DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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Introduction Le 23 mai de la présente année (1944) marquée d'un heureux
présage, le monde baha'i célébrera le centième
anniversaire de la fondation de la foi de Baha'u'llah. Il fêtera
à la fois le centième anniversaire du commencement de la dispensation
du Bab, de l'inauguration de l'ère baha'i, du début
du cycle baha'i, et de la naissance d'Abdu'l-Baha. Devant l'importance
des potentialités dont cette foi sans égale dans l'histoire
spirituelle du monde, qui marque l'apogée d'un cycle prophétique
universel, a été dotée, notre imagination chancelle.
L'éclat de la gloire millénaire qu'elle doit répandre
lorsque les temps seront accomplis nous éblouit. L'ampleur de l'ombre
protectrice que son auteur continuera à projeter sur les prophètes
appelés à se lever après lui dépasse nos prévisions. Déjà, en l'espace de moins d'un siècle, par l'effet
des processus mystérieux issus de son esprit créateur, une commotion
dont nul ne saurait estimer la portée a ébranlé la société
humaine. Subissant elle-même, à ses débuts, une période
d'incubation, cette foi, par l'apparition progressive de son organisation
qui cristallisait lentement, a produit une fermentation dans la vie humaine
en général, qui était destinée à ébranler
les fondations mêmes d'une société désorganisée,
à purifier son sang, à reconstruire ses institutions en leur
donnant une orientation nouvelle, et à façonner sa destinée
finale. Comment un observateur à l'esprit libre de préjugés,
au courant des signes et présages annonçant la naissance et
accompagnant l'essor de la foi de Baha'u'llah, pourrait-il expliquer
ce terrible soulèvement planétaire et son cortège de
destruction, de misère et de crainte, sinon par l'apparition de son
ordre mondial embryonnaire qui, ainsi qu'il l'a lui-même proclamé
sans équivoque, "a détruit l'équilibre du monde et bouleversé
l'ordre établi dans la vie humaine". A quelle cause, sinon à
l'irrésistible diffusion de cet esprit qui a ébranlé,
revitalisé et racheté le monde et qui, comme l'a affirmé
le Bab, " vibre au plus profond des réalités de toutes
choses créées ", peut-on attribuer l'origine de cette crise
funeste, incompréhensible pour l'homme, et reconnue sans précédent
dans les annales de la race humaine? Dans les convulsions de la société
contemporaine, dans le bouillonnement mondial frénétique des
pensées de l'homme, dans les antagonismes féroces enflammant
les races, les croyances et les classes, dans l'écroulement des nations,
la chute des rois, le démembrement des empires, l'extinction des dynasties,
l'effondrement des hiérarchies ecclésiastiques, la dégradation
des institutions vénérables, la dissolution des liens tant séculaires
que religieux qui, pendant si longtemps, avaient unis les membres de la race
humaine - bouleversements qui se sont tous manifestés avec une force
toujours croissante depuis l'ouverture de la Première Guerre mondiale
qui a immédiatement précédé les premières
années de l'âge de formation de la foi de Baha'u'llah
-, dans tous ces événements, nous pouvons facilement reconnaître
les signes évidents du travail d'un âge qui a soutenu le choc
de sa révélation, qui a ignoré ses appels et qui s'efforce
à présent de se délivrer de son fardeau, conséquence
directe de l'impulsion qui lui a été communiquée par
l'influence créatrice, purifiante et transformante de son esprit. Mon but, à l'occasion d'un anniversaire doté d'une signification
aussi profonde, c'est de tenter, au cours des pages qui vont suivre, de faire
l'exposé des événements marquants du siècle qui
a vu cet esprit jaillir tout à coup sur le monde, ainsi que des phases
initiales de son incarnation, par la suite, en un système qui doit
évoluer vers un ordre destiné à embrasser l'humanité
entière, et qui soit capable d'accomplir la haute destinée qui
attend l'homme sur cette planète. je m'efforcerai de passer en revue,
dans leur perspective propre, et malgré le laps de temps relativement
faible qui nous en sépare, les événements qui, au cours
d'une centaine d'années uniques en gloire et en tribulations, se sont
déroulés sous nos yeux. je tâcherai de représenter
et de relier entre eux, quoique d'une manière rapide, ces événements
de premier plan qui ont, insensiblement, sans rémission et sous les
yeux mêmes d'une suite de générations perverses, indifférentes
ou hostiles, transformé un rejeton dissident et négligeable
en apparence de l'Ecole shaykhi* de la secte ithnà-'ashariyyih de l'islam
shi'ah* en une religion mondiale dont les innombrables fidèles sont
unis d'une manière organique et indissoluble, dont la lumière
a inondé la terre, de l'Irlande, au nord, à l'archipel de Magellan,
au sud, dont les ramifications se sont étendues à non moins
de soixante pays du monde,(Ce nombre est donné dans la 1ère
édition anglaise de ce livre, parue en 1944. Au moment où paraît
cette 2ème édition française, en 1976, il existe des
baha'is dans 75.000 localités de 335 pays, îles et territoires
divers du globe) dont la littérature a été traduite et
distribuée dans au moins quarante langues(571 langues et dialectes
en 1976), dont les dotations sur les cinq continents du globe, tant locales
que nationales ou internationales, se montent déjà à
plusieurs millions de dollars, dont les institutions élues et enregistrées
ont permis la reconnaissance officielle de la part d'un certain nombre de
gouvernements, à l'Est et à l'Ouest, dont les adhérents
sont recrutés parmi les diverses races et les principales religions
de l'humanité, dont on rencontre des représentants dans des
centaines de villes en Perse et aux Etats-Unis, dont les vérités
ont fait l'objet du témoignage Public et répété
de la royauté, dont le caractère d'indépendance a été
démontré et proclamé par ses ennemis appartenant à
la religion qui lui est apparentée et par les centres dirigeants des
mondes arabe et musulman, dont les revendications, enfin, ont été
virtuellement reconnues, lui permettant de figurer comme la quatrième
religion d'une terre où son centre spirituel mondial est établi,
terre qui est à la fois le coeur de la chrétienté, le
Saint des saints du peuple et, La Mecque exceptée, l'endroit le plus
sacré de l'islam. Je ne me propose pas - et la circonstance ne l'exige pas - d'écrire
une histoire détaillée des cent dernières années
de la foi baha'i, pas plus que je n'ai l'intention de remonter aux
origines d'un mouvement aussi extraordinaire, de décrire les conditions
dans lesquelles il est né, d'examiner le caractère de la religion
dont il est issu ni d'évaluer les effets du choc qu'il a produit sur
les destinées de l'humanité. je me contenterai plutôt
de passer en revue les traits saillants de sa naissance et de son développement
ainsi que les phases initiales de l'établissement de ses institutions
administratives, institutions qui doivent être considérées
comme le noyau et le précurseur de cet ordre mondial destiné
à incarner l'âme, appliquer les lois et accomplir les buts de
la foi de Dieu en ce jour. Je n'ai pas davantage l'intention de passer sous silence, en survolant le
panorama que ces cent années offrent à nos regards, la succession
rapide de revers apparents et de victoires évidentes entremêlés,
à travers lesquels la main d'une impénétrable Providence
s'est plu à modeler la forme de la foi dès ses premiers jours,
pas plus que de minimiser ces catastrophes qui se sont révélées
si souvent comme le prélude à de nouveaux triomphes, stimulant
à leur tour sa croissance, et qui ont consolidé ses réalisations
passées. Certes, l'histoire des cent premières années
de son évolution se ramène à une série de crises
internes et externes d'une gravité variable, dévastatrices dans
leurs effets immédiats mais libérant chacune, mystérieusement,
son équivalent en force divine et amenant alors une impulsion nouvelle
à son déploiement; ce nouveau déploiement, engendrant
à son tour une plus grande calamité, suivie d'une effusion plus
généreuse de grâce céleste, permet à ses
défenseurs d'accélérer davantage encore sa marche et
de gagner à son service des victoires plus irrésistibles encore. On peut dire que, dans ses traits principaux, le premier siècle de
l'ère baha'i comprend l'âge héroïque, l'âge
primitif et l'âge apostolique de la foi de Baha'u'llah
ainsi que les phases initiales:, l'âge de formation, l'âge de
transition et l'âge de fer qui sera témoin de la cristallisation
et de l'incorporation des énergies créatrices dégagées
par sa révélation. On peut considérer que, grosso modo,
les quatre-vingts premières années de ce siècle couvrent
toute la période du premier âge tandis que les deux dernières
décennies appartiennent au début du second âge. Le premier
âge commence avec la déclaration du Bab, comprend la mission
de Baha'u'llah et se termine à la mort d'Abdu'l-Baha.
Le second âge commence avec l'ouverture de son testament qui définit
le caractère de cet âge et en établit les fondations. Le siècle que nous examinons peut donc être divisé en
quatre périodes distinctes, d'inégale durée, chacune
ayant un sens particulier et une signification immense et, en fait, inappréciable.
Ces quatre périodes sont en étroite corrélation et constituent
les actes successifs d'un même drame indivisible, stupéfiant
et sublime, dont nulle intelligence ne peut sonder le mystère, dont
nul oeil ne peut apercevoir, même vaguement, le point culminant, et dont
aucun esprit ne peut prévoir convenablement la conclusion. Chacun de
ces actes se joue autour de son propre thème, se glorifie de ses propres
héros, enregistre ses propres tragédies, rappelle ses propres
triomphes et apporte sa propre contribution à l'exécution d'un
but commun et immuable. Isoler l'un d'entre eux par rapport aux autres, dissocier
les manifestations plus récentes d'une révélation complète
et universelle du but primitif qui l'anima dans ses premiers jours équivaudrait
à mutiler la structure sur laquelle elle repose, ainsi qu'à
trahir lamentablement sa vérité et son histoire. La première période (1844-1853) a pour centre la jeune, aimable
et irrésistible personnalité du Bab, d'une douceur sans
égale, d'une sérénité imperturbable, à
la parole magnétique, qui, par les épisodes dramatiques de son
bref et tragique ministère, demeure sans rivale. Cette période
commence avec la déclaration de sa mission, atteint son apogée
avec son martyre et finit en une véritable orgie de massacres religieux
d'une horreur révoltante. Elle est caractérisée par neuf
années de luttes violentes, sans merci, ayant pour théâtre
la Perse tout entière, au cours desquelles plus de dix mille héros
laissèrent leur vie, luttes auxquelles deux souverains de la dynastie
qàjar et leurs ministres perfides participèrent, et que soutinrent
toute la hiérarchie ecclésiastique shi'ah, les ressources militaires
de l'Etat et l'implacable hostilité des masses. La seconde période (1853-1892) est soumise à l'influence de
l'imposante figure de Baha'u'llah, d'une suréminente
sainteté, impressionnante de majesté dans sa force et son pouvoir,
inaccessible dans l'éclat transcendant de sa gloire. Elle s'ouvre avec
les premiers tressaillements suscités dans l'âme de Baha'u'llah
- alors en détention au SiYah-Chàl*, à Tihran
-, lorsque le Bab annonça la révélation future;
elle atteint son apogée avec la proclamation de cette révélation
aux rois et aux chefs ecclésiastiques de la terre et se termine avec
l'ascension de son auteur, à proximité de la citadelle d'Akka*.
Elle s'étend sur trente-neuf années de révélation
sans précédent, ininterrompue et d'une écrasante puissance.
Elle se distingue par la propagation de la foi dans les territoires voisins:
Turquie, Russie, 'Iraq, Syrie, Egypte et Inde, et elle est marquée
par une aggravation correspondante d'hostilité qui se manifeste par
les attaques conjointes du shah* de Perse et du sultan de Turquie,
reconnus comme les deux plus puissants potentats de l'Orient, autant que par
l'opposition des ordres sacerdotaux jumeaux de l'islam shi'ah et sunnite*. La troisième période (1892-1921) est axée sur la vibrante
personnalité d'Abdu'l-Baha, mystérieux en son essence,
unique par son rang, étonnamment puissant à la fois par le charme
et la fermeté de son caractère. Elle commence avec la proclamation
du covenant* de Baha'u'llah, document sans précédent
dans l'histoire de toutes les dispensations du passé; elle atteint
son point culminant avec l'affirmation catégorique - faite par le Centre
(Abdul'l-Baha, fils aîné de Baha'u'llah)
de ce covenant, dans la cité du covenant - du caractère unique
de ce document et de sa portée de grande envergure, et elle se termine
avec sa mort et l'ensevelissement de son corps sur le mont Carmel. Elle restera
dans l'histoire comme une période de près de trente années
dans laquelle les tragédies et les triomphes se sont entremêlés
au point d'éclipser, à un moment, l'orbe du covenant et, à
un autre moment, de déverser sa lumière sur le continent européen
et jusqu'à l'Australasie, l'Extrême Orient et le continent nord-américain. La quatrième période (1921 - 1944) est dominée par les
forces émanant du testament d'Abdu'l-Baha, cette charte du nouvel
ordre mondial de Baha'u'llah, fruit de l'union mystique entre
celui qui est la source de la loi de Dieu et l'esprit de celui qui est le
dépositaire et l'interprète de cette loi. Le commencement de
cette quatrième et dernière période du premier siècle
baha'i coïncide avec la naissance de l'âge de formation
de l'ère baha'i et la fondation de l'ordre administratif de
Baha'u'llah, organisation qui est à la fois le précurseur,
le noyau et le modèle de son ordre mondial. Cette période, couvrant
les vingt-trois premières années de cet âge de formation,
s'est déjà distinguée par une explosion de nouvelle hostilité
d'un caractère différent, aboutissant, d'une part, à
accélérer la diffusion de la foi à travers des régions
plus étendues de chacun des cinq continents du globe et, d'autre part,
à obtenir l'émancipation et la reconnaissance du statut d'indépendance
de plusieurs de ses communautés. Ces quatre périodes doivent être considérées non
seulement comme les composantes ou parties inséparables d'un seul tout
prodigieux, mais encore comme les phases progressives d'un vaste processus
d'évolution, unique, continu et irrésistible. Car lorsqu'on
contemple toute l'étendue de l'oeuvre accomplie par une foi âgée
de cent ans, on ne peut s'empêcher de conclure que, quel que soit l'angle
sous lequel on regarde ce spectacle démesuré, les événements
qui ont eu lieu en ces périodes donnent les preuves absolues d'un lent
mûrissement, d'un développement ordonné, d'une consolidation
interne, d'une expansion extérieure, d'une émancipation graduelle
des chaînes de l'orthodoxie religieuse et d'une diminution correspondante
des difficultés et restrictions civiles. Quand on considère ces périodes de l'histoire baha'i
comme les parties constituantes d'un même tout, on remarque la suite
d'événements heureux qui annoncent l'avènement d'un précurseur,
la mission de celui dont ce précurseur avait promis la venue, la création
d'un covenant établi par la volonté personnelle du Promis(Baha'u'llah),
et enfin la naissance d'un ordre qui est l'oeuvre à la fois de l'auteur
du covenant et de son Centre choisi. On peut observer comment le Bab,
le précurseur, annonça la -naissance imminente d'un ordre divinement
conçu, comment Baha'u'llah, le Promis, en formula les
lois et ordonnances, comment 'Abdu'l-Baha, le Centre choisi en dessina
les traits, et comment la génération présente de leurs
disciples a commencé à former l'armature de ses institutions.
Au cours de ces périodes, on voit la lumière naissante de la
foi se diriger, depuis son berceau, vers l'Est, jusqu'aux Indes et en Extrême-Orient,
vers l'Ouest jusqu'aux territoires voisins de l'Iraq, de la Turquie,
de la Russie et de l'Égypte, voyager jusqu'au continent nord-américain,
et illuminer ensuite les principales nations de l'Europe, puis, à un
stade plus tardif, entourer les antipodes de ses rayons, éclairer les
frontières de l'Arctique et embraser finalement les horizons de l'Amérique
centrale et de l'Amérique du Sud. On constate une augmentation correspondante
de la diversité des éléments formant sa confrérie
qui, d'abord limitée, dans la première période de l'histoire,
à un modeste groupe de disciples recrutés principalement dans
les masses de la Perse shi'ah, s'est développée en une société
fraternelle représentative des principaux systèmes religieux
du monde, de presque toutes les sectes et couleurs, et depuis l'ouvrier et
le paysan le plus humble jusqu'à une personnalité royale. On note un développement analogue dans sa littérature qui,
d'abord réduite à quelques manuscrits hâtivement transcrits,
souvent altérés, mis secrètement en circulation, parcourus
à la dérobée, si souvent effacés et quelquefois
même avalés par les membres terrorisés d'une secte proscrite,
s'est enrichie, en l'espace d'un siècle, d'éditions innombrables,
comprenant des dizaines de milliers de volumes imprimés en diverses
écritures et en au moins quarante langues, les uns reproduits avec
soin, d'autres largement illustrés, tous distribués méthodiquement
et avec ardeur par les soins de comités et d'assemblées dûment
constitués et spécialement organisés, dans le monde entier. On remarque une évolution non moins apparente dans la forme de ses
enseignements, tout d'abord, à dessein, rigides, compliqués
et sévères, qui, par la suite, furent refondus, élargis
et assouplis dans la dispensation suivante, puis, plus tard, expliqués,
réaffirmés et amplifiés par un interprète désigné,
et enfin arrangés d'une manière méthodique afin de les
appliquer universellement aux particuliers et aux institutions. On peut découvrir
une gradation non moins nette dans le caractère de l'opposition que
cette foi a rencontrée - opposition d'abord suscitée au coeur
de l'islam shi'ah, qui, à une période ultérieure,
s'intensifia lors du bannissement de Baha'u'llah dans les Etats
du sultan de Turquie et de l'hostilité qui s'ensuivit de la
part de la très puissante hiérarchie sunnite et de son calife,
chef de la grande majorité des fidèles de Muhammad* opposition
qui, actuellement, par l'établissement d'un ordre divinement institué
dans l'Occident chrétien et vu son premier choc avec les institutions
civiles et ecclésiastiques, promet d'inclure, parmi ses supporters,
des gouvernements établis et des organisations associées aux
ordres sacerdotaux les plus anciens et les plus solidement retranchés
de la chrétienté. On peut en même temps reconnaître, à travers les brumes
d'une hostilité toujours grandissante, les progrès laborieux
et pourtant continus accomplis par certaines communautés de cette foi
traversant des périodes d'obscurité, de proscription, d'émancipation
et d'acceptation, périodes qui, au cours des siècles à
venir, doivent obligatoirement aboutir à l'établissement de
la foi et à la fondation, dans la plénitude de sa puissance
et de son autorité, de la fédération mondiale baha'i.
On peut, de même, discerner un progrès non moins appréciable
dans l'essor pris par ses institutions, qu'il s'agisse de centres administratifs
ou de lieux d'adoration: Institutions clandestines et souterraines tout à
fait au début, émergeant insensiblement dans la pleine lumière
de l'acceptation publique, protégées par la loi, enrichies par
de pieuses donations, ennoblies d'abord par la construction du Mashriqu'l-Adhkar*
d'Ishqàbàd*, première maison d'adoration baha'i
et, plus récemment, immortalisées par l'édification,
au coeur du continent nord-américain, du temple-mère d'Occident,
précurseur d'une civilisation divine qui mûrit lentement. Et finalement, on peut même assister à l'amélioration notable
des conditions rencontrées par ses adhérents dévoués
lors de leur pèlerinage vers les tombeaux sacrés, au centre mondial;
ces pèlerinages, pénibles, dangereux, fastidieusement longs dans
les premiers temps, souvent accomplis à pied, terminés parfois
par une déception et limités à une poignée de fidèles
orientaux rompus de fatigue, attirent peu à peu, vu l'amélioration
constante des conditions de sécurité et de confort, un nombre
toujours croissant de nouveaux convertis venus des quatre coins du globe; et
ils ont trouvé leur couronnement dans la visite -hélas manquée
-, entourée d'une large publicité, d'une noble reine qui fut cruellement
déçue d'être obligée, comme elle l'attesta par écrit,
en vue même du but tant désiré de son coeur, de s'en détourner
et de renoncer au privilège de cet inestimable bienfait.