L'ordre mondial de Baha'u'llah
Shoghi Effendi
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2. L'ordre mondial de Baha'u'llah - autres considérations Aux bien-aimés du Seigneur et aux servantes du Miséricordieux
dans tout l'Ouest. Mes bien chers collaborateurs ! Parmi les nouvelles qui sont parvenues récemment en Terre sainte et
dont la plupart témoignent de la marche triomphante de la cause, quelques-unes
semblent trahir une certaine appréhension quant à la validité
des institutions qui demeurent inséparablement associées à
la foi de Baha'u'llah. L'expression de ces doutes semble avoir
été suscitée par certains murmures émanant de
milieux qui soit sont totalement mal informés des fondements de la
révélation baha'ie, soit cherchent délibérément
à semer les graines de la discorde dans le coeur des fidèles. Considéré à la lumière des expériences
passées, le résultat inévitable de ces tentatives futiles
- quelque opiniâtres et malveillantes qu'elles puissent être -
est de contribuer à une reconnaissance plus large et plus profonde,
tant de la part des croyants que des incroyants, des traits spécifiques
de la foi proclamée par Baha'u'llah. Ces critiques qui
la mettent en question, qu'elles soient ou non dictées par la malveillance,
ne peuvent servir qu'à galvaniser les âmes de ses ardents défenseurs
et à consolider les rangs de ses promoteurs fidèles. Elles délivreront
la foi de ces éléments pernicieux dont l'association persistante
avec les croyants tend à nuire au bon renom de la cause et à
ternir la pureté de son esprit. Nous devrions donc non seulement faire
bon accueil aux attaques ouvertes que ses ennemis déclarés lancent
continuellement contre elle, mais aussi considérer comme une bénédiction
déguisée chacun des assauts qu'elle subit périodiquement
du fait de ceux qui apostasient leur foi, ou qui prétendent en être
les interprètes fidèles. Loin de saper la foi, de telles attaques,
venant de l'intérieur comme de l'extérieur, consolident ses
fondements et avivent l'intensité de sa flamme. Visant à obscurcir
son éclat, elles proclament au monde entier combien ses préceptes
sont élevés, son unité complète, sa position unique
et son influence pénétrante. Je ne pense pas un seul instant que de telles clameurs, principalement imputables
à une rage impuissante contre la marche irrésistible de la cause
de Dieu, puissent jamais faire du tort aux vaillants combattants de la foi.
Car ces âmes héroïques, qu'elles luttent dans la forteresse
inexpugnable de l'Amérique ou qu'elles se battent au coeur de l'Europe
et, au-delà des mers, jusqu'au continent d'Australasie, ont déjà
démontré abondamment la ténacité de leur foi et
la valeur immuable de leur conviction. Je pense toutefois qu'il m'incombe, en vertu de la responsabilité
attachée au gardiennat de la foi, de m'étendre davantage sur
la nature essentielle et les traits distinctifs de cet ordre mondial tel qu'il
a été conçu et proclamé par Baha'u'llah.
Je me sens poussé, au stade actuel de l'évolution de la révélation
baha'ie, à déclarer, de bonne foi et sans aucune
réserve, tout ce qui pourrait selon moi être susceptible d'assurer
la protection de l'intégrité des institutions naissantes de
la foi. Je ressens vivement l'urgence de clarifier certains faits qui révéleraient
immédiatement à tout observateur impartial le caractère
unique de cette civilisation divine dont les fondements ont été
posés par la main infaillible de Baha'u'llah, et dont
les éléments essentiels ont été divulgués
par le Testament de 'Abdu'l-Baha. Je considère qu'il est de
mon devoir d'avertir chaque néophyte dans la foi que les gloires promises
de la souveraineté que laissent présager les enseignements baha'is
ne pourront être révélées que lorsque les temps
seront accomplis, que les implications de l'Aqdas et du Testament de 'Abdu'l-Baha
- les réceptacles jumeaux des éléments constitutifs de
cette souveraineté - sont d'une portée trop vaste pour que cette
génération les saisissent et les apprécient pleinement.
Je ne puis m'empêcher d'appeler ceux qui s'identifient à la foi
à ne tenir aucun compte des idées en vogue et des modes éphémères
du jour, et à prendre conscience, comme jamais auparavant, du fait
que les théories discréditées et les institutions chancelantes
de la civilisation d'aujourd'hui doivent nécessairement contraster
vivement avec les institutions accordées par Dieu et qui sont destinées
à s'élever sur leurs ruines. Je prie afin que de toute leur
âme et de tout leur coeur ils comprennent pleinement la gloire ineffable
de leur vocation, la responsabilité écrasante de leur mission
et l'immensité prodigieuse de leur tâche. Que chaque défenseur sincère de la cause de Baha'u'llah
se rende bien compte que les tempêtes que cette foi de Dieu devra nécessairement
affronter dans sa lutte seront, à mesure que progressera la désintégration
de la société, plus violentes que tout ce qu'elle a déjà
connu. Qu'il soit conscient que, dès que la formidable revendication
de la foi de Baha'u'llah sera reconnue dans sa pleine mesure
par ces citadelles puissantes et séculaires de l'orthodoxie, dont le
but délibéré est le maintien de leur mainmise sur les
pensées et les consciences des hommes, cette toute jeune foi devra
lutter contre des ennemis plus puissants et plus insidieux que les tortionnaires
les plus cruels et les religieux les plus fanatiques qui l'ont tourmentée
dans le passé. Au cours des convulsions qui saisiront une civilisation
à l'agonie, quels ennemis n'apparaîtront pas qui ajouteront aux
outrages qui, déjà, se sont accumulés sur elle ? Il nous suffit de nous référer aux avertissements lancés
par 'Abdu'l-Baha pour réaliser l'étendue et la nature
des forces destinées à combattre la foi sacrée de Dieu.
Dans les moments les plus sombres de sa vie, sous le régime de 'Abdu'l-Hamid,
lorsqu'il s'apprêtait à être déporté vers
les régions les plus inhospitalières d'Afrique du Nord, et à
une époque où la lumière propice de la révélation
baha'ie commençait seulement à poindre sur l'Ouest,
il prononça, dans son message d'adieu au cousin du Bab, ces
paroles prophétiques et sinistres : Que la cause est grande, très
grande ! Qu'il est féroce l'assaut de tous les peuples et de toutes
les tribus de la terre ! Avant longtemps se feront entendre, aux quatre coins
du monde, la clameur de la multitude à travers l'Afrique, à
travers l'Amérique, le cri de l'Européen et du Turc, le gémissement
de l'Inde et de la Chine. Tous sans exception, ils se dresseront, et de toute
leur force ils résisteront à sa cause. Alors, les chevaliers
du Seigneur, assistés de sa grâce céleste, raffermis par
la foi, soutenus par la puissance de leur discernement et renforcés
par les légions de l'alliance, se lèveront et manifesteront
la vérité du verset : Voyez la confusion qui a frappé
les tribus des vaincus ! Aussi formidable que soit la lutte que font présager ces paroles,
elles témoignent aussi de la victoire totale que les défenseurs
du plus Grand Nom sont destinés à remporter finalement. Des
peuples, des nations, des adeptes de croyances différentes se lèveront
conjointement et successivement pour briser son unité, saper sa force
et avilir son nom sacré. Ils n'assailliront pas seulement l'esprit
qu'elle inculque, mais aussi l'administration qui est la voie, l'instrument,
l'incarnation de cet esprit. Car, à mesure que deviendra plus apparente
l'autorité dont Baha'u'llah a investi la future fédération
baha'ie, le défi qui, de toutes parts, sera lancé
aux vérités qu'elle renferme se fera plus terrible. Il nous faut donc, chers amis, tenter non seulement de nous familiariser
avec les traits essentiels de cette oeuvre suprême de Baha'u'llah,
mais aussi de saisir la différence fondamentale qui existe entre cet
ordre universel et divinement conçu, et les principales organisations
ecclésiastiques du monde, qu'elles appartiennent à l'Église
du Christ ou aux ordonnances de la dispensation de Muhammad. Car ceux dont le privilège inestimable est de préserver ces
institutions baha'ies, d'en administrer les affaires et d'en
promouvoir les intérêts seront, tôt ou tard, confrontés
à cette question fondamentale : En quoi et comment cet ordre établi
par Baha'u'llah, qui n'est en apparence qu'une réplique
des institutions établies par le christianisme et l'islam, diffère-t-il
de ces dernières ? Les institutions jumelles de la Maison de Justice
et du Gardiennat, l'institution des Mains de la cause de Dieu, celle des assemblées
nationales et locales, du Mashriqu'l-Adhkar, ne sont-elles que des
noms différents donnés aux institutions de la papauté
et du califat avec tous les ordres ecclésiastiques qui les accompagnent,
que soutiennent et défendent les chrétiens et les musulmans
? Quel peut donc être l'organisme capable d'éviter à ces
institutions baha'ies si manifestement semblables, par certaines
de leurs caractéristiques, à celles qui ont été
créées par les pères de l'Église et les apôtres
de Muhammad, d'assister à la détérioration de leur nature,
à la destruction de leur unité et à l'extinction de leur
influence, comme ce fut le cas pour toutes les hiérarchies religieuses
organisées ? Pourquoi ne subiraient-elles pas, finalement, le même
sort que les institutions créées par les successeurs du Christ
et de Muhammad ? De la réponse qui sera donnée à ces questions provocantes
dépendra, dans une large mesure, le succès des efforts que font
en ce moment même les croyants de tous pays, en vue de l'établissement
du royaume de Dieu sur la terre. Tous, ou presque, reconnaîtront que
l'esprit que Baha'u'llah a insufflé au monde - et qui
se manifeste, à des degrés divers d'intensité, à
travers les efforts déployés consciemment par ses défenseurs
avoués et indirectement par certaines organisations humanitaires -
ne pourra jamais imprégner l'humanité et exercer sur elle une
influence durable à moins qu'il ne s'incarne dans un ordre visible
qui portera son nom, s'identifiera totalement à ses principes et fonctionnera
conformément à ses lois. Que Baha'u'llah, dans
son livre de l'Aqdas et, plus tard, 'Abdu'l-Baha dans son testament
- un document qui confirme, complète et relie entre elles les dispositions
de l'Aqdas - aient exposé dans leur intégralité ces éléments
essentiels à la constitution de la fédération mondiale
baha'ie, nul ne le niera s'il a lu ces documents. C'est selon
ces principes administratifs divinement ordonnés que la dispensation
de Baha'u'llah - l'arche de salut du genre humain - devra être
modelée. C'est de ces principes que découleront toutes les bénédictions
futures, et c'est sur eux que reposera, en définitive, son inviolable
autorité. Car Baha'u'llah, il nous faut bien le reconnaître, n'a
pas seulement imprégné l'humanité d'un esprit nouveau
et régénérateur. Il ne s'est pas seulement contenté
d'énoncer certains principes universels ou de proposer une philosophie
particulière - aussi puissants, justes et universels qu'ils puissent
être. Il a en outre, comme 'Abdu'l-Baha l'a fait après
lui et contrairement aux dispensation antérieures, établi clairement
et spécifiquement une série de lois, créé des
institutions bien définies et révélé l'essentiel
d'une économie divine. Or, ces éléments sont destinés
à être un modèle pour la société future,
un instrument suprême pour l'instauration de la plus grande paix, et
le seul moyen d'unifier le monde et de proclamer le règne de la droiture
et de la justice sur la terre. Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha
n'ont pas seulement révélé toutes les instructions nécessaires
à la réalisation pratique des idéaux que les prophètes
de Dieu ont évoqués et qui, de temps immémorial, ont
enflammé l'imagination des mystiques et des poètes de toutes
les époques. Ils ont aussi, dans un langage vigoureux et sans équivoque,
désigné ces institutions jumelles de la Maison de Justice et
du Gardiennat comme leurs successeurs choisis, ayant pour mission d'appliquer
les principes, de promulguer les lois, de protéger les institutions,
d'adapter fidèlement et intelligemment la foi aux exigences d'une société
en progrès et de faire fructifier l'héritage incorruptible que
les fondateurs de la foi ont légué au monde. Si nous nous tournons vers le passé, si nous examinons l'Évangile
et le Qur'an, nous reconnaîtrons aisément que, ni la dispensation
chrétienne, ni la dispensation islamique ne peuvent offrir un parallèle
au système d'économie divine établi si parfaitement par
Baha'u'llah, ou aux garanties qu'il a prévues en vue
de la protection et du développement de ce système. C'est là
- j'en suis profondément convaincu - que réside la réponse
aux questions auxquelles j'ai déjà fait référence. Nul ne contestera, je pense, la raison fondamentale pour laquelle l'unité
de l'Église du Christ a été irrémédiablement
brisée et son influence minée au cours des siècles, à
savoir que l'édifice que les pères de l'Église bâtirent
après la mort de son premier apôtre ne reposait en aucune manière
sur les directives explicites du Christ lui-même. L'autorité
et les traits caractéristiques de son administration ont été
entièrement inférés et indirectement dérivés,
de façon plus ou moins justifiée, à partir de certaines
allusions vagues et fragmentaires qu'ils trouvèrent disséminées
parmi ses paroles telles qu'elles sont rapportées dans l'Évangile.
Pas un seul des sacrements de l'Église; pas un seul des rites et des
cérémonies conçus minutieusement et observés avec
ostentation par les pères chrétiens; pas un seul des éléments
de la discipline stricte qu'ils ont imposée rigoureusement aux premiers
chrétiens; rien de tout cela ne reposait sur un mandat direct du Christ
ou n'émanait de ses déclarations explicites. Rien de tout cela
n'a été conçu par le Christ, et personne n'a été
spécifiquement investi par lui d'une autorité suffisante pour
pouvoir interpréter sa parole ou ajouter à ce qu'il n'avait
pas explicitement décrété. Pour cette raison, dans les générations qui suivirent, des
voix s'élevèrent pour protester contre l'autorité qui
s'était auto-désignée, s'était arrogé des
privilèges et des pouvoirs n'émanant pas du texte explicite
de l'Évangile de Jésus-Christ, et qui constituait un écart
grave par rapport à l'esprit que cet Évangile inculquait aux
hommes. Elles soutenaient avec force, et avec raison, que les canons promulgués
par les conciles de l'Église n'étaient pas des lois divinement
décrétées, mais seulement des inventions humaines qui
ne reposaient même pas sur ce qu'avait vraiment dit Jésus. Leur
argumentation se basait sur le fait que les paroles vagues et peu concluantes
adressées par le Christ à Pierre : "Tu es Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Église", ne pourraient jamais justifier
les mesures extrêmes, les cérémonials compliqués,
les croyances et les dogmes paralysants par lesquels ses successeurs avaient
progressivement appesanti et obscurci sa foi. S'il avait été
possible aux Pères de l'Église, dont l'autorité injustifiée
était ainsi violemment attaquée de toutes parts, de réfuter
les accusations accumulées contre eux par des citations de propos explicites
du Christ au sujet de la future administration de son Église ou de
la nature de l'autorité dévolue à ses successeurs, ils
auraient sûrement été capables d'étouffer les flammes
de la controverse et de préserver l'unité de la chrétienté.
L'Évangile, cependant - le seul recueil des paroles du Christ - n'offrait
aucun refuge à ces dignitaires de l'Église harcelés qui
se trouvaient sans ressources face aux assauts impitoyables de leurs ennemis
et qui, finalement, durent se soumettre aux forces schismatiques qui envahirent
leurs rangs. Quant à la révélation mahométane cependant -
bien que sa religion, comparée à celle du Christ, fût
plus complète et plus précise dans ses instructions relatives
à l'administration de sa dispensation -, elle ne donnait, en matière
de succession, aucune instruction écrite qui fût décisive
et contraignante à ceux dont la mission était de propager sa
cause. Car le texte du Qur'an - dont les décrets concernant
la prière, le jeûne, le mariage, le divorce, l'héritage,
le pèlerinage, etc., sont demeurés intacts et en application
après l'écoulement de treize siècles - ne donne aucune
directive définie quant à la loi de succession, source de toutes
les dissensions, controverses et schismes qui ont démembré et
discrédité l'islam. Tel n'est pas le cas dans la révélation de Baha'u'llah.
Contrairement à la dispensation du Christ, contrairement à celle
de Muhammad, contrairement à toutes les dispensations antérieures,
les apôtres de Baha'u'llah, dans chaque pays, où
qu'ils oeuvrent et peinent, ont devant eux, en langage clair, vigoureux et
sans équivoque, toutes les lois, tous les règlements, les principes,
les institutions et la direction spirituelle dont ils ont besoin pour la poursuite
et l'accomplissement de leur tâche. Pour les problèmes relatifs
tant aux dispositions administratives de la dispensation baha'ie
qu'à la succession, incarnées par les institutions jumelles
de la Maison de Justice et du Gardiennat, les adeptes de Baha'u'llah
peuvent recourir à ces preuves irréfutables de la direction
divine auxquelles nul ne peut résister, que nul ne peut amoindrir ou
ignorer. Là réside le caractère distinctif de la révélation
baha'ie. Là réside la force de l'unité
de la foi, celle de la validité d'une révélation qui
ne prétend pas détruire ou déprécier les révélations
antérieures, mais les relier, les unifier et les accomplir. C'est la
raison pour laquelle Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ont
tous deux révélé, et même souligné, certains
détails relatifs à l'économie divine qu'ils nous ont
léguée, à nous leurs disciples. C'est pourquoi, dans
leur testament, ils ont tant insisté sur les pouvoirs et les prérogatives
des ministres de leur foi. Car rien, hormis les instructions explicites de leur livre et le langage
étonnamment énergique avec lequel ils ont rédigé
les dispositions de leur testament, ne pouvait sauvegarder la foi pour laquelle
ils ont tous deux oeuvré si glorieusement durant toute leur vie. Rien
d'autre ne pouvait la protéger des hérésies et des calomnies
par lesquelles les groupes religieux, les peuples et les gouvernements ont
tenté et tenteront, avec toujours plus de vigueur, de l'attaquer dans
l'avenir. Nous devrions aussi garder à l'esprit que le caractère distinctif
de la révélation baha'ie ne réside pas
uniquement dans la complétude et la validité incontestable de
l'ordre établi par les enseignements de Baha'u'llah et
de 'Abdu'l-Baha. La perfection de cet ordre réside aussi dans
le fait que ces facteurs, qui dans les dispensations antérieures, sans
être revêtus de la moindre autorité par leurs fondateurs,
ont été une source de corruption et de maux incalculables pour
la foi de Dieu, furent strictement écartés par le texte clair
des Écrits de Baha'u'llah. Ces pratiques injustifiées
relatives aux sacrements du baptême, à la communion, à
la confession des péchés, à l'ascétisme, à
la domination sacerdotale, aux cérémonials compliqués,
à la guerre sainte et à la polygamie ont, sans exception, été
supprimées inflexiblement par la plume de Baha'u'llah;
tandis que la sévérité et la rigueur de certaines pratiques,
telles que le jeûne, qui sont nécessaires à l'exercice
d'une vie pieuse, ont été considérablement atténuées. Il faut aussi garder à l'esprit le fait que l'organisation de la cause
a été façonnée de telle manière que tout
ce que l'on jugera nécessaire d'y incorporer afin de la maintenir à
l'avant-garde de tous les mouvements progressistes peut, selon les dispositions
prévues par Baha'u'llah, y être intégré
en toute sécurité. C'est ce qu'attestent les paroles de Baha'u'llah
consignées dans la "huitième feuille" du Paradis exalté
: Il appartient aux administrateurs de la Maison de Justice de délibérer
sur ces choses qui n'ont pas été ouvertement révélées
dans le Livre, et de faire respecter ce qu'ils ont convenu. Dieu, en vérité,
leur donnera l'inspiration de ce qu'Il veut et Il est, en vérité,
le Pourvoyeur, l'Omniscient. La Maison de Justice n'a pas seulement été
investie par Baha'u'llah de l'autorité de légiférer
sur tout ce qui n'aurait pas été explicitement et ouvertement
consigné dans ses Écrits sacrés, elle s'est également
vu conférer, par le Testament de 'Abdu'l-Baha, le droit et le
pouvoir d'abroger, selon les changements et les nécessités du
moment, tout ce qui a déjà été décrété
et appliqué par une précédente Maison de Justice. À
cet égard, il a révélé ce qui suit dans son testament
: Et, dès lors que la Maison de Justice a le pouvoir d'édicter
des lois qui ne sont pas expressément mentionnées dans le Livre
et qui ont trait aux affaires quotidiennes, elle a de même le pouvoir
d'abroger ces mêmes lois. Ainsi, par exemple, la Maison de Justice édicte
aujourd'hui une certaine loi et la met en vigueur et, cent ans plus tard,
les circonstances ayant profondément changé et la situation
étant transformée, une autre Maison de Justice aura alors le
pouvoir de modifier cette loi en fonction des besoins de l'époque.
Si elle peut le faire, c'est que la loi en question ne fait pas partie du
texte divin explicite. La Maison de Justice est à la fois l'auteur
et le pouvoir abrogatif de ses propres lois. Telle est l'immuabilité
de la parole révélée par Baha'u'llah. Telle
est la souplesse qui caractérise les fonctions de ses ministres désignés.
La première préserve l'identité de sa foi et garantit
l'intégrité de sa loi. La seconde lui permet, tout comme à
un organisme vivant, de se développer et de s'adapter aux besoins et
aux nécessités d'une société en continuelle transformation. Chers amis ! Si faible que puisse paraître aujourd'hui notre foi aux
yeux des hommes qui la dénoncent comme un rejeton de l'islam,
ou la regardent dédaigneusement comme l'une de ces sectes obscures
qui prolifèrent en Occident, ce joyau sans prix de la révélation
divine, actuellement encore au stade embryonnaire, se développera au
sein de la loi de Baha'u'llah et progressera, entier et intact,
jusqu'à embrasser l'humanité tout entière. Seuls ceux
qui ont déjà reconnu le rang suprême de Baha'u'llah,
seuls ceux dont les coeurs ont été touchés par son amour
et qui se sont familiarisés avec la puissance de son esprit peuvent
apprécier comme il convient la valeur de cette économie divine
- son don inestimable à l'humanité. Les chefs religieux, les commentateurs de théories politiques, les
dirigeants d'institutions humaines qui assistent actuellement, avec perplexité
et consternation, à la faillite de leurs idées et à la
désintégration de leurs oeuvres, feraient bien de tourner leur
regard vers la révélation de Baha'u'llah et de
méditer sur l'ordre mondial qui, enchâssé dans ses enseignements,
émerge lentement et imperceptiblement du tumulte et du chaos de la
civilisation contemporaine. Qu'ils n'aient aucun doute, aucune crainte quant
à la nature, à l'origine ou à la validité des
institutions que les adeptes de la foi édifient dans le monde. Parce
qu'elles sont scellées dans les enseignements mêmes, elles ne
sont ni corrompues ni obscurcies par des inférences injustifiées
ou des interprétations non autorisées de sa parole. Combien pressante et sacrée est la responsabilité qui pèse
maintenant sur ceux qui connaissent déjà ces enseignements !
Combien glorieuse est la tâche de ceux qui sont appelés à
en défendre la vérité et à en démontrer
la faisabilité à un monde dépourvu de foi ! Rien, si
ce n'est une conviction inébranlable de leur origine divine et de leur
nature unique dans les annales de la religion; rien, si ce n'est une ferme
détermination de mettre en oeuvre ces enseignements et de les appliquer
à l'organisation administrative de la cause, ne peut suffire à
établir leur réalité et à garantir leur succès.
Combien vaste est la révélation de Baha'u'llah
! Combien immense, l'ampleur de ses bénédictions déversées
sur l'humanité en ce jour ! Et pourtant, qu'elle est pauvre et inadéquate
notre conception de leur importance et de leur gloire ! Cette génération-ci
est trop proche d'une révélation aussi colossale pour apprécier
pleinement les possibilités infinies de sa foi, le caractère
sans précédent de sa cause et les bienfaits mystérieux
de sa providence. Dans l'Íqan, Baha'u'llah, désirant mettre
en relief le caractère transcendant de ce nouveau jour de Dieu, renforce
la puissance de son argument d'une référence au texte d'une
tradition exacte et autorisée, qui révèle : La connaissance
se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé
les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce
jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qa'im,
il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Et suivent
immédiatement ces paroles de Baha'u'llah qui confirment
et éclairent cette tradition : Réfléchissez : Il a déclaré
que la connaissance se compose de vingt-sept lettres et a considéré
tous les prophètes, depuis Adam jusqu'à Muhammad même
- "le Sceau" - comme les interprètes de deux lettres seulement. Il
dit aussi que le Qa'im révélera toutes les vingt-cinq
autres lettres. Voyez par ces paroles combien grand et élevé
est son rang ! Son rang surpasse celui de tous les prophètes, et sa
révélation transcende l'entendement et la compréhension
de tous leurs élus. De sa révélation, les prophètes
de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés
ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu,
ils ne l'ont pas dévoilée - une telle révélation,
ces gens vils et scélérats ont cherché à la mesurer
avec leur propre esprit déficient, leur propre intelligence et leur
compréhension insuffisante. Dans un autre passage du même livre, Baha'u'llah, faisant
allusion à la transformation effectuée par chaque révélation
dans les habitudes, les pensées et les comportements des hommes, révèle
ces paroles : L'objet de chaque révélation n'est-il pas d'effectuer
une transformation complète de la nature de l'humanité, une
transformation qui se manifestera tant extérieurement qu'intérieurement,
qui affectera à la fois sa vie intime et son comportement ? Car si
la nature de l'humanité n'était pas transformée, la futilité
de la manifestation universelle de Dieu serait évidente. Le Christ lui-même, s'adressant à ses disciples, n'a-t-il pas
prononcé ces paroles : J'ai encore beaucoup à vous dire, mais
vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra,
lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité
tout entière. À la lumière du texte de cette tradition reconnue, ainsi que
des paroles du Christ attestées par l'Évangile, tout observateur
impartial saisira facilement la grandeur de la foi révélée
par Baha'u'llah et reconnaîtra la portée prodigieuse
de la revendication qu'il a formulée. Il n'est pas étonnant
que 'Abdu'l-Baha ait décrit en des termes si noirs la violence
de l'agitation qui entourera, dans les jours à venir, les institutions
naissantes de la foi. Actuellement, nous ne pouvons encore que discerner vaguement
le commencement de cette tourmente que l'essor et l'ascendance de la cause
de Dieu sont destinés à lancer sur le monde. Que ce soit dans la féroce et insidieuse campagne de répression
et de cruauté que les dirigeants de Russie ont lancée contre
les défenseurs de la foi qu'ils tenaient sous leur autorité;
que ce soit dans l'inflexible animosité avec laquelle les shiites de
l'islam foulent aux pieds les droits sacrés des adeptes de la
cause en ce qui concerne la maison de Baha'u'llah à Baghdad;
que ce soit dans la rage impuissante qui a poussé les dignitaires ecclésiastiques
de la secte sunnite de l'islam à expulser nos frères
égyptiens; dans tous ces événements, nous pouvons percevoir
les manifestations de la haine implacable que les peuples, les religions et
les gouvernements nourrissent envers une foi si pure, si innocente, si glorieuse. Il est de notre devoir de méditer ces événements en
notre coeur, de nous efforcer d'élargir notre vision et d'approfondir
notre compréhension de cette cause, et de nous lever, résolument
et sans réserve, pour jouer notre rôle - si minime soit-il -
dans ce drame, le plus grand de l'histoire spirituelle du monde. Votre frère et collaborateur, Shoghi.
2.1. Une bénédiction déguisée
2.2. Traits distinctifs de l'ordre mondial baha'i
2.3. L'assaut de tous les peuples et de toutes les
tribus
2.4. Différence entre la foi baha'ie
et les organisations ecclésiastiques
2.5. Un organisme vivant
2.6. Le plus grand drame de l'histoire spirituelle
du monde
Haïfa, Palestine,
le 21 mars 1930.