Le mariage est souvent malmené dans nos sociétés actuelles et les valeurs qui
y président subissent quelquefois railleries ou dérisions, sa fondation se fait
trop souvent uniquement sur le sentiment amoureux. Quand le désamour survient,
le couple est démuni et conventionnellement se sépare, au mieux à l'amiable.
Du point de vue baha'i, le mariage
constitue le fondement même de l'unité.
Si le divorce est autorisé, il demeure le recours extrême pour les couples profondément
touchés dans leur relation. Le terme, lourd de sens, d'aversion est alors utilisé
pour mentionner la raison du divorce.
Dans cette conception, l'année de patience ne doit pas être regardée comme l'antichambre
du divorce, mais comme une période active où tout doit être mis en oeuvre par les
partenaires du couple pour recouvrer l'unité mise en péril par les discordes du
couple conjugal.
Elle doit être demandée à l'institution locale, ou pour les isolés, à l'assemblée
spirituelle nationale qui en fixera le début et la fin. Son issue devra alors
être marquée par une décision.
L'année de patience implique une discipline certaine :
- résidence séparée des conjoints
- abstinence de toute relation sexuelle
- entente dans l'éducation des enfants
- support financier du conjoint démuni
* L'année de patience et les individus
Mentionnée dans les Ecrits baha'is, l'année de patience, instituée pour les couples
mariés en difficulté, contribue, au même titre que tout enseignement de cette
Foi, à la possibilité de croissance spirituelle et de perfectionnement de l'individu.
Elle constitue une plage de temps privilégiée, d'une durée de douze mois où le
croyant est invité institutionnellement à faire le point sur lui-même, sur sa
relation à l'autre dans le couple, sur ce qui fonde la valeur d'une union, sur
la signification spirituelle de l'institution du mariage.
Cette période de réflexion est une bénédiction pour les croyants en difficulté
conjugale. Elle doit s'accompagner d'une grande confiance en Dieu et dans les
institutions baha'ies.
- Elle permet de retrouver l'altérité mise en péril dans le couple en difficulté.
- Elle est active et implique une recherche d'amélioration dans le comportement,
dans la manière de communiquer, dans le contrôle de ses émotions.
- Elle va à contre-courant de ce qui est établi dans la société actuelle du tout,
tout de suite.
- Elle permet une réflexion en dehors d'un temps de crise.
- Elle permet à la personne d'exprimer ses doutes, son malaise, son mal vivre,
ses aspirations.
- Elle n'est pas neutre. L'utopie serait de croire que le couple va se remettre
comme avant. Les cartes sont redistribuées, les partenaires vont évolués, le couple
repartira sur de nouvelles bases.
- Elle nécessite la sincérité, l'honnêteté, le respect de la loi baha'ie, de l'institution,
la confiance en Dieu, en l'autre, en soi, la prise en compte des capacités de
changement, l'effort, la vraie volonté de réussir à restaurer l'unité du couple,
l'abandon des préjugés et des reproches, la droiture, l'humilité, le pardon.
- Elle doit permettre de réactiver l'amour oublié, caché, masqué par le quotidien.
- Elle permet de dire l'indicible, de penser qu'on a pu se tromper, de savoir
pourquoi on a fait fausse route.
- Elle autorise de dire à l'autre que la situation du couple ne peut plus continuer
dans l'état.
- Elle offre le temps nécessaire pour bannir l'angoisse du non-retour, ou de la
décision trop hâtive.
- Elle permet au couple un détachement temporaire, sans le couperet du définitif
qui peut faire peur ou hésiter.
- Elle empêche une séparation trop brutale qui pourrait être accomplie comme une
fuite.
- Elle met chaque partenaire devant ses responsabilités.
- Elle n'autorise pas de partir pour un ou une autre, et permet ainsi un recul
qui pourra, le cas échéant, aider à ne plus retomber dans les mêmes erreurs.
- Elle pose souvent des difficultés d'ordre matériel, logement séparé, soutien
aux charges du ménage pour le mari, organisation dans l'éducation des enfants
; difficultés qui seraient sans doute effectives si le divorce survenait tout
de suite. La vie peut être aménagée progressivement, en tenant compte du bien-être
de chacun.
- Les exigences de l'année de patience sont aussi grandes que celles de la vie
en couple, et de la vie en général. Il ne s'agit en aucun cas de démission par
rapport au mariage, mais d'une recherche de vie, telle que nous y sommes invités
par Baha'u'llah. Elle évite le statu quo du couple qui cohabite sans amour. Elle
oblige à une décision, à un acte volontaire qui laisse le choix de la reprise
de la vie commune ou du divorce.
- Socialement, l'année de patience est une soupape de sécurité pour les couples
en détresse.
Néanmoins, chaque couple aborde l'année de patience différemment, en fonction
de son vécu, de son aspiration, de ses souffrances.
C'est une année où l'individu est fragilisé, a besoin d'être soutenu psychologiquement
et doit, éventuellement, rencontrer des professionnels compétents.
Une année de patience bien effectuée n'est pas indifférente. La personne doit
en sentir le bien fondé et le bienfait. Ce temps donné procèdera à la connaissance
de soi, à la reconstruction d'un affect malmené dans les vicissitudes conjugales.
* L'année de patience et les institutions
Les croyants qui, pour des raisons graves, souhaitent divorcer, doivent en référer
à leur institution locale ou nationale.
Celle-ci doit alors écouter le couple, séparément et en âme et conscience, juger
du bien-fondé de la requête.
Elle rappellera aux conjoints l'importance du mariage
baha'i et le contenu des enseignements relatifs au divorce en s'appuyant sur
les textes (voir notamment la compilation
sur la préservation du mariage baha'i). Elle doit souligner :
- que le divorce est la solution ultime, et que tout doit être tenté pour que
le couple recouvre l'harmonie et l'unité et qu'il doit tout faire pour préserver
les enfants.
- Que les membres du couple doivent vivre séparément pendant un an.
- Qu'ils doivent s'abstenir de toute relation sexuelle.
- Que le mari, dans la plupart des cas, doit participer au soutien matériel de
sa femme et de ses enfants.
Elle a pour devoir de conseiller au couple de rencontrer un professionnel qui
pour les aider à l'ampleur et la portée de leurs problèmes.
Elle assurera le suivi de l'année de patience en proposant des " témoins " à chaque
membre du couple, chargés d'être les interlocuteurs privilégiés, et les garants
du respect du cadre prescrit .
A l'issue de l'année de patience, l'assemblée encouragera le couple à reprendre
la vie commune si cela se révèle possible.
Dans le cas contraire, elle accordera le divorce baha'i, tout en subordonnant
celui-ci au divorce civil et à ses règles.
Le couple sera alors théoriquement autorisé à entreprendre un divorce civil avec,
si possible, une procédure à l'amiable.
Un achoppement fréquent se produit dans nos communautés encore trop petites pour
bien absorber les problèmes de couples.
Un grand détachement, une absolue discrétion et une neutralité effective doivent
être observés par les membres de l'assemblée dans ce cas précis.
Les demandes d'année de patience ne doivent pas troubler le fonctionnement institutionnel
et l'unité doit être préservée. Ces épreuves sont de nature à renforcer la maturité
des assemblées.
* Sélection d'extraits des Ecrits baha'is relatifs à
l'année de patience
"En ce qui concerne le divorce, le Gardien spécifie qu'il est déconseillé, désapprouvé
et contre le bon plaisir de Dieu. L'assemblée doit faire circuler parmi les amis
tout ce que la Plume de 'Abdu'l-Baha a révélé à ce sujet afin qu'ils l'aient toujours
à l'esprit. Le divorce dépend de l'approbation et de la permission de l'assemblée
spirituelle. Dans de telles affaires, les membres de l'assemblée doivent étudier
et examiner indépendamment et avec soin chaque cas. S'il y a de sérieux motifs
de divorce et si l'on se rend compte que la réconciliation est absolument impossible,
l'antipathie intense et qu'elle ne peut disparaître, alors l'assemblée peut approuver
le divorce." (Shoghi Effendi, extrait d'une lettre datée du 7 juillet 1938, à l'Assemblée
spirituelle nationale d'Iran)
"Shoghi Effendi désire que j'ajoute cette note en rapport avec votre mariage:
il pense qu'aucun croyant, en quelque circonstance que ce soit, ne peut jamais
se servir de la cause ou d'un service qu'il lui rend pour motiver l'abandon de
sa vie conjugale : le divorce, comme vous le savez, est très fortement condamné
par Baha'u'llah et seules des raisons d'une extrême gravité peuvent le justifier." (Shoghi Effendi, extrait d'une lettre datée du 7 avril 1947 écrite de sa part
et adressée à un croyant)
"Il fut vraiment désolé d'apprendre que vous et votre mari ne vivez toujours pas
heureux ensemble. C'est tout le temps une source de tristesse dans la vie lorsque
des personnes mariées n'arrivent pas à bien s'entendre, mais le Gardien estime
que vous et votre mari devriez, en envisageant le divorce, penser à l'avenir de
vos enfants et à la manière dont ce pas important influencera leur vie et leur
bonheur.
"Si vous sentez le besoin de conseils ou d'une consultation, il suggère que vous
vous en référiez à votre assemblée locale; vos confrères baha'is feront sûrement
tout ce qu'ils peuvent pour vous conseiller et vous aider, et protéger vos intérêts
et ceux de la Cause." (Shoghi Effendi, extrait d'une lettre datée du 16 novembre 1945, écrite de
sa part et adressée à un croyant)
"Dans l'Aqdas, le mariage est présenté comme le lien le plus sacré et le plus
fort et les baha'is devraient réaliser que le divorce est considéré comme la dernière
solution. Il doit être évité à tout prix si possible et ne pas être accordé à
la légère." (Shoghi Effendi, extrait d'une lettre datée du 17 octobre 1944, écrite de sa
part et adressée à un croyant)
"O ami étranger,
"La flamme de ton coeur est allumée par la main de mon pouvoir, ne l'éteins pas
aux vents contraires de l'égoïsme et de la passion. Te souvenir de moi, c'est
guérir de tous tes maux, ne l'oublie pas. Fais de mon amour ton trésor et chéris-le
autant que tes propres yeux et que ta vie même." (Baha'u'llah, "Les Paroles cachées", p. 33)