Médiathèque baha'ie |
Article de presse du journal La nouvelle république du centre-ouest source 3 décembre 2001 - n° 280 La cause méconnue des baha'is et Un lycéen poitevin avocat des droits de l'homme |
La cause méconnue des baha'is
A 16 ans, Yannick participe au concours lycéen sur les droits de l'Homme.
Il plaide pour la défense d'une minorité religieuse d'Iran qu'il connaît bien.
Il ne se destine pas à la carrière d'avocat. Journaliste peut-être. Pourtant
Yannick, élève de 1ère scientifique au lycée. Aliénor-d'Aquitaine à Poitiers,
va devoir plaider face à un jury. Celui, composé de journalistes, d'un avocat
et d'un professeur d'histoire-géographie, qui se réunit mercredi 5 décembre
à Tours, pour la sélection du Concours lycéen sur les droits de l'homme. Si
son travail est retenu il participera à la finale qui aura lieu le 25 janvier
au Mémorial de Caen.
Yannick dispose d'une dizaine de minutes pour convaincre du bien-fondé de sa
démarche. Son plaidoyer, intitulé "La Tolérance massacrée", met en lumière le
sort des baha'is en Iran.
Religion à part entière
La religion baha'ie est née an Iran au milieu du XIXe siècle. Elle est reconnue
et a un statut consultatif auprès de l'ONU. "Ce sujet me tient particulièrement
à coeur car mes parents et moi-même sommes pratiquants. C'est une religion de
tolérance et de respect d'autrui qui ne fait pas de prosélytisme. Les grands
principes sont la non-consommatlon d'alcool et de drogue, la chasteté avant
le mariage, la prière. Il n'y a pas de clergé mais une administration",
explique Yannick.
On comprend pourquoi il s'intéresse à ce qui se passe en Iran. "Il y a dans
ce, pays 300.000 baha'is dont les droits fondamentaux ne sont pas respectés."
Et d'évoquer les emprisonnements, les exécutions, les humiliations, les tortures,
les spoliations.
Après avoir vécu cinq ans à Paris, Yannick a passé plusieurs années en Charente-Maritime.
"Là-bas, nous étions les seuls baha'is. J'en parlais avec mes amis mais il
y avait parfois de l'incompréhension. Dans la Vienne, nous devons être une vingtaine
de membres."
A Aliénor-d'Aquitaine, le jeune lycéen parle peu de sa foi. "Je ne suis ici
que depuis deux ans. Mais pour me présenter au concours lycéen l'en ai parlé
au proviseur et à mon prof principal qui ont été d'accord."
La religion n'est pas tout. Yannick mène la vie de tout adolescent de son âge.
"Je n'ai pas trop de loisirs car en première il y a beaucoup de boulot. Mais
je pratique le water-polo au sein du Stade Poitevin et je m'entraîne quatre
fois par semaine."
Mercredi, un autre sport attend le lycéen : l'art de la persuasion.
Pascal LAURENT
Sélection régionale du concours lycéen
sur les droits de l'homme au Mémorial de Caen
Un lycéen poitevin avocat des droits de l'homme
Yannick Miel, un élève de première du lycée Aliénor-d'Aquitaine de Poitiers,
sera à Tours mercredi, pour tenter de décrocher sa place pour la finale du concours
lycéen sur les droits de l'homme au Mémorial de Caen. Il va plaider en faveur
de la communauté baha'ie en Iran. Une cause qu'il défend avec ferveur.
Les yeux pétillants d'intelligence, la voix .calme et posée, Yannick Miel est
élève t en première au lycée Aliénord'Aquitaine. Il a été retenu pour aller
défendre les couleurs de la Vienne à l'occasion des sélections régionales du
concours lycéen sur les droits de l'homme au Mémorial de Caen. Ce concours national
permet à des lycéens de la France entière de défendre des situations d'injustice.
"J'aime la liberté"
Le jeune homme a choisi de détendre la cause de la communauté baha'ie en Iran.
Sa plaidoirie, "La tolérance massacrée", efficace et sensible, est une
vraie profession de foi. "Cette religion monothéiste, née au XIXe siècle
en Iran, a un statut consultatif reconnu à l'O. N. U.. Elle prône l'égalité
entre les hommes et les femmes, l'éducation pour tous, l'unité du genre humain.
En Iran, la communauté est cruellement persécutée. Les baha'is n'y sont pas
considérés comme des hommes", explique Yannick qui n'a pas choisi ce combat
par hasard.
Les derniers mots de son exposé résument tout : "Je suis jeune ; j'aime la
liberté, la démocratie, la vie. Cet été, sans contrainte, je suis devenu baha'i
Par là, je prends le risque de la différence, le risque d'être à mon tour interpellé,
le risque d'affirmer ma croyance. Est-ce que je mérite la mort pour ça ?".
Yannick Miel ira donc avec une foi indéfectible, mercredi à Tours, essayer de
décrocher une place de finaliste pour faire parti des quatorze avocats en herbe,
convoqués le 25 janvier prochain au Mémorial de Caen pour la grande finale du
concours. Pour faire entendre la souffrance des membres de sa communauté, pourchassés
et oubliés en Iran. Ceux qu'Amnesty International qualifie de "tolérants non
tolérés" ont trouvé un formidable défenseur.
- LA TOLÉRANCE -
Plaidoirie plaidée devant sept membres du jury régional à Tours le 5.12.01
Mesdames, messieurs,
Je vais plaider devant vous la cause de la plus importante minorité religieuse
d'Iran et par conséquent celle de ces femmes, de ces enfants et de ces hommes
torturés, humiliés, spoliés, violentés, emprisonnés, exécutés, anéantis pour
leur seule croyance et cela depuis plus de 150 ans.
Je parle de cette minorité, adepte de la foi de Baha'u'llah, la plus jeune des
grandes religions et la plus répandue géographiquement dans le monde après le
catholicisme. Elle possède le statut consultatif auprès de l'O.N.U.
La situation de cette minorité est telle qu'en cherchant dans l'histoire une
analogie qui décrive fidèlement le sort des baha'is d'Iran, le New York Times
a comparé la politique actuelle du gouvernement iranien à l'égard de la communauté
baha'ie, aux sinistres lois de Nuremberg dans les années 1930, qui dépossédaient
les juifs allemands de tous leurs droits.
Pour ma part, afin de tenter de vous donner la mesure du désespoir de cette
cause, je vais vous citer un extrait d'un article du journal Libération du 31
octobre 1999 relatant la visite à Paris du président iranien monsieur Khatami.
Ce qui va suivre résume bien la position politique de l'état iranien à l'égard
de cette minorité :
"..souriant, plaisantant volontiers, il dû répondre du sort tragique des
fidèles baha'is en Iran (environ 300.000 pratiquants) : il leur a dénié tout
droit de bénéficier d'un statut de minorité religieuse" ce qui le met en
accord avec la constitution de son pays qui ne reconnaît pas leur existence.
Les baha'is d'Iran n'existent pas donc tout ce qu'on peut leur faire subir n'est
rien.
En niant les baha'is, c'est le droit fondamental à exister qui est nié.
Pourtant, le 16 octobre 1966, l'Iran a signé le traité international sur les
droits économiques, sociaux et culturels. Par la signature de ce traité, l'Iran
s'est engagé à respecter la charte internationale des Droits de l'Homme dont
l'article 26 qui énonce que "toutes les personnes sont égales devant la loi
et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard,
la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes
une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race,
de couleur, de sexe, de langue, de religion, (...)" En prolongement, l'article
27 de la charte précise quant à lui que "Dans les états où il existe des
minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant
à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir en commun avec les
autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de
pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue."
Cependant, malgré cet engagement devant la communauté internationale, le gouvernement
iranien rédigeait en 1991 un mémorandum confidentiel sur "la question baha'ie"
rendu public par monsieur Reynaldo GALINDO POHL, le représentant spécial de
l'O.N.U. chargé d'enquêter sur les Droits de l'Homme en Iran.
Ce mémorandum fixe les modalités répressives contre cette communauté et insiste
sur la nécessité de mesures silencieuses et non spectaculaires
pour saper ses fondements culturels et sociaux, en Iran comme à l'étranger.
L'article 6 de ce mémorandum gouvernemental est même rédigé de la manière suivante
: "Un plan doit être conçu pour attaquer et détruire leurs racines culturelles
à l'extérieur du pays."
Oui, vous avez bien entendu, Mesdames et messieurs ! L'état iranien veut s'attaquer
aux racines culturelles extérieures de cette communauté ; c'est-à-dire que,
moi, qui plaide devant vous aujourd'hui, jeune lycéen français, baha'i de surcroît,
je suis officiellement et directement menacé par ce génocide.
Planifier hors frontières de l'Iran la destruction de la culture baha'ie,
c'est mondialiser l'intolérance
Parce que je suis lycéen, je me sens particulièrement concerné par le droit
à l'accès à l'éducation et à la connaissance. Or, ce traité international sur
les droits économiques, sociaux et culturels du 16 octobre 1966, reconnaît ainsi
"le droit à chacun à l'éducation" et plus spécifiquement, à "l'éducation
supérieure qui, par tous les moyens, doit être accessible à tous sur la seule
base des capacités de chacun." Pourtant, concernant l'éducation, voici ce
que prévoit ce mémorandum confidentiel du gouvernement iranien ci-dessus évoqué:
Premièrement, "Les enfants baha'is ne peuvent s'inscrire dans
les écoles qu'à condition qu'ils n'affirment pas leur identité baha'ie";
Tu renonces à ta croyance ou tu meurs idiot.
Deuxièmement, "Ils devront s'inscrire de préférence dans des
écoles à fort encadrement religieux".
Tu renonces à ta croyance et tu subis la mienne.
Troisièmement, "Ils devront être expulsés des universités, soit
lors des formalités d'inscription, soit en cours d'études, dès l'instant où
il apparaît qu'ils sont baha'is".
Tu ne renonces pas à ta croyance et je t'exclus de la Connaissance
C'est pourquoi les baha'is se sont organisés et ont créé une université, non
clandestine, officiellement déclarée, pour palier leur exclusion du système
éducatif iranien.
Jusqu'en 1998, 900 étudiants suivaient des cours, dans 10 cursus différents,
soit dans des classes, ateliers, laboratoires et librairies disséminés dans
tout le pays soit par correspondance. Les diplômes étaient homologués par les
universités américaines, canadiennes et australiennes.
Les professeurs dispensaient leurs cours bénévolement.
Au cours des perquisitions d'octobre 1998, 36 professeurs de cette université
sont arrêtés dans 14 villes.
532 foyers baha'is sont visités et pillés : tout le matériel et l'équipement
administratif, pédagogique et scientifique appartenant à cette université, sans
compter les biens privés et les effets personnels sont saisis.
Les auteurs de ces perquisitions sont des agents de l'Etat sous la direction
du Ministère de l'information et des services du gouvernement iranien.
En détruisant les supports de la culture et de la connaissance, c'est un
droit fondamental que l'on détruit
Mais ces perquisitions dévastatrices avaient un précédent.
Le 18 juin 1983, dix femmes baha'ies ont été pendues, dont une jeune fille de
17 ans qui se prénommait Mona. Son crime ? Avoir enseigné dans des classes d'enfants
baha'is.
En pendant Mona, c'est la jeunesse et l'espoir d'un monde meilleur qu'on
a martyrisé.
En Iran, un baha'i peut au moins affirmer une chose qui ne fâche personne: "Je
crois, donc je ne suis pas".
Mais que reproche-t-on à cette communauté non violente, proclamant :
· l'unité du genre humain,
· l'égalité totale entre hommes et femmes,
· le droit à l'éducation,
· et l'éradication de l'extrême pauvreté comme de l'extrême richesse ?
La foi baha'ie fait l'apologie de la science et de la modernité. Elle allie
esprit scientifique et spiritualité, mysticisme et progrès social. Enfin, elle
impose à ses adeptes d'obéir aux gouvernements dont ils dépendent dans un souci
d'unité nationale.
Ce n'est donc pas une religion qui prône l'opposition et la révolution. Malgré
cela le gouvernement iranien s'acharne sur cette communauté.
Il semble d'après un psychiatre iranien baha'i exerçant à Paris, que le gouvernement
iranien reproche aux baha'is de "salir la terre de l'islam".
C'est à ce titre ainsi que l'état civil d'Iran n'enregistre ni les naissances
ni les mariages ni les enterrements.
Ce psychiatre dit : "Nous naissons comme des bâtards, et morts, on nous accuse
encore de salir la terre de l'islam", et il se lamente des profanations régulières
des cimetières baha'is (15000 sépultures ont été. rasées au bulldozer pour permettre
la construction d'un centre culturel municipal à Téhéran).
Il explique aussi qu'en Iran les baha'is sont l'objet de discriminations à l'emploi,
au logement, aux retraites, etc. et qu'ils sont interdits d'accès à des professions
comme celles de fonctionnaires, d'avocats et qu'ils souffrent d'un véritable
"apartheid éducatif". Vous pourrez retrouver son témoignage dans un article
du Monde daté du 30 novembre 1998.
Enfin, sachez que selon la Chronique d'Amnesty International de février 1999,
les baha'is sont considérés comme "infidèles non protégés" dans les pays islamiques,
c'est-à-dire non reconnus comme adeptes d'une religion monothéiste.
A ce titre, ils peuvent être condamnés à mort pour apostasie (reniement de la
foi musulmane) et sont toujours réduits au silence et à la pauvreté. Les baha'is
ne commettent qu'un seul crime : croire différemment
Adeptes de la dernière religion révélée, les baha'is d'Iran et d'ailleurs veulent
garantir à l'humanité une paix durable en alliant progrès et morale.
C'est pourquoi, ces tolérants non tolérés émeuvent l'O.N.U. et par ailleurs,
la France, le parlement européen et l'Amérique du Nord.
Je suis très jeune ; j'aime la liberté, la démocratie, la vie. Cet été, sans
contrainte, je suis devenu baha'i. Par là, je prends le risque de la différence,
le risque d'être à mon tour interpellé, le risque d'affirmer ma croyance.
Est-ce que je mérite la mort pour ça?
Les baha'is iraniens meurent pour que vive cette idée que "La terre n'est
qu'un seul pays et que tous les hommes en sont les citoyens"
Yannick MIEL - Lycée Aliénor d'Aquitaine - Poitiers (86)
Bibliographie:
· Chartre internationale des droits de l'homme - article 26 et 27,
· Interdit d'apprendre, la fermeture de l'Université Baha'ie d'Iran, éditions
Mondial'O,
· La question baha'ie, le plan secret de l'Iran pour l'extermination d'une communauté
religieuse, une enquête sur les persécutions des baha'is en Iran, édité par
la Communauté internationale baha'ie,
· Pas d'ouverture pour les baha'is en Iran, publié par l'Assemblée Spirituelle
des baha'is de France,
· Revue de presse 1998-2000, la foi baha'ie.
LA TOLÉRANCE MASSACRÉE
Résumé de la plaidoirie envoyée pour passer la première partie du concours
Mon projet est de défendre la cause des baha'is en Iran et non celle de leur
foi car il me semble important de souligner la souffrance de l'être humain quand
celle-ci est liée à sa croyance. Cette minorité religieuse fait l'objet d'un
plan gouvernemental d'éradication qui passe par la privation de tous les droits
sociaux et civiques de ses membres et par leur isolement puisque les baha'is
iraniens ne peuvent pas communiquer avec leurs coreligionnaires du monde entier.
Leurs représentants administratifs et eux-mêmes subissent l'emprisonnement,
la torture, les exécutions et la spoliation de tous leurs biens. Ils font l'objet
d'une incitation permanente à la haine religieuse par voie de presse et via
les manuels scolaires.
Ce gouvernement iranien ferme les yeux sur toute manifestation anti-baha'ies.
La communauté baha'ie est la minorité religieuse la plus importante d'Iran et
elle tente de survivre depuis plus d'un siècle dans cet environnement hostile
alors qu'elle est totalement non violente et n'est en aucune manière une opposante
au régime en place. Je souhaite dénoncer ce génocide qui frappe le plus jeune
des grandes religions reconnues par l'ONU.
Yannick Miel, lycéen au lycée Aliénor d'aquitaine à Poitiers (86).