Épître au fils du Loup
Révélée par Baha'u'llah


Chapitre précédent Chapitre précédent Chapitre suivant Chapitre suivant


Partie II

[50]
La première parole qu'a révélée la Plume d'Abha (27) et qu'elle a inscrite sur la première feuille du Paradis (28) est la suivante: En vérité je le dis, la crainte de Dieu a toujours été une défense sûre et une forteresse solide pour tous les peuples du monde. C'est la cause principale de la protection de l'humanité et l'instrument suprême de sa préservation. Il existe en fait chez l'homme une faculté qui le détourne de tout ce qui est méprisable et indécent et l'en préserve: cette faculté, c'est le sentiment de honte (29). Ce dernier cependant se limite à quelques-uns ; tous ne l'ont pas eu et ne l'ont pas. Il incombe aux rois et aux chefs spirituels du monde de s'attacher fermement à la religion, car c'est elle qui fait apparaître la crainte de Dieu en tout ce qui n'est pas Lui.

[51]
La deuxième parole que nous avons consignée sur la deuxième feuille du Paradis est la suivante: La Plume du Très-Haut (30) exhorte en ce moment les manifestations de l'autorité et les sources du pouvoir, c'est-à-dire les rois et dirigeants de la terre - que Dieu les assiste -, et leur enjoint de soutenir la cause de la religion et d'y adhérer. La religion est en vérité le principal instrument pour l'établissement de l'ordre dans le monde et de la tranquillité parmi ses peuples. L'affaiblissement des piliers de la religion a fortifié les insensés, les a enhardis et rendus plus arrogants. En vérité, je le dis: plus grand est le déclin de la religion, plus affligeante est l'obstination de l'impie. Ceci ne peut mener finalement qu'au chaos et à la confusion. Écoutez-moi, ô hommes d'intuition, et soyez avertis, vous qui êtes dotés de discernement !

[52]
Nous espérons que tu prêteras attention à ce que nous avons mentionné afin que tu parviennes à détourner les hommes de ce qu'ils possèdent pour les amener à se tourner vers ce que possède Dieu. Nous supplions Dieu de délivrer la lumière d'équité et le soleil de justice des épais nuages de la rébellion, et de les faire briller sur les hommes. Aucune lumière ne peut être comparée à la lumière de la justice. C'est d'elle que dépendent l'établissement de l'ordre dans le monde et la tranquillité des nations.

[53]
Dans le Livre de la Parole, ces mots sublimes furent consignés. Dis: Ô amis ! Luttez pour que ne s'avèrent point vaines les tribulations que cet Oprimé et vous-mêmes avez subies dans le chemin de Dieu. Accrochez-vous au pan de la vertu et tenez-vous solidement à la corde de la loyauté et de la piété. Préoccupez-vous de ce qui profitera à l'humanité et non de vos désirs égoïstes et corrompus. Ô disciples de cet opprimé !
Vous êtes les bergers du genre humain ; délivrez vos troupeaux des loups des passions et des désirs funestes, et parez-les de l'ornement de la crainte de Dieu. Ceci est le ferme commandement qui, en cet instant, émane de la plume de celui qui est l'Ancien des jours. Par la justice de Dieu ! L'épée d'un caractère vertueux, d'une conduite probe, est plus tranchante qu'une lame d'acier. La voix de la vraie foi appelle, en cet instant, et dit: Ô peuple ! En vérité, le jour est venu où mon Seigneur m'a fait briller d'une lumière dont la splendeur a éclipsé les Soleils de la parole (31). Craignez le Miséricordieux et ne soyez pas de ceux qui se sont égarés.

[54]
Voici la troisième parole que nous avons consignée sur la troisième feuille du Paradis: Ô fils de l'homme ! Si tes yeux sont tournés vers la miséricorde, renonce à ce qui te profite et attache-toi à ce qui profitera à l'humanité. Et si tes yeux sont tournés vers la justice, choisis pour ton voisin ce que tu aurais choisi pour toi-même. L'humilité exalte l'homme jusqu'aux cieux de la gloire et de la puissance, alors que l'orgueil l'abaisse vers les profondeurs de la misère et de la déchéance. Grand est ce jour et puissant cet appel ! Dans une de nos épîtres nous avons révélé ces paroles exaltées: "Si le monde de l'esprit devait être complètement transformé en sens de l'ouïe, il pourrait alors prétendre être digne d'écouter cette voix qui appelle de l'horizon suprême ; car sans cela, ces oreilles souillées par des histoires mensongères n'ont jamais été et ne seront jamais aptes à l'entendre". Heureux ceux qui écoutent, et malheur aux obstinés !

[55]
Prions Dieu - exaltée soit sa gloire - dans l'espoir qu'il daigne assister les rois de la terre, manifestations de richesse et de pouvoir, aurores de souveraineté et de gloire, afin qu'ils établissent la moindre paix (32). Que Dieu les aide par sa grâce fortifiante ! Cette paix est le meilleur moyen pour assurer la tranquillité des nations. Il incombe aux souverains du monde - que Dieu les assiste - de s'y attacher fermement dans l'unité, car elle est le principal instrument de la protection de l'humanité tout entière. Nous espérons qu'ils se lèveront pour réaliser ce qui contribuera au bien-être de l'homme.
Il est de leur devoir de réunir une assemblée mondiale à laquelle ils assisteront en personne ou délégueront leurs ministres, et de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires à l'établissement de l'unité et de la concorde parmi les hommes. Ils doivent rejeter les armes de guerre et se tourner vers les instruments de la reconstruction universelle.
Si un roi se lève contre un autre, tous les autres devront s'unir pour l'en empêcher. Ainsi, leurs armes et leurs armements ne seront utiles que dans la mesure où le nécessitera la sécurité interne de leurs pays respectifs. S'ils parviennent à ce bien suprême, les citoyens de chaque nation poursuivront leurs occupations avec tranquillité et satisfaction, et les gémissements et lamentations de la plupart d'entre eux cesseront.
Nous supplions Dieu de les aider à agir selon sa volonté et son bon plaisir. En vérité, il est le Seigneur du trône d'en-haut et de la terre ici-bas, le Seigneur de ce monde et du monde à venir. Il serait préférable et plus approprié que leurs Altesses, les rois, participent personnellement à une telle assemblée et promulguent leurs édits. Tout roi qui se lève et accomplit cette tâche deviendra, devant Dieu, le point de mire de tous les rois. Qu'il est heureux et que sa félicité est grande !

[56]
Dans cette région, une folle terreur s'empare de la population chaque fois que des hommes sont mobilisés dans l'armée. Les ministres de la guerre de chaque nation, insatiables dans leur désir d'ajouter de nouvelles recrues à leurs bataillons, accroissent leurs forces annuellement. Nous avons été informé que le gouvernement de Perse - que Dieu l'assiste - a également décidé de renforcer son armée. Selon l'opinion de cet opprimé, une force de cent mille hommes parfaitement équipés et bien disciplinés devrait suffire. Nous espérons que, par toi, la lumière de la justice brillera avec plus d'éclat. Par la droiture de Dieu ! La justice est une force puissante. Avant tout, elle conquiert les citadelles des coeurs et des âmes, révèle les secrets du monde de l'existence et porte les étendards de l'amour et de la générosité.

[57]
Dans les trésors de la connaissance de Dieu gît, caché, un savoir (33) qui éliminera en grande partie la peur, lorsqu'il sera appliqué. Toutefois, ce savoir devrait être enseigné dès l'enfance, car il contribuerait grandement à cette élimination. Tout ce qui diminue la peur accroît le courage. Si Dieu le voulait, un long commentaire sur ce qui vient d'être exposé coulerait de la plume du divin Interprète et révélerait ce qui renouvellerait le monde et les nations dans le domaine des arts et des sciences. De même, une parole fut inscrite et consignée par la Plume du Très-Haut dans le Livre vermeil (34), parole capable de libérer totalement la force qui est cachée en l'homme, voire d'en redoubler la puissance. Nous implorons Dieu - exalté et glorifié soit-il - de daigner aider ses serviteurs à faire ce qui lui plaît et lui est agréable.

[58]
À présent, les ennemis nous encerclent de toute part et attisent le feu de la haine. Ô peuples de la terre ! Par ma vie et par la vôtre ! Cet opprimé n'a jamais désiré et ne désire toujours pas le pouvoir. Mon but a toujours été
- et est encore - de supprimer tout ce qui est source de conflit entre les peuples de la terre et de séparation entre les nations, afin que les hommes soient préservés de tout attachement terrestre et rendus libres de s'occuper de leurs propres intérêts. Nous supplions nos bien-aimés de ne pas souiller le pan de notre vêtement par la poussière de la duplicité. Qu'ils ne se permettent aucune allusion à ce qu'ils ont considéré comme des miracles et des prodiges dans le but de rabaisser notre rang et notre condition, ni ne ternissent la pureté et la sainteté de notre nom !

[59]
Dieu de grâce et de compassion ! Voici venu le jour où les gens avisés devraient solliciter l'avis de cet opprimé et demander à celui qui est la vérité ce qui contribue à la gloire et à la tranquillité des hommes. Et pourtant, ils s'efforcent tous avec ardeur d'éteindre cette glorieuse et brillante lumière, et cherchent diligemment à établir notre culpabilité ou à élever des objections à notre encontre. Ils en sont arrivés à dénaturer grossièrement la conduite de cet opprimé à bien des égards et d'une manière qu'il serait inconvenant de mentionner. L'un de nos amis a relaté qu'il avait eu le regret d'entendre l'un des habitants de la grande cité (35), affirmer que, chaque année, une somme de cinquante mille tumans était envoyée de son pays natal à Acre (36) ! Toutefois, il n'a pas été clairement établi qui avait déboursé cette somme ni par quelles mains elle était passée !

[60]
Bref, face à tout ce qui lui advint entre leurs mains et tout ce qui fut dit de lui, cet opprimé souffrit patiemment et garda le silence. Par la tendre sollicitude de Dieu - exaltée soit sa gloire - et par sa miséricorde qui surpasse toutes choses, notre intention est d'éliminer par la force de notre parole, tout conflit, toute guerre et tout bain de sang de la surface de la terre. En toutes circonstances, quoi qu'on ait dit, nous avons souffert avec la patience qui convient et nous nous en sommes remis à Dieu.
Pourtant, à cette accusation particulière, nous avons répondu: "Si son affirmation est vraie, il lui faut être reconnaissant envers le Seigneur de toute existence, le Roi du visible et de l'invisible, d'avoir suscité en Perse un être qui, bien que prisonnier et privé de toute aide et assistance, a réussi à établir son ascendant sur ce pays et à en retirer un revenu annuel. Une telle réalisation devrait être louée plutôt que censurée, s'il est de ceux qui jugent avec équité.
Mais si quelqu'un désire s'informer de la situation de cet opprimé, qu'il sache que ces prisonniers, persécutés par le monde, lésés par les nations, furent, durant des jours et des nuits, entièrement privés des moyens de subsistance les plus élémentaires". Nous répugnons à mentionner de telles choses et n'avons jamais eu - ni n'avons pas davantage à présent - le désir de nous plaindre de notre accusateur. À l'intérieur des murs de cette prison, un homme très respectable fut obligé, pendant quelque temps, de tailler des pierres pour gagner sa vie, alors que d'autres avaient parfois à se nourrir de cette divine nourriture qu'est la faim ! Nous supplions Dieu - qu'il soit exalté et glorifié - d'aider tous les hommes à être justes et équitables, et de leur accorder la grâce de se repentir et de retourner à lui. En vérité, il entend et il est prêt à répondre.

[61]
Glorifié sois-tu, ô Seigneur mon Dieu ! Tu vois ce qui est advenu à cet opprimé livré aux mains de ceux qui l'ont rejeté et qui se sont levés pour lui nuire et l'avilir d'une manière qu'aucune plume ne peut décrire, aucune langue relater, aucun écrit supporter. Tu entends le cri de son coeur, le gémissement de son être le plus profond et tu sais ce que firent endurer aux fidèles de tes cités et aux élus de ton pays ceux qui ont brisé ton alliance et ton pacte.
Ô mon Seigneur, par les soupirs de tes adorateurs à travers le monde, par leurs lamentations pour être éloignés de la cour de ta présence, par le sang versé pour l'amour de toi et par les coeurs brisés sur ton chemin, je te supplie de protéger tes bien-aimés de la cruauté de ceux qui restent ignorants des mystères de ton nom, l'Indépendant. Ô mon Seigneur ! Assiste-les, par ton pouvoir qui prévaut sur toutes choses, et aide-les à être patients et endurants. Tu es le Puissant, le Fort, le Généreux. Il n'est pas d'autre Dieu que Toi, le Munificent, le Seigneur de grâce abondante.

[62]
Loin d'être justes et équitables, certains m'attaquent à présent avec l'épée de la haine et la lance de l'inimitié ; ils oublient qu'il sied à toute personne impartiale de secourir celui que le monde a rejeté et que les nations ont abandonné, et qu'il faut cultiver la piété et la droiture. À ce jour, la plupart des hommes n'ont pu percer le dessein de cet opprimé et n'ont pu comprendre pourquoi il a consenti à endurer tant d'afflictions. En attendant, la voix de son coeur crie ces mots: "Oh ! Si mon peuple savait !" Cet opprimé, détaché de toute chose, profère ces paroles suprêmes: "Des vagues entourent l'arche de Dieu, le Secours, l'Absolu. Ne crains point les vents tempétueux, ô marin ! Celui par qui l'aube se lève est avec toi dans cette obscurité qui sème la terreur dans les coeurs de tous les hommes à l'exception de ceux qu'il plut à Dieu, le Tout-Puissant, l'Indépendant, d'épargner".

[63]
Ô Shaykh ! Je jure par le Soleil de vérité qui se lève et brille au-dessus de l'horizon de cette prison ! Le seul but de cet opprimé est de rendre le monde meilleur. De ceci porte témoignage tout homme de jugement, de discernement, de perspicacité et de compréhension. Bien qu'affligé d'épreuves, il s'attache fermement à la corde de la patience et de la fortitude ; content de son sort aux mains de ses ennemis, il s'écrie: "J'ai renoncé à mon désir pour ton désir, ô mon Dieu, et à ma volonté pour la révélation de ta volonté. Par ta gloire ! Je ne veux être et ne veux vivre que pour servir ta cause, et je n'aime ma personne que pour la sacrifier dans ton chemin.
Ô mon Seigneur ! Tu vois et tu sais que ceux auxquels nous avions demandé d'être justes et équitables se sont, injustement et cruellement, levés contre nous. Publiquement, ils étaient avec moi mais, secrètement, ils aidaient les ennemis qui se sont levés pour me déshonorer. Ô Dieu, mon Dieu ! Je témoigne que tu as créé tes serviteurs pour assister ta cause et exalter ta parole ; et pourtant, ils ont aidé tes ennemis. Par ta cause qui englobe le monde de l'existence et par ton nom qui soumet le visible et l'invisible, je te supplie de parer les peuples de la terre de la lumière de ta justice et d'illuminer leur coeur de l'éclat de ta connaissance.
Ô mon Seigneur ! Je suis ton serviteur et le fils de ton serviteur. Je témoigne de ton unité, de ton unicité, de la sainteté de ton être et de la pureté de ton essence. Ô mon Seigneur ! Tu vois tes fidèles à la merci des perfides et des calomniateurs parmi ton peuple.
Tu sais ce qui nous est advenu aux mains de ceux que tu connais mieux que nous. Leurs actes ont déchiré le voile (37) pour les créatures proches de toi. Je te supplie de les aider à obtenir ce qui leur a échappé à l'aube de ta révélation et à l'orient de ton inspiration. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît et en tes mains sont les rênes de tout ce qui est au ciel et sur la terre." La voix plaintive de la vraie foi s'est élevée.
Elle s'écrie: "Ô peuple ! Par la justice de Dieu, je suis parvenue auprès de celui qui m'a manifestée et m'a envoyée sur terre. Voici le jour où le Sinaï sourit à celui qui y conversa, le Carmel à celui qui le révéla et le Sadrah (38) à celui qui l'enseigna. Craignez Dieu et ne soyez pas de ceux qui l'ont renié. Ne vous privez pas de ce qui fut révélé par sa grâce. Au nom de votre Seigneur, le Seigneur de tous les noms, prenez les eaux vives de l'immortalité et buvez en souvenir de celui qui est le Puissant, l'Incomparable".

[64]
En toutes circonstances, nous enjoignons aux hommes ce qui est bien et leur interdisons ce qui est mal. Celui qui est le Seigneur de l'existence est témoin que cet opprimé a demandé à Dieu, pour ses créatures, tout ce qui contribue à instaurer l'unité et l'harmonie, l'amitié et la concorde. Par la justice de Dieu ! Cet opprimé est incapable de dissimulation. En vérité, il a révélé ce qu'il désirait. En vérité, il est le Seigneur de force, l'Indépendant.

[65]
Nous nous référons à nouveau à certaines des paroles sublimes révélées dans l'épître à Sa Majesté le Shah, afin que tu saches avec certitude, que tout ce qui fut mentionné émanait de Dieu: Ô Roi ! Je n'étais qu'un homme comme les autres, endormi sur ma couche, lorsque les brises du Très-Glorieux soufflèrent sur moi et me donnèrent la connaissance de tout ce qui fut. Ceci n'est pas de moi mais de celui qui est tout-puissant et omniscient. Il m'ordonna d'élever la voix entre ciel et terre, et pour cela, il m'advint ce qui fait couler les larmes de tout homme d'entendement.
Le savoir courant parmi les hommes, je ne l'ai pas étudié ; leurs écoles, je ne les ai pas fréquentées. Informe-toi dans la ville où j'habitais, afin d'être assuré que je ne suis pas de ceux qui mentent. Je ne suis qu'une feuille agitée par les vents de la volonté de ton Seigneur, le Tout-Puissant, le Magnifié. Peut-elle rester immobile lorsque soufflent les vents tempétueux ? Non, par le Seigneur de tous les noms et attributs !
Ils la secouent comme ils veulent. L'éphémère n'est que néant face à l'Éternel. J'ai entendu ses admonitions impérieuses ; elles m'ont amené à célébrer sa louange parmi tous les hommes. En vérité, j'étais comme mort lorsque son ordre fut proféré. La main de la volonté de ton Seigneur, le Compatissant, le Miséricordieux, m'a transformé. Quelqu'un pourrait-il, de lui-même, proférer ce qui lui attirera l'hostilité des hommes, petits et grands ? Non - par celui qui enseigna à la Plume les mystères éternels - s'il n'est pas fortifié par la grâce du Tout-Puissant, de l'Omnipotent.

[66]
Ô Roi ! Considère cet opprimé avec justice, et juge impartialement ce qui lui est advenu. Il est vrai que, par sa volonté, Dieu a fait de toi son ombre parmi les hommes et le signe de son pouvoir pour ceux qui vivent sur la terre. Juge entre nous et ceux qui nous ont opprimé sans preuve et sans livre probant. Ceux qui t'entourent t'aiment dans leur propre intérêt, alors que cet Adolescent t'aime pour toi-même. Il n'a d'autre désir que de t'attirer vers le siège de la grâce et de t'amener vers la droite de la justice. Ton Seigneur est témoin de ce que je déclare.

[67]
Ô Roi ! Si tu tendais l'oreille au crissement de la Plume de gloire et au roucoulement de la Colombe d'éternité qui, sur les branches de l'Arbre sacré au-delà duquel il n'est point de passage (39), chante les louanges de Dieu, l'Auteur de tous les noms et le Créateur de la terre et du ciel, tu atteindrais un rang d'où tu ne verrais, dans le monde créé, que la splendeur de l'Adoré. Alors ta souveraineté t'apparaîtrait comme le plus méprisable de tes biens ; tu l'abandonnerais à celui qui la désire et te tournerais vers l'horizon embrasé par la lumière de sa face. Tu ne voudrais plus jamais supporter le fardeau de la souveraineté, sauf pour soutenir ton Seigneur, le Très-Haut, le Suprême. Alors l'assemblée céleste te bénirait. Ô combien merveilleux serait ce rang sublime, si tu pouvais l'atteindre par la puissance d'une souveraineté que tu reconnaîtrais comme provenant du Nom de Dieu !

[68]
Tu as dit - ou était-ce quelqu'un d'autre ?: "Que la Sourate de Tawhid (40) soit traduite, afin que tous sachent et soient totalement persuadés que le seul vrai Dieu n'engendre point, et qu'il n'est point engendré. Or, les babis croient en sa divinité (41)".

[69]
Ô Shaykh ! Cette condition est celle où l'on meurt à soi-même et où l'on vit en Dieu. Toutes les fois que je la mentionne, la divinité indique mon effacement complet et absolu. Dans cette condition, je n'exerce aucun contrôle ni sur mon bonheur, ni sur mon malheur, ni sur ma vie, ni sur ma résurrection.

[70]
Ô Shaykh ! Comment les religieux d'aujourd'hui expliquent-ils la gloire resplendissante que le Sadrah de la parole a répandue sur le fils de 'Imran (42) au Sinaï de la connaissance divine ? Il écouta la parole qu'avait prononcée le Buisson ardent et l'accepta ; et pourtant, la plupart des hommes sont privés du pouvoir de comprendre cela, car ils sont soucieux de leurs propres affaires et ne sont pas conscients de ce qui appartient à Dieu.
Se référant à ce qui précède, le Siyyid de Findirisk (43) a dit à juste titre: "Ce thème, aucun esprit mortel ne peut le saisir, fût-ce celui d'Abu-Nasr (44) ou d'Abu-'Ali Sina (45)". Quelle explication peuvent-ils donner à ce qu'a dit le Sceau des prophètes (46) - que les âmes de tout autre que lui soient sacrifiées par amour pour lui: "En vérité, vous contemplerez votre Seigneur comme vous contemplez la pleine lune dans la quatorzième nuit" ? Le Commandeur des croyants (47) - que la paix soit sur lui - a dit, d'autre part, dans le Khutbiy-i-Tutunjiyyih (48): "Préparez-vous à la révélation de celui qui, du buisson ardent sur le mont Sinaï, a conversé avec Moïse." Husayn (49), le fils de 'Ali, - que la paix soit sur lui - a dit, de même: "Y a-t-il une révélation qui ne t'a pas été accordée et qui le sera à un autre que toi - une révélation dont le révélateur sera celui qui t'a révélé ? Aveugle, l'oeil qui ne te voit point !"

[71]
Des paroles similaires émanant des Imams
- que les bénédictions de Dieu soient sur eux - ont été consignées ; elles sont de notoriété publique et figurent dans des ouvrages dignes de foi. Béni soit celui qui perçoit et qui dit la pure vérité. Bienheureux celui qui, aidé par les eaux vives de la parole du Désir de tous les hommes, s'est purifié des chimères et des imaginations vaines, a déchiré les voiles du doute au nom du Possesseur de toutes choses, le Très-Haut, a renoncé au monde et à tout ce qu'il renferme et s'est dirigé vers la plus grande Prison (50).

[72]
Ô Shaykh ! Aucune brise ne peut se comparer aux brises de la révélation divine, alors que la parole proférée par Dieu brille et étincelle, tel le soleil, parmi les livres des hommes. Heureux qui la découvre, la reconnaît et dit: "Loué sois-tu, Toi qui es le Désir du monde, et grâce te soit rendue, ô Bien-Aimé des coeurs de ceux qui te sont consacrés !"

[73]
Les hommes n'ont pas su comprendre notre intention dans nos références à la divinité. S'ils devaient la comprendre, ils se lèveraient de leurs sièges et s'écrieraient: "En vérité, nous sollicitons le pardon de Dieu !" Le Sceau des Prophètes
- que soit offerte pour son amour toute âme autre que la sienne - dit: "Multiples sont nos relations avec Dieu. Parfois, nous sommes lui-même et il est nous-même ; et, parfois, il est ce qu'il est et nous sommes ce que nous sommes (51)".

[74]
Par ailleurs, comment se fait-il que tu n'aies pas mentionné ces autres conditions qu'a révélées la Plume d'Abha (52) ? Maintes et maintes fois, de jour comme de nuit, la langue de cet opprimé a exprimé ces sublimes paroles: "Ô Dieu, mon Dieu ! Je témoigne de ton unité et de ton unicité ; que tu es Dieu et qu'il n'est pas d'autre Dieu que Toi.
Tu es de toute éternité sanctifié par-delà la mention et la louange de tout autre que toi, et tu continueras de toute éternité à être celui que tu es et as toujours été depuis le commencement.
Ô Roi de l'Éternité ! Par le plus grand Nom, par les splendeurs du Soleil de ta révélation sur le Sinaï de la parole et par les flots de l'océan de ta connaissance parmi toutes choses créées, je te supplie de daigner m'assister pour que je me rapproche de toi et me détache de tout ce qui n'est pas toi. Par ta gloire, ô Seigneur de toute existence et désir de toute création, j'aimerais poser mon visage sur chaque point de ta terre afin qu'il soit honoré d'avoir touché un lieu ennobli par les pas de tes bien-aimés !"

[75]
Par la justice de Dieu ! Les vaines imaginations ont éloigné les hommes de l'horizon de la certitude et les ont privés du vin choisi et scellé. En vérité, je dis et je déclare pour l'amour de Dieu: ce serviteur, cet opprimé ose à peine revendiquer pour lui une existence quelle qu'elle soit ; à plus forte raison, des degrés supérieurs d'existence !
Tout homme de discernement marchant sur cette terre se sent décontenancé, car il est pleinement conscient que la source de sa prospérité, de sa richesse, de sa puissance, de sa grandeur, de son avancement et de son pouvoir est le sol même que foulent les pieds de tous les hommes, ainsi que Dieu l'a ordonné. Quiconque connaît cette vérité est sans aucun doute purifié et sanctifié de tout orgueil, arrogance et vanité. Tout ce qui a été dit émane de Dieu. En vérité, il en a porté et en porte à présent témoignage ; il est, en vérité, l'Omniscient, l'Informé.

[76]
Supplie Dieu d'accorder aux hommes une oreille attentive, une vue perçante, un coeur réceptif et empli d'amour afin que ses serviteurs parviennent à celui que leur coeur désire et tournent leur visage vers leur Bien-Aimé. Des malheurs tels que nul oeil n'en vit jamais frappèrent cet opprimé. Il n'hésita jamais à proclamer sa cause. En s'adressant aux rois et aux dirigeants de la terre - que Dieu, exalté soit-il, les assiste - il leur transmit ce qui est la source du bien-être, de l'unité, de l'harmonie, de la reconstruction du monde et de la tranquillité des nations.
Parmi eux, Napoléon III aurait fait, semble-t-il, une certaine déclaration qui nous incita à lui envoyer notre épître, alors que nous résidions à Andrinople. Il n'y répondit pas. Après notre arrivée dans la plus grande Prison, nous parvint une lettre de son ministre, dont la première partie était rédigée en persan et la dernière écrite de sa propre main. Dans cette lettre, il écrivait en termes cordiaux: "Sur votre demande, j'ai remis votre lettre et n'ai reçu aucune réponse à ce jour. Néanmoins, nous avons fait les recommandations nécessaires à notre ambassadeur à Constantinople et à nos consuls dans ces régions. Informez-nous de ce que vous désirez et nous le réaliserons."

[77]
Comme ces mots l'indiquent, il comprenait que le but de ce serviteur était de solliciter une aide matérielle. C'est pourquoi nous révélâmes en son nom (53) dans la Suratu'l-Haykal (54), des versets dont nous citons à présent quelques extraits, afin que tu saches que la cause de cet opprimé fut révélée pour l'amour de Dieu, et qu'elle émanait de lui:

[78]
Ô roi de Paris ! Dis aux prêtres de ne plus faire sonner les cloches. Par Dieu, le Vrai ! L'appel le plus puissant est lancé sous l'aspect de celui qui est le plus grand Nom et les doigts de la volonté de ton Seigneur, le Suprême, le Sublime, le font claironner en son Nom, le Tout-Glorieux, au ciel de l'immortalité.
Ainsi, une fois encore sont descendus sur toi les puissants versets de ton Seigneur, afin que tu te lèves pour mentionner Dieu, le créateur de la terre et du ciel, en ces jours où gémissent toutes les tribus de la terre, où sont secouées les fondations des cités et où la poussière de l'irréligion enveloppe tous les hommes sauf ceux qu'il plait à Dieu, l'Omniscient, le Sage, d'épargner.
Dis: Celui qui est l'Indépendant est venu sur les nuées de lumière pour vivifier toutes choses créées par les brises de son Nom, le Très-Miséricordieux, pour unifier le monde et rassembler tous les hommes autour de cette table descendue du ciel.
Garde-toi de refuser la grâce de Dieu qui t'est envoyée. Elle est meilleure pour toi que tout ce que tu possèdes, car tes biens périront, tandis que ce qui vient de Dieu durera. En vérité, il ordonne ce qui lui plaît. Les brises du pardon soufflent, venant de ton seigneur, le Dieu de miséricorde ; quiconque se tourne vers elles sera purifié de ses péchés, de toute souffrance et de toute maladie. Heureux celui qui se tourne vers elles et malheur à qui s'en écarte !

[79]
Si tu tendais ton oreille intérieure vers toutes les choses créées, tu entendrais: "L'Ancien des jours est apparu dans sa grande gloire !" Tout célèbre la louange de son Seigneur. Certains ont connu Dieu et le mentionnent, d'autres le mentionnent bien qu'ils ne le connaissent pas. Ainsi avons-nous consigné notre décret dans une épître manifeste.

[80]
Ô Souverain ! Écoute la voix venant du feu allumé dans cet arbre verdoyant, sur ce Sinaï élevé au-dessus du lieu consacré et blanc comme neige, dominant la cité éternelle: "Certes, il n'est pas d'autre Dieu que Moi, le Magnanime, le Très-Miséricordieux." En vérité, nous avons envoyé celui que nous avons soutenu par le Saint-Esprit (55) afin qu'il vous annonce cette Lumière qui a brillé de l'horizon de la volonté de votre Seigneur, le Suprême, le Tout-Glorieux, dont les signes se sont manifestés en Occident. Tournez vos visages vers lui (56) en ce jour que Dieu a exalté au-dessus de tous les autres et où l'infiniment Miséricordieux a répandu la splendeur de sa gloire rayonnante sur tous ceux qui sont au ciel et tous ceux qui sont sur terre. Lève-toi pour servir Dieu et soutenir sa cause. Il t'aidera assurément par les armées du visible et de l'invisible, et fera de toi le roi de tout ce qu'éclaire le soleil. En vérité, ton Seigneur est le Tout-Puissant, l'Omnipotent.

[81]
Les brises du Très-Miséricordieux passent sur toutes choses créées ; heureux l'homme qui découvre leur parfum et qui, d'un coeur pur, se dirige vers elles. Orne ton temple de la parure de mon nom, ta parole de mon souvenir et ton coeur de ton amour pour moi, le Tout-Puissant, le Très-Haut. Nous ne désirons pour toi que ce qui surpasse ce que tu possèdes et les trésors de la terre. Ton Seigneur est assurément celui qui sait, l'Informé. Lève-toi en mon Nom, parmi mes serviteurs, et dis: "Ô vous, peuples de la terre ! Tournez-vous vers celui qui s'est tourné vers vous. En vérité, il est la face de Dieu parmi vous ; il est son témoignage et votre guide. Il est venu vers vous avec des signes qu'il est seul à produire." La voix du Buisson ardent retentit au centre du monde et le Saint-Esprit annonce aux nations: "Voyez ! Le Promis est venu avec un pouvoir évident".

[82]
Ô Roi ! Les astres du ciel de la connaissance sont tombés, ceux qui cherchent à établir par leurs propres arguments la vérité de ma cause et qui font mention de Dieu en mon nom. Pourtant, quand je me suis présenté, glorieux, devant eux, ils se sont détournés. Ne sont-ils pas parmi les déchus ? C'est bien ce que l'Esprit de Dieu (57) annonça quand il vint vous proclamer la vérité, lui que les docteurs juifs contestèrent, au point de provoquer les lamentations du Saint-Esprit et faire couler les larmes de ceux qui sont proches de Dieu.

[83]
Dis: Ô assemblée de moines ! Ne vous isolez pas dans vos églises et vos cloîtres. Avec ma permission, quittez-les et consacrez-vous à ce qui profite aux autres et à vous-mêmes. Ainsi vous l'ordonne le Seigneur du jour du jugement. Retirez-vous dans la forteresse de mon amour. C'est la retraite qui vous convient si vous pouviez le savoir ! Est mort celui qui s'isole dans sa demeure. Il incombe aux hommes d'agir pour le bien de l'humanité. Celui qui ne produit aucun fruit est bon à jeter au feu.
Ainsi vous exhorte votre Seigneur. Il est le Tout-Puissant, le Généreux. Mariez-vous afin qu'après vous, un autre se lève à votre suite. Nous vous avons interdit la luxure et non ce qui contribue à la fidélité. Etes-vous esclaves des penchants de votre nature et rejetez-vous les lois de Dieu ! Craignez Dieu et ne soyez pas insensés.
Qui, sinon les hommes, me mentionneront sur terre ! Comment mes attributs et mes noms seront-ils révélés ! Réfléchissez et ne laissez pas un voile vous séparer de lui ni un profond sommeil vous envahir. Celui qui ne s'est pas marié (58) ne trouva pas d'endroit où demeurer ni où poser la tête à cause des agissements des perfides. Sa Sainteté n'était pas ce que vous avez cru et imaginé, mais plutôt ce qui nous appartient. Demandez à comprendre son rang qui est magnifié au-dessus des vaines imaginations des peuples de la terre. Heureux ceux qui comprennent !

[84]
Ô Roi ! Nous avons entendu ta réponse au Tsar de Russie concernant la décision de guerre (59). Certes, ton Seigneur est informé de tout ; il sait. Tu as dit: "J'étais endormi sur ma couche quand les cris des opprimés qu'on noyait dans la Mer Noire m'ont réveillé." Voilà ce que nous t'avons entendu dire ; en vérité, Dieu m'est témoin ! Nous attestons que tu n'as pas été réveillé par leurs cris, mais par l'impulsion de tes passions. Nous t'avons mis à l'épreuve et nous t'avons pris en défaut.
Comprends le sens de nos propos et sois clairvoyant. Par égard au rang que nous t'avons conféré en ce monde mortel, nous ne souhaitons pas t'adresser des paroles de blâme. Nous préférons la courtoisie, nous en avons fait le signe de ceux qui sont proches de lui. La courtoisie est réellement le vêtement qui sied à tous, jeunes ou vieux. Heureux celui qui en pare son temple et malheur à celui qui est privé de cette munificence.
Si tu avais parlé avec sincérité, tu n'aurais pas rejeté le Livre de Dieu lorsque le Tout-Puissant, le Très-Sage te l'a envoyé. Par lui, nous t'avons éprouvé et ne t'avons pas trouvé tel que tu le prétendais. Lève-toi et fais amende honorable pour ce qui t'a échappé. Bientôt, le monde et tout ce que tu possèdes périront, mais le Royaume appartiendra toujours à Dieu, ton Seigneur et le Seigneur de tes pères. Il ne convient pas que tu gères tes affaires selon les exigences de tes désirs. Redoute les lamentations de cet opprimé et protège-le des traits des fauteurs d'injustice.

[85]
Pour ce que tu as fait, ton royaume sera jeté dans la confusion ; en punition de tes actes, ton empire t'échappera. Tu comprendras alors à quel point tu t'es égaré. Dans ton pays, l'agitation s'emparera du peuple, à moins que tu ne te lèves pour soutenir cette Cause et ne suives dans ce droit chemin celui qui est l'Esprit de Dieu (60). Ton faste t'a-t-il enorgueilli ? Par ma vie, il ne durera pas ! Et même, il disparaîtra bientôt, à moins que tu ne saisisses fermement cette corde solide. Nous voyons l'humiliation te menacer, et toi, tu restes insouciant. Dès que tu entends sa voix appeler du siège de gloire, il t'appartient d'abandonner tout ce que tu possèdes et de t'écrier: "Me voici, ô Seigneur de tout ce qui est sur la terre comme au ciel !"

[86]
Ô Roi ! Nous étions en Irak quand vint l'heure de la séparation. Sur l'ordre du roi de l'islam (61), nous nous dirigeâmes vers son pays. Dès notre arrivée, les méchants nous firent subir ce que les livres ne pourront jamais raconter fidèlement. C'est alors que se lamentèrent les habitants du paradis et ceux qui demeurent dans les retraites sacrées. Malgré cela, un voile épais enveloppe toujours les hommes !

[87]
En outre, nous avons dit: De jour en jour, que dis-je, d'heure en heure, notre pénible situation s'aggrava jusqu'au moment où l'on mit fin à notre réclusion (62) pour nous enfermer, avec une injustice flagrante, dans la plus grande Prison. Et lorsque quelqu'un leur demandait: "Pour quel crime sont-ils emprisonnés ?", ils répondaient: "Ils ont cherché à remplacer la Foi par une nouvelle religion." Si vous préférez ce qui est ancien, pourquoi avez-vous renoncé à ce qui fut envoyé dans la Torah et dans l'Évangile ?
Expliquez cela, ô peuples ! Par ma vie ! Pour vous, il n'y a pas d'échappatoire en ce jour. Si c'est cela mon crime, alors Muhammad, l'Apôtre de Dieu, l'a commis avant moi et, avant lui, l'Esprit de Dieu (63) et, précédemment, celui qui conversa avec Dieu (64). Et si mon péché est d'avoir exalté la parole de Dieu et d'avoir révélé sa cause, alors je suis vraiment le plus grand des pécheurs ! Un tel péché, je ne l'échangerais pas contre les royaumes du ciel et de la terre.

[88]
Ailleurs, nous avons dit: À mesure que mes épreuves se multipliaient, mon amour pour Dieu et pour sa cause grandissait ; aussi, tout ce que m'infligeaient les rebelles ne pouvait me détourner de mon but. Qu'ils m'enfouissent dans les profondeurs de la terre, ils me trouveront voguant au-dessus des nuages, invoquant Dieu, le Seigneur fort et puissant !
J'ai offert ma vie dans le chemin de Dieu et aspire aux épreuves associées à mon amour pour lui et à son bon plaisir. En témoignent les maux qui m'affligent à présent, et qu'aucun autre mortel n'a jamais subis. Chacun de mes cheveux proclame le message qu'a proféré le Buisson ardent sur le Sinaï et chaque veine de mon corps invoque Dieu en ces termes: "Que n'ai-je été déchirée sur ton chemin afin que le monde soit revivifié et tous ses peuples unis !" Ainsi en a décrété l'Omniscient, l'Informé !

[89]
Sache que tes sujets sont un dépôt que Dieu t'a confié. Aussi, veille sur eux comme sur toi-même. Prends garde et ne laisse pas les loups devenir les pasteurs du troupeau. Que ni l'orgueil ni la vanité ne t'empêchent de te soucier des pauvres et des affligés. En mon Nom, lève-toi au-dessus de l'horizon du renoncement, puis tourne-toi vers le Royaume au commandement de ton Seigneur, le Fort et le Puissant."

[90]
Ailleurs, nous avons dit: Pare ton royaume du vêtement de mon nom et lève-toi pour enseigner ma cause. Cela est mieux pour toi que tout ce que tu possèdes. Et Dieu exaltera ton nom parmi tous les rois. Il a le pouvoir sur toutes choses. Marche parmi les hommes au nom de Dieu et de son pouvoir, afin de manifester ses signes aux peuples de la terre.

[91]
Ailleurs, nous avons dit: Comment pouvez-vous vous réclamer du Dieu de miséricorde et commettre ce qu'a commis le Malin ? Non ! Par la beauté du Très-Glorifié ! Si seulement vous le saviez ! Purifiez votre coeur de l'attachement au monde, votre langue de la calomnie et vos membres de tout ce qui vous empêche de vous approcher de Dieu, le Puissant, le Magnifié. Dis: par " monde ", nous entendons ce qui vous détourne de l'Orient de la révélation et vous pousse vers ce qui ne vous profite pas.
En vérité, ce qui vous détourne de Dieu en ce jour, c'est par essence l'attachement aux biens de ce monde. Evitez-le et approchez-vous de la Vision sublime, cet Orient brillant et resplendissant. Ne versez le sang de personne, ô peuple, et ne jugez personne injustement. Ainsi vous l'ordonne l'Omniscient, l'Informé. Ceux qui provoquent des désordres dans un pays où l'ordre règne transgressent les limites fixées dans le Livre. Misérable sera la demeure des transgresseurs !

[92]
Ailleurs, nous avons dit: Traitez avec loyauté les biens de votre prochain. Soyez dignes de confiance ici-bas et ne privez pas les pauvres de ce que la grâce de Dieu vous a donné. En vérité, il vous accordera le double de ce que vous possédez. Il est vraiment le Très-Généreux, le Munificent. Ô peuple de Baha ! Soumettez la citadelle des coeurs par les épées de la sagesse et de la parole. Un voile évident enveloppe ceux qui se disputent, mus par leurs désirs. Dis: L'épée de la sagesse est plus brûlante que la chaleur de l'été et plus aiguisée que des lames d'acier, si vous pouviez le comprendre !
Tirez-la en mon nom et par mon pouvoir ; avec elle, conquérez la cité du coeur de ceux qui se sont retranchés dans la forteresse de leurs désirs corrompus. Ainsi vous l'ordonne la Plume du Très-Glorieux, tandis qu'elle est menacée par les épées des rebelles. Si vous avez connaissance d'un péché commis par autrui, n'en soufflez mot afin que Dieu cache votre propre péché.
En vérité, il est le Discret, le Seigneur de grâce abondante. Ô vous, les riches de la terre ! Si vous rencontrez un pauvre, ne le traitez pas avec dédain. Réfléchissez: de quoi fûtes-vous créés ? Tous, vous l'avez été d'un misérable germe.

[93]
Ailleurs, nous avons dit: Considérez le monde comme le corps d'un être affligé de maux divers dont la guérison dépend de l'agencement harmonieux de tous ses éléments. Rassemblez-vous autour de ce que nous avons prescrit et ne marchez pas sur les traces des séditieux.
Méditez sur le monde et sur la condition de ses habitants. Celui pour lequel fut créé le monde a été emprisonné dans la plus désolée des cités (65) par suite des actes de ses adversaires acharnés. De l'horizon de cette ville-prison, il appelle l'humanité à l'aurore de Dieu, le Très-Haut, le Suprême. Exultes-tu de posséder des trésors, tout en sachant qu'ils périront ? Te réjouis-tu de régner sur un arpent de terre alors que, pour le peuple de Baha, le monde entier n'a pas plus de valeur que la pupille d'une fourmi morte ?
Laisse-le à ceux qui l'aiment et tourne-toi vers celui qui est le désir du monde. Que sont devenus les orgueilleux et leurs palais ? Regarde dans leurs tombes et prends exemple sur cette leçon que nous donnons à tous ceux qui observent. Si les brises de la révélation te saisissaient, tu fuirais le monde pour te diriger vers le Royaume et tu dépenserais tout ce que tu possèdes pour te rapprocher de cette Vision sublime.

[94]
Nous chargeâmes un chrétien (66) d'expédier cette épître. Il nous informa qu'il en avait transmis l'original et la traduction. Dieu, le Tout-Puissant, l'Omniscient, a connaissance de toutes choses.

[95]
L'une des parties de la Suratu'l-Haykal est l'épître adressée à Sa Majesté le Tsar de Russie - que Dieu, le Suprême, le Glorifié, lui accorde son aide !

[96]
Ô Tsar de Russie ! Écoute la voix de Dieu, le Roi, le Saint, et tourne-toi vers le paradis où demeure celui qui, dans le concours céleste, porte les titres les plus parfaits et qui, dans le royaume de la création, est appelé par le nom de Dieu, le Resplendissant, le Très-Glorieux. Prends garde que tes désirs ne t'empêchent de tourner ton visage vers ton Seigneur, le Compatissant, le Très-Miséricordieux. Nous avons entendu la supplique que tu as adressée en secret à ton Seigneur.
Aussi, les brises de ma tendre bonté ont soufflé, la mer de ma miséricorde s'est soulevée et nous t'avons répondu en toute sincérité. Ton Seigneur est, en vérité, l'Omniscient, le Très-Sage. Alors que je gisais, chargé de chaînes et de fers, dans la prison de Téhéran, un de tes ministres m'a offert son aide. C'est pourquoi Dieu t'a réservé un rang que nul autre que lui ne peut comprendre. Prends garde de ne pas aliéner cette sublime condition.

[97]
Ailleurs, nous avons dit: Celui qui est le Père est venu, et le Fils (67) s'écrie dans la sainte vallée: "Me voici, me voici, ô Seigneur mon Dieu !", tandis que le Sinaï fait le tour de la demeure et que le Buisson ardent annonce à haute voix: "Le Très-Généreux est venu, chevauchant les nuages. Béni celui qui s'approche de lui et malheur à ceux qui restent éloignés !"

[98]
Lève-toi parmi les hommes au nom de cette cause irrésistible et appelle les nations à Dieu, le Puissant, le Grand. Ne sois pas de ceux qui invoquèrent Dieu par l'un de ses noms pour le renier, s'en détourner et le condamner avec une évidente injustice lorsque parut celui qui est l'objet de tous les noms. Réfléchis et rappelle-toi les jours où vint l'Esprit de Dieu (68), où Hérode rendit son verdict contre lui. Mais Dieu le secourut par les armées de l'invisible, le protégea en vérité et l'envoya dans un autre pays comme il l'avait promis. En vérité, il ordonne ce qui lui plaît. Certes, ton Seigneur protège qui il veut, tant au coeur de l'océan que dans la gueule du dragon ou sous l'épée de l'oppresseur.

[99]
Ailleurs, nous avons dit: Entends ma voix s'élever de la prison pour t'annoncer ce que ma beauté endura à cause des manifestations de ma gloire (69) et pour te faire savoir combien grande fut ma patience malgré ma puissance et immense ma longanimité malgré mon pouvoir. Par ma vie ! Si tu savais ce que ma plume a révélé, si tu découvrais les trésors de ma cause et les perles des mystères cachés au fond des océans de mes noms ainsi que dans les coupes de mes paroles, tu sacrifierais ta vie sur le chemin de Dieu et languirais d'entrer dans son royaume sublime et glorieux. Bien que mon corps soit sous les épées de mes ennemis et mes membres frappés d'innombrables afflictions, sache que mon esprit est rempli d'une allégresse sans comparaison avec les joies de la terre.

[100]
De même, mentionnons quelques versets de l'épître à Sa Majesté la Reine (70) - que Dieu l'assiste, exalté et glorifié soit-il ! - Nous souhaitons que les brises de la révélation soufflent sur toi et t'incitent, uniquement par amour pour Dieu, à te lever et à servir sa cause ; et que tu transmettes aux rois les épîtres qui pourraient ne pas leur avoir été remises. Cette mission est une grande mission et ce service, un grand service.
Dans ces contrées, nombreux sont les religieux distingués dont ces siyyids célèbres (71) pour leur éminence et leur distinction. Converse avec eux et montre-leur ce qui a coulé de la Plume de gloire (72) afin qu'ils bénéficient de l'aide divine pour améliorer la condition du monde et régénérer le caractère des peuples des différentes nations ; afin que, par les eaux vives des conseils de Dieu, ils éteignent la haine et l'animosité qui couvent cachées dans le coeur des hommes. Nous prions Dieu que tu sois aidée ; en vérité, cela ne lui serait pas difficile.

[101]
Ô Reine de Londres ! Ecoute l'appel de ton Seigneur, le Seigneur de l'humanité, qui, de l'Arbre divin, proclame: "En vérité, il n'est pas d'autre Dieu que Moi, le Tout-Puissant, le Très-Sage !" Renonce à tout ce qui est sur terre et couronne la tête de ton royaume de la mention de ton Seigneur, le Très-Glorieux. Certes, il est venu en ce monde dans sa gloire suprême et tout ce qui est mentionné dans l'Evangile a été accompli. Les pas du Seigneur, le Seigneur de tous les hommes, ont honoré la terre de Syrie, et sa présence a enivré le Nord et le Sud. Béni celui qui respire le parfum du Très-Miséricordieux en cette aube resplendissante et se tourne vers l'Orient de sa beauté. La mosquée El Aqsa (73) frémit sous les brises de son Seigneur, le Très-Glorieux, et Batha (74) tremble à la voix de Dieu, l'Eminent, le Très-Haut. Chacune de leurs pierres loue le Seigneur par ce grand Nom.

[102]
Ailleurs, nous avons dit: Nous te mentionnons pour l'amour de Dieu et nous désirons que Dieu, le créateur du ciel et de la terre, se souvienne de toi et magnifie ton nom. En vérité, il est témoin de mes paroles. Nous avons appris que tu as interdit le commerce des esclaves, hommes et femmes. En vérité, c'est ce que Dieu recommande dans cette merveilleuse révélation. Pour cela, il t'a certainement réservé une récompense. Il rétribuera en toute équité celui qui fait le bien, homme ou femme ; agis donc selon les exhortations de celui qui est l'Omniscient, l'Informé. Quant à celui qui s'enorgueillit et se détourne du Dispensateur des signes après les avoir clairement reçus, Dieu réduira son oeuvre à néant. Certes, il a pouvoir sur toutes choses. Les actes d'un homme ne sont acceptables que s'il a reconnu la Manifestation de Dieu. Quiconque se détourne de celui qui est la Vérité fait partie des créatures les plus voilées. Ainsi en a décrété le Fort, le Tout-Puissant.

[103]
Nous avons également appris que tu as confié les rênes du gouvernement aux représentants du peuple. Tu as certes bien agi ; ainsi, les bases de toutes tes affaires seront renforcées et le coeur de tous tes sujets, petits et grands, sera rassuré. Il convient néanmoins que ces représentants soient dignes de confiance et soient comptés parmi ses serviteurs, qu'ils se considèrent comme les délégués de tous les habitants de la terre. Tel est le conseil que donne, dans cette épître, celui qui est le Souverain, le Très-Sage. Et quand l'un de ces parlementaires entre dans l'assemblée, qu'il tourne son regard vers l'Horizon suprême et dise: "Ô mon Dieu ! Je te demande, par ton nom le plus glorieux, de m'aider à rendre prospères les affaires de tes serviteurs et florissantes tes cités. Tu as, en vérité, pouvoir sur toutes choses !" Béni celui qui, pour l'amour de Dieu, participe à cette assemblée et rend une justice parfaite entre les hommes. En réalité, il fait partie des bienheureux.

[104]
Ô membres du Parlement de ce pays (75) et des assemblées des autres pays ! Délibérez entre vous et, si vous êtes vigilants, préoccupez-vous surtout de ce qui profite à l'humanité et améliore sa condition. Considérez le monde comme un corps humain créé complet et parfait que des causes diverses ont affligé de graves maladies et désordres. Il ne connait aucun jour de répit ! Au contraire, sa maladie s'aggrave sous le traitement de médecins ignorants qui donnent libre cours à leurs désirs personnels et se trompent cruellement. Même si un membre de ce corps était guéri grâce aux soins d'un médecin compétent, le reste n'en demeurait pas moins affecté comme auparavant. Ainsi vous informe l'Omniscient, le Très-Sage. Nous le voyons aujourd'hui à la merci de dirigeants si enivrés d'orgueil qu'ils ne peuvent discerner clairement où réside leur avantage, encore moins reconnaître une révélation si déroutante et pleine de défis.

[105]
Ailleurs, nous avons dit: Ce que Dieu a ordonné comme le souverain remède et l'instrument le plus puissant pour la guérison du monde est l'union de tous ses peuples en une cause universelle, une foi commune. Ceci ne peut être réalisé que par le pouvoir d'un médecin compétent, tout-puissant et inspiré. Par ma vie ! Telle est la vérité, et tout le reste n'est qu'erreur. Chaque fois que vint cet instrument tout puissant, que brilla la lumière de la Source antique, des médecins ignorants lui firent obstacle en s'interposant, tels des nuages, entre le monde et lui. Aussi le monde ne s'est-il pas rétabli et sa maladie a-t-elle persisté jusqu'à ce jour. En vérité, ces médecins ignorants ont été incapables de le protéger ou de prescrire un traitement, et leurs actes ont empêché celui qui est la manifestation du Pouvoir parmi les hommes d'atteindre son but.

[106]
Considère les jours où la Beauté antique est apparue dans le plus grand Nom pour revivifier le monde et unir ses peuples. Pourtant, ils brandirent contre lui leurs épées tranchantes et leurs actes suscitèrent les lamentations de l'Esprit fidèle. Ils finirent par l'emprisonner dans la plus désolée des cités et brisèrent l'étreinte des fidèles accrochés aux pans de son vêtement. Si quelqu'un leur disait: "Le réformateur du monde est venu ", ils répondaient: "Il est prouvé qu'il n'est qu'un séditieux ", alors qu'ils ne l'ont jamais fréquenté et ont admis qu'il n'a jamais cherché à se protéger un seul instant. Il fut continuellement à la merci des méchants. Ils le jetèrent d'abord en prison, puis le bannirent avant de l'exiler d'un pays à l'autre. Ainsi nous ont-ils condamné. Dieu, en vérité, sait ce que je dis.

[107]
Cette accusation de sédition fut jadis portée par les pharaons d'Égypte contre l'Interlocuteur de Dieu (76). Lis ce que le Très-Miséricordieux a révélé dans le Coran. Béni et glorifié soit-il, lui qui dit: Nous avons envoyé Moïse avec nos signes et un pouvoir incontestable à Pharaon, à Haman (77) et à Qarun. Ils dirent: "C'est un sorcier, imposteur." Pharaon dit: "Laissez-moi tuer Moïse ! Qu'il invoque donc son Seigneur ! Je crains qu'il n'altère votre religion et qu'il ne sème la corruption sur la terre." Moïse dit: "Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement (78)".

[108]
De tout temps, les hommes ont jugé séditieux chaque réformateur universel et l'ont traité en termes que nous connaissons tous. Chaque fois que le Soleil de la révélation divine répandit son éclat depuis l'horizon de la volonté de Dieu, des hommes en grand nombre le renièrent, d'autres se détournèrent de lui, d'autres encore le calomnièrent. Ils ont ainsi privé les serviteurs de Dieu de la tendre providence du Roi de la création. De même, ceux qui, en ce jour, n'ont point rencontré cet opprimé et ne l'ont pas fréquenté, ne cessent de dire et de répéter ce que tu as entendu et que tu entends encore. Dis: "Ô peuple ! En ce jour, le Soleil de la parole darde ses rayons à l'horizon de la générosité, et l'éclat de la révélation de celui qui parla au Sinaï scintille face à toutes les religions. Purifiez et sanctifiez vos âmes, vos coeurs, vos oreilles et vos yeux par les eaux vives de la parole du Très-Miséricordieux, puis tournez-vous vers lui. Par la justice de Dieu ! Vous entendrez toutes choses proclamer: En vérité, Lui, le Véritable, est venu. Bénis ceux qui jugent avec équité, bénis ceux qui se tournent vers lui !"

[109]
Parmi les choses qu'ils attribuèrent à l'Arbre divin (79) se trouvent de fausses accusations que dénoncent tout savant informé et tout coeur sage et éclairé. Tu as sans doute étudié les versets envoyés ici-bas à propos de l'Interlocuteur de Dieu (80). Béni et glorifié soit-il, lui qui révèle: Pharaon dit: "Ne t'avons-nous pas élevé chez nous, tout enfant ? N'as-tu pas passé avec nous plusieurs années de ta vie ? Puis tu as commis l'acte que tu as commis et tu es un ingrat." Moïse dit: "Je l'ai commis alors que j'étais au nombre des égarés. Je me suis enfui, parce que j'avais peur de vous. Mon Seigneur m'a accordé la sagesse et m'a placé au nombre des prophètes (81)".
Béni et glorifié soit-il ! Lui qui dit par ailleurs: Moïse entra dans la ville à l'insu de ses habitants. Il y trouva deux hommes qui se battaient: un de ses partisans et un de ses adversaires. Celui qui était de son parti demanda son aide contre celui qui était au nombre de ses ennemis. Moïse lui donna un coup de poing et le tua. Il dit: "Voici une oeuvre du Démon: c'est un ennemi qui égare les hommes".
Il dit: "Ô mon Seigneur ! Je me suis fait du tort à moi-même, pardonne-moi." Dieu lui pardonna, il est, en vérité, celui qui pardonne, il est le Miséricordieux. Moïse dit: "Mon Seigneur Grâce aux bienfaits dont tu m'as comblé, je ne serai jamais l'allié des criminels." Il se trouvait dans la ville, le lendemain matin, inquiet et regardant de tous côtés, lorsque celui qui, la veille, lui avait demandé secours l'appela à grands cris. Moïse lui dit: "Tu es manifestement égaré !"
Mais lorsqu'il voulut porter un coup à leur ennemi commun, celui-ci dit: "Ô Moïse ! Veux-tu me tuer comme l'homme que tu as tué hier ? Tu veux n'être qu'un tyran dans la terre, tu ne veux pas être au nombre des réformateurs (82)." Maintenant, il te faut une intelligence et une vue saintes et pures pour t'attacher à la justice et à l'équité. D'autant que Moïse lui-même reconnut son injustice ainsi que son égarement et confessa que la peur s'était emparée de lui, l'incitant à la transgression et à la fuite. Il demanda à Dieu - que sa gloire soit exaltée - de lui pardonner, et il fut pardonné.

[110]
Ô Shaykh !Chaque fois que Dieu, le Véritable - exaltée soit sa gloire - s'est révélé en la personne de sa Manifestation, il est venu parmi les hommes avec l'étendard de: "Il fait ce qu'il veut et ordonne ce qui lui plaît." Nul n'a le droit d'en demander les raisons sauf à se détourner de Dieu, le Seigneur des seigneurs. Au Jour de chaque manifestation, cela se reproduit de manière évidente.
De même, ils ont répandu à propos de cet opprimé des calomnies dont les proches de Dieu et ceux qui lui sont dévoués ont dénoncé et dénoncent toujours la fausseté. Par la justice de Dieu ! Son manteau demeure immaculé en dépit des nombreux détracteurs qui tentent encore de le salir par leurs calomnies inconvenantes.
Dieu sait, eux ne savent pas. Par la puissance et le pouvoir de Dieu, il s'est levé devant les peuples de la terre, appelant les multitudes vers l'Horizon suprême. Ils l'ont rejeté et préférèrent s'attacher à des hommes à jamais cachés derrière des voiles et préoccupés de leur propre protection. Nombreux sont encore ceux qui cherchent à propager mensonges et calomnies, et qui n'ont d'autre but que d'instiller la méfiance dans le coeur et l'âme des hommes.
Dès que quelqu'un quitte la grande cité (83) pour visiter ce pays, ils télégraphient aussitôt qu'il a volé de l'argent et fui vers Acre. Vers la fin de sa vie, un savant distingué et cultivé (84) visita la Terre sainte, cherchant paix et retraite ; ce qu'ils écrivirent à son sujet fit gémir les proches de Dieu et ceux qui lui sont dévoués.

[111]
Feu son Excellence Mirza Husayn Khan, Mushiru'd-Dawlih (85) - que Dieu lui pardonne - a connu cet opprimé. Il a sans aucun doute fourni aux autorités un rapport circonstancié sur l'arrivée de cet opprimé à la sublime Porte (86), ainsi que sur ses paroles et ses actes. Le jour de notre arrivée, le représentant du gouvernement chargé de recevoir les visiteurs officiels nous accueillit et nous escorta vers le lieu désigné.
En vérité, le gouvernement fit preuve de la courtoisie et de la considération les plus grandes à l'égard de ces opprimés. Le lendemain, le Prince Shuja'u'd-Dawlih (87), accompagné de Mirza Safa (88), tous deux représentant feu l'ambassadeur Mushiru'd-Dawlih, le Ministre accrédité à la cour impériale, vinrent nous rendre visite. Il en fut de même pour plusieurs ministres du gouvernement impérial, dont feu Kamal Pasha. Entièrement confiant en Dieu et sans jamais exprimer le moindre besoin ni la moindre difficulté, cet opprimé séjourna pendant quatre mois dans cette cité (89). Tous ont pu voir clairement ses actes ; nul ne saurait les nier, sauf ceux qui le haïssent et ne disent pas la vérité. Celui qui a reconnu Dieu ne reconnaît nul autre que Lui. Nous n'aimons pas faire mention de ces choses.

[112]
Chaque fois que de hauts dignitaires persans arrivaient dans cette cité, ils frappaient à toutes les portes et se donnaient le plus grand mal pour solliciter des allocations et des dons. Si cet opprimé n'a rien fait pour contribuer à la gloire de la Perse, au moins n'a-t-il rien fait pour la déshonorer. Feue Son Excellence - que Dieu exalte sa condition - n'a nullement agi par amitié pour cet opprimé, mais plutôt par sagacité et désir secret de servir son gouvernement (90). J'atteste que la malhonnêteté, qu'il méprisait souverainement, ne joua aucun rôle dans ses activités, tellement il était fidèle à son gouvernement.
C'est pourtant lui qui fut responsable de la réclusion de ces opprimés dans la plus grande Prison (91). Toutefois, il mérite nos éloges car il fit preuve de fidélité dans l'accomplissement de sa tâche. Cet opprimé s'est efforcé de servir et de promouvoir en tous temps les intérêts du gouvernement et du peuple, et non d'exalter sa propre condition. Aujourd'hui, des personnes ont constitué un groupe pour diffamer cet opprimé. Lui, néanmoins, supplie Dieu - béni et glorifié soit-il - de les aider à retourner à lui, à racheter leur manque de discernement, et à se repentir au seuil de sa générosité. En vérité, il est le Clément, le Miséricordieux.

[113]
Ô Shaykh ! En vérité, ma plume se lamente sur mon sort et mon épître pleure amèrement sur ce qui m'est advenu par la faute de celui (92) que nous avons protégé pendant des années et qui, jour et nuit, a servi à mes côtés, jusqu'à ce qu'il soit induit en erreur par l'un de mes serviteurs appelé Siyyid Muhammad (93). En témoignent les pieux serviteurs qui m'ont accompagné en exil de Bagdad jusqu'à cette plus grande Prison. Là, tous deux m'infligèrent ce pour quoi se lamente le savant, gémit le connaisseur et pleure le juste.

[114]
Nous prions Dieu d'aider les égarés à être justes et équitables, et de les rendre conscients de leur négligence. En vérité, il est le Très-Généreux, le Munificent. Ô mon Seigneur ! Ne refuse pas à tes serviteurs la porte de ta grâce et ne les chasse point de la cour de ta présence. Aide-les à dissiper les brumes des vaines imaginations et à déchirer les voiles des chimères et des faux espoirs. Tu es, en vérité, Celui qui possède tout, le Très-Haut. Il n'est pas d'autre Dieu que Toi, le Tout-Puissant, le Miséricordieux !

[115]
Je le jure par le Soleil du divin témoignage qui est apparu à l'horizon de la certitude ! Nuit et jour, cet opprimé s'est attaché à édifier les âmes des hommes, jusqu'à ce que la lumière de la connaissance prévale sur les ténèbres de l'ignorance.

[116]
Ô Shaykh ! Comme je l'ai déclaré à maintes et maintes reprises, je réaffirme que, par la grâce et la volonté irrésistible de Dieu, nous avons accordé pendant près de quarante ans à Sa Majesté le Shah - que Dieu daigne l'assister - une aide que tout représentant de la justice et de l'équité considérerait comme incontestable et totale.
Nul ne peut le nier, à moins d'être un transgresseur et un pécheur, à moins de nous haïr ou de douter de notre vérité. Comme c'est étrange ! Jusqu'à présent, les ministres de l'État et les représentants du peuple n'ont pas compris la valeur d'un service aussi évident et aussi indéniable ; s'ils en ont eu connaissance, ils ont choisi, pour des raisons personnelles, de sciemment l'ignorer.
Il y a quarante ans régnaient en permanence controverses et conflits qui tourmentaient les serviteurs de Dieu. Mais depuis, aidés par les armées de la sagesse, de la parole, de l'exhortation et de la compréhension, ils se sont accrochés fermement à la corde de la patience et au pan resplendissant de la fortitude. Ainsi, ce peuple maltraité endura avec ténacité tout ce qui lui advint et s'en remit entièrement à Dieu.
Et pourtant, dans le Mazindaran (94) et à Rasht (95), un grand nombre d'entre eux furent affreusement tourmentés. Parmi ces derniers figurait Haji Nasir (96) qui était, sans conteste, une brillante lumière à l'horizon de la résignation. Après l'avoir martyrisé, on lui arracha les yeux, on lui coupa le nez, puis on lui infligea de telles indignités que des étrangers pleurèrent et se lamentèrent ; ces derniers collectèrent secrètement des fonds pour soutenir sa femme et ses enfants.

[117]
Ô Shaykh ! Ma plume est atterrée par le récit de ce qui s'est passé. Au pays de Sad (97), le feu de la tyrannie brûla d'une flamme si ardente que tous les justes gémirent. Par ta vie ! Les cités du savoir et de l'entendement versèrent de telles larmes que les âmes pieuses et craignant Dieu en furent consternées. Hasan et Husayn (98), ces deux brillantes lumières, offrirent spontanément leur vie dans cette ville. Ni la fortune, ni la richesse, ni la gloire ne purent les en dissuader ! Dieu sait ce qui leur advint et, pourtant, la plupart l'ignorent !

[118]
Avant eux, un nommé Kazim (99) et ses compagnons et, après eux, le très honoré Ashraf (100), burent tous à la coupe du martyre avec une ferveur et un désir extrêmes ; ils se hâtèrent vers le Compagnon suprême. De même, au temps de Sardar 'Aziz Khan (101), le pieux Mirza Mustafa (102) et ses compagnons de martyre furent arrêtés et envoyés vers l'Ami suprême, vers le très-glorieux Horizon. Bref, dans chaque cité, les preuves d'une tyrannie sans égale étaient indubitablement claires et manifestes ; pourtant, nul ne se leva pour se défendre ! Rappelle-toi du glorieux Badi (103), qui porta l'épître à Sa Majesté le Shah, et réfléchis à la manière dont il sacrifia sa vie. Ce chevalier qui éperonna son destrier dans l'arène de la renonciation, jeta à terre la précieuse couronne de la vie pour l'amour de l'incomparable Ami.

[119]
Ô Shaykh ! Si l'on nie de telles choses, que jugera-t-on digne de foi ? Fais éclater la vérité pour l'amour de Dieu, et ne sois pas de ceux qui se taisent. On arrêta l'honorable Najaf-'Ali (104) qui, avec ravissement et désir ardent, se hâta vers le champ du martyre en prononçant ces paroles: "Nous avons reçu tout à la fois Baha et le khun-baha (105) !" Sur ces mots, il rendit l'âme. Médite sur la splendeur et la gloire répandues par la lumière du détachement qui brille du coeur exalté de Mulla 'Ali-Jan (106). Il était si enthousiasmé par les brises de la Parole sublime et par le pouvoir de la Plume de gloire qu'à ses yeux, le champ du martyre égalait, que dis-je, surpassait les endroits enchanteurs de la terre. Réfléchis à la conduite de 'Aba-Basir (107) et de Siyyid Ashraf-i-Zanjani (108). On fit venir la mère d'Ashraf pour qu'elle le dissuade dans sa détermination, mais elle l'encouragea à persévérer et à subir le plus glorieux des martyres.

[120]
Ô Shaykh ! Ce peuple a franchi le détroit des noms et dressé ses tentes sur les rives de la mer du renoncement. Il sacrifierait volontiers des myriades de vies, plutôt que de prononcer le mot attendu par ses ennemis. Il s'est attaché à ce qui plaît à Dieu, entièrement détaché et libéré des choses terrestres. Ces croyants ont préféré avoir la tête tranchée plutôt que proférer une seule parole inconvenante. Médite cela en ton coeur. N'ont-ils pas étanché leur soif à l'océan du détachement ? La vie en ce monde ne les pas empêchés de subir le martyre sur le chemin de Dieu.

[121]
Dans le Mazindaran, on a exterminé un grand nombre de serviteurs de Dieu. Sous la pression des calomniateurs, le gouverneur (109) s'appropria une grande part de leurs biens. Il les accusa notamment d'avoir amassé des armes, alors que l'enquête démontra qu'ils n'avaient rien d'autre qu'un fusil non chargé ! Juste ciel ! Ce peuple n'a que faire d'armes de destruction, puisqu'il s'est mobilisé pour reconstruire le monde. Ses armées sont les nobles actions, ses armes, les bonnes moeurs et son étendard, la crainte de Dieu. Heureux celui qui juge avec équité. Par Dieu ! La patience, le calme, la résignation et le contentement de ces hommes étaient si grands qu'ils devinrent les manifestations de la justice. Telle fut leur résistance qu'ils acceptèrent d'être tués plutôt que de tuer.
Pourtant, ces opprimés de la terre ont enduré des tribulations telles que l'histoire du monde n'en a jamais connues et l'oeil des nations jamais vues. Comment ont-ils pu se résigner à ces cruelles épreuves et refuser de tendre la main pour s'en préserver ? Quelle est la cause de tant d'abnégation et de sérénité ? La vraie raison doit se chercher aussi bien dans l'interdit imposé jour et nuit par la Plume de gloire (110) que dans notre possession des rênes du pouvoir octroyées par la force et la puissance du Seigneur de toute l'humanité.

[122]
Souviens-toi du père de Badi' (111). On arrêta ce malheureux et on lui ordonna de maudire et d'insulter sa foi. Par la grâce de Dieu et la miséricorde de son Seigneur, il choisit et subit le martyre. Si tu voulais compter le nombre des martyrs sur le chemin de Dieu, tu ne le pourrais point. Considère l'honorable Siyyid Isma'il (112) - que la paix de Dieu et sa tendre bonté soient sur lu - ; Il avait coutume de balayer avant le lever du jour le seuil de ma demeure avec son propre turban. Finalement, alors qu'il se tenait sur la rive du fleuve, les yeux fixés sur cette maison, il sacrifia sa vie de sa propre main.

[123]
Médite sur l'influence irrésistible de la parole de Dieu. On ordonna à chacune de ces âmes de blasphémer et d'insulter sa foi ; pourtant aucune d'elles ne préféra sa volonté à la volonté de Dieu.

[124]
Ô Shaykh ! Dans le passé, celui qui avait été choisi pour être tué n'était qu'une seule personne (113), alors qu'aujourd'hui cet opprimé a suscité pour toi ce qui émerveille toute personne sensée. Juge avec impartialité, je t'en adjure, et lève-toi pour servir ton Seigneur ! En vérité, il te réservera une récompense que ne sauraient égaler ni les trésors de la terre, ni toutes les possessions des rois et des dirigeants. Pour toutes tes affaires, place ta confiance en Dieu et remets-les à sa garde !
Il t'accordera une récompense que le Livre veut grande. Au cours des jours éphémères de ta vie, accomplis des actions qui répandront le parfum du bon plaisir de Dieu et seront parées de l'ornement de son acceptation. Les actes de Balal, l'Ethiopien, furent tellement acceptables aux yeux de Dieu que le " sin " de sa langue bégayante surpassa le "shin" prononcé par le monde entier (114). Voici le jour où tous les peuples doivent répandre la lumière de l'unité et de la concorde. Bref, l'orgueil et la vanité de certaines gens ont fait beaucoup de tort à la vraie compréhension et dévasté la demeure de la justice et de l'équité.

[125]
Ô Shaykh ! Ce qu'a subi cet opprimé est sans pareil, sans égal. Nous avons tout supporté avec la meilleure volonté et la plus grande résignation, afin d'édifier les âmes des hommes et d'exalter la parole de Dieu. Enfermé dans la prison de la terre de Mim (115), nous fûmes un jour livré aux mains des dignitaires religieux. Tu peux imaginer ce qui nous advint. Si jamais tu devais visiter le cachot souterrain de Sa Majesté le Shah, demande au directeur, chef des geôliers, de te montrer les deux chaînes connues sous les noms de Qara-Guhar et Salasil. Je jure par le Soleil de la justice que, quatre mois durant, cet opprimé fut tourmenté et entravé par l'une ou l'autre." Mon tourment dépasse tous les maux dont se plaignit Jacob et toutes les afflictions de Job ne sont qu'une part de mes peines (116) !"

[126]
De même, médite sur le martyre de Haji Muhammad-Rida (117) dans la cité de l'amour (118). Les tyrans de la terre ont soumis ce malheureux à de telles épreuves qu'elles suscitèrent les pleurs et les lamentations de nombreux étrangers. Ainsi que rapporté et certifié, son corps béni présentait non moins de trente-deux blessures. Et pourtant, pas un seul des fidèles ne transgressa mon commandement ou ne leva la main en signe de résistance. Quoi qu'il advînt, ils mirent l'ordonnance du Livre au-dessus de leurs inclinations, bien qu'ils aient résidé - et résident encore - en très grand nombre dans cette ville.

[127]
Nous supplions Sa Majesté le Shah - que l'assiste Dieu, béni et glorifié soit-il - de réfléchir à tout cela et de juger avec équité et justice. Dans la plupart des villes de Perse, de nombreux fidèles ont accepté, ces dernières années, d'être tués plutôt que de tuer. Pourtant, la haine qui couvait en certains coeurs a éclaté plus violente que jamais. Que des victimes d'oppression intercèdent en faveur de leurs ennemis est, aux yeux des dirigeants, un acte princier. D'aucuns ont certainement appris que ces opprimés avaient intercédé auprès du gouverneur de cette ville (119) en faveur des assassins et avaient sollicité l'atténuation de leur sentence. Prenez donc exemple, vous qui êtes perspicaces !

[128]
Ô Shaykh ! Ces versets limpides furent révélés par la Plume d'Abha (120) dans l'un de ses écrits: Ô serviteur, écoute la voix de cet opprimé ! Il a enduré des vexations et des épreuves cruelles sur le chemin de Dieu, le Seigneur de tous les noms, et fut finalement jeté en prison dans le pays de Ta (121). Il appela les hommes au paradis sublime et, pourtant, ils se saisirent de lui et le traînèrent à travers villes et campagnes. Pour mes bien-aimés, combien de nuits sans sommeil à cause de leur amour à mon égard !
Pour moi, combien de jours face aux attaques des populations ! Par la justice de Dieu ! Que je sois au sommet de montagnes, que je sois dans les profondeurs de la prison de Ta, sous les chaînes et les carcans, je lui suis reconnaissant, chantant en toutes circonstances ses louanges, occupé à le célébrer, tourné vers lui, satisfait de son bon plaisir, humble et soumis devant lui.
Ainsi s'écoulèrent mes jours jusqu'à ce qu'ils finissent dans cette prison (122) qui fait trembler la terre et soupirer les cieux. Heureux qui a rejeté ses vaines imaginations lorsque celui qui était caché vint avec les étendards de ses signes ! En vérité, nous avons annoncé aux hommes cette très grande révélation et, cependant, ils sont dans un état d'étrange stupeur.

[129]
Sur ce, une voix s'éleva du Hijaz, appelant en ces termes: Grande est ta bénédiction, ô Acre, car Dieu a fait de toi la source de sa voix la plus douce et l'aurore de ses signes les plus puissants ! Heureuse es-tu, car le trône de justice s'est établi en tes murs et le Soleil de la tendre bonté et de la générosité de Dieu s'est levé à ton horizon ! Bienheureuse toute personne qui a jugé avec équité celui qui est le plus grand Souvenir, malheur à qui s'est égaré dans le doute !

[130]
Suite à la mort de quelques martyrs, l'épître de la Preuve (123) descendit du ciel de la révélation, envoyée par celui qui est le Seigneur des religions:

[131]
Il est le Tout-Puissant, l'Omniscient, le Très-Sage ! Les vents de la haine ont encerclé l'arche de Batha (124) à cause des actes des oppresseurs. Ô toi qui es réputé pour ton savoir ! Tu as rendu un jugement contre ceux sur qui ont pleuré les livres du monde, en faveur de qui ont témoigné les écritures de toutes les religions.
En vérité, toi, l'égaré, tu es enveloppé d'un voile épais. Par Dieu ! Tu as prononcé une sentence contre ceux qui ont illuminé l'horizon de la foi. En témoignent ceux qui sont les Sources de la révélation et les Manifestations de la cause de ton Seigneur, le Très-Miséricordieux, et qui ont sacrifié leur vie et tous leurs biens dans son droit chemin. Partout, la foi de Dieu a pleuré à cause de ta tyrannie, et toi, tu te divertis et tu es de ceux qui exultent. Il n'y a pas de haine dans mon coeur, ni pour toi, ni pour personne.
Tout homme intelligent te voit, toi et tes semblables, sombrer dans une grande déraison. Si tu réalisais ce que tu as fait, tu te jetterais dans le feu, ou tu abandonnerais ta demeure pour t'enfuir dans les montagnes, ou encore tu gémirais jusqu'à ton retour vers le lieu que t'a assigné le Seigneur de force et de puissance.
Ô toi qui n'es rien ! Déchire les voiles des vaines chimères et des futiles imaginations, afin de contempler le Soleil de la connaissance qui brille de cet horizon resplendissant. Tu as mis en pièces des rejetons (125) du Prophète lui-même et tu t'es imaginé que tu avais aidé la foi de Dieu. Telle fut l'incitation de ton âme, tu es vraiment parmi les insouciants. Ton acte a consumé les coeurs de l'assemblée céleste et de ceux qui gravitent autour de la cause de Dieu, le Seigneur des mondes. L'âme de la chaste Fatimih se lamente de ta cruauté et les habitants du paradis pleurent amèrement en ce lieu béni.

[132]
Par Dieu, je t'adjure d'être équitable. Quelle preuve produisirent les docteurs juifs pour condamner l'Esprit de Dieu (126) lorsqu'il vint à eux au nom de la vérité ? Quelle preuve produisirent les pharisiens et les prêtres idolâtres pour renier Muhammad, l'Apôtre de Dieu, lorsqu'il vint à eux avec un Livre qui séparait la vérité de l'erreur avec une pertinence qui éclaira les ténèbres de la terre et captiva les coeurs de ceux qui le connaissaient ? En fait, tu reproduis en ce jour les mêmes preuves que celles qui sont avancées par ces théologiens insensés.
En témoigne le Souverain du royaume de grâce en cette grande Prison. En vérité, tu as marché sur leurs traces - que dis-je ! - Tu les as surpassés en cruauté, pensant que tu aidais la foi et défendais la loi de Dieu, l'Omniscient, le Très-Sage. Par celui qui est le Vrai ! Ton iniquité fait gémir Gabriel et pleurer la loi de Dieu, par laquelle les brises de la justice soufflent sur tous ceux qui sont au ciel et sur terre. Te figurais-tu naïvement tirer profit du jugement que tu as prononcé ? Non, par le Roi de tous les noms ! Témoigne de ta perte celui qui a connaissance de toutes les choses mentionnées dans le Livre préservé.

[133]
Ô toi qui t'es égaré ! Tu ne m'as jamais vu, jamais fréquenté, tu n'as jamais été mon compagnon, ne fût-ce qu'un instant. Comment se fait-il que tu aies ordonné de me maudire ? As-tu suivi en cela tes propres désirs ou as-tu obéi à ton Seigneur ? Produis donc un signe, si tu es de ceux qui sont sincères. Nous attestons que tu as tourné le dos à la loi de Dieu et que tu as donné libre cours aux incitations de tes passions. En vérité, Dieu est l'Incomparable, l'Informé, et rien n'échappe à sa connaissance.
Ô insouciant ! Écoute ce que le Miséricordieux a révélé dans le Coran: "Ne dites pas à celui qui vous offre la paix: Tu n'es pas croyant (127)." Ainsi en a décrété celui qui tient dans sa main les royaumes de la révélation et de la création, si tu es de ceux qui écoutent. Tu as rejeté le commandement de Dieu pour suivre les incitations de ton propre désir. Malheur à toi, ô toi qui doutes ! Si tu me renies, par quelle preuve peux-tu soutenir la vérité que tu revendiques ? Produis-la donc, ô toi qui donnes des partenaires à Dieu et te détournes de sa souveraineté qui embrasse les mondes !

[134]
Sache qu'il est réellement savant, celui qui reconnaît ma révélation, boit à l'océan de ma connaissance, s'élève dans l'atmosphère de mon amour, rejette tout ce qui n'est pas moi et saisit fermement ce qui est envoyé du royaume de ma parole prodigieuse. Il est vraiment comme un oeil pour l'humanité, comme l'esprit de vie pour le corps de toute la création. Glorifié soit l'infiniment Miséricordieux qui l'a éclairé et l'a incité à servir sa cause grande et puissante.
L'assemblée céleste et ceux qui demeurent dans le tabernacle de grandeur le bénissent, eux qui, en mon nom, l'Omnipotent, le Tout-Puissant, vident les coupes de mon vin cacheté. Si tu es de ceux qui occupent un rang aussi sublime, produis donc un signe émanant de Dieu, le créateur des cieux. Et si tu reconnais ton impuissance, maîtrise tes passions et retourne vers ton Seigneur ; peut-être te pardonnera-t-il tes péchés par lesquels les feuilles de l'Arbre divin se sont consumées, le Rocher (128) s'est lamenté et les yeux des hommes intelligents ont pleuré.
À cause de toi, le voile de la divinité s'est déchiré, l'arche s'est écroulée, la chamelle eut les jarrets coupés (129) et l'Esprit (130) gémit dans sa sublime retraite. Contestes-tu celui qui est venu vers toi avec les preuves et les témoignages divins que toi et ceux qui vivent sur terre possédez ? Ouvre les yeux afin de contempler cet opprimé qui brille au-dessus de l'horizon de la volonté de Dieu, le Souverain, le Vrai, le Resplendissant.
Puis ouvre l'oreille de ton coeur et écoute le discours de l'Arbre divin qu'a fait croître Dieu, le Tout-Puissant, le Bienfaisant. Malgré ce qui lui est advenu à cause de tes transgressions et de celles de tes semblables, cet Arbre claironne et appelle tous les hommes au Sadratu'l-Muntaha (131) et à l'Horizon suprême. Heureuse l'âme qui contemple le Signe le plus puissant et l'oreille qui écoute sa voix la plus douce. Malheur à celui qui s'en détourne et s'égare.

[135]
Ô toi qui t'es éloigné de Dieu ! Si tu daignais regarder l'Arbre divin avec l'oeil de l'équité, tu reconnaîtrais les stigmates de ton épée sur ses rameaux, ses branches et ses feuilles. Et pourtant, Dieu t'a créé pour le reconnaître et le servir. Réfléchis afin d'admettre ton iniquité et d'être compté parmi les repentis. Penses-tu que nous craignions ta cruauté ? Sache avec certitude que, depuis le premier jour où la voix de la Plume suprême s'est élevée entre la terre et le ciel, nous avons offert notre âme, notre corps, nos fils et nos possessions sur le chemin de Dieu, le Suprême, le Grand.
Nous nous en glorifions parmi toutes choses créées et parmi l'assemblée céleste. En témoigne ce qui nous advint sur cet étroit sentier. Par Dieu ! Nos coeurs furent consumés, nos corps crucifiés et notre sang versé, pendant que nos yeux fixaient l'horizon de la tendre bonté de leur Seigneur, celui qui témoigne et voit tout. Plus cruels étaient leurs maux, plus grand était l'amour du peuple de Baha. De leur sincérité porte témoignage ce que l'infiniment Miséricordieux a révélé dans le Coran.
Il dit: "Souhaitez donc la mort si vous êtes sincères (132) ." Qui préférer ? Celui qui s'abrite derrière des voiles ou celui qui s'offre dans le chemin de Dieu ? Juge avec équité, ne sois pas de ceux qui errent, égarés, dans le désert du mensonge. Les eaux vives de l'amour du Très-Miséricordieux les enivrèrent au point que ni les armes du monde ni les épées des nations ne les dissuadèrent de tourner leur visage vers l'océan de la munificence de leur Seigneur, le Dispensateur, le Généreux.

[136]
Par Dieu ! Les difficultés n'ont pu me faire perdre courage et le reniement des religieux n'a pu m'affaiblir. J'ai parlé et parle toujours devant tous: "La porte de la grâce est ouverte et celui qui est l'Aurore de justice est apparu avec des signes clairs et des preuves évidentes envoyés par Dieu, le Seigneur de force et de puissance." Présente-toi devant moi afin d'entendre les mystères qu'entendit le fils de 'Imran (133) sur le Sinaï de la sagesse. Ainsi te commande, de sa grande Prison, l'Orient de la révélation de ton Seigneur, le Dieu de miséricorde.

[137]
Après quoi, les cris et les lamentations de la vraie foi s'élevèrent de nouveau en ces termes: En vérité, le Sinaï s'écrie: Ô peuple du Bayan ! Craignez le Miséricordieux ! Je suis parvenu auprès de celui qui m'a interpellé. L'extase de ma joie a saisi les pierres et la poussière de la terre. Et le Buisson ardent de s'exclamer: Ô peuple du Bayan ! Jugez avec impartialité ce qui a été vraiment proclamé. En vérité, il est à présent manifesté le Feu que Dieu révéla à celui qui conversait avec lui (134). De ceci porte témoignage tout homme intelligent et clairvoyant.

[138]
Nous avons mentionné quelques martyrs de cette révélation et, de même, nous avons cité quelques versets descendus à leur sujet du royaume de notre parole. Nous voudrions espérer que, libéré de tout attachement au monde, tu réfléchisses à ce que nous avons mentionné.

[139]
Il t'incombe à présent de considérer le cas de Mirza Hadi Dawlat-Abadi (135) et de Sad-i-Isfahani (136), qui résident au pays de Ta (137). Apprenant qu'on l'avait traité de babi, le premier en fut si perturbé qu'il perdit toute assurance et dignité. Il monta en chaire et proféra des paroles indignes. De tout temps, la fange du monde, par son seul amour du pouvoir, a perpétré des actes qui ont égaré les hommes. Mais ne t'imagine pas que tous les fidèles ressemblent à ces deux-là.
Nous t'avons décrit la constance, la fermeté, l'opiniâtreté, la certitude, le sang-froid et la dignité des martyrs de cette révélation afin que tu sois bien informé. En citant les passages des épîtres aux rois et à d'autres personnes, je voulais que tu aies cette certitude: cet opprimé n'a pas dissimulé la cause de Dieu ; ce qu'il avait été chargé d'exposer, il l'a proclamé et transmis à la face du monde dans le plus éloquent des langages.
Toutefois, des êtres timorés, tels que Hadi et consorts, ont falsifié la cause de Dieu ; préoccupés de cette vie éphémère, ils ont dit et fait ce qui fit pleurer l'0eil de la justice et gémir la Plume de gloire ; tout cela en dépit de leur ignorance des principes de cette cause, alors que cet opprimé l'a révélée pour l'amour de Dieu.

[140]
Ô Hadi ! Tu as rendu visite à mon frère. À présent, tourne-toi vers la cour de cet opprimé, afin que les brises de la révélation et les souffles de l'inspiration t'assistent et te permettent d'atteindre ton but. Quiconque, en ce jour, contemple mes signes, distinguera la vérité de l'erreur comme le soleil de l'ombre, et en connaîtra le but. Dieu m'est témoin ! Il sait que tout fut mentionné uniquement par amour pour lui, afin que tu guides les hommes et délivres les peuples du monde des vaines chimères et des futiles imaginations. Dieu de miséricorde ! Jusqu'à maintenant, les dissidents qui m'ont renié n'ont pu reconnaître l'Auteur du message envoyé au Héraut, le Point premier ! La connaissance en appartient à Dieu, le Seigneur des mondes.

[141]
Ô Shaykh, fais des efforts et lève-toi pour servir cette cause. En ce jour, le vin cacheté (138) est descellé aux yeux des hommes. Saisis-le au nom de ton Seigneur, et bois-en à satiété en souvenir du Puissant, de l'Incomparable. Jour et nuit, cet opprimé s'est attaché à unir les coeurs des hommes et édifier leurs âmes. Les événements qui se déroulèrent en Perse dans les premiers temps ont vraiment attristé les êtres nobles et sincères.
Chaque année connaissait un nouveau massacre, un pillage ou un bain de sang. Un jour, à Zanjan (139), les événements suscitèrent la plus grande consternation, une autre fois, ce fut à Nayriz (140), puis encore à Tabarsi (141); finalement, il y eut l'épisode de la terre de Ta (142). Depuis lors, cet opprimé, aidé du seul vrai Dieu - exaltée soit sa gloire - fait connaître à ce peuple maltraité ce qui lui convient. Tous se sont détachés de leurs possessions et de celles des autres ; ils ont fixé leur regard sur ce qui est à Dieu et s'y sont attachés.

[142]
À présent, il incombe à Sa Majesté le Shah (143) - que Dieu, l'Exalté, le protège - de se comporter envers ce peuple avec bonté et miséricorde. Devant la divine Kaaba, cet opprimé jure que ce peuple, outre la vérité et la loyauté, ne manifeste rien qui contredise, de quelque manière, les vues édifiantes de Sa Majesté. Chaque nation doit respecter le rang de son souverain ; elle doit lui être soumise, exécuter ses ordres et soutenir fermement son autorité.
Les souverains de la terre ont toujours été les manifestations du pouvoir, de la grandeur et de la majesté de Dieu. Cet opprimé ne s'est jamais comporté avec hypocrisie envers quelqu'un. Tout le monde le sait et en témoigne. Le respect du rang des souverains est un commandement divin, comme l'attestent clairement les paroles des prophètes de Dieu et de ses élus. Comme l'on demandait à l'Esprit (144) - que la paix soit sur lui - : Ô Esprit de Dieu ! Est-il licite de rendre hommage à César ? Il répondit Oui, rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu (145). Et il ne l'interdit point. Selon le jugement d'hommes clairvoyants, ces deux paroles n'en font qu'une, car il aurait interdit ce qui appartenait à César si cela ne venait pas de Dieu.
Et de même, dans le verset sacré: Obéissez à Dieu ! Obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité (146). Par " ceux qui détiennent l'autorité ", nous entendons en premier lieu et plus spécialement les Imams - que les bénédictions divines reposent sur eux ! En vérité, ils sont les manifestations du pouvoir de Dieu, les sources de son autorité, les dépositaires de son savoir et les aurores de ses commandements. En second lieu, ces paroles se réfèrent aux rois et aux dirigeants, tout au moins ceux qui illuminent et font briller les horizons du monde par la lumière de leur justice. Nous voudrions espérer que Sa Majesté le Shah brille de cette lumière de justice qui enveloppe de son éclat toutes les familles de la terre. Il incombe à chacun de supplier de sa part le seul vrai Dieu afin qu'il lui accorde ce qui sied en ce jour.

[143]
Ô Dieu, mon Dieu, mon maître, mon soutien, mon désir et mon bien-aimé ! Par les mystères cachés en ta connaissance, par les signes répandant le parfum de ta tendre bonté, par les flots de l'océan de ta munificence, par le ciel de ta grâce et de ta générosité, par le sang versé en ton sentier et par les coeurs consumés dans leur amour pour toi, je te demande d'aider Sa Majesté le Shah de ton pouvoir et de ta souveraineté, afin qu'il manifeste ce qui demeurera éternellement inscrit dans tes livres, tes écritures et tes épîtres. Ô mon Seigneur ! Tiens sa main dans la main de ta toute-puissance, éclaire-le de la lumière de ta connaissance et revêt-le de la parure de tes vertus. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît et en tes mains sont les rênes de toutes choses créées. Il n'est pas d'autre Dieu que Toi, le Magnanime, le Très-Généreux.

[144]
Dans l'épître aux Romains (147), Saint Paul a écrit: Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n'y a d'autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s'oppose à l'autorité se rebelle contre l'ordre voulu par Dieu. Et plus loin, Saint Paul a écrit: En punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur (148). Il dit que l'apparence des rois, leur majesté et leur pouvoir viennent de Dieu.

[145]
En outre, les traditions anciennes rapportent des références que les théologiens ont vues et entendues. Ô Shaykh, nous supplions Dieu, le Seigneur des mondes - béni et glorifié soit-il - de t'aider à saisir fermement ce qui est descendu du ciel de sa générosité Les théologiens doivent s'associer à Sa Majesté le Shah et s'attacher à ce qui garantira la protection, la sécurité, le bien-être et la prospérité des hommes. Un roi juste, plus que quiconque, est proche de Dieu. En témoigne celui qui parle dans sa plus grande Prison. Par Dieu ! Il n'est pas d'autre Dieu que Lui, l'Unique, l'Incomparable, le Tout-Puissant, l'Omniscient, le Très-Sage.

[146]
Pour l'amour de Dieu, médite, ne fût-ce qu'une heure, sur les événements d'hier et d'aujourd'hui. Tu te détournerais alors de ce qui est à toi pour t'attacher à ce qui est à Dieu, et tu contribuerais à exalter sa parole. Depuis la création du monde jusqu'à ce jour, les tribus de la terre n'ont-elles jamais accepté une lumière ou une révélation née de l'aurore de la volonté divine et reconnu sa cause ? Où peut-on la trouver, et quel est son nom ? Le Sceau des Prophètes (149) - que lui soit sacrifié tout ce qui n'est pas lui -, avant lui l'Esprit de Dieu (150) et en remontant dans le temps jusqu'à la première Manifestation, tous ont cruellement souffert lors de leur apparition.
Certains furent tenus pour possédés, d'autres déclarés imposteurs et traités d'une manière que la plume répugne à décrire. Par Dieu ! Toute la création soupire devant ce qui leur advint et pourtant la plupart des gens sont plongés dans une ignorance évidente ! Nous prions Dieu de les aider à retourner à lui et à se repentir au seuil de sa miséricorde. Il a pouvoir sur toutes choses.

[147]
En ce moment, la voix perçante de la Plume suprême s'élève et s'adresse à moi en ces termes: "Exhorte le Shaykh comme tu as exhorté l'une de tes branches (151) afin que les brises de ta parole l'attirent et le rapprochent de Dieu, le Seigneur des mondes".

[148]
Sois généreux dans la prospérité et reconnaissant dans l'adversité. Sois digne de la confiance de ton voisin et regarde-le avec un visage radieux et amical. Sois un trésor pour le pauvre, un avertissement pour le riche, un écho au cri du nécessiteux, et préserve la sainteté de ton engagement. Sois impartial dans tes jugements et réservé dans tes paroles. Ne sois injuste envers personne et sois humble devant tous les hommes. Sois une lampe pour ceux qui marchent dans les ténèbres, une joie pour ceux qui souffrent, une mer pour les assoiffés, un havre pour ceux qui sont dans la détresse, un soutien et un défenseur pour la victime de l'oppression. Que l'intégrité et la droiture caractérisent tous tes actes. Sois un foyer pour l'étranger, un baume pour celui qui souffre, une tour de puissance pour le fugitif.
Sois les yeux de l'aveugle, un phare pour guider les égarés. Sois un ornement pour le visage de la vérité, une couronne au front de la fidélité, un pilier au temple de la rectitude, un souffle de vie au corps de l'humanité, un emblème pour les armées de la justice, un luminaire à l'horizon de la vertu, une goutte de rosée sur le sol du coeur humain, une arche sur l'océan de la connaissance, un soleil au ciel de la générosité, une pierre sur le diadème de la sagesse, une brillante lumière au firmament de ta génération, un fruit sur l'arbre de l'humilité. Nous prions Dieu de te protéger du feu de la jalousie et de la froidure de la haine.
En vérité, il est proche, prêt à répondre. Ainsi ma langue s'adressa-t-elle à l'une de mes branches (152); nous l'avons mentionné à nos bien-aimés qui ont rejeté leurs vaines imaginations et se sont accrochés à ce qui leur fut prescrit le jour où s'est levé le Soleil de la certitude à l'horizon de la volonté de Dieu, le Seigneur des mondes. C'est en ce jour que l'oiseau de la parole a chanté sa mélodie sur les branches, au nom de son Seigneur, le Dieu de miséricorde. Heureux qui, sur les ailes du désir, s'élève vers Dieu, le Seigneur du jour du Jugement !

[149]
Le seul vrai Dieu sait sans conteste que cet opprimé fut en tous temps confronté à d'extrêmes périls, ainsi que le confirme la compagnie de ses fidèles. Sans les tribulations qui m'ont frappé sur le chemin de Dieu, la vie n'aurait eu pour moi nulle douceur et mon existence ne m'aurait été d'aucun profit. Pour ceux qui sont doués de discernement et dont le regard est fixé sur la Vision sublime, ce n'est point un secret que j'ai vécu la plus grande partie de ma vie comme un esclave, assis sous une épée suspendue à un fil, ignorant si elle tomberait tôt ou tard. En dépit de tout cela, nous rendons grâce à Dieu, le Seigneur des mondes.
Ma langue intérieure récite cette prière jour et nuit: Gloire à toi, ô mon Dieu ! Sans les tribulations endurées dans ton chemin, comment pourrait-on reconnaître tes vrais amants. Et sans les épreuves subies par amour pour toi, comment le rang de ceux qui te désirent pourrait-il être révélé ? Ta puissance m'en est témoin ! Ceux qui t'adorent ont pour compagnon les pleurs qu'ils versent, ceux qui te cherchent ont pour consolateurs les gémissements qu'ils poussent et ceux qui courent à ta rencontre ont pour nourriture les fragments de leur coeur brisé. Combien douce est à mon palais l'amertume de la mort rencontrée sur ton sentier et combien précieux sont à mes yeux les traits que tes ennemis envoient lorsqu'ils sont reçus pour que ta parole soit exaltée !
Ô mon Dieu et mon Maître ! Laisse-moi savourer chaque gorgée de ce que tu désires pour moi dans ta cause, et envoie-moi tout ce que tu as décrété dans ton amour. Par ta gloire ! Je ne souhaite que ce que tu souhaites, et ne chéris que ce que tu chéris. De tout temps, j'ai placé en toi toute ma foi et ma confiance. Tu es, en vérité, Celui qui possède tout, le Très-Haut.
Ô mon Dieu, je te supplie d'élever au rang de défenseurs de cette révélation ceux qui sont dignes de ton nom et de ta souveraineté, afin qu'ils évoquent mon souvenir parmi tes créatures et hissent les étendards de ta victoire sur ton royaume. Pare-les également de tes vertus et de tes commandements. Tu fais ce qui te plaît. Il n'est pas d'autre Dieu que toi, le Secours, l'Absolu.

Chapitre précédent Chapitre précédent Chapitre suivant Chapitre suivant