité de 'Abdu'l-Baha en s'inclinant devant son Père, ou se prosternant à ses pieds ou descendant de sa monture lorsqu'il approchait de la demeure dans laquelle résidait Baha'u'llah, montre cette relation unique existant entre ce père et ses fils et sa fille fidèles.

Nous pouvons mieux apprécier, à la lumière de ce qui précède, l'émotion de la Branche-la-plus-pure lorsque son Père vint près de son lit. Nous ne pouvons en imaginer les expressions de dévouement, d'amour et de louanges qui à cette occasion durent sortir de sa bouche. Tout ce que nous savons est que Baha'u'llah, qui avait dans ses mains le pouvoir de vie ou de mort, demanda à son fils mourant s'il désirait vivre. Il lui assura que si c'était là son désir, Dieu lui permettrait de guérir et lui donnerait une bonne santé. Mais la Branche-la-plus-pure supplia Baha'u'llah d'accepter sa vie en rançon pour l'ouverture des portes de la prison aux nombreux croyants qui aspiraient à venir et à se trouver en présence de leur Seigneur. Baha'u'llah accepta son sacrifice et il mourut le 23 juin 1870, vingt-quatre heures après sa chute.

Ainsi se termina la vie de celui dont Baha'u'llah déclare qu'il "avait été créé de la lumière de Baha", dont la naissance avait eu lieu durant certaines des heures obscures dans l'histoire de la Foi, dont l'enfance s'était passée dans le berceau de l'adversité, dont l'âme avait très tôt été embrasée par le feu des épreuves et de la séparation, dont les jours de joie s'étaient passés en exil et à l'intérieur des murs d'une prison, et dont la mort tragique l'avait vêtu du vêtement cramoisi du sacrifice, répandant ainsi un éclat impérissable sur la Cause de son glorieux Père.

La mort de la Branche-la-plus-pure à l'intérieur des murs de la prison créa un profond émoi parmi les compagnons qui se lamentaient de la perte de l'un des plus glorieux membres de la famille de Baha'u'llah. Ce qui suit est un résumé des notes de Husayn-i-Ashchi:

Lorsque la Branche-la-plus-pure mourut, Shaykh Mahmud supplia le Maître de lui permettre d'avoir l'honneur de laver le corps et de ne laisser personne * de la ville d'Acre accomplir cette tâche. Le Maître donna la permission. Une tente fut plantée au milieu de la caserne. Nous plaçâmes son corps béni sur la table au milieu de la tente et, Shaykh Mahmud commença à le laver **. Les aimés de Dieu pleuraient et se lamentaient les yeux pleins de larmes et, comme des papillons de nuit, tournaient autour de cette chandelle que les mains de Dieu avaient allumée. J'apportai l'eau et m'occupai à laver le corps. Le Maître arpentait de long en large devant la tente. Son visage trahissait des signes de profonde tristesse...

*[nota: dans les pays islamiques le corps du défunt est lavé avant d'être enveloppé dans un linceul. Dans chaque ville, il y a des hommes dont la profession est de laver les morts]
**[nota: une autre personne qui aida à laver le corps était Mirza Hasan-i-Mazindarani, le cousin de Baha'u'llah]

Après avoir été lavé et mis dans un linceul, le corps fut déposé dans un nouveau cercueil. À ce moment, les cris des pleurs et des lamentations s'élevèrent vers les cieux. Le cercueil fut porté sur les épaules des hommes hors de la prison avec la plus grande sérénité et majesté. Il fut enterré hors d'Acre dans le cimetière de Nabi Salih... Au moment du retour dans la prison un tremblement de terre secoua la région et nous sûmes tous que c'était l'effet de la mise en terre de cet être sanctifié. (n°2 idem en anglais)

Nabil-i-A'zam avait dit que Siyyid Mihdiy-i-Dahaji (voir vol.2) et Nabil-i-Qa'ini étaient à Nazareth lorsque le tremblement de terre eut lieu. Il dura près de 3 minutes et les gens étaient effrayés. Plus tard, lorsqu'ils entendirent la nouvelle du décès de la Branche-la-plus-pure, ils réalisèrent que cela coïncidait avec l'heure de son enterrement et ils en comprirent alors la raison. Dans l'une de ses tablettes se référant à la Branche-la-plus-pure, Baha'u'llah confirme la cause du tremblement de terre par ces paroles:

Béni sois-tu et béni soit celui qui se tourne vers toi et visite ta tombe et qui par toi s'approche de Dieu, le Seigneur de tout ce qui a été et sera... Je témoigne qu'avec humilité tu es retourné dans ta demeure. Grande soit ta béatitude et la béatitude de ceux qui s'accrochent fermement à l'ourlet de ton vêtement déployé... Tu es, en vérité, la propriété de Dieu et son trésor en cette terre. Sous peu, grâce à toi, Dieu révèlera ce qu'il a désiré. Il est en effet, la Vérité, Celui qui connaît les choses invisibles. Lorsque tu fus mis en terre, la terre elle-même trembla dans son désir de te rencontrer. Ainsi en avait-il été décrété et pourtant les gens ne le comprirent pas... Si nous devions raconter les mystères de ton ascension, ceux qui sont endormis s'éveilleraient et tous les êtres seraient enflammés par le feu du souvenir de mon nom le Puissant, l'Aimant. (n°3 Cité par Shoghi Effendi, 21 décembre 1939, "les puissances spirituelles de ce lieu sacré", Messages à l'Amérique, p.34)

Après sa mort tragique, la sainte mère de la Branche-la-plus-pure porta le deuil de son fils bien-aimé et pleura presque sans cesse. Lorsque Baha'u'llah l'assura que Dieu avait accepté son fils en rançon, pour que les croyants puissent arriver en présence de leur Bien-Aimé et pour que l'humanité dans son ensemble soit régénérée, cette noble mère fut consolée et ses pleurs cessèrent.

Les vêtements tâchés de sang de la Branche-la-plus-pure sont parmi les reliques précieuses réunies par les mains de sa soeur dévouée, la Très-Sainte-Feuille, et laissés à la postérité comme témoins silencieux de ce grand sacrifice.

Peu de temps après le martyr de la Branche-la-plus-pure, beaucoup des restrictions de la prison furent assouplies et de nombreux croyants qui aspiraient à être en présence de Baha'u'llah purent le faire. Et à peu près quatre mois après cet événement tragique, Baha'u'llah et ses compagnons quittèrent complètement la caserne. Comme nous le verrons par la suite, Baha'u'llah résida dans une maison à Acre et bientôt de nombreux pèlerins de Perse vinrent le voir et accédèrent à sa présence.

En décembre 1939, Shoghi Effendi le Gardien de la Foi, en dépit de grands dangers et difficultés et en la compagnie de quelques amis, avec le plus grand soin, et de ses propres mains, retira de deux cimetières différents de Acre, les restes de la Branche-la-plus-pure, ainsi que ceux de son illustre mère, et lors d'une cérémonie profondément émouvante le jour de Noël et en présence de quelques croyants, porta les cercueils sur ses propres épaules et enterra ces restes sacrés sur un versant du mont Carmel, attenant à la dernière demeure de la Très-Sainte-Feuille et avoisinant le Tombeau du Bab. (voir appendice III)

Le décès de la Branche-la-plus-pure doit être considéré comme le propre sacrifice de Baha'u'llah, un sacrifice au même niveau que la crucifixion du Christ et du martyre du Bab. Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi, déclare que Baha'u'llah a exalté la mort de la Branche-la-plus-pure au "rang de ces grands actes de rachat correspondant au sacrifice qu'Abraham se disposait à faire de son fils, à la crucifixion de Jésus-Christ et au martyre de l'Imam Husayn... (n°4 Dieu passe près de nous, p.180) Une autre fois, Shoghi Effendi déclara (n°5 Lettre aux croyants d'Orient, 25 décembre 1939) que dans la "dispensation" babie, c'est le Bab lui-même qui sacrifia sa vie pour la rédemption et la purification de l'humanité. Dans la "dispensation" de Baha'u'llah, ce fut la Branche-la-plus-pure qui donna sa vie libérant ainsi toutes les forces nécessaires pour susciter l'unité de l'humanité.

Quoique dans ce monde nous ne puissions pas véritablement comprendre le mystère du sacrifice, nous pouvons trouver à travers les Écrits qu'un pouvoir immense est libéré lorsque l'homme sacrifie quelque chose dans le sentier de Dieu. Nous avons déjà discuté de ce thème dans le volume 2 . Dans l'une de ses tablettes, 'Abdu'l-Baha explique qu'une graine ne pourra jamais produire d'arbre à moins qu'elle ne se soit complètement désintégrée dans la terre. C'est alors, qu'un objet aussi insignifiant qu'une graine, en se sacrifiant totalement, sera transformée en un arbre puissant portant des branches, des fruits et des fleurs. C'est la même chose lorsque l'homme sacrifie quelque chose qui lui appartient.

Un être humain a deux forces opposées qui agissent en lui, l'animale et la spirituelle. La nature animale fait s'incliner l'homme vers le monde matériel. Les Manifestations de Dieu ont exhorté leurs disciples à se détacher de leurs inclinaisons matérielles afin que leur côté spirituel puisse dominer sur le physique. Comme nous l'avons déjà déclaré ici et dans des volumes précédents (voir vol.1 et 2), le mot détachement ne signifie pas renoncement au monde, la mendicité ou l'ascétisme. Pour résumer en un seul mot, le détachement signifie soumettre sa volonté à celle de Dieu et rechercher son bon plaisir au-dessus du sien propre. Par conséquent, le défi qui fait face à chaque croyant dans cette vie est le détachement de tout sauf de Dieu. Être détaché de certaines choses de ce monde est souvent un processus douloureux et c'est là que le sacrifice devient nécessaire, car l'homme est attiré vers le monde matériel et, par nature, vers lui-même. Lorsque le croyant sacrifie quelque chose de ce monde, un acte qui implique de la douleur et de la souffrance ou de la privation de bénéfices matériels, il atteindra une position spirituelle plus élevée égale à la mesure de son sacrifice.

Et comme en témoigne Baha'u'llah dans ses Écrits, lorsqu'il abandonne quelque chose qui lui est cher pour l'amour de la cause de Dieu, des forces mystérieuses sont libérées qui permettent à la Foi de grandir. Offrir de son temps, travailler pour l'établissement de la Foi dans une localité, abandonner le confort de la maison et partir comme pionnier baha'i vers des terres étrangères, offrir ses richesses pour la promotion de la Cause, être persécuté pour sa foi, tous ces sacrifices sont méritoires à la vue de Dieu et sans aucun doute, ils apporteront la victoire à la cause de Baha'u'llah, pourvu que les motifs soient purs et sincères. Mais sacrifier sa propre vie dans le chemin de Dieu lorsque les circonstances le demandent est le sacrifice ultime dans le royaume du sacrifice. C'est comme une graine qui sacrifie tout à la terre. Des milliers de martyrs en Perse, se trouvant face au choix de renier leur Foi ou de mourir, ont libéré, par leur sacrifice, d'énormes forces spirituelles pour la promotion et la consolidation de la cause de Baha'u'llah. Car deux choses sont essentiellement responsables pour la propagation de la Foi et sa pénétration dans le coeur des hommes. L'une est le flot d'énergies de la révélation régénératrice et émouvante de Baha'u'llah qui comme les rayons du soleil au printemps donne une nouvelle vie à toutes choses créées, l'autre est le sang du martyr qui arrose l'arbre de sa Cause. Dans une de ses lettres (n°6 Lettre aux croyants d'Orient, Ridvan 89 (avril 1933), Shoghi Effendi a attribué toutes les grandes victoires de la Cause dans le monde occidental, y compris la conversion de la Reine Marie de Roumanie (voir "Dieu passe près de nous") aux mystérieuses forces libérées par le sang d'innombrables martyrs en Perse. Cependant, dans cette "dispensation", Baha'u'llah a exhorté ses disciples à ne pas rechercher le martyre. Inversement il a décrété que les croyants devraient vivre pour enseigner la Foi, et a élevé la récompense de l'enseignement au niveau de celle du martyr. (voir vol.2)

Comme s'était le sacrifice de Baha'u'llah lui-même, la Branche-la-plus-pure, en offrant sa vie en rançon pour l'ouverture des portes de la prison, libéra d'incalculables énergies spirituelles à l'intérieur de la société humaine, énergies qui avec le temps, selon les dires de Baha'u'llah, entraîneront l'unité de l'espèce humaine. Dans une prière révélée par Baha'u'llah le jour du décès de la Branche-la-plus-pure, il a fait la déclaration suivante que Shoghi Effendi décrit comme "incroyable".

"Glorifié sois-tu, ô Seigneur, mon Dieu ! Tu me vois aux mains de mes ennemis et mon fils taché de sang devant ton visage, ô toi dans les mains de qui se trouve le royaume de tous les noms. Je t'ai, ô mon Seigneur, offert ce que tu m'avais donné, afin que tes serviteurs puissent être vivifiés et que tous ceux qui vivent sur terre puissent être unis." (N°7 cité dans Messages to America)

Il est fort probable que sans ces paroles de Baha'u'llah révélant les immenses potentialités de ce sacrifice, aucun de ses disciples n'aurait jamais pu imaginer la signification de la mort de ce noble fils. Shoghi Effendi, citant le passage ci-dessus, dans une lettre adressée aux croyants d'Orient (n°8 25 décembre 1939) à l'occasion du transfert des restes de la Branche-la-plus-pure et de son illustre mère à leur dernière demeure glorieuse sur le Mont Carmel, a précisé que l'éveil des peuples du monde, l'unité des nations sur cette planète et l'unité du genre humain - qui sont les principaux objectifs de cette révélation - seront tous accomplis par les forces mystérieuses libérées par le sacrifice de la Branche-la-plus-pure.

Comme il est donc approprié que les bâtiments destinés à abriter les institutions administratives internationales de la Foi - ce véhicule par lequel cet Ordre de Baha'u'llah qui englobe et rachète le monde, doit être établi sur la surface de cette planète, réalisant ainsi l'unité de la race humaine - soient situés autour d'un arc sur les flancs du Mont Carmel, au centre même duquel se trouve non seulement les restes de l'illustre fille de Baha'u'llah, la Très-Sainte-Feuille, et de sa mère, mais aussi ceux de son noble fils sacrifié par son Père Tout-Puissant pour que nous, ses serviteurs, "soyons vivifiés et que soient unis tous ceux qui vivent sur terre".

Entrant dans les détails du développement futur du Centre Mondial de la Foi, et ses liens spirituels avec ces trois membres de la famille de Baha'u'llah, Shoghi Effendi, dès 1939 écrivait ces paroles extrêmement éclairantes:

Car il faut clairement comprendre, et cela n'est jamais assez mis en valeur, que l'installation de la dernière demeure de la Très-Sainte-Feuille avec celle de son frère et de sa mère, renforce d'une manière incalculable les puissances spirituelles de ce Lieu consacré qui, sous les ailes dominantes de la sépulture du Bab, et dans le voisinage du futur Mashirqu'l-Adhkar (Littéralement "le Point de la mention de Dieu", une maison d'adoration baha'ie qui sera érigé sur son flanc, est destiné à devenir le centre focal de ces institutions administratives qui ébranleront, engloberont et dirigeront le monde, comme ordonné par Baha'u'llah et préfiguré par 'Abdu'l-Baha et qui doivent fonctionner en accord avec les principes qui gouvernent les institutions jumelles du Gardiennat et de la Maison Universelle de Justice. Alors, et alors seulement, sera accomplie la prophétie grandiose qui illumine le dernier passage de la Tablette du Carmel *.

*[nota: la Tablette du Carmel révélée par Baha'u'llah peut être considérée comme la charte de la construction du Centre mondial de la Foi. Nous parlerons de cette tablette dans le prochain volume]

"Avant peu, Dieu fera voguer son arche sur toi et manifestera le peuple de Baha mentionné dans le Livre des Noms."

Essayer de s'imaginer, même de la plus simple façon, la gloire qui doit envelopper ces institutions, tenter même une esquisse ou une description partielle de leur caractère ou de la façon dont elles fonctionneront ou tracer, aussi peu que ce soit, le cours des événements menant à leur élévation et finalement à leur établissement, est bien au-delà de mes propres capacité et pouvoir.

"Il suffit de dire qu'à ce stade troublé de l'histoire mondiale, l'association de ces trois âmes incomparables et précieuses, qui, dans un Centre administratif si potentiellement puissant et spirituel, à côté des trois Personnages centraux de notre Foi, dépassant en rang la vaste multitude des héros, Lettres, martyres, Mains, enseignants et administrateurs de la cause de Baha'u'llah, est en soi un événement qui va libérer des forces destinées à accélérer la naissance, dans un pays qui géographiquement, spirituellement et administrativement, constitue le coeur de la planète tout entière, de certaines des plus brillantes gemmes de cet Ordre mondial en train de se former dans le sein de cet âge en travail." (n°9, Messages to America, p.32-3)

Le triste événement de la mort de la Branche-la-plus-pure n'empêcha pas la Plume du Très-Haut de révéler les paroles de Dieu. La Manifestation de Dieu ne s'intéresse pas que d'une chose à la fois et rien de ce monde ne peut le distraire de sa vision qui englobe toute chose. Il n'est pas limité, comme le sont les êtres humains, dans ses relations avec les choses. Nous avons déjà discuté de la Manifestation de Dieu dans des précédents volumes (voir vol.1 et vol.2), Le jour même où la Branche-la-plus-pure s'éleva dans les Royaumes d'en Haut, Baha'u'llah révéla une épître en l'honneur de l'un des croyants de Qazvin, dans laquelle il rend hommage à son fils et répand sur lui ses bénédictions. Voici un extrait de cette épître:

"En cet instant même, mon fils est lavé devant moi après que dans la Plus-Grande-Prison, nous l'ayons sacrifié. Cela fit pleurer les habitants du Tabernacle d'Abha avec de grands sanglots et ceux, qui dans le chemin de Dieu, le Seigneur du jour promis, ont souffert l'emprisonnement avec cet Adolescent, se lamentent. De telles conditions n'empêchent pas ma plume de se souvenir de son Seigneur, le Tout-Puissant, le Très-Miséricordieux. C'est le jour où celui qui a été créé par la lumière de Baha a souffert le martyre en un temps où il était en prison aux mains de ses ennemis.
Sur toi, ô Branche de Dieu ! soient le souvenir de Dieu et sa louange, et la louange de tous ceux qui habitent dans le royaume d'immortalité, et de tous les citoyens du Royaume des noms. Sois heureux car tu as été fidèle à l'alliance de Dieu et à son pacte, jusqu'à ce que tu te sacrifies devant ton Seigneur, le Tout-Puissant, Celui qui n'a pas de contrainte. Certes, tu as été opprimé et de cela témoigne sa Beauté, l'Absolu. Dans les premiers jours de ta vie, tu as supporté ce qui a fait gémir toutes choses, et fait trembler toutes les colonnes. Heureux celui qui se souvient de toi et, grâce à toi, s'approche de Dieu, le Créateur de l'aurore." (n°10 cité dans "Messages to America")

- Lawh-i-Pisar-'Amm (Tablette au Cousin):

Cette tablette a été révélée dans la prison d'Acre, en l'honneur de Mirza Hasan - i-Mazindarani, un cousin de Baha'u'llah. Nous avons déjà indiqué que Mirza Hasan réussit à pénétrer dans la prison et à y demeurer quelque temps. Il était présent lorsque décéda la Branche-la-plus-pure et assista Shaykh Mahmud pour laver le corps. Cette tablette fut révélée lorsque Baha'u'llah commanda à Mirza Hasan de retourner chez lui. Ce parent de Baha'u'llah lui était très cher. C'est Baha'u'llah lui-même qui au premier temps du ministère du Bab avait converti à la Foi son père Mulla Zaynu'l-'Abidin (un oncle paternel de Baha'u'llah). Son fils, Mirza Hasan était dévoué à la Cause et s'était consacré au service de son Auteur.

Dans les passages d'ouverture de cette tablette, Baha'u'llah exhorte Mirza Hasan de rendre grâce à Dieu pour lui avoir permis d'aller en la présence de son Seigneur, à être le premier parent à l'avoir rencontrer en Terre sainte. Et aussi, d'amasser ses faveurs divines grâce auxquelles les liens familiaux ne furent pas rompus. Il affirma que le bienfait de garder ce lien familial était si précieux que rien en ce monde ne pouvait l'égaler.

Comme nous l'avons déjà indiqué dans des volumes précédents (voir vol.1 et vol.2), un certain nombre de parents de Baha'u'llah, comprenant oncles et cousins, ainsi que frères et soeurs, reconnurent pleinement le rang de Baha'u'llah et devinrent ses disciples dévoués. À sa vue, ils se distinguaient des autres, car ils avaient consolidé leur relation physique avec les liens spirituels de foi. Étant donné que la mission principale d'une Manifestation de Dieu est de conférer la vie spirituelle sur les âmes, ceux qui en sont privés sont par conséquent, à son avis, comptés comme morts. Dans les Écrits de Baha'u'llah et dans les Livres saints des autres religions, le mot "mort" sert souvent pour faire référence à ceux qui sont dépourvus de foi et de vie spirituelle. Compte tenu de ceci, il devient clair que les parents de Baha'u'llah qui n'étaient pas illuminés par la lumière de la foi avaient, en vérité, rompu leur relation avec lui.

Dans cette tablette, Baha'u'llah exhorte Mirza Hasan à faire mention de son Seigneur et à se conduire de telle façon que les gens puissent percevoir en lui les fragrances du Bien-Aimé, et témoigner de la pureté et de l'excellence de ses actions, actions dignes d'éloge aux yeux de Dieu. Il lui conseille de se détacher du monde et de ses vanités transitoires. Au lieu de cela, il doit s'efforcer de se vêtir de la gloire de son Nom impérissable et éternel.

Le reste de la tablette consiste en des exhortations pour les autres personnes. Tout d'abord, il y a un long message qui semble être adressé au demi-frère de Baha'u'llah, Mirza Rida-Quli. Dans cette tablette, il ne mentionne pas son nom, mais on peut déduire d'après le ton et le contenu des paroles de Baha'u'llah que c'est probablement lui. Dans un précédent volume (voir vol.1), nous avons brièvement fait allusion à son frère. Bien que sa femme Maryam (voir vol.1) une cousine de Baha'u'llah fut une croyante fervente, Mirza Rida-Quli n'était pas personnellement assez suffisamment touché par la lumière de la Foi pour pénétrer dans le refuge. Il resta éloigné de Baha'u'llah. Il y a même un commentaire dans cette tablette sur le fait qu'à un moment il avait demandé à Baha'u'llah de ne pas lui écrire. Il faut dire que, de temps à autre, Baha'u'llah gardait contact avec ce frère et lui conseillait vivement d'ouvrir sa vision intérieure afin de pouvoir voir son Seigneur et embrasser sa Foi. Dans cette tablette Baha'u'llah exprime sa tristesse et son profond chagrin pour un frère qui se tenait à l'écart de la cause de Dieu, et avec une affectueuse bonté l'exhortait à se lever et à s'amender.

Mirza Rida-Quli était tenu en grande estime à Téhéran. Le récit suivant de Haji Mirza Haydar-'Ali éclaircit son attitude envers Baha'u'llah. L'histoire se rapporte à Mirza Husayn-Khan-i-Mushiru'd-Dawlih (voir vol.2, passim) qui pendant dix ans fut ambassadeur de Perse en Turquie. Il fut rappelé à Téhéran et en 1871 fut fait Premier ministre:

"Et lorsqu'il (le Mushiru'd-Dawlih) alla à Téhéran, les ministres, chefs et dignitaires vinrent lui rendre visite. Parmi eux se trouvait feu Haji Mirza Rida-Quli, un demi-frère de la Beauté ancienne. Il fut présenté comme étant un frère de Baha'u'llah. Gêné et craintif, il dit: "J'ai un père, pourquoi ne peut-on me présenter à travers lui ?" Entendant cela le Mushiru'd-Dawlih s'exclama sur un ton de reproche: "Vous devriez être fier et vous glorifier d'être le frère de Baha'u'llah ? C'est un très grand honneur et une source de fierté pour la Perse et le peuple de Perse que Baha'u'llah soit natif de ce pays. De tout temps, chaque fois qu'un prince, ministre ou dirigeant allait de Perse à Istanbul, il devenait pour diverses raisons une cause de déshonneur et d'humiliation pour le gouvernement et le peuple de Perse... Bien que ce soit le gouvernement qui l'ait exilé, Baha'u'llah se conduit avec une telle fermeté et une telle dignité et manifeste une telle grandeur et une telle gloire que véritablement il fait revivre la Perse et ses peuples..." (n°11 cité par Haji Mirza Haydar-'Ali, biographie non publiée de Mirza Abu'l Fadl, p.150)

Qu'un tel hommage, si élogieux, soit rendu par Mirza Husayn-Khan le Mushiru'd-Dawlih (concernant le changement qui eut lieu dans son attitude envers Baha'u'llah, voir vol.2) qui dans les premiers temps de sa fonction d'ambassadeur de Perse en Turquie avait assidûment travaillé contre Baha'u'llah, mais qui par la suite changea d'attitude, est une preuve que rien ne peut être aussi efficace que de pures et saintes actions pour convaincre les gens de la vérité de la cause de Dieu. Nous trouvons dans les Écrits de Baha'u'llah de nombreuses exhortations à ce sujet. Dans les Ishraqat (Splendeurs) Baha'u'llah déclare:

"Dans cette révélation, les armées capables de la rendre victorieuse sont les armées des actes louables et d'un caractère droit." (N°12 Tablettes de Baha'u'llah)

Dans une autre tablette, il déclare:

L'homme est semblable à un arbre. S'il est orné de fruits, il a été et sera toujours l'objet de louanges et d'éloges. Autrement, un arbre sans fruits n'est bon qu'à mettre au feu. Les fruits de l'arbre humain sont exquis, hautement désirés et tendrement choyés. Parmi eux se trouvent un caractère droit, des actes vertueux et une bonne parole. Le printemps des arbres terrestres revient une fois par an, alors que celui des arbres humains arrive pendant les jours de Dieu - exaltée soit sa gloire. Si les arbres des vies humaines s'ornaient en ce divin printemps des fruits qui viennent d'être mentionnés, l'éclat de la lumière de la justice illuminerait, sans aucun doute, tous les habitants de la terre, et chacun d'eux vivrait dans la tranquillité et le contentement à l'ombre protectrice de celui qui est la raison d'être de toute l'humanité. (N°13 Tablettes de Baha'u'llah, p.267)

Et dans Lawh-i-Dunya (la tablette du monde) Baha'u'llah déclare:

Cet Opprimé a interdit au peuple de Dieu de s'engager dans la voie de la discorde ou du conflit et les a exhortés à agir équitablement et à posséder un caractère louable. Aujourd'hui, l'armée capable d'assurer la victoire de sa cause est composée de ceux qui ont une bonne conduite et un saint caractère. Bénis sont ceux qui les suivent fermement et malheur à ceux qui s'en détournent. (N°14 Tablettes de Baha'u'llah, p.92)



CHAPITRE 11: L'Opprimé du monde

- Les portes de la prison s'ouvrent:

Près de cinq mois s'étaient écoulés depuis le décès de la Branche-la-plus-pure lorsque s'ouvrirent, ainsi qu'il l'avait souhaité sur son lit de mort, les portes de la prison d'Acre. Baha'u'llah, sa famille et les compagnons quittèrent la caserne après y avoir été enfermés pendant une période de deux ans, deux mois et cinq jours. Ce transfert, qui eut lieu à l'automne de 1870, fut nécessaire car les casernes allaient servir à loger les troupes turques. Baha'u'llah et sa famille furent enfermés dans une maison tandis que certains de ses compagnons logèrent dans différentes maisons et d'autres furent enfermés dans le caravansérail Khan-i-'Avamid.

Baha'u'llah résida dans plusieurs maisons, y restant chaque fois quelques mois. Tout d'abord, il déménagea dans la maison de Malik, et par la suite, dans la maison de Mansur Khavvam qui était toute proche. De là, il alla chez Rabi'ih. Finalement, sa résidence fut transférée dans la maison de 'Udi Khammar. Cette maison était attachée à celle de 'Abbud ; plus tard la séparation entre les deux maisons fut ôtée, et les deux maisons ne firent plus qu'une, l'ensemble étant connu sous le nom de maison de 'Abbud. La partie est était la maison de Khammar et la partie ouest, qui faisait face à la mer était celle de 'Abbud. 'Udi Khammar et 'Abbud étaient chrétiens, ils étaient de proches parents. La maison de 'Udi Khammar était très insuffisante pour les besoins de Baha'u'llah et de sa maisonnée. Baha'u'llah occupait la petite chambre en haut du côté oriental de la maison. L'autre chambre du haut était surpeuplée - il y eut même une fois, treize personnes des deux sexes qui durent y dormir en rang. C'est une histoire bien connue celle où la personne qui avait l'habitude de dormir dans cette chambre sur une étagère, tomba endormie sur les autres !

Quant au Khan-i-'Avamid (auberge des piliers), c'était un caravansérail inhabitable. La plupart des compagnons de Baha'u'llah étaient consignés en ce lieu, occupant des chambres à l'étage supérieur principalement dans les ailes ouest et sud du bâtiment. 'Abdu'l-Baha occupait lui-même une chambre et pendant quelque temps, elle devint la chambre où il recevait les invités. Les pèlerins arrivant de Perse étaient tout d'abord reçus par 'Abdu'l-Baha dans cette pièce. Il s'assurait qu'ils étaient prêts à aller en présence de Baha'u'llah. Non seulement, les pèlerins avant de voir Baha'u'llah acquerraient de lui des conseils d'humilité, par sa courtoisie et son total altruisme, mais il les aidait aussi à améliorer leur apparence - par exemple en s'assurant qu'ils aient des vêtements propres pour aller en sa présence.

Les chambres du Khan-i-'Avamid étaient humides et sales. 'Abdu'l-Baha vendit un cadeau qui lui avait été donné à Bagdad et, avec le produit de la vente, commença à réparer les chambres des compagnons de Baha'u'llah. Il garda pour la fin les réparations de sa propre chambre. L'argent s'épuisa et en conséquence sa chambre, qui était dans un état lamentable, resta ainsi. Non seulement ses murs étaient humides, mais il y avait une fuite dans le toit et le sol était couvert de poussière. Dans sa chambre, il s'asseyait et dormait sur une natte. Sa couverture de lit était une peau de mouton. La chambre était infestée de puces et lorsqu'il dormait sous sa peau de mouton, les puces se rassemblaient et commençaient à le piquer. 'Abdu'l-Baha avait imaginé une tactique pour combattre les puces en tournant par intervalle la peau de mouton. Il dormait un peu, juste avant que les puces ne trouvent le chemin pour aller à l'intérieur, puis il retournait la peau de mouton. Chaque nuit, il devait recourir huit ou dix fois à cette tactique.

Lorsqu'ils étaient dans la caserne, les compagnons de Baha'u'llah vivaient dans une austérité semblable à celle-la. La nourriture était rare et les rations, pour chaque personne, bien loin d'être suffisantes. Pourtant, ils passaient leur temps dans la joie la plus totale. Leur plus grand désir était d'être appelé en présence de leur Seigneur. Leur attachement à Baha'u'llah était la source de leur force. Cela leur permettait de vivre dans le plus grand bonheur malgré les épreuves qui s'entassaient devant eux dans ce sombre environnement. Cependant, au fur et à mesure que le temps passait, la situation changea, les compagnons de Baha'u'llah purent trouver d'autres logements en ville et réussirent à se lancer dans d'humbles professions. Le Khan-i-'Avamid devint alors la première maison de pèlerins en Terre Sainte. Certaines personnes y demeurèrent et eurent la tâche de servir les pèlerins qui restaient plusieurs mois - et certains même pendant des années. Zaynu'l-Muqarribin et Mishkin-Qalam étaient deux éminentes personnes qui y vécurent très longtemps ; nous y avons fait allusion dans le volume I.

- Lawh-i-Ru'ya (Tablette de la vision):

Lawh-i-Ru'ya en arabe, semblable par le style à la Lawh-i-Hurriyyih (voir vol.1), fut révélée en 1873 dans la maison de 'Udi-Khammar la veille de l'anniversaire de la naissance du Bab, qui cette année-là tombait le 1er mars *. Baha'u'llah révéla cette tablette pour l'un des croyants afin de lui donner dans ce monde obscur, un aperçu du monde de l'esprit, déclarant que si c'était sa volonté, il pourrait d'un atome rendre manifestes les lumières du soleil, et d'une goutte d'eau les vagues d'un océan. Cette tablette, qui est remarquable par son langage allégorique, dépeint une vision spirituelle magnifique par sa conception et évocatrice par son style imagé. Sa lecture élève les coeurs et fascine l'esprit.

*[nota: les naissances du Bab et de Baha'u'llah sont célébrées en Orient selon le calendrier lunaire]

Baha'u'llah dépeint sa vision de l'apparition devant lui de la Servante céleste, une vision qui est au-delà de la compréhension des mortels et ne peut être compris dans sa réalité. La "Servante" a parfois été symboliquement décrite comme la personnification du Plus-Grand-Esprit, qui descendit sur Baha'u'llah. Dans d'autres "dispensations", la descente du Saint Esprit sur les Manifestations de Dieu a été représentée, au sens figuré, sous la forme du Buisson ardent, du Feu sacré, de la Colombe ou de l'ange Gabriel.

Dans Lawh-i-Ru'ya, Baha'u'llah décrit sa vision d'une Servante vêtue de blanc et illuminée par la lumière de Dieu. Elle pénétra dans la chambre où il était assis sur son trône d'autorité. Elle montra un enthousiasme et une dévotion indescriptibles, tourna autour de lui, fut ravie par l'ivresse de sa présence, et sidérée par sa Gloire. Et lorsqu'elle reprit conscience, elle demeura dans un état d'émerveillement. Elle avait très envie d'offrir sa vie pour son Bien-Aimé et le trouvant captif aux mains des infidèles, elle lui enjoignit de quitter Acre et ses habitants et de retourner dans ses autres empires, "où les yeux du peuple des noms n'avaient jamais déchu", paroles qui trouvèrent leur accomplissement dix-neuf années plus tard avec l'ascension de Baha'u'llah. En l'absence de traduction, il n'est pas possible de communiquer la beauté des versets et le mystère du sujet révélé dans Lawh-i-Ru'ya. Le thème de cette tablette est aussi enchanteur qu'il est insondable et mystérieux.

Peu après que Baha'u'llah ait emménagé dans la maison de 'Udi Khammar, une sérieuse crise qui s'était développée à l'intérieur la communauté, éclata soudainement en une importante catastrophe qui entraîna Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha, et d'autres compagnons. Ce fut le meurtre par sept croyants de Siyyid Muhammad-i-Isfahani, (voir vol.1 et 2) Aqa Jan-i-Kaj-Kulah (voir vol.2) et de Mirza Rida-Quliy-i-Tafrishi, qui tous proclamaient être des adeptes de Mirza Yahya. Cet acte haineux, contraire à tous les principes et à l'esprit des enseignements de Baha'u'llah, apporta une grande tristesse à son coeur et ternit pendant un temps considérable la bonne réputation de la Foi.

Souvenons-nous que peu après leur arrivée dans la caserne, Siyyid Muhammad et Aqa Jan avaient été transférés dans des quartiers surplombant les portes de la cité d'où ils pouvaient épier tous les baha'is essayant d'entrer dans Acre. De nombreux pèlerins avaient ainsi été expulsés de la cité. Siyyid Muhammad avait adopté le nom "Quddus Effendi" (le Saint) et Aqa Jan commença à se servir du nom "Sayfu'l-Haqq" (L'Épée de vérité), un titre qui lui avait été donné par Mirza Yahya. Ils commencèrent alors à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour donner une mauvaise impression de Baha'u'llah. Un de leurs camarades était donc Mirza Rida-Quli qui avait l'habitude de s'associer librement avec les compagnons de Baha'u'llah. Mais il vivait une vie contraire aux enseignements de la Foi, et commettait des actions délictueuses en compagnie de quelques chrétiens de la ville. Par sa conduite répréhensible, il avait apporté la disgrâce publique sur la Foi et Baha'u'llah l'avait finalement expulsé de la communauté.

Ayant été honteusement renvoyé, Mirza Rida-Quli et sa soeur Badri Jan *, la femme séparée de Mirza Yahya, s'allièrent à Siyyid Muhammad et Aqa Jan dans une campagne de calomnies contre Baha'u'llah destinée à le discréditer aux yeux des gens qui avaient commencé à s'adoucir envers le groupe des exilés. Les effets de cette campagne de mensonges et de diffamation envenimèrent à nouveau l'esprit du public contre Baha'u'llah et ses fidèles compagnons. Le feu de la sédition et des dissensions que ces quatre personnages avaient déclenché dans le coeur des gens d'Acre commença à dévorer la communauté du Plus-Grand-Nom. Les gens commencèrent à montrer une hostilité et une malveillance ouvertes envers les croyants. Ce fut à cette époque que Baha'u'llah décida de fermer sa porte aussi bien aux amis qu'aux ennemis. Il n'autorisa personne à aller en sa présence. 'Abdu'l-Baha quitta aussi le Khan-i-'Avamid et demeura près de son Père dans la maison de 'Udi Khammar. La retraite de Baha'u'llah dans sa maison, faisait penser à l'époque où à Andrinople, il s'était retiré chez Rida Big, isolé de tous et apporta la tristesse dans le coeur de ses compagnons.

*[nota: elle avait quitté Mirza Yahya à l'époque d'Andrinople et s'était réfugiée dans la maison de Aqay-i-Kalim, le frère fidèle de Baha'u'llah. Elle et son frère étaient allés à Acre avec les compagnons]

- Lawh-i-Qad Ihtaraqa'l-Mukhlisun (la Tablette du feu):

Vers la fin de 1871, Baha'u'llah reçut une lettre de l'un de ses croyants dévoués en Perse, Haji Siyyid 'Ali-Akbar-i-Dahaji, un neveu de Siyyid Mihdi, le Ismu'llah (voir vol.2). En réponse à sa lettre, Baha'u'llah révéla Lawh-i-Qad Ihtaraqa'l-Mukhlisun, ou Lawh-i-Ihtaraq traduite et connue en Occident sous le nom de Tablette du feu. Il a été fait référence, dans le volume précédent, à Haji Siyyid 'Ali-Akbar le destinataire de cette tablette, et un bref récit de sa vie et de ses services à la Cause y sont donnés (voir vol.2). Baha'u'llah l'aimait tellement que lorsqu'il mourut Baha'u'llah donna à son oncle le nom de 'Ali-Akbar en mémoire de ce croyant dévoué.

La Lawh-i-Qad Ihtaraqa'l-Mukhlisun est l'une des plus célèbres tablettes de Baha'u'llah ; elle possède de grands pouvoirs, et les croyants la récite souvent en temps de difficultés et de souffrance. De cette tablette, Baha'u'llah déclare: "Si tous les serviteurs la lisent et méditent sur son contenu, dans leurs veines s'allumera un feu qui embrasera les mondes." (n°1 Qad Ihtaraqa'l-Mkshlisun, la Tablette du feu) La Tablette du feu est composée en vers rimés arabes ; elle émeut les coeurs lorsqu'elle est chantée dans la langue originelle. Elle a été révélée à une époque lorsque de grandes afflictions et tristesses entouraient Baha'u'llah suite à l'hostilité, la trahison et les actes d'infamie perpétrés par ces quelques individus qui s'étaient alors proclamés les soutiens de la Cause de Dieu. Dans cette tablette, Baha'u'llah déverse son coeur et disserte sur ses afflictions. Car rien n'apporte plus de tristesse au coeur de la Manifestation de Dieu que l'infidélité et la traîtrise à l'intérieur de la communauté. L'emprisonnement et toutes sortes de persécutions par les ennemis de l'extérieur ne peuvent faire aucun mal à la Cause. Ce qui lui fait du mal sont les actions de ceux qui portent son nom et pourtant commettent des actions contraires à son bon plaisir. Ces quelques briseurs de l'alliance du Bab, qui suivirent Mirza Yahya et qui de l'intérieur se levèrent contre Baha'u'llah, firent de tels dégâts dans la communauté et parmi les habitants d'Acre que, dans cette tablette, la Plume de Baha'u'llah se lamenta d'une façon que l'on ne retrouve dans aucun de ses Écrits.

Après la révélation de cette tablette, les disciples de Baha'u'llah prirent conscience de l'immensité de ses souffrances provoquées par les mains des méchants et des impies. Il s'adresse en ces termes au destinataire Haji Siyid 'Ali-Akbar: "'Ô 'Ali-Akbar, remercie ton seigneur pour cette tablette de laquelle tu peux respirer les senteurs de mon humilité, et par laquelle tu peux connaître ce qui nous a affligé dans le sentier de Dieu, l'Adoré de tous les mondes." (N°2 idem)

Dans un passage (non encore traduit) adressé à Siyyid Mihdiy-i-Dahaji, Baha'u'llah déclare qu'il a révélé la Tablette du feu pour le neveu du Siyyid afin qu'elle puisse créer en lui des sentiments de joie et aussi allumer dans son coeur le feu de l'amour de Dieu.

Baha'u'llah a révélé cette tablette d'une façon spéciale, afin que l'esprit de l'homme, limité et fini comme il l'est, puisse réfléchir et méditer sur les souffrances entassées sur la Manifestation, et en même temps voir un aperçu de sa Personne si glorieuse. Il semble que ce soit sa personne humaine, distincte de la Manifestation de Dieu, qui raconte ses afflictions et s'appesantit sur les iniquités perpétrées par ses ennemis. Puis vient la voix de Dieu et Baha'u'llah y répond. Mais en réalité, Baha'u'llah, la Manifestation suprême de Dieu, ne peut pas être coupé en deux. Sa nature humaine et son esprit divin sont si étroitement mêlés qu'à aucun moment, il ne peut être considéré comme un homme dépourvu du Plus-Grand-Esprit qui l'anime sans cesse. On ne peut pas supposer que parfois la Manifestation de Dieu cesse d'être une Manifestation et devienne purement humaine. Au contraire, il est toujours une Manifestation de Dieu, bien qu'il cache souvent sa gloire et semble être comme un être humain ordinaire. Pour apprécier cette indivisibilité, considérons l'homme et ces deux natures. Nous observons que, bien que l'homme associe en lui-même les natures animale et spirituelle, il est toujours un homme et, à aucun moment, il ne peut être considéré comme un animal absolu dépourvu de l'esprit humain ou être provisoirement privé de ses pouvoirs d'homme. De même, la Manifestation de Dieu ne peut jamais être divisée en deux parties distinctes.

Il est probable que la raison fondamentale qui fait parler Baha'u'llah avec la voix d'un homme dans la Tablette du feu est pour permettre aux croyants d'apprécier combien étaient odieuses les attaques lancées contre lui, et combien ses compagnons souffrirent lorsqu'ils furent dans l'impossibilité d'aller en sa présence. Dans les passages d'ouverture, Baha'u'llah se réfère à cette séparation entre lui et ses bien-aimés et demande au Tout-puissant de les secourir et de les réconforter.

En vérité, le coeur des fidèles se consume dans le feu de la séparation: Où est le rayonnement de la lumière de ton visage, ô Bien-Aimé des mondes ?

Ceux qui sont proches de toi sont abandonnés dans l'obscurité de la désolation: Où est l'éclat du matin de ta réunion, ô Désir des mondes ?

Les corps de tes élus gisent pantelants sur des sables lointains: Où est l'océan de ta présence, ô Enchanteur des mondes ?

Dans d'autres passages, Baha'u'llah fait allusion à son éloignement de tout le monde, ainsi lorsqu'il fait référence à lui-même comme étant "dissimulé par la poussière de la calomnie", ou lorsqu'il déclare que "l'océan de grâce s'est immobilisé", et que "la porte qui conduit à la présence divine est verrouillée".

Dans cette tablette, nous trouvons des déclarations se référant clairement à la malignité de Siyyid Muhammad et de ses hommes de main. Il se réfère à eux comme à des "infidèles" qui "sont tyranniques", décrit leurs activités comme "l'aboiement des chiens", "les chuchotements de Satan", déclare que par leurs actions, "les lampes de vérité et de pureté, de loyauté et d'honneur se sont éteintes", affirme que par leur esprit malin "les vents empoisonnés de la sédition jaunissent les feuilles.

Dans cette tablette, Baha'u'llah disserte sur ses souffrances. Il fait mention de "l'humiliation" et des "chagrins" qui l'ont affligé, déclare que "la poussière de la calomnie dissimule ce Visage" et que "le peuple de la duplicité souille la robe de pureté". Ces passages déchirants sont des références très claires aux effets de la vaste campagne de diffamation et de calomnie menée en public par Siyyid Muhammad contre Baha'u'llah, et sont un témoignage suffisant des afflictions extrêmement pénibles amassées sur lui.

Baha'u'llah, s'étant alors appesanti sur ses souffrances, se répond à lui-même en tant que "Langue de grandeur". Voici quelques-unes de ses paroles:

Nous avons fait de l'avilissement le vêtement de gloire,
Et de l'affliction l'ornement de Ton temple, ô Orgueil des mondes
Tu vois, les coeurs sont remplis de haine, et il t'appartient de fermer les yeux,
Nous avons fait de l'humiliation le vêtement de ta gloire, de l'affliction l'ornement de ton temple, ô Orgueil des mondes !
Tu vois les coeurs remplis de haine, alors montre-toi indulgent, ô toi qui caches les péchés des mondes !
Quand jaillit l'épée, avance ; quand vole la flèche, force le pas, ô Sacrifice des mondes !

Dans cette tablette, Baha'u'llah invoque la colère de Dieu pour ses ennemis lorsqu'il demande, "Où est le lion de la forêt de Ta puissance ?" "Où est le météore de ton feu ?" ou "Où sont les signes de ta colère vengeresse ?" Dieu est bonté et clémence, mais parfois il apparaît dans sa colère. Cela se produit lorsque certains individus s'opposent à sa Manifestation en sachant fort bien qui il est et le rang qu'il occupe. Alors que la Manifestation de Dieu peut invoquer le courroux de Dieu sur de telles personnes, l'homme lui n'a pas le droit de le faire. Dans cette "dispensation", Baha'u'llah a interdit à ses disciples de condamner d'autres hommes.

Dans une de ses tablettes (n°3 cité dans Ishraqat) révélée à Acre, Baha'u'llah fait référence à ce thème. Il cite le passage suivant de la Tablette du feu: "La nuque des hommes se raidit de malignité: Où sont les épées de ta vengeance...", il spécifie que, quand bien même extérieurement ces paroles semblent contradictoires aux enseignements de Dieu pour cet âge et invoquent son courroux et sa vengeance, elles ne veulent pas recommander les disputes et les dissensions. Bien au contraire, de telles déclarations sont faites pour diffuser l'horreur des souffrances causées par quelques personnes mal intentionnées. Leurs transgressions atteignirent de telles proportions qu'elles firent se lamenter de la sorte la Plume de Très Haut.

Ayant clarifié les raisons pour avoir invoqué la colère de Dieu, Baha'u'llah, dans cette tablette, met en garde les croyants contre l'usage de tels termes comme prétexte pour susciter des conflits et des troubles. Il les exhorte à l'unité, l'amour et la compassion envers les peuples du monde, déclare que les armées qui peuvent rendre la Cause de Dieu victorieuse sont les actions louables et un caractère droit et affirme que le chef de ces armées est la crainte de Dieu (voir vol.2).

Tout en étudiant les Écrits de Baha'u'llah et ceux des autres Personnages centraux de la foi, nous remarquons que la plus grande partie de ces textes consiste en exhortations et commandements sur la façon de vivre la vie basée sur les enseignements spirituels de Dieu. Dans la plupart de ses tablettes, Baha'u'llah exhorte ses disciples à avoir un caractère plaisant, des actes purs et une conduite louable. Il les appelle à encourager l'esprit de camaraderie et d'unité parmi les peuples du monde et à devenir les personnifications de la bonté pour tous ceux qui vivent sur terre.

Exhortant Badi'u'llah, l'un de ses fils, à vivre une vie de servitude, Baha'u'llah a révélé le passage suivant. On peut dire des conseils contenus dans cette tablette qu'ils illustrent parfaitement ses enseignements sur la façon dont on devrait conduire sa vie personnelle dans cette vie.

"Sois généreux dans la prospérité, et dans l'adversité ne cesse de rendre grâces. Mérite la confiance de ton voisin, et ne lui montre jamais qu'un visage amical et souriant. Sois le trésor du pauvre, admoneste le riche, réponds à la plainte du nécessiteux et garde la sainteté de tes promesses. Sois équitable en ton jugement et réservé dans tes paroles. Ne sois injuste envers personne, et montre à tous une douceur parfaite. Sois une lampe pour ceux qui marchent dans les ténèbres, une consolation pour les affligés, une mer pour ceux qui ont soif, un refuge pour ceux qui sont dans la détresse, un soutien et un défenseur des victimes de l'oppression. Que la droiture et l'intégrité marquent tous tes actes. Sois un foyer pour l'étranger, un baume pour ceux qui souffrent, une forteresse pour le fugitif, des yeux pour les aveugles, un phare pour les égarés. Sois une parure pour le visage de la vérité, une couronne sur le front de la fidélité, un pilier du temple de la rectitude, un souffle de vie pour le corps de l'humanité, un drapeau des armées de la justice, un flambeau qui brille à l'horizon de la vertu, une rosée pour le sol desséché du coeur humain, une arche sur l'océan de la connaissance, un soleil dans le ciel de la générosité, une gemme au diadème de la sagesse, une lumière qui brille au firmament de ta génération, un fruit de l'arbre d'humilité." (N°4.Florilège d'écrits de Baha'u'llah CXXX)

- La soumission de la Manifestation de Dieu aux épreuves:

Dans la Tablette du feu, nous remarquons deux traits différents caractéristiques de Baha'u'llah. Le premier est la condition de souveraineté et d'autorité, une condition exaltée au-dessus du monde de l'homme. Dans cette condition, il n'est pas affecté par les tumultes et les conflits de cette vie, car il est animé par le Plus-Grand-Esprit qui le rend indépendant de toutes choses excepté Dieu. L'autre condition est celle de l'humilité et de la soumission à Dieu. C'est une condition que l'on retrouve dans nombres de ses tablettes où il est fait référence à Baha'u'llah comme à "l'Opprimé du monde". Dans cette condition, il se soumet à ses ennemis, accueille les souffrances et accepte l'asservissement et l'emprisonnement afin que, dans cette "dispensation", l'humanité soit libérée des chaînes de la tyrannie et de l'oppression et parvienne à la lumière de l'unité.

Dans le Lawh-i-Sultan (l'Épître à Nasiri'd-Din Shah, Baha'u'llah fait ces remarques qui font réfléchir. Par Dieu ! La fatigue m'abat, la faim m'épuise, la roche nue me sert de lit et les bêtes sauvages sont mes compagnons, mais je ne me plaindrai pas, je le supporterai patiemment comme tant d'autres l'ont supporté avec patience, constance et fermeté par le pouvoir de Dieu, l'éternel Souverain, le Créateur des nations. Et je rendrai grâce à Dieu en toutes circonstances. Nous prions pour que, dans sa bonté, Dieu - loué soit-il - délivre, par cet emprisonnement, les hommes des chaînes et des fers, et leur permette de se tourner, avec sincérité, vers la face de celui qui est le Tout-Puissant, le Généreux. (n°5 Appel du Seigneur des armées, p.101-2)

Dans une autre tablette, Baha'u'llah fait bien comprendre qu'il a accepté la souffrance pour la rédemption du genre humain. Voici ses paroles exaltées:

La terre entière est maintenant en gestation. Le jour approche où elle aura livré ses plus nobles fruits, ses arbres les plus majestueux, ses fleurs les plus enchanteresses, ses plus célestes bénédictions. Infiniment exaltée est l'effluve qui s'exhale de la robe de ton Seigneur, le Loué ! Car voilà que se dégage son parfum et que toutes choses en sont rénovées ! Bienheureux celui qui comprend. Il est indubitablement clair et évident que, en toutes choses, celui qui est le Seigneur de la révélation n'a rien recherché pour lui-même. Bien qu'il sût qu'elles aboutiraient à ces tribulations et engendreraient des peines et de cruelles épreuves, il a voulu, uniquement en gage de sa tendre bonté et de sa grâce et afin de ressusciter les morts et de racheter les vivants, renoncer à son propre bien-être et supporter ce que nul n'aura jamais supporté (n°6 Voici le jour promis, p.42)

Dans cette Tablette et beaucoup d'autres, Baha'u'llah a déclaré que personne sur terre n'a été ou ne sera soumis à autant de souffrances que lui. Cela peut sembler difficile à ceux qui ne sont pas familiarisés avec la Foi de Baha'u'llah d'accepter une telle déclaration. Ils peuvent rétorquer que de nombreuses personnes ont dû subir toute leur vie des tortures et des souffrances insupportables. Afin de pouvoir apprécier les paroles de Baha'u'llah, supposons que quelque part dans le monde il y ait une communauté dont les gens sont des sauvages, barbares et férocement cruels. Ceux qui sont nés et élevés à l'intérieur d'une telle communauté, qui y ont vécu toute leur vie et qui n'ont jamais été en contact avec la civilisation, trouveront que leur vie est normale. Quoique pour quelqu'un du monde extérieur cette façon d'être semblerait très cruelle, pour les membres de cette communauté, chaque événement ayant eu lieu parmi eux serait quelque chose de naturel et accepté comme tel. Comme dans tout autre communauté, pour les gens appartenant à cette société, il doit y avoir des moments de joie et de confort ainsi que de tristesse et de souffrance. Cependant, il est tout à fait naturel, que si une personne généreuse ayant vécu dans une société hautement civilisée est forcée de rejoindre cette communauté non civilisée, elle souffre bien plus que les autres. Car étant dans sa vie habituée à un niveau bien supérieur, on pourra dire qu'elle a éprouvé de telles cruautés et épreuves, aussi bien mentales que physiques, que nulle autre personne dans cette communauté n'a expérimentées.

Il en est de même pour la Manifestation de Dieu qui est envoyée pour vivre parmi les hommes. Il y a un énorme contraste entre le monde de l'homme et le monde de la Manifestation de Dieu. Le premier est limité et empli d'imperfections tandis que le deuxième est le royaume des perfections bien exaltées au-dessus de la compréhension des êtres humains. Ces Êtres exaltés descendent dans ce monde, venant d'une telle réalité, possédant toutes les vertus divines et personnifiant les attributs de Dieu, et deviennent des prisonniers parmi les hommes. L'ignorance de l'homme, sa cruauté, son impiété, son égoïsme, son manque de sincérité et tous ses péchés et défauts agissent comme des instruments de torture infligeant des blessures douloureuses aux âmes de la Manifestation de Dieu qui n'a d'alternative que de les subir en silence avec résignation et soumission. Un acte d'infidélité - le moindre regard trahissant l'hypocrisie d'un individu ou une pensée méprisable émanant de son esprit - est pour lui une douloureuse torture. Mais il révèle rarement les défauts des hommes, et ne s'étend pas sur ses propres douleurs et souffrances. Comme un enseignant qui se penche vers l'enfant et fait semblant de ne pas savoir, la Manifestation de Dieu vient comme un homme et semble être le même que les autres. Son oeil ne veut pas voir le péché au point que l'on pourrait penser qu'il ne sait pas.

Pendant les quarante années de son ministère, Baha'u'llah traita ainsi les gens. Il se soumit à ses ennemis et supporta toute sa vie avec résignation les épreuves et les persécutions ; il fermait toujours les yeux aux défauts des croyants à moins que quelqu'un fît du mal à la Foi ou lui attirât le déshonneur. Il déversait sur ses disciples des encouragements affectueux pour chaque service qu'ils rendaient. Même dans le cas de disciples orgueilleux et vaniteux tels que Jamal-i-Burujirdi ou Siyyid Mihdiy-i-Dahaji * qui étaient activement engagés dans l'enseignement de la Foi, il les comblait toujours de bienfaits et de faveurs, et en même temps leur conseillait la rectitude de conduite et la pureté d'intention. Son oeil ne voulait pas voir le péché chez les gens, mais il voyait tout, et ces gens et beaucoup d'autres croyaient que Baha'u'llah ne savait pas ce qui était caché dans leur coeur !

*[nota: ces deux hommes qui se rangeaient parmi les enseignants les plus éminents de la foi, ne furent rejetés de la communauté que lorsqu'ils devinrent des briseurs d'alliance. Pour plus de détails voir vol.2]

- Le meurtre de trois Azalis:

Siyyid Muhammad et ses associés tirèrent profit du moment où Baha'u'llah se retira dans la maison de 'Udi Khammar et n'autorisa personne à aller en sa présence. D'une part, ils commencèrent à frayer avec quelques-uns des croyants fidèles de Baha'u'llah, et de l'autre, ils intensifièrent leur campagne de dénigrement contre l'auteur de la Foi. Mirza Rida-Quli avait en sa possession quelques tablettes de Baha'u'llah. Lui et Siyyid Muhammad altérèrent ces Écrits en incluant des passages destinés à éveiller l'animosité de la population, et distribuèrent largement les textes falsifiés. Mirza Rida-Quli et sa soeur Badri Jan, qui avait été rejetée de la communauté par Baha'u'llah, prétendirent publiquement qu'ils avaient volontairement quitté les baha'is et que maintenant ils étaient musulmans. Siyyid Muhammad et Aqa Jan firent de même.

Peu de temps après la révélation de la Tablette du feu, Baha'u'llah révéla une autre tablette lourde de sens (n°7 non publiée) dans laquelle il prophétise clairement l'apparition d'une grande affliction. Il la décrit comme un océan houleux de tribulations et ses vagues ondoyantes entourant l'arche de la Cause de Dieu. Il ne fallut qu'une journée pour que les prophéties de Baha'u'llah se réalisent. Car, dans l'après-midi, les troupes entourèrent sa maison, lui ordonnèrent de se rendre au bureau du gouverneur (mutasarrif) et le gardèrent en détention provisoire. Le prétexte était l'assassinat de Siyyid Muhammad, Aqa Jan et Rida-Quli par sept disciples de Baha'u'llah. Cet acte effrayant, si contraire aux admonitions de Baha'u'llah, laissa éclater la colère et la haine des habitants d'Acre contre la communauté et son chef.

Ce fut Badri Jan, la soeur de Mirza Rida-Quli, l'un des tués, qui alla à la résidence du Gouverneur et accusa honteusement Baha'u'llah d'avoir ordonné la mort de ces hommes. Elle fit cela tout en sachant fort bien que Baha'u'llah exhortait toujours ses disciples à éviter tout acte qui puisse infliger la moindre douleur à l'un de ses semblables, combien davantage un acte aussi odieux. Elle savait que Baha'u'llah avait expressément interdit de prendre toute action dans cette affaire à ceux de ses disciples qui avaient demandé l'autorisation de s'occuper eux-mêmes des offenseurs. Elle savait aussi que lui-même avait coupé tout lien avec les croyants.

D'ailleurs, Siyyid Muhammad avait lui-même écrit de nombreuses lettres aux amis de Perse leur disant que Baha'u'llah s'était totalement dissocié de ses compagnons.

Les sept croyants qui, contre l'avis de Baha'u'llah et sans qu'il en ait connaissance, perpétrèrent cet horrible crime, savaient très bien que leur action provoquerait la colère de Baha'u'llah. Ils savaient aussi que celui qui avait expulsé Mirza Rida-Quli de la communauté simplement en raison de sa mauvaise conduite en public, les désavouerait et les chasserait pour toujours de sa présence, s'ils allaient au bout de leur intention qui était bien plus répréhensible que les mauvaises actions de Mirza Rida-Quli. En fait, certains d'entre eux étaient même arrivés à la conclusion qu'en commettant un tel acte, et en déshonorant la bonne réputation de la Foi, Dieu ne leur pardonnerait jamais et leurs âmes seraient damnées dans tous les mondes de Dieu. Malgré tout, ils ne pouvaient supporter de voir Baha'u'llah et ses bien-aimés être implacablement diffamés et calomniés. Ils décidèrent alors de sacrifier leur existence spirituelle en commettant cet acte répréhensible plutôt que de permettre que leur Seigneur souffre ainsi.

Baha'u'llah a lui-même décrit les détails de son emprisonnement dans une tablette révélée par les soins de Mirza Aqa Jan, son secrétaire. Shoghi Effendi racontant ce tragique épisode, fonde une grande partie de sa narration sur cette tablette. Voici ses mots:

La sévérité de leur réclusion venait tout juste d'être adoucie, et les gardes qui les surveillaient venaient à peine d'être renvoyés, qu'une crise interne, qui couvait dans la communauté, atteignit soudain un paroxysme désastreux. La conduite de deux des exilés faisant partie du groupe qui avait suivi Baha'u'llah à Akka avait été telle, qu'il fut, à la fin, obligé de les expulser, geste que Siyyid Muhammad ne manqua pas d'exploiter au maximum. Avec ces deux recrues en renfort, et aidé de ses anciens associés agissant comme espions, il se livra à une campagne de dénigrement, d'intrigues et de calomnies encore plus pernicieuse que celle qu'il avait déclenchée à Constantinople, et capable de faire naître, dans une nouvelle population déjà soupçonneuse et remplie de préjugés, une nouvelle flambée d'hostilité et de surexcitation. Un nouveau danger, c'était évident, menaçait à présent la vie de Baha'u'llah. Bien qu'il eût rigoureusement interdit à ses fidèles, à plusieurs reprises, toute action de représailles, verbale ou écrite, contre les bourreaux - il avait même renvoyé à Beyrouth un arabe converti, irresponsable, qui méditait de venger les torts soufferts par son chef bien-aimé -, sept de ses compagnons recherchèrent et tuèrent clandestinement trois de leurs persécuteurs, parmi lesquels Siyyid Muhammad et Aqa Jan.

La consternation qui s'empara d'une communauté déjà accablée fut indescriptible. L'indignation de Baha'u'llah ne connut plus de bornes. Dans une tablette révélée peu de temps après cet acte, Baha'u'llah exprime ainsi son émotion: "S'il nous fallait raconter tout ce qui nous est arrivé, les cieux se fendraient et les montagnes s'écrouleraient." "Ma captivité" écrit-il ailleurs, "ne peut me faire de mal. Ce qui peut me faire du mal, c'est la conduite de ceux qui m'aiment, qui se réclament de moi et qui, pourtant, commettent ce qui fait gémir mon coeur et ma plume". Et il ajoute: "Ma détention ne peut m'apporter aucune honte. Et même, par ma vie, elle me confère de la gloire. Ce qui peut me faire honte, c'est la conduite de ceux de mes disciples qui font profession de m'aimer et qui, en fait, suivent pourtant le malin".

Il était en train de dicter ses tablettes à son secrétaire lorsque le gouverneur arriva à la tête de ses troupes qui, sabres au clair, entourèrent sa demeure. La population entière, autant que les autorités militaires, était dans une grande agitation. On pouvait entendre de toutes parts les cris et les clameurs de la foule. Baha'u'llah fut convoqué d'une manière impérative au siège du gouvernement, interrogé et détenu la première nuit, avec l'un de ses fils, dans une chambre du Khan-i-Shavirdi ; transféré pour les deux nuits suivantes dans un logement plus convenable, au voisinage, il ne fut autorisé à regagner son domicile que soixante-dix heures plus tard. 'Abdu'l-Baha fut jeté en prison et enchaîné la première nuit, après quoi il fut autorisé à rejoindre son père. Vingt-cinq de leurs compagnons furent enfermés dans une autre prison et mis aux fers ; six jours après, ils furent déplacés - sauf les responsables de cet acte odieux qui restèrent emprisonnés durant plusieurs années - et relégués pendant six mois dans le Khan-i-Shavirdi. "Est-il convenable", s'enquit avec insolence le commandant de la ville, se tournant vers Baha'u'llah lorsqu'il arriva au siège du gouvernement, "que certains de vos disciples se conduisent de la sorte ?" "Si l'un de vos soldats", répliqua promptement Baha'u'llah, "commettait un acte répréhensible, seriez-vous tenu pour responsable et puni à sa place ?" Lors de son interrogatoire, on lui demanda de décliner son nom et celui du pays d'où il venait. "C'est plus évident que le soleil", répondit-il. On lui posa de nouveau la même question à laquelle il donna cette réponse: "Je ne juge pas à propos d'en parler. Reportez-vous au farman du gouvernement qui se trouve entre vos mains." Une fois de plus, avec une déférence marquée, ils réitérèrent leur demande, sur quoi Baha'u'llah prononça, avec puissance et majesté, ces paroles: "Mon nom est Baha'u'llah" (Lumière de Dieu) "et mon pays est Nur" (Lumière) "Soyez-en informés." Se tournant alors vers le mufti, il lui adressa des reproches voilés, puis il parla à toute l'assemblée dans un langage si véhément et si élevé que nul n'osa lui répondre. Après avoir cité les versets de la Suriy-i-Muluk, il se leva et quitta l'assemblée. Aussitôt après, le gouverneur lui fit savoir qu'il était libre de retourner chez lui, en exprimant ses regrets pour ce qui s'était passé.

Une population déjà mal intentionnée envers les exilés fut, après un pareil incident, enflammée d'une animosité effrénée contre tous ceux qui portaient le nom de la foi professée par ces exilés. Les accusations d'impiété, d'athéisme, de terrorisme et d'hérésie leur furent, ouvertement et sans retenue, jetées à la figure. 'Abbud, qui habitait à côté de la maison de Baha'u'llah, renforça la cloison qui séparait sa demeure de l'habitation de son voisin, maintenant suspecté et hautement redouté. Même les enfants des exilés retenus en prison, quand ils s'aventuraient à se montrer dans les rues pendant cette période, furent poursuivis, dénigrés et bombardés de pierres. (n°8 Dieu passe près de nous, pp 181-2)

Ceux qui avaient perpétré le crime furent condamnés à un long emprisonnement par les autorités. D'autres furent gardés en prison pendant six mois et furent libérés lorsque petit à petit, il apparut qu'ils n'avaient pas été impliqués. Au fur et à mesure que le temps passa, les gens se rendirent à l'évidence que Baha'u'llah lui-même n'aurait jamais pu avoir un rôle à jouer dans un tel acte odieux, encore moins avoir été la force motrice derrière cela.

Problèmes d'une évaluation historique

L'un des aspects tragiques de la vie de Baha'u'llah est que la majorité des gens qui se trouvèrent en contact avec la Foi ne parvinrent ni à l'apprécier ni à comprendre ses revendications. L'incident ci-dessus en fournit des exemples. Il fallait naturellement s'attendre à ce que ses ennemis avoués le calomnient. De même, certains historiens orientalistes ou missionnaires non-baha'is, - ceux qui n'étaient pas objectifs ou qui avaient des préjugés - firent de lui une description erronée. Et malgré tout, même ceux qui étaient impartiaux ou amicaux ne parvinrent jamais à se faire une opinion correcte, car ils ne connaissaient pas la véritable nature de la revendication de Baha'u'llah ou de son rang.

Baha'u'llah avait strictement interdit à ses disciples d'enseigner la Foi à l'intérieur de l'empire ottoman. C'est pour cela que même des personnalités importantes qui étaient ses amis et ses admirateurs le considéraient simplement comme un chef religieux ou le chef d'une secte, un grand personnage, dont la majesté et l'autorité les bouleversaient, mais dont ils ne comprenaient pas véritablement le rang. C'est aussi pour cette raison que nous voyons que la plupart des historiens et écrivains contemporains non-baha'is ont laissé à la postérité des récits qui sont ou totalement erronés et remplis de préjugés, ou qui contiennent beaucoup de désinformation.

À moins d'être un croyant de sa Foi, un érudit, aussi impartial et objectif qu'il soit, ne peut écrire une version de l'histoire de la vie de Baha'u'llah, ou présenter une appréciation authentique de sa mission. De même, un non-initié ne pourra jamais évaluer le travail d'un scientifique si ce n'est d'une manière superficielle - il doit lui-même être un savant pour comprendre la véritable signification d'une découverte scientifique - donc celui qui écrit l'histoire d'une religion doit établir un rapport entre les événements historiques et la vérité de la révélation de Dieu qui est enchâssée dans cette religion. Cela n'est pas possible pour un sceptique. L'art d'écrire une histoire consiste non seulement en la description des événements, mais en les rattachant les uns aux autres et en les plaçant dans le contexte approprié. Et dans l'histoire religieuse, la révélation est évidemment au centre - elle ne peut pas être écartée. Les Fondateurs de religions reçoivent leurs enseignements à travers la révélation divine, et expérimentent ce que l'homme ne pourra jamais avoir. Cela est au-delà de la recherche scientifique.

Le seul travail historique qui puisse dépeindre, à un degré limité, la véritable image de Baha'u'llah et de sa révélation est un travail fait par un croyant qui lui est dévoué et qui est bien versé dans ses Écrits - quelqu'un qui comprend ses revendications et peut commenter ses actions et ses paroles à la lumière de ses enseignements. Mais, même une telle personne ne pourra jamais espérer évaluer complètement les événements associés à la vie de la Manifestation de Dieu, pour la simple raison qu'il est au-delà de la capacité de l'homme de pouvoir le comprendre. Dans le Kitab-i-Aqdas (le Très Saint Livre) Baha'u'llah déclare:

Dis: Ô chefs religieux ! Ne pesez pas le Livre de Dieu selon les normes et les connaissances qui ont cours parmi vous, car le Livre est lui-même l'infaillible balance établie parmi les hommes. Cette balance parfaite doit peser ce que possèdent tous les peuples et les gens de la terre, tandis que ses poids devraient être vérifiés d'après son propre étalon, puissiez-vous le savoir *.

*[nota: n°9 - Kitab-i-Aqdas, paragraphe 99]

Plusieurs disciples de Baha'u'llah ont écrit des récits sur lui, et chacun, selon sa capacité spirituelle, a rapporté certains aspects de l'histoire de la Foi. Nabil-i-A'zam a écrit une narration détaillée, dont une partie a été éditée et publiée sous le nom de La chronique de Nabil. Ses récits sont considérés par les baha'is comme étant parmi les histoires, les plus authentiques, des ministères du Bab et de Baha'u'llah.

Aucun récit de l'histoire de la Foi ne serait complet sans mentionner Dieu passe près de nous de Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi. Ce livre traite des événements historiques associés aux ministères du Bab, de Baha'u'llah, et de 'Abdu'l-Baha, ainsi que de la naissance et du développement de l'Ordre administratif. C'est un chef d'oeuvre d'histoire - concis mais pourtant rempli de détails vivants des événements les plus significatifs du premier siècle baha'i. Shoghi Effendi a, avec maestria, condensé quantité de matériels en un livre d'une quelque centaine de pages. Pratiquement chaque ligne de ce livre déborde de nombreuses informations, magnifiquement et subtilement glanées, de nombreuses narrations et documents historiques ainsi qu'une abondance de citations provenant du vaste réservoir des Écrits des Personnages centraux de la Foi.

Étant le Gardien de la Foi, Shoghi Effendi était plus qualifié que quiconque pour écrire un tel livre sur l'histoire baha'ie. En tant qu'interprète infaillible des Écrits de Baha'u'llah, il était, après 'Abdu'l-Baha, doté de la capacité unique de comprendre et d'apprécier la révélation de Baha'u'llah à un point que nul autre être humain ne pourra jamais espérer arriver. Il élucida chaque événement majeur à la lumière de la révélation de Baha'u'llah et injecta dans chaque sujet une mesure de la vérité de la Foi. Tout au long de ses récits des vies des Personnages centraux de la Cause et de leurs disciples, il explique le véritable motif derrière leurs actions, calcule l'effet de ces actions, remet dans leur juste perspective l'héroïsme et l'abnégation des martyrs babis et baha'is, commémore leurs victoires et les crises que la Foi a rencontrées, raconte la chute de ses ennemis, démontre le développement de ses institutions qui embrasent toutes choses et laisse prévoir sa destinée future.

À la différence des écrits de Shoghi Effendi, qui avait véritablement compris le rang de Baha'u'llah et était en mesure d'expliquer ses actions, nous trouvons les écrits de ceux qui avaient très peu de connaissance de la Foi et qui laissèrent derrière eux beaucoup d'informations erronées. Comment un homme qui est, soit empli de préjugés ou, s'il est impartial, aveugle à la réalité de la Manifestation de Dieu, peut-il écrire un récit correct de sa vie et être capable d'interpréter ses paroles et ses actions ? Comment peut-on s'attendre à ce que les contemporains incroyants de Jésus, y compris les juifs de son temps, puissent donner une appréciation sincère de sa vie et de ses enseignements ? Ils ne pouvaient pas le faire parce qu'ils ne voyaient pas sa gloire. Il en est de même pour l'époque de Baha'u'llah.

Par exemple, l'incident de l'assassinat des trois hommes à Acre. Beaucoup de personnes de la ville, de tout niveau social, considéraient, au début, Baha'u'llah comme étant l'instigateur de cet acte odieux. Mais au fur et à mesure que le temps passait, la plupart d'entre eux se rendirent compte de leur erreur et commencèrent à voir la grandeur de ses vertus et la pureté de ses actions. Quelques auteurs occidentaux entendirent des histoires erronées et des versions altérées de son interrogatoire, et les rapportèrent ainsi dans leurs dépêches et mémoires .

Ce que ces hommes n'avaient pas compris était que les gens qui avaient entendu Baha'u'llah parler aux fonctionnaires au moment de l'enquête n'étaient pas familiarisés avec ses prétentions, et ils ne connaissaient pas non plus la terminologie dont ils se servait dans ses paroles.

Par exemple, assis sur le siège d'honneur et en présence des fonctionnaires et des dignitaires de la cité y compris le Mufti d'Acre, Baha'u'llah récita d'un ton vibrant, quelques passages de la Suriy-i-Muluk (Sourate aux rois) ainsi que d'autres tablettes. Ceux qui sont familiers avec ces Écrits savent qu'à moins d'être bien versé dans les enseignements et les paroles de Baha'u'llah, on ne peut apprécier la signification des différentes allusions qu'il fait dans ces tablettes, allusions qui étaient claires pour les croyants, mais pratiquement incompréhensibles pour les autres. Le résultat de tout ceci est une grossière méprise par ces auteurs non-baha'is qui ont fait des comptes rendus de l'interrogatoire de Baha'u'llah.

Pour ne citer qu'un exemple: Laurence Oliphant, un célèbre voyageur, dans son livre Haïfa, ou la vie en Terre sainte, prétendit que Baha'u'llah après avoir été interrogé fut libéré, car il avait "avec un énorme pot-de-vin... acheté une dérogation pour ne plus être présent à la Cour". (n°10 p.190) Oliphant n'aurait pas fait une erreur si grossière s'il s'était intéressé à en savoir un peu plus sur Baha'u'llah, qui pendant près de trente années s'était soumis sans conditions à ses ennemis. Si Baha'u'llah avait désiré se libérer de la prison de la façon alléguée, il aurait facilement pu, vingt ans auparavant, se libérer du Siyah-Chal de Téhéran ou des souffrances d'Andrinople ou de la prison d'Acre. Si l'écrivain de ce récit avait pu étudier, même sommairement, les enseignements de cette Foi, et les perfections et vertus divines avec lesquelles son Auteur était revêtu, il aurait pu discerner que l'histoire qui lui avait été rapportée était un mensonge qui visait à porter atteinte à l'intégrité de Baha'u'llah. De plus, s'il avait connu la vie d'austérité que Baha'u'llah et sa famille avaient vécue et vivaient à l'époque, il aurait écrit un compte-rendu totalement différent.

Ce n'est évidemment pas le but de ce livre de se lancer dans un démenti des allégations erronées des divers auteurs non-baha'is. Il est cependant intéressant, dans le cas présent, d'aller plus loin dans le rapport inexact d'Oliphant. Par exemple, il est allégué que, lorsque le fonctionnaire chargé d'interroger Baha'u'llah lui demanda quelle était sa profession, il aurait répondu "... Je ne suis pas un chamelier... ni le Fils d'un charpentier" - allusions faites respectivement au Prophète Muhammad et à Jésus-Christ. Là encore, la personne qui avait fait la malveillante déclaration à Oliphant avait l'intention de présenter Baha'u'llah comme un homme orgueilleux et un hérétique sans considération pour les autres prophètes.

Ceux qui sont familiers avec Baha'u'llah et ses enseignements savent que rien ne pourrait être aussi loin de la vérité. Baha'u'llah a, dans d'innombrables tablettes, rendu un hommage élogieux à Muhammad et au Christ. Aucun des disciples de ces deux religions n'a jamais écrit sur leur fondateur respectif d'une façon qui puisse égaler la sincérité, le pouvoir, la beauté, la profondeur et l'éloquence des paroles de Baha'u'llah lorsqu'il exalte et glorifie ces deux Manifestations de Dieu et leur rend hommage. Pour ne citer qu'un exemple: au cours d'une tablette révélée en réponse à certaines questions posées par un évêque chrétien résidant à Constantinople, Baha'u'llah rend l'hommage suivant à Jésus-Christ:

Sache que lorsque le Fils de l'homme rendit son âme à Dieu, toute la création fut secouée d'un long sanglot. Pourtant il avait, en se sacrifiant, insufflé dans toutes choses créées une capacité nouvelle. Les preuves qu'ont eues de lui tous les peuples de la terre sont aujourd'hui manifestes devant toi. La plus profonde sagesse exprimée par les plus sages des hommes, les plus hautes connaissances acquises par les plus savants d'entre eux, les arts produits par les mains les plus habiles, l'influence exercée par les plus puissants des monarques ne sont que des manifestations du pouvoir vivifiant libéré par son esprit transcendant, omnipénétrant et resplendissant.

Nous attestons que lorsqu'il apparut au monde, il répandit sur toutes choses créées la splendeur de sa gloire. Par lui, le lépreux guérit de la lèpre de l'ignorance et de la perversité. Par lui, le débauché et le pervers furent purifiés. Par le pouvoir qu'il tenait du Dieu Tout-Puissant, les yeux des aveugles s'ouvrirent et l'âme des pécheurs fut sanctifiée.

Peut être qualifié de lèpre tout voile qui s'interpose entre l'homme et la reconnaissance du Seigneur, son Dieu. Et quiconque s'exclut délibérément de Dieu est un lépreux dont le souvenir ne sera point rappelé dans le royaume du Tout-Puissant, le Magnifié. Nous attestons que, par le pouvoir du Verbe de Dieu, tout lépreux cessa d'être impur, toute maladie fut guérie et toute infirmité humaine abolie. Il est celui qui purifia le monde. Béni est l'homme qui se tourne vers lui avec un visage rayonnant de lumière ! (n°11 Florilège des Écrits de Baha'u'llah XXXVI)

Il y a aussi de nombreuses tablettes dans lesquelles Baha'u'llah rend un hommage exalté au prophète de l'islam. De plus, ses Écrits contiennent d'abondants passages élogieux concernant les Manifestations de Dieu en général. La lecture du Kitab-i-Iqan, par exemple, permet au lecteur d'observer le langage profondément respectueux qu'il emploie lorsqu'il se réfère aux Élus de Dieu sur terre et exalte leur rang. Tout cela porte amplement témoignage de la noble vision de Baha'u'llah envers les prophètes du passé, et comment il les tenait en haute estime et respect. Il n'aurait certes pas toléré si quelqu'un en sa présence avait déprécié leur rang ou parlé d'eux d'une façon discourtoise.

L'histoire suivante démontre ce fait. Elle concerne Mirza Taqi Khan-i-Amir Nizam qui fut durant le règne de Nasiri'd-Din Shah et pendant de nombreuses années le Premier ministre de Perse. C'était lui qui avait ordonné l'exécution du Bab et commis de monstrueuses atrocités contre la communauté babie.

Abdu'l-Baha raconte (n°12 Cité par Fadil-i-Mazindarani, Asraru'l-Athar, vol.2 p.164-5) qu'un jour Mirza Taqi Khan assista à une réunion (probablement à Téhéran) où Baha'u'llah était présent. Il faisait référence à certains versets du Coran d'une manière irrévérencieuse et d'un ton narquois contesta la véracité du verset suivant:

Il connaît ce qui est sur la terre et dans la mer. Nulle feuille ne tombe sans qu'il le sache. Il n'y a pas un grain dans les ténèbres de la terre, ni rien de vert ou de desséché qui ne soit mentionné dans le Livre explicite. (n°13 Coran vi, 59)

La réponse immédiate de Baha'u'llah fut de désapprouver l'attitude de Mirza Taqi Khan et d'affirmer que le verset ci-dessus était indubitablement véridique. Lorsqu'il demanda de plus amples explications, Baha'u'llah lui dit que cela signifiait que le Coran était le dépositaire de la Parole de Dieu ; qu'il contenait des sujets divers tels que l'histoire, des commentaires, des prophéties et ainsi de suite. Dans ses pages étaient enchâssées des vérités d'une grande portée et en vérité on pourrait découvrir que tout est mentionné dans ce livre.

"Y suis-je mentionné ?" demanda Mirza Taqi Khan avec arrogance.

"Oui, vous l'êtes", fut la prompte réponse de Baha'u'llah.

"Y fait-on allusion ou clairement référence à mon nom ?" demanda-t-il.

"Clairement à votre nom", déclara Baha'u'llah.

"Comme c'est étrange", rétorqua Mirza Taqi Khan avec une pointe de sarcasme, "que je n'aie pas encore trouvé de référence à moi-même dans le Coran !"

"La référence à votre nom", dit Baha'u'llah, "est dans ce verset "Elle dit: Je" cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux ; si toutefois tu crains Dieu"' * (n°14 Qur'an xix 18)

*[nota: ceux qui ont traduit le Coran en anglais ont traduit le mot "Taqi" par "fearful", en français par "celui qui craint Dieu"]

En entendant qu'une allusion aussi désobligeante lui était attribuée par Baha'u'llah, Mirza Taqi Khan devint extrêmement en colère, mais ne révéla pas sa fureur. Au lieu de cela il essaya à nouveau de tourner en dérision le verset du Coran en question et de discréditer Baha'u'llah. Il demanda, "Et en ce qui concerne mon père, Qurban, y a-t-il aussi une référence à son sujet dans le Coran ?'

"Oui, il y en a une", affirma Baha'u'llah.

"Y fait-on allusion ou clairement référence à son nom ?" demanda-t-il.

"Dans ce verset, il y est fait référence à son nom", répondit Baha'u'llah, "...un sacrifice (Qurban - traduit par "sacrifice") que le feu consume"' (n°15 Coran III, 183)

Une autre histoire qui démontre que Baha'u'llah défendait toujours les prophètes du passé est la suivante racontée par Mirza Abu'l-Fadl. Elle se rapporte à l'époque où Baha'u'llah était un jeune homme à Téhéran, avant la naissance de la Foi babie:

Bien qu'il (Baha'u'llah) n'ait jamais fréquenté d'écoles * en Perse et n'acquit pas de connaissances dans d'autres institutions de savoir, néanmoins depuis sa prime jeunesse, les signes de grandeur et de majesté, de bons jugements et de vive intelligence apparaissaient de façon frappante dans sa personne. Lorsqu'il participait dans leurs réunions, les grands savants étaient incapables de parler à cause de ses paroles énergiques et impressionnantes qui ont toujours été les signes précurseurs de la réalité d'une Manifestation de Dieu.

*[nota: Baha'u'llah reçut une éducation de base, habituelle pour les gens de son niveau social. Il ne fréquenta pas les écoles d'enseignement supérieur qui étaient réservées aux théologiens et aux ecclésiastiques - voir vol.1]

L'un des personnages marquant de la communauté musulmane raconte l'histoire suivante. "J'étais un jour présent lors d'une réunion dans laquelle étaient assemblés en présence du célèbre philosophe religieux, Mirza Nazar-'Aliy-i-Hakim-i-Qazvini, un certain nombre de dignitaires et de personnalités du gouvernement de haut rang. C'était un dirigeant et le guide spirituel de Muhammad-Shah de la dynastie Qajar, et une personne vers qui se tournaient tous les sages et les dévots mystiques de l'époque pour recevoir des conseils.

Ce célèbre philosophe, s'exprimant dans les expressions savantes courantes de l'époque, exposait le sujet de l'acquisition par l'homme des plus hauts degrés de perfection spirituelle. Il parla de la sorte jusqu'à ce que s'éveilla en lui la passion latente de l'égotisme et de la sensualité, et qu'elle donna libre cours à la parole. Il s'écarta de son sujet et dirigea son attention vers ses propres talents. Parlant de ses talents et de ses perfections, il dit: "Par exemple, si à cet instant, mon serviteur venait m'informer que Jésus Christ est devant ma porte et demande la permission de paraître en ma présence, je n'aurais nul besoin de lui et ne daignerais pas le rencontrer."

Quelques-unes des personnes présentes restèrent silencieuses mais la majorité, comme c'est d'usage chez les flagorneurs, fut du même avis que lui. Baha'u'llah était présent lors de cette réunion. Une remarque si désobligeante sur le Christ... l'incita à exprimer son objection. Il ne pouvait supporter d'entendre la Manifestation de Dieu traitée avec insolence. Son visage montrait des signes d'émotion, Baha'u'llah demanda au philosophe érudit s'il était disposé à répondre à une question. Lorsqu'il acquiesça, Baha'u'llah dit, "Malgré le fait que le roi soit votre fervent admirateur, supposons qu'à l'instant, le bourreau en chef arrive ici avec dix soldats pour vous arrêter et vous amener devant le roi. Seriez-vous dans ces circonstances effrayé ou troublé ou bien répondriez-vous calmement et sans crainte à ses ordres ?" Après une petite pause, l'érudit répondit, "Pour être honnête, je serais très effrayé, je ne pourrais rester calme et même ma langue serait dans l'incapacité de bouger." Baha'u'llah dit, "Une personne qui est dans une telle position de faiblesse ne devrait pas avoir de tel propos !" Ceux qui étaient présents furent stupéfaits par la fermeté de ses paroles et ébahis par la puissance de son argument. (n°16 Risaliy-i-Iskandariyyih, un traité par Mirza Abu'l-Fadl)

- La majesté de Baha'u'llah:

Certains des disciples de Baha'u'llah qui avaient été en sa présence ont fait référence à la majesté transcendantale de sa personne. C'était un trait si frappant de Baha'u'llah que les gens qui vinrent face à face avec lui étaient intimidés par sa présence et devenaient souvent incapables de s'exprimer. Haji Mirza Haydar-'Ali dans la narration des histoires de son propre pèlerinage à Acre a fait le commentaire suivant:

Extérieurement, c'était un Prisonnier, condamné et opprimé, mais en réalité c'était le Soleil de gloire, la Manifestation de grandeur et de majesté, le Roi du royaume de grâce et de dignité. Bien qu'il témoignât beaucoup de compassion et d'affectueuse bonté, et s'approchât avec une tendre attention et humilité, de tous ceux qui allaient en sa présence et que souvent il plaisantait pour les mettre à l'aise, pourtant, malgré cela, personne, fidèle ou incroyant, savant ou illettré, sage ou insensé, n'était capable de prononcer plus de dix mots en sa présence, comme ils le faisaient normalement chaque jour. En vérité, beaucoup se retrouvaient tremblants et dans l'impossibilité de parler.

Certaines personnes demandèrent l'autorisation d'aller en sa présence dans la seule intention de provoquer des disputes ou de soulever des controverses. Il leur donna la permission de pénétrer dans la cour de sa majesté et de sa gloire comme une faveur de sa part et afin de pouvoir réaliser le témoignage et déclarer probantes les preuves. En pénétrant dans la chambre, et en entendant le son de sa voix leur souhaitant la bienvenue, et voyant sa personne rayonnant de la lumière de grandeur, ils ne pouvaient s'empêcher de se prosterner à sa porte. Puis, ils entraient et s'asseyaient. Lorsqu'il leur montrait où s'asseoir, ils étaient dans l'incapacité de prononcer une parole ou de poser leurs questions. Et en sortant, involontairement, ils le saluaient. Influencés par leur rencontre avec lui, quelques-uns se trouvaient transformés et repartaient avec une totale sincérité et dévotion, d'autres sortaient admiratifs, tandis que d'autres encore quittaient sa présence, ignorants et insouciants, attribuant leur expérience à de la pure sorcellerie.

Lorsqu'un croyant décrit ce qu'il a ressenti en présence de Baha'u'llah, son émotion peut être interprétée comme ayant été occasionnée par son attitude d'effacement et un sentiment de total anéantissement devant lui. Mais quelle raison peut-on donner lorsque quelqu'un arrive en sa présence en adversaire et repart en croyant, rentre comme ennemi et ressort en ami ou vient pour engager une polémique mais repart sans avoir rien dit et à cause d'un aveuglement obstiné attribue cela à de la magie ? En bref, les générosités qui étaient accordées à une personne pour avoir été en sa présence étaient indescriptibles et inconnaissables. La preuve du soleil est le soleil lui-même. (n°17 Bihjatu's-Sudur, p.158)

Pour citer un exemple: bien que, à Acre, Baha'u'llah ait autorisé certains non-baha'is à occasionnellement aller en sa présence, c'était là l'exception plutôt que la règle et au fur et à mesure que les années passaient, il était de moins en moins enclin à accorder des audiences aux gens. Une fois, l'un des gouverneurs de la Cité d'Acre voulut aller en présence de Baha'u'llah. Ce dernier, pendant des années, ne donna pas l'autorisation. À la place, le gouverneur devait rencontrer 'Abdu'l-Baha. Quelques années passèrent, et malgré des demandes réitérées, la permission ne fut pas accordée, jusqu'à ce que le gouvernement central de Syrie pria le Gouverneur de rendre visite à Baha'u'llah. Ceci étant, le gouverneur fut admis en sa présence en compagnie d'un général européen. À peine étaient-ils entrés dans la pièce que tous deux furent frappés par sa présence majestueuse. Ils étaient tellement intimidés par sa personne qu'ils s'agenouillèrent à la porte. Bien que Baha'u'llah leur ait indiqué des sièges, ils ne changèrent pas de position. C'était très difficile pour le général de s'asseoir dans cette posture, c'était de plus un homme corpulent. Comme Baha'u'llah n'avait rien à leur dire et qu'ils restèrent silencieux pendant toute l'audience, ils sollicitèrent après une dizaine de minutes la permission de se retirer.

Comme cela a déjà été précisé dans un précédent volume (voir vol.2), lorsqu'il était à Bagdad, Baha'u'llah avait l'habitude de fréquenter librement le public et un peu moins à Andrinople. Maintenant, à Acre il se tint presque totalement à l'écart des gens de la cité et laissa 'Abdu'l-Baha garder le contact avec le public. Il y avait un immense contraste entre ses journées à Bagdad et celles à Acre. Lorsqu'il était à Bagdad, Baha'u'llah n'avait pas encore déclaré sa mission, lui et ses compagnons étaient officiellement considérés par le public comme étant les disciples du Bab. Il avait la liberté et donc il allait parmi les gens. À Bagdad pendant un temps, ses rendez-vous habituels durant la journée étaient ainsi:

Après avoir pris son petit-déjeuner dans la partie intérieure * de sa maison, il allait vers l'appartement extérieur réservé à la réception des visiteurs. Les amis avaient l'habitude de se réunir dans cette pièce où ils restaient près d'une demi-heure en présence de Baha'u'llah. Pendant ce temps, il avait l'habitude soit de s'asseoir soit de marcher de long en large dans la pièce. Puis il poursuivait sa journée en se rendant dans une auberge orientale (maison du café) dans la partie ancienne de la ville, accompagné par au moins deux croyants. L'auberge appartenait à un certain Siyyid Habib, un Arabe, qui n'était pas babi, mais un grand admirateur de Baha'u'llah et une personne qui avait pour lui une extraordinaire vénération. Dans cette auberge, de nombreuses personnes, de tout niveau social, parvinrent en sa présence. Baha'u'llah leur parlait souvent de la Foi du Bab et leur exposait certaines vérités de la Cause de Dieu. Après la réunion à l'auberge, qui durait habituellement un peu plus d'une heure, il retournait l'habituellement chez lui, où, l'après-midi, les croyants pouvaient à nouveau aller en sa présence. Puis, il retournait à l'auberge et rentrait chez lui au moment du coucher du soleil. Parfois, certains soirs, les croyants allaient chez lui et se trouvaient à nouveau en sa présence. D'autres fois, certaines personnalités éminentes, des dignitaires civils et religieux, des princes persans et d'autres encore, allaient en sa présence recherchant ses conseils et s'asseyant à ses pieds, mais Baha'u'llah n'allait jamais chez eux bien que parfois il se rendait chez les croyants.

*[nota: au Moyen-Orient, les maisons ont une section intérieure et une section extérieure. Les appartements extérieurs étaient toujours réservés aux visiteurs et aux invités. L'appartement intérieur était privatif]

À Andrinople, Baha'u'llah ne parut pas en public autant de fois qu'il l'avait fait à Bagdad. Il se rendait, occasionnellement, dans des mosquées et parfois il recevait des invités importants tel le Gouverneur de la cité. Mais comme nous l'avons déjà dit, à Acre, au fur et à mesure que les années passaient, il recevait rarement des gens en dehors du cercle des croyants. Naturellement, il y avait toujours les cas exceptionnels. Par exemple, quelque temps après l'assassinat des trois azalis, le gouverneur, Salih Pasha, qui était mal disposé envers Baha'u'llah, fut démis et remplacé par Ahmad Big Tawfiq, qui était bien plus clairvoyant que son prédécesseur. À peine était-il installé comme gouverneur, que Badri Jan, la soeur de Mirza Rida-Quli qui venait d'être assassiné, alla le voir dans l'intention de discréditer Baha'u'llah à ses yeux. Elle porta, dans une tentative d'enivrer complètement l'esprit du gouverneur, des accusations fausses et calomnieuses contre Baha'u'llah, le représentant comme quelqu'un qui aspirait à gouverner tous les hommes, y compris les rois. Pour soutenir ses allégations elle lui laissa une copie de la Suriy-i-Muluk (la sourate aux rois) ainsi que d'autres tablettes.

La lecture de cette tablette eut un effet positif sur le gouverneur. Selon le propre témoignage de Baha'u'llah dans une tablette (n°18 Ma'idiy-i-Asamani, vol. 7, p.236-8) révélée dans les mots de son secrétaire, Mirza Aqa Jan, le gouverneur lui-même porta la sourate et les autres tablettes à 'Abdu'l-Baha et lui dit qu'après les avoir lues, il avait été convaincu de la véracité de la Cause, et le supplia d'avoir l'autorisation de rencontrer Baha'u'llah. Quelque temps plus tard, 'Abbud alla voir Baha'u'llah et lui demanda que permission soit accordée au gouverneur de venir en sa présence, une requête à laquelle Baha'u'llah donna son consentement. Ce fut au cours de cette réunion que le coeur du gouverneur fut touché par l'amour pour Baha'u'llah et fut profondément impressionné par ses pouvoirs spirituels. Il le supplia de l'autoriser à lui rendre un service. Baha'u'llah refusa un service personnel, et à la place suggéra la restauration d'un aqueduc abandonné, au bénéfice de tous les habitants de la cité, une suggestion à laquelle le gouverneur répondit positivement.

Ce fut ce même gouverneur qui avait reconnu les qualités caractéristiques de 'Abdu'l-Baha et était devenu son ardent admirateur. Il allait souvent voir le Maître pour recevoir des conseils sur des affaires difficiles auxquelles il devait faire face au cours de ses fonctions. Et ce fut aussi lui qui ne souleva aucune objection lorsque des flots de pèlerins arrivèrent de Perse, bien qu'il se savait agir contrairement aux dispositions de l'édit du sultan à ce sujet.

Bien qu'à Acre Baha'u'llah ne s'associât généralement pas avec le public, les effusions de sa grâce et de sa générosité sur les gens ne cessaient jamais. Car 'Abdu'l-Baha déployait, de la part de son Père, ses ailes d'affectueuse bonté et de protection sur les habitants d'Acre et sur les terres environnantes. Les gens de toutes les classes allaient vers lui pour conseil et assistance. Les gouverneurs, chefs religieux, homme d'affaires, touristes, le simple peuple d'Acre et ses pauvres venaient soit pour chercher son aide ou pour s'asseoir à ses pieds et recevoir l'illumination de sa personne. Durant la vie de Baha'u'llah, la modeste chambre dans laquelle 'Abdu'l-Baha recevait les gens était toujours ouverte jusqu'aux petites heures du matin. Il s'occupait des besoins des gens avec un amour véritable et avec une telle attention qu'il gagna le titre de "Père des pauvres" et certaines personnes parlaient de lui l'appelant le "Maître d'Acre". Son amour et ses pouvoirs s'étendant à tous, émanaient de Baha'u'llah qui avait conféré à son Fils toutes les énergies cachées à l'intérieur de sa Révélation.



CHAPITRE 12: Les premiers convertis à l'extérieur de la communauté musulmane

Ce fut principalement grâce au travail de 'Abdu'l-Baha et à l'attraction de sa personnalité magnétique que l'animosité des gens d'Acre envers Baha'u'llah et la compagnie des exilés commença petit à petit à se changer en compréhension et finalement en respect. La porte de la maison de Baha'u'llah qui avait été fermée aux amis comme aux ennemis était maintenant ouverte et quelques croyants firent le voyage de Perse et eurent la possibilité d'accéder en sa présence dans la maison de 'Udi Khammar.

- L'histoire de Ismu'llahu'l-Asdaq:

Mulla Sadiq-i-Khurasani (voir vol.1 et vol.2) était un éminent personnage d'entre les visiteurs. "Sadiq" signifie "sincère", Baha'u'llah l'avait surnommé Ismu'llahu'l-Asdaq (le nom de Dieu, le très sincère). Comme nous le verrons, il joua un rôle-clé dans la décision du premier juif converti à la Foi de Baha'u'llah.

Ce fut Baha'u'llah, qui sans qu'on le lui ait demandé, avait envoyé une tablette à Ismu'llahu'l-Asdaq au Khurasan et l'avait invité à faire le voyage à Acre pour pouvoir accéder en sa présence. C'était l'un des croyants les plus remarquables et les plus dévoués de cette "dispensation". C'était un homme de savoir. Avant sa conversion à la Foi du Bab, il était religieux musulman estimé pour sa droiture et sa dignité et célèbre à travers toute la province de Khurasan pour sa piété et sa sincérité. Il était Shaykhi et avait eu le privilège unique de rencontrer plusieurs fois le Bab dans la ville de Karbila, avant sa déclaration. Il avait été profondément impressionné par le rayonnement et la douceur mêlés de majesté dont faisait preuve le jeune Bab lorsqu'il priait les larmes aux yeux au tombeau de l'Imam Husayn. Il a été rapporté que la première fois où ses yeux se portèrent sur lui, Ismu'llahu'l-Asdaq s'était exclamé, "Glorifié soit notre Seigneur, le Très-Haut !". À Karbila, malgré que l'Ismu'llah était un prêtre érudit, tenu en grande estime par les gens, et le Bab un jeune homme avec peu d'instruction, il était devenu un fervent admirateur de cet Adolescent. Il avait aussi été témoin de l'incroyable respect témoigné à cet Adolescent par Siyyid Kazim-i-Rashti, (voir Nabil-i-Azam, La chronique de Nabil), le célèbre chef de la communauté Shaykhi, qui savait que le Bab n'était autre que le Qa'im lui-même, le Promis de l'islam.

Peu de temps après la déclaration du Bab, lorsque Mulla Husayn était en route pour Téhéran, il rencontra Ismu'llahu'l-Asdaq et l'informa de l'avènement du Bab et lui donna quelques-uns de ses Écrits à lire. Il lut quelques pages et devint immédiatement un fervent croyant. Mais Mulla Husayn, ainsi que le Bab le lui avait ordonné, n'avait pas encore été autorisé à révéler l'identité du Bab.

Nabil-i-A'zam, dans ses narrations, rapporte les circonstances dans lesquelles Ismu'llah devint un fervent croyant:

Observant les instructions de Siyyid Kazim, Mulla Sadiq-i-Khurasani, connu autrefois sous le nom de Muqaddas et surnommé Ismu'llahu'l-Asdaq par Baha'u'llah, avait, durant les cinq dernières années, résidé à Isfahan et préparé la voie à l'avènement de la nouvelle révélation, il fut aussi l'un des premiers croyants à s'identifier au message proclamé par le Bab. Dès qu'il apprit l'arrivée de Mulla Husayn à Isfahan, il se hâta d'aller le rencontrer. Sur sa première entrevue qui eut lieu la nuit chez Mirza Muhammad 'Aliy-i-Nahri, il donna le rapport suivant: "Je demandai à Mulla Husayn de divulguer le nom de celui qui se prétendait la Manifestation promise. Il me répondit ainsi: "Se renseigner sur ce nom et divulguer celui-ci sont toutes deux choses interdites." "Me serait-il alors possible, demandai-je, de chercher indépendamment comme les Lettres-du-Vivant, la grâce du Très-Miséricordieux et, par la prière, de découvrir son identité?" "La porte de sa grâce, répondit-il, n'est jamais fermée à la face de celui qui cherche à le découvrir." Je pris aussitôt congé de lui et je demandai à son hôte de me permettre d'occuper une chambre privée dans sa maison où je pourrais, seul et tranquille, communier avec Dieu. Au milieu de ma contemplation, je me rappelai soudain la face d'un jeune homme que j'avais souvent observé lors de mon séjour à Karbila, debout dans une attitude de prière, la face baignée de larmes, à l'entrée du tombeau de l'Imam Husayn. Cette image réapparut alors devant mes yeux. Dans ma vision, je semblais contempler ce même visage, ces mêmes traits exprimant une joie telle que je ne pourrais jamais la décrire. Il souriait tout en me regardant. J'allai vers lui, prêt à me jeter à ses pieds. Je m'inclinais vers le sol lorsque, soudain, cette radieuse figure disparut de ma vision. Comblé de joie et de bonheur, je courus au dehors pour rencontrer Mulla Husayn, qui me reçut dans un transport de joie et m'assura que j'avais enfin atteint l'objet de mon désir. Il me pria cependant de réprimer mes sentiments. "Ne révélez votre vision à personne, me recommanda-t-il, le temps n'en est pas encore venu. Vous avez récolté le fruit de votre patiente attente à Isfahan. Vous devez à présent vous rendre à Kirman pour mettre Haji Mirza Karim Khan (Voir Vol. I, Annexe IV) au courant de ce message. De là, vous devrez partir pour Shiraz et vous efforcer de tirer les habitants de cette ville de leur sommeil de négligence. J'espère vous rejoindre à Shiraz et partager avec vous les bénédictions d'une joyeuse réunion avec notre Bien-Aimé." (n°1, La chronique de Nabil, p.95-96)

Peu de temps après qu'il eût embrassé la Foi du Bab, les persécutions et les souffrances envahirent Ismu'llah, il les supporta avec une patience et une joie exemplaires. Il fut l'un des trois croyants à être pour la première fois cruellement torturé dans l'histoire de la Foi en Perse. Les deux autres furent Quddus * et Mulla 'Ali-Akbar-i-Ardistani.

*[nota: le dernier mais le plus grand parmi les disciples du Bab - voir La chronique de Nabil]

La ville de Shiraz fut la scène de ces atroces persécutions. Nabil raconte l'histoire suivante concernant Ismu'llahu'l-Asdaq, qu'il nomme Mulla Sadiq:

Un témoin oculaire de cet épisode révoltant, un non-croyant résidant à Shiraz, m'a relaté ce qui suit: "J'étais présent lorsque Mulla Sadiq fut battu. J'ai vu ses persécuteurs, chacun à leur tour, frapper du fouet ses épaules saignantes et continuer à porter leurs coups jusqu'à ce qu'il fût épuisé. Personne ne croyait que ce Mulla Sadiq, si âgé et si frêle de corps, pourrait survivre à cinquante de ces sauvages coups de fouet. Nous fûmes étonnés de son courage lorsque nous vîmes que son visage, malgré les coups de fouet dont le nombre avait déjà dépassé les neuf cents, avait gardé sa sérénité et son calme primitifs. Un sourire se lisait sur sa face tandis qu'il tenait la main devant la bouche. Il semblait totalement indifférent aux coups qui pleuvaient sur lui. Lorsqu'il fut expulsé de la ville, je réussis à m'approcher de lui et lui demandai pourquoi il avait gardé la main devant la bouche et je lui exprimai ma surprise concernant son sourire. Il répondit de manière catégorique par ces mots: "Les sept premiers coups furent extrêmement pénibles ; quant aux autres, ils me laissèrent insensible. Je me demandais si les coups qui suivirent frappaient réellement mon propre corps. Un sentiment de joyeuse exultation avait envahi mon âme. J'essayais de réprimer mes sentiments et de contenir mon rire. Je puis à présent réaliser combien le Libérateur tout-puissant est capable, en un clin d'oeil, de transformer la peine en bien-être et la tristesse en joie. Son pouvoir est immensément exalté au-dessus et par-delà les vaines imaginations de ses créatures mortelles." Mulla Sadiq, que j'ai rencontré quelques années plus tard, m'a confirmé chaque détail de cet émouvant épisode." (n°2 idem, p.142-3)

Cet épisode peut être considéré comme un prélude à de nombreuses autres persécutions atroces que cet homme de Dieu eut à subir jusqu'à la fin de sa vie. Maintes fois, au cours de ses voyages d'un bout à l'autre de la Perse, où il travaillait à l'enseignement de la Foi, il fut entouré d'ennemis qui lui infligèrent toutes sortes de tortures et d'afflictions dans l'intention de lui ôter la vie. Dans la forteresse de Shaykh Tabarsi (voir La chronique de Nabil) il fut l'un des compagnons de Quddus et de Mulla Husayn. Après y avoir subi d'extrêmes douleurs et souffrances, sa vie fut providentiellement épargnée afin de pouvoir plus tard manifester un héroïsme et une abnégation encore plus grands dans le chemin de celui qui était l'objet de l'adoration du Bab et de ses disciples.

Ismu'llahu'l-Asdaq reconnut le rang de Baha'u'llah aussi facilement qu'il avait reconnu celui du Bab. Il accéda à Bagdad à la présence de Baha'u'llah et longtemps avant que Baha'u'llah n'ait fait sa déclaration dans le jardin de Ridvan il devint totalement convaincu du rang exalté de Celui-que-Dieu-rendra-manifeste. Dans cette ville et pendant près de quatorze mois, il baigna dans le soleil de l'affectueuse bonté de Baha'u'llah. Puis, comme celui-ci le lui ordonna, il retourna en Perse, enflammé de l'amour de son Maître nouvellement trouvé. Il se distinguait telle une tour fortifiée parmi les croyants et joua un rôle déterminant pour guider un nombre incalculable d'âmes vers la cause de Dieu. Parmi eux beaucoup de personnes devinrent célèbres dans la Foi, tels que Ahmad-i-Yazdi, le destinataire de la célèbre tablette d'Ahmad, et Haji Mirza Hasan-'Ali, le plus jeune oncle du Bab.

Il entreprit à un âge très avancé le voyage vers Acre, lieu de son deuxième pèlerinage. Les souffrances et les épreuves de près de trente ans avaient pris leur dû et l'avaient laissé frêle, perclus d'infirmités et de faiblesses. Lorsque Baha'u'llah le convoqua à Acre, il lui enjoint de laisser son fils * chez lui et de voyager en compagnie d'un croyant qui pourrait s'occuper de lui pendant le voyage. Il arriva à Acre, probablement vers le début de 1874, car Shaykh Kazim-i-Samandar raconte que lorsque lui et ses deux compagnons Haji Nasir-i-Qazvini et Mansur-i-Usku'i, arrivèrent à Acre, Ismu'llahu'l-Asdaq s'y trouvait déjà. Shaykh Kazim arriva à Acre le 1er mars 1874. Ce pèlerinage pour aller en la présence de son Seigneur fut la glorieuse couronne de la vie de Ismu'llahu'l-Asdaq. Après avoir passé plusieurs mois à Acre, pendant lesquels il alla de nombreuses fois en présence de Baha'u'llah, il reçut l'ordre par une tablette révélée pour lui, de retourner chez lui.

*[nota: 'Ali-Muhammad, appelé Ibn-i-Asdaq, et nommé plus tard par Baha'u'llah Main de la Cause de Dieu]

Dans cette tablette (n°3 Ma'idiy-i-Asamani, vol. 4 p.362) Baha'u'llah déverse ses bénédictions sur lui et affirme que lors de ses deux visites, à Acre comme à Bagdad, il avait bu des mains de son Seigneur les eaux profondes de la vie éternelle. Il lui ordonna alors de transmettre ses conseils aux amis afin qu'ils puissent se revêtir de l'habit d'un caractère droit et vivre une vie sainte. Il déclare que le plus méritoire de tous les actes en ce jour est de rester ferme dans la cause de Dieu de sorte que les vaines imaginations des gens ne puissent les influencer.

- Lawh-i-Ahbab (épître aux amis):

Baha'u'llah a révélé de nombreuses tablettes en l'honneur d'Ismu'llahu'l-Asdaq. Parmi elles se trouve Lawh-i-Ahbab. C'est une de ses tablettes les plus connues, révélée en arabe et qui contient beaucoup de passages d'encouragement affectueux adressés à différents croyants. Cette tablette semble avoir été révélée par Baha'u'llah lorsqu'il était encore dans la prison d'Acre ou peu de temps après l'avoir quittée. Car il y mentionne avoir écrit des tablettes à certains rois et il fait aussi louange à Badi'. C'est l'un de ces Écrits auxquels il est fait référence comme au "Sel de ses tablettes".

Il est impossible de décrire les nombreuses louanges que Baha'u'llah déverse sur Ismu'llahu'l-Asdaq dans Lawh-i-Ahbab. Il y fait référence comme à celui qui a reconnu le Promis dès qu'il entendit son Appel - un rappel de sa réunion avec Mulla Husayn et sa lecture de quelques passages des Écrits du Bab. Il est clair, d'après les paroles de Baha'u'llah dans cette tablette et dans d'autres, que Baha'u'llah le considérait comme l'un de ses disciples dévoués et un véritable croyant dans tous les sens du terme, un croyant digne d'être imité par tous.

Presque tout Lawh-i-Ahbab contient des passages adressés aux amis. Les conseils de Baha'u'llah dans cette tablette sont nombreux et ne peuvent être résumés. Ils sont révélés de telle sorte qu'aucune plume ne peut les décrire. Le pouvoir et la beauté des paroles de la Manifestation de Dieu ne peuvent être ressentis que dans leur énonciation, et non pas par leur explication par l'homme. Néanmoins, voici un essai, ô combien inadéquat, pour se référer à quelques-uns de ses enseignements dans cette tablette.

Baha'u'llah exhorte les croyants à être fermes dans sa Cause et à être détachés de tout sauf Dieu, et d'être unis entre eux. Il leur rappelle qu'il a accepté les souffrances et les tribulations afin que l'humanité puisse être unie. Il les met donc en garde de ne jamais laisser les différences s'immiscer entre eux. Il leur donne un commandement: d'abord de vivre leur vie en accord avec ses enseignements et puis de conquérir les coeurs des hommes en son Nom par des actes saints et un caractère exalté. Il leur enjoint d'enseigner la Cause avec sagesse, leur conseille de se lever pour le triomphe de sa Foi de telle sorte qu'aucun pouvoir ne puisse les dissuader d'accomplir leur dessein, les assure que le regard de son affectueuse bonté est dirigé vers eux, et prophétise l'avènement d'un jour lorsque les bannières de la victoire seront plantées dans chaque ville, lorsque les peuples du monde glorifieront les noms des croyants et se lamenteront sur les souffrances qu'ils ont subies dans le chemin de leur Seigneur.

Les paroles suivantes de 'Abdu'l-Baha rendant hommage à Ismu'llahu'l-Asdaq, ce noble et extraordinaire croyant, à qui il conféra, à titre posthume, le rang de Main de la Cause de Dieu, ressortent comme une eulogie à sa mémoire chérie:

Il était comme une mer déferlante, un faucon planant haut. Son visage brillait, sa langue était éloquente, sa force et sa fermeté incroyables. Lorsqu'il ouvrait la bouche pour enseigner, les preuves s'en écoulaient ; lorsqu'il chantait ou priait les larmes s'écoulaient de ses yeux comme un nuage printanier. Son visage était lumineux, sa vie spirituelle, sa connaissance acquise comme innée ; et son ardeur, son détachement du monde, sa droiture, sa piété et sa crainte de Dieu étaient célestes. (n°4 Mémorial des Fidèles, p.8)

Aucune histoire d'Ismu'llahu'l-Asdaq ne serait complète s'il n'était fait référence à son emprisonnement dans le Siyah-Chal de Téhéran et où il réussit à confirmer la foi du premier croyant d'origine juive. Peu de temps après cette conversion historique, un grand nombre de juifs de Perse reconnurent Baha'u'llah comme le Seigneur promis et devinrent des croyants actifs et fervents. Pour apprécier cette histoire, il est essentiel de comprendre les circonstances prévalant en Perse à l'époque concernant les minorités religieuses et leur attitude envers la Foi nouveau-née.

- Minorités religieuses en Perse:

Il y avait au moment de la venue du Bab, trois minorités religieuses en Perse - les zoroastriens, les juifs et les chrétiens. La grande majorité de la nation consistait en musulmans chiites. Des trois minorités, les juifs et à moindre degré les zoroastriens étaient traités avec mépris et étaient parfois persécutés par la foule fanatique, souvent à l'instigation du clergé musulman. Les chrétiens, pour la plupart d'origine arménienne ou assyrienne, jouissaient de plus de liberté et de respect. Cela était principalement dû à leurs liens religieux avec les gouvernements européens qui à l'époque exerçaient une grande influence en Perse.

Les zoroastriens et plus spécialement les juifs étaient les gens défavorisés. Ils vivaient dans des ghettos et craignaient constamment les persécutions. Dans leurs relations avec les musulmans, ils devaient observer certaines règles, comme montrer du respect à un musulman dans la rue, et ne jamais se disputer avec lui. S'il l'accompagnait, il ne devait jamais marcher à côté de lui, mais un ou deux pas en arrière, ni ne jamais toucher son vêtement qui sinon aurait été souillé. L'argent qu'un juif ou un zoroastrien tendait à un musulman, devait être lavé avant qu'il ne puisse le mettre dans sa poche.

Haji Muhammad-Tahir-i-Malmiri a rapporté certains des incidents qui se produisaient journellement dans un certain quartier de Yazd et qui provoquaient souvent des émeutes impliquant la grande communauté zoroastrienne du lieu. Ce qui suit est un résumé de ses notes:

Le clergé musulman exerçait un grand pouvoir et le gouvernement était faible. Chaque jour, il trouvait des prétextes et inventait des histoires contre les zoroastriens. Par exemple, il informait le public qu'un certain zoroastrien avait été vu monté sur son âne en présence de musulmans *. Il était entendu que cet acte était une offense, car ce n'était pas considéré comme courtois d'être sur sa monture si un musulman était à pied. La conséquence de cette accusation était la punition corporelle de la victime. Ou il pouvait prétendre que la couleur du turban d'un certain marchand zoroastrien était foncée et ressemblait un peu à la couleur du turban d'un Siyyid **. Sa couleur aurait dû être jaune éclatant. L'hystérie de masse créée à la suite d'un tel incident était si puissante qu'elle pouvait presque instantanément provoquer un bouleversement dans la ville.

*[nota: une grande partie de la communauté zoroastrienne en Perse habitait à Yazd et dans les villages aux alentours. Ceux qui étaient dans les villages devaient souvent monter leurs ânes pour aller en ville, mais une fois dans les bazars, ils devaient descendre de leur monture en signe de respect envers les musulmans]
**[nota: les descendants du prophète Muhammad portaient un turban vert qui était leur droit exclusif]

Un autre jour, le clergé pouvait accuser un certain zoroastrien en disant qu'il était passé devant un musulman dans la rue, mais qu'il ne l'avait pas salué. Ou qu'un certain musulman avait une raison de battre un zoroastrien, mais pendant qu'il était battu, le pauvre zoroastrien avait montré une audace telle qu'il avait levé la main comme s'il voulait se défendre. Une telle personne était alors punie par les autorités. C'était une règle établie, que chaque zoroastrien en sortant de chez lui devait emporter un morceau de tissu. Ceci au cas où il devrait s'asseoir quelque part, car il n'avait pas la permission de s'asseoir * à même le sol à moins d'y poser un tissu et de s'asseoir dessus, sinon il aurait profané la terre." (n°5, "Histoire de la Foi dans la province de Yazd", non publié)

*[nota: à cette époque, les gens ne se servaient pas de chaises dans les magasins, les lieux de travail et les maisons ; et c'était normal de s'asseoir à même le sol]

Ayant été maltraités pendant les siècles de domination islamique, les juifs et les zoroastriens détestaient infiniment les musulmans et avaient développé des tactiques de défense. La plus effective était de garder leur distance du peuple et des institutions islamiques. Ils méprisaient la culture, la langue arabe et tout ce qui se rapportait à l'islam.

Le Bab et Baha'u'llah apparurent dans une telle société. Tous deux étaient d'origine islamique. Le Bab était un descendant du prophète Muhammad. Comme Jésus-Christ, qui était d'origine juive et pratiquait leur foi, le Bab et Baha'u'llah avant la naissance de la nouvelle Foi étaient des musulmans pratiquants. Et lorsqu'ils se révélèrent comme Manifestations de Dieu, leurs propres paroles et enseignements, particulièrement ceux du Bab, avaient des liens si forts avec la religion de l'islam que, tout au début, la Foi apparut aux minorités religieuses de Perse comme étant une secte de l'islam.

On peut facilement comprendre que la conversion des juifs et des zoroastriens à la Foi de Baha'u'llah qui était en apparence une extension de l'islam, dont la littérature est écrite en langue arabe et dont les disciples étaient exclusivement d'origine musulmane, était l'un des miracles du temps. Cela démontre le pouvoir créatif de la révélation de Dieu qui, en dépit de tant de barrières, exerce une énorme influence sur ces peuples, vivifie leurs âmes, leur accorde une nouvelle vision, les enrôle sous la bannière de sa Cause et leur permet de rendre des services méritoires en propageant son message, premièrement dans leurs propres communautés et plus tard dans la nation tout entière.

Il ne peut y avoir de preuves plus grandes de l'universalité du message de Baha'u'llah et de l'authenticité de sa prétention d'être le Promis de tous les temps, que les juifs et les zoroastriens de Perse embrassant sa Foi au dix-neuvième siècle. Leur conversion n'était pas superficielle, ce n'était pas non plus une mesure opportune pour se libérer du joug de la répression et de la tyrannie. Au contraire, leurs souffrances se multiplièrent lorsque ces gens rejoignirent les rangs des baha'is. Non seulement, ils devinrent de nouvelles cibles pour les agressions des musulmans qui exécraient leur conversion à la Foi de Baha'u'llah, mais aussi leurs propres communautés les persécutèrent souvent, et ils furent même parfois martyrisés par leur propre peuple. Par exemple, à Yazd les prêtres zoroastriens se levèrent contre quelques personnes de cette communauté qui étaient devenues baha'ies. Leurs violentes persécutions commencèrent dans l'enclave zoroastrienne menées par le peuple zoroastrien souvent allié au clergé musulman et aux fanatiques qui étaient contre les nouveaux disciples convertis de Baha'u'llah ; elles font penser aux cruautés perpétrées par les musulmans, principaux adversaires de la Foi en Perse. Ainsi, dans les villages entourant Yazd, deux ou trois baha'is d'origine zoroastrienne furent martyrisés. Dans la ville, une personnalité éminente de la communauté fut mise à mort parce qu'elle avait montré un intérêt sincère et de la sympathie envers la Foi nouvelle en train d'émerger.

Le sort des juifs qui avaient embrassé la cause de Baha'u'llah, n'était pas plus brillant. Ils furent aussi soumis au harcèlement et aux persécutions de l'intérieur du ghetto comme de l'extérieur. La conversion des juifs et des zoroastriens à la cause de Baha'u'llah était un authentique acte de foi. Ils le reconnurent pleinement comme étant le Promis de leurs propres Livres saints, celui qui est décrit par Shoghi Effendi, en ces termes:

Celui qui, dans des circonstances aussi dramatiques, fut amené à soutenir le poids écrasant d'une aussi glorieuse mission n'était autre que celui que la postérité acclamera , et que d'innombrables partisans reconnaissent déjà, comme le juge, le législateur et le rédempteur de toute l'humanité, comme l'organisateur de la planète tout entière, l'unificateur des enfants des hommes, l'inaugurateur du millénaire tant attendu, le promoteur d'un nouveau "cycle universel", le fondateur de la très grande paix, la source de la très-haute justice, le proclamateur de la majorité de toute la race humaine, le créateur d'un nouvel ordre mondial, l'inspirateur et le fondateur d'une civilisation mondiale.

Pour Israël, il n'était ni plus ni moins que la personnification du "Père éternel", du "Seigneur des armées" descendu avec "dix mille saints", pour la chrétienté le Christ, revenant "dans la gloire du Père", pour l'islam chiite le retour de l'Imam Husayn, pour l'islam sunnite la descente de "l'esprit de Dieu" (Jésus-Christ), pour les zoroastriens le Shah-Bahram promis, pour les Hindous la réincarnation de Krishna, et pour les bouddhistes le cinquième Bouddha. (n°6, Dieu passe près de nous, p.89)

L'entrée dans la Foi, au début de son existence, de membres de ces deux minorités religieuses de Perse, démontra au peuple de ce pays que la cause de Baha'u'llah était une religion indépendante. Cela fit taire et décontenança les ennemis qui, afin de pouvoir ébranler la nouvelle Foi, l'avait rejetée comme étant le résultat d'une aventure irresponsable de ses Fondateurs qui étaient d'origine musulmane et qui l'avaient faussement présentée au public comme une secte de l'islam.

Cela démontre aussi le pouvoir de la parole créative de Baha'u'llah, car les disciples de ces deux religions, une fois qu'ils eurent accepté Baha'u'llah, reconnurent aussi l'authenticité et l'origine divine des messages de tous les prophètes, les fondateurs des principales religions du monde, y compris le Christ et Muhammad. Dans les premiers temps de la Foi, bon nombre de musulmans furent surpris d'entendre des paroles de louanges et de glorification du Prophète Muhammad ; et des preuves de la véracité de sa mission venant de la bouche des baha'is qui, fut un temps, avaient appartenu aux communautés juives ou zoroastriennes. Cela mit très en colère les fanatiques musulmans. Car ils savaient que depuis plus de mille ans très peu ou pas de musulmans avaient réussi à faire reconnaître aux juifs et aux zoroastriens la vérité de l'islam, et maintenant, par les paroles de Baha'u'llah, des milliers avaient été convertis. Mais parmi les musulmans, il y en avait qui avaient le coeur pur et qui furent profondément émus lorsqu'ils entendirent que ces gens avaient accepté la véracité de l'islam ; par conséquent, certains furent amenés à faire des recherches sur la foi de Baha'u'llah et finalement devirent baha'is.

La communauté baha'ie en Perse, depuis les premiers jours, était formée de croyants ayant leur origine dans les trois religions principales. La majorité était de l'islam et le reste des Fois juive et zoroastrienne. Mais la Foi ne fit pas beaucoup de progrès parmi les chrétiens de Perse. La majorité des chrétiens qui entrèrent dans la Foi vinrent du monde occidental. Ce processus commença au début du ministère de 'Abdu'l-Baha.

- L'histoire de Hakim Masih, le premier croyant d'origine juive:

La première personne de la communauté juive en Perse, à reconnaître la vérité de la mission de Baha'u'llah était un célèbre médecin nommé Masih (Messie) *, il fut nommé médecin à la cour de Muhammad Shah, car il était hautement qualifié dans sa profession, et lorsque le Shah voyagea en Irak, Hakim Masih l'accompagna. À Bagdad, il apprit que Tahirih demeurait chez un des premiers croyants et qu'elle y organisait des discussions avec les prêtres de la cité. Il s'y rendit pour savoir ce qui y était dit. À peine eut-il entendu les paroles que Tahirih adressait au groupe de religieux, et qu'il vit leur incapacité à réfuter ses preuves en faveur de la Foi nouvellement fondée, qu'il fut captivé par ses arguments puissants et sa personnalité si pure. Bien qu'il ne pût se joindre à la conversation, Hakim Masih était très curieux de savoir comment Tahirih avait acquis une telle éloquence et de tels pouvoirs qui semblaient être à la limite du surnaturel.

*[nota: le titre de Hakim était donné aux personnes qui étaient des médecins qualifiés et étaient dotés de sagesse et de connaissance divine]

Shaykh Kazim-i-Samandar a rapporté ce qui suit dans ses mémoires:

"J'ai rencontré Hakim Masih qui est de descendance juive. Il fut le premier parmi les juifs à rentrer dans la communauté des amis (c'est-à-dire baha'is). Je fus surpris lorsque je vis qu'il était amical, fidèle, plein d'enthousiasme et d'amour ; et donc, je lui dis: "il y a un grand fossé entre la Foi de Moïse et cette grande Cause, comment avez-vous fait ce long et glorieux voyage pour arriver à cette demeure ?" Il répondit: "Ma visite à Bagdad a coïncidé avec le moment où Tahirih se trouvait dans cette ville. Les circonstances ont voulu que je sois présent à quelques-unes des réunions où elle conversait avec les religieux. J'ai été étonné et impressionné par sa façon de parler, par la manière avec laquelle elle conduisait sa conversation et par la puissance de ses paroles. Je fus attiré et commençai à méditer et j'ai décidé d'étudier cette Cause et d'en approfondir ma connaissance. J'ai fait quelques enquêtes à Bagdad et plus tard dans d'autres endroits jusqu'à ce que je trouve le désir de mon coeur." (n°7 Tarikh-i-Samandar)

Quelques années après avoir rencontré Tahirih à Bagdad, Hakim Masih rencontra Ismu'llahu'l-Asdaq, une réunion provoquée par la providence. L'Ismu'llah avait été arrêté à cause de son allégeance à la Foi, enchaîné et conduit à Téhéran sous escorte. Cet acte cruel fut exécuté par ordre du gouverneur du Khurasan qui faisait ainsi respecter un édit émanant de pas moins de dix-huit religieux de l'islam de cette province. L'Ismu'llah fut forcé de prendre avec lui son plus jeune fils, Ibn-i-Asdaq, qui à l'époque n'était qu'un petit enfant. Deux autres croyants furent aussi enchaînés et conduit avec lui à Téhéran.

L'intention était de les exécuter dans la capitale. Au lieu de cela, le gouverneur ordonna qu'ils soient emprisonnés dans le Siyah-Chal. Père et fils furent enchaînés ensemble et gardés dans cette terrible prison pendant près de deux ans et quatre mois.

Les épreuves de la vie carcérale les mirent rudement à l'épreuve et le jeune enfant tomba très malade. Le chef geôlier, un certain Mashadi 'Ali, était une bonne personne et il envoya chercher un médecin. Mais il ne put en trouver un seul désireux de soigner un patient qui était babi. Désespéré, il fit appelé Hakim Masih qui était juif. Il accepta et se rendit immédiatement à la prison.

Pendant une période de deux mois, il s'occupa de l'enfant jusqu'à ce qu'il recouvre la santé. En même temps, comme il avait été tellement impressionné par Tahirih, cela lui fournit l'occasion d'en apprendre plus sur la Foi par un illustre croyant. Même lorsque son patient fut totalement guéri, il venait passer des heures à la prison, assis au pied de l'Ismu'llah en apprenant plus sur la Foi. Peu de temps après, il devint un croyant pleinement conscient que le Promis de l'Ancien Testament, le "Père éternel", le Seigneur des armées, s'était manifesté. Lorsque Baha'u'llah fut informé de sa conversion, il révéla en son honneur une épître exaltée. Il révéla aussi d'autres épîtres pour lui, malheureusement la plupart d'entre elles furent détruites. Car à l'époque, les croyants afin de protéger leur matériel baha'i, le cachaient sous terre ou à l'intérieur des murs, pour qu'il ne tombe pas aux mains des ennemis. Malheureusement, lorsqu'elles furent déterrées, les épîtres de Hakim Masih avaient été détruites par l'humidité. Dans une de ces épîtres, (n°8 non publiée) Baha'u'llah exhorte Hakim Masih à être ferme dans la Cause de Dieu pour ne pas être secoué par les vents de l'opposition qui soufflaient en provenance des ennemis. Il déclare que les gens suivent les dictats de leurs passions et de leurs désirs corrompus, et lui ordonne de conseiller à de telles personnes d'abandonner leurs mauvaises manières et de se tourner vers leur Dieu. Baha'u'llah, dans cette épître, déverse ses faveurs sur Hakim Masih et affirme qu'il lui a octroyé un rang élevé. Hakim Masih enseigna la Foi à sa famille et ils devinrent des croyants fervents. Parmi ses descendants, il y a le célèbre Dr Lutfullah Hakim, son plus jeune petit-fils, qui servit le Maître et Shoghi Effendi avec un dévouement exemplaire et qui fut élu à la Maison universelle de justice en 1963 lorsque le Corps suprême de la foi prit naissance pour la première fois.

La lumière de la nouvelle foi de Dieu qui luisait dans le coeur de Hakim Masih illumina en Perse beaucoup d'autres de ses coreligionnaires. Il y a de nombreuses tablettes révélées par Baha'u'llah en l'honneur des croyants d'origine juive.

- Les Zoroastriens entrent dans la Foi:

L'introduction et la croissance de la Cause parmi les disciples de Zoroastre ne furent pas moins spectaculaires et considérables. L'histoire suivante est relatée par 'Abdu'l-Baha:

"...ils racontent que les biens d'un certain babi de Kashan furent pillés, et sa maisonnée éparpillée et disséminée. Ils le dévêtirent complètement, le fouettèrent, souillèrent sa barbe, le firent monter à l'envers sur un âne, et le paradèrent à travers les rues et les bazars avec la plus grande cruauté, au son des tambours, trompettes, guitares et tambourins. Un certain guèbre (zoroastrien) qui ne connaissait absolument rien du monde ou des risques encourus par ses habitants était, par hasard, assis à l'écart dans un coin d'un caravansérail. La clameur de la foule s'éleva, il se précipita dans la rue, et, ayant eu connaissance d'une façon détaillée de l'offense et de l'offenseur, et de la cause de sa disgrâce publique et de sa punition, il n'effectua aucune recherche, et le même jour entra dans la société des babis, disant: "Cette humiliation publique et ce très mauvais traitement sont une preuve de la vérité et le meilleur des arguments. Si cela n'avait pas été ainsi, il se peut que cela ait pris plus d'un millier d'années pour que quelqu'un comme moi en soit informé." (n°9 A Traveller's Narrative)

Haji Mu'inu's-Saltanih, un historien de Tabriz, a expliqué que le croyant qui était persécuté dans le récit ci-dessus, était un certain Haji Muhammad-Rida, un marchand de Kashan, et que le zoroastrien qui avait reconnu la vérité de la Foi du Bab était Suhrab-i-Pur-Kavus. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup d'informations disponibles le concernant.

Pendant le ministère de Baha'u'llah, le premier croyant d'origine zoroastrienne, serait Kay-Khusraw-i-Khudadad et son histoire de la reconnaissance de la véracité de la Foi est semblable à celle de Suhrab-i-Pur-Kavus, Kay-Khusraw, natif de Yazd, était aussi un marchand à Kashan. Il vit l'un des croyants être torturé et mis à mort. Cette scène déchirante suscita en lui l'envie de faire des recherches sur la Cause et par la suite il devint croyant. Quelques-uns des premiers croyants parmi les zoroastriens qui furent en contact avec lui à Kashan, doivent à son travail d'enseignement leur allégeance à la Cause.

Kay-Khusraw-i-Khudadad était très connu dans la communauté zoroastrienne. Il était membre du "Conseil (spécial) des zoroastriens" créé par Manikchi Sahib. Ce dernier était venu d'Inde en Perse, dans l'intention d'aider ses co-religionnaires de ce pays à acquérir plus de liberté, pour eux il rencontra Nasiri'd-Din Shah et réussit à obtenir un décret royal, déchargeant les zoroastriens du paiement de certaines taxes religieuses qui depuis des années avaient été imposées aux minorités religieuses de Perse. Il invita aussi un nombre de zoroastriens très en vue à servir dans ce Conseil qui était reconnu par le Shah.

- Lawh-i-Manikchi Sahib:

Manikchi passa par Bagdad en route pour la Perse, lorsque Baha'u'llah habitait cette ville. Il accéda en sa présence et devint son admirateur. Au fil des années, il garda un contact amical avec Baha'u'llah en correspondant avec lui. Il était aidé en cela par Mirza Abu'l-Fadl, qui après avoir embrassé la Foi travailla pendant des années, comme secrétaire de Manikchi. En réponse à une lettre, Baha'u'llah révéla pour lui une épître, intitulée Lawh-i-Manikchi Sahib. (n°10 Majmu'iy-i-Alvah, p.259) Elle est surtout révélée en pur persan *, car ce dernier, tenait à promouvoir la langue persane dans sa forme originelle. Bien que Manikchi ne devint pas baha'i, il resta un ami bienveillant.

*[nota: lorsque l'Islam devint la religion principale de la Perse, des mots arabes furent introduits dans le langage persan. Le langage persan actuel incorpore de nombreux mots arabes, qui font partie maintenant du vocabulaire persan. Comparé à cela, il y a le "pur persan ou persan littéraire" qui n'est pas couramment parlé, mais occasionnellement écrit. Certains érudits ont excellé dans cette matière: Mirza Abu'l-Fadl était l'un d'eux. Mais le persan littéraire n'est pas d'usage habituel. Dans la plupart des Écrits de Baha'u'llah en persan, il se sert de mots arabes et persans. Seul un petit nombre de ses Écrits, ceux qui sont adressés aux croyants zoroastriens sont surtout révélés en persan littéraire]

Du point de vue littéraire, l'épître de Baha'u'llah à Manikchi Sahib est un chef d'oeuvre de pure langue persane. Dans sa lucidité et son éloquence, sa richesse et sa beauté, elle n'est pas moins remarquable que d'autres célèbres tablettes révélées soit en arabe ou en persan. Cette tablette contient quelques-unes des paroles de choix de Baha'u'llah. Le célèbre passage "Vous êtes les fruits d'un seul arbre et les feuilles d'une seule branche" fut révélé dans cette épître *. Baha'u'llah y invite les peuples du monde à entrer sous le portail de la liberté qui a été grand ouvert par sa révélation, et de boire à satiété des sources de connaissance qui ont jailli de ses paroles. Il se sert de l'analogie de la paupière, un petit volet qui peut obstruer la vision, pour illustrer le voile de convoitise qui peut aussi obscurcir la lumière de l'âme. Il compare les mots cruels à une épée mortelle et une langue douce à de la nourriture rafraîchissante, explique que Dieu, le Créateur, approuve tous les processus par lesquels les individus peuvent se débarrasser d'un peu de leur ignorance et augmenter leur connaissance et leur compréhension, déclare que l'homme connaîtra la paix et la tranquillité lorsqu'il témoignera sa sympathie à tous ceux qui habitent sur terre et exhorte les gens de laisser l'obscurité de l'inimitié et de pénétrer dans la lumière de l'unité.

*[nota: ce célèbre passage se trouve aussi dans Ishraqat]

Ce qui suit est une petite partie de l'épître à Manikchi Sahib qui a été traduite en anglais par Shoghi Effendi:

L'omniscient Médecin tient sous son doigt le pouls de l'humanité. Il diagnostique la maladie et, en son infaillible sagesse, il prescrit le remède. Tout âge a son problème propre, toute âme son aspiration particulière. Le remède qui convient aux afflictions du présent jour ne saurait être celui que réclameront les maux d'un âge ultérieur. Enquérez-vous soigneusement des besoins de l'âge où vous vivez et que toutes vos délibérations portent sur ce que cet âge requiert.

Nous sentons bien les innombrables et terribles afflictions qui accablent l'humanité. Nous la voyons, sur son lit de douleur, languissante, cruellement éprouvée et profondément désillusionnée. Mais ceux que l'orgueil empoisonne se sont interposés entre la malade et l'infaillible Médecin divin. Voyez comment ils ont entraîné tous les hommes, eux-mêmes y compris, dans les filets de leurs ruses. Ils ne peuvent ni découvrir la cause de la maladie ni en trouver le remède. La droiture est pour eux duplicité et ils prennent leur ami pour un ennemi.

Prêtez l'oreille à la douce mélodie de ce Prisonnier. Levez-vous ! Et haussez la voix pour réveiller ceux qui sont endormis ! Dis: Ô vous qui êtes semblables aux morts, la main de la générosité divine vous tend les eaux de vie. Hâtez-vous d'y apaiser votre soif. Qui renaîtra en ce jour, ne mourra jamais ; qui restera parmi les morts, plus jamais ne revivra. (n°11 Extraits des Écrits CVI)

- Lawh-i-Haft Pursish (Tablette des sept questions):

Le Conseil des zoroastriens qui avait été établi par Manikchi Sahib était composé des zoroastriens les plus célèbres de Yazd. Il y eut même dix-huit conseillers dont six devinrent baha'is. Comme nous l'avons déjà mentionné, Kay-Khusraw-i-Khudadad, le premier croyant, était parmi ceux-la. D'autres, qui se joignirent à la Foi, étaient des hommes de savoir ou des gens tenus en haute estime par leur communauté. Parmi ces personnalités, se trouvait le célèbre Ustad Javan-Mard, le secrétaire du Conseil. Il était enseignant de profession et devint un croyant dévoué. Il écrivit une lettre à Baha'u'llah et posa quelques questions. The Lawh-i-Haft Pursish, révélé en persan littéraire, le fut en son honneur. Dans cette épître, Baha'u'llah l'appelle d'un nom nouveau, Shird-Mard (homme lion). Ce qui suit est un court extrait du Lawh-i-Haft-Pursish traduit par Shoghi Effendi:

O Grands prêtres ! les oreilles vous furent données afin qu'elles puissent comprendre le mystère de Celui qui se suffit à lui-même ; et des yeux afin qu'ils puissent le contempler. Pourquoi fuyez-vous ? L'Ami incomparable s'est manifesté. Dans ce qu'il dit ce trouve le salut. Si vous pouviez, ô Grands Prêtres, percevoir le parfum de la roseraie de la compréhension, vous ne chercheriez nul autre que lui, et vous reconnaîtriez sous son nouveau vêtement le Sage et l'Incomparable ; vous détourneriez vos regards du monde et de ceux qui le recherchent, et vous vous lèveriez pour lui apporter votre concours... Tout ce qui a été annoncé dans les Livres l'a été clairement. De tous côtés, les signes ont été manifestés. En ce jour, l'Omnipotent lance son appel et il annonce l'apparition du Ciel suprême. (n°12, Cité dans "Voici le jour promis", p.71)

Shir-Mard fut le premier zoroastrien baha'i à être enterré au lieu d'avoir le corps placé dans le Dakhmih * comme le veut la coutume de ce peuple. Les autres baha'is d'origine zoroastrienne suivirent son exemple et construisirent un cimetière baha'i à part. Cette action provoqua une violente opposition de la communauté. Le cimetière baha'i fut attaqué et certaines tombes profanées.

*[nota: une tour ouverte, habituellement construite en-dehors de la ville dans laquelle les cadavres des zoroastriens sont placés et exposés à la nature. Après que la chair ait été mangée par les vautours, les os sont jetés dans un puits profond]

Cette opposition n'était pas uniquement à cause du problème de l'enterrement. Le simple acte de conversion à une nouvelle Foi, chose qui ne s'était jamais produite chez les zoroastriens depuis le début de l'Islam, provoqua la colère des grands prêtres contre les nouveaux convertis baha'is qui proclamaient ouvertement à la communauté que le Shah-Bahram, le Promis des zoroastriens, s'était manifesté dans la personne de Baha'u'llah. Bientôt les persécutions commencèrent, parfois avec l'accord tacite du clergé musulman. Un certain Maître Khudabakhsh, un membre distingué du Conseil des zoroastriens et un professeur d'école de grande réputation, quoique pas officiellement baha'i, fut fusillé à cause de sa sympathie et de son soutien généreux aux baha'is. D'autres furent persécutés de différentes manières. Mais le nombre des convertis à la Foi de Baha'u'llah grandit rapidement et à l'étonnement des musulmans comme à celui des zoroastriens, un grand nombre de familles reconnurent le rang de Baha'u'llah et gonflèrent les rangs des croyants et particulièrement à Yazd et dans les villages alentours.

En Perse, aux premiers temps des ministères du Bab et de Baha'u'llah, la conversion des musulmans, juifs et zoroastriens, à la Foi de Baha'u'llah fut suivie par la conversion d'adhérents d'autres Foi dans d'autres parties du monde. Dans une courte période de temps, les disciples de toutes les religions, croyances et idéologies ainsi que des païens, agnostiques et athées, représentant les peuples de toutes les couleurs, races et tribus, embrassèrent la Foi et commencèrent à construire conjointement les fondations de la communauté mondiale baha'ie. Le processus d'entrer dans la Foi des peuples du monde a été si dynamique que dans l'espace de moins de cent ans depuis la déclaration de Baha'u'llah dans le Jardin de Ridvan, une armée de pionniers et d'enseignants itinérants de toute origine imaginable s'est levée pour encercler le globe et pour propager la cause de Baha'u'llah et diffuser la lumière de sa Foi aux multitudes du monde. Ce processus qui commença aux débuts de la Foi prend maintenant de la vitesse et continuera à aller de l'avant jusqu'à ce que les buts d'unification de l'espèce humaine tout entière et l'allégeance universelle à la cause de Baha'u'llah soient entièrement réalisés.



CHAPITRE 13: Le Kitab-i-Aqdas. - La Loi de Dieu

Baha'u'llah, révéla le Kitab-i-Aqdas au début de l'année 1873 près de cinq ans après son arrivée à Acre alors qu'il était consigné dans la maison de 'Udi Khammar. Ce Très-Saint-Livre, considéré comme le Livre-Mère de cette "dispensation" est un Livre unique et incomparable parmi les saintes Écritures du monde, que lui-même décrit comme étant "la source de la vraie félicité", la "balance infaillible", la "voie droite", l'"animateur de l'humanité", la "rivière de miséricorde", l'"arche de ses lois". Les prophètes du passé y ont fait allusion comme au "nouveau ciel", à la "nouvelle terre", au "Tabernacle de Dieu", à la "cité sainte", à l'"épousée" et à la "nouvelle Jérusalem venue du ciel". Shoghi Effendi l'a acclamé comme la charte du nouvel ordre mondial de Baha'u'llah et de la future civilisation mondiale.

Ce livre est écrit en arabe, émanation la plus brillante de la Plume du Très-Haut ; il se distingue de tous les écrits de Baha'u'llah comme le Livre-Mère de sa "dispensation". Il est suivi par le Kitab-i-Iqan (Livre de la certitude). (Voir vol.1 ch 10). Du Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah déclare: "Ce livre est un firmament que nous avons paré des étoiles de nos commandements et de nos interdictions". Et encore, "Il est vraiment mon témoignage le plus puissant pour toute l'humanité, et la preuve donnée par le Très-Miséricordieux à tous ceux qui sont au ciel et tous ceux qui sont sur la terre. (N°1 Dieu passe près de nous p.206)

Le Kitab-i-Aqdas qui est le plus puissant et le plus exalté des écrits de Baha'u'llah est aussi l'un des plus beaux d'un point de vue littéraire, il est sans égal par son éloquence, inégalé par sa clarté, enchanteur par son style, superbe dans sa composition et varié dans ses thèmes. Chaque phrase est simple et facilement compréhensible par le lecteur ; il est impossible de suggérer une construction meilleure et plus éloquente. C'est le chef d'oeuvre des paroles de Baha'u'llah. Bien qu'il soit fondamentalement un livre de lois et d'ordonnances, il est révélé de telle manière que ses lois sont entrelacées de passages sur des conseils spirituels et des exhortations, des déclarations grandioses et des directives divines. La manière dont cela est fait est unique et originale. Il fascine le lecteur par sa beauté et son charme. Baha'u'llah en parle ainsi, "Par ma vie ! il a été envoyé d'une manière qui stupéfie l'esprit de l'homme". Et dans un autre passage, il déclare:

Par Dieu ! la majesté de ce qu'il décrit est telle, et si terrible est la révélation de ses allusions cachées, que l'on tremble en essayant de les dévoiler. (N°2 Dieu passe près de nous p.206)

En révélant le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah peut être comparé à un oiseau céleste volant dans les hauteurs spirituelles de gloire et dont l'habitat se trouve dans le royaume de l'esprit loin au-dessus de l'entendement des hommes. Dans cette condition, Baha'u'llah parle des choses spirituelles, révèle les vérités de sa cause et dévoile la gloire de sa révélation à l'humanité. De cet horizon si élevé, cet oiseau immortel de l'esprit soudainement et à l'improviste descend sur ce monde de poussière. Dans cette condition, Baha'u'llah annonce et expose des lois. Puis l'oiseau reprend son vol et retourne vers les domaines spirituels. Ici, la Langue de grandeur parle à nouveau avec majesté et autorité, révélant certains des passages choisis thésaurisés dans le Kitab-i-Aqdas. Shoghi Effendi, le Gardien de la foi baha'ie, a traduit dans un anglais superbe un nombre considérable de ces passages et a inclus la plupart d'entre eux dans Florilèges d'écrits de Baha'u'llah *.

*[nota: les passages suivants de Florilège d'écrits de Baha'u'llah proviennent du Kitab-i-Aqdas: XXXVII, LVI, LXX, LXXI, LXXII, XCVIII, CV, CLV, CLIX et CLXV]

Cette ascension et cette descente, la révélation des enseignements spirituels d'un côté, et les lois transmises de l'autre, se suivent l'un l'autre dans le Livre. Il semble ne pas y avoir de schéma visible pour l'entrelacement des deux, ni de rapport apparent entre eux. Baha'u'llah après avoir exposé certains de ses meilleurs enseignements ou avoir révélé certains de ses conseils et exhortations, change abruptement de sujet et donne une ou deux lois qui en apparence semble n'avoir aucun rapport avec le précieux sujet.

Chaque religion majeure a eu ses lois données par son Fondateur. Ces lois ont joué un rôle important dans l'administration des affaires communautaires et dans la conduite de la vie des croyants individuels. Le judaïsme et l'islam en sont les meilleurs exemples. Dans la foi chrétienne, cependant, il n'y a pas beaucoup de lois données par le Christ, et à cause de cela, il peut être difficile pour les personnes d'origine chrétienne d'apprécier la signification des lois religieuses et le rôle vital qu'elles jouent dans la vie de la communauté. Il est probable que la raison pour laquelle le Christ n'a pas révélé beaucoup de lois à ses disciples est que son message était principalement dirigé vers le salut de l'individu, et ne donnait pas de directions majeures pour les affaires de la communauté. Il mit l'accent sur la santé spirituelle de l'individu comme cela est parfaitement illustré dans son sermon sur la Montagne, mais il ne laissa aucune loi pour gouverner les activités des communautés et des nations et pour définir leur relation des uns avec les autres.

Les lois de chaque religion sont valides et applicables jusqu'à ce que paraisse la Manifestation de Dieu suivante. Après quoi elles sont périmées et perdent de leur efficacité ; les gens ne ressentent plus le besoin de les suivre. Par exemple, les lois de Moïse étaient en accord avec l'esprit de l'époque jusqu'à l'apparition du Christ puis elles devinrent démodées. Il y a de nombreuses lois dans l'Ancien Testament qui étaient bonnes pour l'époque à laquelle elles étaient destinées et qui furent pratiquées pendant plus de mille ans, mais elles ne sont plus applicables aujourd'hui. Les lois de l'islam qui furent données par le prophète Muhammad furent valides jusqu'au moment de la venue du Bab. Ces lois furent en vigueur parmi les nations islamiques pendant près de mille trois cents années lunaires. Depuis la révélation du Kitab-i-Aqdas, dans lequel furent formulées les lois de l'âge nouveau, la plupart des lois de l'islam sont devenues inopérantes. Non seulement certains des gouvernements islamiques ont été forcés d'abandonner l'application des lois islamiques en faveur de lois civiles qu'ils ont eux-mêmes promulguées, mais l'esprit de l'âge nouveau, se manifestant à travers des processus constructifs comme destructifs, a tellement changé les conditions sociales que, dans bien des cas, il est devenu impossible d'appliquer les lois de l'islam.

Les lois révélées dans le Bayan par le Bab étaient destinées à ne pas durer longtemps. Certaines d'entre elles étaient incomplètes, dépendant soit directement ou implicitement de l'avènement de "Celui-que-Dieu-rendra-manifeste" (Baha'u'llah - voir vol.1 ch.18). Les lois de la religion babie furent abrogées par la révélation du Kitab-i-Aqdas. Seulement quelques-unes des lois données par le Bab furent confirmées par Baha'u'llah et celles-ci furent réinscrites dans ce même livre. 'Abdu'l-Baha a déclaré que les lois du Bab qui n'ont pas été confirmées dans le Kitab-i-Aqdas doivent être considérées comme abrogées. (n°3 cité par Fadil-i Mazindarani, Amr Va Khalq, vol.1) Dans une autre tablette, il déclare qu'est nulle toute loi révélée ailleurs que dans les Écrits de Baha'u'llah si elle est contraire aux lois de l'Aqdas. Mais celles qui ne sont pas contraires ou qui ne sont pas mentionnées dans le Kitab-i-Aqdas sont valides et applicables.

Certes, lorsque nous analysons les Écrits de Baha'u'llah, nous rencontrons de nombreuses tablettes qui contiennent quelques lois ou qui donnent l'explication ou l'application des lois. De telles tablettes sont considérées comme étant supplémentaires au Kitab-i-Aqdas. Il est donc clair que le Kitab-i-Aqdas ne contient pas à lui seul, toutes les lois de Baha'u'llah. Après sa révélation, Baha'u'llah autorisa Zaynu'l-Muqarribin (voir vol.1), l'un de ses compagnons dévoués, qui auparavant avait été un mujtahid (docteur en lois islamiques) et était très expérimenté dans l'application de la loi islamique, à poser toutes les questions qu'ils pouvaient avoir concernant l'application des lois de Baha'u'llah. Les réponses qu'il fit sont contenues dans un livre intitulé Questions et Réponses et qui doit être considéré comme une annexe du Kitab-i-Aqdas.

Dans une tablette (n°4 idem p.10) écrite par Mirza Aqa Jan, le secrétaire de Baha'u'llah, datée du 15 Jamadiyu'l-Avval 1290 (11 juillet 1873), il est stipulé que le Kitab-i-Aqdas fut révélé vers cette période. Il est aussi fait référence aux circonstances qui menèrent à sa révélation. Depuis bien des années, les croyants avaient posé des questions sur les lois de la Foi, mais Baha'u'llah ne pensait pas que le moment était venu de leur répondre. Pendant qu'il était à Andrinople, il révéla un nombre de lois écrites en persan, mais ne les donna pas aux croyants. Lorsqu'il était à Acre, les questions continuaient à lui parvenir et lorsque vint le temps propice, Baha'u'llah révéla le Kitab-i-Aqdas. Mais d'emblée, il souligna auprès de ses disciples la nécessité d'être discret et sage pour la mise en application de ses lois. Il leur conseilla de ne pratiquer aucune de ses dispositions qui pourraient être prématurées, causer des dissensions ou des troubles parmi les gens.

Peu de temps après la révélation du Kitab-i-Aqdas, Haji Siyyid Javad-i-Karbila'i (voir vol.1), un éminent croyant qui était tenu en haute estime dans la communauté, désirait fortement que les baha'is mettent en application les lois de ce Livre. Dans une tablette qui lui fut adressée, Baha'u'llah dévoile la position éminente occupée par le Kitab-i-Aqdas. Il y fait référence comme au plus grand aimant par lequel les coeurs des peuples du monde seront attirés, et prophétise que par lui, la majesté et la souveraineté de Dieu seront, avant peu, rendues manifestes. Mais, il conseille à Haji Siyyid Javad de faire preuve de prudence et de sagesse dans la mise en application de ses lois pour le moment. Ce qui suit est un extrait de la tablette à Haji Siyyid Javad mentionnée ci-dessus:

Pendant bien des années, des suppliques de divers pays sont parvenues en la très sainte Présence, l'implorant de révéler les lois de Dieu, mais nous avons retenu notre plume jusqu'à l'arrivée du temps fixé. Aussitôt après, le soleil des lois et ordonnances rayonna à l'horizon de la volonté de Dieu, en signe de sa grâce envers les peuples du monde. Il est en vérité, l'intarissable Clémence, le Très-Généreux... En vérité, les lois de Dieu sont comme l'océan, et les enfants des hommes sont comme des poissons, si seulement ils le savaient. Toutefois, en s'y conformant, il faut user de tact et de sagesse... Puisque la plupart des hommes sont faibles et se trouvent bien loin du dessein de Dieu, il faut donc, en toutes circonstances, faire preuve de tact et de prudence, afin que rien ne parvienne à jeter le trouble et la dissension ni à soulever les récriminations des négligents. En vérité, sa générosité a transcendé tout l'univers et ses bienfaits ont comblé tout ce qui se trouve sur terre. Il faut guider l'humanité vers l'océan de la vraie compréhension, dans un esprit d'amour et de tolérance. Le Kitab-i-Aqdas lui-même constitue un témoignage éloquent de la munificente providence de Dieu. (N°5, Synopsis et codification des lois et ordonnances du Kitab-i-Aqdas, p.4-5)

Dans la même année où fut révélé le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah autorisa Jamal-i-Burujirdi *, qui se trouvait à Acre, d'en recopier certaines parties et de les partager avec les amis de Perse. Puis à nouveau, il insista sur la sagesse et la discrétion dans l'application de ses lois. Nous avons déjà expliqué dans le volume précédent que par leur clémence et leur compassion, les Manifestations de Dieu n'annoncent pas tout à coup toutes leurs nouvelles lois à leurs disciples. Connaissant le fort attachement de l'homme aux anciennes lois et coutumes, ils introduisent leurs nouvelles lois graduellement sur une période de temps pendant laquelle leurs disciples deviennent éclairés et prêts à les recevoir. (voir vol.2)

*[nota: il est intéressant de noter, que Jamal, personnage fier et égotiste, demanda à Baha'u'llah à être exempté de l'obéissance aux lois du Kitab-i-Aqdas. Baha'u'llah accéda à son désir et lui fit savoir qu'il était libre et n'avait pas à obéir aux lois de ce Livre. Pour plus d'information sur ce personnage notoire qui finalement devint un briseur d'Alliance, voir vol.2]

L'étude des Écrits de Baha'u'llah et de 'Abdu'l-Baha fait comprendre que la plupart des lois du Kitab-i-Aqdas, sauf celles qui sont de nature spirituelle, ou en conformité avec les conditions en vigueur à ce moment-là, sont conçues pour le futur, lorsque la foi baha'ie sera la religion du pays. C'est alors que ces lois seront totalement appliquées dans le cadre d'une nouvelle civilisation qui doit émerger plus tard du chaos et de la confusion de la société actuelle.

Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi, a décrit les lois du Kitab-i-Aqdas comme étant la "trame et la chaîne" de l'Ordre mondial de Baha'u'llah. Sans ces lois, l'humanité ne pourra pas prendre part à l'établissement sur terre du Royaume de Dieu promis. L'Ordre mondial de Baha'u'llah, cependant, est toujours en train de grandir dans sa forme embryonnaire. Il grandira en temps et lieu et ouvrira la voie à un âge de gloire dont nous ne pouvons imaginer l'ampleur en ce jour, un âge dans lequel les enseignements de Baha'u'llah guideront et gouverneront la vie de l'homme sur cette planète. Alors et alors seulement, la sagesse et la signification de toutes les lois du Kitab-i-Aqdas deviendront manifestes, leur pertinence quant aux besoins de l'époque deviendra apparente et leur application deviendra une nécessité vitale.

Dans Dieu passe près de nous et dans le champ restreint de trois pages, Shoghi Effendi a résumé le Kitab-i-Aqdas d'une façon tellement magistrale, que, si le lecteur les étudie avec attention, il connaîtra tous les principes fondamentaux contenus dans ce Livre exalté. Ce qui suit fait partie de son résumé où il énumère quelques-unes des lois fondamentales de cette Dispensation:

Toujours dans ce livre, il prescrit les prières obligatoires, fixe l'époque et la durée du jeûne, interdit la prière rituelle sauf pour les enterrements, détermine la qiblih, institue le Huququ'llah (droit de Dieu), définit les règles de succession, ordonne la construction du Mashriqu'l-Adhkar, institue les fêtes des dix-neuf Jours, détermine les jours fériés baha'is et les jours intercalaires, abolit le sacerdoce, interdit l'esclavage, l'ascétisme, la mendicité, la vie monastique, la pratique des pénitences, l'utilisation des chaires pour prêcher et l'usage du baisemain ; il prescrit la monogamie, condamne la cruauté envers les animaux, l'oisiveté et la paresse, la médisance et la calomnie, blâme le divorce, interdit les jeux d'argent, l'usage de l'opium, du vin et autres boissons alcooliques ; il énumère les sanctions pour meurtre, incendie volontaire, adultère et vol, souligne l'importance du mariage et fixe ses conditions essentielles ; il impose à chacun l'obligation de s'adonner à quelque commerce ou profession, et il élève cette occupation au rang d'acte d'adoration ; enfin, il insiste sur la nécessité d'éduquer les enfants, il assigne à tous le devoir de faire un testament écrit et celui d'obéir strictement au gouvernement. (n°6 Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, op.cit., p.205)

Il y a des lois que Baha'u'llah n'a pas formulées dans le Kitab-i-Aqdas ou dans d'autres épîtres. Il a délibérément laissé des ouvertures dans la structure de ses lois et celles-ci devront être remplies par la Maison universelle de justice, le corps législatif suprême de la Foi, autorisée par Baha'u'llah à promulguer les lois que lui-même n'a pas explicitement révélées. Les lois édictées par cette institution pourront être modifiées par la suite par le même corps lorsque les conditions de la société auront radicalement changées et cette disposition garantit que les lois, qui sont par nature temporaires, pourront évoluer en même temps que les progrès de l'humanité.

Les lois que Baha'u'llah a formulées sont cependant des lois fondamentales, fixées et inaltérables durant toute la période de cette Révélation. Seule la prochaine Manifestation de Dieu pourra les abroger. Il faut aussi noter qu'il y a certaines lois données par Baha'u'llah qui sont destinées à une condition future de la société, et celles-ci ne peuvent pas entrer en vigueur sans une législation nécessaire faite par la Maison universelle de justice pour leur application. Shoghi Effendi écrit par l'intermédiaire de son secrétaire:

Ce qui n'est pas formulé dans l'Aqdas doit être promulgué par la Maison universelle de justice, en addition aux matières de détail et d'importance secondaire qui peuvent se poser pendant l'application des lois formulées par Baha'u'llah. Ce corps peut ajouter, mais ne peut jamais rendre invalide ou ni modifier même dans le moindre degré, ce qui est déjà formulé par Baha'u'llah. Le Gardien n'a aucun droit de diminuer quoi que ce soit à effet obligatoire, pour abroger plus ou moins, les provisions d'un Livre sacré aussi fondamental. (N°7, Les principes de l'administration baha'ie, p.16-17)

Le Kitab-i-Aqdas n'a pas été traduit jusqu'à présent dans aucune langue par les autorités baha'ies. La raison est qu'une simple traduction sans faire référence aux autres épîtres serait très aléatoire. La Maison universelle de justice explique ceci en ces paroles:

Le Kitab-i-Aqdas est lui-même le noyau d'une vaste structure de lois baha'ies qui prendront naissance dans les années et siècles à venir lorsque s'établira et se développera l'unité du genre humain. Par conséquent, pour comprendre correctement le contenu de ce Livre nous devons aussi lire de nombreuses épîtres de Baha'u'llah ayant un rapport avec elles ainsi que les interprétations qu'en font 'Abdu'l-Baha et le Gardien, et comprendre que de grandes zones de vides ont été laissées par Baha'u'llah pour que la Maison universelle de justice puisse les remplir et les changer selon les besoins d'une société en mutation. De plus, une traduction du Kitab-i-Aqdas, effectuée sans annotation, faisant référence à ces autres épîtres qui expliquent ses lois ainsi qu'aux interprétations du Maître et du Gardien, pourrait être très mal interprétée - sans parler du problème d'arriver à obtenir en anglais la beauté du style pouvant approcher celle de l'original. N°8 lettre du 23 février 1976)

Une autre fois, la Maison universelle de justice écrit:

Le Gardien expliqua que la publication du Très-Saint-Livre impliquerait un préliminaire indispensable: la préparation d'un Synopsis et Codification des lois et ordonnances de ce livre. En temps opportun suivrait une traduction complète du livre même, faite par un corps compétent d'experts et comportant une quantité de notes explicatives et détaillées. Ces annotations devront, sans nul doute, contenir des références aux nombreuses tablettes de Baha'u'llah qui complètent l'Aqdas, aux interprétations dues à la plume de 'Abdu'l-Baha et de même à celles des écrits de Shoghi Effendi ; elles devront nécessairement élucider certains passages du livre ou faire plus de place aux références religieuses, culturelles et historiques. Il est clair qu'un tel livre, riche en allusions et touchant à des lois et pratiques issues des "dispensations" précédentes, pourrait aisément être mal interprété par quelqu'un qui est peu familiarisé avec ces lois et pratiques, insuffisamment versé dans les enseignements de Baha'u'llah et mal informé sur ses buts fondamentaux. En particulier, des traductions imparfaites pourraient induire gravement en erreur. De son vivant, Baha'u'llah fit la réflexion suivante au sujet de la traduction de l'Aqdas faite par l'un des croyants: "En dépit de la bonne intention du traducteur, une pareille entreprise en ces jours conduira à des différends et, pour cette raison, ne peut être permise". (N°9 Synopsis p.7)

Voilà quelque temps déjà que la Maison universelle de justice a accompli la tâche de codification des lois et a publié le livre intitulé: Synopsis et codification des lois et ordonnances du Kitab-i-Aqdas. Cet ouvrage a nécessité énormément de recherches dans les Écrits. Ces épîtres de Baha'u'llah qui complètent le Kitab-i-Aqdas, et les Écrits de 'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi qui traitent de l'interprétation des lois, ont été pris en compte dans la production de cette oeuvre importante. Cet ouvrage, synopsis et codification, déclare la Maison universelle de justice, est:

...Une présentation concise de l'ensemble des lois, ordonnances, exhortations et autres matières qui figurent à la fois dans le Kitab-i-Aqdas et dans Questions et Réponses constituant un appendice à ce livre. Il ne contient pas tous les détails et il n'est pas possible non plus de rendre, sous une forme condensée, l'impression de noblesse et de magnificence qui se dégage du style de Baha'u'llah. Afin de donner aux lecteurs au moins une lueur de cette splendeur de thème et de langage, on a placé les extraits qui ont été traduits en anglais par le Gardien de la foi, en préambule au Synopsis et Codification en suivant l'ordre de leur apparition dans le Kitab-i-Aqdas. Aux traducteurs futurs incombera la tâche redoutable d'égaler la beauté et la justesse de la traduction de Shoghi Effendi. Un grand nombre de détails, explications et références supplémentaires figurent en notes. (NDT: La traduction en anglais, dûment annotée, a été publiée par le Centre mondial en 1993. La traduction française a été publiée par la Maison d'éditions baha'ies en 1996) (n°10 Préface)

- Obéissance aux lois de Dieu:

L'observance des lois de Dieu d'une religion est de la plus grande importance ; c'est une obligation qui lie ses disciples. La mise en application de certaines lois du Kitab-i-Aqdas commença avec le ministère de Shoghi Effendi. Sachant que les croyants du berceau de la Foi avaient été élevés dans une société où la signification des lois religieuses et de leurs implications, était comprise, il ordonna aux assemblées spirituelles de cette partie du monde de commencer à mettre en application, à l'intérieur de la communauté baha'ie, certaines des lois du Kitab-i-Aqdas. Au cours de son ministère, il s'étendit sur l'application de ces lois, élucida de nombreux méandres et détails en relation avec elles, conseilla vivement aux assemblées spirituelles de ne jamais faire de compromis lorsqu'elles appliquaient les lois et il leur conseilla, en tout cas, de porter bien haut les étendards de la justice et de l'impartialité. Il construisit ainsi dans ce champ particulier, un grand réservoir de connaissance et d'expérience qui seront de grande valeur pour le futur.

Dans le monde occidental, la société actuelle n'est cependant pas orientée sur l'obéissance des lois religieuses. Non seulement, depuis longtemps déjà elle a régulièrement avancé vers l'humanisme et le matérialisme, mais encore la tradition chrétienne a laissé le peuple sans véritable compréhension de la signification et de l'importance des lois religieuses à l'intérieur de la communauté. Comme nous l'avons déjà déclaré, ceci est probablement dû au fait que le Christ n'a pas donné beaucoup de lois dans sa révélation, puisque son message était principalement destiné au salut de l'individu.

L'introduction des lois du Kitab-i-Aqdas à l'intérieur d'une telle société et à une époque où la Foi est toujours dans son enfance a été lente et graduelle. En fait, depuis le commencement de l'âge de formation de la Foi jusqu'à aujourd'hui, seules quelques-unes des lois du Kitab-i-Aqdas ont été introduites dans le monde occidental. Il ne fait aucun doute, que dans le futur, d'autres lois seront introduites, au fur et à mesure que la Cause croîtra et que les conditions à l'intérieur de la société humaine deviendront plus favorables.

Par l'intermédiaire de son secrétaire Shoghi Effendi écrivit ces paroles concernant les lois du Kitab-i-Aqdas:

Le Gardien pense qu'il est de son devoir d'expliquer que les lois révélées par Baha'u'llah dans l'Aqdas sont, lorsque applicables et pas directement en conflit avec les lois civiles du pays, absolument obligatoires pour tous les croyants ou les institutions, soit en Orient ou en Occident. Certaines lois, comme le jeûne, les prières obligatoires, le consentement des parents avant le mariage, le fait d'éviter les boissons alcooliques et la monogamie, doivent être considérées par les croyants comme universellement et vitalement applicables dans le temps présent. (n°11 Les principes de l'administration baha'ie, op.cit., p.16)

Partout dans le monde, les disciples de Baha'u'llah s'efforcent de développer les caractéristiques de la vie baha'ie dans leur vie individuelle et dans leurs communautés, en essayant de mettre en pratique les enseignements de Baha'u'llah et en observant ces lois et ordonnances qui sont obligatoires aujourd'hui. Un véritable croyant exécute sans réserve les commandements de Baha'u'llah, car la pierre angulaire de la foi est l'obéissance aux commandements de Dieu tels que Baha'u'llah les a révélés pour cet âge.

Pour pouvoir apprécier ce point important, étudions la nature. Comme nous l'avons déjà expliqué (voir vol.1), la création de Dieu est une entité. Les mondes spirituel et physique sont très apparentés l'un à l'autre ; ce ne sont pas deux créations différentes. Dans une de ses épîtres, (n°12 Ma'idiy-i-Asamani, vol. 7) Baha'u'llah déclare que chaque chose créée dans le monde physique a des équivalents dans tous les mondes de Dieu. Il s'ensuit que les lois et principes qui gouvernent cette vie physique sont également en vigueur dans les mondes spirituels de Dieu. Mais ils sont appliqués à un niveau plus élevé possédant certaines caractéristiques nouvelles qui ne se trouvent pas dans le royaume inférieur. Les mêmes lois et principes fondamentaux qui agissent dans la nature se trouvent aussi dans le monde de l'homme et de la religion. Mais à nouveau, ils sont appliqués à un niveau plus élevé. Pour donner un exemple: certaines des lois qui gouvernent la vie d'un arbre sont similaires à celles de la vie d'un homme. Un arbre enfonce ses racines dans le sol dont il reçoit sa nourriture et dont il dépend pour son existence. Mais l'arbre lui-même, son tronc, ses branches et ses feuilles poussent dans la direction opposée. L'arbre s'écarte du sol comme s'il le détestait. Ceci est semblable à l'état de détachement des choses matérielles dans le monde humain lorsque l'âme aspire aux choses spirituelles et s'écarte des désirs terrestres.

En se déplaçant dans la direction opposée l'arbre reçoit les rayons du soleil et en conséquence il bourgeonnera et portera des fruits. Naturellement la croissance d'un arbre est involontaire ; elle est dictée par la nature. Mais supposons que l'arbre ait le choix ; quelle différence cela aurait fait si, ressentant un attachement pour le sol, il avait incliné ses branchages et ses feuilles vers la terre et s'y soit enterré! Puis il aurait pourri et aurait été privé des rayons vitaux du soleil.

Le même principe est vrai pour l'homme, car il doit vivre dans ce monde matériel et dépend entièrement de cette terre pour assurer son existence. Son âme, cependant, doit se détacher du monde matériel et finalement se tourner vers des choses spirituelles. Mais contrairement à la plante, qui n'a pas de contrôle sur sa croissance et sur son développement, l'homme a reçu le pouvoir de déterminer sa propre destinée. Il a reçu le libre arbitre et peut choisir la direction dans laquelle il veut aller. S'il concentre seulement son attention sur les choses matérielles et devient attaché à ce monde et à ses vanités, pompe et gloire, son âme restera dans une obscurité relative. Mais si comme un arbre, il ne dirige pas toute son affection vers les choses matérielles, et atteint l'état de détachement de ce monde * et permet à son âme d'aspirer aux qualités divines, il pourra alors recevoir les rayons du Soleil de vérité - la Manifestation de Dieu. Alors et alors seulement son âme pourra produire un fruit et donner naissance à l'esprit de foi (voir vol.1) qui est le but ultime de la création.

*[nota: dans ces volumes, nous avons beaucoup parlé du détachement d'un point de vue baha'i, qui est en complète opposition aux idées de renoncement au monde, à la mendicité et à l'ascétisme]

L'exemple ci-dessus a uniquement été donné pour démontrer comment les mondes de Dieu, physique comme spirituel, sont liés par les mêmes lois. Il est donc possible qu'en étudiant les lois et principes du monde physique, nous puissions être capable de discerner un principe spirituel, à condition d'avoir à l'esprit les paroles et les adages des Manifestations de Dieu et que nous laissions leurs explications nous guider pour découvrir des parallèles clairs entre les principes spirituel et matériel.

- L'Alliance de Dieu avec l'Homme:

Pour comprendre l'importance de l'obéissance aux lois de Dieu, qui est un principe spirituel, examinons tout d'abord la relation de Dieu - Source de vie - avec ses créatures dans ce monde physique, puis nous pouvons arriver à une conclusion d'un point de vue spirituel. Nous remarquons que dans ce monde toutes les choses vivantes sont sujettes aux lois de la nature. Le créateur a organisé la vie sur cette planète faisant en sorte que le soleil déverse son énergie sur toutes choses créées, la terre fournit la nourriture et les éléments font leur contribution. Et ainsi Dieu donne la vie. Ceci est son rôle.

Les créatures vivantes, d'un autre côté, doivent jouer leur rôle si elles doivent vivre. Elles doivent recevoir les flots d'énergie, mais strictement en accord avec les lois que la nature leur a imposées. Par exemple, le poisson vit dans l'eau, tandis que les oiseaux volent dans les airs. Tous deux vivent en accord avec les lois que la nature leur dicte. Car dans ce niveau physique, la réaction aux flots d'énergie de Dieu de toutes choses créées est involontaire. Chaque créature est liée par les lois de la nature et ne peut en dévier d'un cheveu. Mais le point essentiel est que la réponse des créatures soit en harmonie avec les forces de vie régénératrices qui sont libérées par la nature.

Spirituellement c'est la même chose. La réponse de l'homme à la révélation de Dieu doit être celle d'harmonie avec ses enseignements. Mais l'homme, bien que physiquement un animal, n'est pas spirituellement soumis aux lois de la nature. Au lieu de cela il est lié avec Dieu par son Alliance. Comme dans toute alliance, et comme dans la nature, il y a ici, deux parties impliquées. De la même façon que Dieu pourvoit les énergies vitales au monde physique et les créatures réagissent, le même Créateur libère des forces spirituelles pour le développement et le progrès de l'âme de l'homme, et l'individu doit jouer son rôle. Mais au contraire du monde physique, la réponse de l'homme aux bienfaits de Dieu est volontaire. L'homme a le libre arbitre, tandis que les autres choses créées en sont dépourvues.

Le simple acte de création fait naître l'Alliance de Dieu avec l'homme, alliance qui a deux côtés. Dieu de son côté crée l'homme à sa propre image c'est-à-dire lui octroie ses attributs. Il lui assure les nécessités physiques de ce monde et lui envoie ses Messagers pour éclairer son chemin de façon à ce qu'il soit attiré vers lui.

La participation de l'homme dans cette alliance est d'être conscient de ces bienfaits, de reconnaître sa Manifestation et d'obéir à ses enseignements et à ses lois. Le parcours le plus naturel pour l'homme, est d'obéir aux préceptes établis par Dieu qui seuls peuvent apporter l'harmonie entre les deux parties de l'Alliance. Se révolter contre ces préceptes signifie vivre en conflit avec les lois de la création et se couper de tout bien. Croire en Dieu mais penser que cette Alliance n'existe pas et que le Créateur n'a pas posé des lois dans les domaines spirituels de sa création équivaudrait à le traiter d'incompétent.

L'Alliance de Dieu avec l'homme est semblable aux termes qu'un maître d'école pose à ses élèves. À l'instant où un enfant pénètre dans une école pour la première fois, il rentre sans le savoir dans une alliance avec le directeur. De nouveau, cette alliance à deux côtés. Le directeur donne à l'enfant ce dont il a besoin pour son éducation. Il nomme des professeurs pour l'enseigner et établit le programme. Le rôle de l'enfant est d'apprendre chaque leçon qui lui est enseignée et de suivre toutes les instructions qu'on lui donne. C'est uniquement ainsi qu'il acquerra la connaissance et grandira en sagesse et en compréhension.

Les termes de cette alliance sont établis uniquement par le directeur d'école et l'enfant n'a rien à dire. Son auteur est fort, savant et sage, mais l'enfant, l'autre partie de l'alliance, est faible, illettré et immature. La plupart des arrangements faits par les forts pour les faibles sont en général faits contre leurs intérêts et sont destinés à les exploiter. Mais ce n'est pas le cas ici, car le motif du directeur d'école en établissant un tel contrat entre lui-même et l'enfant est pur. Son intention est d'éduquer l'enfant et de le doter de bonnes qualités et de perfections. Si l'élève joue bien son rôle et suit les instructions de son maître, cette alliance devient la grande bénédiction de sa vie.

La même chose est exactement vraie entre Dieu et son Alliance avec l'homme. Dieu envoie ses messagers d'âge en âge pour enseigner l'humanité et chacun apporte un nouveau message qui convient aux nécessités du moment. Cette Alliance, semblable à l'analogie ci-dessus, est aussi établie unilatéralement par celui qui est le Tout-Puissant, l'Omniscient, le Très-Sage. Elle confère aussi la plus grande bénédiction sur l'homme, car son but est de lui permettre de devenir un être spirituel et d'acquérir la vie éternelle. Pour réaliser cette position élevée, l'homme doit vivre en accord avec les enseignements de la Manifestation de Dieu et obéir à ses commandements.

Tandis que déclinent aujourd'hui les valeurs morales et spirituelles, un grand nombre de personnes partout dans le monde considèrent le mot "obéissance" avec suspicion et crainte. Ils considèrent ce mot comme étant synonyme de dictature, acceptation aveugle, fanatisme religieux et toutes sortes de croyances cloisonnées. La majorité de ceux qui ont ses opinions se compte parmi les peuples honnêtes du monde, sans préjugés et éclairés. Certains peuvent appartenir à des groupes religieux avec une conception libérale, d'autres peuvent être intellectuels, agnostiques ou athées. Ils sont totalement au courant des dangers que l'obédience aveugle peut causer dans la société humaine et ils sont lassés de la soi-disant autorité, qui demande l'obédience à ses commandements qu'elle soit religieuse ou séculière.

De telles craintes sont totalement justifiées et ceux qui font campagne contre l'organisation d'une telle autorité et exècrent son règne sont dignes de louange et d'admiration. Car, lorsque nous analysons le domaine religieux, nous rencontrons une foule de "faux prophètes" qui, par désir du pouvoir, apparaissent sous le vêtement de chefs religieux, se présentant comme saint homme, et pour leur bénéfice personnel dirigent les esprits de leurs partisans. Il y a aussi des millions de personnes, disciples des principales religions mondiales, dont beaucoup sont enchaînés dans la cage des doctrines religieuses périmées et des anciens dogmes. Durant ce siècle, de plus en plus de ces personnes ont pris conscience de leur tragédie et ont brisé les chaînes placées sur leur esprit, se libérant de cet esclavage. Soit ils demeurent tièdes, disciples désillusionnés ou bien rejoignent les rangs des agnostiques et des athées. Ils entendent maintenant la voix des dirigeants religieux, qui dans le temps inspiraient les multitudes, avec différents degrés d'indifférence ou d'hostilité. La raison de ce changement est que Dieu s'est manifesté à travers Baha'u'llah et les chefs religieux ne l'ont pas reconnu et sont devenus d'après ses paroles des "étoiles déchues" (voir vol.2). Nous avons déjà expliqué (voir vol.1) que chaque religion a une certaine période de validité pendant laquelle ses enseignements sont en vigueur. Cette période se termine avec la naissance d'une nouvelle religion.

Alors que les religions du monde perdent progressivement de leur vitalité et de leur efficacité, les chefs religieux perdent leur emprise sur l'esprit des peuples. Leurs dictats et édits, qui dans les anciens temps avaient inspiré l'obéissance de leurs disciples, sont maintenant devenus contre-productifs. Un grand nombre de personnes se rebellent maintenant contre l'idée d'obéissance, et ils ont bien raison de le faire. Cependant, lorsque nous étudions la façon de vivre de la société humaine, nous remarquons que l'homme obéit de tout son coeur à toute personne ou institution qui parle avec la voix de la vérité et qui a l'autorité pour le faire. La même personne qui rejette le mot "obéissance" obéit aveuglément dans sa vie courante aux instructions de certaines autorités. Par exemple, un homme ne connaissant pas son chemin dans une ville suit aveuglément les signes routiers et ne mettra jamais en doute leur authenticité. La raison de cette obéissance aveugle est qu'il accepte l'autorité de l'organisme qui a placé les panneaux indicateurs. Il en est de même pour un patient qui incontestablement obéit aux ordonnances de son médecin même jusqu'au point de se laisser amputer d'un membre. De nouveau, il consent car il a foi en son spécialiste et accepte son avis sans aucune hésitation.

L'obéissance est une initiative naturelle de l'homme pourvu qu'il trouve la vérité. Baha'u'llah explique ceci très clairement lorsqu'il déclare dans le paragraphe d'ouverture du Kitab-i-Aqdas:

"Le premier devoir que Dieu a prescrit à ses serviteurs est de reconnaître celui qui est l'Aurore de sa révélation, la Fontaine de ses lois, et qui représente la Divinité, à la fois dans le royaume de sa cause et dans le monde de la création. Quiconque accomplit ce devoir a atteint au bien souverain, et quiconque y manque s'est écarté du droit chemin, même s'il accomplit toutes les bonnes actions. À tous ceux qui atteignent ce rang le plus sublime, cette cime de gloire transcendante, il convient d'observer chaque ordonnance de celui qui est le Désir du monde. Ces devoirs jumeaux sont inséparables. L'un sans l'autre est inacceptable. Ainsi en a décrété celui qui est la Source de l'inspiration divine." (N°13 Baha'u'llah, Kitab-i-Aqdas)

C'est le rôle que l'individu doit jouer dans l'Alliance de Dieu avec l'homme, c'est-à-dire le reconnaître comme la Source de tout bien puis de suivre ses commandements. À la lumière de cela, nous voyons que Baha'u'llah a attaché une très grande importance à l'un des principes fondamentaux de sa Foi - la recherche sans contrainte de la vérité par l'individu. Chaque personne qui devient baha'ie doit rechercher la vérité jusqu'à ce que, dans son coeur, elle soit assurée que Baha'u'llah est la Manifestation de Dieu pour cette époque. Lorsque l'individu atteint cette étape, il voudra alors suivre ses commandements. Et au fur et à mesure qu'il approfondit sa connaissance de la Foi et qu'il se tourne vers Baha'u'llah pour puiser dans son pouvoir, son coeur deviendra le récipient de la connaissance que Dieu peut donner à un croyant. C'est alors, qu'il pourra comprendre la sagesse qui se trouve derrière les lois et enseignements qui le lient. C'est alors que l'obéissance aux commandements de Baha'u'llah s'associe à une profonde compréhension de leur but, leur sagesse, leur excellence et leur besoin. C'est alors que exécuter les enseignements de Baha'u'llah devient pour l'individu une source de joie, et il trouvera que ses pensées, ses aspirations, ses paroles et ses actions sont en harmonie avec les dispositions de l'Alliance de Dieu avec l'homme. C'est pour une telle personne que Baha'u'llah a révélé dans le Kitab-i-Aqdas, ce qui suit:

Ô vous, peuples du monde ! Sachez avec certitude que mes commandements sont les lampes de mon affectueuse providence parmi mes serviteurs, les clés de ma miséricorde pour mes créatures. Voilà ce qui fut envoyé du ciel de la volonté de votre Seigneur, le Seigneur de la révélation. Si un homme goûtait à la douceur des paroles que les lèvres du Très-Miséricordieux ont voulu prononcer, il renoncerait complètement à tous les trésors de la terre, s'il les possédait, pour pouvoir défendre la vérité ne fut-ce que d'un seul de ses commandements, qui irradient du levant de sa généreuse sollicitude et de sa tendre bonté *.

*[nota: n°14 Kitab-i-Aqdas, p.22, paragraphe 3]

Mirza Abu'l-Fadl *, le grand érudit baha'i, explique que les lois de Dieu dans les Livres saints des religions du passé et celles du Kitab-i-Aqdas peuvent être divisées en trois catégories. La première catégorie sont les lois dévotionnelles et ordonnances qui concernent l'acte de dévotion à Dieu. Les ordonnances de la prière obligatoire, du jeûne et actes similaires de dévotion sont parmi ce groupe de lois.

*[nota: voir annexe 11]

La deuxième catégorie sont les lois qui profitent uniquement à l'individu, comme la propreté et autres actes dont le but est d'élever la condition personnelle et spirituelle de l'individu.

La troisième catégorie concerne les lois qui concernent la société et celles-ci constituent la majeure partie des lois du Kitab-i-Aqdas. Ces lois, ainsi que les principes ordonnés par Baha'u'llah dans ses Écrits, constituent les deux piliers qui soutiennent les institutions de son futur Ordre mondial. Shoghi Effendi parlant de ces lois et les distinguant des principes de la Foi, explique qu'elles constituent ensemble "la chaîne et la trame des institutions sur lesquelles doit finalement reposer la structure de son ordre mondial". (N°15 OMB p.193)

Compte tenu de ceci, nous pouvons apprécier le rôle prépondérant que les lois du Kitab-i-Aqdas auront dans la future civilisation mondiale dont ce Livre est la charte. Concernant ses lois et ordonnances, Baha'u'llah explique dans le Kitab-i-Aqdas:

"Ceux que Dieu a dotés de discernement reconnaîtront aisément que les préceptes qu'il a établis constituent les moyens suprêmes pour maintenir l'ordre dans le monde et assurer la sécurité des peuples. Celui qui s'en détourne est compté parmi les êtres abjects et insensés." (N°16 Kitab-i-Aqdas)

- Récompense et punition:

Dans Lawh-i-Maqsud Baha'u'llah déclare de plus:

L'édifice de la stabilité et de l'ordre mondial repose et continuera de reposer sur les piliers jumeaux que sont la récompense et la punition. (N°17 TB p.172)

L'application des lois de Baha'u'llah impliquera aussi bien la récompense que la punition. Il a aussi conféré à la Maison universelle de justice le droit de légiférer sur l'application de ses lois, ou de spécifier les punitions pour avoir brisé d'autres lois qu'il n'aurait pas lui-même formulées. La loi et l'ordre sont le fondement de la paix et de la sécurité dans toute société civilisée et la violation de ces lois doit encourir une punition. Il en est de même pour les lois du Kitab-i-Aqdas. La justice garantit l'établissement dans le futur d'une communauté mondiale dans laquelle l'unité de l'humanité - principal principe spirituel de Baha'u'llah - sera complètement réalisée. Les liens qui unissent les individus sont l'amour, la compassion et l'indulgence, mais ce qui lie les nations dans un monde spirituellement uni est la justice. Baha'u'llah a proclamé cette réalité dans nombre de ses Écrits: "À mes yeux, la chose préférée est la justice" (n°18 PC arabe n°2) est une simple expression de Baha'u'llah de cet important principe. Pour faire respecter l'étendard de la justice, il fait cette importante déclaration:

La justice a une force puissante sous son ordre. Ce n'est rien d'autre que la récompense et la punition des actes des hommes. Grâce au pouvoir de cette force, le tabernacle de l'ordre est établi à travers le monde... (N°19 Les tablettes de Baha'u'llah, op.cit., p.172-3)

Dans la société actuelle, la punition est généralement infligée aux transgresseurs de la loi, mais la tendance dans de nombreuses parties du monde est à montrer de la compassion et autant que possible de réduire les sentences. Cette tendance grandit en proportion directe avec l'humanitarisme. C'est, à tort, un point de vue devenu pratiquement courant aujourd'hui, de ne pas entièrement blâmer l'individu pour ses actions criminelles mais plutôt d'adresser la plus grande partie du blâme directement à la société. On prétend que le criminel est simplement une victime des circonstances sur lesquelles il n'avait que très peu de contrôle. Et donc la miséricorde et le pardon au lieu de la justice et de la punition sont les caractéristiques de la civilisation moderne. L'indulgence et la compassion dans les tribunaux, soutenues par des théories modernes dont le but sont le pardon et la clémence ont augmenté dans des proportions alarmantes le règne de la violence dans le monde.

Les enseignements de Baha'u'llah recommandent une attitude opposée. Comme les lois du Kitab-i-Aqdas sont les lois de Dieu pour cette époque, elles doivent être observées sans compromis. Dans ce Livre, Baha'u'llah déclare catégoriquement que ceux qui appliquent la loi ne devraient pas avoir de clémence envers un criminel, ni avoir de la compassion lorsqu'ils sont punis, car s'ils devaient en avoir, ils ébranleraient les fondations de la justice. De nos jours, beaucoup de personnes éclairées sont en désaccord avec ce que Baha'u'llah recommande. Elles recherchent des punitions légères et beaucoup de compassion et certaines recommandent même l'éducation au lieu de la punition. Ceci principalement parce que la plupart des gens sont uniquement concernés par la vie sur cette planète et pensent rarement à la vie après la mort, et il y en a aussi énormément qui ne croient même pas en celle-ci. Le but de ces gens tant qu'ils vivront est de gagner un maximum et de perdre un minimum.

Par conséquent, il y a en général peu d'intérêt pour les conséquences que les actions de l'homme auront sur le progrès de son âme dans la vie future. Tandis que c'est la pierre angulaire de la croyance baha'ie que ce monde est seulement une étape transitoire dans la vie de l'homme, le préparant pour la vie éternelle. C'est comme un monde utérin dans lequel il doit acquérir des qualités spirituelles qui sont essentielles pour son existence dans les mondes spirituels de Dieu (pour l'âme et sa progression dans le monde futur voir vol.1). Il y a donc une énorme différence entre la conception qu'un baha'i aura sur la vie et celle des humanistes. Le premier s'efforce de se servir de toutes les opportunités de cette vie pour récolter dans la vie future une riche moisson tandis que le deuxième exerce tous ses efforts pour prospérer sur cette terre. Ce sont ces points de vue contraires qui constituent la base de la différence entre l'accent que Baha'u'llah met sur la punition et le point de vue humaniste d'indulgence et de compassion.

D'après une étude soigneuse des Écrits de Baha'u'llah, on peut arriver à la conclusion surprenante qu'en général les punitions justes, et en particulier celles ordonnées par le Kitab-i-Aqdas, sont pour l'homme une grâce de Dieu et un signe de son affectueuse bonté. Dans l'une de ses épîtres, (n°20 Ma'idiy i-Asamani, vol. 7, p.119-25) Baha'u'llah révèle certains des mystères de cette vie et de la vie future, décrit comment toute chose dans ce monde mortel a une contrepartie dans les mondes spirituels, et explique que, dans cette vie, les actions de l'individu affecteront son existence dans la prochaine. Pour illustrer les bienfaits qui reviendraient à l'âme si, dans ce monde, il est puni pour ses méfaits, Baha'u'llah se sert de l'exemple d'un homme qui vole à quelqu'un au printemps la graine d'un arbre. S'il la rend à son propriétaire dans cette même saison, il s'est acquitté de sa dette et ne lui doit plus rien. Mais s'il omet de la lui rendre au printemps que lui doit-il à l'été ? Il lui doit un arbre et des fruits, car rendre la semence en été ne sert à rien. Cette analogie explique que si l'individu paye pour ses méfaits dans cette vie en recevant la punition qui est ordonnée dans les Écrits saints, son fardeau de péchés sera beaucoup plus léger dans la vie future. Sinon, qui sait le poids de ce que l'âme aura à payer si d'une manière ou d'une autre elle évite la punition en ce monde.

Dans la même épître, Baha'u'llah explique que des actions pures et saintes seront manifestées dans les mondes spirituels de Dieu et transformées en des formes si exaltées et glorieuses que s'il devait les révélées aux hommes, chaque auteur de telles actions abandonnerait son temple humain et se hâterait joyeusement vers les royaumes de l'au-delà.

Quiconque a reconnu Baha'u'llah comme étant le vice-roi de Dieu sur terre et a approfondi sa compréhension des vérités de cette Cause, reconnaîtra sans hésiter que l'observance des lois de Baha'u'llah est la cause du salut de l'âme. Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah atteste:

"Ne croyez pas que Nous vous avons révélé un simple code de lois. Nous avons plutôt décacheté, avec les doigts de la force et du pouvoir, le vin de choix. De ceci porte témoignage ce qu'a dévoilé la plume de la révélation. Méditez cela, ô hommes à la vue pénétrante." (n°21 Kitab-i-Aqdas p.23, paragraphe 5)

Et encore dans le même livre, il déclare:

"Considérez les dons de Dieu et sa miséricorde. Il vous enjoint ce qui vous sera profitable, bien que Lui-même puisse se passer de toutes les créatures. Vos mauvaises actions ne peuvent jamais Nous nuire ni vos bonnes oeuvres nous profiter. C'est uniquement pour l'amour de Dieu que Nous vous prévenons. Tout homme perspicace et compréhensif en témoignera." (n°22 Kitab-i-Aqdas p.42, paragraphe 59)

- La liberté selon Baha'u'llah :

Un autre sujet du Kitab-i-Aqdas qui pourrait être mal compris par certaines personnes est celui de la liberté. Voici les explications de Baha'u'llah dans ce Livre:

Considérez l'étroitesse d'esprit des hommes. Ils demandent ce qui leur est nuisible et rejettent ce qui leur est profitable. Ils sont vraiment de ceux qui s'égarent. Nous en trouvons quelques-uns qui désirent la liberté et s'en font gloire. De tels hommes sont plongés dans les abîmes de l'ignorance.

À la fin, la liberté doit conduire à la sédition dont personne ne peut étouffer les flammes. Ainsi vous prévient Celui qui calcule, l'Omniscient. Sachez que l'animal est l'incarnation et le symbole de la liberté. Ce qui convient à l'homme, c'est de se soumettre à ces contraintes qui le protégeront de sa propre ignorance et le garderont du mal causé par les semeurs de discorde. La liberté pousse l'homme à dépasser les limites de la bienséance et à porter atteinte à la dignité de sa condition. Elle l'abaisse au dernier degré de la dépravation et de la méchanceté.

Considérez les hommes comme un troupeau de moutons qui a besoin d'un berger pour le protéger. Voilà vraiment la vérité, l'indubitable vérité. Nous approuvons la liberté dans certaines circonstances; dans d'autres, nous refusons de l'approuver. Nous sommes, en vérité, l'Omniscient.

"Dis: Si peu que vous le sachiez, la vraie liberté pour l'homme consiste à se soumettre à mes commandements. Si les hommes observaient ce que nous leur avons envoyé du ciel de la révélation, ils atteindraient certainement à la liberté parfaite. Heureux est l'homme qui a compris le dessein de Dieu dans tout ce qu'il a révélé du ciel de sa volonté qui pénètre toutes choses créées. Dis: La liberté qui vous est profitable ne se trouve nulle part, si ce n'est dans la servitude complète envers Dieu, l'Éternelle Vérité. Quiconque a goûté à sa douceur refusera de l'échanger pour tout l'empire de la terre et du ciel." (n°23 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 122-5)

Baha'u'llah condamne l'idée de liberté absolue pour l'homme. Certes, il n'y a dans le monde aucune société ou nation progressiste dans laquelle la liberté absolue est autorisée. Il y a des règles, des lois dans chaque pays civilisé et les gens ne peuvent outrepasser les limites des lois constitutionnelles tout en exerçant leur droit à la liberté. Il y aurait l'anarchie s'ils étaient laissés libres de faire ce qu'ils veulent. Comme le dit Baha'u'llah: "mènerait à la sédition dont nul ne peut éteindre les flammes". Toutes les nations du monde éprises de liberté profitent de leur liberté dans les limites de la loi et autres conventions qui sont survenues par tradition et sont devenues un mode de vie accepté. Ce sont ces lois et traditions, y compris la religion et la culture qui donnent à chaque nation un certain caractère, et produisent une atmosphère dans laquelle les peuples vivent et exercent librement leurs droits légaux.

Baha'u'llah recommande la même chose, sauf que l'homme doit adopter les enseignements de la Manifestation de Dieu pour cet âge pour le guider et le diriger dans sa vie. Il trouvera alors plein de possibilités pour vivre en liberté à l'intérieur du cadre de ses lois et enseignements. Il est possible que quelques personnes n'ayant pas accepté le message de Baha'u'llah soutiennent que bien que l'humanité ait besoin d'être guidée par certains principes et lois, néanmoins, le simple fait d'adopter les enseignements de Baha'u'llah comme base de directives pour la société serait une violation de cette liberté. Cette opinion serait correcte si Baha'u'llah n'était pas la Manifestation de Dieu pour cet âge. Mais s'il l'est, alors ses lois et ses enseignements doivent, et ils le seront finalement, être appliqués par l'humanité, et ils guideront les peuples du monde à exercer leur liberté à l'intérieur de la structure de l'Ordre mondial qu'il est venu établir. Le point essentiel est donc de rechercher la vérité de la revendication de Baha'u'llah. Une fois que l'individu est assuré de l'authenticité de son message, il pourra joyeusement permettre aux enseignements et aux commandements de Baha'u'llah de gouverner sa vie. C'est alors, que guider par les principes de la Foi il pourra développer avec une liberté absolue tout ce qui est potentiel en lui et atteindre la véritable liberté.

- L'infaillibilité de la Manifestation:

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah proclame la plus grande infaillibilité de la Manifestation de Dieu et explique que nul autre ne pourra jamais la détenir. Nous avons traité ce sujet dans le volume précédent (voir vol.2). Cette infaillibilité est une caractéristique inhérente aux Manifestations de Dieu, de même que la lumière et la chaleur sont inhérentes au soleil. Il tient ses pouvoirs de Dieu et il connaît toutes choses. Sa connaissance s'étend sur le passé, le présent et le futur. Comme nous l'avons expliqué auparavant, la raison pour laquelle son pouvoir englobant toute chose est caché derrière le voile de son temple humain, est que, si sa gloire devait être ouvertement révélée aux yeux des hommes en général, tous les êtres humains le reconnaîtraient instantanément. Et se faisant ils perdraient leur libre arbitre et deviendraient les marionnettes de Dieu.

Cependant, Baha'u'llah révèle toujours une mesure de sa gloire cachée et de son omnipotence à ceux de ses bien-aimés qui ont reconnu son rang exalté et qui ont besoin de plus de confirmation dans leur foi. Il y a de nombreuses histoires, laissées à la postérité par les premiers croyants qui eurent le privilège d'aller en présence de Baha'u'llah, relatant comment ils ont témoigné des signes de sa connaissance qui englobe toute chose et qui fut révélée à leurs yeux selon leur capacité. À chaque fois, les incidents qui eurent lieu leur sont advenus comme des coups de tonnerre et les ont éblouis par les évidences de sa gloire. Chaque fois qu'il révéla une mesure de son divin pouvoir, le croyant concerné accéda aux plus hauts sommets de conviction et acquit la certitude absolue en sa foi. Ce stade atteint, l'individu n'était plus un être humain ordinaire. Il avait été transformé en un géant spirituel, une montagne de fermeté, une nouvelle création possédant tous les pouvoirs de cet univers, une âme héroïque qui en dépit des attaques virulentes des ennemis se jetait dans l'arène du service à la Cause de Baha'u'llah, impatient de donner sa vie dans le chemin de son Bien-Aimé car, il considérait sa première façon de vivre comme ayant été une existence sans valeur,.

De nombreux croyants, qui étaient allés en présence de Baha'u'llah, ont été les témoins de sa connaissance illimitée et laissèrent certaines de leurs expériences à la postérité. Pour citer quelques exemples nous rapportons ce qui suit:

Haji Muhammad-Tahir-i-Malmiri qui alla en présence de Baha'u'llah à Acre écrit dans ses mémoires:

Chaque fois que j'allais en présence de la Beauté bénie, si je voulais lui poser une question, quelle qu'elle soit, je la formulais dans mon coeur et invariablement il me répondait. C'était ainsi car en sa présence, la langue était impuissante à prononcer le moindre mot. En sa présence, j'étais toujours assis, sous le charme, oublieux de moi-même. Une des questions que je voulais poser concernait le rang des saints Imams *. Je voulais savoir s'ils étaient tous égaux ou, comme je le croyais, certains d'entre eux étaient exaltés au-dessus des autres. Pendant près de six mois, je voulus poser cette question, mais à chaque fois que je me trouvais en sa présence, j'oubliais d'y penser dans mon coeur. Un jour, comme j'allais à la Demeure pour être en sa présence, je n'arrêtais pas de penser à de cette question pour pouvoir la communiquer par le coeur à Baha'u'llah. J'y pensais même en montant les marches de la Demeure. Soudain j'entendis la voix de Baha'u'llah me saluant en disant "Marhaba" (Bienvenu). Je levai la tête et le vis en haut des marches. J'oubliai tout ! Il alla dans sa chambre m'invita à entrer et me dit de m'asseoir. Je m'asseyais près de la porte. Il marcha alors de long en large et révéla une tablette ** en mon nom. La tablette était en persan et à peu près au milieu il dit: "Tous les Imams sont venus de Dieu, ont parlé à Dieu et sont tous retournés vers lui." *** Cela répondit à ma question et je réalisai que leurs rangs étaient égaux. (n°24 Mémoires non publiées)

*[nota: 'Ali, le beau-fils de Muhammad, était selon la croyance baha'ie, le successeur légitime de Muhammad et le premier Imam. Dix de ses descendants lui succédèrent et sont appelés les saints Imams. L'islam chiite pense que le Qa'im est le retour du douzième Imam]
**[nota: cette tablette n'a pas été enregistrée et il n'en existe donc aucune copie]
***[nota: ce ne sont pas les paroles exactes de Baha'u'llah]

Une autre fois, Haji Muhammad-Tahir a écrit:

Dans mon coeur, je suppliais souvent la Beauté bénie de me permettre de donner ma vie comme martyr dans son sentier. Chaque fois que je me tournais vers lui avec dans le coeur cette prière, il me souriait et me révélait les signes de son plaisir et de sa générosité... jusqu'à ce qu'un jour ces pensées me pénétrèrent l'esprit, il se tourna vers moi et dit: "Tu dois vivre pour servir la cause..." n°25 Idem)

Aqa Riday-i-Sa'adati, natif de Yazd, était un autre croyant qui alla en présence de Baha'u'llah à Acre. Dans sa jeunesse Aqa Rida était un musulman dévoué. Il avait un amour passionné pour Dieu et son prophète Muhammad. Mais il n'était pas satisfait par la forme de la religion. Sa plus grande ambition était de rencontrer face à face l'Imam Husayn, l'un des illustres successeurs du Prophète. Poussé par une force mystérieuse Aqa Rida pendant quelque temps faillit perdre la raison et ses parents n'arrivaient pas à en découvrir la cause. Jusqu'à ce qu'un jour, il rencontrât un disciple de Baha'u'llah qui lui dit que Dieu s'était manifesté, que Baha'u'llah était le retour de l'Imam Husayn *. Avec l'aide de certains des croyants et à la lecture du Kitab-i-Iqan, Aqa Rida reconnut la vérité de la Cause, mais ne put révéler sa foi à ses parents. Dans ses mémoires, il écrit:

*[nota: l'islam chiite attend l'apparition du Qa'im suivie par le retour de l'Imam Husayn - le nom de Baha'u'llah est Husayn-'Ali]

Ils (les baha'is) me présentèrent à un baha'i très connu, Ustad Kazim, un entrepreneur de grande réputation. Il avait l'habitude de me lire le Kitab-i-Iqan... Par l'étude de ce livre, j'acquis la certitude et l'assurance et fus rempli de joie et d'excitation. Parfois, je quittais la maison avec l'excuse d'aller chercher de l'eau *... Je portais la cruche avec moi, mais au lieu d'aller directement à la citerne publique qui était éloignée d'à peu près 4 kms, j'avais l'habitude de courir tout le chemin jusqu'à la maison de Ustad Kazim, lire quelques passages du Kitab-i-Iqan et puis d'aller chercher de l'eau pour la maison. (N°26 Mémoires non publiées)

*[nota: à Yazd, les gens avaient l'habitude de chercher l'eau potable à une citerne publique et de l'emporter chez eux. Chaque district dans la ville avait une citerne publique]

Aqa Rida quitta finalement Yazd pour 'Ishqabad et de là, reçut la permission d'aller en pèlerinage à Acre où il alla en présence de Baha'u'llah. Il écrit dans ses mémoires:

Chaque fois que je me trouvais en présence de Baha'u'llah, je trouvais le portail de sa grâce et de sa révélation ouvert devant mes yeux. Chacune d'elle était une puissante preuve et un don précieux. Tous ces actes surnaturels dont j'étais témoin en sa présence bénie et la joie immense qui inondait mon âme lorsque je m'asseyais devant lui sont indescriptibles et ne peuvent pas être transcrits ici...Lors des réunions des amis, si la Beauté bénie tournait son regard vers quelqu'un, cette personne était incapable de le regarder et de voir l'effulgence des rayons du Soleil de vérité. C'était donc l'habitude de Baha'u'llah lorsqu'il parlait, de regarder du côté droit de sorte qu'il était plus facile pour les amis de regarder son visage. Et si parfois, il tournait son visage vers les amis, alors il fermait les yeux et parlait...

Une fois, je pénétrai en sa présence à un moment où Baha'u'llah récitait les versets de la tablette de souvenance pour Imam Husayn *. De temps en temps, il s'interrompait et prononçait quelques paroles, ou recevait les amis au fur et à mesure de leur arrivée. Finalement, il y en eut près de quarante-cinq. À cet instant, je décidai de penser aux amis de 'Ishqabad... Je décidai de me souvenir d'eux en sa présence et de leur dédier mon pèlerinage. Je pensais à Mirza Abu'l-Fadl et à cinq autres personnes ... Dès que je me fus souvenu d'eux, il tourna immédiatement son visage vers moi et me sourit. Il mentionna alors les noms de Mirza Abu'l-Fadl et des cinq autres et me dit: "Votre souvenance de ces personnes et le fait que vous leur dédiez votre pèlerinage est accepté par nous, accepté par nous". Il le répéta deux fois. Et ainsi révéla tout ce qui était dans mon coeur.

*[nota: Baha'u'llah révéla une très émouvante tablette de souvenance pour l'Imam Husayn]

Je fus bouleversé par cette révélation. Ma vue se brouilla et j'étais près à m'évanouir. Dès qu'il vit l'état dans lequel je me trouvai, il ordonna à son serviteur *. Baha'u'llah l'appelait habituellement 'Abd-i-Hadir (serviteur attaché) d'apporter des sucreries. Celui-ci en apporta une assiette pleine et la déposa devant Baha'u'llah qui donna un bonbon à chaque personne. Mais à moi il en donna deux. Après quoi nous fûmes tous congédiés. Mais j'étais tellement bouleversé par cette expérience qu'en partant je n'avais plus le contrôle de mes facultés et à mi-chemin des escaliers je m'écroulai... (n°27 idem, Mémoires non publiées)

*[nota: Mirza Aqa Jan, le secrétaire de Baha'u'llah]

Une autre histoire racontée par Siyyid Mihdy-i-Gulpaygani, un croyant extraordinaire et neveu de Mirza Abu'l-Fadl, révèle la même vérité, Baha'u'llah, la Manifestation suprême de Dieu, connaissait toutes choses visible et invisible. Il avait l'habitude de raconter cette histoire aux croyants de 'Ishqabad:

À Isfahan un personnage haut placé devint baha'i mais il ne menait pas une vie correcte. Il alla à Acre et arriva en présence de Baha'u'llah et voici l'histoire: "Le premier jour où je fus en présence de la Beauté bénie, je me trouvai parmi un nombre de pèlerins qui étaient debout en sa présence. Il marchait de long en large prononçant des paroles d'exhortation et d'encouragement. J'étais dans un état de ravissement en voyant la majesté de son allure. Je me dis en moi-même: je sais que la Perfection bénie est la Manifestation suprême de Dieu et le Promis de tous les âges. Mais dans certains de ses Écrits, il se décrit lui-même comme étant celui qui a envoyé tous les messagers de Dieu et le révélateur de tous les livres divins. Je ne comprenais pas cela. Dès que cette pensée traversa mon esprit, la Perfection bénie vint vers moi, plaça sa main sur mon épaule et d'un ton majestueux dit: "Oui, nous sommes celui qui a envoyé les messagers et révélé tous les livres divins" *. Je fus bouleversé'. (N°28 Mr 'Ali-Akbar Furutan, Main de la Cause de Dieu, entendit cette histoire de nombreuses fois par Siyyid Mihdi et la cita dans l'une de ses mémoires)

*[nota: ceci ne doit pas être pris comme paroles exactes de Baha'u'llah]

Dans des volumes précédents, beaucoup a été dit concernant le rang exalté de Baha'u'llah (voir vol.1 et vol.2). Il y a de nombreux passages sur ce thème dans le Kitab-i-Aqdas. Il explique que le terme prophète * ou messager ne devrait pas servir à décrire son rang.

*[nota: dans le passé une mission importante des Manifestations de Dieu était de faire des prophéties concernant la venue du Jour de Dieu. Le dernier à le faire a été le prophète Muhammad, appelé le "sceau des Prophètes" - voir vol.1]

Il est la Manifestation suprême de Dieu qui a accompli les prophéties du passé et a ouvert la voie au Jour de Dieu. Voici les paroles de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas:

Voici le jour où Celui qui conversait avec Dieu est parvenu à la lumière de l'Ancien des jours, et a bu à longs traits les eaux pures de la réunion dans cette Coupe qui fit se gonfler les mers. Dis: Par le seul vrai Dieu ! Le Sinaï gravite autour de l'Aurore de la révélation, cependant que des hauteurs du royaume se fait entendre la voix de l'Esprit de Dieu qui proclame: "Empressez-vous, ô superbes de la terre, et hâtez-vous vers lui !" En ce jour, le Carmel dans son adoration languissante se hâte de rejoindre sa cour, tandis que du coeur de Sion retentit ce cri: "La promesse est accomplie ! Ce qui avait été annoncé dans les saintes Écritures de Dieu, le Suprême, le Tout-Puissant, le Bien-Aimé, est rendu manifeste." (n°28 Kitab-i-Aqdas paragraphe 80)

"Celui qui parlait avec Dieu" et l' "Esprit de Dieu" dans le passage ci-dessus signifie respectivement Moïse et le Christ.

Il y a de nombreux passages des Écrits du Bab qui sont cités par Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas comme témoignage de la nature exaltée de sa propre Révélation. Il fait remarquer certains des passages qui démontrent clairement que la Cause de Celui-que-Dieu-rendra-manifeste (Baha'u'llah - voir vol.1 ch. 18) sera établie dans le monde avant même celle du Bab. Baha'u'llah, dans son livre, clarifie une des paroles du Bab qui a causé des malentendus parmi le peuple du Bayan, ces disciples du Bab qui avaient rejeté Baha'u'llah.

Dans une tablette (n°30 Sélections E. du Bab p.6-7) adressée à Celui-que-Dieu-rendra-manifeste, le Bab dit: "Puissent les regards de Celui-que-Dieu-rendra-manifeste illuminer cette lettre à l'école primaire".

Certains des babis arguèrent qu'étant donné que cette tablette devrait être donné à Celui-que-Dieu-rendra-manifeste à l'école primaire, il s'ensuit qu'il serait un enfant lorsqu'il la recevrait. Donc, ils soutenaient que, comme Baha'u'llah était même encore plus âgé que le Bab, il ne pouvait en aucune façon accomplir les promesses du Bab. 'Abdu'l-Baha dans l'une de ses épîtres (n°31 Ma'idiy-i-Asamani, vol.2 p.79) déclare que l'école à laquelle on fait allusion n'est pas une école matérielle. L'école de Celui-que-Dieu-rendra-manifeste n'est pas l'école d'enfants illettrés. C'est une école spirituelle qui est bien au-delà de la portée des hommes et qui est sanctifiée des limitations de ce monde contingent. Baha'u'llah déclare qu'il avait vu cette épître, ce cadeau du Bab, dans l'École de Dieu qui est exaltée au-dessus de la compréhension des hommes.

Concernant l'épître du Bab et de l'école, Baha'u'llah révèle ce qui suit dans le Kitab-i-Aqdas:

Ô plume du Très-Haut ! Sur l'ordre de ton Seigneur, le Créateur des cieux, déplace-toi sur la tablette et parle du temps où celui qui est l'Aurore de l'unité divine décida de diriger ses pas vers l'école de la transcendante unicité. Peut-être qu'ainsi les coeurs purs pourront obtenir un aperçu, ne serait-ce que de la taille du chas d'une aiguille, des mystères de ton Seigneur, le Tout-Puissant, l'Omniscient, mystères qui se tiennent cachés derrière les voiles. Dis: En effet, nous entrâmes dans l'école de l'explication et du sens profond, alors que toutes les choses créées étaient inconscientes. Nous vîmes les paroles descendues de celui qui est le Très-Miséricordieux, et nous acceptâmes les versets de Dieu, le Secours dans le péril, Celui qui subsiste par Lui-même, qu'il (Le Bab) nous présenta, et nous prêtâmes l'oreille à ce qu'il avait solennellement affirmé dans la Tablette. Nous vîmes assurément cela. Et, par notre ordre, nous acquiesçâmes à son voeu, car, en vérité, nous avons pouvoir de commander.

Ô peuple du Bayan ! En vérité, nous entrions dans l'école de Dieu alors que vous étiez plongés dans le sommeil. Nous étudiions la Tablette alors que vous dormiez profondément. Par le seul vrai Dieu ! Nous lûmes la Tablette avant qu'elle soit révélée alors que vous étiez inconscients, et nous avions déjà une parfaite connaissance du Livre alors que vous n'étiez pas encore nés. Ces paroles sont à votre mesure et non à celle de Dieu. De ceci témoigne ce qui est enchâssé dans sa connaissance, si vous êtes de ceux qui entendent; et de ceci porte aussi témoignage la langue du Tout-Puissant, si vous êtes de ceux qui comprennent. Je jure par Dieu que si nous levions le voile, vous seriez confondus.

Gardez-vous de discuter futilement au sujet du Tout-Puissant et de sa cause car voyez ! Il est apparu parmi vous investi d'une révélation si grande qu'elle embrasse toutes choses, du passé comme du futur. Si nous parlions de ce sujet dans le langage des habitants du royaume, nous dirions: "Vraiment, Dieu créa cette école avant de créer le ciel et la terre, et nous y pénétrâmes avant que soient jointes et liées les lettres du mot "sois" * (n°32 Kitab-i-Aqdas paragraphe 175-177)

*[nota: pour l'explication des lettres 'B'et 'E' (SOIS) voir vol.1]

Il est cependant, intéressant de noter que lorsque Baha'u'llah résidait en Irak, il rendit visite à une école et au même moment, 'Abdu'l-Baha entra et lui tendit cette épître du Bab. 'Abdu'l-Baha explique que ceci n'avait pas été fait intentionnellement mais était purement accidentel.



CHAPITRE 14: Le Kitab-i-Aqdas. - Un nouvel Ordre mondial

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah se réfère à un nouvel Ordre mondial qui peut être considéré comme l'un des fruits de sa révélation. Le Bab dans le Bayan persan a révélé ce qui suit: "Heureux celui qui a fixé son regard sur l'ordre de Baha'u'llah et a rendu grâce à son Seigneur ! Car assurément il sera rendu manifeste." Et dans le Kitab-i-Aqdas Baha'u'llah dit:

"L'équilibre du monde a été bouleversé par la vibrante influence de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. La vie ordonnée de l'humanité a été révolutionnée par l'action de cet unique et merveilleux système, dont les yeux des mortels n'ont jamais vu l'équivalent." (n°1 AD paragraphe 181)

Il était difficile de discerner les bouleversements dans la vie d'un homme en 1873 lorsque Baha'u'llah révéla ces paroles. Mais aujourd'hui, à peine plus de cent ans après, il est évident que "l'ordre établi dans la vie humaine a été bouleversé". Décrivant le déclin du destin de l'humanité, Shoghi Effendi écrit:

Assaillis de tous côtés par l'accumulation des signes de désintégration, de troubles et de faillites, des hommes et des femmes d'esprit réfléchi, issus d'à peu près toutes les conditions sociales, commencent à douter que la société telle qu'elle est actuellement organisée puisse, livrée à ses seuls efforts, se dégager de la fondrière où elle s'enfonce toujours plus. Tous les systèmes, hormis l'unification de la race humaine, ont été essayés, essayés à de nombreuses reprises, et tous se sont trouvés en défaut. Les guerres se sont succédées, et des conférences sans nombre ont été tenues et ont délibéré. Des traités, des conventions et des pactes ont été péniblement négociés, conclus et révisés. Des systèmes de gouvernement ont été patiemment testés, et continuellement remaniés et remplacés. Des plans économiques de reconstruction ont été soigneusement conçus et méticuleusement exécutés. Et pourtant, les crises ont succédé aux crises, et la rapidité du déclin du monde dangereusement instable s'est également accélérée. Un gouffre béant menace d'engloutir, dans une même catastrophe, à la fois les nations satisfaites et les nations insatisfaites, les démocraties et les dictatures, les capitalistes et les salariés, les Européens et les Asiatiques, les juifs et les gentils, les hommes blancs et ceux de couleur. Une providence en colère, pourrait observer un cynique, a abandonné à son sort une planète infortunée et a irrévocablement décidé sa ruine. Cruellement éprouvée et désillusionnée, l'humanité a sans aucun doute perdu son orientation, et elle semble avoir perdu aussi son espoir et sa foi. Elle erre, aveugle et sans guide, au bord du désastre. Un sentiment de fatalité semble l'envahir. L'obscurité qui recouvre sa destinée va s'épaississant à mesure qu'elle s'éloigne de plus en plus de la périphérie de la zone la plus sombre de sa vie agitée pour pénétrer en son coeur même. (N°2 OMB p.182-3)

Le désespoir décrit par Shoghi Effendi il y a près de cinquante ans a encore plus augmenté, et aujourd'hui le monde bouge dangereusement et à une vitesse alarmante à deux doigts de la catastrophe. Mais, hélas, la plupart de l'humanité, ses chefs, ses intellectuels, ses voyants et philosophes, n'ont pas encore découvert la véritable cause d'une telle révolution dans la vie de l'homme sur cette planète. Baha'u'llah en décrit la raison en ces paroles:

Une vie nouvelle s'éveille en cet âge chez tous les peuples de la terre ; et pourtant personne n'en a découvert la cause ou perçu le dessein. (N°3 OMB p.196)

Pour apprécier la raison du désarroi de cet âge, la fracture du vieil ordre et le déséquilibre de l'équilibre mondial, nous ne pouvons faire mieux que de nous tourner vers la nature et apprendre de ses lois. Car les lois de la nature et celles de la religion, comme nous l'avons déjà expliqué, sont étroitement liées. Tout ce qui arrive dans la nature est un reflet de quelque chose de spirituel.

Examinons par exemple, le principe de conception d'une nouvelle vie et la croissance de l'embryon. Nous pouvons étudier la condition d'un oeuf avant et après qu'il soit fertilisé. Avant la conception d'une nouvelle vie, l'oeuf est dans son état normal et contient de la bonne nourriture. Mais lorsque la nouvelle vie commence à croître en lui, la condition à l'intérieur change radicalement. La nourriture devient mauvaise et pourrie. Pourtant une vie nouvelle vit à l'intérieur de cette matière pourrie et s'en nourrit. Tout au début, on ne remarque pas le changement. Mais au fur et à mesure que la vie grandit, la condition à l'intérieur devient plus instable. Puis vient le temps où l'oeuf ne peut plus rester entier. Finalement il se brise ; la jeune créature est née et l'oeuf est réduit à une coquille brisée.

Aujourd'hui, il se passe exactement la même chose dans le monde de l'humanité. Pendant des milliers d'années, les progrès du genre humain ont été très lents et limités et peu de changements eurent lieu dans la vie des nations. L'on pourrait dire qu'avant la venue de Baha'u'llah, les peuples du monde ont vécu leur vie en paix et en tranquillité, comparé à ce qui survint par la suite. Mais il y a plus de cent ans, lorsque Baha'u'llah déclara sa mission, il sema dans la société humaine la graine d'une nouvelle communauté. À ce moment-là, une nouvelle vie fut conçue et depuis le monde n'a jamais plus été le même - il a été révolutionné. Avec la venue de Baha'u'llah, comme le processus de croissance et de développement des institutions embryonnaires de sa Foi ont été mis en marche, il en a été de même pour le processus d'extinction du vieil ordre. La communauté du nouvel ordre grandit maintenant dans le sein du vieil ordre. Le plus il grandit et s'anime, le plus la société humaine sera plongée dans les abîmes de l'obscurité et de la corruption. Sa condition va continuer à se dégrader jusqu'à ce que, comme l'a prophétisé Baha'u'llah, il y a plus de cent ans, il se désintègrera comme l'oeuf dans l'exemple ci-dessus. Voici les paroles de Baha'u'llah écrites il y a longtemps ; décrivant en termes clairs les épreuves douloureuses que l'humanité doit expérimenter au moment où se fracture l'ordre ancien:

Le monde est en travail, et son agitation croît de jour en jour. Sa face est tournée vers l'incroyance et l'obstination. Sa condition sera telle qu'il ne serait ni convenable ni décent de la dévoiler à présent. Il s'obstinera longtemps encore dans sa perversité. Et, quand l'heure fixée sera venue, apparaîtra soudain ce qui fera trembler l'humanité de tous ses membres. Alors, et alors seulement, l'étendard divin sera déployé, et le Rossignol du paradis chantera sa mélodie. N°4 OMB p 28)

À une autre occasion Baha'u'llah écrit:

Après un temps, tous les gouvernements de la terre changeront. L'oppression enveloppera le monde. Et après une universelle convulsion, le soleil de justice se lèvera de l'horizon du royaume invisible. (n°5 VJP, p.108-9)

Shoghi Effendi décrit la conception des institutions de la Foi dans le sein de la société humaine en ces termes:

Si resplendissant qu'ait été l'âge qui a témoigné du commencement de la mission confiée à Baha'u'llah, l'intervalle de temps qui doit s'écouler avant que cet âge porte son fruit le plus précieux doit être obscurci - et la chose apparaît avec une évidence toujours croissante - par les ténèbres morales et sociales qui, seules, peuvent préparer une humanité impénitente à recueillir la récompense dont son destin est d'hériter.

Nous entrons à présent dans une telle période d'un pas ferme et irrésistible. Parmi les ombres qui, chaque jour davantage, s'épaississent autour de nous, nous pouvons à peine discerner les faibles lueurs de la sublime souveraineté de Baha'u'llah qui, par instants, apparaissent à l'horizon de l'histoire...

Si profonde que soit l'obscurité qui encercle déjà le monde, les épreuves pénibles dont la terre doit être affligée ne sont encore qu'en préparation, et leur noirceur ne peut encore être imaginée. Nous nous trouvons au seuil d'un âge dont les convulsions proclament à la fois les affres de l'agonie de l'ordre ancien et les douleurs de l'enfantement du nouveau. Nous pouvons dire que ce nouvel ordre mondial a été conçu sous l'influence créatrice de la foi annoncée par Baha'u'llah. Nous pouvons, en ce moment, éprouver ses mouvements dans le sein d'un âge en travail, un âge qui attend l'heure fixée à laquelle il pourra déposer son fardeau et produire son plus beau fruit.

"La terre entière", écrit Baha'u'llah, "est à présent au stade de la gestation. Le jour approche où elle aura produit ses fruits les plus nobles, où auront jailli d'elle les arbres aux plus hautes cimes, les fleurs les plus enchanteresses, les plus célestes bénédictions. Immensément exaltée est la brise qui émane de la robe de ton Seigneur le Glorifié ! Car voici qu'elle a exhalé son parfum et renouvelé toutes choses ! Heureux celui qui le comprend..."

"L'appel de Dieu, en s'élevant", écrivit 'Abdu'l-Baha, "a insufflé une vie nouvelle dans le corps de l'humanité et infusé un nouvel esprit dans la création. C'est pour cette raison que le monde a été remué en profondeur et que les coeurs et les consciences des hommes ont été vivifiés. Avant longtemps, les preuves de cette régénération seront révélées, et ceux qui dorment profondément seront éveillés". (N°6 OMB p.157-9)

Quoique le futur immédiat soit très sombre et périlleux, le résultat - l'émergence de la Communauté du Plus-Grand-Nom - est, en vérité, glorieux. Aujourd'hui, la majorité des peuples du monde ne sont soit pas au courant de l'existence des institutions embryonnaires de la Foi, ou ne peuvent entièrement apprécier les énormes potentialités qui sont latentes dans ces institutions. Ils ne peuvent totalement comprendre leur but et le rôle qu'elles sont destinées à jouer, en temps et lieu, en assumant leur part entière dans l'acte de gouverner le genre humain.

Bien que la Foi de Baha'u'llah soit de plus en plus proclamée à l'humanité, les institutions de la Foi n'ont pas encore complètement évolué au point d'être remarquée par les peuples. Telle est la raison de cette ignorance. Dans le passage cité plus haut, Baha'u'llah prophétise que l'exaltation de sa cause aura lieu seulement après que de terribles tribulations et calamités aient affecté l'humanité. Il déclare:

Et, quand l'heure fixée sera venue, apparaîtra soudain ce qui fera trembler l'humanité de tous ses membres. Alors, et alors seulement, l'étendard divin sera déployé, et le Rossignol du paradis chantera sa mélodie.

Cette prophétie n'a pas encore été accomplie. D'après les termes de l'analogie ci-dessus, l'oeuf n'est pas encore cassé pour pouvoir jeter son fardeau. L'ordre ancien subsiste toujours sur son lit de mort et l'heure de la naissance du nouvel ordre n'a pas encore sonné.

La position de la communauté baha'ie est semblable aujourd'hui à la position du jardinier qui prétend avoir un très beau jardin plein de fleurs et d'arbres. Mais lorsque le chercheur visite le jardin, il ne voit absolument aucun signe de végétation. Tout ce que le jardinier peut faire est de montrer du doigt les semences qu'il a plantées et d'expliquer que les plantes émergeront en temps voulu.

C'est seulement lorsque les douleurs de l'enfantement du nouvel ordre de Baha'u'llah auront été ressenties et que les institutions embryonnaires de sa Foi auront émergé, que les peuples du monde les remarqueront et deviendront conscients de leurs potentialités. Cette émergence étroitement liée avec le recul de l'ordre ancien, est seulement le commencement et ne doit pas être confondue avec ce jour des jours dans le futur lointain lorsque l'Ordre mondial de Baha'u'llah sera établi sur toute la planète. L'émergence des institutions embryonnaires de la Foi est semblable à la naissance d'un enfant. Un enfant nouveau-né ne peut pas efficacement se servir de ses membres et de ses organes. Beaucoup de temps doit passer avant qu'il puisse atteindre le stade de maturité et l'âge d'homme. L'émergence de la communauté baha'ie de l'obscurité et de l'évolution des institutions est par conséquent différente de l'émergence, dans un lointain futur, de l'Ordre mondial de Baha'u'llah.

En vérité la régression de l'actuel ordre et le tremblement qui d'après les paroles de Baha'u'llah, doit saisir les membres de l'humanité d'un côté, doit ouvrir la voie à l'établissement de la paix mineure et de l'autre, témoigner de l'évolution des institutions nationales et locales de la Foi.

Les bénédictions que la paix mineure conférera à l'humanité lui permettront de produire une nouvelle structure politique libérant l'humanité de la malédiction de la guerre. Les enseignements et principes sociaux et humanitaires de Baha'u'llah qui sont déjà devenus l'esprit de l'âge et qui sont poursuivis par les peuples éclairés du monde seront incorporés dans la structure politique. Sans être consciente de son origine, l'humanité adoptera de plus en plus ces enseignements sociaux dans chaque aspect de sa vie. Ces principes comprennent l'établissement d'un système mondial fédéré, d'une communauté mondiale, d'une législature mondiale, d'un gouvernement mondial soutenu par une force internationale, un langage mondial et d'autres institutions comme Baha'u'llah l'a exposé dans ses enseignements. Les énergies libérées par la révélation de Baha'u'llah, il y a plus de 100 ans, pénètreront de plus en plus la société humaine jusqu'à ne plus laisser d'option à l'humanité si ce n'est celle d'incorporer dans toutes ces institutions, des enseignements tels que l'égalité des sexes, l'éducation obligatoire, l'abolition des extrêmes de pauvreté et de richesses et d'autres similaires. Ceci est déjà attesté par l'application de ces principes baha'is dans beaucoup de mouvements progressistes du monde.

Cette nouvelle forme de gouvernement doit émerger d'entre les ruines d'un ordre actuel condamné et délabré, et gouverner l'humanité jusqu'au moment où les institutions naissantes de la foi de Baha'u'llah auront atteint leur stade de maturité. C'est alors que l'Ordre mondial baha'i sera établi dans sa grande gloire et que sera réalisée cette vision de Shoghi Effendi s'étendant loin dans le futur.

J'ai déjà parlé dans mes précédentes communications du caractère général, des grands traits et de la portée de cette communauté mondiale destinée à sortir, tôt ou tard, du carnage, de l'agonie et des ravages de cette grande convulsion du monde. Il suffira de dire que cette réalisation, par sa nature même, se produira graduellement et devra ainsi que Baha'u'llah lui-même l'a prédit, conduire à l'établissement de la paix mineure. Les nations de la terre, inconscientes, jusqu'à ce jour, de sa Révélation, et cependant exécutant sans s'en rendre compte les principes généraux qu'il avait énoncés établiront d'elles-mêmes cette paix. Cette démarche d'une importance historique, impliquant la reconstruction de l'Humanité due à la reconnaissance universelle de son unité et de son intégralité, entraînera dans son sillage la spiritualisation des masses, par suite de l'acceptation du caractère et des droits de la foi de Baha'u'llah - condition essentielle de cette ultime fusion des races, croyances, des classes et des nations, qui doit annoncer la venue de son nouvel Ordre mondial.

Alors l'âge de la majorité de la race humaine sera proclamé et célébré par tous les peuples et les nations de la terre ; la bannière de la très grande paix sera déployée. L'universelle souveraineté de Baha'u'llah - le fondateur du Royaume du Père, prédit par le Fils et annoncé par les prophètes de Dieu venus avant lui et après lui - sera reconnue, acclamée et solidement établie. Une civilisation mondiale naîtra, s'épanouira et se perpétuera, une civilisation pleine de sève, comme le monde n'en aura jamais vu et ne peut encore la concevoir. L'éternelle Alliance de Dieu sera accomplie dans sa perfection ; les promesses contenues dans tous les Livres de Dieu seront accomplies et toutes les prophéties annoncées par les Prophètes du passé se réaliseront, ainsi que les visions des voyants et des poètes. La planète galvanisée par la croyance générale de ses habitants en un seul Dieu, et par leur allégeance à une commune Révélation, reflètera, dans les limites qui lui sont imposées, les gloires resplendissantes de la souveraineté de Baha'u'llah, brillant dans la plénitude de sa splendeur au Paradis d'Abha, et elle deviendra le marchepied de son Trône céleste, et sera proclamée un paradis terrestre capable de remplir l'ineffable destinée qui de temps immémorial a été fixée pour lui par l'amour et la sagesse de Dieu. N°7 VJP pp115-6)

- L'ordre administratif baha'i:

Les Maisons de justice universelle et locales, institutions essentielles de la Foi, furent ordonnées par Baha'u'llah. Voici ce qu'il dit dans le Kitab-i-Aqdas concernant l'institution de la maison de justice locale:

"Le Seigneur a ordonné qu'en chaque ville soit établie une maison de justice où se réuniront des conseillers au nombre de Baha *, et peu importe que ce nombre soit dépassé. Ceux-ci devraient considérer qu'ils entrent dans la cour de la présence de Dieu, le Suprême, le Très-Haut, et qu'ils contemplent celui qui est l'Invisible. Il leur incombe d'être les personnes de confiance du Miséricordieux parmi les hommes et de se considérer comme les gardiens désignés par Dieu de tous ceux qui demeurent sur la terre. Ils sont tenus de se consulter et de se préoccuper, par amour pour Lui, des intérêts des serviteurs de Dieu, comme ils le font pour leurs propres intérêts, et de choisir ce qui est convenable et bienséant. C'est ainsi que vous l'a commandé le Seigneur, votre Dieu. Prenez garde de vous écarter de ce qui est clairement révélé dans sa Tablette. Craignez Dieu, ô vous qui comprenez." (n°8 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 30)

*[nota: en arabe, la valeur numérique du mot 'Baha' est neuf]

Partout dans le monde, dans de nombreux villages et villes, des maisons locales de justice sont déjà établies dans leur forme embryonnaire appelées assemblées spirituelles locales. La croissance et le développement de la Foi et de ses institutions suivent le même schéma que toute chose créée ayant une croissance organique. Par conséquent, dans le futur, ces corps seront transformés en maisons de justice comme un enfant se transformant en adulte et le passage du temps sera nécessaire pour que ceci soit provoqué.

Les assemblées spirituelles locales d'aujourd'hui, sont instituées dans des localités où résident neuf ou plus de croyants adultes. Ces corps sont élus annuellement par tous les membres adultes de la communauté baha'ie, et ont la responsabilité de diriger les affaires de la communauté en accord avec certains principes énoncés dans les Écrits de la Foi. Les élections baha'ies sont menées dans une attitude de prières, elles sont de nature spirituelle, et sont très différentes de tous systèmes existant aujourd'hui *. Il en est de même pour la consultation baha'ie décrite, dans un chapitre précédent, qui doit avoir lieu dans une atmosphère d'amour et d'unité.

*[nota: pour plus ample explication, voir Principes de l'Administration baha'ie]

Un des traits uniques dans la "dispensation" de Baha'u'llah est qu'il a attaché une grande importance à la consultation dans toutes les sphères des activités humaines. Les communautés et les institutions baha'ies, qu'elles soient locales, nationales ou internationale, fonctionnent par la consultation baha'ie. Non seulement ces corps consultent sur les affaires de la communauté, mais ont aussi pleins pouvoirs pour s'occuper des problèmes personnels affectant la vie des croyants individuels. Cependant, Baha'u'llah n'a pas limité la consultation aux institutions de la Foi. Il a mis l'accent sur l'importance de la consultation des problèmes personnels des amis avec des experts. Voici quelques-unes des remarques de Baha'u'llah sur le sujet, glanées dans ses Écrits:

Le Grand Être dit: Le ciel de l'art de gouverner s'est éclairé et a rayonné de l'éclat de ces mots sacrés apparus à l'aurore de la volonté de Dieu: il appartient à chaque dirigeant de peser chaque jour sa propre personne sur la balance de l'équité et de la justice, de rendre ensuite la justice parmi les hommes et de leur conseiller de faire ce qui dirigera leurs pas dans le chemin de la sagesse et de la compréhension. (N°9 TB p.175)

La consultation accorde une plus grande vigilance et transforme la conjecture en certitude. Elle est une brillante lumière qui, dans un monde obscur, nous ouvre la voie et nous conduit. Grâce à elle, il y aura toujours un degré de perfection et de maturité. La maturité du don de la compréhension est rendue manifeste à travers la consultation. (N°10 comp.Consultation p.3)

Pour toutes choses, il est nécessaire de consulter. Tu devrais beaucoup insister sur ce sujet, afin que la consultation soit observée par tous les amis. Le but de tout ce qui a été révélé par la plume du Très-Haut est que la consultation soit pleinement appliquée parmi les amis, puisqu'elle est et sera toujours une cause de vigilance et de réveil et aussi une source de bien-être. (N°11 compilation Consultation, p.3)

'Abdu'l-Baha a aussi beaucoup écrit sur ce sujet. Ce qui suit ne sont que deux passages parmi tant d'autres:

Consultez-vous pour prendre une décision en toutes choses, qu'elles soient importantes ou ordinaires. Ne prenez aucune décision dans vos affaires personnelles sans une consultation préalable. Intéressez-vous les uns aux autres. Aidez-vous les uns les autres à avancer dans vos projets et dans vos plans. Ne laissez personne être malheureux dans tout le pays. Aidez-vous les uns les autres jusqu'à ce que vous deveniez un seul corps, tous sans exception... (n°12 compilation Consultation, p.9)

Le but de la consultation est de montrer que les opinions de plusieurs individus sont assurément préférables à celles d'une seule personne ; de même que le pouvoir de plusieurs personnes est plus grand que celui d'une seule. Ainsi, la consultation est acceptable devant le Tout-Puissant, et a été recommandée aux croyants afin qu'ils puissent parler de sujets ordinaires et personnels aussi bien que d'affaires de nature générale et universelle.

Par exemple, quand un homme a un projet en vue, s'il consulte ses frères, ce qui est convenable sera naturellement étudié et dévoilé à ses yeux, et la vérité sera mise à jour. De même, à un niveau plus élevé, si les gens d'un village se consultent à propos de leurs affaires, la bonne solution apparaîtra certainement. De la même manière, les membres de chaque profession, par exemple dans l'industrie, devraient se consulter et ceux qui sont dans le commerce devraient aussi se consulter sur leurs affaires. En résumé, la consultation est souhaitable et recommandable pour tout et sur tous les sujets... (N°13 idem p.8)

Les assemblées spirituelles locales sont le fondement sur lequel les assemblées spirituelles nationales, désignées par 'Abdu'l-Baha comme "les maisons secondaires de justice", sont établies. Ces corps nationaux sont aujourd'hui constitués dans la plupart des pays du monde et ont pleins pouvoirs pour "diriger, unifier, coordonner et stimuler les activités individuelles ainsi que celles des assemblées locales de leur juridiction." (n°14 DPN p.322) Leurs membres ont aussi reçu la responsabilité d'élire la Maison universelle de justice, le corps suprême de la Foi de Baha'u'llah, et considérée comme le sommet de l'Ordre administratif baha'i. Cette institution auguste qui fut élue la première fois en 1963, est ordonnée par Baha'u'llah avec la promesse de la providence divine. Il a conféré l'infaillibilité à ses décisions, et lui a donné l'autorité de légiférer sur des lois qu'il n'a pas spécifiquement révélées.

Dans Ishraqat (Splendeurs), révélées dans les dernières années de sa vie, Baha'u'llah déclare:

Ce passage, écrit maintenant par la Plume de gloire, est considéré comme faisant partie du très saint Livre: Les hommes de la Maison de justice de Dieu ont été chargés des affaires des peuples. Ils sont, en vérité, les mandataires de Dieu parmi ses serviteurs et les sources de l'autorité dans ses pays.

Ô peuple de Dieu ! Ce qui éduque le monde, c'est la justice, car elle est soutenue par deux piliers, la récompense et la punition. Ces deux piliers sont les sources de vie pour le monde. Puisque chaque jour un problème nouveau apparaît et qu'il existe pour chaque problème une solution convenable, de telles affaires devraient être soumises à la Maison de justice afin que ses membres agissent selon les besoins et les nécessités du moment. Ceux qui, par amour pour Dieu, se lèvent pour servir sa cause sont les bénéficiaires de l'inspiration divine venant du royaume invisible. Il incombe à tous de leur obéir. Toutes les affaires d'État devraient être référées à la Maison de justice, mais les actes du culte doivent êtres observés selon ce que Dieu a révélé dans son Livre. (N°15 T. de Baha'u'llah p.133-4)

Une des différences fondamentales entre les institutions de l'ancien ordre et celles de l'Ordre administratif de Baha'u'llah est que ces dernières sont animées par l'esprit de la cause de Dieu, tandis que les premières sont comme des corps sans âme. L'ordre divinement fondé est vivant et croît ; l'ancien ordre est désintégré et sa capacité à résoudre les problèmes du monde décline constamment. Une institution faite par des hommes pour mener à bien ses tâches, doit fonctionner avec vigueur et santé. Si l'un de ses membres ne réussissait pas dans la conduite des affaires, le travail de l'ensemble du système pourrait très bien être inefficace. Il pourrait être comparé à une machine qui ne peut pas fonctionner à moins que toutes ses parties composantes ne fonctionnent efficacement, car la défaillance d'un élément peut paralyser ou même détruire l'ensemble de la machine.

Par opposition à une telle machine, qui est sans vie et dépend de la parfaite coordination de ses éléments pour fonctionner correctement, nous pouvons observer qu'un jeune organisme vivant croît sainement sans être parfait, et avant que ses facultés se soient complètement développées. Un enfant, par exemple, peut s'épanouir et être actif bien que possédant de nombreuses imperfections dues à son manque de maturité. Il a une vigueur et une vitalité qu'aucun objet inanimé ne peut concurrencer. Bien qu'il commette des erreurs, contrarie l'ordre des choses et crée des perturbations autour de lui, pourtant personne ne lui demande la maturité et la perfection, et personne n'est outre mesure concernée par sa conduite enfantine. Car il est normal qu'au fur et à mesure que l'enfant grandit, il cesse de se conduire d'une façon immature et qu'avec le temps il acquérra sagesse et autres perfections.

Les vrais baha'is comprennent la nature organique de leurs institutions nationales et locales. Ils savent que ces corps, animés par l'esprit de la Cause, sont dans leur enfance. Ils reconnaissent que ces assemblées, les embryons des futures Maisons de justice nationales et locales, peuvent parfois prendre de mauvaises décisions et peuvent à certaines occasions agir injustement, mais malgré ces points faibles, elles palpitent de vie et, de jour en jour, grandissent en force et en vitalité. Loin de les attaquer et de les critiquer, les baha'is se rallient autour d'elles avec affection et fierté. Car ils savent que Baha'u'llah a garanti sa protection aux institutions embryonnaires de sa Foi. Et ils comprennent que comme tout organisme vivant, les institutions locales et nationales de la Foi doivent avoir leurs douleurs de croissance jusqu'à ce qu'aient graduellement disparu les problèmes auxquels elles se trouvent confrontées aujourd'hui.

Quoique insignifiants aux yeux du monde extérieur et relativement peu en nombre, ces corps locaux et nationaux ont déjà démontré leur aptitude à aller de l'avant, à surmonter les problèmes difficiles, à écarter des obstacles apparemment insurmontables, à gagner de grandes victoires pour la Cause et à grandir régulièrement jusqu'à un point où, en temps et lieu, ils établiront les fondations de la justice et de l'amour des peuples du monde.



CHAPITRE 15: Kitab-i-Aqdas - Éducation divine

Il y a de nombreuses exhortations dans le Kitab-i-Aqdas appelant les croyants à vivre une vie sainte et à revêtir les ornements d'un bon caractère et de divines vertus.

Il y a de nombreuses personnes, qui ne sont pas baha'ies, et qui ont été éduquées dans leurs propres traditions à vivre une vie vertueuse. Dès l'enfance, elles sont entraînées à être courtoises, gentilles et affectueuses. Elles font preuve des nombreuses bonnes qualités qui leur sont inculquées, jusqu'à ce qu'elles leur soient devenues une seconde nature. Elles accomplissent normalement de bonnes actions. De telles personnes méritent la plus grande louange. Mais comme elles sont privées de l'esprit de foi, apporté par le messager de Dieu pour ce jour, elles sont comme de très belles lampes qui n'ont pas été allumées. Vivre sa vie en tant que baha'i est différent dans la mesure où le coeur est illuminé de l'amour de Baha'u'llah. C'est cet amour qui fait la différence et qui permet aux croyants de refléter aux autres les enseignements de Baha'u'llah. Sans cela, il est impossible pour un baha'i de réaliser dans cette vie tout ce qu'il pourrait. En vérité, le langage de chaque religion est écrit dans la langue d'amour. Certaines personnes reconnaissent Baha'u'llah intellectuellement ; cela n'est pas suffisant. Ce n'est que lorsque que l'individu sera devenu un véritable amant, qu'il pourra acquérir la capacité spirituelle de servir pleinement, en ce jour, la Cause de Baha'u'llah.

"Immergez -vous dans l'océan de mes paroles"

Mais comme la plupart des choses qui grandissent dans cette vie, il y aura toujours un commencement à cet amour pour Baha'u'llah. Lorsqu'un individu embrasse la Cause, l'étincelle de foi apparaît dans son coeur. Il commence donc son voyage d'amour vers Baha'u'llah. La chandelle de son coeur n'est alors qu'allumée. Mais cet amour doit recevoir l'autorisation de grandir, cette lumière doit avoir la permission de devenir un grand feu.

Lorsqu'une personne trouve un ami qu'elle apprécie, le seul moyen par lequel elle peut resserrer ces liens d'amitié et d'amour est de connaître de mieux en mieux son ami et de devenir plus intime avec lui. Si elle reste à l'écart et distante l'amitié ne durera pas. Le voyage d'un amant vers son bien-aimé peut commencer avec une simple connaissance, mais il peut développer un amour profond à la suite d'une proche relation et d'un dévouement désintéressé.

De même, un croyant doit continuer son voyage d'amour vers Baha'u'llah. La phase la plus importante pour réaliser cela est de lire les paroles de Baha'u'llah afin de pouvoir communier avec lui et d'être attiré par sa Sainte Personne. En vérité, cela est l'un de ses commandements dans le Kitab-i-Aqdas. Il enjoint ses disciples à réciter ses paroles * deux fois par jour, le matin et le soir, et déclare que ceux qui ne le font pas ont manqué à tenir leur promesse à l'Alliance de Dieu.

*[nota: la lecture des paroles de Baha'u'llah ne doit pas être confondue avec la récitation des prières qui est un commandement complètement différent]

Voici ses paroles dans ce Livre:

"Récitez les versets de Dieu chaque matin et chaque soir. Quiconque omet de les réciter n'a été fidèle ni à l'alliance de Dieu ni à son testament et quiconque, en ce jour, se détourne de ces versets sacrés est de ceux qui, de toute éternité, se sont détournés de Dieu. Craignez tous Dieu, ô mes serviteurs.
Ne vous enorgueillissez pas de nombreuses lectures des versets, ou d'une multitude d'actes pieux de jour ou de nuit ; car lire un seul verset avec une joie radieuse serait mieux pour un homme que de lire avec lassitude tous les Livres saints de Dieu, le Secours dans le péril, Celui qui subsiste par lui-même. Lisez ces versets sacrés dans la limite où vous n'êtes pas envahis par la lassitude et l'abattement. N'imposez pas à vos âmes ce qui les alanguira et les accablera, mais plutôt ce qui les éclairera et les élèvera, afin qu'elles puissent s'envoler sur les ailes des versets divins vers l'Orient de ses signes évidents ; cela vous rapprochera de Dieu, si vous le compreniez." (n°1 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 149)

Dans un autre passage du Kitab-i-Aqdas, il déclare:

"Immergez-vous dans l'océan de mes paroles afin d'en pénétrer les secrets et de découvrir toutes les perles de sagesse que recèlent ses profondeurs." (n°2 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 182)

La lecture des paroles de Baha'u'llah exerce la même influence sur l'âme que la nourriture sur le corps. Elle permet à l'âme de se rapprocher de Baha'u'llah et de se remplir de son amour. Sans une lecture régulière des Écrits, deux fois par jour, un baha'i ne peut pas croître spirituellement et il n'y a pas d'alternative pour compenser cette perte.

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah déclare qu'il n'y a pas de mérite à lire ses Écrits lorsque l'on est fatigué. Il dit que lire quelques lignes dans un esprit de joie et de fragrance est mieux que lire tout un livre lorsque l'on est déprimé et las. Ce commandement est tout à fait en harmonie avec la loi de la nature qui recommande qu'une personne ne doit manger sa nourriture que lorsqu'elle a faim. Une autre similitude est que dans la nature nous devons manger régulièrement chaque jour. Manger une seule fois dans sa vie ne suffirait pas. C'est la même chose pour la lecture des paroles de Dieu, qui est la nourriture de l'esprit. Ainsi que Baha'u'llah l'a ordonné, l'individu, s'il doit grandir spirituellement, doit lire deux fois par jour ses paroles qui sont rapportées dans ses tablettes. Ces paroles avec toutes leurs forces vivifiantes doivent alors pouvoir pénétrer le coeur et renforcer la foi.

La lecture des paroles de Baha'u'llah permet non seulement au fidèle d'augmenter chaque jour son amour pour lui, mais l'approfondit aussi dans sa foi.

S'approfondir dans la Foi est souvent mal compris. Cela est compris comme impliquant la participation à des classes d'études, des cours ou des discussions intellectuelles. Souvent dans ces discussions, l'individu peut injecter ses propres idées, ainsi que des théories modernes, dans les enseignements de Baha'u'llah, et faire que la Foi apparaisse comme étant aussi compliquée qu'une théorie scientifique hautement sophistiquée. En fait, l'étude de la Foi est si simple que toute personne avec un peu de bon sens, même si elle manque d'instruction, peut très bien comprendre sa vérité, du moment qu'elle a le coeur pur. Si nous regardons les causeries de 'Abdu'l-Baha en Occident, nous remarquons comment, dans un langage d'une grande simplicité, il a expliqué des sujets profonds.

Le véritable approfondissement se produit lorsque le croyant lit les Écrits avec les yeux de la foi sachant qu'il est entrain de lire les paroles de Dieu et non pas celles de l'homme - Une parole qui est chargée d'une énorme puissance. L'approfondissement a aussi lieu lorsque le croyant s'associe à quelqu'un qui est enflammé de l'amour de Baha'u'llah. La compagnie même de telle personne augmente sa foi en Dieu. Baha'u'llah déclare dans les Paroles Cachées: "...Que celui qui désire la communion avec Dieu recherche la compagnie de ses aimés. Que celui qui désire entendre la parole divine prête l'oreille aux paroles de ses élus." C'est pourquoi ceux qui rencontrent un serviteur sincère de Baha'u'llah sont souvent emplis d'un nouvel esprit.

Durant l'âge héroïque de la Foi, c'était en se rencontrant que les croyants étaient approfondis dans la Foi et en partageant leur connaissance et leur amour de Baha'u'llah. Un baha'i dévoué, qui avait été en sa présence, dont le coeur était empli de son amour, ou qui avait reçu de lui des tablettes, pouvait transmettre son feu et sa foi aussi bien que sa connaissance et sa compréhension à ceux qui le fréquentaient. En ces jours, les croyants n'avaient pas accès à tous les Écrits et souvent ils ne connaissaient pas grand-chose des enseignements de Baha'u'llah. Mais leurs coeurs étaient tellement emplis de son amour qu'un grand nombre d'entre eux donnèrent leur vie dans son sentier.

Aujourd'hui dans l'étude de la Foi on a peut-être tendance à devenir trop académique ou trop mécanique. Une approche purement intellectuelle pourrait tellement brouiller le coeur que les rayons du Soleil de vérité seraient incapables d'y briller. Ce dont le croyant a besoin, en plus de sa connaissance de la Foi, c'est d'ouvrir son coeur aux influences de la révélation de Baha'u'llah, de communier avec son esprit, de se réjouir en son nom et de rechercher tout particulièrement la compagnie de ses véritables amants. Sans le souffle de l'esprit de foi dans sa vie, sans tourner son coeur avec humilité vers Baha'u'llah, il ne peut s'approfondir dans la Cause, car la connaissance de Dieu est d'abord reflétée dans le coeur de l'homme, puis son intellect la maîtrisera. Cela est très clair dans les Écrits.

Et maintenant, voici quelques paroles de mise en garde concernant ce sujet vital. Lire les Écrits de Baha'u'llah, aussi important que cela soit, ne pourra jamais être favorable au progrès spirituel à moins qu'il ne soit réuni au service de la Cause. Si une personne prend de la nourriture régulièrement et en abondance, mais si elle ne bouge pas et n'exerce pas ses muscles chaque jour, elle deviendrait bientôt invalide. De même, l'étude des Écrits doit être accompagnée par des actions, des actions qui sont ordonnées par Baha'u'llah dans ses enseignements et dans ses lois.

Si l'individu qui a reconnu le rang de Baha'u'llah s'immerge dans l'océan de ses paroles, s'il ouvre son coeur aux influences de sa révélation, s'il fréquente des baha'is dévoués qui sont enflammés par la Foi et rejette la compagnie des impies * et s'il se lève pour servir la Cause, alors son amour pour Baha'u'llah augmentera de jour en jour et il deviendra un baha'i profond.

*[nota: une personne qui mène une vie contraire aux enseignements de Dieu. Il peut professer croire en Dieu, tandis que beaucoup de ceux qui se considèrent comme agnostiques ou athées peuvent en réalité ne pas être impies]

- L'éducation des enfants:

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah a placé une énorme responsabilité sur les parents en ce qui concerne l'éducation et l'instruction des enfants. Voici ses paroles dans ce Livre:

"À chaque père, il a été enjoint d'instruire son fils et sa fille dans l'art de lire et d'écrire, et en tout ce qui est prescrit dans la Sainte Tablette. S'il refuse de faire ce qui lui est commandé, les mandataires devront alors lui prendre ce qui est nécessaire à cette instruction s'il est riche et, s'il ne l'est point, la question reviendra à la Maison de justice. En vérité, nous en avons fait un abri pour les pauvres et les indigents. Celui qui élève son fils ou le fils d'un autre, c'est comme s'il avait élevé l'un de mes fils; sur lui reposent ma gloire, mon affectueuse bonté et ma miséricorde qui ont enveloppé le monde." (n°3 Aqdas, paragraphe 48)

Dans une de ses tablettes, (n°4 Makatib-i-'Abdu'l-Baha, vol. 3, p.333) 'Abdu'l-Baha déclare que si les parents échouent à éduquer correctement leurs enfants, ils ont commis un péché que Dieu ne peut oublier.

D'après Baha'u'llah, éduquer des enfants n'est pas simplement leur apprendre les bonnes manières et organiser leur éducation. Cela a des implications d'une portée considérable. L'éducation baha'ie consiste en une éducation académique comme spirituelle. La première peut être acquise dans toutes les écoles du monde. La seconde, qui du point de vue baha'i est plus importante, consiste à acquérir la connaissance de Dieu et de ses Manifestations, à comprendre les mystères de la création, à devenir bien versé dans les enseignements de Baha'u'llah, à acquérir un bon caractère et à être à même de servir le monde de l'humanité.

Les paroles suivantes de Baha'u'llah extraites de ses Écrits démontre l'importance qui est attachée à l'éducation des enfants:

"La connaissance est comme des ailes pour la vie de l'homme et une échelle pour son ascension. Il incombe à chacun de l'acquérir. Néanmoins, il faudrait acquérir la connaissance des sciences qui sont profitables aux peuples de la terre, mais non celles qui commencent par des mots et finissent par des mots... En vérité, la connaissance est un véritable trésor pour l'homme et une source de gloire, de bonté, de joie, d'exaltation, de courage et de bonheur pour lui." (N°5 TBA p.53-4)

La première tâche des écoles est de former les enfants aux principes de la religion, afin que la promesse et la menace contenues dans les livres de Dieu puissent les détourner des choses interdites et les vêtir du manteau des commandements ; mais ceci doit être fait dans une mesure telle qu'elle ne puisse pas nuire aux enfants en les menant à un fanatisme ignorant et au sectarisme. (n°6 TBA p.70)

"Nous prescrivons à tous les hommes ce qui mènera à l'exaltation de la Parole de Dieu parmi ses serviteurs, et aussi au progrès du monde de l'existence et à l'élévation des âmes. À cette fin, le meilleur moyen est l'éducation de l'enfant. Tous sans exception doivent s'y conformer strictement. En vérité, Nous vous avons imposé cette obligation dans de multiples tablettes ainsi que dans mon Très-Saint Livre. Bienheureux celui qui s'y soumet.
Nous demandons à Dieu qu'il aide chacun à obéir à ce commandement imposé, qui est apparu et a été envoyé par la Plume de l'Ancien des jours." (N°7 Compilation sur l'éducation baha'ie, p.4)

Dans de nombreuses tablettes, 'Abdu'l-Baha a aussi insisté sur l'importance de l'éducation des enfants. Ce qui suit n'en sont que quelques exemples:

"C'est pourquoi, en ce cycle nouveau, l'éducation et la formation sont prescrites dans le Livre de Dieu, non à titre volontaire mais obligatoire. Ainsi est-il enjoint au père et à la mère, à titre de devoir, de déployer tous leurs efforts pour former leur fille et leur fils, pour les nourrir aux mamelles du savoir et les élever dans l'intimité des sciences et des arts. S'ils faisaient preuve de négligence en ce domaine, ils seraient tenus pour responsables et mériteraient des reproches en présence du Seigneur sévère." (N°8 Sélection des écrits de 'Abdu'l-Baha, p.125)

... Ceux-ci doivent, dès leur plus jeune âge, recevoir une éducation divine et être continuellement exhortés à commémorer leur Dieu. Que l'amour pour Dieu pénètre, avec le lait maternel, au plus profond de leur être. (N°9 SAB p.126)

Je souhaite que ces enfants reçoivent une éducation baha'ie, afin qu'ils puissent progresser à la fois ici-bas et dans le Royaume, et qu'ils réjouissent ton coeur.

Dans le futur, on assistera à une extrême dégénérescence des moeurs. Il est donc essentiel que les enfants soient élevés selon les principes baha'is et qu'ainsi, ils puissent trouver le bonheur à la fois en ce monde et dans l'autre ; sinon, ils seront assaillis d'afflictions et de désagréments, car le bonheur humain est fondé sur un comportement spirituel. (N°100 SAB p.126)

Les enseignements baha'is sur l'éducation de l'enfant attachent une grande importance au rôle tenu par la mère qui élève ses enfants. Voici les paroles de 'Abdu'l-Baha concernant ce rôle vital des mères:

"Aujourd'hui, c'est l'obligation des bien-aimés de Dieu et leur devoir impératif d'éduquer les enfants dans la lecture, l'écriture, dans les différentes branches de la connaissance et d'élargir leur conscience pour qu'ils puissent progresser jour après jour à tous les niveaux.
La mère est la première éducatrice de l'enfant. Car, au début de leur vie, ils sont malléables et tendres comme un jeune rameau et peuvent être formés de la manière qu'on désire. Si on élève l'enfant à être droit, il grandira droit en parfaite harmonie. Il est clair que la mère est la première éducatrice et que c'est elle qui établit le caractère et la conduite de l'enfant.
Pour cela, sachez, ô mères affectueuses, qu'aux yeux de Dieu, la meilleure façon de l'adorer est d'éduquer les enfants et de les former pour avoir toutes les perfections humaines et l'on ne peut imaginer d'action plus noble..." (n°11 Comp.Education baha'ie, p.41)

L'importance de l'éducation des filles dans les enseignements baha'is démontre bien cet aspect primordial du rôle de la mère dans l'éducation de l'enfant et dans sa formation spirituelle. Car un jour, elles deviendront des mères et la première éducatrice de l'enfant est la mère.

Ces paroles et d'autres enseignements fondamentaux sur l'éducation des enfants permettront aux futurs spécialistes des sciences de l'éducation de formuler un programme d'éducation baha'ie. Comme la société humaine se tourne de plus en plus vers les idéaux baha'is, ces enseignements seront adoptés par l'humanité. Ce qui suit a été écrit de la part de Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi baha'ie, en réponse à une question concernant le programme d'éducation baha'i:

"Vous avez demandé une information détaillée concernant le programme scolaire baha'i ; il n'existe pas encore jusqu'à présent de programme d'études baha'ies et il n'y a pas de publication baha'ie exclusivement consacrée à ce sujet puisque les enseignements de Baha'u'llah et de 'Abdu'l-Baha ne présentent pas un système éducatif défini ni détaillé, mais simplement offrent certains principes de base et énoncent un nombre d'idéaux d'enseignement qui devraient guider, dans leurs efforts, les futurs spécialistes des sciences de l'éducation baha'is à formuler un programme d'enseignement adéquat qui serait en harmonie complète avec l'esprit des enseignements baha'is et répondrait ainsi aux nécessités et aux besoins de l'âge moderne.
Ces principes fondamentaux sont valables dans les écrits sacrés de la Cause et devraient être soigneusement étudiés et graduellement intégrés aux divers programmes des collèges et des universités. Mais la tâche de formuler un système éducatif qui serait officiellement reconnu par la Cause et appliqué comme tel à travers le monde baha'i est une oeuvre qui ne peut évidemment pas être entreprise par la génération actuelle des croyants et doit être graduellement accomplie par les érudits baha'is et les spécialistes des sciences de l'éducation de l'avenir." (N°12 extrait d'une lettre de Shoghi Effendi 7 juin 1939 comp.Ed. b. p.54)

Éduquer les enfants et les jeunes est d'une importance si capitale dans les enseignements baha'is, que Baha'u'llah a très fortement loué la tâche des enseignants et des spécialistes des sciences de l'éducation. Il tient la profession d'enseigner en si grande estime que dans le Kitab-i-Aqdas, il a ordonné, en cas de décès intestat, que l'héritage soit divisé entre sept catégories de personnes (n°13 Aqdas, paragraphe 20), tous de la même famille sauf le dernier qui est l'enseignant ou les enseignants. Dans ses Écrits, il a déversé en abondance ses faveurs et ses bontés sur ces enseignants qui ont reconnu son rang et qui se sont engagés dans l'éducation spirituelle comme dans l'académique.

De même, 'Abdu'l-Baha a loué le rang des enseignants qui sont dévoués à leur profession. Dans une tablette, il décrit leur service comme étant une véritable adoration de Dieu, et déclare qu'ils sont les pères spirituels des enfants qu'ils enseignent, et par conséquent leur travail est hautement méritoire à la vue de Dieu. (n°14 Makatib-i-'Abdu'l-Baha, vol. 8, p.51)

- Enseigner la Cause:

Dans de multiples tablettes, Baha'u'llah a enjoint à ses disciples d'enseigner sa foi aux peuples du monde. Dans le Kitab-i-Aqdas aussi, il exhorte les fidèles à se lever au service de sa cause et fait référence aux enseignements comme étant le couronnement de gloire de chaque action juste. Ainsi qu'il a été expliqué dans le précédent volume, le but principal de l'enseignement est de mener une âme vers son Dieu, et par conséquent cela est considéré par Baha'u'llah comme étant "la plus méritoire de toutes les actions" (voir vol.2).

Les conditions préalables à l'enseignement se trouvent dans les Écrits de Baha'u'llah et de 'Abdu'l-Baha, et Shoghi Effendi a énuméré certaines d'entre elles dans sa lettre intitulée L'Avénement de la Justice Divine. (n°15 p.32-47) Elles peuvent être résumées en quelques mots: "Vivre sa vie en accord avec les enseignements baha'is". Baha'u'llah déclare dans l'une de ses tablettes:

Dieu prescrit à chacun d'enseigner sa cause. Qui se lève pour accomplir ce devoir doit, avant de proclamer son message, s'orner d'un caractère empreint de droiture et digne de louange pour que ses paroles captivent le coeur de ceux qui entendent son appel. Sans cela, il n'a aucune chance de toucher ses auditeurs. (n°16 Florilège d'écrits de Baha'u'llah, p.237, CLVIII)

Cette déclaration ne laisse aucune place au doute, car Baha'u'llah dit: "Sans cela, il n'a aucune chance de toucher ses auditeurs". Le mot "aucune" est très catégorique et exclut tout autre méthode. Baha'u'llah a révélé semblables déclarations dans beaucoup d'autres tablettes.

Dans une tablette, 'Abdu'l-Baha écrit:

Le but est ceci: L'intention de l'enseignant doit être pure, son coeur indépendant, son esprit épris de Dieu, ses pensées paisibles, sa résolution ferme, sa grandeur d'âme exaltée et il doit être une torche brillante dans l'amour de Dieu. Dût-il ainsi se transformer, son souffle purifié atteindra même le roc ; sinon, il n'y aura aucun résultat. (n°17 Tablettes du Plan Divin, Assemblée spirituelle nationale du Canada, 1981, p.53)

L'importance accordée à la dernière phrase est claire: "sinon, il n'y aura aucun résultat". De nombreuses tablettes de 'Abdu'l-Baha ont des conclusions semblables.

Shoghi Effendi, dans beaucoup de ses lettres, a attiré notre attention sur cette vérité. Pour citer un passage célèbre:

Ni la force du nombre, ni le simple exposé d'un éventail de principes nouveaux et nobles, ni une campagne d'enseignement organisée - quelque universel et élaboré qu'en soit le caractère - ni même la fermeté de notre foi ou l'exaltation de notre enthousiasme ne peuvent nous donner l'espoir de justifier la prétention suprême de la Révélation Abha aux yeux d'un âge critique et sceptique. Une chose et une seule chose assurera inéluctablement le triomphe incontesté de cette Cause sacrée: la mesure selon laquelle notre vie intérieure et notre caractère personnel reflèteront les multiples aspects de la splendeur de ces principes proclamés par Baha'u'llah. (n°18 Baha'i Administration, p.66)

Ici, Shoghi Effendi ne laisse aucune alternative à cette condition préalable vitale pour l'enseignement, car il dit (et remarquons sa double accentuation): "Une chose et une seule chose assurera inéluctablement le triomphe incontesté de cette Cause sacrée..."

Comme nous venons de discuter de l'une des plus importantes conditions préalables pour l'enseignement, examinons maintenant le travail d'enseignement lui-même. Bien que nous ayons reçu certains principes et directives de l'Auteur de la Foi, de 'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi, il n'y a pas de méthodes ou de procédures fixes. Ces principes et directives divergent des critères et méthodes courantes que l'on trouve à l'extérieur de la Foi, où chaque mesure opportune sert fréquemment à influencer les gens et à les convertir à diverses idéologies. La cause de Baha'u'llah est fondée sur la vérité de la révélation de Dieu, et la vérité ne peut être revêtue de faux critères. Elle ne peut se servir des techniques de vente, propagande, opportunisme et compromis. Les méthodes qui servent dans le monde commercial pour attirer les gens vers de nouvelles idées, comme la publicité extravagante et sensationnelle basée sur des slogans, déclarations extrêmes et gadgets du genre, sont toutes étrangères à la cause de Dieu.

Dans le travail d'enseignement, un baha'i présente le message de Baha'u'llah comme quelqu'un qui offrirait un cadeau à un roi. Étant donné que l'objectif principal de l'enseignement n'est pas d'augmenter le nombre (voir vol.2), mais plutôt d'amener une âme vers Dieu, il devrait s'approcher de ses semblables avec des sentiments d'amour et d'humilité, et par-dessus tout leur apporter le pouvoir transformateur de Baha'u'llah mais rien de lui-même. En vérité, s'il tâche de se projeter en avant, en essayant d'impressionner son auditeur par sa connaissance et son talent, et projette d'établir l'ascendance de ses arguments en enseignant la Foi, alors le pouvoir de Baha'u'llah ne pourra en aucune façon l'atteindre.

Le succès dans l'enseignement dépend de notre capacité et de notre empressement à puiser du pouvoir de Baha'u'llah. Il n'y a pas d'alternative. Si le croyant, à travers son amour pour Baha'u'llah par sa vie et par son dévouement à enseigner sa Cause, n'ouvre pas le chemin pour Baha'u'llah, ses confirmations et son aide ne pourront l'atteindre, et il échouera dans son service pour lui. Ceux qui se situent dans un rang élevé parmi les enseignants baha'is étaient toujours conscients de la présence de Baha'u'llah à chaque étape de leurs activités d'enseignement. C'est grâce à leur conscience de sa présence qu'ils furent capables de s'approcher avec un amour sincère et humilité de ceux qui cherchaient la vérité, de les attirer par la chaleur de leur foi et par le pouvoir créatif de leurs paroles. Ce fut cette conscience qui leur permit d'irradier la gloire de la Foi de Dieu nouveau-née, d'en démontrer la vérité, de promouvoir ses intérêts, de résister aux attaques de ses ennemis et de gagner pour leur Seigneur, des victoires impérissables.

Baha'u'llah conseillait souvent à ses disciples comment enseigner la Foi. Par exemple, lorsque Haji Muhammad-Tahir-i-Malmiri quitta sa présence, il lui ordonna de se lancer dans l'enseignement dans sa ville natale de Yazd et lui donna les instructions sur la façon d'enseigner. La plus importante, parmi ces instructions, était de prier pour le chercheur et il lui conseilla vivement de prier aussi pour que les confirmations de Dieu puissent l'atteindre et ouvrir ses yeux à la véracité de la Cause. Un autre conseil était de commencer l'enseignement par un récit sur l'histoire des anciennes religions et sur leurs Fondateurs, semblables aux récits que l'on trouve dans le Kitab-i-Iqan. Ainsi le chercheur peut avoir une perspective de sa propre religion lui permettant de pouvoir reconnaître la vérité et la réalité du Fondateur de sa propre Foi. Lorsque cette étape est atteinte, l'individu sera prêt à apprécier et à comprendre la cause de Dieu pour ce jour. (voir vol.1)

Pour citer une autre tablette, il y a une tablette (n°19 citée par Fadil-i-Mazindarani, Amr va Khalq, vol 3 P.111) de Baha'u'llah, dans laquelle il exhorte Faris * à enseigner avec sagesse. Il lui conseille au début de ne pas révéler aux gens tout ce qui concerne la Cause, mais plutôt de les enseigner petit à petit jusqu'à ce qu'ils soient prêts à en absorber plus. Il compare ce processus à celui de nourrir les enfants qui ont besoin de recevoir peu de lait à la fois jusqu'à ce qu'ils grandissent en force et qu'ils puissent digérer d'autre nourriture. Cette exhortation de Baha'u'llah est la fondation de l'enseignement de la cause de Dieu. Les principes impliqués sont très semblables à ceux dont se sert une maîtresse d'école lorsqu'elle enseigne ses élèves petit à petit et en accord avec leur capacité. Avant d'enseigner la Cause à une personne, il est important de connaître son origine et sa capacité. Les enseignants les plus efficaces sont ceux qui, après s'être familiarisés avec les croyances et les idées d'un individu, lui révèle graduellement les vérités de la Foi, mais le peu qu'ils transmettent est le remède correct et est assez puissant pour pouvoir influencer et stimuler l'âme et lui permettre de faire un pas en avant et de devenir apte à en absorber plus.

*[nota: le Syrien chrétien qui embrassa la Foi à Alexandrie]

Haji Mirza Haydar-'Ali, le célèbre enseignant baha'i, dont nous avons déjà parlé et mentionné les services exceptionnels, a laissé à la postérité le récit suivant de l'une de ses entrevues mémorables avec Baha'u'llah à Acre, au cours de laquelle il prononça ces paroles concernant l'enseignement de la cause de Dieu:

La manière d'enseigner est d'être d'un naturel avenant et de traiter les gens dans un esprit d'affectueuse bonté. On doit absolument admettre quoi que ce soit que dit l'autre personne, même si ce sont des vaines imaginations, des croyances qui sont le résultat d'imitation aveugle ou de conversation absurde. On devrait éviter de s'engager dans des arguments ou de fournir des preuves qui soulignent l'entêtement et le différend chez l'autre personne. Cela parce qu'il va se sentir battu et le mènera à être encore plus voilé de la vérité et ajoutera à son égarement.

Le bon moyen est d'admettre les déclarations de l'autre personne, puis de lui présenter un point de vue alternatif et de l'inviter à l'examiner afin de voir si c'est vrai ou faux. Naturellement lorsque cela lui est présenté avec courtoisie, affection et affectueuse bonté, il écoutera et ne sera pas sur la défensive, cherchant des réponses et des preuves. Il admettra et acceptera l'idée. Lorsque la personne se rendra compte que le but derrière les discussions n'est pas de négocier ou de gagner un argument, mais plutôt de transmettre la vérité et de révéler les qualités humaines et les perfections divines, de toute évidence, il fera preuve d'impartialité. Ses yeux et ses oreilles intérieurs s'ouvriront et, par la grâce de Dieu, il deviendra une nouvelle création et possèdera de nouveaux yeux et de nouvelles oreilles.

Baha'u'llah parla beaucoup des conséquences funestes provoquées par la confrontation des arguments et par ceux qui cherchent à avoir le dernier mot dans une discussion. Il dit alors: la Plus-Grande-Branche ('Abdu'l-Baha) écoutait les conversations stupides avec une telle attention que la personne concernée en arrivait à croire qu'il l'éclairait. Cependant, petit à petit, et d'une façon dont l'autre ne pouvait se rendre compte, il lui donnait une vision et une compréhension nouvelles *. (n°20 Bihjatu's-Sudur)

*[nota: ce ne sont pas les paroles exactes de Baha'u'llah, mais elles transmettent le sens de son discours]

Les causeries de 'Abdu'l-Baha en Occident fournissent le meilleur exemple de sagesse dans l'enseignement. Il s'adresse à des auditoires qui étaient presque étrangers à l'histoire et à la genèse de la Foi et peu familiarisés avec ses prétentions et le rang de son Fondateur. Il ne leur dévoila avec simplicité et concision que les vérités essentielles qu'ils étaient capables de comprendre et qui constituent leur premier tremplin pour leur reconnaissance finale du prodigieux message de Baha'u'llah. Il évita clairement, au début, toute élaboration sur les nombreuses implications du rang de Baha'u'llah et de sa révélation ainsi que de la révélation de ses lois et de son futur Ordre mondial. À la place, il donna à tous ceux qui en avaient la capacité une mesure de son amour qui englobe tout, ce qui anima et nourrit les quelques personnes qui en Occident embrassèrent la Foi.

C'est peut-être une tentation pour un enseignant baha'i, surtout s'il est savant, de déverser toute sa connaissance sur le chercheur, et de le bombarder avec une série de paroles profondes et de longues discussions dans le dessein de lui prouver la vérité de ses propres arguments. Lorsque ceci arrive, cela bloque le chemin qui permettrait au pouvoir de Baha'u'llah d'atteindre le coeur du chercheur et de l'éclairé avec la lumière de la Foi.

En suivant les pas de l'Exemple de la foi de Baha'u'llah, nous pouvons observer que lorsque quelqu'un posait une question à 'Abdu'l-Baha, il lui arrivait souvent de ne pas donner toutes les réponses. Il le préparait doucement à comprendre le sujet. Par exemple, il parlait de quelque chose qui ne semblait pas avoir de rapport avec la question, mais à la fin, il le menait à découvrir la vérité. On peut citer l'exemple de Howard Colby Ives, un ministre unitarien aux Etats-Unis qui fut attiré par 'Abdu'l-Baha, lorsque ce dernier visita ce pays, et qui devint finalement un croyant fervent. On comprend en lisant ses chroniques fascinantes Les Voies de la liberté, que 'Abdu'l-Baha le mena très doucement et lentement vers le chemin de la vérité. L'histoire suivante se trouve dans ce livre:

"Dans les nombreuses occasions que j'ai eues de voir 'Abdu'l-Baha, de l'entendre et de lui parler, j'ai été chaque fois plus fortement impressionné par la manière dont il instruisait les âmes. Car c'est bien là le terme qui convient. Il ne cherchait pas à atteindre l'esprit seulement mais bien l'âme, l'essence réelle de tous ceux qu'il rencontrait. Oh certes, en présentant un argument, il ne manquait pas de logique ni d'esprit scientifique, et il l'a maintes fois prouvé au cours des nombreuses allocutions que j'ai entendues et des plus nombreuses encore que j'ai lues. Mais ce n'était pas la logique d'un théoricien ni la science acquise par l'étude. Ses moindres paroles, son plus léger contact avec une âme étaient illuminés d'une clarté radieuse qui transportait son auditeur sur un plan supérieur. Quand il parlait, nos coeurs brûlaient dans nos poitrines. Jamais il ne discutait et il n'imposait jamais ses idées. Il laissait à chacun la liberté de ses opinions, et loin de prétendre à l'autorité, il était la personnification même de l'humilité. Il enseignait 'comme s'il eût offert un don à un roi'. Il ne me disait jamais ce que j'aurai dû faire sauf en me suggérant que j'agissais bien. Il ne me disait jamais non plus ce que je devais croire. Il nous montrait la souveraine beauté de la vérité et de l'amour, et la vénération naissait spontanément dans les coeurs. Sa voix, sa manière d'être, son attitude, son sourire m'indiquaient comment je devais être, car il savait que les bonnes actions et les bonnes paroles ne pouvaient croître, comme les bons fruits, que sur un sol purifié.
Ses moindres gestes et ses moindres paroles étaient empreints d'un étonnant mélange d'humilité et de majesté, de puissance et de calme, qui inspiraient le respect et dont j'ai longtemps cherché à m'expliquer la source. Qu'est-ce qui le rendait si différent des autres hommes et si incomparablement supérieur à aucun de ceux que j'avais jamais connu ?" (n°21 Les voies de la liberté, p.36)

Voici une autre histoire de Colby Ives qui aide à éclaircir le sujet:

"Or donc, par une froide journée de printemps où soufflait un fort vent d'est, je vins tout exprès à New York pour interroger 'Abdu'l-Baha sur le renoncement. Je trouvai la maison de la 96ème rue presque déserte. On m'apprit que 'Abdu'l-Baha passait un ou deux jours chez des amis habitant la 78ème rue. Je m'y rendis à pied, et le trouvai sur le point de retourner à la demeure que je venais de quitter. Mais mon entreprise me tenait tellement à coeur, qu'aucune difficulté ne pouvait me décourager. Je m'adressai à l'un des amis persans et, lui montrant le passage en question dans le petit volume que j'avais remporté dans ma poche, je lui exposai ma requête: 'Abdu'l-Baha pouvait-il me parler pendant quelques instants sur ce sujet, et afin d'éviter toute erreur, je lui lus le texte: "...ne m'empêche pas de me tourner vers l'horizon du renoncement."

Le Persan me rapporta le livre en me disant que 'Abdu'l-Baha me priait de retourner à pied avec lui à la 96ème rue, et qu'il me parlerait en chemin.

Je me rappelle que nous formions tout un petit cortège d'une douzaine de personnes environ. La plupart étaient des amis persans, mais il y en avait quelques autres aussi, parmi lesquels Lua Getsinger. Le vent d'est nous cinglait et, en frissonnant peu, je remontai le col de mon pardessus. 'Abdu'l-Baha cependant, cheminait en laissant son 'aba (manteau) flotter au vent. Comme nous marchions ensemble en tête du petit groupe, il me regarda d'un air quelque peu railleur. "Vous paraissez avoir froid !", me dit-il avec une lueur de gaieté dans les yeux et, sans savoir pourquoi, je fus un peu troublé. Pourquoi n'aurais-je pas froid ! En vivant sur un plan supérieur, peut-on s'attendre à ne même plus sentir les variations atmosphériques ? Mais cette petite remarque était significative. Le moindre mot de lui me faisait l'effet d'un appel. "Montez plus haut !", semblait-il dire.

Quand nous eûmes pris quelque avance sur les autres, il parla longuement des horizons. Il m'expliqua que le Soleil de la Réalité, comme le soleil du monde cosmique se lève, sur différents ponts: le soleil de Moïse sur un point, celui de Jésus sur un autre, et sur d'autres points encore le soleil de Mahomet et le soleil de Baha'u'llah. Mais c'est toujours le même soleil, bien qu'il apparaisse en des points différents. "Nous devons toujours chercher la lumière du soleil, dit-il, et ne pas tenir nos regards constamment fixés sur le point où il s'est levé la dernière fois et, avec sa canne, dessina sur le sol un horizon imaginaire, en indiquant les points où le soleil se lève. Ce spectacle devait paraître étrange aux gens qui passaient.

J'étais extrêmement déçu. J'avais entendu 'Abdu'l-Baha traiter ce sujet et j'avais lu ce qui s'y rapporte dans le livre les Leçons de Saint Jean d'Acre. C'était du renoncement et non des horizons que je voulais entendre parler. Ce qui me déprimait aussi, c'est que je sentais qu'il aurait dû savoir combien j'aspirais à être éclairé sur ce chapitre et qu'il aurait dû répondre à mon désir, même si ma requête n'avait pas été aussi clairement formulée. J'avais été cependant fort explicite. En approchant du but de notre promenade, il devint silencieux. Depuis longtemps, du reste, mon impression de désappointement s'était transformée en parfait contentement. N'était-ce point assez de me trouver auprès de lui ? Après tout, que pouvait-il me dire du renoncement qui ne fût déjà dans mon propre coeur ? Peut être qu'en pratiquant le renoncement j'arriverais à m'instruire et que, pour commencer, il fallait renoncer à l'entendre traiter cette question ? Vraiment, à mesure que le silence extérieur devenait plus profond, mon coeur brûlait dans ma poitrine autant que s'il m'eût parlé en chemin.

Nous arrivâmes enfin devant le perron conduisant à la porte d'entrée. 'Abdu'l-Baha s'arrêta, un pied posé sur la première marche, tandis que le petit groupe passait lentement devant lui et pénétrait dans la maison. 'Abdu'l-Baha fit un mouvement comme pour les suivre, mais se ravisant il se retourna et me regarda du haut de cette première marche. Il me parla enfin. Il y avait dans son regard et dans sa voix comme une intention subtile qui accentuait ses moindres paroles et me semblait toujours aussi mystérieuse que séduisante. Il me dit de me souvenir toujours que ce jour verrait s'accomplir de grandes choses, de très grandes choses.

Je demeurai coi. Il ne m'appartenait pas de répondre. Je n'avais pas la moindre idée de la signification secrète qu'il fallait attribuer à ces paroles, à cette voix vibrante, à ce regard pénétrant. Alors il parut se décider à monter les degrés du perron, mais, s'immobilisant de nouveau, il tourna vers moi son visage qui maintenant rayonnait. J'avais déjà le pied en l'air et m'apprêtais à le suivre, mais je m'arrêtai naturellement aussi et demeurai comme suspendu entre l'immobilité et le mouvement.

Il répéta ses paroles avec encore plus d'insistance et de gravité: n'oubliez jamais que ce jour verra s'accomplir de très grandes choses.

Que voulait-il dire ? Quel sens profond cachaient ces simples mots ? Pourquoi s'adressait-il à moi ? Y avait-il un rapport entre ce qu'il disait et cette idée du renoncement qui me séduisait tant ?

Une troisième fois, 'Abdu'l-Baha fit un mouvement pour gravir le perron et moi pour le suivre, et cette fois encore il s'arrêta, se retourna, puis il me sembla qu'il dirigeait sur moi le plein rayonnement de sa pensée. D'une voix tonitruante, avec des yeux étincelants, et la main solennellement levée, il répéta: N'oubliez pas ce que je vous dis. Ce jour verra s'accomplir de très grandes choses - de très grandes choses ! Les trois derniers mots résonnèrent comme l'appel d'un clairon, éveillant un écho dans la longue rue déserte. J'étais littéralement anéanti. Recroquevillé à ma place, je me sentais comme écrasé. Cette imposante et magnifique figure, cette voix de commandement aux accents prophétiques me donnaient l'impression d'être submergé par les flots de la mer qui balayaient, momentanément du moins, notre infime univers ainsi que mon infime personne. Qui étais-je donc pour être appelé à accomplir de grandes choses, de très grandes choses, je ne savais même pas discerner ce qui était réellement grand dans ce monde où de malencontreuses exagérations ont faussé toutes les valeurs.

Après un laps de temps qui me parut très long et durant lequel il scruta mon âme de ses yeux ardents, je le vis sourire doucement. L'instant solennel était passé. Il était de nouveau l'hôte courtois, bienveillant et humble, le père que je croyais connaître. Il toucha son fez pour le placer à ce que j'appelais l'angle d'enjouement, et un sourire un peu ironique se dessina sur ses lèvres tandis qu'il gravissait rapidement les degrés du perron et franchissait la porte d'entrée. Je le suivais de près. Dans le hall, quelques marches nous conduisirent à l'escalier. Je me rappelle qu'on me regarda avec étonnement et même un peu d'envie quand je commençai à monter derrière lui. 'Abdu'l-Baha traversa le vestibule désert du premier étage et atteignit enfin sa chambre au troisième. C'était une vaste pièce donnant sur la rue. Et je le suivais toujours. Depuis, je me suis souvent demandé comment j'avais pu être aussi téméraire. Si j'avais été mieux initié et moins bouleversé, je n'aurais jamais eu cette audace. On dit que les insensés se précipitent là où les anges craignent d'entrer. C'est peut-être ainsi que les fous guérissent de leur folie.

Nous arrivâmes à la porte de la chambre de 'Abdu'l-Baha, il ne m'avait pas invité à y venir et ne s'était pas retourné une seule fois pour voir si je le suivais. Aussi était-ce avec un tremblement intérieur que je m'arrêtai sur le seuil quand il entra dans la chambre. Serait-il mécontent ? Avais-je dépassé les bornes du respect qui lui était dû ? Est-ce que j'avais manqué d'humilité ? Mais mon coeur débordait d'humilité... Il devait bien le savoir. Ouvrant la porte toute grande, il se retourna et me fit signe d'entrer.

Je me trouvais encore une fois seul avec 'Abdu'l-Baha. Voilà donc le lit où il dormait, la chaise où il s'asseyait. Le pâle soleil de cette fin d'après-midi éclairait la pièce, mais je ne voyais rien. Je sentais seulement qu'il était là et que j'étais seul avec lui. Un grand calme régnait dans la chambre. Aucun bruit ne montait de la rue ni des appartements inférieurs. Le silence devint encore plus profond quand il me regarda avec ses yeux pleins d'amour, de compréhension et d'universelle sympathie qui avaient toujours eu le pouvoir d'attendrir mon coeur. Un contentement et une joie intenses m'envahirent. Je crus sentir une petite flamme s'allumer dans ma poitrine. Et alors 'Abdu'l-Baha parla: il me demanda simplement si je m'intéressais au renoncement.

Rien ne pouvait me surprendre davantage. J'avais complètement oublié cette question qui, une heure auparavant, absorbait toutes mes pensées. Peut-être que, durant cette heure où le mot de renoncement n'avait pas été prononcé, j'avais reçu à ce sujet tous les éclaircissements désirables et nécessaires ? Je ne savais comment m'exprimer pour lui répondre. Est-ce que je m'intéressais à l'idée de renoncement ? Je ne pouvais répondre oui, et je ne voulais pas répondre non. Je demeurais debout devant lui, en silence, tandis que son être tout entier semblait m'envelopper dans une étreinte. Alors il passa son bras autour de mes épaules et me reconduisit jusqu'à la porte. En le quittant, je me croyais transporté au ciel. Il me semblait avoir été admis, momentanément du moins, dans les rangs des martyrs, et c'était, en vérité, une bien noble compagnie. Durant les longues années de renoncement qui suivirent, j'évoquai souvent par la pensée ce qui s'était passé là: cette promenade avec 'Abdu'l-Baha, ma déception, sa retentissante déclaration: Ce jour verra s'accomplir de très grandes choses, ces longs escaliers où je l'avais suivi sans même savoir s'il le désirait ou non, et enfin cette question toute imprégnée d'un amour sublime: "Est-ce que l'idée du renoncement vous intéresse ?" Et ces souvenirs ont été pour moi un réconfort et un défi stimulant. En vérité l'idée de renoncement m'intéressait au plus haut degré, et depuis lors, cet intérêt n'a jamais faibli. Mais je n'aurais jamais imaginé que le renoncement pût être quelque chose d'aussi glorieux. (N°22 Les voies de la liberté p.51-56)



CHAPITRE 16: Le Kitab-i-Aqdas - L'adoration et la vie de tous les jours - Le Mashriqu'l-Adhkar

Un des commandements de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas est l'établissement de l'institution de la Maison d'adoration, qu'il a nommée Mashriqu'l-Adhkar (l'Orient de la louange à Dieu). Il a ordonné que dans chaque localité un édifice soit construit avec la plus extrême perfection dans le dessein exclusif d'adorer Dieu. Dans ce bâtiment, seule la parole de Dieu peut être lue ou chantée d'une façon telle que les oreilles en soient ravies et les âmes élevées. Il conseille aussi aux parents d'enseigner à leurs enfants les paroles de Dieu qu'il a révélées, afin qu'ils puissent les chanter dans les Maisons d'adoration.

Voici les paroles de Baha'u'llah révélées dans le Kitab-i-Aqdas:

Béni est celui qui, à l'aube, dirigeant ses pensées vers Dieu, occupé par son souvenir, suppliant son indulgence, tourne ses pas vers le Mashriqu'l-Adhkar, et y entrant, s'assied en silence pour écouter les versets de Dieu, le Souverain, le Puissant, le Très-Loué. Dis: le Mashriqu'l-Adhkar est tout bâtiment érigé dans une ville ou un village pour célébrer ma louange. Tel est le nom par lequel il a été désigné devant le trône de gloire, si vous êtes de ceux qui comprennent.

"Ceux qui récitent les versets de l'infiniment Miséricordieux dans les tons les plus mélodieux y percevront ce à quoi ne peut jamais se comparer la souveraineté de la terre et du ciel. Dans ces versets, ils humeront la divine fragrance de mes mondes, - mondes qu'aujourd'hui nul ne peut entrevoir à l'exception de ceux qui furent dotés d'une vue pénétrante grâce à cette belle, cette sublime révélation. Dis: ces versets attirent les coeurs purs vers ces mondes spirituels qu'on ne peut ni exprimer en mots ni suggérer par allusions. Bénis soient ceux qui prêtent l'oreille." (Kitab-i-Aqdas, paragraphe 115-6)

Et à nouveau:

Enseignez à vos enfants les versets révélés du ciel de majesté et de pouvoir, afin qu'ils puissent réciter les tablettes du Très-Miséricordieux, avec les intonations les plus mélodieuses, dans les salles des Mashriqu'l-Adhkars. Quiconque a été transporté par l'ivresse née de l'adoration de mon nom, le Très-Compatissant, récitera les versets de Dieu de telle sorte qu'il captivera les coeurs de ceux qui sont encore plongés dans le sommeil. Heureux celui qui, en mon nom - un nom par lequel les hautes montagnes majestueuses furent réduites en poussière - a bu à longs traits le vin mystique de la vie éternelle dans les paroles de son Seigneur miséricordieux." (Kitab-i-Aqdas, paragraphe 150)

Nous constatons que Baha'u'llah conseille vivement à ses disciples d'avoir des services de prières dans le Mashriqu'l-Adhkar à l'aube, un moment qui est tout particulièrement propice à l'élévation spirituelle. Aux premiers temps de la Foi, lorsque les circonstances sociales en Perse le permettaient et que, dans leur travail, les gens avaient des horaires flexibles, les croyants se réunissaient souvent, avant l'aube, chez un baha'i pour prier et lire les Écrits de Baha'u'llah. Sans nul doute, dans le futur, lorsque l'ordre mondial de Baha'u'llah sera complètement établi et que dans toutes les villes un nombre suffisant de maisons d'adoration baha'ies sera érigé, un nouveau schéma social émergera qui régulera la vie de l'homme dans des sphères comme le travail, le repos, les loisirs et le service à la cause, lui permettant ainsi de se lever avant l'aube et de s'engager dans la louange et la glorification de Dieu. Cela engendrera un équilibre qui se créera entre ses besoins spirituel et physique.

Les activités spirituelles d'une société future graviteront principalement autour de l'institution du Mashriqu'l-Adhkar lui-même, tandis que ses activités humanitaires et administratives seront concentrées sur un groupement d'institutions comme dépendances construites autour de l'édifice. Celles-ci comprendront, selon 'Abdu'l-Baha, hôpitaux, orphelinats, universités, hôtels et institutions similaires. Les enseignements de Baha'u'llah unissent toujours ensemble les valeurs spirituelle et humaine. Comme l'équilibre qui existe entre l'âme et le corps, la foi baha'ie préconise l'observation des lois spirituelle et physique qui seules peuvent garantir le bien-être de l'homme. Le Mashriqu'l-Adhkar, et ses dépendances, pourvoient cet équilibre dans la communauté. L'un est le centre des forces spirituelles générées à travers la prière et la louange à Dieu, l'autre, les institutions de service social, le point central d'amour et de compassion de tous les secteurs de l'activité humaine.

Shoghi Effendi explique, dès 1929, dans une lettre aux baha'is américains qui à l'époque étaient engagés dans la construction de la première maison d'adoration baha'ie du monde occidental, quelques traits saillants du Mashriqu'l-Adhkar.

On devrait garder à l'esprit que l'édifice central du Mashriqu'l-Adhkar autour duquel avec le temps, seront groupées des institutions de services sociaux, comme celles qui apportent le soulagement au souffrant, le soutien au pauvre, l'abri au voyageur, la consolation à l'affligé et l'éducation à l'ignorant, devrait être considéré en-dehors de ses dépendances, comme une maison uniquement conçue et entièrement dédiée à l'adoration de Dieu en accord avec les quelques principes établis de manière définitive par Baha'u'llah dans le Kitabu'l-Aqdas. On ne devrait, cependant, pas déduire de cette déclaration d'ordre général, que l'intérieur de l'édifice central sera converti en une agglomération de services religieux conduit conformément, et associé à la procédure traditionnelle en vigueur dans les églises, mosquées, synagogues et autres temples d'adoration; Ses différentes routes d'accès, toutes convergeant vers le foyer central situé sous le dôme, ne serviront pas d'accès à ces adhérents sectaires de systèmes rigides et de croyances fabriquées par les hommes, où chacun incline, à sa façon, à observer ses rites, réciter ses prières, pratiquer ses ablutions et exhiber les autres symboles particuliers à sa foi, à l'intérieur de sections délimitées distinctement de la maison d'adoration universelle de Baha'u'llah. Loin du Mashriqu'l-Adhkar, l'idée d'offrir un tel spectacle d'observances et de rites sectaires incohérents et confus, une condition totalement incompatible avec les stipulations de l'Aqdas et inconciliable avec l'esprit qu'il inculque, la Maison d'adoration baha'ie centrale, enchâssée à l'intérieur du Mashriqu'l-Adhkar, réunira uniquement à l'intérieur de ses murs empreints d'une atmosphère de sérénité spirituelle, ceux qui, rejetant pour toujours les fioritures des cérémonies élaborées et ostentatoires, seront des adorateurs enthousiastes du seul vrai Dieu, manifesté en cette époque en la personne de Baha'u'llah. Pour eux, le Mashriqu'l-Adhkar symbolisera la vérité fondamentale sous-jacente de la foi baha'ie, la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, cette révélation divine n'est pas finale mais progressive. Leur conviction sera qu'un père qui, dans le passé et à différents stades de l'évolution humaine a envoyé ses prophètes comme porteurs de sa lumière à l'humanité, ne peut, à ce moment critique de leur civilisation, refuser à ses enfants la "providence divine" dont ils ont cruellement besoin au milieu de l'obscurité qui les entoure et que ni la lumière de la science, ni celle de l'intellect humain et de la sagesse ne pourront réussir à dissiper. Et ayant ainsi reconnu en Baha'u'llah la source d'où provient cette lumière céleste, ils se sentiront irrésistiblement attirés à chercher l'abri de sa maison et à s'y assembler, pour rendre hommage au seul vrai Dieu, l'essence et l'orbe de la vérité éternelle, et pour exalter et magnifier le nom de ses messagers et prophètes qui, depuis des temps immémoriaux jusqu'à notre époque, ont, dans des circonstances diverses et dans une mesure variée, fait miroiter à un monde obscur et indiscipliné la lumière de la providence divine.

Mais, aussi édifiante que soit la conception du culte baha'i, ainsi qu'il est pratiqué dans l'édifice central de ce temple exalté, il ne peut être considéré comme le seul, ni même le facteur essentiel dans le rôle que le Mashriqu'l-Adhkar, tel qu'il est conçu par Baha'u'llah, est destiné à jouer dans la vie organique de la communauté baha'ie. Séparer des activités sociales, humanitaires, éducatives et scientifiques centrées autour des dépendances du Mashriqu'l-Adhkar, le culte baha'i, aussi exalté soit-il dans sa conception, ou quelle que soit sa ferveur passionnée, ne pourra jamais espérer atteindre plus que les maigres résultats souvent transitoires produits par la contemplation de l'ascète ou la communion de l'adorateur passif. Elle ne peut procurer une satisfaction durable et bénéfique à l'adorateur lui-même, encore moins à l'humanité en général, sauf au moment où il est traduit et transfusé dans le service dynamique et désintéressé à la cause de l'humanité que les dépendances du Mashriqu'l-Adhkar ont le suprême privilège de permettre et de promouvoir. Les efforts, aussi désintéressés et acharnés soient-ils, de ceux qui à l'intérieur de l'enceinte du Mashriqu'l-Adhkar seront engagés dans l'administration des affaires de la fédération baha'ie future, ne pourront ni fructifier ni prospérer, à moins qu'ils ne soient mis en communion immédiate et quotidienne avec ces agences spirituelles tournant autour et rayonnant de ce lieu saint central, le Mashriqu'l-Adhkar. Seule l'interaction directe et constante entre les forces spirituelles émanant de cette Maison d'adoration gravitant autour du coeur du Mashriqu'l-Adhkar et les énergies consciencieusement déployées par ceux qui administrent ses affaires dans leur service à l'humanité pourront éventuellement fournir l'intermédiaire nécessaire capable d'ôter les maux qui ont affligé depuis si longtemps et si grièvement l'humanité. Car c'est sans aucun doute sur la conscience de l'efficacité de la révélation de Baha'u'llah, renforcée d'un côté par la communion spirituelle avec son esprit et d'un autre côté par l'application intelligente et l'exécution fidèle des principes et des lois qu'il a révélées que dépend en dernier ressort le salut d'un monde en travail. Et de toutes les institutions qui sont associées à son saint Nom, il est certain que rien d'autre que l'institution du Mashriqu'l-Adhkar ne peut d'une manière plus adéquate fournir l'essentiel des adorations et services baha'is, tous deux si vitaux pour la régénération du monde. En cela repose le secret de la noblesse, de la puissance et de la position unique du Mashriqu'l-Adhkar comme étant l'une des extraordinaires institutions conçues par Baha'u'llah. (cité dans The Baha'i World, vol III, p.159-63)

La Maison baha'ie d'adoration est un bâtiment à neuf côtés, symbolisant le nombre de Baha. Baha'u'llah a interdit d'y exposer des tableaux ou des statues dans ces murs, et comme il n'y a pas de clergé dans la Foi, il ne doit pas y avoir de sermons. Une autre interdiction est l'usage des instruments de musique. Seule la voix humaine peut être entendue lisant ou chantant les paroles de Dieu et glorifiant son Nom.

- La prière prescrite:

Le culte baha'i ne se limite pas à un service dans le Mashriqu'l-Adhkar. Une des ordonnances de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas est la prière prescrite journalière. Il est prescrit à chaque croyant, dès l'âge de quinze ans, d'observer ce commandement dans l'intimité de sa propre chambre. C'est là, l'un des rituels de la foi de Baha'u'llah. Mais aucun individu ou institution de la Foi n'a le droit d'imposer cette loi. Le croyant seul est responsable devant son Dieu de cet acte de dévotion envers lui. En disant la prière prescrite journalière, on doit accomplir tous ses rites y compris se tourner vers la Qiblih * du monde baha'i.

*[nota: littéralement: le point d'adoration. Le Tombeau de Baha'u'llah est la Qiblih vers laquelle tous les baha'is du monde doivent se tourner pour dire leurs prières prescrites]

Baha'u'llah a révélé trois prières prescrites pour l'individu et lui a enjoint d'en réciter une chaque jour. Elles sont appelées prières prescrites longue, moyenne et courte. Dans les deux premières, Baha'u'llah a ordonné certaines prosternations qui sont destinées à augmenter la dévotion et la servitude de l'homme envers son Créateur.

Afin de pouvoir apprécier la signification de ces actions, souvenons-nous que la personnalité humaine de la Manifestation de Dieu influence la forme de la religion qu'il fonde. Nous avons discuté de ce thème dans un volume précédent (voir vol.1). Pour citer un exemple: nous savons que la parole de Dieu dans sa plus profonde réalité est exaltée au-dessus et indépendante de tout langage. Elle émane du royaume de la révélation (voir vol.2), et comme telle elle est illimitée dans sa puissance et très éloignée du monde matériel. Cependant, cette entité spirituelle est revêtue du manteau de "la langue parlée" qui est limitée et appartient au monde de l'homme. C'est l'une des façons par laquelle la personnalité de la Manifestation de Dieu affecte la forme de la religion. Étant donné que Baha'u'llah était natif de Perse, la Parole de Dieu a été révélée dans les langues persane et arabe. Si la personne de la Manifestation de Dieu avait été native d'un autre pays, la parole révélée aurait assumé une forme totalement différente.

L'effet de la personnalité de la Manifestation sur sa religion n'est pas limité à son influence sur la parole de Dieu. Elle affecte presque chaque caractéristique de cette religion. Les prosternations ordonnées dans les prières prescrites en fournissent un exemple, car ces rites religieux importants ont été formulés et, jusqu'à un certain point, influencés par la personnalité de Baha'u'llah. Ces prosternations sont prévues pour traduire symboliquement l'attitude de l'homme envers son Seigneur. L'association des paroles prononcées et des actions qui les accompagnent apporteront une plus grande conscience de la souveraineté de Dieu, de l'impuissance et de la pauvreté de l'homme en cette vie.

La forme que ces actions prennent, cependant, est basée sur les propres origines personnelles de Baha'u'llah. Dans la société où il a été éduqué, la langue était le persan et il y avait certaines expressions qui étaient transmises par le mouvement de la main ou du corps. Semblable à l'usage de la langue persane dans la révélation des Paroles de Dieu, Baha'u'llah a incorporé ces mouvements, qu'il connaissait, pour exprimer d'une manière symbolique divers sentiments tels que l'humilité, la supplication et la servitude à Dieu.

Chaque culture a son propre langage et coutumes. La personne de la Manifestation de Dieu, du point de vue humain, s'en tient à son environnement propre. Il s'exprime comme le reste de ses concitoyens. Dans la culture persane, il était coutumier de lever ses mains vers le ciel lorsqu'on supplie le Seigneur, ou de s'incliner en signe d'humilité ou de se prosterner devant son Dieu pour exprimer devant lui l'anéantissement le plus total. Baha'u'llah a incorporé ces actions dans les prières prescrites afin d'augmenter l'ardeur et la dévotion du serviteur lorsqu'il prie son Seigneur et pour démontrer en paroles et en actions, la noblesse, la grandeur et la gloire de Dieu, tout en reconnaissant son propre rang de servitude à son Seuil.

Baha'u'llah a attaché la plus grande importance à la prière prescrite. 'Abdu'l-Baha dans l'une de ses tablettes (n°4 cité par Fadil-i-Mazindarani, Amr Va Khalq, vol. 4, p.92) la décrit comme étant la "cause de la vie spirituelle" pour l'individu. Dans une autre tablette, (n°5 idem p.93)il déclare que l'observation de l'ordonnance de la prière prescrite est de rigueur pour tous, et qu'aucune excuse n'est acceptable, si ce n'est lorsque la personne est mentalement dérangée ou est confrontée à des circonstances extraordinaires. Mis à part les prières prescrites, qui sont ordonnées à tous les croyants, il y a de nombreuses prières révélées par le Bab, Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha qui sont de nature différente et dont la récitation ne constitue pas un rite religieux. Leur récitation est volontaire et elles peuvent être dites chaque fois que l'individu en exprime le désir, que ce soit en privé ou en public.

Dans l'islam, il est coutumier de dire la prière prescrite en congrégation. Baha'u'llah a interdit de telles prières en congrégation, excepté pour les morts. À l'encontre de la prière prescrite qui doit être récitée en privé, la prière spéciale pour les morts doit être récitée en congrégation. Nous remarquons ici la différence entre les prières ordinaires révélées par le Bab, Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha, qui peuvent être récitées en public, et la prière prescrite pour les morts qui est l'un des rites de la foi baha'ie, dont Baha'u'llah a permis la récitation en public. Le terme "en congrégation" peut susciter une mauvaise compréhension car il peut suggérer que toute l'assemblée doit se joindre à l'unisson pour réciter la prière. Mais il n'en est rien. La prière pour les morts doit être récitée par une personne en présence de l'assemblée.

Le travail comme forme d'adoration

Une autre forme d'adoration que Baha'u'llah a ordonnée dans le Kitab-i-Aqdas est le travail de l'individu, lorsqu'il est fait dans un esprit de service à l'humanité. Cet enseignement est unique dans l'histoire des religions et est une source de progrès spirituel et matériel.

Il est enjoint à chacun d'entre vous d'exercer une activité telle que l'artisanat, le commerce ou toute autre occupation similaire. Nous avons gracieusement élevé votre engagement dans un tel travail au rang de culte rendu à Dieu, le Véritable. Méditez en vos coeurs la bienveillance et la bonté de Dieu, et rendez lui grâce à l'aube et au crépuscule. Ne dissipez pas votre temps dans l'oisiveté et l'indolence. Occupez-vous de ce qui sera profitable pour vous et les autres. Ainsi en a-t-il été décidé dans cette tablette à l'horizon de laquelle apparaît resplendissante, l'étoile du jour de la sagesse et de la parole.

Les plus méprisables des hommes pour Dieu sont ceux qui vivent dans l'oisiveté et qui mendient. Saisissez-vous de la corde des ressources matérielles tout en mettant votre entière confiance en Dieu, le Dispensateur de toutes ressources. L'artisanat ou le commerce en soi sont considérés par Dieu comme des actes d'adoration de la part de ceux qui les exercent ; et ceci n'est rien d'autre qu'un signe de son infinie et universelle bonté." (Tablettes de Baha'u'llah p.26)

Bien que l'adoration de Dieu soit la tâche primordiale de l'homme, et le but de sa vie, Baha'u'llah déclare cependant dans une de ses tablettes (n°7 Ma'idiy-i-Asamani, vol.4 ; p.33) que si une personne était engagée dans l'adoration de Dieu sa vie durant, mais dépourvue de bonnes actions et privée de ces qualités spirituelles qui aident à promouvoir la cause de Dieu, son acte d'adoration ne lui sera d'aucun bénéfice et ne produira aucun résultat.

- La Fête des dix-neuf jours:

Une autre institution d'importance vitale qui émane du Bab et qui a été confirmée et établie par Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas est la Fête des dix-neuf jours. Chaque mois baha'i *, les membres de la communauté baha'ie prennent part à une fête qui associe les trois caractéristiques importantes de lectures dévotionnelles et prières, de consultation et d'amitié. Baha'u'llah déclare que le but principal de la Fête des dix-neuf jours est de créer l'amour et l'unité dans les coeurs des gens.

*[nota: dans le calendrier baha'i, il y a 19 mois de 19 jours chacun - voir vol.2]

- L'abolition du monachisme et de la confession des péchés:

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah condamne catégoriquement la mendicité et l'ascétisme. Il désapprouve fortement la pratique de se retirer dans la solitude, la mortification de soi et l'infliction de souffrances au corps. Il affirme que de telles actions ne mènent pas au profit spirituel et n'ont pas de mérite aux yeux de Dieu. Nous avons fait référence à ce sujet dans un volume précédent (voir vol.2). Dans de nombreuses tablettes, Baha'u'llah réitère cet enseignement important. Dans le Kalimat-i-Firdawsiyyih (Paroles du Paradis) révélé en l'honneur de Haji Mirza Haydar-'Ali, Baha'u'llah révèle ces paroles:

Ô peuples de la terre ! Vivre retiré du monde ou pratiquer l'ascétisme n'est pas acceptable en la présence de Dieu. Il appartient à ceux qui sont dotés d'intuition et de compréhension d'observer ce qui sera cause de joie et de rayonnement. De telles pratiques sorties du sein des chimères ou issues du ventre de la superstition conviennent mal aux hommes de savoir. Jadis et récemment encore, certains ont habité les grottes des montagnes alors que d'autres ont, la nuit, rejoint les cimetières. Dis: prêtez l'oreille aux conseils de cet Opprimé. Abandonnez les choses qui ont cours parmi vous et adoptez ce que le fidèle Conseiller vous a ordonné. Ne vous privez pas des bienfaits qui ont été créés par amour pour vous. (Tablettes de Baha'u'llah p.73-4)

Dans les Bisharat, (Bonnes-nouvelles) Baha'u'llah enjoint aux moines chrétiens de quitter leurs cloîtres et de vivre une vie de service à l'humanité. Voici ses paroles:

Les actes pieux des moines et des prêtres parmi les disciples de l'Esprit (Jésus) - que la paix de Dieu soit sur eux - sont rappelés en sa présence. En ce jour cependant, qu'ils abandonnent leur vie de solitude et dirigent leurs pas vers le monde ouvert, qu'ils oeuvrent pour leur profit et celui des autres. Nous leur avons donné la permission de se marier afin qu'ils puissent mettre au monde un enfant qui fera mention de Dieu, le Seigneur des choses visibles et invisibles, le Seigneur du trône élevé." (Tablettes de Baha'u'llah p.23-4)

Baha'u'llah, dans maints de ses écrits, décrit le rang exalté de l'homme. Il l'a exhorté à la grandeur de caractère et à tout ce qui accroîtra son honneur et sa dignité. Dans le Kitab-i-Aqdas, il a interdit la pratique de la confession des péchés qui mène à l'humiliation de la personne. Il a, à la place, ordonné que le pécheur se repente vis-à-vis de Dieu et cherche en lui son absolution. Dans une de ses tablettes, il déclare:

Lorsque le pécheur se trouve être totalement détaché et libéré de tout excepté de Dieu, il devrait implorer son pardon et son absolution. La confession publique des péchés et des transgressions n'est pas acceptable, car elle n'a jamais conduit et ne conduira jamais au pardon divin. En outre, une telle confession publique engendre l'humiliation et l'abaissement de la personne, et Dieu - exaltée soit sa gloire - ne souhaite pas l'humiliation de ses serviteurs. Il est en vérité le Compatissant, le Miséricordieux. Le pécheur devrait, seul face à Dieu, implorer la grâce de l'océan de miséricorde, demander le pardon des Cieux de la générosité et dire:

Ô Dieu, mon Dieu ! Je t'implore par le sang de tes vrais adorateurs, si ravis par ta douce parole qu'ils se sont hâtés vers le pinacle de la gloire, lieu du très glorieux martyre, et je te supplie, par les mystères qui sont enchâssés dans ta connaissance et par les perles précieusement gardées dans l'océan de ta bonté, de m'accorder ton pardon, ainsi qu'à mon père et à ma mère. De ceux qui font preuve de miséricorde, tu es en vérité le plus miséricordieux. Il n'est point d'autre Dieu que toi, Celui qui toujours pardonne, le Très-Généreux.

Ô Seigneur ! Tu vois cette essence du péché se tourner vers l'océan de tes faveurs, le faible rechercher le royaume de ta divine puissance et le pauvre se tourner vers l'étoile du jour de ta richesse. Par ta miséricorde et par ta grâce, ne le désappointe pas ô Seigneur et ne l'exclus pas des révélations de ta bonté en tes jours, ne lui ferme pas la porte que tu as grande ouverte à tous ceux qui vivent dans tes cieux et sur ta terre.

Hélas ! hélas ! Mes péchés m'ont empêché d'approcher la cour de ta sainteté, et mes offenses m'ont obligé à errer loin du tabernacle de ta majesté. J'ai commis ce que tu m'avais interdit de faire et j'ai ignoré ce que tu m'avais ordonné d'observer.

Je te prie, par celui qui est le Seigneur souverain des noms, de consigner pour moi, par la plume de ta bonté, ce qui me permettra de m'approcher de toi et me lavera de mes péchés qui se dressent entre ton pardon, ton absolution et moi.

Tu es en vérité le Puissant, le Généreux. Il n'existe nul autre Dieu que toi, le Fort, le Clément." (Tablettes de Baha'u'llah p.24-25)

Une autre pratique dénoncée par Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas et qui lui répugne est celle de se servir de la religion et de l'adoration de Dieu pour son avancement personnel. Dans le passé, d'innombrables hommes se sont servis du manteau de la religion pour prendre le pouvoir. Des personnes ambitieuses se faisaient passées pour des hommes saints afin de gagner le respect de la communauté. En ce jour aussi, ils sont nombreux ceux qui font de même. Aujourd'hui les véritables significations de piété et de sainteté ont été perdues et, à la place, ces mots sont souvent devenus la marque de fabrique de l'hypocrite déguisé sous le vêtement de la religion, prétendant être un homme saint, tandis que ses actions et sa vie privée diffèrent largement de ses paroles.

Par exemple, en Perse, le berceau de la Foi de Baha'u'llah, de nombreuses personnes ont été menées à croire que l'un des signes de la spiritualité et de la sainteté est pour un chef religieux de marmonner les paroles du Coran en marchant au milieu des gens. On voit souvent dans les rues, les membres du clergé remuant les lèvres, prétendant réciter des prières. Baha'u'llah a interdit cette pratique dans le Kitab-i-Aqdas. Une autre forme d'hypocrisie, courante parmi de nombreuses personnes en Perse au début de la Foi, était de se marquer le front de l'impression permanente d'un petit carreau * de prières pour afficher leur piété devant les gens. Lorsque l'ignorant et le fanatique voyaient ce front enflé, ils étaient transportés d'adoration pour un soi-disant saint homme qui avait passé tellement de son temps en prières se prosternant si fréquemment sur le dur carreau de prières qu'un cal s'était formé sur son front ! Il y a de nombreuses personnes religieuses qui avec un motif pur vivent une belle vie, mais l'hypocrisie associée à ceux qui prétendent être pieux et saints est très répandue.

*[nota: le fidèle musulman priant dans une mosquée, accomplit certaines prosternations. L'une d'elles est se prosterner, l'adorateur s'allonge alors le visage tourné vers le sol en signe de soumission et d'humilité. Les musulmans chiites ont coutume, lorsqu'ils s'allongent en signe de prosternation, de placer leur front sur un petit carreau supposé être fabriqué des saintes poussières recueillies dans les environs de l'un de leurs tombeaux]

Dans ses enseignements, Baha'u'llah place une importance primordiale sur la pureté de motif et la sincérité dans les pensées et les actions de chacun. Dans le Kitab-i-Aqdas, il énumère certaines des vertus qui doivent orner l'âme humaine:

"Ornez vos têtes des couronnes de l'honnêteté et de la fidélité, vos coeurs de la parure de la crainte de Dieu, vos langues de la sincérité absolue et vos corps du vêtement de la courtoisie. En vérité, ce sont les ornements qui conviennent au temple de l'homme, si vous êtes de ceux qui réfléchissent. Ô peuple de Baha, tenez ferme la corde de la servitude envers Dieu, le Vrai, car, de ce fait, votre condition sera évidente, vos noms inscrits et conservés, votre rang grandi et votre mémoire exaltée dans la Tablette préservée. Prenez garde que les habitants de la terre vous empêchent d'atteindre ce rang glorieux et exalté. Nous vous avons ainsi exhorté dans la plupart de nos épîtres, comme nous le faisons dans celle-ci, notre Sainte Tablette sur laquelle a rayonné le soleil des lois du Seigneur votre Dieu, le Puissant, le Très-Sage." (Kitab-i-Aqdas, paragraphe 120)

Dans les Paroles Cachées, il réprimande les oulémas en ces paroles:

Ô vous qui êtes sots et cependant, passez pour sages ! Pourquoi prenez-vous l'apparence de bergers, alors qu'au fond, vous êtes devenus des loups acharnés contre mon troupeau ? Vous êtes comme l'étoile qui précède l'aurore, elle paraît brillante et lumineuse alors qu'elle égare les voyageurs de ma cité sur les chemins de perdition (Paroles Cachées en persan, p.43, n°24)

Ô vous qui paraissez justes, mais qui au fond êtes perfides !

Vous êtes comme une eau claire et amère apparemment pure comme du cristal, mais le divin Dégustateur n'en accepte aucune goutte. Certes, le rayon de soleil tombe sur la poussière comme sur le miroir, mais leur reflet diffère comme diffère l'étoile de la terre ; immense est la différence ! (Paroles Cachées en persan, p.43, n°25)

Dans un autre passage, il indique que dans cette "dispensation" rien sauf les pures actions seront acceptables par Dieu:

Ô mes amis !
Éteignez la lampe de l'erreur et allumez en votre coeur le flambeau éternel de la providence divine. Car bientôt, en la sainte présence de l'Adoré, les juges de l'humanité n'accepteront plus que la pure vertu et les actes d'une sainteté immaculée." (Paroles Cachées en persan, p.49, n°35)

- La santé et la médecine: Lawh-i-Tibb (Epître de la médecine)

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah déclare que Dieu a créé les moyens pour la réalisation de chaque chose dans cette vie. Il conseille vivement aux gens de s'en servir. Par exemple, il indique à ses disciples de consulter un médecin qualifié en cas de maladie. Dans cet exemple, la médecine est le moyen par lequel une personne malade peut se rétablir de sa maladie. De même, il y a des moyens par lesquels l'homme peut surmonter sa pauvreté, son ignorance ou tout autre problème.

Naturellement, la prière joue un rôle important dans la vie d'un homme, mais la prière sans action a peu ou pas d'effet du tout. Les deux doivent aller la main dans la main. En adhérant aux moyens pour réaliser un but, et en puisant par la prière dans le pouvoir de Dieu, les efforts seront couronnés de succès. La personne malade devrait suivre les conseils d'un médecin qualifié en prenant le remède et en même temps en priant pour la guérison.

Baha'u'llah a clairement déclaré que, par la prière, le malade peut guérir de sa maladie, et a révélé plusieurs prières de guérison ; mais il n'a pas fait de l'approche spirituelle de la guérison une alternative à l'ordonnance du médecin. Afin de pouvoir accentuer ce point, Baha'u'llah dans la plupart des cas a enjoint à ses compagnons lorsqu'ils étaient malades de chercher les conseils d'un médecin au lieu de les guérir grâce à ses pouvoirs divins. Il leur a aussi dit de prier pour le malade et lorsque les membres de sa propre famille sont tombés malades, il demandait à un docteur de venir.

Nous devons aussi observer que, alors que Baha'u'llah accentue l'importance des prières pour le malade, il ne préconise aucune autre méthode de guérison spirituelle telle que celles pratiquées par les guérisseurs ou autres semblables praticiens. En réponse à une question posée par une personne, Shoghi Effendi écrit par l'intermédiaire de son secrétaire:

Il n'existe pas de concepts tels que guérisseur baha'i ou un genre de guérison baha'ie. Dans son Très-Saint Livre (l'Aqdas) Baha'u'llah nous dit de consulter les meilleurs médecins, en d'autres termes des docteurs qui ont étudié un système scientifique de médecine ; il ne nous a jamais laissé supposer que lui-même nous guérirait grâce à des "guérisseurs", mais plutôt par la prière et l'aide de la médecine et de traitements reconnus." (lettre 8 juin 1948)

Baha'u'llah enseigne que la science de la médecine et l'art de la guérison doivent être développés. 'Abdu'l-Baha a déclaré que, dans le futur, la science de la médecine sera tellement perfectionnée que la plupart des maladies seront traitées par la nourriture, les herbes et les remèdes naturels. Bien que cela ne soit pas la mission principale de Baha'u'llah de donner des instructions sur des affaires traitant de nourriture et de santé - un rôle qui doit être joué en ce jour par la science - il a néanmoins donné des conseils fondamentaux sur la diète et l'hygiène.

Dans l'épître connue sous le nom de Lawh-i-Tibb (épître de la médecine) révélée en l'honneur de Aqa Mirza Muhammad-Riday-i-Tabib, un médecin de Yazd, Baha'u'llah préconise le traitement médical lorsque cela est nécessaire, recommande de traiter le patient d'abord par la diète et puis de n'avoir recours à la médicamentation que si celle-là a été inefficace. Dans cette épître, il énumère quelques-uns des principes de base pour préserver une bonne santé et donne quelques conseils de diététique *. Il fait aussi ressortir l'importance pour une bonne santé, du contentement en toutes circonstances, affirme que le chagrin et la tristesse causeront les plus grandes souffrances à l'homme et met en garde contre la jalousie qui consumera le corps tandis que la colère brûle le foie.

*[nota: nous ne parlerons pas de ces conseils ici car cela ouvrirait certains sujets médicaux importants qui sont au-delà de la portée et du but de ce livre]

Dans cette épître, Baha'u'llah exhorte le médecin à guérir le patient en se tournant d'abord vers Dieu et en recherchant son aide et puis de prescrire le remède. Il affirme qu'un médecin qui l'a reconnu et qui est devenu empli de son amour exercera une telle influence que sa simple visite rendra la santé au patient.

Certes, Aqa Mirza Muhammad-Rida pour qui cette épître fut révélée vivait en accord avec ces idéaux élevés. Haji Muhammad Tahir-i-Malmiri écrit à son sujet:

L'un des premiers croyants a embrassé la Foi lorsque Siyyid Yahyay-i-Darabi, appelé Vahid (voir vol.1, Annexe III) se rendit à Yazd, fut Aqa Mirza Muhammad-Riday-i-Tabib. C'était un médecin qualifié et distingué, et la personnification de la grâce et de la ténacité. La Plume du Très-Haut révéla Lawh-i-Tibb en son honneur. Dans cette épître exaltée, Baha'u'llah déclare que la simple visite d'un médecin qui a bu du vin de son amour guérira le patient. Mirza Muhammad-Rida était véritablement l'accomplissement de ces paroles de Baha'u'llah. Il guérissait le malade en lui administrant des remèdes très simples. Vraiment, il possédait des qualités merveilleuses qui faisaient de lui une personne très spéciale dans la communauté du Plus-Grand-Nom. En raison de sa grande piété, il fut extrêmement troublé lorsque Mirza Yahya brisa l'Alliance. Il en devint perplexe et abasourdi ; et, pendant un certain temps, il fut même indécis dans la Cause. Puis ce fut comme si la divine Providence avait envoyé Mulla Zaynu'l-'Abidin, natif de Najafabad (Baha'u'llah l'avait dénommé Zaynu'l-Muqarribin - voir vol.1) à Yazd afin de calmer son agitation et de chasser ses doutes.

Zaynu'l-Muqarribin demeura d'abord chez ce serviteur dans le quartier de Malamir, mais lorsqu'il apprit l'intense angoisse et la détresse auxquelles Mirza Muhammad-Rida était assujetti, il changea de résidence et à la place habita chez lui. En conséquence, Mirza Muhammad-Rida a pris entièrement conscience des détails de la révélation de Baha'u'llah *. Par la suite, il reçut de nombreuses épîtres de la Plume du Très-Haut, et il servit la Foi de Baha'u'llah avec dévouement et amour jusqu'à la fin de sa vie. Il avait approximativement quatre-vingts ans lorsqu'il mourut. (n°16 - Mémoires non publiées)

*[nota: au début de la Foi, en l'absence de véritable communication, les babis étaient facilement induits en erreur par les rumeurs et la fausse propagande. Il n'y avait rien de plus rassurant que de rencontrer ceux qui étaient véritablement savants et qui avaient une connaissance de première main de la révélation de Baha'u'llah]

Dans Lawh-i-Tibb, Baha'u'llah fait l'éloge de la science de la médecine comme étant la plus méritoire de toutes les sciences, et déclare que c'est le moyen que Dieu a créé pour le bien-être de l'humanité. Et c'est à la fin de cette épître qu'il révèle une de ses plus célèbres prières de guérison.

Ton nom est ma guérison, ô mon Dieu et ton souvenir mon remède. Ta présence est mon espoir et mon amour pour toi mon compagnon. Ta miséricorde est ma guérison et mon secours en ce monde et dans l'autre. En vérité, tu es le Très-Généreux, l'Omniscient, l'infiniment Sage. (Livre de prières, MEB, 2004, p.79, n°2)

Dans cette épître, Baha'u'llah souligne l'importance du courage et de la fermeté en sa Cause ainsi que la sagesse dans son enseignement. Il affirme que si les croyants avaient fidèlement exécuté ses commandements, la majorité des peuples du monde aurait embrassé sa foi à son époque.

Aucune référence à la médecine et à son rôle de guérison ne serait complète sans mentionner le pouvoir du Saint-Esprit qui est exclusivement réservé aux Manifestations de Dieu, un pouvoir qui peut guérir sans moyens physiques. C'est le pouvoir que le Christ possédait et que Baha'u'llah manifeste complètement en ce jour. Il y eut de nombreuses occasions où Baha'u'llah ou 'Abdu'l-Baha, à qui les mêmes pouvoirs étaient conférés, apportèrent une guérison miraculeuse à une personne lorsque les docteurs avaient échoué.

Bien que Baha'u'llah ait interdit à ses disciples de lui attribuer des miracles, néanmoins il y a de nombreux récits laissés à la postérité par ses disciples, décrivant les circonstances dans lesquelles il guérissait les incurables ou ressuscitait les morts. Nous avons décrit un cas semblable dans le précédent volume (voir vol.1). Mais aucun de ces actes surnaturels ne furent considérés par ses disciples comme étant une preuve de la vérité de sa Cause, car cela équivaudrait à l'abaissement de son rang exalté.

'Abdu'l-Baha possédait aussi ce pouvoir. Le Dr Yunis Khan *, un secrétaire brillant et de confiance de 'Abdu'l-Baha et l'un des Hérauts de l'alliance de Baha'u'llah écrivit dans ses mémoires un intéressant récit.

*[nota: pour un bref récit de sa vie et son service à la Cause, voir The Baha'i World, vol. XII, p.679-81. Le titre "Héraut de l'Alliance" était parfois donné par 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi à des promoteurs exceptionnels de l'Alliance]

Ce qui suit est un résumé de ses réminiscences:

J'ai entendu de nombreuses fois 'Abdu'l-Baha parler au sujet de la médecine: il disait que Jinab-i-Kalim (un frère fidèle de Baha'u'llah) s'y connaissait en herbes médicinales et avait l'habitude de s'y exercer. Au début, 'Abdu'l-Baha avait aussi l'habitude de prescrire des médicaments à ceux qui allaient vers lui pour être guéri. Mais par la suite, Baha'u'llah lui ordonna de ne plus donner de conseil aux malades, afin que les croyants se tournent vers la profession médicale et ne prennent pas l'habitude de chercher des avis médicaux auprès de personnes non qualifiées. Ce conseil fut donné par Baha'u'llah pour que son injonction dans le Kitab-i-Aqdas de consulter un médecin habile puisse se réaliser.

Bien que nous sachions tous qu'à cause de ce commandement spécifique dans le Kitab-i-Aqdas, 'Abdu'l-Baha, le guérisseur des maladies spirituelles, ne consentirait pas à prescrire pour une maladie physique, pourtant, chaque fois que le traitement du docteur ne guérissait pas, le patient avait l'habitude de se tourner vers le Maître et suppliait pour sa guérison auprès de celui qui était le Guérisseur de tous les maux. Et comme la nature compatissante de 'Abdu'l-Baha était telle qu'il ne pouvait refuser de l'aide à une personne qui se tournait vers lui, dans ce cas, il employait par principe certains moyens pour guérir le patient. Il faisait cela en offrant certain remède et en donnant ainsi la guérison à la personne. Encore plus surprenant est le fait que tandis que les croyants agissaient avec quelques retenues, le public non-baha'i qui ne connaissait pas la vraie situation le sollicitait plus souvent pour sa guérison et aucun d'entre eux ne le quittait avec le sentiment d'être déçu.

L'un des moyens curatifs qui était à la disposition de 'Abdu'l-Baha et qu'il offrait aux nombreuses personnes malades était une sauce délicieuse faite de grenades. Le fruit avait été cultivé à Acre dans le jardin de Ridvan. À quiconque 'Abdu'l-Baha donnait cette sauce, qu'il soit un croyant ou un non-baha'i, il disait que les grenades avaient poussé sur les arbres du Jardin de Ridvan de Saint-Jean d'Acre, arbres qui avaient été bénis par les yeux de Baha'u'llah. Mais quelles étaient les circonstances qui provoquaient la guérison ? Était-ce grâce à la nature inhérente du patient à être guéri, est-ce que la guérison était le résultat de la sauce, ou était-ce purement grâce à la volonté de 'Abdu'l-Baha ? Je ne connais pas la réponse, mais une chose dont je suis certain, et qui a été prouvée de nombreuses fois est que cette sauce de fruits délicieux était le remède pour beaucoup de maladie ! C'était l'un des sujets souvent discuté entre les croyants dans la Maison des pèlerins.

Une autre prescription que 'Abdu'l-Baha donnait à certaines personnes, était celle de jeûner ou de supprimer certaines nourritures. Mais il y avait une autre méthode dont se servait le guérisseur des maladies spirituelles de l'homme. Et c'était de guérir sans aucun moyen ... Je fus une fois guéri par lui sans moyen matériel. En voici l'histoire:

Je tombai malade pendant le temps où le Dr. Arastu Khan était à Acre et demeurait dans la maison des pèlerins, ... Bien que cette maladie durât depuis longtemps et que la douleur fût intolérable, je ne demandai pas à 'Abdu'l-Baha de me guérir. À la place, je fus soigné par le Dr. Arastu Khan qui se servit de toutes les astuces qu'il connaissait. Mais ma santé ne s'améliorait pas... Une nuit, je ressentis une effroyable douleur qui était au-delà de ce que l'on peut supporter. Tous les pèlerins qui entendaient mes gémissements furent tellement agacés que, bien qu'il fût deux heures après minuit, nous tombâmes tous d'accord d'envoyer Aqa Muhammad-Hasan, le concierge de la maison des pèlerins, chez le Maître pour le supplier de me guérir. Cela fut fait. Je ne sais pas si sa personne bénie dormait ou était éveillée à cette heure-là. La seule chose que je sais est que lorsque Aqa Muhammad-Hasan revint, je dormais profondément. Lorsque, dans l'après-midi, je me réveillai, je n'avais plus de douleur, et dans la soirée je me sentis capable de marcher. J'avais été malade pendant près de vingt-cinq jours et confiné au lit les cinq derniers jours. Durant cette période, j'avais été privé d'aller en présence du Maître. Je marchai donc lentement vers sa maison. Je le rencontrai sur la route où je parvins en sa présence. Il me questionna sur ma santé et déversa ses bontés et sa grâce sur moi. Je sentis que c'était là le moment opportun pour le supplier de m'accorder la guérison complète. Il le fit. Il dit, "Très bien, mais vous devriez faire une saignée, soit en vous servant d'une ventouse ou par phlébotomie." *

*[nota: la ventouse est une vieille méthode de saignée. Une entaille est faite sur une partie du corps, habituellement dans le dos, puis le saignement à lieu en appliquant un récipient en verre le côté ouvert sur la peau formant ainsi un vide partiel qui aide à sucer le sang. La phlébotomie est une autre méthode de saignée, en coupant la veine]

Le mot ventouse m'effraya, et comme un enfant gâté, je haussai les épaules et fis la grimace, pour dire que je ne pouvais supporter ni un couteau ni une ventouse ! Me voyant ainsi, il dit d'une voix amusée, "Bonté divine, Je veux t'envoyer pour faire front aux épées des ennemis et tu as peur d'une ventouse !"

Ayant mon franc-parler et étant connu pour mes habitudes de jaser, je m'aventurais à dire en plaisantant: "Lorsque cela arrivera, Dieu me montrera sa bienveillance ! Mais si je voulais me servir d'une ventouse comme moyen de guérison, pourquoi viendrai-je en votre présence et vous supplier pour ma guérison ? Il sourit... et cela fut mon remède final. Je fus guéri sans aucun moyen matériel. (Khatirat-i-Nuh-Saliy-i-'Akka, p.336)

L'une des injonctions de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas est une propreté impeccable. Il demande à ses disciples de devenir la personnification de la pureté parmi les peuples du monde. Bien que ce commandement de Baha'u'llah se rapporte à la propreté physique, et par conséquent est propice à la dignité et à la distinction de l'homme, il exerce une influence appréciable sur son état spirituel. Car la propreté extérieure est un signe de pureté spirituelle et de vitalité. Dans chaque stade de sa vie, qu'il soit en prison ou en liberté, 'Abdu'l-Baha, l'Exemple des enseignements de Baha'u'llah, vivait en accord avec cet enseignement important. L'une de ses caractéristiques frappantes, auxquelles les amis comme les ennemis ont rendu un hommage élogieux, était sa propreté impeccable et son apparence.

Dans ses Écrits, Baha'u'llah a enjoint à ses disciples une chasteté sans tache pour les hommes comme pour les femmes. Dans le Kitab-i-Aqdas, il réitère cette importante question morale. À une époque où les forces de l'irréligion balayent le monde et où les critères de la moralité déclinent, les enseignements de Baha'u'llah sur la chasteté luisent comme une lumière dans l'obscurité. Les exhortations dans les passages suivants, glanées dans l'une de ses tablettes, démontrent le critère le plus élevé de moralité qu'il inculque à ses disciples:

Dis, il n'est pas du peuple de Baha, celui qui suit ses désirs mondains ou qui fixe son coeur sur les choses terrestres. Celui-là est mon vrai disciple qui, s'il arrive dans une vallée d'or pur, la traverse d'un trait léger comme un nuage, sans jamais se retourner ni s'arrêter. Un tel homme est certainement des miens, de son vêtement, le Concours suprême peut respirer la fragrance de sainteté... Et s'il rencontrait la plus belle et la plus avenante des femmes, il ne laisserait pas séduire son coeur par la moindre ombre de désir pour sa beauté. Un tel homme est en vérité la personnification de la chasteté sans tache. Ainsi vous instruit la plume de l'Ancien des Jours, comme ordonné par votre Seigneur, le Tout Puissant, le Munificent. (18, Cité par SE, L'avènement de la justice divine, p.45)

Ayant passé en revue les Écrits de Baha'u'llah, Shoghi Effendi, le Gardien de la foi baha'ie, a résumé quelques-uns des enseignements de Baha'u'llah sur le sujet. Voici ses conclusions:

Une vie chaste et sainte doit devenir le principe directeur du comportement et de la conduite de tous les baha'is, tant dans leurs relations sociales avec les membres de leur propre communauté que dans leurs rapports avec le monde en général. Elle doit parer et renforcer le travail incessant et les efforts méritoires de ceux dont la position enviable consiste à propager le message et à administrer les affaires de la foi de Baha'u'llah. Elle doit être observée dans toute son intégrité et toutes ses implications, à chaque phase de la vie de ceux qui forment les rangs de la foi, soit dans leurs foyers, soit pendant leurs voyages, aux réunions de leurs clubs et sociétés, lors de leurs divertissements, à leurs écoles et à leurs universités. Une attention particulière doit lui être accordée lors de la réalisation des activités sociales de toute école d'été baha'ie et de toute autre occasion à laquelle la vie communautaire baha'ie s'organise et se développe. Elle doit être intimement et constamment liée à la mission de la jeunesse baha'ie, tant comme facteur de vie communautaire baha'ie que comme facteur du futur progrès et d'orientation de la jeunesse de leur propre pays.

Une telle vie chaste et sainte, avec ses implications de modestie, de pureté, de sobriété, de décence et de pureté de pensée n'implique rien de moins que l'exercice de la modération dans tout ce qui se rapporte aux habits, au langage, aux distractions et à toute occupation artistique et littéraire. Elle demande une vigilance journalière dans le contrôle des désirs sensuels et des inclinations corrompues. Elle réclame l'abandon d'une conduite frivole avec son attachement excessif aux plaisirs futiles et souvent mal dirigés. Elle demande une abstinence totale des boissons alcooliques, de l'opium et de pareilles drogues entraînant l'accoutumance. Elle condamne la prostitution de l'art et de la littérature, les pratiques du nudisme et du concubinage, l'infidélité dans les rapports conjugaux et toutes sortes de promiscuité, de familiarité facile et de vices sexuels. Elle ne peut consentir aucun compromis envers les théories, les standards, les habitudes et les excès d'un âge décadent. Non, bien plutôt, elle cherche à démontrer, par la force dynamique de son exemple, le caractère pernicieux de telles théories, la fausseté de tels standards, le manque de sincérité de telles revendications, la perversité de telles habitudes et le caractère sacrilège de tels excès. (Ibid., p.43)

- Le mariage:

Baha'u'llah a encouragé les personnes à se marier et a affirmé que c'était là une cause de bien être et d'unité entre les enfants des hommes. Dans le Kitab-i-Aqdas, il déclare:

"Unissez-vous par les liens du mariage, ô peuple, afin de pouvoir donner naissance à celui qui me mentionnera..." (Kitab-i-Aqdas, paragraphe 63)

Comme cela est indiqué dans ce passage, le but principal du mariage d'après les enseignements baha'is est la procréation.

Pour promouvoir l'unité et pour éviter les désaccords entre les familles, Baha'u'llah a ordonné qu'après le consentement des deux parties qui est un élément essentiel du mariage, le couple doit aussi obtenir le consentement de leurs parents naturels. Sans cela, le mariage baha'i ne peut avoir lieu. La cérémonie du mariage baha'i est très simple et est une expérience émouvante. Actuellement il est mené sous les auspices des assemblées spirituelles.

Les enseignements baha'is soulignent qu'un véritable mariage est celui qui crée une union entre l'homme et la femme à une échelle physique et spirituelle. Un tel mariage devient une association éternelle et apporte le bonheur et la joie aux coeurs.

'Abdu'l-Baha écrit dans l'une de ses tablettes:

"... Parmi les masses populaires, le mariage est un lien physique et cette union ne peut être que temporaire, puisqu'elle est condamnée d'avance, en dernier ressort, à une séparation physique.
Parmi les disciples de Baha, en revanche, le mariage doit être à la fois une union du corps et de l'esprit car, ici, mari et femme sont tous deux enivrés du même vin ; tous deux sont amoureux du même visage incomparable, tous deux vivent et agissent par le même esprit, tous deux sont illuminés de la même gloire. Cette relation entre eux est d'ordre spirituel et, ainsi, c'est un lien qui demeurera à jamais. Ils jouissent, de la même manière, de liens solides et durables dans le monde physique car ; si le mariage repose à la fois sur l'esprit et sur le corps, cette union est véritable et pourra donc durer. Si, toutefois, le lien est physique et rien de plus, il ne sera assurément que provisoire et doit aboutir, inexorablement, à la séparation.
Ainsi, lorsque des baha'is contractent le mariage, leur union doit être un véritable lien de parenté, une rencontre à la fois spirituelle et physique, afin qu'à tous les stades de leur vie et dans tous les mondes de Dieu, leur union puisse durer. Cette unité véritable est un rayon de l'amour divin..." (Sélection des Ecrits d'Abdu'l-Baha. paragraphe 84)

Et encore:

"Le mariage baha'i est l'engagement de deux parties l'une envers l'autre et leur attachement mutuel sur le plan de l'esprit et du coeur. Chacun doit toutefois veiller, avec le plus grand soin, à se familiariser totalement avec le caractère de son futur conjoint, afin que le pacte qui les reliera soit un lien qui demeure à jamais. Ils doivent avoir pour but de devenir de tendres compagnons, en harmonie l'un avec l'autre jusqu'à la fin des temps...
Dans un vrai mariage baha'i, le mari et la femme doivent être unis à la fois physiquement et spirituellement, afin de pouvoir améliorer toujours davantage leur vie spirituelle réciproque et jouir de l'éternelle unité à travers tous les mondes de Dieu. Tel est le mariage baha'i " (Ibid. paragraphe 86)

- La musique: "Nourriture spirituelle des coeurs et des âmes"

Dans les communautés islamiques, la musique avait été condamnée par le clergé, car il considérait qu'elle prédisposait au plaisir et entraînait l'homme vers la luxure. En Perse, durant les premiers temps de la Foi, les musiciens étaient dénoncés par les chefs religieux comme des agents de Satan. Les stigmates attachés à la musique étaient si déplaisants que les musiciens devaient en public cacher leurs instruments. Par exemple, lors de mariage, les gens devaient observer certains rites religieux en présence du clergé. Mais c'était un secret de polichinelle que les musiciens attendaient dans une autre pièce et lorsque la cérémonie du Mulla était finie et qu'il était parti, ils sortaient pour jouer de leurs instruments et rendre joyeux.

L'histoire suivante sert à illustrer la sévérité avec laquelle le clergé traitait quiconque se permettait cet art.

Dans les bazars de Perse, il y a des boutiques qui vendent des kebab. La viande est placée sur une planche de bois et doit être coupée et puis hachée avec un couteau à couper très gros et très lourd qui habituellement devait être tenu par les deux bouts. Lorsque le couteau à couper frappait la viande sur la planche, cela faisait un bruit très fort. Dans un magasin très animé, il y avait au moins un homme qui était occupé du matin au soir à faire ce travail.

Il y avait un homme dans la cité de Yazd qui travaillait dans cet emploi dans un magasin de ce genre, mais c'était un homme heureux dans son coeur et qui aimait la musique, donc lorsqu'il frappait la planche, il produisait astucieusement un rythme. Quoi que ce ne fut qu'un simple son sourd, c'était attrayant à l'oreille. Ceci, associé au mouvement rythmé de son corps, offrait un spectacle intéressant au passant. Pendant quelque temps, il y eut une controverse sur cet homme et sur sa façon de hacher la viande ! Finalement, l'un des mujtahids (docteur de lois islamiques) de Yazd décida de mettre fin à cet acte sacrilège ! Le pauvre homme fut convoqué et averti qu'il serait sévèrement puni s'il continuait cette pratique.

Dans une telle société, Baha'u'llah déclare dans le Kitab-i-Aqdas que la musique est un moyen par lequel l'esprit de l'homme peut expérimenter l'élévation et la joie. Voici ses paroles dans ce Livre:

Nous avons rendu licite l'écoute de la musique et du chant. Prenez garde, cependant, que cette écoute vous fasse dépasser les limites de la convenance et de la dignité. Que votre joie soit cette joie née de mon Plus Grand Nom, un nom qui ravit le coeur et remplit d'extase les esprits de tous ceux qui se sont approchés de Dieu. En vérité, nous avons fait de la musique une échelle pour vos âmes, qui pourront ainsi s'élever jusqu'au royaume d'en haut ; n'en faites donc point des ailes pour l'égoïsme et la passion. Vraiment, nous répugnons à vous voir comptés au nombre des sots." Vraiment, nous répugnons à vous voir comptés au nombre des sots. (Kitab-i-Aqdas N 51)

Dans nombres de ses tablettes, 'Abdu'l-Baha a aussi fait l'éloge de la musique et du chant. Il écrit dans l'une de celles-ci:

Cet âge merveilleux a écarté les voiles de la superstition et a condamné le préjugé des orientaux. La musique et l'harmonie n'étaient pas approuvées parmi les nations de l'Orient, mais, dans cette glorieuse période, Baha'u'llah, la Lumière manifestée, a révélé, dans de saintes Tablettes, que le chant et la musique étaient la nourriture spirituelle des coeurs et des âmes. Dans cette "dispensation", la musique est l'un des arts qui est hautement approuvé et elle est considérée comme étant la cause de l'exaltation des coeurs tristes et découragés.

Par conséquent... mettez en musique les versets et les paroles divines afin qu'ils puissent être chantés dans les assemblées et les réunions avec une mélodie qui émeut l'âme, et que les coeurs de ceux qui écoutent puissent devenir enthousiastes et s'élever en supplication et en prières vers le Royaume d'Abha." (Baha'i World Faith, p.378)

"Que nul ne s'élève au-dessus des autres"

Dans le Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah censure en termes très forts tous actes de conflits, disputes et violence. Il interdit absolument à ses disciples de s'engager dans quoi que ce soit d'où l'on pourrait détecter l'odeur de la méchanceté ou de la sédition. Il leur conseille de ne jamais planter la graine de la dissension ou de fomenter la discorde parmi les hommes. Les commandements de Baha'u'llah à cet égard sont intransigeants. Il déclare catégoriquement que tout semeur de discorde ou fauteur de trouble n'est pas de lui, et ne peut prétendre avoir fait allégeance à sa Cause.

Baha'u'llah impose l'amour et l'unité envers les peuples du monde sans distinction d'origine. Dans le Kitab-i-Aqdas, il révèle ces paroles:

"Fréquentez toutes les religions dans l'amitié et la concorde, afin qu'elles puissent respirer sur vous les doux parfums de Dieu. Veillez à ce que, parmi les hommes, la flamme de l'ignorance stupide ne vous domine. Toutes les choses procèdent de Dieu et retournent à Lui. Il est la Source de toutes choses et, en Lui, toutes choses finissent." (Kitab-i-Aqdas, paragraphe 144)

Et dans le même livre, Baha'u'llah met en garde ses disciples de ne pas montrer de l'orgueil ou de l'arrogance à qui que ce soit, et leur rappelle que toute l'humanité a été créée de la même substance, et que tous retourneront à la poussière. Il leur conseille donc vivement de ne pas se préférer à leurs voisins, et de ne pas souhaiter pour les autres ce qu'ils ne désirent pas pour eux-mêmes.

Une des interdictions de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas est le commerce des esclaves. Pendant des milliers d'années, les gens prenaient des esclaves. Avec la venue de Baha'u'llah, cependant, Dieu a libéré dans le monde les forces d'unité, et proclamé l'égalité des droits humains. Ceux-ci sont maintenant devenus l'esprit de l'époque et l'humanité a fait un long chemin durant les derniers cent ans, abandonnant la pratique ancestrale de l'esclavage. En interdisant l'esclavage, Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas déclare simplement que ce n'est pas correct pour un homme d'acheter un autre homme. Car tous sont les serviteurs du seul vrai Dieu et sont tous égaux à ses yeux.

Dans les Paroles Cachées, Baha'u'llah admoneste ainsi les peuples du monde:

"Ô enfants des hommes !
Ignorez-vous pourquoi nous vous avons tous créés de la même poussière ? Afin que nul ne s'élève au-dessus des autres. Méditez sans cesse en votre coeur comment vous fûtes créés. Puisque nous vous avons créés d'une seule et même substance, il vous convient d'être comme une seule âme, de marcher du même pas, de manger de la même bouche et de vivre dans le même pays. Ainsi, du plus profond de vous-mêmes les signes de l'unité et l'essence du détachement se manifesteront dans vos actes et vos actions. Tel est mon conseil, ô assemblée de lumière ! Suivez-le afin de cueillir les fruits de sainteté sur l'arbre de gloire merveilleuse." (Les Paroles Cachées en arabe, paragraphe 68)

Et à nouveau:

"Ô frères !
Soyez indulgents les uns pour les autres et ne vous attachez pas aux choses d'ici-bas. Ne soyez pas fiers dans la gloire ni honteux dans l'infortune. Par ma beauté ! J'ai créé toutes choses de la poussière et je les renverrai à la poussière." (Les Paroles Cachées en persan, paragraphe 48)



CHAPITRE 17: Kitab-i-Aqdas - l'Alliance de Baha'u'llah

Dans plusieurs passages du Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah prépara ses disciples pour le moment où il quitterait ce monde et, en ces propres termes, s'élèverait vers ces "autres domaines", domaines "sur lesquels les yeux du peuple des noms ne se sont jamais posés (1 Dieu Passe Près de Nous, p.211) Dans deux de ces passages il y a une indication claire, qu'après son départ, les fidèles doivent se tourner vers le Centre de son Alliance:

"Quand la Colombe mystique, de son sanctuaire de louange, aura pris son vol et cherché son but lointain, sa demeure cachée, adressez-vous pour tout ce que vous ne comprenez pas dans le Livre à celui qui est la Branche issue de cette puissante Souche." (n°2 Kitab-i-Aqdas , paragraphe 174)

Et à nouveau:

"Quand l'océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, tournez votre visage vers celui qui est le Dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette Antique Racine." (3 Synopsis et Codification des Lois et Ordonnances du Kitab-i-Aqdas, paragraphe 121)

Bien que ni dans l'un ni dans l'autre de ces deux passages du Kitab-i-Aqdas, Baha'u'llah n'ait pas explicitement identifié le Centre de son Alliance, cela ne faisait aucun doute dans l'esprit des croyants que Baha'u'llah ne pouvait se référer à personne d'autre qu'à 'Abdu'l-Baha. Baha'u'llah clarifia cette nomination lorsqu'il cite le verset ci-dessus dans son Testament appelé le Livre de son Alliance, et déclare qu'il fait référence à la Très Grande Branche ('Abdu'l-Baha) *.

*[nota: nous parlerons plus longuement de l'Alliance de Baha'u'llah et de son Centre, 'Abdu'l-Baha, dans le prochain volume]

Dans un autre passage du Kitab-i-Aqdas, concernant son ascension *, Baha'u'llah assure ses bien-aimés de son infaillible soutien et de sa confirmation en ces termes:

"Que vos coeurs ne soient point troublés, ô peuples, lorsque la gloire de ma présence se sera retirée et que l'océan de ma parole sera apaisé. Dans ma présence parmi vous se trouve une sagesse, et dans mon absence s'en trouve une autre, impénétrable à tout autre que Dieu, l'Incomparable, l'Omniscient. En vérité, de Notre royaume de gloire Nous vous regardons et, par les armées de l'assemblée céleste et de nos anges favoris, Nous aiderons quiconque se lèvera pour faire triompher Notre cause." (4 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 53)

*[nota: les baha'is font souvent référence à la disparition de Baha'u'llah comme à son ascension. Ceci dignifie l'ascension de son Esprit vers les royaumes spirituels de Dieu]

Non seulement Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas a fait allusion à celui qui serait son successeur immédiat, mais dans ce même livre, il prévoit en la suggérant l'institution du Gardiennat. (Pour plus d'information sur l'institution du Gardiennat†, voir le Testament de 'Abdu'l-Baha, et Shoghi Effendi, La dispensation de Baha'u'llah) Bien que le passage suivant du Kitab-i-Aqdas concerne le Huququ'llah, il indique le modèle de l'évolution de la foi de Baha'u'llah.

"Les dotations consacrées aux oeuvres de bienfaisance reviennent à Dieu, le Révélateur des signes. Nul n'a le droit d'en disposer sans la permission de celui qui est l'Orient de la révélation. Après lui, cette autorité passerait aux Aghsan, et après eux, à la Maison de justice - si elle est alors établie dans le monde - afin qu'ils puissent en user au profit des lieux qui sont exaltés dans cette Cause, et pour tout ce que leur a enjoint Celui qui est le Dieu de puissance et de pouvoir. Sinon, les dotations reviendront au peuple de Baha, ceux qui ne parlent qu'avec sa permission, et qui ne jugent qu'en accord avec ce que Dieu a décrété dans cette tablette - voyez, ils sont les champions de la victoire entre le ciel et la terre - afin qu'ils en usent de la manière indiquée dans le Livre par Dieu, le Puissant, le Généreux." (5 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 42)

Le terme Aghsan (pluriel de Ghusn), signifie littéralement "branches". Baha'u'llah se sert exclusivement de ce terme pour faire référence à sa descendance mâle. Dans le passage ci-dessus ce terme est employé au pluriel ce qui indique que dans sa "dispensation" il y aurait plus d'un Ghusn qui deviendrait le Centre de sa cause. Il s'avère qu'il y en a eu deux, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi, le Gardien de la foi. Dans ce passage, il y a une indication frappante d'une brèche dans la ligne des Aghsan. Il y a aussi des dispositions au cas où cette lignée se terminerait avant que soit instituée la Maison universelle de justice - une situation qui eut effectivement lieu à la disparition du Gardien en 1957. Pendant un peu plus de cinq ans, les Mains de la cause de Dieu gérèrent les affaires de la communauté baha'ie comme custodes de la foi, et en 1963 la Maison universelle de justice fut établie et elle prit en main les rênes de la cause de Dieu.

Il y a un passage émouvant dans le Kitab-i-Aqdas adressé à Mirza Yahya, le demi-frère infidèle de Baha'u'llah. Enfant, il avait très tôt été élevé par Baha'u'llah à l'ombre de la foi du Bab. À chaque étape de sa jeunesse, Baha'u'llah s'occupa de lui, afin qu'il puisse avec dévouement et sincérité, servir la cause de Dieu. Mais, hélas, sa soif du pouvoir l'incita à briser l'alliance du Bab et à se lever en opposition contre la Manifestation suprême de Dieu. Nous avons déjà décrit dans des volumes précédents son ascension et sa chute, ainsi que les souffrances insupportables qu'il infligea à Baha'u'llah.

Malgré les afflictions atroces dont la Beauté bénie souffrit des mains de son demi-frère, il évoque l'enfance de Mirza Yahya dans le Kitab-i-Aqdas, lorsque, en gage de sa générosité, il l'avait élevé afin qu'il puisse devenir un puissant instrument au service de la Cause. Il lui demande de se remémorer les fois où il avait été appelé à venir devant Baha'u'llah et à noter les versets de Dieu qu'il avait révélés, lui conseille de retourner vers Dieu après sa honteuse rébellion contre sa Manifestation, et l'assure que, si maintenant il se repentait et implorait son pardon, Dieu lui pardonnerait toutes ses iniquités.

Ces paroles tombèrent dans l'oreille d'un sourd, et Mirza Yahya, malgré qu'il eût perdu le soutien de son maître, Siyyid Muhammad-i-Isfahani, n'eut aucun repentir. Il survécut à Baha'u'llah de plusieurs années et après avoir été témoin du prestige grandissant de la Foi de Baha'u'llah et de la diffusion de ses lumières dans le monde occidental, il mourut ignominieusement sur l'île de Chypre en 1912.

Un des enseignements les plus importants de Baha'u'llah, peut-être le plus important, est qu'il est strictement interdit aux disciples d'interpréter sa parole. Dans le Kitab-i-Aqdas, il révèle:

"Quiconque interprète ce qui est envoyé du ciel de la révélation et en altère le sens évident fait, en vérité, partie de ceux qui ont perverti la sublime parole de Dieu et qui se sont égarés selon le Livre lumineux." (6 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 105)

Dans d'autres tablettes, il a aussi clairement indiqué que personne n'a le droit d'interpréter, de modifier ou d'altérer sa parole. Comme nous l'avons déjà indiqué, 'Abdu'l-Baha est l'interprète autorisé des paroles de Baha'u'llah ainsi que Shoghi Effendi. La raison pour laquelle ceci est l'enseignement le plus important de Baha'u'llah est que dans les religions du passé, chaque schisme fut causé, en premier lieu, par les différences d'interprétations parmi leurs dirigeants.

Pour essayer de mettre l'accent sur certains des traits distinctifs des enseignements baha'is, particulièrement, ceux que l'on ne retrouve pas dans les autres religions, le remarquable érudit baha'i Mirza Abu'l-Fadl souligne neuf enseignements et s'étend rapidement sur chacun, probablement dans leur ordre d'importance. Les deux premiers se rapportent à ce sujet. Voici une traduction de ses paroles:

Premièrement, un commandement qui est un trait spécifique de la religion baha'ie et que l'on ne trouve pas dans les autres religions est, "s'abstenir de croire aux traditions verbales." Il est bien connu chez les hommes de savoir que ce fut la tradition verbale qui divisa les juifs en deux grandes sectes. De telles traditions sont le fondement du livre du Talmud, et ont été la cause de la division de cette même nation...

De la même façon, dans la religion chrétienne la cause principale du schisme et de la division fut ces traditions verbales qui étaient appelées "autorisées". Chacune des églises chrétiennes, catholiques, orthodoxes, jacobites, nestoriennes et autres, considère comme une obligation de suivre ces traditions, héritées et transmises par les Pères de l'Église, comme étant le texte même du Saint Livre...

Également dans la religion de l'Islam, la proclamation de ces traditions verbales qui, après sa mort furent associées au Fondateur de cette religion, fut la cause de la division et de la séparation en diverses sectes principales.

Chacune de ces religions se raccroche à une série de traditions considérées comme authentiques par leur propre secte.

Mais Baha'u'llah ferma aux peuples du monde cette porte qui est le plus grand moyen de sédition ; car il a clairement annoncé que "dans la religion de Dieu tous les sujets connus peuvent être soumis au Livre et tous les sujets non reconnus dépendent de la décision de la Maison de justice". Ainsi toutes les narrations, relations et traditions verbales ont été désavouées parmi le peuple baha'i et la porte de la dissension, qui est la plus grande des portes de l'enfer, a été fermée et verrouillée.

Deuxièmement: Une des lois et ordonnances particulières de la foi baha'ie est la loi prohibant l'interprétation de la Parole de Dieu. Car l'interprétation des Paroles et la présentation de l'opinion personnelle a été l'un des grands moyens de dissension dans les anciennes religions, la cause de l'obscurcissement de l'horizon de foi et la dissimulation de la véritable signification du Livre de Dieu.

C'est un fait évident que les hommes de savoir diffèrent tous dans leur esprit et par le don naturel de la sagacité et de l'intelligence ou par le manque d'entendement et la compréhension varie chez eux. Ainsi lorsque est ouverte la porte de l'interprétation et de l'altération de la signification apparente de la Parole, des opinions étranges et de curieuses interprétations contradictoires en résultent ; les différentes sectes se lèvent parmi ce peuple et cette communauté religieuse.

Par conséquent, Baha'u'llah a explicitement recommandé à ses disciples d'abandonner complètement la porte de l'interprétation et de suivre, selon leur signification apparente, la Parole révélée dans les tablettes, afin que les événements qui se sont produits parmi les nations du passé ne se reproduisent pas chez le peuple baha'i et que les fâcheux incidents, qui sont apparus chez les différentes sectes à cause de la différence de mentalité et de point de vue, ne deviennent pas manifestes dans ce nouveau jour prometteur qui est le jour du Seigneur glorieux. (7 The Brilliant Proof p.24-6)
- Notre rôle dans l'Alliance:

Le progrès de la cause de Baha'u'llah dépend des actions des croyants. Chaque action pure attire les confirmations de Baha'u'llah qui à leur tour apportent la victoire à la Cause. Mais si l'individu ne fait pas le premier pas, l'assistance de Dieu ne peut pas atteindre la communauté baha'ie. Ceci est l'une des lois irrévocables de l'Alliance de Dieu. Cette Alliance a deux côtés, le coté de Dieu, et celui de l'homme. Le rôle de Dieu dans l'Alliance ne peut pas être confondu avec celui de l'homme. Dieu déverse ses bienfaits et sa grâce sur l'homme, mais l'homme doit faire le pas nécessaire pour les recevoir. S'il n'ouvre pas son coeur et ne se soumet pas, les dons et bontés de Dieu ne peuvent pas l'atteindre. Dans les Paroles Cachées, Baha'u'llah a posé la loi de Dieu en ces termes:

Aime-moi pour que je t'aime. Si tu ne m'aimes pas, mon amour ne pourra jamais t'atteindre. Sache-le, ô serviteur (8 Paroles Cachées en arabe, p.3, n°5)

On pourrait dire dans cette "dispensation" que dans sa générosité, Dieu nous a donné deux choses. L'une est la révélation de Baha'u'llah ; l'autre dérive de la précédente, c'est la personne de 'Abdu'l-Baha qui devint le dépositaire de cette révélation, le Centre de l'alliance, et celle de Shoghi Effendi, le Gardien de sa cause. Ces deux personnages, dons de Dieu à l'homme en ce jour, constituent le côté de l'Alliance se rapportant à Dieu. C'est par ces deux sources qu'en ce jour les généreuses faveurs de Dieu sont octroyées à l'humanité.

Le rôle que l'homme doit avoir est de reconnaître Baha'u'llah comme Manifestation de Dieu, puis d'obéir à ses enseignements. Lorsque l'individu accomplit cela, il a rempli son côté de l'alliance de Dieu. C'est alors que sa foi, son obéissance aux commandements de Dieu et sa vie comme un baha'i attireront les abondantes confirmations d'en haut ; une telle personne apportera la victoire à la cause de Dieu. Ses paroles deviendront créatives et ses actions reflèteront les enseignements et les commandements de Baha'u'llah, il influencera les âmes et émouvra les coeurs des gens.

Haji Mirza Haydar-'Ali, ce grand homme de vision et de compréhension, écrit:

De par leur nature, les hommes sont ignorants, faibles, pécheurs, rebelles et malfaiteurs, tandis que l'autorité, le pouvoir, la souveraineté, le pardon, la souveraineté, la beauté, la grandeur, la majesté et la perfection évoluent tous autour de la volonté de Dieu et de sa Parole. Au point que nous pouvons, par la volonté de Dieu et de ses bontés, nous mettre sous l'ombre de ses faveurs illimitées, nos défauts inhérents, nos caractéristiques animales, nos passions et notre ignorance seront transformés en perfections et en qualités divines, dotant chacun d'une mesure de sainteté, de connaissance, de pouvoir et de tous les dons du Royaume... (9 Bihjatu's-Sudur, p.242-3)

Certes, la plus grande source de force pour un baha'i est de puiser dans le pouvoir de Baha'u'llah. C'est le seul moyen par lequel le croyant peut efficacement promouvoir sa Cause. Le préalable essentiel pour gagner l'accès à cette source inépuisable d'énergie spirituelle est d'avoir foi en Baha'u'llah et de croire de tout son coeur que ce pouvoir existe. Un baha'i ne peut réussir à puiser dans ce puissant réservoir de force céleste, s'il ne croit pas sincèrement que Baha'u'llah est la Manifestation de Dieu en ce jour, et que Lui et Lui seul, est la source de toutes les énergies créées destinées à régénérer les âmes des hommes. Il en est de même dans la nature: comment une personne pourrait-elle se servir d'une quelconque forme d'énergie sans en connaître la source ? Avoir la certitude dans la Foi (voir vol.2) est la première condition du succès pour pouvoir puiser dans la force de Baha'u'llah.

La deuxième condition est de devenir humble et de se considérer comme étant le néant absolu par rapport à Dieu et à sa Manifestation. Pour apprécier ceci, tournons-nous vers les lois de la nature, car les lois et principes de ce monde physique sont semblables à celles du monde spirituel. C'est ainsi, car la création de Dieu dans le monde physique comme dans le spirituel n'est qu'une seule entité. Les lois du royaume inférieur existent dans le royaume supérieur, mais elles sont aussi appliquées à un niveau supérieur. L'énergie peut être générée entre deux points lorsqu'il y a une différence de niveau. L'eau peut s'écouler d'une plaine élevée vers une plaine en contrebas. L'énergie électrique peut être générée lorsque sur le circuit il y a une différence de potentiel entre deux points.

De même, pour puiser dans le pouvoir de Baha'u'llah, le croyant doit assumer une position d'inférieur par rapport au rang élevé de Baha'u'llah. Baha'u'llah peut être comparé au sommet de la montagne, et les croyants à la vallée en contrebas. De la même façon que l'eau s'écoule du haut de la montagne vers la vallée, les énergies de la révélation de Baha'u'llah et les signes de son pouvoir et de sa puissance peuvent atteindre un baha'i qui se tourne vers lui dans un esprit de véritable humilité et servitude. Les écrits des personnages centraux de la Foi portent d'abondants témoignages de ce principe fondamental qui gouverne la relation entre l'homme et son Créateur. Dans les Paroles Cachées, Baha'u'llah prescrit: ('Sois humble devant moi afin que je vienne vers toi avec bienveillance... (10 Paroles. Cachées en arabe n°42). Lorsque le croyant assume la position d'humilité et d'absolu néant envers son Dieu, il aura hâte de communier avec lui dans un esprit de prière, une prière qui est sans désir et "transcende le murmure des syllabes et des sons", une prière de louange et de glorification de Dieu.

Avoir la foi, être humble et élever la voix en prière et en glorification de Dieu, ne sont pas des préalables suffisants pour puiser au pouvoir de Baha'u'llah. Il y a encore une autre condition vitale que l'individu doit remplir, à savoir se lever pour servir la Cause. S'il n'agit pas, les canaux de grâce resteront fermés, et quelle que soit la quantité de dévotion à Baha'u'llah et l'humilité devant lui rien ne pourra relâcher les pouvoirs célestes. L'acte même de se lever pour servir attirera les confirmations de Baha'u'llah. Baha'u'llah assure ses disciples dans de nombreuses tablettes que, s'ils se lèvent avec foi et dévouement pour promouvoir sa Cause, les armées invisibles de ses confirmations descendront sur eux et les rendront victorieux. Le passage suivant tiré du Kitab-i-Aqdas est l'une de ses déclarations parmi tant d'autres:

"En vérité, de notre royaume de gloire, nous vous regardons et, par les armées de l'assemblée céleste et de nos anges favoris, nous aiderons quiconque se lèvera pour faire triompher notre cause." (11 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 53)

La croyance que le pouvoir de Baha'u'llah peut par lui-même réaliser la promotion et l'établissement de la Foi de par le monde, sans que les croyants remplissent leurs obligations d'enseignement et de construction des institutions de la Cause est sans fondement et en complet désaccord avec les lois de l'alliance de Dieu. En vérité, les mains de Baha'u'llah sont liées si l'individu ne se lève pas pour servir sa Cause. Dans certains de ses Écrits remontant aussi loin que les jours d'Acre, Baha'u'llah a déclaré * que si tous les croyants avaient entièrement exécuté ses enseignements dans leur vie de chaque jour, la grande majorité des peuples du monde l'aurait reconnu et aurait déjà embrassé sa Cause.

*[nota: 12 Lawh-i-Tibb - épître du remède - dans Majmu'iy-i-Alvah]

Le Bab a expliqué (13 Panj Sha'n) que, dans le passé, chaque révélation était dotée du potentiel pour devenir une religion mondiale. Et si elles ne le sont pas devenues c'est parce que dans chaque "dispensation", il y a eu des croyants qui ne furent pas fidèles aux enseignements de leur prophète respectif. Il donne l'islam et la chrétienté en exemple. Aucune de ces religions ne se propagea dans le monde déjà découvert à l'époque. Si toutes deux ont échoué à amener toute l'humanité sous leur ombre, c'est parce que leurs disciples ne pratiquèrent pas fidèlement leurs enseignements. Tout cela indique que la révélation de Dieu, aussi puissante et pénétrante qu'elle soit, a besoin d'un porteur digne pour la planter dans le coeur des hommes. Le pouvoir de régénérer et de créer un nouvel esprit dans les âmes provient de la révélation de Dieu. Le croyant agit comme un canal conçu pour transmettre à ses semblables les forces vivifiantes de la Foi de Dieu.

Quoique la plus grande partie de l'humanité n'ait pas embrassé la cause de Baha'u'llah en ses jours, pour les raisons déjà données, il a pourtant clairement prophétisé que finalement son message était destiné à envelopper le monde entier, illuminer les coeurs de ses peuples et de les unir sous l'influence d'une seule religion commune - sa Foi. Dans Lawh-i-Dunya, Baha'u'llah révèle ces paroles rassurantes:

Combien vaste est le tabernacle de la cause de Dieu ! il recouvre tous les peuples et toutes les familles de la terre et rassemblera d'ici peu l'humanité tout entière sous son aile. (14 Tablettes de Baha'u'llah révélées après le Kitab-i-Aqdas, p.88)

Dans une autre tablette, il explique:

Ne t'afflige pas si les hommes n'arrivent pas à saisir la vérité. Bientôt tu les verras se tourner vers Dieu, le Seigneur de l'humanité. Nous avons en réalité, par la puissance de la parole très sublime enveloppé le monde entier, et le moment approche où Dieu aura soumis les coeurs de tous ceux qui vivent sur terre. Il est, en vérité, l'Omnipotent, le Tout-Puissant. (15 Tablettes de Baha'u'llah révélées après le Kitab-i-Aqdas, p.273-4)

Dans une tablette (16 non publiée) adressée à Shaykh Kazim-i-Samandar, 'Abdu'l-Baha fait référence à une prophétie de Baha'u'llah dite vers la fin de sa vie, indiquant que bientôt Dieu élèverait des âmes saintes et détachées pour la propagation de sa Cause partout dans le monde. Baha'u'llah a promis que ces âmes seraient comme des étoiles dans le ciel de la providence et la lumière du matin de vérité. Elles brûleront comme des torches allumées par la main de Dieu, et comme des lampes répandant leur éclat sur un monde obscur. Ces âmes ne se reposeront pas un seul instant et elles ne seront pas non plus attachées aux choses de ce monde. Elles passeront leur temps à enseigner la cause de Dieu et à la diffusion des divines fragrances. Leurs visages brilleront de la lumière de la révélation de Dieu et leurs coeurs seront emplis de son amour. Elles se disperseront à travers le monde, voyageront dans chaque pays, parleront toutes les langues, proclameront son message dans chaque assemblée, révèleront les mystères divins, diffuseront sa lumière, et feront la promotion de ses enseignements parmi les peuples du monde. Dans cette tablette, 'Abdu'l-Baha prie ardemment pour que ces âmes, comme l'a promis Baha'u'llah, se lèvent rapidement de manière que, par l'ardeur de leur foi, la grandeur de leurs actions, la puissance de leur détachement et le souffle de l'Esprit Saint elles puissent apporter la victoire à la cause de Baha'u'llah.

Aujourd'hui, un grand nombre de croyants dévoués venant des quatre coins du monde et de toutes les origines imaginables, se sont levés avec vigueur et dévouement comme pionniers ou enseignants baha'is pour promouvoir la cause de Dieu. En vérité, avec cette levée d'âmes saintes et détachées, l'étape initiale de cette promesse de Baha'u'llah a déjà été réalisée. La foi de Baha'u'llah a maintenant atteint toutes les parties du monde ; par leur sacrifice, leur détachement et leur foi, ces hommes et femmes, puisant dans le pouvoir de Baha'u'llah, ont réussi à ériger, de toute part, le cadre des institutions divinement ordonnées de la Foi. L'embryon d'un nouvel ordre mondial grandit maintenant à l'intérieur de l'ancien et, pour cette raison, le monde ne sera jamais plus le même.

'Nous sommes en tout temps avec vous'

Du commencement de cette "dispensation" jusqu'à aujourd'hui, chaque victoire que la Foi de Baha'u'llah a remportée est due à ses confirmations et à son assistance. Le pouvoir libéré du ciel a occasionné le progrès de la Cause et de la construction de ses institutions embryonnaires. Des milliers d'hommes et de femmes, avec des ressources très insignifiantes, handicapés par le manque de facilité et de main d'oeuvre, et souvent dépourvus de beaucoup de connaissance et de savoir, se sont éparpillés à travers le monde et ont été pionniers dans les régions du globe les plus inhospitalières. Et pourtant, malgré leur impuissance et leur insuffisance, ces âmes ont remporté des victoires incroyables pour la cause de Baha'u'llah. Tous ces gens qui se sont levés avec dévouement ont expérimenté les confirmations intarissables de Baha'u'llah qui les atteignaient de façon miraculeuse, leur permettant d'enseigner la Foi et de construire ses institutions malgré de grands et parfois apparemment insurmontables obstacles.

Les effusions des confirmations promises dans le Kitab-i-Aqdas sont clairement conditionnées aux activités du croyant individuel. Elles dépendent d'une action qui peut être résumée par le seul mot magique: "Levez-vous". Dieu répond à l'envie intime du croyant pour enseigner la Cause et à son acte de "se lever", libérant du ciel ses pouvoirs afin de le soutenir et de le fortifier dans ses efforts à promouvoir la parole de Dieu. Par le simple acte d'aller de l'avant pour servir la Cause, de grandes générosités inonderont son âme, transformant ses faiblesses en force et son ignorance en sagesse et compréhension.

Dans de nombreuses tablettes, Baha'u'llah fait des promesses semblables. Par exemple, il prononce ces paroles rassurantes:

Par la justice de Dieu ! quiconque, en ce jour, ouvre les lèvres pour prononcer le nom de son Seigneur verra les armées de l'inspiration divine descendre sur lui du ciel de mon nom, l'Omniscient, le Très-Sage. Sur lui descendra aussi toute l'Assemblée céleste, chacun portant haut un calice de pure lumière. Ainsi en est-il pré-ordonné dans le royaume de la révélation de Dieu, au commandement de celui qui est le Très-Glorieux, le Tout-Puissant. (17 Florilège d'écrits de Baha'u'llah, p.198, n°CXXXIX)

Il y a aussi eu de semblables assurances dans de nombreuses tablettes de 'Abdu'l-Baha, comme dans celle-ci:

Par le Seigneur du Royaume ! Si quelqu'un se lève pour promouvoir la Parole de Dieu d'un coeur pur, débordant de l'amour de Dieu et détaché du monde, le Seigneur des armées l'assistera d'une puissance telle qu'il pénétrera au coeur de tous les êtres existants. (18 Tablets of 'Abdu'l-Baha, p.348, cité dans The Individual and Teaching, p.9)

Et Shoghi Effendi réaffirme aussi ces promesses enthousiastes. Par son secrétaire, il écrit:

... Aujourd'hui comme jamais auparavant, l'aimant qui attire les bénédictions d'en haut, c'est l'enseignement de la Foi de Dieu. Les armées célestes se tiennent immobiles entre le ciel et la terre attendant simplement et patiemment que le baha'i s'avance pour enseigner la cause de Dieu avec une dévotion pure et consécration, de façon à se précipiter pour l'aider et l'assister. Que ceux qui souhaitent atteindre l'immortalité s'avancent et fassent monter l'appel divin. Ils seront étonnés des victoires spirituelles qu'ils remporteront. (1928 March 1953 cité dans The Individual and Teaaching, p.32)

Il y a un autre passage dans le Kitab-i-Aqdas dans lequel Baha'u'llah fait référence à son ascension et assure ses disciples de son soutien constant en tout temps:

"Ne soyez pas désemparés, ô peuples du monde, quand se couchera l'Astre de ma beauté et que le ciel de mon tabernacle se dérobera à vos yeux. Levez-vous pour faire avancer ma cause et pour exalter ma parole parmi les hommes. Nous sommes en tout temps avec vous et nous vous fortifierons par le pouvoir de la vérité. Nous sommes, en vérité, tout puissant. Quiconque m'a reconnu se lèvera et me servira avec une telle résolution que les forces de la terre et du ciel seront incapables de faire échouer son dessein." (20 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 38)

Dans ce passage, Baha'u'llah déclare: "Nous sommes en tout temps avec vous et nous vous fortifierons par le pouvoir de la vérité". Nombre de ses disciples en ses jours furent certains de cela et virent littéralement de leurs propres yeux qu'il était avec eux en tout temps. Nous citons deux exemples: l'un est une histoire racontée en détail par Haji Muhammad-Tahir-i-Malmiri. Elle traite d'un incident qui arriva lors de son voyage à Acre, et les paroles de Baha'u'llah qui lui furent adressées lorsque pour la première fois il se trouva en sa présence.

De sa ville natale de Yazd, Haji Muhammad-Tahir passa par Kirman en chemin pour Acre. En ce lieu, il rencontra un croyant dévoué, Haji Muhammad-Khan-i-Baluch, une personnalité de haut rang du Baloutchistan, qui se rendait aussi à Acre. Ils décidèrent de faire route ensemble. Dans ses mémoires Haji Muhammad-Tahir écrit:

Après un séjour de trois mois à Kirman, nous allâmes à Sirjan et y restâmes quarante jours. Muhammad-Khan portait le vêtement de derviche et avait les cheveux qui flottaient. À cause de cela, les derviches de Sirjan allaient le voir chaque soir et il devait les recevoir et leur donner de la nourriture. Je lui suggérai qu'il serait peut-être préférable qu'il fasse couper ses cheveux et change de couvre-chef, et ainsi pouvoir se débarrasser des derviches de la ville. † (Les derviches considéraient Muhammad-Khan qui était riche et influent, comme un guide religieux) Il accepta ma suggestion et changea de vêtement. Après quoi, chaque fois qu'un derviche venait, il lui était dit que le guide était parti, et donc on nous laissa tranquilles. Pendant notre séjour à Sirjan, un certain croyant, Aqa Muhammad-'Ali... demanda à Muhammad-Khan de le prendre pour le voyage comme serviteur particulier. Le Khan accepta cette proposition... et il nous accompagna à Acre... Nous partîmes pour le port de Bandar-i-'Abbas... Là nous rencontrâmes une centaine de pèlerins musulmans, natifs du Baloutchistan qui étaient en chemin pour accomplir leur pèlerinage à La Mecque. Lorsque ces gens apprirent que le Khan était arrivé au port, ils pensèrent qu'il allait aussi à La Mecque. Ils vinrent donc tous vers lui, demandant des détails sur son voyage à La Mecque et exprimant leur joie de pouvoir voyager avec lui *. Muhammad-Khan me laissa entendre que nous étions maintenant coincés et que nous n'avions pas d'autre possibilité que d'accompagner les pèlerins à La Mecque, accomplir les rites du pèlerinage et de là continuer vers Acre qui est un chemin plus court que la route alternative par Jedda (via Bombay) et Port Saïd.

*[nota: à cette époque, les baha'is ne révélaient pas leur foi au public. Ces gens ne savaient pas que Muhammad-Khan était baha'i et qu'il voyageait vers Acre. Cela aurait été peu sage pour le Khan de leur révéler les intentions réelles de ce voyage ; et donc il dut prétendre qu'il était en chemin pour La Mecque]

Je dis au Khan que je n'irais pas à La Mecque. À nouveau il insista sur le fait que ce serait un voyage bien plus court, mais je refusai. Il m'expliqua qu'il n'avait pas non plus l'intention d'aller à La Mecque, mais que les circonstances l'avaient conduit sur ce chemin. Si lors de ce voyage, il n'allait pas à La Mecque, la nouvelle atteindrait le pays et cela causerait de la gêne à sa famille... Je réitérai ma position et dit qu'en toute conscience... je ne pouvais me rendre à La Mecque en pèlerinage. Je suggérai que nous nous séparions, que je continuerais vers Bombay et le Khan par La Mecque en compagnie de ses gens... Cependant, en refusant d'aller avec lui je n'étais pas obstiné et n'avais aucune rancune envers le Khan. En fait, j'étais très ennuyé de devoir être en désaccord avec lui. Je savais aussi que notre voyage par La Mecque serait plus court, mais mon coeur ne pouvait accepter un tel moyen d'action ... Notre séjour à Bandar-i-'Abbas dura onze jours et chaque nuit le Khan m'en parlait et insistait pour que je change d'idée. Mais je demeurai inébranlable dans mon opinion. Je lui disais: "Mon intention dans ce voyage est d'arriver en la sainte présence de Baha'u'llah, et non pas d'aller en pèlerinage à La Mecque et devenir un Haji" † (Titre donné à ceux qui accomplissent les rites du pèlerinage à La Mecque).

Finalement le Khan abandonna et conseilla à ses gens de continuer seuls vers La Mecque.

...Après le départ de ces gens, le Khan et moi-même partîmes vers la cour de la présence du Bien-aimé. Nous fîmes le voyage de Haïfa en passant par Bombay et à notre arrivée, nous nous présentâmes comme baha'is. Nous fûmes emmenés à la maison de Aqa Muhammad-Ibrahim de Kashan, le chaudronnier. Ce croyant avait reçu l'ordre de Baha'u'llah de s'établir à Haïfa, pour s'occuper de la distribution des lettres et pour donner assistance et hospitalité aux pèlerins baha'is. Lorsque Baha'u'llah fut informé que nous étions arrivés tous les trois, il nous fit dire, par l'intermédiaire de Mirza Aqa Jan... que je devrais demeurer à Acre avec mon frère Haji 'Ali *. . Nous fûmes conduits de Haïfa à Acre dans l'attelage de 'Abdu'l-Baha ... ce jour-là j'étais très heureux. La joie et l'extase emplissaient mon âme **.

*[nota: voir The Baha'i World, vol. IX, p.624-5, l'article sur Haji 'Aliy-i-Yazdi]
**[nota: pour plus de détail sur l'arrivée de Haji Muhammad-Tahir à Acre, voir vol.1]

Le troisième soir après leur arrivée, les trois pèlerins furent convoqués en présence de Baha'u'llah et furent reçus par lui avec une affectueuse bonté. Haji Muhammad-Tahir à écrit à propos de sa première rencontre avec Baha'u'llah:

Lorsque j'arrivai en sa présence, je me prosternai à ses pieds. Après avoir déversé ses grâces sur moi, il dit, "Tu as bien fait ! Que Dieu te bénisse ! Des gens se rendaient à La Mecque et pour l'amour de Dieu tu n'y es pas allé. Tu as plutôt considéré comme étant de première importance de venir à la Plus-Grande-Prison. Ta compréhension était vraiment correcte ! Le pèlerinage à La Mecque ne peut avoir les mêmes récompenses du passé, ‡ ("passé" signifie pendant la période de validité de la Foi de l'Islam, c'est à dire jusqu'en 1844, date de l'apparition du Bab. Pour plus d'explication sur le sujet de la période de validité d'une religion, que s'il était accompli avec notre permission ; sinon, il n'a aucune valeur *.

*[nota: lorsque Haji Muhammad-Tahir quitta Acre, pour retourner chez lui, Baha'u'llah lui donna les instructions de procéder par La Mecque et d'accomplir les rites du pèlerinage. Donc, avec la permission de Baha'u'llah, il devint un Haji. Il faut aussi remarquer que la citation ci-dessus ne transmet pas les paroles exactes de Baha'u'llah]

Ces paroles de Baha'u'llah décrivant l'épisode de Bandar-i-'Abbas furent les premiers signes de sa connaissance qui englobe toute chose, elles furent révélées à ces trois pèlerins et les bouleversèrent. Ces paroles aidèrent à les confirmer encore plus dans leur foi et à leur permettre de croire avec une absolue certitude que, comme il l'atteste dans le Kitab-i-Aqdas et dans de nombreuses autres tablettes, il était véritablement avec eux en tout temps.

Muhammad-Khan rendit de grands services à la Foi. Ayant reconnu la Manifestation sublime de Dieu, il ne pouvait rester oisif. Il transmit la bonne nouvelle de la révélation de Baha'u'llah à ses amis et associés, parmi lesquels se trouvait un ancien Premier ministre de Perse, Mirza Yusuf Khan, le Mustawfiyu'l-Mamalik .'Abdu'l-Baha relate l'histoire de Muhammad-Khan (il se réfère à lui comme Haji) lorsqu'il embrassa la Foi, et décrit son enthousiasme et sa rencontre avec Mirza Yusuf Khan en ces termes:

Ainsi, au moment même où il entendit l'appel du Royaume de Dieu, il cria, "Oui en vérité !" et il partit comme le vent du désert. Il voyagea de longues distances, arriva à la Plus-Grande-Prison et se trouva en présence de Baha'u'llah. Quand ses yeux tombèrent sur ce visage radieux, instantanément il se soumit. Il retourna en Perse afin de pouvoir rencontrer ces gens qui prétendaient suivre la Voie, ces anciens amis qui cherchaient la vérité et de pouvoir discuter avec eux, comme sa loyauté et son devoir le demandaient.

Allant et venant, le Haji allait voir chacun de ses amis, les rassembla et fit entendre à chacun la nouvelle chanson du ciel. Il atteignit sa ville natale et mit ses affaires familiales en ordre, subvenant aux besoins de chacun, prévoyant leur sécurité, leur bonheur et leur confort. Après quoi, il leur fit ses adieux. À ses parents, sa femme et ses enfants et famille, il dit: "Ne me cherchez plus, n'attendez pas mon retour."

Il prit un bâton et partit loin, il traversa les montagnes, les plaines, cherchant et trouvant les mystiques, ses amis. Lors de son premier voyage, il alla chez feu Mirza Yusuf Khan (Mustawfiyu'l-Mamalik) à Téhéran. Quand il eut dit ce qu'il avait à dire, Yusuf Khan fit un voeu et déclara que s'il se réalisait, il croirait ; le voeu était celui d'avoir un fils. Si une telle générosité lui arrivait, Yusuf Khan serait convaincu. Le Haji rapporta cela à Baha'u'llah et reçut en réponse une promesse ferme. Ainsi, quand Haji rencontra Yusuf Khan lors de son deuxième voyage, il le trouva avec un enfant dans les bras. "Mirza", cria le Haji, "loué soit Dieu !, votre épreuve a démontré la vérité. Vous avez pris votre oiseau de joie au piège". "Oui", répondit Yusuf Khan, "la preuve est claire, je suis convaincu. Cette année, lorsque vous irez vers Baha'u'llah, dites-lui que j'implore sa grâce et sa faveur pour cet enfant afin qu'il puisse être mis à l'abri sous la garde protectrice de Dieu." (22 Memorials p.92-3)

'Abdu'l-Baha dans une de ses tablettes (23 Ma'idiy-i-Asamani, vol.5, p.280) explique que lorsque Baha'u'llah fut informé de cette requête, il ordonna à Muhammad-Khan de retourner chez lui en passant par Téhéran pour rencontrer tout spécialement Mirza Yusuf Khan, lui donner un bonbon à manger et lui transmettre l'assurance que Dieu lui donnerait un fils. Ce fut lors de son retour final en Terre sainte que Muhammad-Khan vit de ses propres yeux la réalisation de cette promesse.

Muhammad-Khan était un croyant dévoué enflammé de l'amour de Baha'u'llah. Lorsqu'il embrassa la Foi et par la suite se trouva en présence de Baha'u'llah, il devint entièrement une nouvelle création. L'honneur et l'estime dans lesquels le tenait son peuple et le confort et la prospérité qu'il aimait dans la vie n'avaient maintenant plus aucune valeur pour lui. Son plus grand désir était de renoncer à tout et de devenir le serviteur de Baha'u'llah comme portier. Son voeu lui fut accordé et, pendant quelques années, il fut serviteur dans la maisonnée de Baha'u'llah.

'Abdu'l-Baha raconte ainsi son histoire:

Puis Haji Muhammad arriva près du futur bienheureux martyr, le roi des martyrs, et lui demanda d'intercéder, afin que lui, le Haji, puisse être autorisé à garder la porte de Baha'u'llah. Le roi des martyrs envoya sa demande par écrit, après quoi Haji Khan arriva à la Plus-Grande-Prison et établit sa demeure dans le voisinage de son ami affectionné. Pendant de longues années, il profita de cet honneur et plus tard aussi dans le jardin de Mazra'ih, il fut très fréquemment en présence de Baha'u'llah. Après que le Bien-Aimé eut quitté ce monde, Haji Khan resta fidèle à l'Alliance et au Testament, fuyant les hypocrites. Finalement, pendant l'absence de ce serviteur, parti en voyage en Europe et en Amérique, le Haji prit son chemin vers l'hospice des voyageurs au Haziratu'l-Quds et là, à côté du mausolée du Bab, il prit son envol pour le monde céleste.

Puisse Dieu rafraîchir son esprit avec l'air parfumé du musc du paradis d'Abha et les douces saveurs de sainteté qui soufflent du ciel le plus élevé. Que sur lui soient les salutations et les louanges. Son tombeau lumineux est à Haïfa. (24 Memorials p.94)

Au sujet de cette connaissance constante et surnaturelle, Baha'u'llah s'adressant à Mulla Muhammad-i-Qa'ini, Nabil-i-Akbar, révèle ces paroles dans Lawh-i-Hikmat (Tablette de la Sagesse):

Tu sais très bien que nous n'avons pas pris connaissance des livres que les hommes possèdent et que nous n'avons pas reçu l'éducation ayant cours parmi eux et pourtant, chaque fois que nous désirons citer les paroles de l'érudit et du sage, tout ce qui est apparu dans le monde et qui a été révélé dans les Écritures et les livres saints, apparaît bientôt en face de ton Seigneur sous forme d'une tablette. Alors nous consignons par écrit ce que notre oeil perçoit. En vérité sa connaissance embrasse la terre et les cieux.

Ceci est une Tablette dans laquelle la Plume de l'Invisible a inscrit la connaissance de tout ce qui a été et de tout ce qui sera - une connaissance que nulle autre que ma langue merveilleuse ne peut interpréter. (25 TBA p.155-6)

L'autre histoire est celle de Mirza Muhammad, surnommé Na'im, un croyant d'une foi et d'un dévouement incomparables et un poète d'une envergure exceptionnelle. L'histoire suivante est celle qu'il a racontée et elle démontre la vérité des paroles de Baha'u'llah lorsqu'il dit: "Nous sommes en tout temps avec vous":

Après mon arrivée à Téhéran, j'étais en train de lire l'Épître au Fils du Loup, lorsque je tombai sur une très belle et profonde prière révélée par Baha'u'llah et citée dans ce livre. Dans mon coeur, je souhaitai immédiatement que ces paroles resplendissantes aient été révélées pour moi, ce serviteur insignifiant, par la Plume du Très-Haut. Quelque temps passa lorsqu'un jour, je reçus un message de Haji Mirza 'Abdu'llah-i-Sahih-Furush... qui était chez les baha'is, un personnage très célèbre et un canal de communication avec la Terre sainte. Dans ce message, il me disait qu'une épître en mon nom était arrivée du Royaume de Gloire et que je devais aller la retirer en personne à son bureau de Sabzih-Maydan. Je m'y précipitai et reçu une tablette exaltée... à la suite de quoi je fus transporté au plus profond de mes émotions. Je calculai soigneusement et trouvai qu'à l'instant même où j'avais exprimé dans mon coeur le désir que cette prière fût révélée pour moi, les générosités de Baha'u'llah avaient été dirigées vers moi à Téhéran. Il avait, à ce moment même, révélé à nouveau en mon nom, la même prière et me l'avait envoyé. Le temps que prenait normalement une communication pour arriver de Terre sainte à Téhéran, était le même qu'il y avait eu entre le moment où, dans mon coeur, j'avais formulé mon souhait et l'arrivée de la tablette. Glorifié soit Dieu, le Seigneur de grandeur et de majesté ! Bien que les souffrances et les tribulations eussent, de toutes les directions, encerclé le Royaume de gloire, les bienfaits de Baha'u'llah étaient encore octroyés à ses serviteurs les plus insignifiants et cela démontre la vérité des paroles: "Rien ne pourra jamais l'empêcher de s'occuper de quelqu'autre chose." (26 Coran IV.29 - cette chronique est publiée dans Gulzar-i-Na'im, p.19 - pour une explication de ces paroles du Coran, voir vol.1 et 2)

Voici le texte de la prière que Na'im souhaitait recevoir:

Gloire à toi, ô mon Dieu ! Sans les tribulations endurées dans ton chemin, comment pourrait-on reconnaître tes vrais amants. Et sans les épreuves subies par amour pour toi, comment le rang de ceux qui te désirent pourrait-il être révélé ? Ta puissance m'en est témoin ! Ceux qui t'adorent ont pour compagnon les pleurs qu'ils versent, ceux qui te cherchent ont pour consolateurs les gémissements qu'ils poussent et ceux qui courent à ta rencontre ont pour nourriture les fragments de leur coeur brisé. Combien douce est à mon palais l'amertume de la mort rencontrée sur ton sentier et combien précieux sont à mes yeux les traits que tes ennemis envoient lorsqu'ils sont reçus pour que ta parole soit exaltée ! Ô mon Dieu et mon Maître ! Laisse-moi savourer chaque gorgée de ce que tu désires pour moi dans ta cause, et envoie-moi tout ce que tu as décrété dans ton amour. Par ta gloire ! Je ne souhaite que ce que tu souhaites, et ne chéris que ce que tu chéris. De tout temps, j'ai placé en toi toute ma foi et ma confiance. Tu es, en vérité, Celui qui possède tout, le Très-Haut. (27, Épître au fils du loup, p 109)

Dans cette épître à Na'im, Baha'u'llah s'adresse à lui en termes affectueux, il déclare qu'il a à nouveau révélé cette prière comme gage de ses faveurs, et affirme que malgré qu'elle ait été écrite auparavant pour quelqu'un d'autre, il l'avait à nouveau spécialement révélée pour lui, afin qu'il puisse la chanter avec la mélodie des oiseaux du paradis et qu'il puisse être de ceux qui ont réalisé le désir de leur coeur.

Il est évident qu'après avoir vécu une telle expérience, le croyant atteint les sommets de certitude dans sa foi ce qui à son tour donne naissance à une forme de courage dont ne pourra jamais faire preuve aucun homme terrestre. C'est le courage du martyr et du héros et, seul le pouvoir de Dieu peut le produire chez un croyant.

Na'im était un serviteur sincèrement dévoué à Baha'u'llah. Suite à son acceptation de la Foi, il souffrit de graves persécutions dans son village natif de Sidih près de Isfahan. Par ordre du clergé, lui et quatre autres croyants eurent les bras ligotés le long du corps, puis ils furent très étroitement attachés les uns aux autres avec une corde et forcés à défiler pieds nus dans tout le village. La foule s'était assemblée des villages avoisinants pour les voir être torturés. Pendant près de quatorze heures, les victimes furent, chacune à leur tour, battues par des fonctionnaires avec des bâtons. Leurs corps nus, peints de différentes couleurs, furent exposés au froid rigoureux de l'hiver et si grièvement meurtris que de nombreux spectateurs furent horrifiés d'en être témoins. Après quelque temps passé en prison à Isfahan, ils furent exilés de chez eux. Dans le cas de Na'im, sa femme lui fut prise et mariée à un autre homme sans aucune procédure de divorce.

Na'im et ses compagnons quittèrent Isfahan à pied. Ils étaient sans le sou et eurent à subir de grandes épreuves en chemin avant d'arriver à Téhéran. Pour gagner sa vie, Na'im commença d'abord par transcrire les Écrits de Baha'u'llah, qui pour un modeste prix étaient d'habitude achetés par les croyants, car il n'y avait pas à l'époque d'équipement d'imprimerie. Ses revenus étaient tellement insuffisants que pendant quelque temps, il vécut dans la plus grande pauvreté. Cependant, par la suite, grâce à ses talents littéraires, il obtint un poste prestigieux comme enseignant et devint prospère.

Que ce fut dans la pauvreté, ou dans la prospérité, Na'im ne faillit jamais à ses services dévoués à la Cause, services qu'il rendit avec le plus grand dévouement et la plus grande abnégation. La plus grande partie de son temps libre et jusqu'à la fin de sa vie, il s'occupa à enseigner les chercheurs de vérité, et à approfondir les baha'is. La plus remarquable de ses activités fut une classe spéciale qu'il dirigea pendant de nombreuses années, enseignant et approfondissant un nombre limité de baha'is, dont la plupart devinrent des enseignants de la Cause très distingués.

La contribution de Na'im à la littérature de la Foi est extraordinaire. Sa poésie, considérée à juste titre comme brillante, n'est égalée que par sa profonde connaissance de la Foi de Baha'u'llah et des autres religions. Parmi ses oeuvres, se trouve un livre merveilleux de preuves en vers qui sont une brillante présentation de la vérité de la cause de Baha'u'llah. Ce livre a servi dans de nombreux cercles d'étude en Perse pour approfondir la connaissance de la Foi et pour la compréhension de la signification de nombreux passages obscurs dans les Livres saints des anciennes religions, (particulièrement le Coran), démontrant ainsi la vérité de la cause de Baha'u'llah et prouvant l'authenticité de son origine divine.

Il ne fait aucun doute, que les poèmes de Na'im, ces versets semblables à des gemmes que ce croyant doué a laissés à la postérité, seront pour toujours une source de matériel d'enseignement pour les chercheurs de vérité et une source d'inspiration pour les croyants.

Le Kitab-i-Aqdas, le Très-Saint-Livre, se distingue comme le plus puissant témoignage de la souveraineté de Baha'u'llah. Pour chaque baha'i qui médite profondément sur ce livre, Baha'u'llah apparaît comme le gouvernant de toute l'humanité. Shoghi Effendi écrit, qu'il sera acclamé par la postérité, de la même manière qu'il est déjà reconnu par ses disciples comme:

le juge, le législateur et le rédempteur de toute l'humanité, comme l'organisateur de la planète tout entière, l'unificateur des enfants des hommes, l'inaugurateur du millénaire tant attendu, le promoteur d'un "cycle universel", le fondateur de la très grande paix, la source de la très-haute justice, le proclamateur de la majorité de toute la race humaine, le créateur d'un nouvel ordre mondial, l'inspirateur et le fondateur d'une civilisation mondiale. (28, Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p.89)

Il ne fait pas de doute que lorsque le rang de Baha'u'llah sera universellement reconnu, la postérité regardera l'histoire de sa vie avec respect et émerveillement. Les gens du futur seront stupéfaits de l'aveuglement de l'homme à son époque, et surpris par les traitements qui lui furent infligés. Lorsque la gloire de son rang sera dévoilée aux yeux des hommes, il sera difficile d'imaginer que l'on força le Seigneur des armées à vivre dans la plus désolée des cités, le Père céleste tenu en captivité par une génération perverse et le Roi des Rois confiné dans une petite pièce impropre à l'habitation. Et pourtant, dans cette petite pièce dépourvue de tout le luxe de la vie courante et même pas correctement meublée, fut révélé le Kitab-i-Aqdas qu'il décrit comme étant son "témoignage le plus puissant pour toute l'humanité". (29 SHOGHI EFFENDI, Dieu passe près de nous, p.270) C'est une bouleversante pensée que dans une telle pièce, dans un coin obscur d'une ville prison, inconnu du monde, un instrument aussi puissant que le Kitab-i-Aqdas, la grande charte pour la future civilisation mondiale, soit venu au monde.

En vérité, il ne peut y avoir plus grande tragédie que la manifestation de Dieu dans toute sa gloire et l'aveuglement de l'homme devant sa révélation. Et il ne peut y avoir de plus grand sentiment de perte que de s'en rendre compte trop tard. Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas déclare:

"Dis: Ne vous réjouissez pas de choses que vous possédez. Ce soir, elles sont à vous; demain, d'autres les posséderont. Ainsi vous en avertit l'Omniscient, Celui qui est informé de tout. Dis: Pouvez-vous affirmer que ce que vous possédez est durable ou en sécurité ? Non ! Par moi-même, le Très-Miséricordieux, vous ne le pouvez, si vous êtes de ceux qui jugent équitablement. Les jours de votre vie s'enfuient comme un souffle de vent, et toute votre pompe et votre gloire seront réduites à néant comme l'ont été la pompe et la gloire de ceux qui vous ont précédés. Réfléchissez, ô peuple ! Qu'est-il advenu de vos jours passés et de vos siècles perdus ? Heureux les jours consacrés au Souvenir de Dieu, et bénies les heures passées à louer celui qui est le Très-Sage. Par ma vie ! Ni la pompe du puissant ni la fortune du riche ni même l'ascendant pris par l'impie ne dureront. Sur un mot de Lui, tous périront. Il est, en vérité, l'Omnipotent, l'Irrésistible, le Tout-Puissant. Quel avantage retirent les hommes des choses terrestres qu'ils possèdent ? Ce qui leur profitera, ils l'ont complètement négligé. D'ici peu, ils sortiront de leur sommeil et se découvriront incapables d'obtenir ce qui leur a échappé aux jours de leur Seigneur, l'Omnipotent, le Magnifié. Si seulement ils le savaient, ils renonceraient à tout leur avoir pour que leurs noms soient mentionnés devant son trône. En vérité, ils sont comptés parmi les morts." (30 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 40)

Ceux qui reconnurent le rang de Baha'u'llah à son époque et furent du nombre de ses disciples profitèrent souvent de cette opportunité afin que leurs noms soient mentionnés en sa présence et cela était considéré comme un privilège inestimable. Ils demandaient souvent au pèlerin en route pour aller en la présence de Baha'u'llah de mentionner leur nom devant lui. Quelquefois le pèlerin écrivait leur nom sur une liste et la donnait à Mirza Aqa Jan, le secrétaire de Baha'u'llah, pour qu'elle lui soit présentée. Dans tous ces cas, Baha'u'llah conférait à ces croyants une mesure de son affectueuse bonté et de ses bienfaits. Il le faisait soit verbalement ou dans de nombreux cas dans ses tablettes. Il y avait aussi ceux qui écrivaient à Baha'u'llah et mentionnaient dans leurs lettres les noms de certains croyants. Dans de tels cas, la tablette révélée en réponse et en l'honneur de l'auteur contenait des passages adressés à ceux dont les noms avaient été donnés.

La simple action de Baha'u'llah, se souvenant d'un croyant et lui garantissant ses faveurs, suffisait à doter son âme de bénédictions illimitées. C'était une faveur céleste, et si l'individu avait la capacité de jouer son rôle en vivant la vie et en promouvant sa Cause avec pureté d'intention, il pouvait devenir un géant spirituel et un serviteur dévoué.

L'un des privilèges inestimables que Baha'u'llah a conféré à ses disciples est qu'il leur a enjoint de servir sa Cause. Dans les anciennes "dispensations", la cause de Dieu était normalement administrée par un petit nombre, les chefs religieux ou le clergé. Le reste du peuple n'avait pas la même opportunité. Mais dans cette "dispensation", chaque être humain qui reconnaît le rang de Baha'u'llah et qui est enrôlé dans sa Foi, qu'il soit jeune ou vieux, lettré ou illettré, riche ou pauvre, peut rendre de nombreux services à la cause de Dieu. Dans beaucoup de ses tablettes, Baha'u'llah exhorte les croyants à se lever et à promouvoir la Foi de Dieu. Dans le Kitab-i-Aqdas, il y a aussi de nombreuses références sur ce sujet. Il n'y a pas de limite au service de la Cause. Nul besoin pour servir d'être éduqué ou d'avoir de l'influence et une réputation sociale. C'est souvent les gens simples du monde, parfois illettrés, qui s'élèvent vers les hauteurs du service dans la Foi de Baha'u'llah.

Il ne peut y avoir de plus grande faveur dans cette vie que de servir la Cause, du moment que c'est avec une pureté d'intention. Si le service est rendu dans l'espoir de s'assurer une célébrité, de l'influence ou tout autre gain personnel dans ce monde et même dans le prochain (pour l'attachement au monde futur voir vol.2), un tel service devient alors un grand fardeau pour l'âme. Il emplit la vie de tristesse et de frustration et comme l'a expliqué Baha'u'llah dans ses Écrits, cela déplaira à Dieu, car à sa vue, seules les actions pures et les motifs purs sont acceptables.

La cause de Dieu révélée en ce jour est très grande, et il en est de même pour l'effort humain dans sa détermination à la promouvoir et à la servir avec dévouement et abnégation. Le croyant, dans la mesure où il reconnaîtra le rang exalté de Baha'u'llah, pourra purifier son intention au service de la Cause, et dans la même mesure il sera spirituellement récompensé. Baha'u'llah proclame souvent le caractère prodigieux de sa révélation. Dans le Kitab-i-Aqdas, il révèle ces paroles émouvantes:

Ô peuples de la terre ! Dieu, l'Éternelle Vérité, m'est témoin que des flots d'eaux fraîches et ruisselantes ont jailli des rochers par la douceur des paroles prononcées par votre Seigneur, l'Indépendant; et vous dormez encore. Rejetez ce que vous possédez et, sur les ailes du détachement, élevez-vous au-delà de toutes choses créées. Ainsi vous l'ordonne le Seigneur de la création dont la Plume, par son mouvement, a révolutionné l'âme de l'humanité.

"Savez-vous de quelles hauteurs votre Seigneur, le Très-Glorieux, vous appelle ? Croyez-vous avoir reconnu la Plume par laquelle votre Seigneur, le Seigneur de tous les noms, vous donne ses ordres ? Non, par ma vie ! Si seulement vous le saviez, vous renonceriez au monde pour vous hâter, de tout votre coeur, d'accéder à la présence du Bien-Aimé. Vos esprits seraient à tel point transportés par sa parole que le monde supérieur en serait ébranlé, - et à plus forte raison ce petit monde insignifiant ! Ainsi, en gage de ma grâce, les ondées de ma générosité se sont déversées du ciel de mon affectueuse bonté, afin que vous soyez de ceux qui sont reconnaissants." (31 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 54-55)

Certains des disciples de Baha'u'llah avaient atteint ce sommet de foi et découverts pour eux-mêmes la grandeur du rang de Baha'u'llah. Lorsque ces personnifications du détachement accédèrent en sa présence, ils furent emportés vers d'autres royaumes au-delà de ce monde. Ils voulaient exprimer la profondeur de leur dévouement à leur Seigneur. Mais les mots n'étaient pas adéquats pour décrire leur sentiment de total dévouement et d'abnégation. Par-dessus tout, la majesté de Baha'u'llah était telle qu'ils ne pouvaient en sa présence articulé un mot à moins qu'il ne leur en intime l'ordre. Par conséquent, chaque personne, par n'importe quel acte, montrait la mesure de son amour et de son empressement à donner sa vie dans son chemin. En sa présence, certains s'agenouillaient, d'autres se prosternaient à ses pieds, d'autres encore restaient silencieux absorbé avec lui dans une communion spirituelle. Voici, telle qu'il la raconte lui-même, l'histoire de Haji Mirza Haydar-'Ali à Acre en présence de Baha'u'llah:

Un jour, j'accédai en sa présence. J'étais debout et la Beauté bénie marchait de long en large dans la pièce. L'océan de ses paroles déferlait, et le soleil de ses gracieuses faveurs répandait ses rayons lumineux sur mon âme. Comme je me trouvais en sa présence, la pensée me vint que je devrais me jeter à ses pieds bénis et les embrasser *, car depuis longtemps, cela avait été mon voeu le plus cher. Chaque fois qu'il s'avançait vers moi, je me retrouvais bloqué sans bouger comme un tableau sur un mur. Mais chaque fois qu'il se retournait, j'avançais d'un, deux ou trois pas dans l'intention de me prosterner à ses pieds. Puis lorsqu'il se retournait et marchait à nouveau dans ma direction, la crainte et la majesté de sa glorieuse personne me faisait reculer vers le mur où je restais sans bouger. Trois ou quatre fois j'avançai de cette façon et reculai vers le mur. Sa Personne bénie le remarqua et, en souriant dit: "Que vous arrive-t-il ? Vous n'arrêtez pas d'avancer et de reculer." Puis de la main, il me fit signe de rester à ma place.

*[nota: en Orient, se prosterner aux pieds de quelqu'un et les embrasser, était considéré comme la plus profonde expression d'humilité]

Bien que me jeter à ses pieds était la plus grande ambition de ma vie et le plus cher désir de mon âme, je ne pus accomplir cet acte, j'aurais donc dû être déçu et triste, pourtant, les quelques paroles qu'il prononça et le mouvement de sa main créa en moi une telle joie que pour toujours, je resterai dans un état de bonheur et me sentirai extrêmement honoré par ce qui se passa ce jour-là." (32 Bihjatu's-Sudur)

Le Kitab-i-Aqdas est véritablement comme un océan, et il est difficile d'en décrire chaque sujet révélé dans ce livre. Jusqu'à présent, nous avons fait référence à certains de ses thèmes principaux. Auparavant nous avions aussi fait référence à certains des enseignements et des prophéties de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas. Ces sujets comprennent l'apparition de la prochaine manifestation de Dieu (voir vol.1), l'éloge des savants dans la Foi (voir vol.2), les appels de Baha'u'llah aux rois et dirigeants et ecclésiastiques **, les signes de maturité de l'humanité et d'autres thèmes *.

*[nota: pour d'autres sujets dans le Kitab-i-Aqdas, voir vol.1, vol.2 et les discussions dans ce volume]

Les vérités spirituelles révélées dans le Kitab-i-Aqdas sont insondables. Dans cette vie, personne ne pourra jamais prétendre avoir totalement mesuré les potentialités cachées dans chacun des mots révélés. Car, (à l'exception de ses lois qui doivent littéralement être suivies) le Kitab-i-Aqdas est empli de significations cachées. Baha'u'llah révèle ces paroles dans le Kitab-i-Aqdas:

Immergez-vous dans l'océan de mes paroles afin d'en pénétrer les secrets et de découvrir toutes les perles de sagesse que recèlent ses profondeurs. Prenez garde de vaciller dans votre détermination à embrasser la vérité de cette cause, une cause par laquelle ont été révélées les potentialités de la puissance de Dieu et a été établie sa souveraineté. Le visage rayonnant de joie, hâtez-vous vers Lui. C'est là l'immuable foi de Dieu, éternelle dans le passé, éternelle dans le futur. Que celui qui la cherche la trouve; et, quant à celui qui se refuse à la chercher - en vérité, Dieu se suffit à Lui-même et n'a nul besoin de ses créatures.

"Dis: Voici la balance infaillible que tient la main de Dieu, et dans laquelle sont pesés tous ceux qui sont dans le ciel et tous ceux qui sont sur la terre, et par laquelle leur sort est déterminé, si vous êtes de ceux qui croient et qui reconnaissent cette vérité. Dis: Ceci est le plus grand témoignage par lequel la validité de chaque preuve à travers les âges a été établie, si seulement vous en étiez certains. Dis: Par elle, le pauvre a été enrichi, le savant éclairé, et les chercheurs rendus capables de s'élever jusqu'en la présence de Dieu. Gardez-vous d'en faire une cause de dissensions parmi vous. Établissez-vous dans la cause de votre Seigneur, le Puissant, Celui qui aime; soyez aussi fermement établis que la montagne immuable." (n°33 Kitab-i-Aqdas, paragraphe 182-183)

Dans l'une de ses tablettes * 'Abdu'l-Baha explique que lorsque Baha'u'llah était en train de formuler les enseignements et de révéler les versets de Dieu qui s'écoulaient de sa plume, le pouvoir qui était relâché par la révélation de la Parole ** créait dans son coeur une telle émotion, qu'il ne pouvait manger ses repas. Parfois il mangeait très peu et il y avait même des jours où il ne pouvait pas manger du tout.

*[nota: n°34 Ma'idiy-i-Asamani, vol. 9]
**[nota: (sur la façon dont il révéla la Parole de Dieu, voir vol.1 ch. 3]



CHAPITRE 18: Les derniers jours à l'intérieur de la citadelle

La promulgation du Kitab-i-Aqdas, qui selon Shoghi Effendi pourrait bien se classer comme l'acte le plus significatif du ministère de Baha'u'llah, devrait être considérée comme une source puissante pour la régénération du genre humain. On peut dire que les forces mystérieuses libérées dans le monde par la révélation de ce livre, ont été un facteur majeur pour renverser le courant de la fortune de la Foi et de son Auteur à Acre.

Nous nous rappelons, en passant en revue l'histoire de cette période, comment, suite au meurtre des trois adeptes de Mirza Yahya, Baha'u'llah et ses compagnons étaient engloutis dans une mer de tribulations à cause de cet acte répréhensible qui avait jeté une ombre sur la communauté du Plus-Grand-Nom. Maintenant, une année plus tard, l'obscurité avait commencé à se dissiper et le prestige de la Foi avait commencé à s'élever. Tous les croyants qui avaient été mis en prison, avaient été libérés à l'exception des sept d'entre eux qui étaient véritablement responsables de cet acte haineux. À nouveau la confiance était rétablie parmi les habitants de la cité envers la compagnie des exilés dont l'intégrité et la droiture avaient dissipé toutes les fausses accusations qui avaient temporairement terni leur bonne renommée.

Le mariage de 'Abdu'l-Baha avec Munirih Khanum (voir vol.2) eut lieu la même année où fut révélé le Kitab-i-Aqdas. 'Abbud, le voisin de Baha'u'llah, qui quelque temps auparavant avait par crainte renforcé la cloison entre les deux maisons, fit maintenant ouvrir une pièce allant de sa propre maison vers celle de Baha'u'llah afin de procurer un logement à 'Abdu'l-Baha et à sa jeune épouse. Puis la cloison entre les deux maisons fut enlevée et 'Abbud laissa sa maison à Baha'u'llah et alla vivre ailleurs. Ainsi il y avait plus de logements disponibles pour Baha'u'llah et sa famille.

Baha'u'llah lui-même emménagea dans une chambre plus spacieuse avec une véranda faisant face à la mer et 'Abdu'l-Baha emménagea dans la chambre que Baha'u'llah avait occupée jusque-là. Comparé à l'ancienne, la nouvelle chambre de Baha'u'llah était un endroit merveilleux. Il pouvait de là voir la mer en marchant sur la véranda. Et les croyants pouvaient aussi accéder en sa présence dans un environnement plus confortable et plus clair.

C'est dans cette chambre que, pendant quelques années, les pèlerins venant de Perse accédèrent en sa présence, et ce fut aussi là que de nombreuses tablettes furent révélées.

Baha'u'llah allait souvent sur la véranda qui se trouvait devant sa chambre et d'où il pouvait être en plein air et regarder la mer. Il faisait cela habituellement dans l'après-midi. Les croyants d'Acre qui avaient partagé son emprisonnement et ses souffrances avec la plus grande joie et courage et qui maintenant vivaient et travaillaient dans différentes parties de la ville, étaient extrêmement ravis de la tournure des événements.

Haji Mirza Haydar-'Ali, un témoin oculaire des événements de l'époque a laissé ces souvenirs à la postérité: *

*[nota: ce récit se rapporte à l'année 1877, quelques mois avant que Baha'u'llah ne quitte la maison de 'Abbud et prenne sa résidence à Mazra'ih]

Il y avait à peu près une centaine de croyants à Acre, ceux qui y habitaient et les visiteurs. La plupart de ces gens s'étaient lancé dans le commerce ou les affaires. Il y avait un immense amour et beaucoup d'unité entre ces âmes. Ils trouvaient une grande joie à se fréquenter les uns les autres et ils étaient très fiers d'avoir le privilège de se servir les uns les autres. Tout cela leur faisait penser qu'ils vivaient au paradis.

C'était devenu une habitude établie par Baha'u'llah de convoquer quelques croyants pour aller en sa présence. Cela se passait entre trois heures avant le coucher du soleil et jusqu'à deux ou trois heures après. Par conséquent, tous les croyants quittaient leur travail trois heures avant le coucher du soleil, et s'assemblaient dans la rue à l'extérieur de la maison de Baha'u'llah. Certains marchaient autour de la maison, d'autres restaient debout et d'autres s'asseyaient en groupe. Il y avait aussi ceux qui étaient à l'intérieur de la chambre de réception de 'Abdu'l-Baha car ils avaient des tâches à accomplir...

Les croyants avaient ainsi la possibilité de voir leur Seigneur lorsqu'il marchait sur la véranda de sa maison. Souvent, par sa bonté et sa gentillesse, il faisait de sa main bénie un signe à certains de venir en sa présence... L'unité qui existait entre les croyants était telle qu'ils étaient comme un seul corps ; chacun était prêt à sacrifier sa vie pour l'autre. Et lorsqu'une personne ou un groupe était ainsi convoqué, la joie qui inondait leur coeur était indescriptible. La personne se précipitait à l'intérieur si rapidement que même la porte et les murs frémissaient d'excitation. Il était tellement transporté à ce moment qu'il ne pouvait reconnaître personne, et si quelqu'un lui parlait, il ne pouvait même pas l'entendre. Il était en route pour rencontrer son Seigneur, pour atteindre le paradis de la Présence divine qui est bien plus glorieux que le paradis lui-même, un paradis qui ne peut être vu, ressenti ou entendu par ceux qui ne l'ont pas expérimenté. Et après que Baha'u'llah l'ait laissé quitter sa présence, la personne était si transportée qu'il lui fallait quelque temps pour reprendre ses esprits et reconnaître ses amis et leur parler. Un seul peut-être, parmi tant d'autres pouvait citer, d'une façon très inadéquate, les paroles qu'il avait entendues en sa présence. Mais aucun n'était capable de décrire les expériences spirituelles de sa rencontre avec son Seigneur. (1 Bihjatu's-Sudur, p.156-7)

...La dévotion et l'amour que les compagnons de Baha'u'llah lui portaient étaient incomparables. Il y avait un croyant à Acre, Mirza Muhammad-Hadiy-i-Sahhaf (relieur), qui voulait être certain que les yeux de Baha'u'llah en allant de sa chambre à la véranda ne tomberait jamais sur quelque chose de sale. Bien qu'il fut un remarquable artiste occupé à illuminer des livres et des tablettes de Baha'u'llah, il prenait néanmoins sur lui la tâche de nettoyer et balayer * les recoins de la maison de 'Abbud.

*[nota: les rues d'Acre étaient couvertes de terre. À l'époque, il n'y avait pas de véritable système de collecte des ordures et souvent les gens jetaient leurs déchets dans les rues. C'est pour cela que les occupants d'une maison balayaient les abords de leurs maisons, et arrosaient la terre avec de l'eau]

'Abdu'l-Baha a raconté son histoire en ces quelques mots:

...il y avait parmi ceux qui avaient émigré et s'étaient installés près de Baha'u'llah, Muhammad-Hadi le relieur. Cet homme célèbre d'Isfahan n'avait pas son pareil en tant que relieur et enlumineur. Lorsqu'il s'abandonna à l'amour de Dieu, il alla plein d'entrain sur le chemin et sans crainte. Il abandonna sa maison et entreprit un voyage pénible, passant par des épreuves extrêmes d'un pays à un autre jusqu'à ce qu'il parvienne en Terre sainte et devienne prisonnier. Il se postait devant le Seuil sacré, le balayant soigneusement et faisant le guet. Grâce à ses efforts constants, la cour devant la maison de Baha'u'llah était en tout temps, balayée, arrosée et immaculée.

Baha'u'llah regardait souvent cet endroit, puis souriait et disait: "Muhammad-Hadi a transformé la cour devant cette prison en boudoir nuptial d'un palais. Il a apporté beaucoup de plaisir à tous les voisins et il a gagné leur reconnaissance."

Quand le balayage, l'arrosage et le nettoyage étaient terminés, il se mettait à son travail d'enluminure et de reliure des différents livres et tablettes. Ses journées passaient ainsi, le coeur heureux en la présence du Bien-Aimé de l'humanité. C'était une âme admirable, intègre, sincère, digne de la bonté d'être uni à son Seigneur et libre de la contagion du monde...

C'était un homme de petite taille, de rang et d'esprit nobles. Son coeur était pur, son âme lumineuse. Durant tout le temps où il servit le Seuil sacré, il fut aimé de tous les amis et jouissait des bonnes grâces de Dieu. De temps en temps, un sourire aux lèvres, la Beauté bénie lui parlait, exprimant bonté et grâce... (2 Memorials, en anglais, pp 67-9)

L'extraordinaire amour et dévotion que les compagnons de Baha'u'llah nourrissaient pour lui dans leur coeur et leur enthousiasme à aller en sa présence ainsi que l'a décrit Haji Mirza Haydar-'Ali étaient principalement dus à deux facteurs. L'un était la loyauté de leur foi envers Baha'u'llah comme Manifestation suprême de Dieu, et l'autre l'abandon total de leur volonté à la sienne. Ils avaient la capacité de se rapprocher de lui dans la mesure où ils acquéraient ces deux qualités. Il y avait aussi des croyants qui furent admis en la présence de Baha'u'llah, témoignèrent des effusions de sa révélation, furent intimidés par sa majesté et furent emplis de l'esprit de foi. Mais comme ils n'étaient pas détachés de leur moi et de leur ego, ils restèrent écartés de ses abondantes faveurs.

Dans l'une de ses tablettes Baha'u'llah expose (3 Ma'idiy-i-Asamani, vol.1, p.59-60) que certains croyants parvenaient en sa présence nuit et jour * et pourtant ne s'approchaient pas de lui car ils étaient spirituellement éloignés. Et il y avait ceux qui en apparence ne parvinrent jamais en sa présence mais qui bénéficièrent spirituellement de sa proximité.

*[nota: Mirza Aqa Jan en est un exemple. Il fut au service de Baha'u'llah la plupart du temps, mais à la fin devint un briseur d'alliance et détruisit une vie de quarante ans au service de Baha'u'llah]

Dans cette tablette Baha'u'llah déclare que la récompense que Dieu a destiné au croyant sincère et au coeur pur qui est parvenu en sa présence est bien plus grande que la récompense de toutes les bonnes actions du monde mises ensemble. En vérité, la récompense d'une telle bonté, affirme-t-il, ne peut être décrite par des mots. Seul Dieu est au courant.

Dans cette tablette, Baha'u'llah déclare que même ceux qui visitent la terre sur laquelle le trône de la Manifestation de Dieu est établi seront abondamment bénis dans le monde à venir, combien plus grande sera la récompense de ceux qui sont effectivement parvenus en sa présence.

Se soumettre et abandonner sa volonté à la volonté de la Manifestation de Dieu peut se révéler être la tâche la plus difficile qu'un homme puisse accomplir. Lorsque l'individu accomplit ce but exalté de se soumettre à Dieu, il devient le récipiendaire de ses faveurs sans limites.

Toutes les créatures vivantes se soumettent physiquement aux forces de la nature. Un arbre n'offre aucune résistance à la pluie ni aux rayons de soleil. Il reçoit leurs énergies vivifiantes et en conséquence il grandit et fleurit. Au sens spirituel, l'homme doit faire la même chose s'il reçoit les bienfaits de Dieu. La seule différence est que l'homme a la liberté de faire son choix alors que les autres créatures vivantes se soumettent involontairement aux forces de la nature,.

Dans l'une de ses tablettes, (4 Makatib-i-'Abdu'l-Baha, vol. 4 p.14) 'Abdu'l-Baha explique que le degré de sacrifice le plus élevé dans le chemin de Dieu pour un croyant est d'abandonner entièrement sa volonté à la volonté de Dieu, et de devenir un véritable serviteur des bien-aimés de la Beauté bénie. Car Dieu, dans son essence, est exalté au-dessus de la servitude de l'homme envers lui. Par conséquent pour devenir un serviteur de Dieu, on doit servir ses bien-aimés. 'Abdu'l-Baha, dans cette tablette, réaffirme son rang de servitude, déclarant qu'au plus profond de son coeur, il se considère comme étant le serviteur le plus humble des croyants, et que sa plus grande ambition est de pouvoir rendre des services dévoués à tous et à chacun des amis sans exception.

L'histoire de la servitude de 'Abdu'l-Baha est largement reconnue par ceux qui vinrent en contact avec lui. Ses Écrits portent aussi amplement témoignage de sa vie unique de service à toute l'espèce humaine. Comme "l'exemple parfait" des enseignements de Baha'u'llah, "la personnification de chaque idéal baha'i" et "l'incarnation de chaque vertu baha'ie", (5 Shoghi Effendi, La dispensation de Baha'u'llah dans L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p.125) la vie de 'Abdu'l-Baha a déjà inspiré de nombreuses personnes, et continuera d'inspirer d'innombrables générations du futur dans leurs efforts à devenir altruiste et à vivre une vie d'humilité et de servitude.

Le Dr Yunis Khan-i-Afrukhtih servit le Maître pendant quelques années à Acre. Son amour pour 'Abdu'l-Baha et son association constante avec lui laissèrent une impression durable sur sa vie. Il devint l'un des géants spirituels de cette Foi, une personnalité magnétique et une âme illuminée dotée d'un grand humour et de talent. Dans ses mémoires, il a énormément écrit au sujet du Maître. Il y raconte qu'après le décès de Baha'u'llah, les briseurs d'alliance se levèrent en opposition contre 'Abdu'l-Baha. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour le discréditer et rabaisser son rang de Centre de l'alliance de Baha'u'llah. La réaction de ces croyants inébranlables fut d'exalter le rang du Maître jusqu'à l'exagération. Cela lui déplut énormément, car il se considérait toujours comme étant seulement un serviteur. Ce qui suit est une traduction des pensées et des souvenirs du Dr Yunis Khan concernant le rang de servitude de 'Abdu'l-Baha.

Comme les briseurs d'alliance intensifiaient leur campagne séditieuse contre le Maître et continuaient à rabaisser son rang, beaucoup de croyants inébranlables, à cause de leur immense amour pour lui, exagérèrent son rang. Finalement, tout ceci résultat dans une situation telle que, si un croyant était entraîné, par exemple, à composer un poème sur la servitude de 'Abdu'l-Baha, il devenait assurément le destinataire des faveurs et des bontés illimitées du Maître. Mais si au contraire, il chantait ses louanges et exaltait son nom, il serait mécontent et demanderait même à l'auteur de se repentir et de solliciter son pardon.

La seule condition qu'il retenait pour lui-même était celle d'interprète nommé des Écrits de Baha'u'llah. Et il faisait cela de façon à ce que, si jamais une personne cherchait à glorifier son rang en se référant aux nombreux titres exaltés (voir vol.2) par lesquels Baha'u'llah le désignait, il rétorquait alors simplement: "Je suis l'interprète des Paroles de Dieu et mon interprétation de toutes ses appellations est 'Abdu'l-Baha (le serviteur de Baha'u'llah)"... À un moment, il écrivit de nombreuses tablettes et prières concernant son propre rang de servitude. Parmi celles-ci, il y a une prière qui sert maintenant de prière de souvenance pour 'Abdu'l-Baha. Concernant cette prière, il écrivit: "Celui qui récite cette prière avec ferveur et humilité apporte la joie et le contentement au coeur de ce serviteur ; c'est comme s'il le rencontrait face à face."

Dans cette prière, il décrit sa condition de servitude en terme très humble: "Seigneur, fais-moi boire au calice du renoncement, revêts-moi de son vêtement et plonge-moi dans son océan. Que je sois la poussière du chemin de tes bien-aimés, et permets que j'offre mon âme pour la terre ennoblie par les pas de tes élus dans ton sentier, ô Seigneur de gloire dans le Très-Haut !"

Ô cher lecteur ! La plupart des croyants connaissent cette prière par coeur et ont l'habitude de la réciter chaque matin. C'est pourquoi ce serviteur ne l'a pas citée en entier ici. L'appel que je vous lance maintenant, est de d'abord réciter cette prière (la prière de souvenance pour 'Abdu'l-Baha se trouve dans la plupart des livres de prières) puis de lire ce qui suit intitulé:

- L'histoire d'une expérience aigre-douce:

En ces jours, lorsque les amis de Perse étaient enflammés du feu de l'amour, et en même temps, avec un esprit de tolérance, se consumant dans ce feu de l'envie et de la haine, de la calomnie et de la diffamation, créé par le peuple de la méchanceté et les briseurs d'alliance, les poètes baha'is et les gens de lettres de ce pays avaient l'habitude d'écrire des poèmes en louange et en glorification de 'Abdu'l-Baha. Dans un langage élogieux et des plus éloquent ils avaient l'habitude d'acclamer son rang exalté.

Mais nous, les résidents baha'is d'Acre, le point autour duquel l'assemblée céleste gravite en adoration, étions très attentifs à ne point souffler mot du rang de souveraineté et d'autorité de la personne bénie de 'Abdu'l-Baha. Nous savions très bien qu'il avait souvent conseillé aux poètes qu'au lieu de chanter ses louanges, ils devraient exalter son rang de servitude et sa modestie.

À cette époque, je reçus un jour une lettre de l'une des servantes de Dieu *... Cette lettre, composée en vers, sur un ton élogieux, était adressée à 'Abdu'l-Baha sous la forme d'une supplication à la sainte présence de Dieu. Je tendis le poème au Maître tandis qu'il descendait les marches de la maison devant la mer. Je pensais que c'était le bon moment pour la lui donner. Il avait à peine lu une ou deux lignes que soudainement il tourna son visage vers moi et avec la plus grande tristesse et un profond sentiment de chagrin, dit: "Maintenant, même toi, tu me donnes des lettres comme celles-là ! Ne sais-tu pas le poids de la douleur et de la tristesse qui s'abat sur moi lorsque j'entends des gens qui s'adressent à moi avec des titres si élevés ? Même toi, tu ne m'as pas reconnu ! Si tu n'as pas pu apprécier cela alors à quoi peut-on s'attendre des autres ?...

*[nota: Baha'u'llah désignait souvent les croyants hommes par "serviteurs de Dieu" et les femmes par "servantes de Dieu"]

Ne vois-tu pas tout ce que je fais nuit et jour, et tout ce que j'écris dans mes lettres... Je jure par le Dieu Tout-Puissant que je me considère plus humble que chacun des bien-aimés de la Beauté bénie. Cela est ma ferme conviction...

Dis-moi si je me trompe. C'est mon plus grand désir. Je ne désire même pas faire cette revendication, parce que les revendications me déplaisent. Il se tourna alors vers la Qiblih et dit: "O Beauté bénie, accorde-moi ce rang"...

'Abdu'l-Baha parla ainsi en colère avec une telle vigueur que mon coeur s'arrêta presque. J'avais le sentiment d'étouffer, mon corps entier s'engourdissait. Franchement, je ressentais comme si la vie se retirait de moi. Non seulement la capacité de la parole m'avait été enlevée, mais l'énergie pour respirer semblait aussi partie. Je souhaitai que la terre s'ouvrît et m'engloutît afin que je ne puisse plus jamais voir mon Seigneur aussi accablé de douleur que cela. Franchement, pendant un instant je n'étais plus présent dans ce monde. Ce fut seulement lorsque le Maître reprit la descente des marches que le son de ses chaussures me fit sursauter. Je le suivis rapidement. Je l'entendis dire: "J'ai dit aux briseurs d'alliance que plus ils chercheront à me heurter, plus les croyants exalteront mon rang jusqu'à aller au point d'exagération..."

Maintenant que la responsabilité était ôtée aux croyants et qu'elle était mise sur le dos des briseurs d'alliance, je retrouvai quelque peu conscience et un peu de vie. J'écoutai attentivement ses paroles, mais mes pensées étaient ailleurs. Je comprenais maintenant que c'étaient les iniquités et les transgressions perpétrées par des briseurs d'alliance impitoyables qui avaient produit une forte réaction parmi les croyants qui ne pouvaient pas contrôler leurs émotions et leurs sentiments.

Mon amère expérience était maintenant terminée. Le Maître marchait de long en large dans le hall et parlait davantage des machinations des briseurs d'alliance. Mais je n'étais pas en état de penser correctement ni de méditer profondément. J'étais très perturbé pour avoir apporté tellement de chagrin au Maître, et je ne savais que faire. Puis je l'entendis dire: "Ce n'est en aucune façon la faute des amis. Ils disent ces choses à cause de leur fermeté, leur amour et leur dévouement..." À nouveau mes pensées étaient dirigées vers ses paroles. Puis je l'entendis me dire: "Tu m'es très cher, etc..." * D'après ses paroles, je compris que c'était toujours la façon du Maître pour ne jamais blesser une âme. Et maintenant le moment était venu de me réconforter et de m'encourager. La pression de mon coeur était relâchée. Toute l'angoisse refoulée était partie. J'éclatai en sanglots qui s'écoulèrent à flots sur mes joues et j'écoutai plus attentivement. J'entendis ses paroles tandis qu'il déversait ses bontés sur moi en termes si réconfortants et si affectueux qu'ils allèrent bien au-delà des limites normales de l'encouragement. Il déversa sur moi tant d'affectueuse bonté et de faveurs que lorsque je considère ma capacité et ma valeur limitées, je ne pouvais supporter de l'entendre ; par conséquent, je n'ai jamais permis à ces mots d'entrer dans ma mémoire. Néanmoins, j'étais empli d'une telle joie indescriptible et d'une telle extase que je désirai que s'ouvrissent les portes du ciel et que je puisse accéder au Royaume d'en haut.

*[nota: il est évident que par modestie et humilité, le Dr Yunis Khan ne désire pas révéler toutes les louanges et les encouragements que le Maître lui a prodigués]

Lorsqu'il me laissa quitter sa présence, je me dirigeai vers la maison des pèlerins dans un tel état d'ivresse et d'excitation que je marchais dans les rues d'Acre ne sachant pas où j'allais !

Et maintenant, cher lecteur, vous pouvez voir comment cette amère expérience s'est transformée en douce expérience et comment tout s'est terminé. La terre ne s'est pas entr'ouverte pour m'avaler, ni les cieux pour me laisser monter ! Et, ainsi je peux écrire les histoires de ces jours et en souvenir de sa radieuse personne, je peux vous dire: "Allah'u'Abha !" * (6 Khatirat-i-Nuh-Saliy-i-'Akka)

*[nota: littéralement: Dieu est le plus Glorieux]

Durant le temps où Baha'u'llah demeura dans la maison de 'Abbud, ses compagnons d'exils s'étaient totalement établis dans la cité d'Acre, et la plupart d'entre eux avaient réussi dans leurs humbles professions. Pendant la durée des fonctions de gouverneur de Ahmad Big Tawfiq, ils profitaient d'une paix relative dans leur travail. Mais avec l'arrivée du nouveau gouverneur, 'Abdu'r-Rahman Pasha, la situation changea. Car il fut l'un des gouverneurs les plus hostiles envers Baha'u'llah et ses compagnons. Il était très avide et lorsque son intention d'extorquer de l'argent à la compagnie des exilés échoua, il soumit un rapport incendiaire aux autorités d'Istanbul. Il se plaignit qu'au lieu d'être emprisonnés, tous les baha'is d'Acre étaient libres et travaillaient. La réponse de la Sublime Porte - le bureau du Grand Vizir à Istanbul - était que l'édit du sultan devait être obéi, qu'ils étaient des prisonniers et n'avaient pas le droit de travailler.

Husayn-i-Ashchi a fait un récit détaillé de cet épisode dans ses mémoires. Il faut savoir qu'à l'époque Aqa Husayn purgeait une peine de prison à cause de son rôle dans l'assassinat de trois azalis à Acre, mais grâce à la bonne volonté de certaines des autorités, il avait la permission d'aller chaque matin chez Baha'u'llah où il travaillait comme cuisinier et il retournait le soir à la prison. Ce qui suit est un résumé de ses notes:

Lorsque 'Abdu'r-Rahman Pasha reçut la note de la Sublime Porte condamnant les exilés à l'emprisonnement, son arrogance augmenta. Il décida de s'en servir comme moyen pour soutirer de l'argent pour lui-même... N'ayant pas réussi, un soir il appela Shaykh 'Aliy-i-Miri, le mufti * d'Acre qui était un admirateur de 'Abdu'l-Baha, et partagea avec lui son plan pour arrêter les baha'is le lendemain matin. Son plan était de les faire arrêter lorsqu'ils viendraient ouvrir leurs échoppes et de les envoyer en prison. Il avait aussi planifié de restreindre dans la cité la liberté de mouvement de 'Abdu'l-Baha. Il sollicita le soutien du mufti pour ce plan... La même nuit, le mufti alla voir 'Abdu'l-Baha, lui fit part de la nouvelle et conseilla vivement au Maître d'offrir un pot-de-vin au gouverneur, car sinon tout le monde serait arrêté au matin. Désapprouvant la solution du mufti, 'Abdu'l-Baha l'assura que Dieu était compatissant et miséricordieux et qu'il laissait ce problème entre les mains de Dieu. Il lui conseilla d'aller chez lui et d'être confiant dans l'issue. Il était tard et Baha'u'llah s'était déjà retiré. Néanmoins, 'Abdu'l-Baha alla le voir et l'informa de la nouvelle. Baha'u'llah ordonna que les croyants soient informés de ne pas aller travailler le lendemain matin. Chacun fut informé et tous se réunirent le matin dans la chambre de réunion de 'Abdu'l-Baha.

*[nota: le chef religieux de la cité qui habituellement exerçait une plus grande influence et une plus grande autorité que le gouverneur]

À l'époque j'étais consigné... mais chaque matin, j'avais la permission d'aller chez Baha'u'llah où je travaillais comme cuisinier et le soir je retournais à la prison. Ce matin-là, en chemin, je remarquai que l'échoppe de Aqa Muhammad-Ibrahim, le chaudronnier, était fermée ainsi que les autres échoppes des croyants. J'étais très surpris et me demandai ce qui s'était passé. Je me hâtai vers la maison de Baha'u'llah où je trouvai tous les commerçants réunis dans la chambre de réception. On m'informa de la nouvelle et j'allai travailler dans la cuisine. Il était plus ou moins deux heures après le lever du soleil lorsqu'un homme de sa canne écarta le rideau devant la porte. Je regardai, c'était Iskandar Effendi, le chef du bureau du télégraphe. Il était très pressé, mais on pouvait détecter des signes de joie dans son apparence. Il voulait voir le Maître qui à ce moment-là se trouvait en haut. Je montai et constatai qu'il était en présence de Baha'u'llah. Je dis au Maître que Iskandar Effendi était venu le voir et qu'il était de bonne humeur. La Beauté bénie sourit et dit "descends Aqa ! *, iI a de bonnes nouvelles. Nul ne peut faire échouer le plan de Dieu."

*[nota: Maître, un des titres que Baha'u'llah lui conféra. Il appelait habituellement 'Abdu'l-Baha, Aqa]

'Abdu'l-Baha alla dans la chambre de réception où on lui montra un télégramme qui venait d'arriver contenant les ordres de révocation de 'Abdu'r-Rahman Pasha *. Quelques minutes plus tard, il se précipita en haut. À mi-chemin, je lui demandai s'il pouvait me faire part de la nouvelle. Il sourit et dit à voix forte, "Dieu a frappé un grand coup sur le Pasha". Puis, il alla transmettre la nouvelle à Baha'u'llah.

*[nota: ce n'était pas une chose inhabituelle pour le bureau du télégraphe de partager de telles nouvelles avec les gens car il n'y avait pas d'autres média. Le fait que 'Abdu'l-Baha ait reçu la nouvelle avant le gouverneur montre la profonde considération que certains fonctionnaires avaient envers le Maître]

Quant à 'Abdu'r-Rahman Pasha, le matin, accompagné de quelques soldats, il alla pour arrêter les croyants à leurs échoppes et les jeter en prison. À sa surprise, il trouva les magasins fermés. Tout d'abord il pensa que l'ouverture était retardée à cause du mois de ramadan lorsque les gens allaient travailler tard. Peu de temps après, il alla au poste de police où il attendit que les échoppes ouvrent. Pendant tout ce temps, il n'était pas conscient de l'intervention divine... Le télégramme ci-dessus était adressé au Shaykh 'Aliy-i-Mirii, le mufti d'Acre, qui communiqua son contenu au Pasha ... Le mufti fut véritablement surpris par cet événement. Car il était tard le soir lorsque le projet du gouverneur avait été révélé, et le matin, le télégramme était arrivé. Il considéra cet incident comme un miracle. Il dit au Maître: "Je suis presque sur le point de perdre la tête dans cet épisode. S'il vous plaît, dîtes-moi ce que Baha'u'llah a dit hier soir tard lorsque vous l'avez informé du complot ?" 'Abdu'l-Baha répondit en disant que la Beauté bénie avait ordonné que les croyants n'ouvrent pas leurs échoppes le matin et leur avait conseillé de laisser leurs affaires entre les mains de Dieu. (7 Mémoires non publiées)

Dans une tablette (8 Ma'idiy-i-Asmani, vol.8, p.63) Baha'u'llah décrit 'Abdu'r-Rahman Pasha comme la personnification de Satan, quelqu'un qui, à Acre, voulait gouverner au-dessus de Dieu. Il affirme que pendant quelque temps, Dieu l'aida dans ses complots machiavéliques jusqu'à ce que soudainement il le saisisse avec puissance et pouvoir. Mettant en garde le gouverneur évincé, Baha'u'llah déclare qu'il n'avait pas été capable d'empêcher Dieu d'exécuter sa volonté, et lui rappelle que des hommes plus grands que lui n'avaient pas réussi à faire échouer son dessein. Il fait aussi référence au destin d'autres gouverneurs et fonctionnaires hostiles qui par le pouvoir de Dieu, furent soit démis de leur fonction ou tombèrent malades.

Les autres gouverneurs qui suivirent 'Abdu'r-Rahman Pasha furent amicaux. Tout d'abord ce fut Asa'd Effendi qui fut envoyé à Acre. Il fut pendant un court laps de temps gouverneur par intérim et avait été tout spécialement missionné pour faire une enquête sur la condition des exilés. Bien que Baha'u'llah ne donnât pas souvent d'entrevue aux gens qui étaient en dehors de son cercle de disciples, il autorisa Asa'd Effendi à venir le voir. C'était le résultat des sollicitations répétées d'Asa'd Effendi et l'intercession de 'Abbud. Asa'd Effendi fut tellement impressionné par la gloire de la personne de Baha'u'llah qu'il s'agenouilla devant lui et, en partant, embrassa le bas de son vêtement.

Le gouverneur suivant fut Faydi Pasha dont nous avons parlé précédemment. Durant son court séjour, à peu près deux mois à Acre comme gouverneur, il devint l'un des ardents admirateurs de 'Abdu'l-Baha. Un jour, il remarqua que quelques chefs religieux, y compris le mufti d'Acre, prenaient part à des discussions religieuses dans la mosquée. Il leur fit transmettre son mécontentement de voir que 'Abdu'l-Baha n'était pas là pour diriger de telles classes. On lui dit que c'était les ordres du Sultan qui interdisaient une telle activité. Lors d'une autre occasion, lorsqu'il remarqua que 'Abdu'l-Baha ne quittait pas les limites de la cité, il envoya un mot pour dire qu'il devait se sentir libre de visiter d'autres localités à l'extérieur d'Acre. Faydi Pasha était un homme d'action. Son admiration pour 'Abdu'l-Baha et son soutien renforcèrent le prestige de la communauté. Ce qui suit est un résumé des mémoires de Husayn-i-Ashchi sur Faydi Pasha:

Un jour, le Maître était en présence de Baha'u'llah et parlait de Faydi Pasha. J'étais présent à cette occasion lorsque le Maître raconta en détail certaines activités du gouverneur et louant sa ténacité, ses services et sa sincérité. Baha'u'llah dit: "Aqa ! ce Pasha est une grande personnalité. Un homme aussi grand que lui n'aura pas l'autorisation de rester très longtemps ici. Vous allez voir qu'il va être soudainement rappelé à Istanbul par télégramme. S'il y avait eu quelques personnalités comme celle-ci parmi les gouvernants ottomans, le gouvernement aurait fait de grands progrès."

Puis 'Abdu'l-Baha partit et descendit vers le salon de réception. Cela ne prit pas plus d'une heure et demie avant que n'arrive un télégramme de la Sublime Porte ordonnant à Faydi Pasha de se rendre à Istanbul. Le télégramme fut d'abord montré au Maître par le directeur du bureau du télégraphe et fut ensuite transmis au gouverneur ... Quand il vint faire ses adieux, il offrit particulièrement son aide en son absence si quelques difficultés devaient être créées à la compagnie des exilés. Il nous dit de lui envoyer un télégramme et il ferait de son mieux pour aider. C'était un homme très influent. Il était gentil et affectueux envers nous, et dans différentes assemblées, il fit l'éloge de la communauté. (9 Mémoires non publiées)

Après Faydi Pasha, ce fut l'amical Ibrahim Pasha, qui fut installé comme gouverneur, et après lui Mustafa Diya Pasha, qui fut tellement impressionné par 'Abdu'l-Baha et la communauté tout entière, et bien que cela fut à l'encontre de l'édit du sultan, fit savoir que Baha'u'llah était libre de franchir les portes de la cité. Cependant Baha'u'llah déclina son offre et demeura dans la maison de 'Abbud jusqu'en juin 1877 date à laquelle le mufti d'Acre, comme nous le verrons, tomba littéralement à genoux et le supplia de quitter Acre.

Depuis son arrivée à Acre et pendant près de neuf années, Baha'u'llah n'avait pas quitté les limites de sa résidence. Quoique, comme nous l'avons déjà vu, l'approvisionnement en eau fonctionnait et l'eau saumâtre des puits était changée en eau douce, la cité dépourvue de toute verdure, était en elle-même une prison lugubre. Nous avons appris dans les Écrits de Baha'u'llah que la Manifestation de Dieu habite dans un royaume spirituel loin de la capacité d'entendement des hommes. Dans cette condition, l'emprisonnement et les calamités n'ont aucun effet sur lui. Mais le côté humain ressent la douleur et la souffrance. Lorsque nous passons en revue les événements du ministère de Baha'u'llah, ces neuf années passées dans la cité d'Acre peuvent être considérées comme les plus déprimantes de sa vie terrestre. Car il était, d'un point de vue humain, extrêmement amoureux de la beauté de la nature. Il aimait les jardins orientaux avec leurs fleurs parfumées et leurs buissons. Dans sa jeunesse, avant la naissance de la révélation babie et jusqu'à ce qu'il fût dépouillé de toutes ses possessions à l'époque du Siyah-Chal (voir vol.1), il passait beaucoup de son temps au printemps et à l'été dans la campagne. Il vivait dans sa maison ancestrale dans le village de Takur, dans le district de Nur, dans un environnement magnifique. Des journées entières, il s'attardait dans des jardins exquis. Et lorsque la foi babie naquit, il prit l'habitude de recevoir les croyants dans ses domaines majestueux.

Dans une tablette, (10 Épître à Bashiru's-Sultan) 'Abdu'l-Baha décrit la beauté du paysage de la résidence d'été où Baha'u'llah demeura un été. C'était l'un des villages dans la région de Shimiran près de la montagne Alborz proche de Téhéran. Cet endroit avait de magnifiques jardins et un lac. Une énorme plateforme de pierre avait été construite au milieu du lac. Une tente y avait été plantée entourée de fleurs. Cela se passait au début de la foi babie et les croyants avaient l'habitude de s'y rendre, parfois jusqu'à cent cinquante d'entre eux. Charmés par la présence de Baha'u'llah, ils s'asseyaient en rond et chantaient les versets divins au milieu du charme des environs. Ceci n'est qu'un exemple pour montrer combien il aimait passer ses journées à la campagne.

À Bagdad aussi, où Baha'u'llah vécut une vie austère pendant de longues années, il était libre de marcher le long des rives du Tigre en plein air, ou de planter sa tente dans certains jardins à l'extérieur de la cité, et d'y rester quelque temps. Et à Andrinople, il y eut des occasions où Baha'u'llah eut la possibilité de passer quelque temps dans des jardins qu'il louait. Mais à Acre, pendant neuf ans il ne vit même pas un brin d'herbe pour réjouir son coeur. Une fois, il fit une remarque à ce sujet et 'Abdu'l-Baha sut, par le pouvoir créateur des paroles de son Père, qu'il était temps pour lui de quitter Acre. 'Abdu'l-Baha a raconté comment se termina l'emprisonnement de Baha'u'llah:

Baha'u'llah aimait la beauté et la verdure des campagnes. Un jour, il fit cette remarque: "Je n'ai vu aucune verdure depuis neuf ans. La campagne est le monde de l'âme, la ville est le monde des corps." Quand ce propos me fut rapporté, je compris à quel point il avait la nostalgie de la nature et je fus convaincu de réussir par mes efforts à satisfaire son désir. Il y avait alors à Acre un homme appelé Muhammad Pasha Safwat qui nous était extrêmement hostile. Il possédait un palais appelé Mazra'ih, situé à environ sept kilomètres au nord de la ville, dans un site ravissant tout entouré de jardins où coulait un ruisseau. J'allai trouver le propriétaire chez lui. Je lui dis: "Pasha, votre palais est vide et vous vivez à Acre." il répondit: "Je suis infirme et ne puis quitter la ville. Si je vais là-bas, dans ce lieu solitaire, je serai seul et loin de mes amis. Je dis "Puisque vous ne vivez pas là-bas et que la maison est vide, laissez-nous y aller." Il fut stupéfait de la proposition, mais ne tarda pas à l'accepter. J'eus la maison pour un loyer minime, environ cinq livres par an ; je lui payai cinq années d'avance et fis un bail. J'envoyai des ouvriers réparer la maison, mettre le jardin en état et j'y fis installer des bains. Je fis aussi préparer une voiture pour la Beauté bénie. Un jour, je résolus d'aller visiter l'endroit moi-même. En dépit des farmans répétés nous interdisant de franchir la limite des murs de la ville, je sortis de la cité. Des gendarmes veillaient, mais ils n'élevèrent aucune objection et je me dirigeai directement vers le palais. Le jour suivant, je m'y rendis de nouveau, accompagné de quelques amis et personnalités de la ville et je ne fus ni arrêté ni molesté, bien que des gardes et des sentinelles veillassent de chaque côté des portes. Une autre fois, je préparai un banquet, fis mettre la table sous les pins de Bahji et je réunis les notables et les fonctionnaires de la ville. Le soir, nous retournâmes tous ensemble à Acre.

Un jour, je me rendis en la sainte présence de la Beauté bénie et je lui dis: "La villa de Mazra'ih est prête pour vous recevoir et une voiture attend pour vous y conduire." (En ce temps-là, il n'y avait de voiture ni à Acre ni à Haïfa) Il refusa, disant: "Je suis un prisonnier." Quelque temps après, je renouvelai ma requête, mais sans plus de succès. Je m'enhardis jusqu'à en parler une troisième fois, mais la réponse fut encore "non" et je n'osai pas insister davantage. Cependant, il y avait à Acre un certain Muhammadan Shaykh, homme bien connu et très influent qui vénérait Baha'u'llah et avait su gagner sa confiance. J'appelai ce Shaykh et lui expliquai la situation. Je lui dis: "Vous êtes hardi, allez ce soir en la sainte présence, mettez-vous à genoux devant elle, prenez-lui les mains et n'abandonnez pas avant d'avoir obtenu sa promesse de quitter la ville." Il était arabe... Il se rendit à l'instant auprès de Baha'u'llah, s'assit tout près de lui, s'empara des mains de la Beauté bénie, les baisa et demanda: "Pourquoi ne quittez-vous pas la ville ?" Baha'u'llah dit: "Je suis prisonnier" Le Shaykh répliqua: "Dieu vous garde ! Qui a le pouvoir de faire de vous un prisonnier ? Vous vous emprisonnez vous-même. C'est par votre volonté seule que vous avez été emprisonné et maintenant je vous supplie de partir d'ici pour vous rendre à ce manoir... Il est agréable et entouré de verdure. Les arbres y sont splendides et les orangers y ressemblent à des boules de feu." Aussi longtemps que la Beauté bénie répéta: "Je suis un prisonnier, cela est impossible," le Shaykh prit ses mains et les embrassa. Il plaida une heure durant. À la fin, Baha'u'llah dit: "Khayli khub !" (très bien) et la patience et la persévérance du Shaykh se trouvèrent récompensées. Il vint me trouver tout joyeux et m'annonça la bonne nouvelle du consentement de Sa Sainteté. En dépit du sévère firman de 'Abdu'l-'Aziz qui m'interdisait toute rencontre et communication avec la perfection bénie, je pris le lendemain la voiture et conduisis Baha'u'llah au manoir. Personne n'y fit objection. (n°11, J. ESSLEMONT, Baha'u'llah et l'Ere Nouvelle , p.50-2)

Cet épisode démontre à lui seul la suprématie spirituelle de Baha'u'llah, sa majesté et sa grandeur. Bien que le décret du sultan despote le condamnant à vie à un emprisonnement solitaire fût toujours en vigueur, ce fut le dignitaire le plus élevé de la cité d'Acre qui avec une grande humilité s'agenouilla devant lui et insista pour qu'il veuille quitter la cité-prison et qu'il aille demeurer là où il le souhaitait. 'Abdu'l-Baha décrit cet événement comme l'un des plus grands miracles de Baha'u'llah. Voici les paroles du Maître:

Car le Plus-Grand-Nom fut retenu prisonnier et enfermé dans la forteresse d'Acre pendant neuf ans. En tout temps, que ce soit dans la caserne et par la suite, à l'extérieur de la maison, la police et les farrashes le gardaient sous surveillance constante. La Beauté bénie vivait dans une très petite maison et elle ne posa jamais le pied en dehors de ce logis étroit, car ses oppresseurs épiaient sans cesse sa porte. Cependant, lorsque neuf années se furent écoulées, durée fixée et prédéterminée, et à ce moment-là, contre la volonté rancunière du tyran 'Abdu'l-Hamid et de tous ses subordonnés, Baha'u'llah sortit de la forteresse avec autorité et pouvoir et s'installa dans un manoir au-delà de la ville.

Bien que la police du sultan 'Abdu'l-Hamid fut plus dure que jamais, bien que celui-ci insista constamment sur l'emprisonnement strict de son captif, la Beauté bénie vivait maintenant, comme chacun sait, avec tout le pouvoir et la gloire. Baha'u'llah passait une partie de son temps dans le manoir et ainsi que dans le village rural de Mazra'ih. De temps à autre, il séjournait à Haïfa et occasionnellement sa tente était plantée sur les hauteurs du mont Carmel. Les amis venant de partout se présentaient pour obtenir une audience. Les gens et les autorités gouvernementales étaient témoins de tout, et pourtant personne ne souffla mot. Et cela est un des plus grands miracles de Baha'u'llah, que lui, un captif, se soit entouré d'un bouclier et exerce un pouvoir. La prison se changea en palace, la geôle elle-même devint un jardin d'Eden. Cela ne s'était jamais produit auparavant dans l'histoire, aucun âge antérieur n'a été témoin d'une telle chose: qu'un homme emprisonné puisse se déplacer avec autorité et pouvoir, que quelqu'un d'enchaîné puisse porter la renommée de la cause de Dieu aussi haut, puisse remporter de splendides victoires à l'Orient comme à l'Occident, et puisse, par sa plume toute puissante, subjuguer le monde. Tel est le caractère distinctif de cette suprême théophanie. (12 Memorials, p.26-27)

Shoghi Effendi le Gardien de la foi baha'ie, a aussi fait référence au même sujet. Citant certains passages des paroles de Baha'u'llah et de 'Abdu'l-Baha, il écrit:

L'un des compagnons d'exil a rapporté que Baha'u'llah a déclaré: "Le sultan 'Abdu'l-'Aziz nous a banni en ce pays dans le plus grand abaissement, et comme son but était de nous détruire et de nous humilier, chaque fois que la gloire et le confort ont été à notre portée, nous ne les avons pas rejetés." "Maintenant, grâce à Dieu," remarqua-t-il encore un jour, comme le rapporte Nabil dans sa narration, "l'état de choses en est venu à un point où tous les peuples de ces régions nous manifestent leur soumission". Et par ailleurs, comme le rappelle ce même récit: "Le sultan ottoman s'est levé pour nous opprimer, sans raison ni justification d'aucune sorte, et il nous a envoyé dans la forteresse d'Acre. Son farman impérial avait décrété que nul ne devait entrer en relation avec nous et que nous devrions être un objet de haine pour tous. La main de la puissance divine nous a donc rapidement vengés. Elle a d'abord lâché les vents de la destruction sur ses deux irremplaçables ministres et confidents, 'Ali et Fu'ad, après quoi cette main s'est étendue pour enrouler la panoplie de 'Aziz lui-même, et pour se saisir de lui comme, seul, peut saisir celui qui est le Puissant, le Fort."

'Abdu'l-Baha a écrit sur ce même sujet: "ses ennemis s'attendaient à ce que son emprisonnement le détruisît complètement et annihilât la cause bénie, mais en réalité cette prison fut le meilleur des auxiliaires et devint l'instrument de son développement." "... Cet être illustre", a-t-il affirmé en outre, "édifia sa cause dans la plus grande prison . De cette prison, son rayonnement se répandit au loin, sa renommée conquit le monde, et la proclamation de sa gloire atteignit l'Orient et l'Occident." "Au commencement, sa clarté était celle d'une étoile ; elle est devenue maintenant celle d'un puissant soleil." "Jusqu'à aujourd'hui", a-t-il encore affirmé, "une telle chose ne s'était jamais produite."

Il n'est pas étonnant que, devant un aussi remarquable renversement des conditions qui présidèrent aux vingt-quatre années de son bannissement à Acre, Baha'u'llah ait lui-même écrit ces paroles lourdes de sens: "De cette maison geôle, le Tout-Puissant... a fait le plus sublime des paradis, le ciel privilégié entre tous." (13 SHOGHI EFFENDI, Dieu passe près de nous, p.187)

Les souffrances de Baha'u'llah pendant ces neuf années d'emprisonnement à l'intérieur des murs de la cité-prison d'Acre et particulièrement les deux années passées dans la caserne, furent les plus pénibles de son ministère. Pourtant, ce fut pendant cette période que quelques-uns des Écrits les plus essentiels furent révélés par sa plume. Le Kitab-i-Aqdas, le Livre mère de la "dispensation" de Baha'u'llah, décrit par Shoghi Effendi comme la "plus brillante émanation de l'esprit de Baha'u'llah", fut révélé comme nous l'avons observé, durant cette époque de grandes afflictions et de douleur. La proclamation de son message aux rois et dirigeants du monde atteignit son apogée final pendant cette période. Et il est significatif que la plupart de ses avertissements aux têtes couronnées du monde furent transmis de l'intérieur des limites de cette cité-prison. Ce fut aussi pendant cette période que les fondations de la communauté baha'ie au pays de sa naissance furent grandement consolidées, d'un côté par l'héroïsme et le sacrifice de soi de ses martyrs tels que Badi', et d'un autre côté par l'apparition d'enseignants dévoués et très doués de sa Cause, et parmi eux l'apologiste érudit Mirza Abu'l-Fadl.

Et, il est significatif, que ce fut durant ces années calamiteuses et en conséquence directe des afflictions et des souffrances qui étaient entassées sur la Manifestation suprême de Dieu dans cette Plus-Grande-Prison, que ces énormes forces spirituelles furent déclenchées, libérant ainsi l'humanité de toutes les chaînes qui l'avait entravée au cours des époques et des siècles passés. Comme en témoigne Baha'u'llah dans la tablette suivante, révélée à Acre, il avait consenti à être enchaîné pour que les générations futures puissent elles-mêmes être libérées de la malédiction de l'oppression et de l'injustice et puissent vivre une vie noble dans une véritable liberté et dans la paix.

Celui qui est la Beauté ancienne s'est laissé charger de chaînes pour que l'humanité soit libérée de son esclavage, et il a accepté d'être emprisonné dans cette puissante forteresse pour que le monde entier parvienne à la vraie liberté. Il a bu jusqu'à la lie le calice du chagrin afin que tous les peuples de la terre atteignent à la joie éternelle et soient remplis d'allégresse ; ceci est dû à la miséricorde de votre Seigneur, le Compatissant, le Très-Miséricordieux. Nous avons, ô croyants en l'unité de Dieu, accepté d'être abaissé pour que vous soyez exaltés, et nous avons souffert une multitude d'afflictions pour que vous deveniez florissants et prospères. Or, voyez comment ceux qui donnent des associés à Dieu ont forcé d'habiter la plus désolée des cités celui-là même qui est venu reconstruire le monde. (14 Florilège des Écrits de Baha'u'llah, p.65, n°45)


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