L'ordre mondial de Baha'u'llah

Shoghi Effendi

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Chapitre 2. L'ordre mondial de Baha'u'llah - autres considérations

Aux bien-aimés du Seigneur et aux servantes du Miséricordieux dans tout l'Ouest.

Mes bien chers collaborateurs !

Parmi les nouvelles qui sont parvenues récemment en Terre sainte et dont la plupart témoignent de la marche triomphante de la cause, quelques-unes semblent trahir une certaine appréhension quant à la validité des institutions qui demeurent inséparablement associées à la foi de Baha'u'llah. L'expression de ces doutes semble avoir été suscitée par certains murmures émanant de milieux qui soit sont totalement mal informés des fondements de la révélation baha'ie, soit cherchent délibérément à semer les graines de la discorde dans le coeur des fidèles.


2.1. Une bénédiction déguisée

Considéré à la lumière des expériences passées, le résultat inévitable de ces tentatives futiles - quelque opiniâtres et malveillantes qu'elles puissent être - est de contribuer à une reconnaissance plus large et plus profonde, tant de la part des croyants que des incroyants, des traits spécifiques de la foi proclamée par Baha'u'llah. Ces critiques qui la mettent en question, qu'elles soient ou non dictées par la malveillance, ne peuvent servir qu'à galvaniser les âmes de ses ardents défenseurs et à consolider les rangs de ses promoteurs fidèles. Elles délivreront la foi de ces éléments pernicieux dont l'association persistante avec les croyants tend à nuire au bon renom de la cause et à ternir la pureté de son esprit. Nous devrions donc non seulement faire bon accueil aux attaques ouvertes que ses ennemis déclarés lancent continuellement contre elle, mais aussi considérer comme une bénédiction déguisée chacun des assauts qu'elle subit périodiquement du fait de ceux qui apostasient leur foi, ou qui prétendent en être les interprètes fidèles. Loin de saper la foi, de telles attaques, venant de l'intérieur comme de l'extérieur, consolident ses fondements et avivent l'intensité de sa flamme. Visant à obscurcir son éclat, elles proclament au monde entier combien ses préceptes sont élevés, son unité complète, sa position unique et son influence pénétrante.

Je ne pense pas un seul instant que de telles clameurs, principalement imputables à une rage impuissante contre la marche irrésistible de la cause de Dieu, puissent jamais faire du tort aux vaillants combattants de la foi. Car ces âmes héroïques, qu'elles luttent dans la forteresse inexpugnable de l'Amérique ou qu'elles se battent au coeur de l'Europe et, au-delà des mers, jusqu'au continent d'Australasie, ont déjà démontré abondamment la ténacité de leur foi et la valeur immuable de leur conviction.


2.2. Traits distinctifs de l'ordre mondial baha'i

Je pense toutefois qu'il m'incombe, en vertu de la responsabilité attachée au gardiennat de la foi, de m'étendre davantage sur la nature essentielle et les traits distinctifs de cet ordre mondial tel qu'il a été conçu et proclamé par Baha'u'llah. Je me sens poussé, au stade actuel de l'évolution de la révélation baha'ie, à déclarer, de bonne foi et sans aucune réserve, tout ce qui pourrait selon moi être susceptible d'assurer la protection de l'intégrité des institutions naissantes de la foi. Je ressens vivement l'urgence de clarifier certains faits qui révéleraient immédiatement à tout observateur impartial le caractère unique de cette civilisation divine dont les fondements ont été posés par la main infaillible de Baha'u'llah, et dont les éléments essentiels ont été divulgués par le Testament de 'Abdu'l-Baha. Je considère qu'il est de mon devoir d'avertir chaque néophyte dans la foi que les gloires promises de la souveraineté que laissent présager les enseignements baha'is ne pourront être révélées que lorsque les temps seront accomplis, que les implications de l'Aqdas et du Testament de 'Abdu'l-Baha - les réceptacles jumeaux des éléments constitutifs de cette souveraineté - sont d'une portée trop vaste pour que cette génération les saisissent et les apprécient pleinement. Je ne puis m'empêcher d'appeler ceux qui s'identifient à la foi à ne tenir aucun compte des idées en vogue et des modes éphémères du jour, et à prendre conscience, comme jamais auparavant, du fait que les théories discréditées et les institutions chancelantes de la civilisation d'aujourd'hui doivent nécessairement contraster vivement avec les institutions accordées par Dieu et qui sont destinées à s'élever sur leurs ruines. Je prie afin que de toute leur âme et de tout leur coeur ils comprennent pleinement la gloire ineffable de leur vocation, la responsabilité écrasante de leur mission et l'immensité prodigieuse de leur tâche.

Que chaque défenseur sincère de la cause de Baha'u'llah se rende bien compte que les tempêtes que cette foi de Dieu devra nécessairement affronter dans sa lutte seront, à mesure que progressera la désintégration de la société, plus violentes que tout ce qu'elle a déjà connu. Qu'il soit conscient que, dès que la formidable revendication de la foi de Baha'u'llah sera reconnue dans sa pleine mesure par ces citadelles puissantes et séculaires de l'orthodoxie, dont le but délibéré est le maintien de leur mainmise sur les pensées et les consciences des hommes, cette toute jeune foi devra lutter contre des ennemis plus puissants et plus insidieux que les tortionnaires les plus cruels et les religieux les plus fanatiques qui l'ont tourmentée dans le passé. Au cours des convulsions qui saisiront une civilisation à l'agonie, quels ennemis n'apparaîtront pas qui ajouteront aux outrages qui, déjà, se sont accumulés sur elle ?


2.3. L'assaut de tous les peuples et de toutes les tribus

Il nous suffit de nous référer aux avertissements lancés par 'Abdu'l-Baha pour réaliser l'étendue et la nature des forces destinées à combattre la foi sacrée de Dieu. Dans les moments les plus sombres de sa vie, sous le régime de 'Abdu'l-Hamid, lorsqu'il s'apprêtait à être déporté vers les régions les plus inhospitalières d'Afrique du Nord, et à une époque où la lumière propice de la révélation baha'ie commençait seulement à poindre sur l'Ouest, il prononça, dans son message d'adieu au cousin du Bab, ces paroles prophétiques et sinistres : Que la cause est grande, très grande ! Qu'il est féroce l'assaut de tous les peuples et de toutes les tribus de la terre ! Avant longtemps se feront entendre, aux quatre coins du monde, la clameur de la multitude à travers l'Afrique, à travers l'Amérique, le cri de l'Européen et du Turc, le gémissement de l'Inde et de la Chine. Tous sans exception, ils se dresseront, et de toute leur force ils résisteront à sa cause. Alors, les chevaliers du Seigneur, assistés de sa grâce céleste, raffermis par la foi, soutenus par la puissance de leur discernement et renforcés par les légions de l'alliance, se lèveront et manifesteront la vérité du verset : Voyez la confusion qui a frappé les tribus des vaincus !

Aussi formidable que soit la lutte que font présager ces paroles, elles témoignent aussi de la victoire totale que les défenseurs du plus Grand Nom sont destinés à remporter finalement. Des peuples, des nations, des adeptes de croyances différentes se lèveront conjointement et successivement pour briser son unité, saper sa force et avilir son nom sacré. Ils n'assailliront pas seulement l'esprit qu'elle inculque, mais aussi l'administration qui est la voie, l'instrument, l'incarnation de cet esprit. Car, à mesure que deviendra plus apparente l'autorité dont Baha'u'llah a investi la future fédération baha'ie, le défi qui, de toutes parts, sera lancé aux vérités qu'elle renferme se fera plus terrible.


2.4. Différence entre la foi baha'ie et les organisations ecclésiastiques

Il nous faut donc, chers amis, tenter non seulement de nous familiariser avec les traits essentiels de cette oeuvre suprême de Baha'u'llah, mais aussi de saisir la différence fondamentale qui existe entre cet ordre universel et divinement conçu, et les principales organisations ecclésiastiques du monde, qu'elles appartiennent à l'Église du Christ ou aux ordonnances de la dispensation de Muhammad.

Car ceux dont le privilège inestimable est de préserver ces institutions baha'ies, d'en administrer les affaires et d'en promouvoir les intérêts seront, tôt ou tard, confrontés à cette question fondamentale : En quoi et comment cet ordre établi par Baha'u'llah, qui n'est en apparence qu'une réplique des institutions établies par le christianisme et l'islam, diffère-t-il de ces dernières ? Les institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat, l'institution des Mains de la cause de Dieu, celle des assemblées nationales et locales, du Mashriqu'l-Adhkar, ne sont-elles que des noms différents donnés aux institutions de la papauté et du califat avec tous les ordres ecclésiastiques qui les accompagnent, que soutiennent et défendent les chrétiens et les musulmans ? Quel peut donc être l'organisme capable d'éviter à ces institutions baha'ies si manifestement semblables, par certaines de leurs caractéristiques, à celles qui ont été créées par les pères de l'Église et les apôtres de Muhammad, d'assister à la détérioration de leur nature, à la destruction de leur unité et à l'extinction de leur influence, comme ce fut le cas pour toutes les hiérarchies religieuses organisées ? Pourquoi ne subiraient-elles pas, finalement, le même sort que les institutions créées par les successeurs du Christ et de Muhammad ?

De la réponse qui sera donnée à ces questions provocantes dépendra, dans une large mesure, le succès des efforts que font en ce moment même les croyants de tous pays, en vue de l'établissement du royaume de Dieu sur la terre. Tous, ou presque, reconnaîtront que l'esprit que Baha'u'llah a insufflé au monde - et qui se manifeste, à des degrés divers d'intensité, à travers les efforts déployés consciemment par ses défenseurs avoués et indirectement par certaines organisations humanitaires - ne pourra jamais imprégner l'humanité et exercer sur elle une influence durable à moins qu'il ne s'incarne dans un ordre visible qui portera son nom, s'identifiera totalement à ses principes et fonctionnera conformément à ses lois. Que Baha'u'llah, dans son livre de l'Aqdas et, plus tard, 'Abdu'l-Baha dans son testament - un document qui confirme, complète et relie entre elles les dispositions de l'Aqdas - aient exposé dans leur intégralité ces éléments essentiels à la constitution de la fédération mondiale baha'ie, nul ne le niera s'il a lu ces documents. C'est selon ces principes administratifs divinement ordonnés que la dispensation de Baha'u'llah - l'arche de salut du genre humain - devra être modelée. C'est de ces principes que découleront toutes les bénédictions futures, et c'est sur eux que reposera, en définitive, son inviolable autorité.

Car Baha'u'llah, il nous faut bien le reconnaître, n'a pas seulement imprégné l'humanité d'un esprit nouveau et régénérateur. Il ne s'est pas seulement contenté d'énoncer certains principes universels ou de proposer une philosophie particulière - aussi puissants, justes et universels qu'ils puissent être. Il a en outre, comme 'Abdu'l-Baha l'a fait après lui et contrairement aux dispensation antérieures, établi clairement et spécifiquement une série de lois, créé des institutions bien définies et révélé l'essentiel d'une économie divine. Or, ces éléments sont destinés à être un modèle pour la société future, un instrument suprême pour l'instauration de la plus grande paix, et le seul moyen d'unifier le monde et de proclamer le règne de la droiture et de la justice sur la terre. Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha n'ont pas seulement révélé toutes les instructions nécessaires à la réalisation pratique des idéaux que les prophètes de Dieu ont évoqués et qui, de temps immémorial, ont enflammé l'imagination des mystiques et des poètes de toutes les époques. Ils ont aussi, dans un langage vigoureux et sans équivoque, désigné ces institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat comme leurs successeurs choisis, ayant pour mission d'appliquer les principes, de promulguer les lois, de protéger les institutions, d'adapter fidèlement et intelligemment la foi aux exigences d'une société en progrès et de faire fructifier l'héritage incorruptible que les fondateurs de la foi ont légué au monde.

Si nous nous tournons vers le passé, si nous examinons l'Évangile et le Qur'an, nous reconnaîtrons aisément que, ni la dispensation chrétienne, ni la dispensation islamique ne peuvent offrir un parallèle au système d'économie divine établi si parfaitement par Baha'u'llah, ou aux garanties qu'il a prévues en vue de la protection et du développement de ce système. C'est là - j'en suis profondément convaincu - que réside la réponse aux questions auxquelles j'ai déjà fait référence.

Nul ne contestera, je pense, la raison fondamentale pour laquelle l'unité de l'Église du Christ a été irrémédiablement brisée et son influence minée au cours des siècles, à savoir que l'édifice que les pères de l'Église bâtirent après la mort de son premier apôtre ne reposait en aucune manière sur les directives explicites du Christ lui-même. L'autorité et les traits caractéristiques de son administration ont été entièrement inférés et indirectement dérivés, de façon plus ou moins justifiée, à partir de certaines allusions vagues et fragmentaires qu'ils trouvèrent disséminées parmi ses paroles telles qu'elles sont rapportées dans l'Évangile. Pas un seul des sacrements de l'Église; pas un seul des rites et des cérémonies conçus minutieusement et observés avec ostentation par les pères chrétiens; pas un seul des éléments de la discipline stricte qu'ils ont imposée rigoureusement aux premiers chrétiens; rien de tout cela ne reposait sur un mandat direct du Christ ou n'émanait de ses déclarations explicites. Rien de tout cela n'a été conçu par le Christ, et personne n'a été spécifiquement investi par lui d'une autorité suffisante pour pouvoir interpréter sa parole ou ajouter à ce qu'il n'avait pas explicitement décrété.

Pour cette raison, dans les générations qui suivirent, des voix s'élevèrent pour protester contre l'autorité qui s'était auto-désignée, s'était arrogé des privilèges et des pouvoirs n'émanant pas du texte explicite de l'Évangile de Jésus-Christ, et qui constituait un écart grave par rapport à l'esprit que cet Évangile inculquait aux hommes. Elles soutenaient avec force, et avec raison, que les canons promulgués par les conciles de l'Église n'étaient pas des lois divinement décrétées, mais seulement des inventions humaines qui ne reposaient même pas sur ce qu'avait vraiment dit Jésus. Leur argumentation se basait sur le fait que les paroles vagues et peu concluantes adressées par le Christ à Pierre : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église", ne pourraient jamais justifier les mesures extrêmes, les cérémonials compliqués, les croyances et les dogmes paralysants par lesquels ses successeurs avaient progressivement appesanti et obscurci sa foi. S'il avait été possible aux Pères de l'Église, dont l'autorité injustifiée était ainsi violemment attaquée de toutes parts, de réfuter les accusations accumulées contre eux par des citations de propos explicites du Christ au sujet de la future administration de son Église ou de la nature de l'autorité dévolue à ses successeurs, ils auraient sûrement été capables d'étouffer les flammes de la controverse et de préserver l'unité de la chrétienté. L'Évangile, cependant - le seul recueil des paroles du Christ - n'offrait aucun refuge à ces dignitaires de l'Église harcelés qui se trouvaient sans ressources face aux assauts impitoyables de leurs ennemis et qui, finalement, durent se soumettre aux forces schismatiques qui envahirent leurs rangs.

Quant à la révélation mahométane cependant - bien que sa religion, comparée à celle du Christ, fût plus complète et plus précise dans ses instructions relatives à l'administration de sa dispensation -, elle ne donnait, en matière de succession, aucune instruction écrite qui fût décisive et contraignante à ceux dont la mission était de propager sa cause. Car le texte du Qur'an - dont les décrets concernant la prière, le jeûne, le mariage, le divorce, l'héritage, le pèlerinage, etc., sont demeurés intacts et en application après l'écoulement de treize siècles - ne donne aucune directive définie quant à la loi de succession, source de toutes les dissensions, controverses et schismes qui ont démembré et discrédité l'islam.

Tel n'est pas le cas dans la révélation de Baha'u'llah. Contrairement à la dispensation du Christ, contrairement à celle de Muhammad, contrairement à toutes les dispensations antérieures, les apôtres de Baha'u'llah, dans chaque pays, où qu'ils oeuvrent et peinent, ont devant eux, en langage clair, vigoureux et sans équivoque, toutes les lois, tous les règlements, les principes, les institutions et la direction spirituelle dont ils ont besoin pour la poursuite et l'accomplissement de leur tâche. Pour les problèmes relatifs tant aux dispositions administratives de la dispensation baha'ie qu'à la succession, incarnées par les institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat, les adeptes de Baha'u'llah peuvent recourir à ces preuves irréfutables de la direction divine auxquelles nul ne peut résister, que nul ne peut amoindrir ou ignorer. Là réside le caractère distinctif de la révélation baha'ie. Là réside la force de l'unité de la foi, celle de la validité d'une révélation qui ne prétend pas détruire ou déprécier les révélations antérieures, mais les relier, les unifier et les accomplir. C'est la raison pour laquelle Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ont tous deux révélé, et même souligné, certains détails relatifs à l'économie divine qu'ils nous ont léguée, à nous leurs disciples. C'est pourquoi, dans leur testament, ils ont tant insisté sur les pouvoirs et les prérogatives des ministres de leur foi.

Car rien, hormis les instructions explicites de leur livre et le langage étonnamment énergique avec lequel ils ont rédigé les dispositions de leur testament, ne pouvait sauvegarder la foi pour laquelle ils ont tous deux oeuvré si glorieusement durant toute leur vie. Rien d'autre ne pouvait la protéger des hérésies et des calomnies par lesquelles les groupes religieux, les peuples et les gouvernements ont tenté et tenteront, avec toujours plus de vigueur, de l'attaquer dans l'avenir.

Nous devrions aussi garder à l'esprit que le caractère distinctif de la révélation baha'ie ne réside pas uniquement dans la complétude et la validité incontestable de l'ordre établi par les enseignements de Baha'u'llah et de 'Abdu'l-Baha. La perfection de cet ordre réside aussi dans le fait que ces facteurs, qui dans les dispensations antérieures, sans être revêtus de la moindre autorité par leurs fondateurs, ont été une source de corruption et de maux incalculables pour la foi de Dieu, furent strictement écartés par le texte clair des Écrits de Baha'u'llah. Ces pratiques injustifiées relatives aux sacrements du baptême, à la communion, à la confession des péchés, à l'ascétisme, à la domination sacerdotale, aux cérémonials compliqués, à la guerre sainte et à la polygamie ont, sans exception, été supprimées inflexiblement par la plume de Baha'u'llah; tandis que la sévérité et la rigueur de certaines pratiques, telles que le jeûne, qui sont nécessaires à l'exercice d'une vie pieuse, ont été considérablement atténuées.


2.5. Un organisme vivant

Il faut aussi garder à l'esprit le fait que l'organisation de la cause a été façonnée de telle manière que tout ce que l'on jugera nécessaire d'y incorporer afin de la maintenir à l'avant-garde de tous les mouvements progressistes peut, selon les dispositions prévues par Baha'u'llah, y être intégré en toute sécurité. C'est ce qu'attestent les paroles de Baha'u'llah consignées dans la "huitième feuille" du Paradis exalté : Il appartient aux administrateurs de la Maison de Justice de délibérer sur ces choses qui n'ont pas été ouvertement révélées dans le Livre, et de faire respecter ce qu'ils ont convenu. Dieu, en vérité, leur donnera l'inspiration de ce qu'Il veut et Il est, en vérité, le Pourvoyeur, l'Omniscient. La Maison de Justice n'a pas seulement été investie par Baha'u'llah de l'autorité de légiférer sur tout ce qui n'aurait pas été explicitement et ouvertement consigné dans ses Écrits sacrés, elle s'est également vu conférer, par le Testament de 'Abdu'l-Baha, le droit et le pouvoir d'abroger, selon les changements et les nécessités du moment, tout ce qui a déjà été décrété et appliqué par une précédente Maison de Justice. À cet égard, il a révélé ce qui suit dans son testament : Et, dès lors que la Maison de Justice a le pouvoir d'édicter des lois qui ne sont pas expressément mentionnées dans le Livre et qui ont trait aux affaires quotidiennes, elle a de même le pouvoir d'abroger ces mêmes lois. Ainsi, par exemple, la Maison de Justice édicte aujourd'hui une certaine loi et la met en vigueur et, cent ans plus tard, les circonstances ayant profondément changé et la situation étant transformée, une autre Maison de Justice aura alors le pouvoir de modifier cette loi en fonction des besoins de l'époque. Si elle peut le faire, c'est que la loi en question ne fait pas partie du texte divin explicite. La Maison de Justice est à la fois l'auteur et le pouvoir abrogatif de ses propres lois. Telle est l'immuabilité de la parole révélée par Baha'u'llah. Telle est la souplesse qui caractérise les fonctions de ses ministres désignés. La première préserve l'identité de sa foi et garantit l'intégrité de sa loi. La seconde lui permet, tout comme à un organisme vivant, de se développer et de s'adapter aux besoins et aux nécessités d'une société en continuelle transformation.

Chers amis ! Si faible que puisse paraître aujourd'hui notre foi aux yeux des hommes qui la dénoncent comme un rejeton de l'islam, ou la regardent dédaigneusement comme l'une de ces sectes obscures qui prolifèrent en Occident, ce joyau sans prix de la révélation divine, actuellement encore au stade embryonnaire, se développera au sein de la loi de Baha'u'llah et progressera, entier et intact, jusqu'à embrasser l'humanité tout entière. Seuls ceux qui ont déjà reconnu le rang suprême de Baha'u'llah, seuls ceux dont les coeurs ont été touchés par son amour et qui se sont familiarisés avec la puissance de son esprit peuvent apprécier comme il convient la valeur de cette économie divine - son don inestimable à l'humanité.

Les chefs religieux, les commentateurs de théories politiques, les dirigeants d'institutions humaines qui assistent actuellement, avec perplexité et consternation, à la faillite de leurs idées et à la désintégration de leurs oeuvres, feraient bien de tourner leur regard vers la révélation de Baha'u'llah et de méditer sur l'ordre mondial qui, enchâssé dans ses enseignements, émerge lentement et imperceptiblement du tumulte et du chaos de la civilisation contemporaine. Qu'ils n'aient aucun doute, aucune crainte quant à la nature, à l'origine ou à la validité des institutions que les adeptes de la foi édifient dans le monde. Parce qu'elles sont scellées dans les enseignements mêmes, elles ne sont ni corrompues ni obscurcies par des inférences injustifiées ou des interprétations non autorisées de sa parole.

Combien pressante et sacrée est la responsabilité qui pèse maintenant sur ceux qui connaissent déjà ces enseignements ! Combien glorieuse est la tâche de ceux qui sont appelés à en défendre la vérité et à en démontrer la faisabilité à un monde dépourvu de foi ! Rien, si ce n'est une conviction inébranlable de leur origine divine et de leur nature unique dans les annales de la religion; rien, si ce n'est une ferme détermination de mettre en oeuvre ces enseignements et de les appliquer à l'organisation administrative de la cause, ne peut suffire à établir leur réalité et à garantir leur succès. Combien vaste est la révélation de Baha'u'llah ! Combien immense, l'ampleur de ses bénédictions déversées sur l'humanité en ce jour ! Et pourtant, qu'elle est pauvre et inadéquate notre conception de leur importance et de leur gloire ! Cette génération-ci est trop proche d'une révélation aussi colossale pour apprécier pleinement les possibilités infinies de sa foi, le caractère sans précédent de sa cause et les bienfaits mystérieux de sa providence.

Dans l'Íqan, Baha'u'llah, désirant mettre en relief le caractère transcendant de ce nouveau jour de Dieu, renforce la puissance de son argument d'une référence au texte d'une tradition exacte et autorisée, qui révèle : La connaissance se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qa'im, il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Et suivent immédiatement ces paroles de Baha'u'llah qui confirment et éclairent cette tradition : Réfléchissez : Il a déclaré que la connaissance se compose de vingt-sept lettres et a considéré tous les prophètes, depuis Adam jusqu'à Muhammad même - "le Sceau" - comme les interprètes de deux lettres seulement. Il dit aussi que le Qa'im révélera toutes les vingt-cinq autres lettres. Voyez par ces paroles combien grand et élevé est son rang ! Son rang surpasse celui de tous les prophètes, et sa révélation transcende l'entendement et la compréhension de tous leurs élus. De sa révélation, les prophètes de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu, ils ne l'ont pas dévoilée - une telle révélation, ces gens vils et scélérats ont cherché à la mesurer avec leur propre esprit déficient, leur propre intelligence et leur compréhension insuffisante.

Dans un autre passage du même livre, Baha'u'llah, faisant allusion à la transformation effectuée par chaque révélation dans les habitudes, les pensées et les comportements des hommes, révèle ces paroles : L'objet de chaque révélation n'est-il pas d'effectuer une transformation complète de la nature de l'humanité, une transformation qui se manifestera tant extérieurement qu'intérieurement, qui affectera à la fois sa vie intime et son comportement ? Car si la nature de l'humanité n'était pas transformée, la futilité de la manifestation universelle de Dieu serait évidente.

Le Christ lui-même, s'adressant à ses disciples, n'a-t-il pas prononcé ces paroles : J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière.

À la lumière du texte de cette tradition reconnue, ainsi que des paroles du Christ attestées par l'Évangile, tout observateur impartial saisira facilement la grandeur de la foi révélée par Baha'u'llah et reconnaîtra la portée prodigieuse de la revendication qu'il a formulée. Il n'est pas étonnant que 'Abdu'l-Baha ait décrit en des termes si noirs la violence de l'agitation qui entourera, dans les jours à venir, les institutions naissantes de la foi. Actuellement, nous ne pouvons encore que discerner vaguement le commencement de cette tourmente que l'essor et l'ascendance de la cause de Dieu sont destinés à lancer sur le monde.


2.6. Le plus grand drame de l'histoire spirituelle du monde

Que ce soit dans la féroce et insidieuse campagne de répression et de cruauté que les dirigeants de Russie ont lancée contre les défenseurs de la foi qu'ils tenaient sous leur autorité; que ce soit dans l'inflexible animosité avec laquelle les shiites de l'islam foulent aux pieds les droits sacrés des adeptes de la cause en ce qui concerne la maison de Baha'u'llah à Baghdad; que ce soit dans la rage impuissante qui a poussé les dignitaires ecclésiastiques de la secte sunnite de l'islam à expulser nos frères égyptiens; dans tous ces événements, nous pouvons percevoir les manifestations de la haine implacable que les peuples, les religions et les gouvernements nourrissent envers une foi si pure, si innocente, si glorieuse.

Il est de notre devoir de méditer ces événements en notre coeur, de nous efforcer d'élargir notre vision et d'approfondir notre compréhension de cette cause, et de nous lever, résolument et sans réserve, pour jouer notre rôle - si minime soit-il - dans ce drame, le plus grand de l'histoire spirituelle du monde.

Votre frère et collaborateur, Shoghi.
Haïfa, Palestine,
le 21 mars 1930
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