Médiathèque baha'ie

Le prophète-martyr d’une foi mondiale

Par WILLIAM SEARS


"L'éclatant soleil de juillet se reflétait d'une façon éblouissante sur les canons des sept cent cinquante fusils prêts à faire feu et à lui ôter la vie.
Il semblait si jeune pour mourir, à peine atteignait-il la trentaine.
Il était si noble, désarmé et courageux. Pouvait-il vraiment être coupable du crime affreux dont il était accusé?
Des milliers de spectateurs impatients bordaient la place publique.
Il garnissait de grappes humaines la crête de toits avoisinant la scène de mort. Ils voulaient le voir une dernière fois car ils ne savaient que penser de lui. Etait-il un héros ou un coupable ? Nul n'en était certain.
Dans ce décor aride de la Perse, le soleil dardait ses rayons sur la cour de la caserne de Tabriz… Midi allait sonner… C'était le 9 juillet 1850."

La succession des évènements aboutissant à cette scène débuta en 1844.

Ce fut une époque de ferveur religieuse. Partout, l'on prêchait le retour du Christ et l'on incitait les hommes à s'y préparer. Wolff en Asie, Sir Edwards Irwing en Angleterre, Léonard H. Kelber en Allemagne, Mason en Ecosse, Davis en Caroline du Sud et William Miller en Pennsylvanie, tous étaient tombés d'accord pour reconnaître que leurs études des Ecritures indiquaient clairement que l'heure du retour du Christ était proche.

Le poème "La Crise" de James Russel Lowell fut écrit en ces temps d'enthousiasme en vue de l'avènement :
Une fois pour chaque homme,
Et pour chaque nation,
Survient le moment du choix,
Quelque grande cause, le nouveau Messie de Dieu.

Il était généralement admis que les années comprises entre 1843 et 1847 devaient marquer le retour du Christ. Des études approfondies des prophéties avaient conduit théologiens et chercheurs, en différentes parties du monde, à ces années fatidiques.

N'y eut-il donc aucun signe du retour du Christ au cours de ces années ? Ou plutôt cette période ne devait-elle pas être comparée à celle qui suivit la naissance et la proclamation du message du Christ; aux années qui s'écoulèrent sans aucun signe visible pour le peuple de Palestine indiquant que le Promis était venu? Et le souvenir de la crucifixion d'un fauteur de troubles de Nazareth était chassé de tous les esprits. L'histoire allait-elle s'arrêter comme elle s'était arrêtée au temps de Jésus, pendant plus de cent ans, avant que le nouveau message ne commence à toucher la conscience des êtres humains. Fallait-il que le drame du calvaire se répète devant un poteau d'exécution sur la place publique de Tabriz?

Ce fut en 1844, en Perse, que commence cette histoire.

Elle débute la veille du 23 mai, à Shiraz, la "ville des rossignols et des fontaines de céramique bleue", Shiraz, dans ce qui fut, autrefois, l'ancienne province de l'Elam décrite par Daniel le prophète comme étant l'endroit de la vision relative aux temps de la fin et mentionnée dans le Livre de Jérémie: "Et j'installerai mon trône en Elam".

C'est la qu'un jeune homme déclara être Celui que toutes les Ecritures saintes du passe avaient annoncé. Il proclama qu'Il était venu pour inaugurer une nouvelle ère, un printemps nouveau dans le coeur des hommes. Il fut appelé "Le Bab" ce qui signifie "La Porte", ou "L'Entrée". Son enseignement devait conduire à un nouvel âge d'unité : "le monde est un seul pays et l'humanité ses citoyens; il n'y a qu'une religion et tous les prophètes l'ont enseignée".

Comme Jésus avait parle à Pierre le pêcheur, de même le Bab parla à un étudiant persan, Mulla Husayn.

Les paroles de ce dernier peuvent le mieux décrire la profondeur de cette expérience:

"Je m'assis, sous le charme de ses paroles, oublieux du temps. Cette révélation qui me fut si soudainement, si magistralement imposée, me frappa comme un coup de foudre. Pendant un certain temps, elle sembla avoir paralysé toutes mes facultés. Surexcitation, joie, crainte, et surprise remuèrent les profondeurs de mon être. Mais par-dessus toutes ces émotions, une sensation de bonheur et de force inexprimables semblait m'avoir transfiguré. J'étais assis, captivé par le charme de sa voix et la force entraînante de sa révélation. A regret, je finis par me lever de mon siège et demandai la permission de me retirer."

"Le Bab, souriant, me pria de me rasseoir et dit "si vous partez dans un tel état quiconque vous verra dira assurément: ce pauvre jeune homme a perdu la raison".

Au même instant, l'horloge marquait deux heures et onze minutes après le coucher du soleil, dans la nuit du 23 mai 1844. Comme Mulla Husayn se préparait à partir, le Bab lieu déclara: "Cette nuit, cette heure même, seront célèbres dans l'avenir comme une des fêtes les plus grandes et les plus significatives."

Cent années après, le 23 mai 1944, dans plus de huit cents communautés baha'ies établies dans le monde entier cette même heure fut commémorée comme étant l'aube d'un nouvel âge, le commencement d'une ère d'unité et de fraternité.

En un siècle, à partir de la soirée marquant sa naissance, cette foi mondiale proclamée par le Bab s'était entendue dans la plupart des pays, groupant des êtres humains de toutes tendances, de toutes convictions religieuses, de toute couleur de peau.

La renommée du Bab ne tarda pas à s'étendre au-delà du cercle de ses disciples. Elle parvint bientôt jusqu'aux autorités de l'Eglise et de l'Etat, qui s'inquiétèrent de l'enthousiasme avec lequel le peuple acceptait le message du Bab. Le clergé dirigea immédiatement ses attaques contre lui. Les savants et les orateurs les plus sages et les plus capables furent réunis afin de discuter avec lui et d'essayer de le confondre. De grands débats publics furent organisés à Shiraz dans l'espoir de discréditer le jeune prophète. Le gouverneur, le clergé, les chefs militaires et aussi le peuple y furent invités.

Le Bab énonça des vérités si évidentes que, jour après jour, la foule de ses auditeurs augmentait. La pureté de sa vie, à un âge où les passions sont les plus vives, impressionnait les personnes qui le rencontraient. Il était doué d'une éloquence et d'une audace extraordinaires. De ce fait, plutôt que de combler les espoirs du clergé, les débats organises par lui, au contraire, augmentèrent encore le prestige du Bab à leur détriment. Il y dénonça sans les ménager leurs vices et leur corruption ; Il prouva leur infidélité envers leur propre doctrine. Il les couvrit de honte pour leur genre de vie. Il les confondit au moyen de leur propre Livre sacré.

Bientôt toute la Perse parla du Bab. Le Shah lui-même entreprit de vérifier la véracité des rapports le concernant. Il délégua Siyyid-i-Darabi, surnomme Vahid, à Shiraz pour y étudier en personne la question. Vahid fut choisi parce qu'on l'appelait "le plus érudit et le plus influent de tous les sujets du Shah".

Vahid eut trois entrevues avec le Bab. Apres la première, il déclara à un ami: "En sa présence, je fis étalage à l'excès de mes propres connaissances. Il fut capable de donner en quelques mots une réponse à toutes mes questions."

Par la suite, Vahid devait encore dire: "Aussitôt que j'étais introduit en sa présence, une sensation de crainte, que je ne pouvais réprimer, me saisissait subitement. Le Bab, constatant mon état, se leva de son siège, avança vers moi, et, me prenant par la main, me fit asseoir à ses côtés.

"Demandez-moi, dit-il, tout ce que désire votre coeur. Je vous le révélerai volontiers."

"Comme un enfant ne pouvant ni parler ni comprendre, je me sentais incapable de répondre. Le Bab souriait tout en me regardant. Il dit :

"Si je vous révèle les réponses aux questions que vous vous posez, reconnaîtrez-vous que mes paroles sont nées de l'esprit de Dieu. Admettrez-vous que mes propos ne sont en aucune façon empreints de magie et de sorcellerie?"

"Comment pourrais-je décrire cette scène d'inexprimable majesté? Les versets coulaient de sa plume avec une rapidité réellement surprenante. L'incroyable facilité de son écriture, le doux murmure de sa voix et la prodigieuse force de son style me stupéfièrent et me désorientèrent."

Vahid résuma le rapport relatif à son enquête sur le Bab en disant: "Tel fut l'état de certitude auquel j'étais parvenu que rien ne pouvait ébranler ma confiance en la grandeur de sa cause."

Lorsque le Shah en fut informé, il dit à son Premier ministre: "Nous avons été informé que Vahid est devenue un disciple du Bab; si cela est vrai, il nous incombe de cesser d'amoindrir la cause de ce jeune homme."

Toujours trouble par la réponse de Vahid concernant l'enseignement du Bab, le Shah - ayant reçu sur ces entrefaites une lettre du Bab demandant une audience - ordonna que celui-ci soit convoqué à Téhéran. Dans sa lettre, le Bab exprimait sa confiance dans la justice du roi et son souhait de venir participer dans la capitale à des conférences avec les prêtres de l'empire, en la présence du Shah, des autorités et du peuple. Le Bab offrait d'expliquer sa cause et le but poursuivi par lui. Il déclarait encore qu'il acceptait d'avance le jugement du Shah et que, en cas d'échec, il était prêt à sacrifier sa vie.

Le Bab n'arriva jamais a Téhéran, le Premier ministre, Haji Mirza Aqasi, redoutant les conséquences éventuelles d'une telle entrevue. Il craignait que le Bab ne puisse prendre une certaine influence sur le souverain et la population de la ville. Il parvint à convaincre le Shah qu'un sujet aussi dangereux devait être incarcéré à Mahku, une forteresse prison située dans les montagnes de l'Adhirbayjan.

En route vers Mahku, le Bab approcha des portes de Tabriz. La nouvelle de son arrivée remua le coeur des gens qui se portèrent à sa rencontre, impatients de souhaiter la bienvenue à un guide tellement aimé. Mais les autorités gouvernementales défendirent au peuple de l'approcher et de recevoir sa bénédiction.

Lorsque le Bab traversa les rues de Tabriz, les clameurs de bienvenue de la multitude résonnaient de tous côtés. Le tumulte fut tel qu'un crieur reçut l'ordre de prévenir la population du danger auquel elle s'exposait. L'avertissement fut donné : "Quiconque essaiera d 'approcher le Bab, ou cherchera à le rencontrer, verra ses biens confisqués et sera immédiatement emprisonne."

Une sourde agitation fut perceptible dans la ville tout au long du séjour du Bab Le coeur lourd, gonflé de sentiments mêlés de confusion et d'impuissance, le peuple regarda le prophète bien-aimé quitter Tabriz pour se rendre à la forteresse de Mahku. Les gens chuchotèrent entre eux comme l'avaient fait les disciples de Jésus quand ils le virent livré successivement a Caïphe et à Pilate: "S'il est le Promis, pourquoi est-il soumis aux caprices des hommes de la terre?"

Le Bab fut confié à la garde d'Ali Khan, gardien de la forteresse aux quatre tours de pierre, couronnant le sommet d'une montagne située aux confins de la Russie, de la Turquie et de la Perse.

Le Premier ministre était assuré que peu de personnes, si même il s'en trouvait une seule, oseraient s'aventurer à pénétrer dans ce pays sauvage. Les habitants de ces régions étant déjà hostiles au Bab, le Premier ministre escomptait que son internement forcé parmi des ennemis étoufferait la foi dès sa naissance et conduirait à son extinction.

Il réalisa bientôt combien gravement il avait sous-estimé la force de l'influence du Bab L'hostilité des autochtones fut réduite par les manières affables du Bab Leurs coeurs furent adoucis par son amour pour eux. Leur vanité fut domptée par sa modestie. Leur opposition à son enseignement fondit par la sagesse de ses paroles. En dépit des mises en garde répétées du Premier ministre d'éviter de tomber sous le charme de Bab, même son gardien, Ali-Khan, commença à adoucir la sévérité de son emprisonnement.

Bientôt des foules arrivèrent de partout pour rendre visite au Bab C'est pendant cette période qu'il composa son "Bayan" persan, le plus compréhensible de ses écrits. Dans ce livre, le Bab définit sa double mission : appeler les hommes à Dieu et annoncer la venue du Promis de tous les âges et de toutes les religions - un grand éducateur mondial dont la position était à ce point exaltée que selon les mots même du Bab: "mille lectures de Bayan ne pourront égaler la lecture d'un seul verset révélé par Lui, que Dieu fera se manifester".

Le Premier ministre fut informé de l'affection que le peuple de Mahku, d'abord hostile envers le Bab, lui témoignait à présent. On lui rapporta l'affluence des pèlerins à la forteresse. Ceux qui avaient reçu l'ordre de surveiller la suite des événements rapportèrent au Premier ministre que le gardien, Ali-khan, avait été envoûté par le Bab qu'il traitait en hôte plutôt qu'en prisonnier. La crainte autant que la colère incitèrent le Premier ministre à ordonner le transfert immédiat du Bab à la forteresse de Chiriq, appelle "le mont de la douleur".

Le Bab fit ses adieux au peuple de Mahku qui, au cours de sa captivité de neuf mois parmi eux, avait reconnu à un degré remarquable le pouvoir de sa personnalité et la grandeur de son caractère.

Le Bab fut soumis à une réclusion plus rigoureuse et plus sévère à Chiriq. Le Premier ministre laissa des instructions strictes et explicites au gardien, Yahya Khan, selon lesquelles personne ne pouvait être admis en la présence du Bab Le gardien fut averti de tirer la leçon de l'échec d'Ali Khan à Mahku. Cependant, malgré cette claire menace contre sa propre sécurité, Yahya Khan se trouva dans l'incapacité d'obéir. Il ressentit bientôt la fascination de son prisonnier et oublia le devoir qu'il était supposé remplir, car l'appel du Bab avait subjugué son être tout entier.

Même les Kurdes, qui habitaient à Chiriq, et dont le fanatisme et la haine excédaient ceux des habitants de Mahku, tombèrent sous l'influence transformante du Bab L'amour qui émanait de sa personne était une chose vivante. Comme Paul de Tarse avait été séduit par la chaleur captivante de Jésus, de la même façon quiconque approchait le Bab pénétrait dans un monde nouveau de joie et d'allégresse. Comme jadis les foules s'étaient groupées autour de Jésus sur le Mont des Oliviers, maintenant le peuple de la Perse, assoiffé et affamé, accourut vers la montagne de Chiriq.

A peine ces nouvelles furent-elles connues dans la capitale, que le Premier ministre, furieux, exigea que le Bab soit immédiatement transféré à Tabriz. Il réunit en une conférence tous les dignitaires ecclésiastiques de cette ville afin de trouver un moyen adéquat pour mettre fin rapidement au pouvoir que le Bab exerçait sur le peuple.

La nouvelle de l'arrivée imminente du Bab éveilla un tel enthousiasme parmi le peuple, que les autorités décidèrent de le garder dans un endroit situé hors des murs de la ville.

Dès le lendemain, la foule assiégea l'entrée conduisant au lieu de la réunion, attendant impatiemment le moment où le visage du Bab pourrait être entrevu. Il y eut une telle cohue qu'un passage dû être frayé par la force, pour permettre au Bab d'avancer.

Lorsque le Bab entra dans la salle, un grand silence descendit sur le peuple. Ce silence fut finalement rompu par le président de la réunion. "Qui prétendez-vous être", demanda-t-il au Bab, "et quel est le message que vous avez apporté?". Ponce Pilate avait demandé à Jésus: "Tu es donc roi?". Et Jésus répondit: "Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix."

Le Bab répondit à l'assemblée: "Je suis… je suis… je suis le Promis. Je suis celui dont vous invoquez le nom depuis un millier d'années et à la mention de qui vous vous êtes levés, celui à l'avènement de qui vous avez aspiré, celui pour lequel vous avez prié Dieu de hâter l'heure de la révélation. En vérité je le dis, il incombe aux peuples de l'Est et de l'Ouest d'obéir à mes paroles et de rendre hommage à ma personne."

Immédiatement après qu'il eut prononcé ces paroles, un silence profond tomba sur l'assistance. Un sentiment de crainte envahit tous ceux qui étaient présents. La pâleur de leur visage trahissait l'agitation de leur coeur.

L'interrogatoire du Bab se poursuivit jusqu'à la fin pré arrangée. Cependant, une fois de plus, le but poursuivi par les autorités n'avait pas été atteint. Cette réunion avait encore davantage grandi le Bab aux yeux du peuple.

Le Bab fut finalement livré au chef du tribunal religieux de Tabriz afin de subir la bastonnade. Tel Jésus sous les verges, de même le Bab fut également soumis à la même humiliation pour sa revendication d'être un rédempteur des hommes. Onze fois, le chef du tribunal religieux le frappa aux pieds. Un de ces coups l'atteignit au visage.

Le Dr Mc Cormick, un médecin anglais qui le soigna, relata leur rencontre de la manière suivante: "Il était un homme très doux et d'apparence délicate, assez petit de taille et très courtois. Il avait une voix douce et mélodieuse qui m'impressionna fortement. En réalité, toute son apparence et son comportement contribuaient à disposer chacun en sa faveur."

Ses persécuteurs, en l'appelant à Tabriz, avaient cru fermement réussir à lui faire abandonner sa mission, par leurs menaces et meurs intimidations. Ils avaient échoue. Comme Jésus disant: "Mon enseignement n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé", de même le Bab fit comprendre que son message dépassait sa personne.

La réunion de Tabriz avait finalement donné au Bab l'occasion d'exposer solennellement et en présence des autorités, les points essentiels de sa révélation. Il lui avait également été permis de réfuter, d'une façon claire et convaincante, les arguments de ses ennemis.

La nouvelle de cette réunion se répandit rapidement à travers la Perse. Elle éveilla un zèle nouveau dans le coeur de ses adeptes. Ils redoublèrent d'efforts pour répandre ses enseignements. Une réaction de la part de ses adversaires s'ensuivit aussitôt: des persécutions d'une violence sans précédent sévirent dans tout le pays.

A cette époque, me Shah succomba à la maladie et le Premier ministre fut démis de ses fonctions. Le successeur au trône fut le jeune Nasiri-Din-Mirza, âgé de 17 ans, et un nouveau Premier ministre assuma la charge de gouverner le pays. Son règne fut de fer, et sa haine pour le Bab, plus implacable que celle de son prédécesseur. Il déchaîna une attaque combinée des forces civiles et religieuses contre le Bab et sa foi.

La nouvelle des souffrances endurées par ses adeptes parvint au Bab qui était retourné à la forteresse de Chiriq et le désola profondément. Une autre épreuve ne devait pas tarder à l'atteindre: son oncle bien-aimé, qui l'avait élevé, fut arrête à Téhéran et emprisonné en attendant son exécution.

C'était ce même oncle qui l'avait servi avec dévotion durant toute sa vie et qui était devenu un de ses premiers et plus fervents disciples. Moins d'un an avant son arrestation, il avait rendu visite au Bab dans sa cellule de Chiriq et s'était ensuite rendu à Téhéran pour y enseigner la foi. Il y résida jusqu'au jour de son arrestation qui eut lieu en même temps que celle de treize autres disciples.

Les quatorze prisonniers furent détenus dans la maison d'un notable influent de la ville. Ils subirent de nombreux sévices afin de les inciter à révéler les nom et adresse d'autres croyants. Le Premier ministre signa un décret édictant la peine de mort pour tous ceux qui, parmi eux, refuseraient de renier leur foi.

Sept d'entre eux cédèrent et furent immédiatement libérés. Les sept autres sont connus maintenant comme "les sept martyrs de Téhéran". L'oncle du Bab, un des plus grands négociants de Shiraz, se trouvait parmi eux.

Ses amis le pressèrent de renier sa foi et de sauver sa vie. Plusieurs négociants parmi les plus influents offrirent de payer une rançon. L'oncle du Bab refusa leur offre et fut finalement conduit devant le Premier ministre. "Certaines personnes ont plaidé en votre faveur", dit le Premier ministre, "d'éminents commerçants de Shiraz et de Téhéran m'offrent une rançon pour vous libérer. Un mot de rétractation vous permettra de retourner avec honneur dans votre ville natale."

L'oncle du Bab, courageusement, répondit: "Votre Excellence, si je devais répudier les vérités contenues dans cette révélation, cela équivaudrait au rejet de toutes les révélations qui l'ont précédée. Le refus de reconnaître la mission du Bab constitue un reniement du caractère divin du message révélé par Muhammad, Jésus, Moïse, et tous les prophètes du passé."

Le Premier ministre ne pouvait cacher son impatience devant l'attitude de l'oncle du Bab qui prononçait ainsi sa propre sentence de mort. Ce dernier continua: "Dieu sait que tout ce que j'ai appris et lu concernant ces messages divins, j'ai eu le privilège de le discerner dans ce jeune homme, mon parent bien-aimé, depuis sa première enfance jusqu'à ce jour, la trentième année de sa vie. Je vous demande seulement de me permettre d'être le premier à donner ma vie dans son sentier."

Le Premier ministre fut stupéfait par une telle réponse. Sans dire un mot, il fit signe d'emmener l'oncle du Bab et de faire décapiter.

Le deuxième martyr qui fut décapite s'appelait Mirza Qurban Ali. Il était l'ami de plusieurs seigneurs. La mère de Shah, en raison de son amitié pour Qurban Ali, dit au roi: "Cet homme n'est pas un adepte du Bab, il a été accusé à tort."

Il fut convoque. "Vous êtes un érudit, un homme instruit. Vous n'appartenez pas a cette secte mal guidée. Une accusation fausse à été portée contre vous", lui dit-on.

Qurban Ali répondit: "Je me considère comme un des adeptes et un des serviteurs du Bab, bien que j'ignore s'il m'ait ou non accepté comme tel." On essaya de le convaincre, lui laissant même entrevoir une récompense pécuniaire s'il acceptait. "Ma vie et mon sang ne comptent guère. Si le monde entier m'appartenait, et si je possédais mille vies, de mon plein gré, je les déposerais aux pieds de ses amis", déclara-t-il.

Il fut ensuite conduit auprès du Premier ministre qui lui dit: "Depuis hier soir, j'ai reçu les plus puissantes autorités de l'Etat. Tous parlent en votre faveur. De ce que j'apprends concernant votre situation et l'influence que vos paroles exercent, vous n'êtes que de peu inférieur au Bab lui-même. Si vous aviez pris vous-même la direction de cette cause, cela eut été préférable à votre soumission envers quelqu'un qui vous est certainement inférieur en savoir."

Qurban Ali répondit: "Tout le savoir que j'ai acquis m'a simplement conduit à m'incliner devant lui. Depuis que je suis devenue adulte, j'ai toujours considéré la justice et l'équité comme les principes dominant de ma vie. J'ai jugé le Bab équitablement avec mon esprit et mon coeur. Je suis arrivé à la conclusion que si ce jeune homme, dont le pouvoir transcendant est reconnu par ses ennemis comme par ses amis, était un imposteur, tous les prophètes de Dieu depuis les temps immémoriaux jusqu'à ce jour seraient la personnification même de la mauvaise foi."

Ni les tentations d'aucune sorte, ni les menaces de mort n'eurent d'effet sur lui. Il déclara encore au Premier ministre: "Je suis assuré de la loyauté inconditionnelle de plus d'un millier d'admirateurs et il n'est pourtant pas en mon pouvoir de changer le coeur d'un seul d'entre eux. Le Bab cependant a prouvé son pouvoir de transformer les âmes les plus dégradées parmi ses compatriotes. Sur un millier de personnes comme moi, il a, seul et sans aide, exercé une telle influence que, même sans arriver en sa présence, ils ont rejeté leurs propres désirs et n'ont plus d'autre volonté que la sienne. Pleinement conscients de l'insuffisance du sacrifice consenti, ils aspirent à donner leur vie pour lui."

Le Premier ministre hésita. "Que vos paroles soient inspirées par Dieu ou non, il me répugne de prononcer la sentence de mort contre quelqu'un de votre rang et de votre position."

"Pourquoi hésiter", déclara Qurban Ali, "pour cela, je suis né. Voici venu le jour où je scellerai ma foi, en sa cause, par mon sang." Remarquant l'hésitation du Premier ministre, il ajouta très vite: "N'hésitez pas. Soyez assuré que je ne vous blâmerai jamais pour votre acte; plus tôt vous me décapiterez, plus grande sera ma gratitude envers vous."

Le Premier ministre pâlit. "Emmenez-le d'ici", cria-t-il, "emmenez-le, car dans un instant, il m'aura envoûté à mon tour."

Qurban Ali sourit doucement. "Non", dit-il, "vous êtes à l'abri de cette magie, elle ne peut captiver que ceux qui ont le coeur pur."

Furieux, le Premier ministre se leva. Tout tremblant de colère, il hurla: "Rien si ce n'est le tranchant d'une épée ne pourra réduire au silence ces gens égarés." Se tournant vers les exécuteurs, il dit: "Cela suffit, il est inutile de m'amener d'autres membres de cette secte détestable. Les mots sont impuissants pour briser leur inébranlable obstination. Quiconque accepte de renier sa foi, relâchez-le; quant aux autres, décapitez-les. Je ne veux plus en voir un seul devant moi".

La tragique nouvelle du sort des sept martyrs de Téhéran apporta une tristesse incommensurable au coeur du Bab. A ses compagnons, il confia que cet événement marquait le prélude de sa propre mort qui allait survenir dans un avenir proche.

Le Premier ministre décida de frapper la tête même de la foi. Il pensa que la disparition du Bab pourrait restaurer l'ordre ancien. Il dévoila ses plans à ses conseillers. "Rien d'autre, excepté l'exécution publique de Bab, ne pourra aider ce pays égaré à retrouver la paix et la tranquillité." Il ordonna que le Bab soit amené à Tabriz une seconde fois.

Quarante jours avant l'arrivée de cette ordonnance, le Bab réunit tous les documents et les écrits en sa possession. Il les plaça dans une cassette avec son écritoire et sa bague et prit les dispositions en vue de leur conservation. Abdu'l-Karim, à qui ils furent finalement confiés, informa ses co-disciples que tout ce qu'il pouvait révéler de la lettre du Bab concernant le contenue de la cassette, était l'ordre de la remettre entre les mains de Baha'u'llah, un des defenders les plus capables du Bab à Téhéran

Finalement, le Bab fut escorte vers la ville de Tabriz qui devait devenir la scène de son martyre. Jamais la ville n'avait connu de troubles aussi violents. Comme le Bab était conduit à travers la cour des casernes vers sa cellule, un jeune homme de dix-huit ans qui s'était frayé un passage à travers la foule, se précipita vers lui, insouciant du danger auquel il s'exposait. Il avait le visage hagard, les pieds nus et la chevelure en désordre. Il se jeta aux pieds du Bab, l'implorant: "Ne m'écarte pas de toi, ô maître, où que tu ailles, fais que je puisse te suivre". Rappelant les paroles de Jésus au voleur sur la croix, le Bab lui répondit: "Muhammed Ali, lève-toi et sois assuré que tu seras près de moi. Demain, tu seras le témoin de ce que Dieu a ordonné."

Cette nuit-là, le visage du Bab rayonnait de joie, une joie telle que n'en avait jamais témoigné sa personne. Indifférent au tumulte autour de lui, il s'entretenait gaiement avec ses compagnons. Les soucis qui l'avaient accablé si lourdement, semblaient s'être dissipés complètement.

Pour la dernière fois, le Bab vit le soleil se lever sur les sables de sa Perse natale. Il était engagé dans une conversation confidentielle avec un de ses adeptes qui lui servait de secrétaire, lorsqu'il fut interrompu par un officier du gouvernement. Le fonctionnaire, frère du Premier ministre, venait le chercher pour le conduire devant les principaux docteurs de la loi à Tabriz afin d'obtenir d'eux l'autorisation de l'exécuter.

Le Bab réprimanda le fonctionnaire pour son interruption et tint fermement la main de son secrétaire dans la sienne: "Pas avant que je lui aie dit toutes les choses que j'ai à lui dire. Aucune puissance terrestre ne pourra me faire taire. Quand bien même le monde entier serait armé contre moi, il serait impuissant à m'empêcher de faire connaître mes intentions jusqu'à la dernière parole."

Le fonctionnaire fut stupéfait de cette témérité de la part d'un prisonnier. Il insista pour que le Bab l'accompagnât. Les portes de la caserne s'ouvrirent et le Bab fut introduit dans la cour sans avoir terminé sa conversation.

Aux yeux du peuple de Tabriz, le Bab ne triomphait plus. La double campagne d'opposition menée par l'Etat et l'Eglise produisait ses effets. La foule remplissait les rues. Les hommes grimpaient sur les épaules les uns des autres pour voir celui qui faisait l'objet de toutes les conversations.

Ainsi Jésus était entré dans Jérusalem sous les acclamations, sa route couverte de palmes, pour être raillé et dénigré avant la fin de la semaine. De même, la gloire qui avait entouré le Bab, lors de sa première visite à Tabriz, était oubliée. Cette fois-ci, la foule, remuante et excitée, lui lançait des insultes... Il fut poursuivi à travers les rues et frappé au visage. Quand un projectile lancé par la foule le touchait, les gardes et l'assistance éclataient de rire.

Dès que le fonctionnaire eut obtenu la sentence de mort, il livra le Bab entre les mains de Sam Khan, commandant du régiment arménien chargé de son exécution.

L'attitude de son prisonnier affecta profondément Sam Khan. Il fut saisi par la crainte que son acte ne lui attire la colère de Dieu. Il s'approcha du Bab et lui dit: "Je pratique la foi chrétienne et je ne vous veux aucun mal. Si votre cause est celle de la vérité, dégagez-moi de l'obligation de verser votre sang."

"Suivez vos instructions", répondit le Bab, "et si vos intentions sont sincères, le Tout-puissant vous délivrera de votre angoisse."

Sam Khan donna l'ordre à ses hommes d'enfoncer un clou dans le pilier qui séparait les portes de la caserne. Ils y attachèrent les cordes auxquelles le Bab et son compagnon Muhammad Ali devaient être suspendus séparément

Le Bab restait silencieux. Son beau et pâle visage encadré d'une barbe noire et d'une petit moustache, son apparence et ses manières raffinées, ses mains blanches et délicates, ses vêtements simples mais propres, tout semblait déplacé au milieu de cette scène d'horreur et de violence.

Muhammad Ali implora Sam Khan de le placer de telle manière que son corps pût protéger celui de Bab On l'attacha de telle sorte que sa tête reposa sur la poitrine de son maître.

Environ dix mille personnes se pressaient sur les toits de maisons environnantes, toutes avides de voir le spectacle, et cependant prêtes à changer d'attitude au premier signe de Bab. Comme la foule qui se pressait au Golgotha, le dénigrant, secouant la tête, disant: "Sauve-toi, si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix", de même le peuple de Tabriz raillait le Bab et se moquait de son impuissance.

Dès que le Bab et son compagnon furent attachés au poteau, le régiment s'aligna sur trois rangs. Il fut impossible à Sam Khan de retarder plus longtemps l'exécution. Il donna l'ordre de tirer. Chaque rang, à tour de rôle, ouvrit le feu jusqu'à ce que tout le régiment ait tiré sa rafale de balles.

La fumée de la salve des sept cent cinquante fusils fut telle que le ciel ensoleillé de midi s'obscurcit. Dès que le nuage de fumée fut dissipé, la foule contempla une scène que la raison pouvait difficilement accepter. Devant elle, vivant et indemne, se tenait le compagnon du Bab, Muhammad Ali. Le Bab lui-même avait disparu. Les cordes auxquelles ils avaient été suspendus étaient déchiquetées par les balles, mais leurs corps avaient échappé aux charges des fusils.

Les soldats tentèrent de calmer la foule. Le fonctionnaire en chef entreprit une recherche effrénée du Bab Il le trouva assis dans la même chambre qu'il avait occupée la nuit précédente. Il terminait la conversation qui avait été interrompue le matin par le fonctionnaire. "J'ai terminé mon entretien avec mon secrétaire", lui dit le Bab, "vous pouvez maintenant remplir votre tâche."

Le fonctionnaire était trop bouleversé pour répliquer. Il se rappela les paroles que le Bab lui avait dites le matin: "Même si le monde entier s'armait contre moi, il serait impuissant à m'empêcher de faire connaître mes intentions jusqu'à la dernière parole." Le fonctionnaire refusa de remplir sa tâche. Il quitta les lieux et démissionna de son poste.

Pendant ce temps, dans la cour, afin de calmer la foule, les soldats montraient les cordes rompues par les balles . Les sept cent cinquante décharges avaient réduit les cordes en fragments et avaient libéré les deux prisonniers.

A.L.M. Nicolas, un savant européen, écrivit à propos de cet épisode: "C'était une chose unique dans les annales de l'histoire de l'humanité. Les balles rompirent leurs liens et les délivrèrent sans une égratignure." M.C. Huart, un écrivain français déclara: "C'était un véritable miracle … Ils furent délivrés sans un écorchure."

Sam Khan se rappela également les mots que le Bab lui avait dits: "Si vos intentions sont sincères, le Tout-puissant vous délivrera de votre angoisse." Il ordonna à son régiment de quitter immédiatement la cour de la caserne. Il informa les autorités qu'il refusait désormais d'associer sa personne ou son régiment à tout acte pouvant causer le moindre mal au Bab, même si ce refus devait se traduire par la perte de sa vie.

Apres le départ de Sam Khan, le colonel des gardes du corps se porta volontaire pour exécuter l'ordre. Une deuxième fois, le Bab et son compagnon furent liés au poteau fatal tandis que le peloton d'exécution se reformait. Au moment où il se préparait pour la décharge finale, le Bab prononça ses dernières paroles à l'intention de la foule qui le regardait: "Si vous aviez cru en moi, ô génération rebelle, chacun de vous aurait suivi l'exemple de ce jeune homme, qui prend rang au-dessus de la plupart d'entre vous, et vous auriez accepté de donner votre vie dans mon sentier. Le jour viendra où vous me reconnaîtrez; ce jour-la, je ne serai plus parme vous."

Le régiment fit feu. Le Bab et son compagnon donnèrent leur vie alors que les balles frappaient leur corps. Comme Jésus expirant sur la croix pour que les hommes puissent revenir à Dieu, le Bab exhala son dernier souffle, attaché contre le mur d'une caserne dans la ville de Tabriz.

Le martyre du Bab eut lieu à midi, le dimanche 9 juillet 1850, trente années après sa naissance à Shiraz.

Dans toute l'histoire connue, seule la passion de Jésus-Christ peut être mise en parallèle avec le bref et tragique ministère du Bab Il existe une similitude frappante dans les traits distinctifs de leur existence. La jeunesse et l'humilité ; l'inexorable et dramatique progression selon laquelle leur ministère atteignit son apogée ; la hardiesse avec laquelle ils défièrent les conventions établies par le temps, les lois et les rites des religions au sein desquelles ils naquirent; le rôle que la hiérarchie religieuses joua comme instigateur principal des outrages qu'ils durent subir; les interrogatoires auxquels ils furent soumis; la flagellation qui leur fut infligée; les humiliations amoncelées sur eux; la soudaineté de leur arrestation; et finalement l'ignominie du pilori sous les regards d'une foule hostile.

Dans son livre "The Gleam" (Le Rayon), Sir Francis Younghusband écrit: "Sa vie doit être un de ces événements parmi ceux survenus dans les cent dernières années, qui mérite vraiment que nous l'étudiions." Et Edouard Granville Browne, le fameux érudit de Cambridge , de son côté, relate: "Qui pourrait s'empêcher d'être attire par la noblesse du Bab Sa vie marquée de souffrances et de persécutions; la pureté de sa conduite et de sa jeunesse; son courage et sa patience à supporter la mauvaise fortune sans se plaindre et, avant tout, sa mort tragique, tout concourt à éveiller notre sympathie en faveur du jeune prophète de Shiraz".

Finalement le clergé et les fonctionnaires s'imaginèrent avoir étouffé la vie de la cause qu'ils avaient si longtemps combattue. Le Bab n'était plus. Ses principaux disciples avaient disparu. L'ensemble de ses adeptes à travers le pays fut progressivement dispersé. En moins de trois années, la cause pour laquelle le Bab avait donné sa vie semblait bien près de disparaître.

Pourtant, l'abîme d'obscurité et de désespoir dans lequel la cause du Bab semblait sombrer, en réalité était la situation même pour laquelle il avait longuement préparé ses successeurs. Constamment, il leur avait répété qu'il n'était que l'humble précurseur d'un messager d'une grandeur incomparable. Dans son livre, le Bayan, le Bab avait écrit: "De tous les hommages que j'ai rendus à Celui qui doit venir après moi, le plus grand est celui de ma confession écrite, qu'aucune de mes paroles ne peut le décrire d'une façon adéquate ni aucune référence à son sujet se trouvant dans mon livre, le Bayan, ne peut rendre justice à sa cause."

Du sein de l'obscurité qui submergeait la foi du Bab, la figure de Baha'u'llah restait le seul espoir d'une communauté sans berger, Baha'u'llah à qui le Bab avait envoyé la cassette contenant ses affaires personnelles et ses écrits.

La clarté de vues, les traits de courage et de sagacité que Baha'u'llah avait montrés à plus d'une occasion depuis qu'il s'était levé en champion de la cause du Bab le désignaient naturellement pour prendre en main les destinées d'une foi en voie de disparition.

Pourtant, même cet espoir sembla être enlève aux croyants, car bientôt Baha'u'llah fut emprisonné, dépouillé de ses possessions et envoyé en exil à Bagdad en Irak.

Le Shah et le Premier ministre pouvaient dès lors se réjouir. Selon les dires de leurs conseillers, ils n'entendraient plus parler du Bab ou de sa foi. Elle tomberait facilement dans l'oubli.

Mais, une fois de plus, ils avaient sous-estimé le caractère de cette foi et la source de son pouvoir. Le Bab, dans son livre, le Bayan, avait promis à ses successeurs que Celui que Dieu ferait se manifester apparaîtrait dix-neuf années après la date de sa propre déclaration. En 1863, dans un jardin situé aux environs de la ville de Bagdad, dix-neuf années après cette soirée à Shiraz au cours de laquelle le Bab avait parlé à Mulla Husayn, Baha'u'llah déclara au monde qu'il était la manifestation de Dieu annoncée par le Bab

La cause pour laquelle le Bab avait donné sa vie ne semblait plus se trouver au bord de l'effacement. A l'aube venait dès lors de succéder la lumière du jour. L'ère promise à la terre depuis le début des temps, le jour de l'unité et de la fraternité de tous les êtres humains, avait été inaugurée par son sacrifice.

William B. Sears

Traduit par F. Daenen - Editeur : Maison d'Edition Baha'ies, Bruxelles


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