Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

3. L'amour et l'objectivité
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3.1. Objectivité: Quand on aime, on n'est plus un rêveur

Un soir Madame Edison avait persuadé son mari de revêtir son habit et de l'accompagner à une soirée. Ce fut un sacrifice immense pour ce savant plus préoccupé de recherches que de mondanités. Il accepta cependant, mais à peine arrivé d'une heure, il dit à sa femme: "Je n'en puis plus, il faut que je rentre". Il rentra dans son laboratoire et pour être sûr de ne jamais plus connaître pareille torture, il cloua au mur son habit noir qui s'y trouve encore.

Sa femme n'insista plus pour qu'il l'accompagne dans ces soirées. Elle le laissa tranquille, car elle l'aimait tel qu'il était avec son caractère, son tempérament et ses goûts dans la vie, peu importe si cela ne correspondait peut-être pas à l'image qu'elle s'était faite en rêve de son futur mari.

C'est ce qu'on appelle objectivité en amour, c'est-à-dire aimer une personne telle qu'elle est et non pas telle qu'on voudrait qu'elle soit. En matière d'amour, il faut être réaliste, on ne doit pas se faire une image et en chercher le modèle vivant.

Notre vie n'est pas un rêve: ce n'est qu'en rêve que l'image et la réalité ne font qu'un. Quand on aime on n'est plus un rêveur, on a le sens des réalités en toutes circonstances et à l'égard de tout le monde.

L'amour pourrait être comparé à un art et pour apprendre un art, il faut s'y entraîner. Si l'on veut s'entraîner en l'art d'aimer, il faut savoir exercer la capacité d'objectivité envers tous ceux que nous rencontrons et ne jamais réserver cette objectivité à la personne aimée. Si l'on s'entraîne dans l'art de la peinture peut-on s'attacher à un seul paysage? Non! Il en est de même en ce qui concerne l'attitude à prendre à l'égard des êtres qui sont si différents les uns des autres, et à tous les points de vue. En réalité tout être humain est fait de façon très particulière à tous égards, et c'est là-dessus que repose l'individualité. Ces différences nous les connaissons dans les empreintes digitales ou dans cette odeur naturelle assez marquée pour que le chien policier puisse en suivre la trace.

Ayant étudié la question plus profondément, les savants ont constaté que les gens réagissent différemment aux mêmes médicaments, qu'ils diffèrent les uns des autres par tout leur tube digestif, ce à quoi on peut attribuer le fait que tant de personnes aiment des aliments différents et en mangent en quantités différentes. Il en est de même en ce qui concerne nos glandes qui sécrètent des hormones agissant sur notre affectivité, nos instincts, notre activité sexuelle et notre équilibre psychologique. Il n'y a même pas deux cerveaux identiques, comme il n'y a pas deux visages identiques. Et ce qui est remarquable, c'est que ces différences existent dès la naissance (Extrait de " You are extraordinary " de Roger Williams).

La conclusion à laquelle nous arrivons est que tout être humain est UNIQUES (Extrait de " You are extraordinary " de Roger Williams).

Selon les enseignements baha'is, nous devons absolument tenir compte de ces différences dans nos relations avec tout le monde, ainsi que dans nos méthodes d'éducation.

Les relations matrimoniales ne seront-elles pas bien plus agréables si nous tenions compte de ces différences innées? Quelques exemples: l'un gèle dans le salon où l'autre étouffe.

L'un oublie les toutes petites choses, l'autre les retient pour toujours. L'un a le sommeil monophasé comme la poule, l'autre a le sommeil polyphasé comme le chat, c'est-à-dire fait de petits sommes. Puisque nous avons parlé d'Edison, rappelons que c'était son cas et sa femme ne lui a jamais reproché d'être "paresseux" quand il s'endormait souvent dans la journée, pas plus qu'elle ne lui en voulait parce qu'en se réveillant fréquemment au cours de la nuit, il interrompait son sommeil. Le couple s'entendait bien parce que tous les deux s'en tenaient à l'objectivité dans leurs relations.

Indiscutablement, n'étant pas identique à son conjoint, il y a toujours des concessions à faire de part et d'autre pour continuer à s'aimer. Mais l'essentiel c'est de voir avant le mariage jusqu'où ces concessions peuvent aller pour que l'entente règne au sein du foyer familial.

C'est pour cela que selon les enseignements baha'is, il est essentiel qu'on se connaisse avant le mariage, car une fois mariés on ne doit plus chercher à changer de conjoint au point qu'il devienne " copie conforme " à l'image qu'on se faisait de lui avant le mariage.

Mais entendons-nous sur le terme " changer".

On ne change pas ce qui est inné du point de vue de la constitution morale.

Ainsi, par exemple, on ne change pas celui qui par sa nature aime une vie régulière et monotone et il est inutile d'essayer de faire de lui un amateur de risques. Mais en ce qui concerne les mauvaises habitudes, les conjoints doivent s'entraider pour s'en débarrasser. Et là encore il y a des limites qui, une fois qu'elles sont dépassées, permettent le divorce dans la foi baha'i. La fidélité conjugale est l'un de ces cas.

En parlant de l'objectivité, c'est-à-dire le fait d'accepter son partenaire (et d'une manière générale, son prochain) nous éliminons naturellement le cas de telles " habitudes " ! Ce qui importe c'est que l'individualité étant indéniable, l'objectivité reste l'une des exigences de l'amour du prochain. On doit le connaître quant à ses caractéristiques, on doit le comprendre pour arriver à prendre conscience de sa valeur individuelle et ainsi arriver à l'apprécier. C'est de cette façon que les hommes peuvent tirer le meilleur parti de leurs ressources propres et s'unir dans l'entente et l'harmonie. Il en est de même en science où l'hydrogène contribue à la combustion, deux caractéristiques opposées.

Mais ces deux éléments lorsqu'ils se rencontrent et s'unissent donnent de l'eau qui est à la source de la vie.

Unité dans la diversité, voilà le mot d'ordre baha'i. Nous arrivons donc à cette conclusion que les hommes tout en restant différents les uns des autres au point de vue de la richesse morale et matérielle doivent se comprendre et s'unir afin de tirer de cette union le meilleur profit dans l'intérêt de tous.

C'est pour cela que les rencontres régulières, mensuelles et sans classe font partie intégrante de la foi baha'ie. Baha'u'llah dit: "Invitez-vous les uns les autres en offrant ne fût ce que de l'eau".

Aux réunions mensuelles baha'ies on voit des amis d'origine religieuse différente, de nations différentes qui, dans un esprit d'entente et d'harmonie se consultent sur les questions intéressant la vie communautaire en général. Ces rencontres fournissent le meilleur moyen pour qu'on devienne amis les uns et les autres. C'est ce modèle de rencontre que les baha'is recommandent au monde. C'est ce modèle de rencontre qui fait qu'en se séparant et en se disant " Au revoir", on attend le plaisir de se revoir. Alors chers amis

"Au plaisir de vous revoir."

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