Médiathèque baha'ie

Le voile tombé

Pièce de théâtre sur la vie de Tahirih
par Enzo Stancati


Pour une aide sur la mise en scène contacter Enzo Stancati (estancati@libero. it)
Titre original: "Il velo caduto" - Rende, Italie, 1993 (traduction par Iole Stancati, 2006)

Personnages:
Tahirih - Mullà Salih, son père - Mullà Taqi, son oncle - Mardiyyih, sa soeur - Abdu'l-Vahhab, son frère - Mère de Tahirih - Théologien sannite - Théologien juif - Théologien chrétien - Quddus - Muhammad Hasan - Abdu'l-Khaliq - Premiers babi - Second babi - Troisièmes babi.


INTRODUCTION

Le rideau est baissé. En parterre, assis en prémière file, trois spectateurs (les interprètes des trois Théologiens du Troisième Tableau) qui discutent à haute voix.

Premier Spectateur - (en riant) Ah ah, est-ce que tu dis vraiment ou plaisantes? Une féministe en Orient au dix-huitième siècle?

Second Spectateur - Je te jure que c'est comme ça. Une femme poète persane: Tairi (ou la prononce peut-être Taerè?). Mah.

Troisième Spectateur - En Perse? Mais si le mouvement pour la libération de la femme est né à l'Ouest: en France pendant la Révolution, puis en Angleterre! Même les enfants le savent. En Orient, dans le siècle dernier, les femmes portaient le voile sur la figure...

Premier Spectateur - Elles le portent même aujourd'hui!

Second Spectateur - Voilà. Cette Tairi (ou Taerè) elle a été la première orientale à se rebeller à l'usage du voile.

Premier Spectateur - C'est curieux. Savez-vous ce que j'ai imaginé en lisant le titre "Le voile tombé"?... Á' un spectacle de strip-tease! (ils rient beaucoup)

Troisième Spectateur - Dans un théâtre?

Premier Spectateur - Aujourd'hui tout est possible!

Second Spectateur - Sstt! Baissez la voix: on élève le rideau.


PREMIER TABLEAU

Salle de l'habitation de Mullà Salih, à Qazvin.
Personnages: Mère, Mardiyyih, Tahirih, puis Mullà Salih, Mullà Taqi, Mullà Muhammad, Abdul'-Vahhab.
À gauche des spectateurs, la Mère et Mardiyyih, assises, absorbées à la broderie. À droite, derrière une tente qui sépare de la pièce contiguë, Tahirih à l'écoute, debout.

Mardiyyih - Regarde-la. Il ya par plus une heure qu'elle reste immobile derrière cette tente.

Mère - Parfois, moi aussi, même que je suis sa mère, ne la reconnais pas. Je crois que Dieu aurait voulu me donner un mâle, puis en le regrettant au dernier moment.

Mardiyyih - D'un mâle elle a l'obstination. Je voudrais savoir quel goût elle preuve à écouter en se cachant de sujets qu'une femme ne peut pas comprendre. Outre-tombe, prédestination. Quand mon père et mon oncle en parlent, la tête me fume.

Mère - Sujets qu'une femme ne doit pas comprendre. Comme le Prophète écrit, "les hommes sont placés avant les femmes, parce que Dieu a choisi quelques êtres sur les autres". Celui-ci a été le verset premier du Livre saint que ton père m'enseigna. Il m'a fait ensemble d'époux et de maître.

Mardiyyih - Chaque jour de centaines étudiants ils joignent dans notre maison de villes voisines, désireux d'apprendre la volonté de Dieu, et puis dans notre famille il y a qui la contredit ainsi.

Mère - Tu dois avoir patience. J'en ai vu nombreux changer, touché par la grâce.

Mardiyyih - Elle me fait colère. J'ai passé toute seule mon enfance, pourtant j'avais une sœur près de moi. Nous aurions pu jouer ensemble, comme toutes... Mais elle a aimé les livres et a esquivé les jeux, et je suis devenue bientôt adulte...

Mère - Tu m'as fait compagnie. Tu ne dois pas t'affliger.

Mardiyyih - Il se rapproche le jour qui un homme enconnu me fera sa mariée, après avoir regardé seulement pour un instant sans voile mon visage. Je deviendrai ainsi femme, puis peut-être mère, sans avoir jamais été fillette...

Mère - En toi je me reflète, Mardiyyih. J'étais peu plus d'une fillette quand mon père me présenta mon futur mari. Quel honneur pour ma famille s'apparenter avec une famille de dignitaires ecclésiastiques, les plus respectés de Qazvin, connus même dans la capitale. Et j'étais une fillette quand tu es née et, après un an (en mentionnant à Tahirih) Zarrin-Tàj.

Mardiyyih - Mais regarde-la. Elle secoue la tête, elle n'est pas d'accord avec ce qui a entendu. Il aurait presque envie de les démentir… Que présomption... Spécialement depuis qu'elle s'est engouée pour les idées d'un étranger sage, après en avoir trouvé des livres dans la bibliothèque de notre cousin. Selon notre père cet homme n'est pas qu'un exalté, mais elle continue à lire ses livres en se cachant...

Mère - (cachottière) Je sais d'une correspondance secrète qui elle a acheminé avec ce... Siyyid Kazim. Ton père en ferait une tragédie s'il venait le savoir... S'il vous plaît, ne le lui dit pas.

Mardiyyih - Pour ce qu'il m'en importe... (complice, en baissant la voix) Sais tu qu'il a lui même changés le nom? Il l'appelle "Consolation des yeux"... S'il la connaissait comme nous la connaissons, le têtue… (elle régarde vers Tahirih qui en attendant est passé, au-delà de la tente, dans la pièce contiguë) Mais où est-elle allée?

Mère - (préoccupée) Elle n'est plus derrière la tente.

Mardiyyih - (elle sort pour la chercher à gauche, puis elle revient) Dans sa chambre elle y n'est pas. Incroyable, c'est une vraie sorcière. Elle a disparu devant nos yeux....Ils entrent au précipice de derrière la tente Mullà Taqi, Mullà Salih, Muhammad, Abdu'l-Vahhab et Tahirih. À leur entrée les femmes se voilent le visage.

Mullà Taqi - (altéré) C'est inouï, i-nou-ï! Me tenir ainsi tête, devant mes étudiants.

Abdu' l-Vahhab - Je ne savais plus de quelle partie regarder...

Muhammad - (à Mullà Taqi) Vraiment un coup laid, mon père, pour ton école théologique.

Mullà Taqi - Certains discours en bouche à une femme…

Tahirih - Dis femme comme si le mot seul te salît les lèvres.

Mullà Taqi - (à Mullà Salih) Mais est-ce que tu l'entends? Est-ce que tu l'entends? Mon frère, je ne t'envie pas vraiment.- Une fille ainsi est une dure preuve que Dieu t'a envoyé... Est-ce que tu ris? Parfois je ne te comprends pas. Il semble presque que tu t'en félicites...

Mullà Salih - Non, non... Je pense seulement que si ce désastre avait été un mâle, il aurait donné lustre à ma maison et il me serait succédé.

Abdu 'l - Vahhab - (jaloux) Peut-être n'es tu pas content de moi? Moi, ton fils, je suis le mâle de maison... (à Tahirih, avec dédain) Tu dois me recoudre ce vêtement: ici, près de la manche...

Tahirih - (ironique) Voilà ce qui est pour vous une femme: une esclave à avoir toujours sur le palme de la main...

Mardiyyih - (au frère) Je penserai à le coudre... Elle a bien autre à quoi penser…

Tahirih - Oui, le Coran, mes livres, la poésie... Quelque chose de mieux, peut-être, que cuire le riz, pétrir le pain, broder des feuilles dorées sur des étoffes de velours dans une ville bigote et sans un avenir... (elle sort)

Mère - Quand vous voulez, le dîner est prêt… (elle sort, suivie par Mardiyyih)

Mullà Taqi - Je te le répète, frère: tu es trop tendre avec cette fille.

Muhammad - Moi aussi, s'il m'est permis, mon oncle, je conseillerais plus fermeté...

Mullà Salih - Je ne peux pas vous donner de tort, mais je vous demande de la patience. Beaucoup de choses changent dans les filles avec le mariage, avec les fils. Et le mariage pour Zarrin - Tàj (un regard d'accord avec le frère) n'est pas loin.

Muhammad - Elle le sait déjà, mon oncle?

Mullà Salih - Il y a du temps, mon fils, il y a du temps...

Mullà Taqi - Je suis d'accord, mon frère. La femme doit être la dernière à savoir celui qui elle est destinée à épouser.

Abdu 'l-Vahhab - Même si quelque chose elle s'imagine déjà …

Muhammad - (déçu) Á vrai dire, elle ne me regarde pas non plus…

Mullà Salih - Elle aura beaucoup de temps, mon fils, pour te regarder...

Mullà Taqi - Dans les familles les plus respectables il est tradition de se marier entre cousins. Mais allons, le dîner nous attend. (il sort, suivi par Mullà Salih).

Abdu'l-Vahhab - Il ne te sembles pas, Muhammad, que l'oncle cette fois-ci a-t'il peiné à répondre aux objections de ma soeur?

Muhammad - Mais voie, que tu dis? Il n'aura pas voulu l'humilier devant à des étrangers.

Abdu'l-Vahhab - (il rit) Tu as raison, époux promis... (puis, sérieux) Il semble que pour elle les traditions les plus obscures n'aient pas de secrets. Allons, avoue-le. Nous, ses frères et cousins mâles ne pouvons pas aprir bouche quand elle est là, beaucoup son savoir nous est intimidé, ni nous hasardons hypothèse sur problèmes doctrinaux. Elle nous montre de manière si précise qui sommes en train de battre des rues fausses, et nous nous retirons confus…

Muhammad - (brusque) Le dîner nous attend (ils sortent).


SECOND TABLEAU

Q,azvin. Une autre salle de la même habitation.
Personnages: Tahirih, Mardiyyih, puis Mère, puis Mullà Muhammad.
En scène, à côté de la fenêtre, Mardiyyih et Tahirih.

Mardiyyih - Qu'est-ce que tu fais? Est-ce que tu penses encore à ce rêve?

Tahirih - Comme je peux ne y pas penser?

Mardiyyih - Raconte-moi le, je t'en prie.

Tahirih - De nouveau?

Mardiyyih - C'est vraiment beau.

Tahirih - Il m'apparut, suspendu dans le ciel, un jeune avec un manteau noir et un turban vert sur la tête. Avec les mains en haut, il déclamait une prière en la lisant d'un livre. Un verset de cette prière, qu'il me sembla plus beau, ou peut-être plus étrange que les autres, je l'ai écrit, depuis le réveil, dans le cahier de mes poésies. Je n'oubliai plus ce rêve et ce verset qui me resta gravé dans le coeur. Quel stupeur quand ensuite je lis dans un écrit d'un marchant jeune de Shiraz, qu'il m'arriva par hasard en main, le même verset que j'avais entendu dans le rêve. J'ai reconnu en lui le jeune de mon rêve, le Promis des Prophètes…

Mardiyyih - C'est pour lui, que tu n'as jamais rencontré, qui tu as écrit les poésies les plus délicates… (elle récite) "La splendeur de Ton visage resplendit, et les rayons de Ton visage en haut ils se levèrent. Alors tu a profèré le mot, Est-ce que je ne suis pas Ton Seigneur?, et, Tu l'es, Tu l'es, nous répondrerons tous ensemble".

Tahirih - Écoute celle-ci: "S'il m'arrivera jamais de t'apercevoir face à face, visage au visage, je raconterai la douleur de Toi point par point, cheveu pour cheveu. Pour voir Ta joue j'ai parcouru, comme le zéphyr, chaque maison, chaque porte, chaque rue, chaque voie. Pour la douleur de la séparation il me sort des yeux le sang du coeur, à fleuves, à mers, à fontaines, à ruisseaux…"

Mardiyyih - Ton mari a de la raison à devenir jaloux. Il ne croira jamais que c'est à un inconnu que tu t'adresses avec ces vers…

Tahirih - Mon mari ne connaît pas l'amour, celui qui pénètre dans la foi... Mais est-ce qu'il vaut mieux tenter de se faire comprendre? Ses autres deux femmes, qu'il n'aime pas plus que moi, plus que moi malheureuses, le consoleront quand je m'en irai...

Mardiyyih - Veux tu t'en aller? Est-ce que tu l'a déjà décidé?

Tahirih - Je veux rencontrer le Promis.

Mardiyyih - Et aux fils qui tu lui as donné ne penses pas?

Tahirih - Il viendra le temps, il viendra bientôt, que les femmes pourront jouir de leur maternité vraiment. Mais ce n'est pas ce moment-ci... Peut-être pour moi ce ne sera jamais le moment…Celui-ci c'est le temps d'agir, de sortir, de risquer, de chercher, de trouver; pas de s'arrêter…

Mardiyyih - Au moins attend le retour de Mirza Muhammad, auquel tu as confié une lettre scellée parce qu'il la remît au Promis...

Tahirih - Mirza Muhammad, ton mari, ta chance: un homme qui ne désire pas sauver les apparences, qui va au fond de la vie...

Mardiyyih - (elle soupire) Tu aurais dû l'épouser... Vous la pensez de la même façon...

Tahirih - Il viendra bientôt le temps qui une femme choisira elle-même son époux. Notre temps, Mardiyyih, est celui du voile sur le visage, de la femme retenue sans âme, seulement un ventre pour accoucher... Je vis dans un autre temps, Mardiyyih...

Mardiyyih - Je n'ai pas ton courage Zarrin-Tàj. Je resterai dans cette maison, j'attendrai le retour de mon mari, je l'écouterai parler de ses choses que je ne comprends pas …Vois (en mentionnant à la Mère qui est en train d'arriver), comme notre mère…

Mère - (à Tahirih) Ton mari est en peine pour toi…

Tahirih - (prête) Non, il est en peine pour lui-même.

Mère - Il te veut près de lui, tout de suite. Il doit te parler.

Mardiyyih - Contente-le.

Tahirih - Tu allais dire: obéis…(elle si achemine) Mais oui, "j'obéis"… (elle sort).

Mère - Elle fait discours étranges. Ton père aussi est préoccupé. La famille d'un Mullà ne peut pas subir la dérision des gens…

Mardiyyih - Tu sais que pendant des années je l'ai haïe. Mais maintenant je l'admire. Je ne suis pas capable de l'imiter, mais je l'admire. Pour moi il a été comme découvrir une amie. Nous ne sommes jamais restées de soeur; mais oui amies.

Mère - De qu'est-ce que tu parles?

Mardiyyih - Il ne suffit pas à elle la vie qui assouvirait chaque femme, un mari, des fils... Elle croit que le Promis est aux portes, qui il vit inconnu à tous au milieu des gens, qu'il marche, qu'il travaille, qu'il souffre comme tous... Elle a fait un rêve, et elle croit l'avoir découvert. Elle lui a écrit une lettre et elle a chargé mon mari de la lui remettre. Elle est sûre qui elle doit le rencontrer…

Mère - Mais pourquoi elle n'en a pas parlé à son mari? C'est lui-aussi un mullà…

Mullà Muhammad - (il arrive bouleversé, en criant) Folies, sorcelleries, histoires de la pire espèce!

Mardiyyih - Voilà le mullà qui arrive et il souhaite contre elle, comme d'habitude.

Mère - Mon fils, calme-toi.

Mullà Muhammad - Me calmer? Me calmer? Mon honorabilité me retient seulement de la répudier! Si je ne craignais pas le scandale, je l'aurais déjà fait depuis beaucoup de temps. Je ne peux plus supporter les choses qui elle dit, son comportement.

Mardiyyih - Avant que tu le penses, peut-être, elle t'enlèvera de l'embarras.

Mullà Muhammad - Qu'st-ce que tu cherches à me dire? Quel mystère il y a derrière tes mots? Est-ce que toi-aussi restes de sa partie?

Mère - Nous sommes tous de ta partie, Mullà Muhammad…

Mullà Muhammad - (à Mardiyyih) Toi aussi?

Mardiyyih - (ambiguë) Je suis de la partie de la vérité…

Mullà Muhammad - (content) Ah, bien. Alors tu es de ma partie... La vérité on ne l'improvise pas, elle franchit les siècles, les millénaires. Gardez-vous, gardez-vous de nouvelles et passagères vérités: trop souvent trahissent aussi leurs paladins les plus enflammés. Oui, le temps me donnera de la raison (il sort).

Mardiyyih - (ironique) Pour aujourd'hui aussi le sermon est termineé.

Mère - Pourquoi ce ton?

Mardiyyih - Je n'ai pas le courage de Zarrin-Tàj, ma mère, mais tu ne peux pas m'empêcher de parler.

Mère - Dis-moi: qu'est-ce que tu voulais dire il y a un moment?

Mardiyyih - Il y a un moment? Quand?

Mère - Ne fai pas l'innocent... Qu'est-ce que tu voulais dire à Mullà Muhammad?

Mardiyyih - Je préfère de me taire. Je fais la femme maintenant! (elle démarre).


TROISIÈME TABLEAU

Bagdad. Une place.
Personnages: Théologien Sunnite, Théologien juif, Théologien chrétien, puis Tahirih.

T. sunnite - Je voudrais nous voir plus clair dans cette affaire. Ils nous demandent de la rencontrer, d'examiner ses doctrines... En omettant nos engagements pour faire ceci, est-ce que nous ne pas donnons trop d'importance à une femme?

T. juif - Je crois que oui. Pourquoi beaucoup de hâte à la rencontrer, devant les gens, dans une place ouverte?

T. chrétien - Les autorités de Bagdad le demandent. Il dure depuis trop de temps le vacarme qui elle a semé entre le peuple.

T. sunnite - À nous donc le devoir d'en réfuser les idées, d'en démentir les prétentions, de leur boucher la bouche, ou de la faire enfermer comme folle audacieuse ou comme une ensorcelle immonde.

T. juif - Elle va joindre maintenant et nous n'avons pas encore concerté la manière meilleure pour l'affronter...

T. sunnite - Il y n'a pas besoin d'avoir peur. Ils nous suffiront peu de sujets pour plier sa présomption.

T. juif - Pourtant ils disent que soit son oncle, théologien savant de Qazvin, soit son père, autant de juriste aigu, soit son même mari, mullà jeune lui aussi, ont dû céder les armes quand ils s'efforcèrent de la convaincre à une conduite plus réservée...

T. chrétien - Ils disent que, dédaigné ses devoirs de femme et de mère, elle s'en sépara de Qazvin pour Karbilà, où elle tenta de rencontrer en vain son premier maître, un certain Kazim, qu'elle trouva déjà mort, après qu'elle s'unit aux camarades du mort et elle passa le temps en prière en attendant un homme saint lequel venue ce Kazim il avait prophétisé...

T. juif - Trop de faux prophètes en Orient... On n'en rencontrent maintenant à chaque coin...

T. chrétien - Elle n'a pas eu de rétente, bien que femme, à répandre dans les places les doctrines ridicules de ses prophètes saints, en déclamant aux foules poésies absurdes qui compose elle même, écrits d'un Maître pretendu traduits par elle, en professant en public sa foi absurde…

T. sunnite - Une foi vraiment étrange. Bien que je n'ai pas de vénération spéciale pour cette ville, je frémis au récit qui m'arriva à l'oreille, quand dans le jour sacré du martyre de Husayn, arrivé justement à Karbilà, pendant que le peuple était en deuil, cette femme eut la hardiesse de célébrer, habillé en fête, l'anniversaire de son prophète, un certain Bab, un fanatique... Le tumulte qui en suivit la convainquit à se réfugier ici à Bagdad.

T. juif - Celle-ci est une ville que dans son sein elle accueille, avec esprit tolérant, chaque croyance, comme il atteste notre présence de théologiens de trois religions différentes. Il n'est pas tolérable cependant qu'on y sème chaque hérésie passagère...

T. sunnite - Il faudra le lui faire comprendre depuis le premier moment...

T. chrétien - Ils ne nous manqueront pas de sujets...

T. juif - Ils disent qu'elle soit une très belle femme.

T. chrétien - Et il semble qu'elle ne supporte pas le voile qui lui recouvre le visage...

T. sunnite - Et qu'elle a aussi une certaine facilité de mot. Beaucoup d'ignorants ils en sont frappés.

T. juif - J'avoue une certaine curiosité...

T. chrétien - Quand arrive-t-elle?

T. sunnite - Rien de plus probable qu'elle ne se présentera pas au rendez-vous...

T. juif - Quelque pensée soudaine, typique des femmes, il lui fera changer idée...

Tahirih - (en arrivant) Ce n'est pas mon habitude décevoir ce qui m'attend. Vous pensez peut-être à une vieille idée de femme, destinée à fondre comme la poussière quand il souffle un nouveau vent.

T. sunnite - Je me compose qu'il est vrai que tu n'a pas peur de parler d'égal à égal avec les hommes...

Tahirih - Penses tu vraiment que, aux yeux de Dieu, entre homme et femme il y a beaucoup de différence?

T. sunnite - Tu délires, femme. Le Coran, qui tu affirmes de respecter, récite: 'Les hommes sont une marche plus en haut". Sura second, verset deux-cent vingt-huit.

T. chrétien - C'est un sujet sur lequel nos réligions concordent. "L'homme ne fut pas créé pour la femme, mais la femme pour l'homme."

T. juif - Moi-aussi je crois comme ça. Selon le Torah, Dieu créa d'abord Adam, et ensuite Ève, en la tirant de sa côte, parce qu'elle lui fût copine pour la vie, et elle puisse le servir.

Tahirih - Et si quelqu'un vous objectait que Dieu, que de toutes les fois il est auteur, est-ce qu'il eût en attendant changé son loi et est-ce qu'il voulût la femme au pair avec l'homme, de manière que l'homme n'ait pas en elle une servante mais une amie?

T. juif - Tais, femme, tu blasphèmes!

T. sunnite - Dieu changerait mêmes ses lois? Est-ce que Dieu peut se contredire?

T. chrétien - Peut Dieu dire à l'homme: Pardonne-moi, je reconnais de m'être trompé, échange d'opinion?

Tahirih - Dieu ne se contredit pas. Est-ce qu'un père traite peut-être son fils adulte de la même façon d'il le traitait comme d'enfant? Et est-ce que si en attendant l'homme, fils de Dieu, fût grandi?

T. chrétien - Hérésie, hérésie!

T. juif - Blasphème, impiété!

T. sunnite - Bagdad ne peut pas recevoir entre ses murailles une blasphématrice si impudente.

Tahirih - Expulsez-moi, je partirai aussi de cette ville. Mais pourquoi vous ne répondez pas à mon affirmation?

T. sunnite - Tu as dénoncé dans les places, devant le plus humbles, l'usage de la polygamie qui le sacré Livre prescrit, le traitement des femmes voilées…

T. chrétien -… la corruption du clergé...

T. juif -… en hurlant dans les places comme une pauvre insensée...

Tahirih - Répondez vous à mon affirmation.

T. sunnite - Tu ne mérites pas aucunes réponses.

Tahirih - Je ne les mérite pas, ou ne savez-vous pas me les donner?

T. juif - L'apporte vous voie!

T. sunnite - Enlevez de la vue cette femme, cette impie!

T. chrétien - Elle tente d'empester l'air de Bagdad aussi avec les folies qu'elle a propagé ailleurs!

T. sunnite - Qu'elle parte de l'empire Ottoman, des terres du sultan, et qu'elle rentres dans sa Perse!

Tahirih - Dieu seul, pas vos barbes de théologiens, Dieu seul fera me taire!

Théologiens - (en choeur) Menez-lui voie!


QUATRIÈME TABLEAU

Qazvin. Même intérieur du tableau premier.
Personnages: Mullà Salih, Mullà Taqi, Abdu'l-Vahhab, puis Mullà Muhammad, puis Tahirih, puis Mère.
Au début du tableau, Mullà Salih est assis à une table; Mullà Taqi et Abdu'l-Vahhab restent debout.

Mullà Salih - Tu dois me croire, Taqi. Beaucoup de gens chaque jour me demandent l'interprétation juste d'une loi, d'un précepte, d'une ancienne tradition, et ils se fient de mon verdict aveuglément. Mais je ne me sens plus ainsi sûr. J'avertis comme un bruit de tempête lointaine, les grondements de tonnerres étranges, des foudres que je ne réussis pas à distinguer.

Mullà Taqi - Depuis un peu de temps tu parles d'une manière obscure, Salih.

Mullà Salih - Il me semble que tout notre monde s'en écroule peu à peu sous les coups perfides d'un ennemi invisible. Jusqu'à quand ces murailles que nos aïeux ont érigé avec la patience des siècles réussiront-elles à nous protéger?

Mullà Taqi - Tu parles d'une façon vraiment obscure.

Abdu' l-Vahhab - Mon père se préoccupe pour notre famille démembrée: mon beau-frère Mullà Muhammad abandonné par ma soeur, notre école théologique en crise... (il a un mouvement de colère) Tout cela pour une femme qui a dissipé dans les places la bonne réputation de ses gens, et qui traîne d'autre gens derrière son mauvais exemple.

Mullà Taqi - Plusieurs fois, mon frère, je t'ai répris pour la vigueur insuffisante que tu utilisais vers cette fille, beaucoup de plus de quand nous décidâmes le mariage de nos aînés...

Abdu'l-Vahhab - Mon père a toujours eu un faible pour Zarrin-Tàj...

Mullà Salih - Croyez vous qu'il sois simple pour un père découvrir jour après jour à côté de soi qui une fille parle, est-ce qu'elle pense et est-ce qu'elle se conduit de la manière opposée aux habitudes des aïeux?

Mullà Taqi - Tu l'as dit: tu as permis que ta fille pensât. Et puis tu as permis qu'elle exprimât à la voix haute ses pensées. Ça a eté ta faute, Salih.

Mullà Salih - Elle est resté depuis le premier moment une femme différente. Allah lui a donné des capacités pas communes, que je ne pouvais pas supprimer...

Abdu'l-Vahhab - Il les a ainsi eues toutes gagnées...

Mullà Taqi - Voilà ta faute, mon frère. Ton caractère conciliant, unie à son arrogance naturelle, il a produit un mélange qu'elle est explosée bien au-delà des frontières de la Perse.

Mullà Salih - Arrogante, oui, mais ancre obbediente à son vieux père. Quand j'ai lui écrites de revenir au Qazvin, elle a accepté de bon degré.

Abdu'l-Vahhab-(à l'oncle) Elle est dessus.

Mullà Taqi - Dessus? Et nous ici à parler d'elle d'ouvertement...

Mullà Salih - Non, ne pas avoir de peur, elle ne se cache plus derrière une tente pour nous écouter. Je rappelle comme je me fâchais chaque fois qu'elle intervenait polémique dans nos discours... Qui l'aurait dit que, après peu d'années, j'aurais regretté ses interventions?…

Mulllà Muhammad - (en entrant, en colère, avec une lettre dans sa main) C'est incroyable, mon oncle. Voilà la réponse à ma lettre. A' peine j'ai su qu'elle revenait en ville, je lui ai envoyés de mes esclaves avec une lettre pour la conveincre à s'établir chez moi. Je la réprenais entre mes femmes - moi (hautain), avec ma personnalité - sans la répudier, sans le déshonneur qu'elle mériterait après ce qu'elle a accompli, et elle? Elle refuse, voilà: entendez vous? Elle refuse!

Mullà Taqi - Mais c'est une insolence! Une insolence!

Mullà Salih - (à Mullà Muhammad) Ne t'affliger pas, mon fils. J'ai obtenu qu'elle changeât son idée. Elle a accepté de te parler. Je vais l'appeler.

Mullà Muhammad - Maintenant c'et moi qui ne veux pas parler avec elle.

Mullà Taqi - Accepte de lui parler. Je n'ai pas beaucoup d'espoir. Nous verrons esuite ce q'on doit faire.

Abdu'l-Vahhab - Laissons-les seuls. De la prudence, cousin. (ils sortent)

Mullà Muhammad resté seul, il se promène pour la pièce, avec des gestes d'impatience et d'embarras.

Tahirih - (en entrant) Quelle chose tu crois que je devrais faire? Me jeter à tes pieds?

Mullà Muhammad - C'est pour m'attaquer que tu as accepté de me rencontrer?

Tahirih - Non: pour te dire ce qu'il est vrai.

Mullà Muhammad - Tu n'admets pas comme hypothèse lointaine non plus le fait qu'en attendant j'ai pu changer?

Tahirih - Dans la lettre qui tu m'as écrit j'ai lu l'arrogance qui je connaissais bien.

Mullà Muhammad - Celle qui tu appelles arrogance est par contre la conscience de ma valeur. Sais tu que je suis maintenant le dignitaire ecclésiastique plus savant de la Perse après mon père et mon oncle?

Tahirih - Mes compliments. Mais dans mes voyages j'ai affronté et réduit au silence trop de gens religieux sages de l'empire turc pour m'enchanter devant ton savoir.

Mullà Muhammad - J'ai su de tes succès. Mais aussi du scandale qui tu as semé dans villes et villages…

Tahirih - Quel est le scandale? Qu'une femme parle d'égal à égal avec les hommes? Le savoir n'est pas un problème de sexe. Dieu nous donne des talents qui reste à chacun de nous faire rapporter à l'avantage de l'humanité. Combien de bien vous autres théologiens auriez pu faire aux gens, et combien de hais et combien de confusion vous avez par contre semé dans les esprits du peuple. Mais votre pouvoir décline.

Mullà Muhammad - Tu cultives des opinions hérétiques.

Tahirih - Tu les définis hérétiques parce qu'ils sont différents des tiennes. Mais les temps changent, ils changent les coeurs et les esprits, et la vérité change: un soleil se couche et un autre soleil se lève.

Mullà Muhammad - Ne veux- tu pas donc revenir à être ma femme?

Tahirih - Si tu avais vraiment désiré d'être mon mari, mon camarade fidèle, tu n'aurait pas sous-estimé ma recherche spirituelle. Tu aurais tâché de comprendre mes pensées au lieu d'acquérir seulement de mon corps. Tu serais couru à ma rencontre à Karbilà et tu aurais guidé à pied mon chariot pour toute la rue jusqu'à Qazvin. En voyageant avec toi, je te t'aurais réveillé du sommeil et montré la voie de la vérité.

Mullà Muhammad - Tu montrer à moi - Mulla Muhammad - la voie de la vérité?

Tahirih - Vois tu que tu n'es pas changé? Trois années sont passés depuis notre séparation: ni dans ce monde ni en l'autre je pourrai m'unir jamais à toi. Je t'ai jeté au déhors de ma vie pour toujours.

Mullà Taqi - (en entrant, furieux) Avec ces mots tu oses te tourner à mon fils? Nous saurons comment punir ton hérésie!

Tahirih - Il vous en manquera le temps: je partirai bientôt.

Mullà Taqi (à Mullà Muhammad) Viens, mon fils. Elle ne t'a jamais mérité. (ils sortent)

Mullà Salih - (en entrant, avec la Mère) Je vois que ma tentative de pacification est échouée, fille. Et je crains pour ta vie…

Tahirih - Je le sais, père, je sait le danger que je cours. Il y a des temps dans lesquels on risque tout ce qu'on a. Tu m'as donné cette vie que je suis prête à risquer. Je regrette que tu en souffres, mais je te remercie de me l'avoir donnée.

Mullà Salih - (en l'enlaçant) Fille têtue. Têtue et trés aimée. Ton frère me hait parce que je te préfère à lui, mais en moi le coeur a toujours guidé l'esprit… (il sort)

Mère - Tu ne veux pas voir ton aînée comme elle te ressembles? Est-ce que tu ne veux pas t'arrêter au moins pour elle?

Tahirih - Non. Fais-lui de maman. Je vais lui préparer un monde meilleur dans lequel grandir.


CINQUIÈME TABLEAU

Badasht. Intérieur d'un salon.
Personnages: Quddus, Muhammad Hasan, puis Abdu'l-Khalih, trois croyants, puis Tahirih.
En scène Quddus et Muhammad Hasan qu'ils parlent secrètement.

Quddus - Alors c'est tout clair?

Muhammad Hasan - J'entrerai soudain quand peu d'amis se seront réunis, et je m'adresserai à toi au nom de Tahirih.

Quddus - Tahirih. Jamais un nom fut choisi mieux. Tahirih: la Pure. Depuis Zarrin-Tàj est au milieu de nous, personne n'a nourri dans son égard un sentiment moins que pur. Elle nous inspire des pensées élevées et, bien qu'elle soit femme fascinante, nous lui parlons comme si on soit devant Fatima en personne, la fille chaste du Prophète.

Muhammad Hasan - Un nom bien choisi. Justement comme le tien, Quddus: le saint. Tu que, descendant de l'imam Husayn, quiconque aime à première vue, et fait de la fatigue à te détacher les yeux du visage.

Quddus - Une nouvelle humanité se prépare, Muhammad Hasan, et Dieu nous donne la vertu suffisante pour en être les guides.

Muhammad Hasan - Le Bab, nôtre adoré Maître, dans l'obscurité de la forteresse dans laquelle il est enfermé, on attend grandes choses de nous.

Quddus - Et de grandes choses nous ferons... Abroger avant tout le lois que Muhammad depuis mille deux-cents années il a porté, et qu'aujourd'hui ils n'éclairent plus notre esprit.

Muhammad Hasan - Le Bab même, nôtre cher, nous exhorte à la précaution.

Quddus - Donc nous exécuterons à la perfection ce combat faux: d'une partie Tahirih, l'innovatrice, anxieuse d'abattre les étendards de l'Islam, et de l'autre moi, le conservateur, prêt à défendre les traditions du passé à tout prix.

Muhammad Hasan - Ainsi dans l'âme des disciples du Bab, qui ancore ils en considèrent les enseignements un couronnement simple de l'Islam, les nouveautés les plus eclatantes seront mieux absorbées.

Quddus - Ils est déjà quatre années depuis que le Bab a révélé d'être le Promis. Le moment de mûrir est arrivé.

Muhammad Hasan - Et ce petit village du Khorasàn, Badasht, passera, comme peut-être nous aussi, à l'histoire. Je vais (il sort).

Quddus - A' bientôt.

Abdu'l-Khaliq et autres trois babi croyants entrent.

Abdu'l-Khaliq - Nous tardons encore, Quddus, à imaginer le système meilleur pour libérer le Bab de sa prison triste.

Quddus - Un peu de patience, Abdu'l-Khaliq: il n'est pas facile de mettre d'accord quatre-vingt-un croyants également enflammés. Chaque jour naît un nouveau problème... Je me suis disputé hier avec Tahirih.

Abdu'l-Khaliq - J'ai su. Nous aplanirons le contraste, j'en suis sûr…

Quddus - Je ne crois pas. Elle me semble trop décidée… Qui est à la porte?

Abdu'l-Khaliq - (il va vérifier) C'est précisément le messager de Tahirih. Il semble avoir hâte.

Quddus - Fais l'entrer.

Muhammad Hasan - (en rentrant) Santé à toi, Quddus. Je viens au nom de Tahirih à te demander de leur vouloir faire visite dans son jardin.

Quddus - Tu perds ton temps. J'ai rompu chaque rapport avec elle. Je me refuse de la rencontrer.

Muhammad Hasan - Pardonne-moi si j'insiste. Elle a des choses importantes à te dire. Elle m'a demandé de te prier avec chaleur en annonçant que, en cas de ta résistance, elle viendra te faire visite.

Abdu'l-Khaliq - (en riant, à Quddus) Tu peux compter qu'elle viendra, têtue comme elle est... Accepte de la voir.

Quddus - (en feignant résistance, à Muhammad Hasan) Tu peux revenir chez qui t'envoie et confirmer mon refus décis.

Muhammad Hasan - (en restant au jeu) Je me refuse de revenir sans toi. Tu choisis: ou tu m'accompagnes à la présence de Tahirih ou tu me coupes la tête avec cette épée (il lui donne épée et il la dépose à ses pieds)

Quddus - J'ai déjà déclaré que je n'ai aucune intention de faire visite à Tahirih. Si tu ne t'en vas pas tout de suite, j'empoyerai vraiment cette épée.

Abdu'l-Khaliq - Que veux tu faire?

Premiers babi - Arrête-toi, au nom de Dieu!

Tahirih - (en entrant, au visage découvert, les cheveux déliés) Épargne le messager, et frappe qui l'a envoyé.

Second babi - C'est Tahirih!

Troisièmes babi - Grand Allah, elle a le visage découvert!

Premiers babi - Que le Prophète la pardonne!

Abdu'l-Khaliq - Dites-moi que je suis en train de rêver. Ne peut pas être vrai ce que je suis en train de voir!

Tahirih - Au contraire, il est vrai. Le long voile enveloppant est tombé. Ce ne sera plus le symbole de l'infériorité de la femme. Le temps de nous cacher est terminé.

Premiers babi - Sacrilège! Sacrilège!

Quddus - (en colère, avec l'épée en main) Mon épée, n'échouer pas ta cible!

Abdu'l-Khaliq - Je ne supporte pas sa vue et ses mots. Dieu me protège des impies! (il fuit ailleurs)

Premiers babi - Attends-moi, je viens avec toi (il sort)

Tahirih - Pourquoi, mes amis, vous etes si troublés? Aujourd'hui c'est un jour de fête et d'allégresse universelle, le jour dans lequel les chaînes du passé ont été brisées. Ceux qui ont partecipé à cette grande entreprise se lèvent et s'embrassent! (elle récite) "En vérité, entre les jardins et les fleuves les fidèles demeureront sur le trône de la vérité, à la présence du Roi puissant."

Quddus - Tu cite le Coran à la folie.

Premiers babi - (il entre, bouleversé) Accourez, amis! Abdu'l-Khaliq, bouleversé pour ce qu'il a vu, s'est coupé la gorge avec son même poignard et il est fui sanglant, en jurant de ne plus revenir!

Troisièmes babi - Moi aussi je le suis! Adieu, qu'Allah vous ouvre les yeux! (il sort)

Quddus - Arrêtéz-vous… notre Maître est prisonnier, nous ne pouvons pas l'abandonner. Lui-même il nous fera savoir si tout ce qu'arrive aujourd'hui vient de Dieu, ou si cette femme est devenue folle.

Tahirih - Ce jour est comme une sonnerie de trompette qui réveille les coeurs qui dorment. L'avenir nous ouvre les bras.

Muhammad Hasan - (pendant que dehors il grandit un bruit de prière) D'où viennent ces voix?

Tahirih, avec le visage embrasé, écoute les mots qui joignent de l'extérieur, pendant que les présents lui viennent à côté peu à peu.

"Lorsque la croulant tombera - personne sa chute démentira - il abattra, il exaltera. Lorsque la terre sera secouée - et les mont seront broyé - et ils deviendront une faible poussière, repandue…Et là n'écouteront pas des discours frivoles ou d'incitations au péché - mais seulement un mot: Paix, Paix".


SIXIÈME TABLEAU

Lumière pleine, pas plus de lumières de scène. Quelque acteur, en habits modernes, porte le fond et les meubles du tableau précédent. Six autres (les interprètes de Mardiyyih, de la Mère, de Mullà Salih, de Mullà Taqi, de Mullà Muhammad, d'Abdu'l-Vahhab) ils se déshabillent des coutumes de scène en restant en habits modernes, pendant qu'ils parlent entre eux.

Int. de Mullà Taqi - Mais à qui vous voulez qu'intéresse jamais une histoire pareille?

Int. d'Abdu'l-Vahhab - En dehors de l'Orient, à personne. Trop lointaine de nous, trop pictoresque… Le public demande des choses différentes.

Int. de Mullà Salih - Moi je dis: est-ce que l'auteur n'avait pas autre chose à écrire? La nouveauté à tout prix: c'est comme d'habitude...

Int. de Mardiyyih - Puisque il s'agit d'une femme libre, les maschietti se rebellent...

Int. de Mullà Muhammad - Voilà la féministe habituelle! On pouvait le savoir… Continue, continue…Voilà, continue encore.

Int. de Mardiyyih - Merci pour la concession.

Int. de Mullà Muhammad - (avec une révérence comique) Avec plaisir, madame.

Int. de Mardiyyih - Stupide.

Int. de la Mère - (avec des feuilles en main) Mais est-ce que vous avez lu ici? Dans les huit-cents spécialistes occidentaux, même d'un certain nom, on s'est intéressés à Tahirih. Browne, De Gobineau, Nicolas…

Int. de Mullà Salih - Et qui sont ceux-là?

Int. de la Mère - Ignorant… Cependant je ne comprends pas pourquoi l'auteur a conclu le travail à ce point là, sans parler point de ses dérniers jours.

Int. d'Abdu 'l-Vahhab - Il aura compris certainement qu'à ce point les spectateurs étaient déjà secs... (au public) C'est vrai ou non que vous allez tous vous endormir?

Int. de Mullà Muhammad - (au public, en battant ses mains) Hé, il vous dit: réveillez-vous, c'est terminé!

Int. de Mardiyyih - Entendez ici ce qu'on écrit... Tahirih a été arrêté après un attentat de quelques babi contre le Shah à Téhéran en 1852...

Int. de la Mère - Moi aussi je l'ai lu. Elle fut arrêtée et reléguée dans la maison du maire de Téhéran...

Int. de Mardiyyih - Pendant la fête pour le mariage du fils du maire, les dames les plus nobles de la capitale en plein des célébrations demandèrent de voir la femme poète prisonnière...

Int. de la Mère - …Tahirih apparut dans son vêtement meilleur, long jusqu'à ses pieds, brodé, un mouchoir aux fleurs sur ses épaules, les boucles sur le front. Elle n'avait jamais été si belle. Elle parla avec fierté du Bab, qu'elle avait toujours désiré connaître personnellement, mais qu'elle n'avait jamais rencontré, elle parla de ses enseignements révolutionnaires, elle parla d'une manière telle qui le beau monde de la Perse oublia les doux, les musiciens et les danseurs et il fut enlevé pour de longues minutes dans une dimension spirituelle…

Int. de Mardiyyih - Un autre jour le maire, toujours gentil avec sa prisonnière extraordinaire, l'informa que le Premier Ministre était disposé à la laisser libre, à la condition qu'elle reniât sa foi. L'alternative, Tahirih le savait déjà, c'était la mort...

Int. de la Mère - Le maire tressaillit en l'entendant répondre: "N'espére pas que je renie ma foi pour une raison si faible: maintenir en vie quelque jour de plus mon corps sans importance".

Int. de Mardiyyih - Mais ce fut la femme du maire qui se lia avec elle d'une vraie amitié. À elle Tahirih annonça gaie un soir, habillée d'un vêtement en soie blanche: "Je me prépare à rencontrer mon cher. Il se rapproche l'heure du martyre!" À l'amie qui hoquetait elle laissa ses derniers désirs: que le fils du maire l'accompagnât à l'endroit du supplice, qui ne fût pas permis de leur enlever le vêtement qui alors mettait aux bourreaux, que son corps fût jeté dans un puits et le puits rempli ensuite de terre et de pierres.

Int. de la Mère - Ils vinrent la chercher après la nuit. Il monta à cheval sans hésiter, escortée par les gardes, du fils du maire et de quelques serviteurs, vers le jardin siège de l'exécution. "Ne m'oublie pas", elle dit à son amie, "et sois heureuse de mon bonheur". Aux soldats elle cria: "Vous pourrez me tuer mille fois, mais vous ne serez jamais aptes à arrêter l'émancipation de la femme!". À un officiel demi-ivre elle donna son mouchoir de soie, qu'on le serra à la gorge, à la lumière des torches. Ensuite le fils du maire descendit le corps dans le puits et le remplit de terre et pierres, comme Tahirih lui avait demandé (une musique qui grandit).

Tahirih - (en coutume, sans voile, elle vient devant en récitant) "S'il m'arrivera jamais de t'apercevoir face à face, visage au visage, je raconterai la douleur de Toi point par point, cheveu pour cheveu. Pour voir Ta joue j'ai parcouru, comme le zéphyr, chaque maison, chaque porte, chaque rue, chaque voie. Pour la douleur de la séparation il me sort des yeux le sang du coeur, à fleuves, à mers, à fontaines, à ruisseaux. Autour à Ta petite bouche, Ta joue au duvet ambré est bouton sur bouton, rose sur rose, tulipe sur tulipe, parfum sur parfum. Ton amour mon coeur triste l'a tressé dans l'étoffe de mon âme, fil à fil, corde à corde, trame à trame, aiguille à aiguille. Dans son coeur Tahirih a erré et elle n'a vu que Toi, en chaque page, en chaque profondeur, en chaque voile, en chaque pli".

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