La
communauté mondiale baha'ie et son action
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4. Nouvel ordre mondial
4.1.
Introduction
Pour les baha'is, l'expression, "nouvel ordre mondial" a une signification particulière
bien précise. Il y a plus de cent ans Baha'u'llah l'a évoqué pour définir une
série de changements importants dans la vie politique, sociale, et religieuse
du monde. "Les signes de bouleversements et de chaos imminents sont aujourd'hui
visibles, étant donné que l'ordre présent paraît lamentablement défaillant",
a-t-il écrit. "Le jour approche où l'actuel ordre des choses sera renversé et
un nouvel ordre se dressera à la place." Les baha'is pensent que les changements
et les bouleversements fantastiques de ce dernier siècle - et que nous continuons
d'observer - ont été provoqués par la venue d'un nouveau Messager de Dieu et
éclairés par la lumière d'une nouvelle Révélation. On pourrait considérer cette
affirmation comme un raccourci audacieux né d'une croyance aveugle. Et pourtant,
si Dieu existe et si Son représentant est venu sur terre il y a un siècle, les
conséquences devraient effectivement se faire sentir bien au-delà de l'horizon
de Sa présence immédiate.
Ainsi, pour les baha'is, le concept d'un nouvel ordre mondial signifie un peu
plus qu'une simple réorganisation politique, la proclamation visionnaire de
quelques dirigeants du monde ou la construction rationnelle de quelques universitaires.
Il s'agit plutôt d'un "étonnant système" esquissé par Baha'u'llah qui représente
l'application intégrale de ses principes et de ses enseignements. Le nouvel
ordre mondial, comme la Foi baha'ie elle-même, couvre toutes les activités humaines,
depuis le domaine social et politique jusqu'aux relations quotidiennes qui marquent
notre vie personnelle, culturelle, spirituelle, économique et sociale. C'est
une réorganisation externe et interne. Cette vision grandiose est à la fois
ce à quoi les baha'is travaillent et ce qu'ils considèrent comme imminent. Elle
est, par essence, l'accomplissement de la vision d'Isaïe dans la Bible, le temps
où les nations "changeront leurs épées en charrues et leurs lances en serpettes...,
et n'apprendront plus à se faire la guerre". C'est le sens de la prière des
Chrétiens qui, depuis des siècles récitent le Notre père attestant la venue
du Règne de Dieu : "Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel."
La promesse islamique de voir la lumière de la justice de Dieu se répandre un
jour sur la terre tout entière "où tu ne verras ni gouffres, ni aspérités" vise
le même objectif. On aperçoit aujourd'hui les germes de cette transition dans
les changements et les bouleversements qui annoncent ce nouvel ordre mondial
; l'émergence de cet ordre est visible de mille façons: la lutte séculaire pour
l'égalité des hommes et des femmes, pour le renforcement de la justice économique
et l'élimination des différences habituelles de richesse et de classe et enfin
pour l'interdépendance mondiale. Baha'u'llah a prévu toutes ces tendances. Il
a parlé de l'imminente transformation de l'humanité et promulgué un ensemble
de principes et de règlements destinés à promouvoir le progrès social au cours
de cette ère nouvelle. Le nouvel ordre mondial ne peut se construire que sur
la compréhension profonde de la réalité spirituelle de l'humanité - réalité
qui est l'essence même de notre nature. C'est le monde spirituel qui est la
source des qualités humaines qui engendrent l'unité et l'harmonie, nous donnent
notre capacité d'intuition et de compréhension et nous permettent de mener à
bien des entreprises de coopération.
Il est peut-être plus facile de comprendre l'interaction entre les qualités
spirituelles et le développement social en rappelant comment les précédents
grands maîtres religieux ont guidé l'humanité dans le passé. Le code moral des
Dix commandements trouvant son expression dans presque toutes les traditions
religieuses, sert d'exemple à ces enseignements religieux en même temps que
d'orientation morale et d'invitation à l'accomplissement spirituel. Ils ont
imprégné la conscience humaine et partout restructuré les cultures. Même pour
un non-croyant, la valeur de ces enseignements est évidente. Dans le passé,
ces enseignements spirituels ont essentiellement porté sur les actions individuelles
- ou sur la cohésion de groupes relativement restreints d'individus. De même
la morale visait essentiellement le comportement de l'individu / Tu ne voleras
pas ; tu ne mentiras pas ; tu aimeras ton prochain.
Aujourd'hui, nous comprenons que la spiritualité doit englober non seulement
la vie privée et en groupe mais aussi le progrès collectif de l'humanité dans
son ensemble. En fait, ce n'est que parce que la race humaine est enfin arrivée
à sa majorité que les prophéties mythiques d'une ère de paix et de justice peuvent
s'accomplir.
La message essentiel de Baha'u'llah est un appel à l'unité qui s'adresse au
monde entier : "Que votre vision englobe le monde au lieu de se confiner à vous-mêmes."
Un siècle après sa mort, cet appel commence à se faire entendre dans une communauté
qui représente un microcosme de la race humaine et qui est établie dans tous
les coins du globe.
(Les Baha'is, pp. 73-74, 77)
4.2. Point de vue baha'i
4.2.1. LE RÔLE DE L'INDIVIDU
A la base des enseignements de Baha'u'llah on trouve sa vision de la nature
et du rôle de l'individu. La nature humaine comporte essentiellement deux dimensions.
Celle de l'être physique d'une part, composé d'instincts de survie et d'un besoin
d'acquérir ce qui est nécessaire à la vie. De l'autre, celle qui, par ses qualités,
différencie la race humaine de toutes les autres formes de vie et qu'on peut
appeler l'esprit humain qui sait transcender "ici et maintenant" et s'exprime
par sa préoccupation pour le bien-être collectif et par le besoin de trouver
un sens à la vie qui dépasse l'existence physique. Le rôle de l'individu est
de développer cette dimension noble et de participer ainsi collectivement à
"l'avancement d'une civilisation toujours en progrès".
Ce principe implique principalement une attitude face au travail qui, s'il est
effectué dans un esprit de service est élevé au rang de prière. Sans cette attitude,
le travail devient une corvée, une fonction utilitaire, un simple moyen de gagner
sa vie, d'acquérir des possessions ou le pouvoir. Ce qui donne un sens au travail
c'est l'esprit de service à l'humanité, symbolisé sur le lieu de travail par
le "consommateur", qu'il soit interne ou externe. Cette vision positive du consommateur
crée dévouement et créativité. Cette attitude permet aussi d'apprécier à sa
juste valeur le rôle social de l'artisan et de l'ouvrier. Elle permet enfin
de reconnaître que chaque membre d'une équipe contribue d'une manière importante
à l'ensemble. Encourager une telle attitude est au centre des pratiques de management
telle que le renforcement positif, la répartition du pouvoir, les équipes autonomes
et l'enrichissement du poste de travail.
Cette attitude noble donne de la dignité à l'entreprise, libère le désir pour
une action de qualité et motive la recherche de l'excellence.
a) Création de richesses
S'il est évident que la création de plus de richesses est la fondation de toute
l'amélioration du bien-être matériel de la société, il est important néanmoins
de distinguer entre la création de vraies richesses et une simple accumulation
(de ces richesses). La première se produit lorsqu'une entreprise crée un nouveau
produit ou un service pour le bénéfice des membres de la société, parce qu'il
satisfait un besoin, qu'il crée du travail ou qu'il développe une activité économique.
La seconde n'est pas nécessairement le fruit d'une vraie production mais il
peut n'être que le résultat d'une manipulation financière qui distribue la richesse
à ceux qui sont déjà riches.
Les écrits baha'is ne condamnent pas la richesse personnelle. Au contraire,
ils soulignent la nécessité d'être récompensé selon ses efforts et son mérite
: les êtres humains sont amenés à "gagner leur vie par un métier". Mais les
excès de richesse et de pauvreté sont condamnés comme symptômes d'injustice
sociale. L'humanité est appelée à "être généreuse dans la prospérité", c'est-à-dire
que par l'utilisation même de la richesse, par son partage volontaire et par
la manière de la dépenser notre nature noble peut réussir son développement
humain. Donc loin de condamner le processus de création de richesses, les écrits
baha'is le considèrent comme le moyen d'éliminer la pauvreté et d'assurer le
bien-être des plus démunis de la société, d'encourager les arts et les sciences.
Ainsi, la civilisation peut progresser et une société équitable s'établir. La
motivation par le profit ne doit donc pas être supprimée mais encadrée par des
valeurs morales.
b) Le partage des bénéfices
Que ceux qui travaillent pour le succès d'une organisation participent, dans
une certaine mesure, aux profits générés par leurs efforts, est un autre principe
baha'i. Au-delà d'une justice évidente, le partage des bénéfices engendre un
sentiment de loyauté et d'appartenance qui contribue au plus grand bien des
entreprises qui sont engagées dans cette voie, ainsi que la pratique l'a déjà
amplement démontré.
En se généralisant, le partage des bénéfices aura l'effet subsidiaire de réduire
la tension entre le patronat et les employés, ce qui conduira à réduire les
conflits et les grèves. Distribuer les fruits d'une entreprise à tous ceux qui
y sont impliquée crée l'harmonie, la satisfaction et la compréhension. En conjonction
avec les principes de la "consultation", le partage des bénéfices provoquerait
une amélioration très importante des relations humaines dans l'industrie.
(Valeurs nouvelles pour une économie mondiale, pp. 5-7)
4.2.2. VERS UNE TRANSFORMATION GLOBALE DE L'HUMANITÉ
A la veille du troisième millénaire, le genre humain se voit confronté à l'impérieuse
nécessité de trouver une approche cohérente et harmonieuse de la nature de l'homme
et de la société. Dans son empressement à répondre à cette exigence, notre monde
a été ébranlé, depuis un siècle, par une succession de bouleversements idéologiques
qui semblent maintenant s'essouffler.
La passion investie dans cette recherche acharnée témoigne, malgré ses résultats
décevants, de l'intensité de l'aspiration. Mais sans une certitude partagée
quant au sens et à la finalité de l'histoire des hommes, on ne peut espérer
jeter les bases d'une société mondiale dans laquelle chaque être humain pourrait
pleinement s'engager.
Telle est, selon les baha'is, la vision développée dans les Écrits de Baha'u'llah,
qui exercent une influence décisive sur la physionomie des communautés baha'ies
et leur développement futur.
Baha'u'llah naquit en Perse, au sein d'une famille noble, le 12 novembre 1817.
Jeune homme, il choisit d'abandonner une vie fortunée et privilégiée afin d'accomplir
sa mission, celle d'apporter au monde une nouvelle révélation religieuse -mission
comparable à l'oeuvre de Bouddha, du Christ, de Mohammad et des autres fondateurs
de systèmes religieux indépendants.
Dans le corps de ses Écrits, révélés au cours d'exils successifs qui ont duré
quarante ans, Baha'u'llah appela à une restructuration complète de l'ordre social
du monde, touchant tous les aspects de la vie, de la moralité individuelle à
l'économie et au gouvernement, du développement communautaire à la pratique
religieuse.
Dans ses Écrits, Baha'u'llah stipule que l'humanité est une seule et même race
et que le jour est maintenant venu de son unification en une société globale.
Par un processus historique irrésistible représentant l'expression de la volonté
divine, les barrières traditionnelles de race, de croyance, de classe, de foi
et de nation, sont en train de s'écrouler. Ces forces, dit Baha'u'llah, donneront
naissance à une nouvelle civilisation universelle. Actuellement, le défi principal
pour les peuples de la terre est d'accepter le fait de leur unicité et d'oeuvrer
à la création d'une civilisation mondiale unifiée.
Baha'u'llah exposa certains principes fondamentaux sur lesquels devrait reposer
une telle civilisation. Ces principes, dont plusieurs ont été esquissés dans
ces pages, comprennent notamment l'élimination de toutes les formes de préjugé
; l'égalité totale entre les hommes et les femmes ; la reconnaissance de l'unité
fondamentale des grandes religions du monde ; la suppression des extrêmes de
pauvreté et de richesse ; l'éducation universelle ; des normes élevées de comportement
moral ; l'harmonie entre la science et la religion ; un équilibre durable entre
la nature et la technologie ; enfin, l'établissement d'un système fédéral mondial
basé sur la sécurité collective et sur l'unité de l'humanité.
Ce qui est peut-être le plus extraordinaire dans la vision de Baha'u'llah c'est
qu'elle prédit si exactement les problèmes cruciaux auxquels l'humanité est
confrontée aujourd'hui. Les principes énumérés plus haut, couvrant ce qui est
lié au rôle des femmes, les relations interraciales, la justice en matière d'économie,
la préservation de l'environnement et l'ordre mondial, ont été à l'ordre du
jour des évènements sociaux et politiques des cents dernières années et ont
inspiré les mouvements les plus dynamiques de ce siècle. Ces principes continuent
de demeurer les questions les plus urgentes auxquelles le monde doit faire face.
Aucun futurologue, visionnaire ou prophète n'a jamais prédit avec autant de
précision les situations critiques du futur. Un siècle après leur révélation
par Baha'u'llah, les problèmes soulevés n'ont rien perdu de leur pertinence,
ils s'imposent toujours davantage à l'attention des hommes et ce sont eux qui
domineront notre vie collective dans les prochaines décennies.
La vision nouvelle exposée par Baha'u'llah quant à la nature de l'homme et à
la société constitue, plus encore que son programme social, un réel défi. En
effet, même si l'humanité a commencé à adopter, d'elle-même, les principes sociaux
préconisés par Baha'u'llah, elle demeure dans l'incertitude quant à l'évolution
générale de la civilisation.
Malgré les grandes promesses de la science et de la technologie, malgré les
éclairages apportés par les théories psychologiques et sociologiques contemporaines
et, plus spécialement peut-être, malgré les grands mouvements sociaux et politiques
et les idéologies des cents dernières années, il est de plus en plus évident
que, toutes seules, ces nouvelles formes de connaissance ne suffiront pas à
redresser le destin déclinant de la grande masse de l'humanité ni à étancher
la soif individuelle pour une explication du sens de la vie alors que les anciennes
traditions sont écartées.
L'élément manquant, explique Baha'u'llah, est que ces tendances modernes ne
sont pas reliées aux éléments les plus profonds de la nature humaine -d'éléments
qui sont intrinsèquement d'ordre spirituel. En ignorant sciemment des aspects
essentiels de la réalité de l'homme, la plupart des efforts actuels en matière
sociale n'ont pas su puiser dans la force inspiratrice de l'esprit humain. Il
en est résulté une décadence morale et un épuisement des motivations.
Dans son analyse de l'histoire, Baha'u'llah compare l'évolution de l'humanité
dans son ensemble au développement de l'individu. L'avènement de l'époque moderne
représente le passage de l'humanité de l'adolescence à la maturité. Les signes
extérieurs de cette transition sont ceux de l'émergence d'une société globale
interdépendante. Le signe intérieur, non encore évident, est l'émergence d'une
conscience de l'unité de la race humaine. Cette unité intrinsèque se reflétera
dans le rejet progressif des idéologies matérialistes qui ont freiné l'esprit
humain.
Pour la première fois dans l'histoire, l'humanité entière est consciente, fût-ce
vaguement, de sa propre unité et admet progressivement que la terre n'est qu'une
seule patrie. Les communications modernes sont devenues le système nerveux de
ce que l'on a appelé "le cerveau global". Cette prise de conscience ouvre la
voie à une nouvelle relation entre le Créateur et le genre humain, relation
qui fut esquissée il y a un siècle par Baha'u'llah.
"Celui qui est votre Seigneur, le Très-Miséricordieux, nourrit en son coeur le
désir de contempler la race humaine tout entière telle une seule et même âme,
tel un seul et même corps", écrit Baha'u'llah. "Les hommes ont tous été créés
pour faire évoluer une civilisation en progrès constant."
La compréhension de cette relation peut conduire à une autorité morale que les
efforts humains ont été incapables de produire et qui, à son tour, peut créer
la force motrice sous-jacente propre à la transformation globale attendue, depuis
si longtemps, par la majorité de l'humanité.
(One Country n°11, pp.2-3)
4.2.3. UNITÉ DANS LA DIVERSITÉ
L'optimisme que les baha'is ressentent face à l'avenir de l'humanité vient d'au
moins trois sources : l'inspiration religieuse, l'analyse historique et l'expérience
pratique.
La première source d'optimisme est basée sur les paroles de Baha'u'llah, Figure
prophétique du XIXème siècle. Il y a plus de 100 ans il avait prévu que le monde
allait traverser une longue période de troubles et de changements, à la suite
de laquelle il allait atteindre des hauteurs insoupçonnées de paix, de prospérité
et d'accomplissement.
"Que toutes les nations deviennent une dans la foi et que tous les hommes soient
frères ; que les liens d'affection et d'unité entre les enfants des hommes soient
fortifiés ; que la diversité des religions cesse et que les différences entre
les races soient annulées, quel mal y a-t-il en cela?" a demandé Baha'u'llah
à l'orientaliste britannique Edward G. Browne en 1890. "Cela sera malgré tout
; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront et la Paix Suprême viendra."
La deuxième source d'espoir se trouve dans l'analyse historique d'une tendance
subtile mais durable de ce siècle : un mouvement progressif vers des niveaux
plus élevés d'unité et d'interdépendance. La réalité de cette tendance peut
être observée dans beaucoup de domaines, tels que les rapports étroits des marchés
économiques mondiaux ; la prolifération des systèmes de communication de part
le monde ; l'acceptation constante des nouvelles idées universelles telles que
les droits de l'homme ; l'instruction et le droit de vote pour tous ; l'acceptation
progressive du fait que des problèmes sociaux mondiaux tels que la pauvreté,
la violence et la dégradation de l'environnement ne peuvent pas être traités
s'ils sont isolés les uns des autres.
La troisième source d'optimisme se trouve dans l'expérience qu'ont les baha'is
à fonder des communautés dont tous les membres sont unis et où ils vivent en
harmonie. M. Krishna Naidoo, président du Conseil national des baha'is de l'Afrique
du Sud explique : "Notre façon de concevoir l'unité et la diversité est différente
des autres. Cette différence se trouve dans la façon dont les baha'is comprennent
la nature de l'existence humaine. Pour nous, chaque être humain a été créé à
l'image de Dieu. Et dans l'être humain à l'état latent se trouve la possibilité
de manifester et refléter les qualités et les attributs de Dieu.
"Ainsi nous considérons tous les êtres humains comme étant une création de Dieu,
et le respect que nous avons les uns pour les autres est basé sur le fait que
nous nous voyons comme des miroirs d'une réalité plus élevée."
"Notre grand espoir est que la société sud-africaine évoluera au point où ses
peuples commenceront à vivre ensemble comme êtres humains, plutôt que comme
noirs et blancs, ou bruns et jaunes."
"Et nous croyons que nos communautés, bien que peu nombreuses, offrent une nouvelle
vision de l'unité", a dit M. Naidoo. "Si quelqu'un voudrait voir par lui-même
ce qu'il faudrait faire pour avoir l'unité, nous sommes ici."
L'expérience des baha'is de l'Afrique du Sud est loin d'être unique. Partout
dans le monde les communautés baha'ies sont invariablement aussi diverses.
Les baha'is sont heureux d'avoir une telle diversité. Ils croient que, selon
les principes fondamentaux de Baha'u'llah, elle pourrait être source d'idées
nouvelles, de possibilités nouvelles, et d'évolution humaine. Et cela va dans
le sens de l'histoire.
(One Country n°18, pp.2-3)
4.2.4. VERS UNE RESTRUCTURATION DE LA VIE COLLECTIVE
DE LA PLANÈTE
Avec une rapidité que seules nos communications modernes peuvent engendrer,
l'expression "nouvel ordre mondial" est brusquement entrée dans le langage courant
universel.
Dirigeants, journalistes et universitaires ont adopté cette expression et, bien
que son sens reste encore à définir clairement, elle se trouve au coeur de tout
débat sur la façon d'organiser la prochaine étape de notre vie politique collective.
Le besoin d'un tel débat est clair. A travers les changements en Europe de l'Est,
l'agitation en Union soviétique, la crise au Moyen-Orient et, ailleurs, les
luttes et les réformes de grande envergure, il devient évident que le "vieil
ordre mondial" est en train de s'émietter.
Pour les baha'is, le terme "nouvel ordre mondial" a un sens particulier, net
et précis. Il y a plus de cent ans Baha'u'llah, prophète fondateur de la Foi
baha'ie, utilisait ce terme pour décrire une série à venir de changements et
de développements considérables dans la vie politique, sociale et religieuse
du monde. Ces changements, a-t-Il dit, transformeront finalement le monde en
une fédération globale, unie et pacifique.
"Les signes de désordres et de convulsions imminents sont dès maintenant discernables
d'autant mieux que l'ordre de choses en vigueur se révèle lamentablement défectueux",
écrit Baha'u'llah.
"Bientôt le présent ordre de choses sera révolu et un nouveau le remplacera."
Le "nouvel ordre mondial" dont Baha'u'llah avait la vision s'appuiera sur la
sécurité collective des nations comme moyen essentiel pour établir la paix mondiale.
Plus qu'une prescription pour la réorganisation politique du monde, la vision
de Baha'u'llah embrasse, à vrai dire, l'ensemble de tous les besoins sociaux,
économiques et spirituels de l'humanité. Sa base, dit-Il, sera établie sur les
principes de l'unité et de la justice.
En 1936, cette vision fut résumée par Shoghi Effendi qui a dirigé la communauté
baha'ie de 1921 à 1957 et préparé les fondations pour l'élection du Conseil
international désigné par Baha'u'llah, conseil qui guide maintenant le monde
baha'i. Son exposé de la vision de Baha'u'llah devient tout à fait à propos
maintenant que s'ouvre la discussion sur la forme que doit prendre ce nouvel
ordre mondial.
"L'unité de la race humaine, telle que la conçoit Baha'u'llah, implique l'établissement
d'une communauté universelle où nations, races, classes et croyances seront
étroitement et définitivement unies, où l'autorité des dirigeants et la liberté
personnelle, ainsi que l'initiative des individus qui la composent seront complètement
et pour toujours sauvegardées.
Cette communauté, pour autant que nous puissions l'imaginer, comportera une
législature universelle dont les membres, en tant que représentants de la race
humaine, auront le contrôle suprême de toutes les ressources des nations qui
la composeront, et édictera les lois nécessaires pour régler la vie, satisfaire
les besoins et harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les
races. Un pouvoir exécutif universel, s'appuyant sur une force internationale
veillera à l'exécution des décisions arrêtées par le corps législatif mondial,
à l'application des lois qu'il aura votées et à la sauvegarde de l'unité de
l'État mondial. Un Tribunal universel se prononcera en dernier ressort dans
tous les conflits et disputes qui pourront s'élever entre les membres de ce
système universel..."
Shoghi Effendi écrit que ce nouvel ordre mondial implique la création d'un "mécanisme
d'intercommunication mondiale" et, également, l'adoption d'une langue internationale,
d'une monnaie internationale et d'un système international de poids et mesures
pour "simplifier et faciliter les relations entre les peuples et les races de
l'humanité".
Et Shoghi Effendi ajoute : "Dans cette société, les deux grandes puissances
de la vie humaine, la religion et la science, seront réconciliées, elles coopéreront
et se développeront dans l'harmonie. La presse, tout en donnant libre champ
à l'expression des vues et convictions diversifiées du genre humain, cessera
d'être vendue à des intérêts privés ou publics et sera libérée de l'influence
des gouvernements et des peuples en conflit.
Les ressources économiques du monde seront organisées, toutes les sources de
matières premières seront exploitées à plein rendement, tous les marchés coordonnés
et développés, et la distribution des produits équitablement réglée." La vision
baha'ie d'un nouvel ordre mondial implique la fin des préjugés et un engagement
ferme dans la voie de la justice économique. Voici la description qu'en donne
Shoghi Effendi :
"Rivalités, haines et intrigues cesseront entre les nations. Animosité et préjugés
raciaux feront place à l'amitié raciale, à la compréhension réciproque et à
la coopération. Les causes de luttes religieuses seront à jamais écartées, les
barrières et restrictions économiques abolies, et l'anormale disparité entre
les classes disparaîtra complètement. La suppression de la propriété cessera
d'être envisagée en même temps que cessera l'accumulation de la richesse entre
un petit nombre de mains.
Les immenses énergies qu'actuellement absorbe et gaspille la guerre économique
ou politique, seront consacrées à étendre la portée des inventions humaines
et du développement de la technique industrielle, à accroître la productivité
du genre humain, à exterminer la maladie, à pousser plus avant les recherches
scientifiques, à améliorer la santé physique de la race, à rendre le cerveau
humain plus aigu et plus subtil, à exploiter les ressources de la planète jusque-là
inemployées et insoupçonnées, à prolonger la vie humaine et à développer tout
autre moyen propre à stimuler la vie intellectuelle, morale et spirituelle de
la race humaine tout entière."
Dans les écrits baha'is, cette vision n'est pas seulement esquissée comme un
espoir ou un appel, elle est plutôt considérée en termes de processus historique
inévitable, comme faisant partie d'un plan divin.
Quelle que soit l'issue des conflits et des révolutions qui font rage à travers
le monde, les baha'is pensent que l'humanité créera finalement un nouvel ordre
mondial comme celui décrit par Baha'u'llah. Avec chaque jour qui passe, se révèle
plus évident le fait qu'il n'existe pas d'autre choix.
(One Country n°8, pp. 2-3)
4.2.5. UNE COMMUNAUTÉ UNIVERSELLE
Dans le monde de l'entreprise, un monde en réduction et une économie mondiale
ne sont plus de simples idées. Nul ne peut travailler aujourd'hui isolément.
Les nations devenant de plus en plus interdépendantes, le destin des unes ayant
de plus en plus d'effets sur les autres, le sentiment d'appartenir à une communauté
mondiale augmente et, pour les nouvelles nations qui émergent des anciens systèmes
dominants et centralisés, le besoin d'appartenir à une communauté mondiale cohésive
est encore plus urgent.
Un nouvel ordre international devient une nécessité impérative. Son émergence
doit permettre d'étudier avant tout les disparités économiques actuelles pour
décider de la manière dont les ressources du monde devraient être organisées,
ses sources de matières premières prises en charge et utilisées afin d'en permettre
un renouvellement, ses marchés développés et la redistribution de ses produits
supervisée.
Les écrits baha'is offrent la vision d'un nouvel ordre mondial, pierre angulaire
de ce que doit être la reconnaissance universelle de l'unité du genre humain.
La création d'une fédération mondiale et la nécessité de créer les institutions
internationales soutenant cette fédération y sont aussi mentionnées. Elle conduiront
à l'émergence d'une :
".... Communauté universelle dans laquelle les barrières économiques auront
été à jamais supprimées, et la dépendance réciproque du capital et du travail
explicitement reconnue ; dans laquelle la clameur et les luttes du fanatisme
religieux auront été calmées pour toujours ; dans laquelle la flamme de l'animosité
raciale aura été radicalement éteinte ; dans laquelle un seul code de droit
international - issu du jugement réfléchi des représentants fédérés du monde
- disposera pour ses sanctions de l'immédiate intervention coercitive des forces
conjuguées des unités fédérées ; et finalement, une communauté internationale
dans laquelle l'impétuosité capricieuse d'un nationalisme militant aura été
convertie en une conscience durable du droit de citoyenneté mondiale - tel,
en vérité, nous apparaît dans ses plus grandes lignes l'Ordre mondial prévu
par Baha'u'llah, Ordre qui en viendra à être regardé comme le fruit le plus
beau d'un âge mûrissant lentement."
(Valeurs nouvelles pour une économie mondiale, pp.11-12)
4.2.6. CITOYENNETÉ MONDIALE
La communauté mondiale est parvenue à un accord élémentaire sur la nécessité
d'une éthique universelle. Nous suggérons d'adopter le terme de citoyenneté
mondiale pour englober la constellation de principes, de valeurs, d'attitudes
et de comportements que les peuples du monde doivent embrasser afin que puisse
se réaliser le développement durable.
La citoyenneté mondiale commence par l'acceptation de l'unité de la famille
humaine et du fait que les nations de la "Terre, foyer de l'humanité" sont toutes
liées entre elles. D'une part, ce concept encourage un patriotisme sensé et
légitime, et d'autre part il insiste aussi sur une loyauté à plus grande échelle,
sur l'amour de l'humanité dans son ensemble. Cependant, il n'implique pas l'abandon
de loyautés légitimes, la suppression de la diversité culturelle, l'abolition
de l'autonomie nationale ni l'imposition de l'uniformité. Son emblème est "l'unité
dans la diversité."
La citoyenneté mondiale englobe les principes de justice sociale et économique,
aussi bien au sein-même des nations qu'entre elles; de prise de décisions sans
polarisation à tous les niveaux de la société; d'égalité des sexes; d'harmonie
raciale, ethnique, nationale et religieuse; ainsi que la volonté de se sacrifier
pour le bien commun. D'autres facettes de la citoyenneté mondiale, qui, toutes,
encouragent l'honneur et la dignité humaine, la compréhension, l'amitié, la
coopération, la confiance, la compassion et un désir de servir, peuvent être
déduites de celles qui ont déjà été mentionnées.
La promotion de la citoyenneté mondiale est un moyen stratégique pratique pour
faire avancer le développement durable. C'est uniquement sur la base d'une unité
authentique, de l'harmonie et de la compréhension entre les divers peuples et
nations du monde que peut être érigée une société universelle durable.
Nous recommandons, par conséquent, que la citoyenneté mondiale soit enseignée
dans toutes les écoles et que l'unité de l'humanité, principe sous-jacent de
la citoyenneté mondiale, soit constamment réaffirmée dans toutes les nations.
Ce concept n'est pas nouveau pour la communauté mondiale. Il est à la fois implicite
et explicite dans de nombreux documents, chartes et accords des Nations unies,
y compris dans les premiers mots de la Charte des Nations unies elle-même :
"Nous, Peuples des Nations Unies..." Ce concept est déjà diffusé à travers le
monde, dans toutes les cultures, par diverses ONG, des universitaires, des groupements
de citoyens, des personnalités du monde des spectacles, des programmes d'éducation,
des artistes et les médias. Ces efforts sont importants mais doivent être multipliés.
Il est nécessaire d'organiser une campagne à long terme soigneusement planifiée
et orchestrée pour promouvoir la citoyenneté mondiale, une campagne qui comprenne
tous les secteurs de la société aux niveaux local, national et international.
La citoyenneté mondiale est un concept aussi dynamique et plein de défis que
le sont les événements auxquels se confronte la communauté mondiale. Il serait
sage que nous, les peuples et nations du monde, adoptions ses principes sous-jacents
et soyons guidés par ceux-ci dans tous les aspects de notre vie - de nos relations
interpersonnelles et intercommunautaires à nos affaires nationales et internationales
; de nos écoles, lieux de travail et médias à nos institutions juridiques, sociales
et politiques.
En tant que communauté mondiale comprenant l'humanité dans toute sa diversité
et partageant une vision commune du monde, la Communauté internationale baha'ie
continuera à promouvoir le développement durable en encourageant les hommes
à se considérer comme les citoyens d'un monde unique, comme les constructeurs
d'une civilisation mondiale juste et prospère.
(Citoyenneté Mondiale, pp.2-3, 8)
4.3. Actions baha'ies
4.3.1. "PREMIER DIALOGUE INTERNATIONAL SUR LA TRANSITION VERS UNE SOCIETÉ
GLOBALE" - WIENACHT, Suisse
Plus d'une centaine d'éminents universitaires, scientifiques, cadres et futurologues
se sont réunis à Wienacht en Suisse, en septembre 1990, à l'occasion d'une conférence
de cinq jours sur la tendance planétaire à l'intégration globale.
Intitulée "Premier dialogue international sur la transition vers une société
globale", la conférence s'est concentrée sur la meilleure façon pour l'humanité
de gérer les changements aux multiples facettes résultant de la croissance rapide
de l'interdépendance mondiale.
La réunion s'est tenue au Centre de conférences de l'Académie de Landegg, institut
international pédagogique qui fonctionne sous l'égide de la communauté baha'ie
suisse. Au départ, on émit l'hypothèse selon laquelle le globalisme serait inexorable.
Cela fut examiné en termes de culture, de science et de technologie, de gouvernement,
de gestion privée, d'éthique et de valeurs, au cours de sessions plénières et
d'ateliers.
"Ce Premier dialogue international a été une tentative visant à rassembler divers
spécialistes dans un effort pour développer une synthèse entre différents courants
d'idées et une vision cohérente destinée à préparer l'humanité à la transition
vers une société globale, transition à laquelle toute l'humanité fait face actuellement"
devait dire M. Iraj Ayman, un des organisateurs du Dialogue, alors directeur
de l'Institut de Landegg pour l'éducation et le développement international."
"Le rythme accéléré du changement dans l'arène politique, sociale, technologique,
économique, culturelle et spirituelle des affaires humaines tant en Europe que
sur les autres continents, lance des défis et crée des opportunités sans précédent
pour les décideurs du monde actuel" ajouta M. Ayman. Les points de vue exprimés
furent aussi divers que les participants parmi lesquels figuraient Federico
Mayor, Directeur général de l'UNESCO, Karan Singh, ancien Ambassadeur de l'Inde
aux États-Unis, Bertrand Schneider, Secrétaire Général du Club de Rome et Ilya
Prigogine, Prix Nobel de Chimie.
Pendant la conférence qui s'est tenue du 3 au 9 septembre 1990, trente quatre
documents ou exposés furent présentés sur les différents aspects de la transition
globale, suivis de riches discussions et d'échanges de vues animés.
Les idées émises étaient extrêmement diverses, pourtant un net consensus se
dégagea autour de l'idée que la société humaine est bien en passe de devenir
plus globale dans tous ses aspects.
(One Country n°7, p. 4)
4.3.2. PROGRAMME D'ÉTUDES SUR L'ORDRE MONDIAL -
WIENACHT, Suisse
Plus de 300 personnes ont assisté aux cérémonies de remise de diplômes à la
promotion d'étudiants de l'Académie de Landegg pour les études sur l'Ordre mondial
et notamment comme invitée d'honneur, Mme Ruhiyyih Rabbani, figure éminente
de la Foi baha'ie.
Ce programme de 3 ans qui combine 11 mois d'études par an dans les pays respectifs
des étudiants et des cours intensifs d'été à l'Académie même, prépare les étudiants
à servir l'humanité dans une société devenue globale.
" Notre but est de créer une communauté de chercheurs qui ont échangé les valeurs
égocentriques du monde, telles que nous les connaissons, contre un système de
valeurs centré sur la vertu, conformément aux préceptes de Baha'u'llah", dit
Pr. Suheil Bushrui, directeur du programme et professeur à l'université de Maryland
aux États-Unis. "Dans ce type de système, la compétition est remplacée par la
coopération, l'arrogance par l'humilité et la recherche du succès personnel
par le service désintéressé."
" Après ces cycles de programme d'Études sur l'Ordre mondial j'ai appris que
je savais très peu sur les sujets que je croyais connaître ", dit l'un des diplômés,
M. Rebbi Teclemariam, ingénieur- consultant à Paris. " Ce qui m'a permis d'accorder,
dans ma vie, beaucoup plus de temps à la lecture et à l'étude... d'ailleurs
je continuerai toujours à apprendre, je ne m'arrêterai plus. J'ai appris que
la vie est une éternelle école, mais il faut avant de se remplir, se libérer,
et se détacher de tout savoir ", affirme-t-il.
Ce programme de trois ans entrepris en coopération avec l'université de Maryland
aux États-Unis, a été accepté comme une des unités de valeurs des programmes
de maîtrise dans un certain nombre d'universités. Il met l'accent sur l'héritage
commun de l'humanité et le rôle de la spiritualité dans la vie quotidienne des
hommes aujourd'hui.
" Le programme pour les Études sur l'Ordre mondial est le symbole de Landegg
", conclut M. Ayman, alors directeur de l'Institut de Landegg. " Nous pensons
pouvoir former des citoyens ayant une conscience mondiale et un seul objectif
dans la vie : celui de laisser le monde en meilleur état qu'ils ne l'ont trouvé.
"
(One Country n°12, pp.8-9)