Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

4. L'amour et l'amitié
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4.9. Un événement sans précédent dans l'histoire

Ce soir 9 juillet, nous commémorons le martyr du Bab, Précurseur de la foi baha'ie.

A cette occasion nous allons dire quelques mots sur ses enseignements, et plus en détail, sur les circonstances de son martyr.

Ayant la mission de préparer la voie pour la Foi baha'ie, le Bab a dû changer préalablement la façon de penser de ses contemporains en expliquant certaines croyances sous une nouvelle lumière qui n'était pas du tout conforme aux idées à l'époque. C'est ce que nous allons voir en bref.

1 - Selon le Bab la résurrection des morts n est pas corporelle, mais spirituelle, en ce sens qu'avec la naissance de chaque religion, ceux qui y croient commencent une nouvelle vie, par rapport à laquelle leur ancienne vie n'était que la mort.

Remarquons que la Bible et le Qur'an abondent en passages confirmant cette interprétation de la résurrection.

A titre d'exemple nous allons en citer deux tirés de la Bible:

"Vous êtes aussi ressuscités en lui, avec lui, par la foi. Col. 11/12

"Vous étiez morts... nous tous aussi... il nous a ressuscités ensemble. Epheneus 11/1-6

2 - Selon le Bab le jour du jugement est le jour de la naissance d'une nouvelle religion, où les gens seront jugés selon qu'ils l'acceptent ou la rejettent.

Pour cette interprétation nous avons également d'abondantes confirmations dans les Écritures du passé.

A titre d'exemple rappelons nous l'entretien de jésus avec Nicodème, là où il dit:

"Celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au Fils unique de Dieu" jean 3/18.

Donc le jour de jésus était déjà un jour de jugement.

3 - Selon le Bab, le paradis n'est pas un lieu, mais c'est un état d'esprit, état de joie et de bonheur auquel on arrive par la foi ou la révélation divine, laquelle est progressive, et prépare l'homme au progrès dans la vie future.

Concernant les enseignements moraux du Bab citons quelques-unes de ses paroles, afin d'en avoir au moins une idée:

"Les jours où l'adoration passive était jugée suffisante sont révolus. L'heure est venue où seuls les motifs les plus désintéressés appuyés par des actes sans taches peuvent s'élever jusqu'au Trône du Très Haut et trouver grâce auprès de Lui (Le Bab "Epitre aux Lettres du Vivant")".

Quant à la caractéristique de cette adoration active il dit:

"Adorez Dieu de telle sorte que si la récompense en devait être le bûcher, rien ne serait changé dans votre adoration. Si vous adorez Dieu par peur, cet amour serait indigne du seuil de la Sainteté de Dieu. De même en est-il lorsque vos yeux se fixent sur le paradis et que vous adorez dans le seul espoir d'y accéder, car alors vous mettez la création en compétition avec Dieu ("Babis of Persia" Prof. Brown).

Le docteur Esselmont dans son ouvrage sur la Foi baha'ie ("Baha'u'llah et l'Ere Nouvelle" Dr. Esselmont.) s'écrie:

"Quelle chose étrange. Cette âme pure et belle, ce maître inspiré par la divine vérité, cet amant dévoué de Dieu, et de son prochain a été haï et mis à mort par ses contemporains qui se prétendaient religieux".

Quant aux circonstances de son martyr, permettez-moi de vous lire un extrait de l'histoire ("Dieu passe près de nous" Shoghi Effendi).

"Deux événements très importants se produisirent juste avant et peu de temps après le traitement humiliant subi par le Bab, événements qui jettent une vive lumière sur les circonstances mystérieuses entourant la première phase de son martyr. Le farrash bashi (Serviteur en chef du gouvernement) avait brusquement interrompu la dernière conversation confidentielle que le Bab poursuivait dans une salle de la caserne avec son secrétaire, Siyyid Husayn et écartant ce dernier, il le tançait vertement, quand le Prisonnier s'adressa à lui en ces termes:

"Tant que je ne lui aurai pas dit ce que je désire, aucune puissance terrestre ne pourra me réduire au silence. Le monde entier serait-il armé contre moi, qu'il serait encore impuissant à m'empêcher d'aller au bout de mes intentions".

Au chrétien Sam Khan-Colonel du régiment arménien chargé de procéder à l'exécution - qui, saisi de crainte à l'idée de provoquer la colère de Dieu par son acte, suppliait qu'on le déchargea de cette tâche, le Bab donna cette assurance:

"Suivez les instructions reçues, et si vos intentions sont pures, le Tout Puissant pourra certainement vous délivrer de votre angoisse".

Sam Khan se prépara donc à accomplir son devoir.

Une pointe fut enfoncée dans l'une des poutres qui, sur la cour, séparait deux salles de la caserne. On y fixa deux cordes auxquelles on suspendit, séparément, le Bab et l'un de ses disciples, le jeune et fervent Mirza Muhammad Ali-i Zunuzi, surnommé Anis qui auparavant s'était jeté aux pieds de son Maître, l'implorant de n'être séparé de lui en aucune circonstance. Le peloton d'exécution s'aligna sur trois rangs comprenant chacun deux cent cinquante hommes. Chaque rang, tour à tour, ouvrit le feu jusqu'à ce que tout le détachement ait déchargé ses armes. La fumée qui s'échappa des sept cent cinquante fusils était si épaisse que le ciel en fut obscurci. Dès qu'elle se fut dissipée, la multitude d'environ dix mille âmes, massées sur le toit de la caserne ainsi qu'aux faîtes des maisons voisines, fut le témoin abasourdi d'une scène à laquelle ses yeux pouvaient à peine croire.

Le Bab avait disparu de sa vue. Seul demeurait son compagnon vivant et indemne, se tenant près du mur contre lequel tous deux avaient été suspendus. Les cordes qui les avaient attachés étaient seules coupées. "Le Siyyid-i-Bab a disparu" s'écrièrent les spectateurs effarés. Des recherches affolées s'ensuivirent immédiatement. On trouve le Bab sain et sauf, très calme, dans la pièce même qu'il occupait peu d'instants auparavant, en train de terminer sa conversation interrompue.

"J'ai fini mon entretien avec Siyyid Husayn". Telles furent les paroles avec lesquelles le Prisonnier si providentiellement préservé accueillit l'apparition du farrash-bashi.

"Maintenant vous pouvez accomplir votre mission".

Se souvenant de l'affirmation audacieuse faite précédemment par son Prisonnier, et ébranlé par une révélation aussi stupéfiante le farrash bashi quitta immédiatement la place et donna sa démission.

Sam Khan, se remémorant également avec un sentiment de crainte et d'émerveillement, les paroles rassurantes que le Bab lui avait adressées, ordonna à ses hommes de quitter instantanément la caserne et jura, en sortant de la cour, de ne jamais recommencer cet acte, fusse au prix de sa vie.

Aqà Jan'-i Khamsih, colonel du corps de garde, s'offrit pour le remplacer. Contre le même mur et de la même façon on suspendit de nouveau le Bab et son compagnon tandis qu'un autre régiment se mettait en ligne pour ouvrir le feu sur eux. Cette fois, par contre, leurs poitrines furent criblées de balles et leurs corps entièrement déchiquetés; seuls leurs visages ne furent que légèrement abîmés.

"ô génération entêtée" - disait le Bab, adressant ses dernières paroles à la foule qui le regardait pendant que le régiment se préparait à tirer "si vous aviez cru en moi, chacun de vous aurait suivi l'exemple de ce jeune homme dont le rang est supérieur à celui de la plupart d'entre vous, et se serait sacrifié volontairement sur mon chemin.

Le jour viendra où vous me reconnaîtrez; ce jour là j'aurai cessé d'être avec vous".

Cet événement que l'éminent orientaliste français A. N. M. Nicolas appelle "unique dans les annales de l'histoire de l'humanité" a eu lieu le 9 juillet 1850 alors que le Bab était dans sa trente et unième année.

Le même historien - orientaliste écrit (A. N.M. Nicolas "Siyyid Ali Muhammad, dit le Bab):

"Les chrétiens sont en effet convaincus que si jésus Christ avait voulu descendre vivant de la croix, il l'eût fait sans difficulté: il est mort volontairement, parce qu'il devait mourir et pour accomplir les prophéties. Il en est de même pour le Bab, disent les Babis, qui voulut donner aussi une sanction évidente à ses paroles. Lui aussi mourut volontairement, parce que sa mort devait sauver l'humanité".

Qui dira jamais les paroles que le Bab put prononcer au milieu du tumulte sans nom qui accueillit son départ? Saura-t-on quels souvenirs agitèrent sa belle âme? Qui nous dira jamais le secret de cette mort?.. Le spectacle des turpitudes, des hontes, des vices, du mensonge de ce clergé révoltait son âme pure et sincère, il sentait le besoin d'une réforme profonde à introduire dans les moeurs publiques et dût, plus d'une fois hésiter devant la perspective de la révolution qu'il fallait déchaîner pour délivrer les corps et les intelligences du joug d'abrutissement et de violence qui pesait sur toute la Perse pour le plus grand profit d'une élite... de jouisseurs, et pour la plus grande honte de la vraie religion du Prophète. Sa perplexité dût être grande, ses angoisses terribles, et il lui fallut le triple airain dont parle Horace pour se précipiter, tête baissée, dans l'océan des superstitions et des haines qui devait fatalement l'engloutir.

C'est un des plus magnifiques exemples de courage qu'il ait été donné à l'humanité de contempler et c'est aussi une admirable preuve d'amour que notre héros offrait à ses concitoyens. Il s'est sacrifié pour l'humanité, pour elle il a donné son corps et son âme, pour elle, il a subi les privations, les affronts, les injures, la torture et le martyr. Il a scellé de son sang le pacte de la fraternité universelle, et comme jésus il a payé de sa vie l'annonce du règne de la concorde, de l'équité et de l'amour du prochain.
Plus que tout autre il savait quels dangers formidables il accumulait sur sa tête, il avait pu juger par lui-même de l'exaspération à laquelle le fanatisme savamment excité peut atteindre; mais toutes les réflexions qu'il put faire à ce sujet ne furent point assez puissantes pour le détourner de la voie dans laquelle il avait désormais résolu d'entrer, la peur n'eut aucune prise sur son âme tranquille, sans daigner jeter un regard en arrière, calme, en pleine possession de lui-même, il entra dans la fournaise".

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