Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
5. L'amour et la science
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5.2. L'athéisme est-il scientifique ?
On demanda un jour à Einstein: "Qu'est-ce
que c'est que votre théorie de relativité?"
En réponse, il a raconté cette histoire: "Un jour" dit-il "je me promenais en
compagnie d'un aveugle. je lui ai demandé s'il voulait prendre un verre de lait.
- "Qu'est ce que le lait?" me demanda-t-il.
- "C'est un liquide blanc" répondis-je.
- "Le liquide, oui, je connais, mais blanc?"
- "C'est la couleur des plumes du cygne."
- "Plume, oui, je sais, mais cygne?"
- "C'est un oiseau avec un cou plié."
- "Cou, je vois très bien, mais plié?"
je lui prends le bras, termine Einstein, je le raidis: "Ça c'est droit". je
le plie au coude: "Et comme ça c'est plié."
Le visage de l'aveugle s'illumina et il me dit: "Maintenant je sais ce que c'est
le lait."
Si j'ai raconté cette histoire, c'était pour dire que nous risquerions fort
de nous placer dans le cas de l'aveugle d'Einstein, si nous essayons de dire
ce qu'est Dieu quant à Son Essence. Et ceci en l'état actuel de la science où
l'on ne connaît pas l'essence de quoi que ce soit. Par conséquent, fini le temps
où l'on disait: "Puisque je ne sais pas ce qu'est Dieu, je ne crois pas." Cela
reviendrait à dire: "Puisque je ne sais pas ce qu'est l'électricité je n'y crois
pas."
En l'état actuel de l'évolution de la science une telle argumentation n'est
plus valable. D'autre part, l'idée d un Dieu incarné (principale source de conflit
entre la science et la religion) n'est plus admise en l'état actuel de l'évolution
de la religion.
C'est cette évolution simultanée de la science et de la religion qui fait que
ceux qu'on n'a pas l'habitude de placer parmi les croyants se penchent de plus
en plus vers l'idée religieuse compatible avec l'esprit scientifique.
Jean Jaurès dit: "Tout ce que nous voulons dire aujourd'hui c'est que l'idée
religieuse un moment effacée peut rentrer dans les esprits et dans les consciences
parce que les conclusions actuelles de la science les prédisposent à la recevoir"
(Extrait de Le Matin des Magiciens par Louis Pauwels).
Le sujet mérite donc d'être étudié plus profondément pour voir si, à notre époque,
l'athéisme ou le matérialisme est scientifique.
Posons-nous d'abord la question: Depuis quand et pourquoi le matérialisme a-t-il
pris tant d'ampleur et gagné tant de sympathisants?
Ne nous étonnons pas si nous constatons que c'est précisément depuis le moment
où la science a commencé à faire des progrès sans précédent. En effet, quand
on étudie l'histoire de la civilisation humaine on constate que c'est à partir
de la seconde moitié du 19ème siècle que les hommes ont commencé à réaliser
dans tous les domaines de la science, des progrès Jamais vus jusque là dans
le cours des âges.
Dans le domaine médical, nous voyons apparaître, par exemple, l'anesthésie qui
a tant facilité les opérations chirurgicales, déracinant ainsi tant de maux
incurables jusque là; la vaccination qui a sauvé tant de vies humaines; la radiologie
et ses innombrables applications dans l'art de diagnostiquer et de guérir.
Dans le domaine technique, nous voyons apparaître le chemin de fer, le bateau
à vapeur, le téléphone, le télégraphe, l'éclairage électrique et tant d'autres
inventions qui rendent la vie si facile et agréable à vivre. Il était donc naturel
que l'homme ne reste pas indifférent devant tant de merveilles produites par
la science. Et l'on se posait la question: "À qui ou à quoi doit-on cette science
toute puissante?" Au cerveau, donc à la matière ("matière grise" pour être plus
précis). C'est du moins la réponse qu'on se donnait dans le passé, La science
devient donc la création de la matière et sa toute puissance s'efface devant
celle de la matière. D'où le penchant, la sympathie pour le matérialisme.
Voilà la première cause de l'extension du matérialisme. Mais il y a une deuxième
cause non moins importante. C'est la décadence de la religion. Car au moment
où l'on était ébloui par le progrès de la science, la religion ou, du moins
ce qu'on appelait "religion", avait perdu sa pureté primitive et de ses effets
bienfaisants il ne restait aucune trace. La seule chose qu'on gardait en souvenir
c'était un ensemble de rites et de cérémonies sans le moindre effet sur la vie
spirituelle. Et c'est avec des rites et cérémonies tels que le baptême, la confession
et l'eucharistie qu'on voulait rendre les gens heureux.
Ceci pour le présent. Quant à l'avenir, toutes les religions consolaient et
continuent à consoler leurs adeptes par des promesses sur la venue du jour Promis,
où la paix "régnera sur terre comme au ciel", le jour qui ne viendra qu'après
"la résurrection des morts", "la chute des étoiles", "l'obscurcissement du soleil"
et tant de signes qui, pris à la lettre, ne pourraient être acceptés par aucun
homme instruit.
Voilà ce qu'offrait la religion à ses adeptes, au moment où la science améliorait
si visiblement la vie de l'homme.
Ajoutons-y encore l'antagonisme réciproque des centaines de sectes religieuses
qui depuis tant de générations ont troublé la paix du monde et continuent de
la troubler encore aujourd'hui. Devant une telle situation, il ne faut donc
pas s'étonner que l'homme ait abandonné la religion au profit de la science,
soi-disant produit de la matière (grise) et que, par conséquent il se soit penché
vers le matérialisme.
Mais tout cela était valable pour le passé. Car aujourd'hui tout est changé.
Si la science est entrée aujourd'hui dans un stade, où, selon Einstein, elle
boîte, et que la religion, elle aussi est entrée dans un stade où selon le même
savant, sans la science elle deviendrait aveugle, il n'est plus sérieux, toujours
selon le même savant, de rejeter l'idée de Dieu.
Ceci dit, voyons comment la science d'aujourd'hui réfute les arguments des soi-disant
athées. je dis bien "soi-disant" car en réalité, l'athéisme n'existe pas, c'est
le théisme insatisfait.
Étant donné que la validité apparente des arguments des athées dépend de leur
degré d'instruction, commençons par les arguments de ceux qui n'ont reçu qu'une
instruction élémentaire.
1. Ces gens-là disent: "Nous admettons l'existence de ce que nos sens admettent
et rien d'autre."
A quoi les savants et les Écrits baha'is répondent que l'homme ne peut pas se
fier entièrement à ses sens, que le degré de précision de ses sens est relatif,
que ses sens peuvent facilement l'induire en erreur.
Quelques exemples: Allons à la gare et mettons-nous dans la direction de la
voie ferrée; nous avons l'impression que les rails ne sont pas parallèles, et
qu'ils se rapprochent l'un de l'autre au fur et à mesure qu'ils s'éloignent
de nous, pour converger à un point très éloigné, ce qui n'est pas vrai.
Visitons un désert chaud. Regardons un objet éloigné, un arbre, par exemple.
Nous en voyons une image renversée, comme si l'arbre se reflétait dans une nappe
d'eau, ce qui est absolument faux. Combien de gens ont péri dans le désert pour
s'être fiés à leurs yeux.
Nous ne pouvons donc pas nous fier absolument à nos sens.
2. Parmi les athées, ceux qui sont plus instruits nous déclarent: "Nous ne nous
fions pas absolument à nos sens, nous faisons intervenir notre raisonnement."
"Parfait" répond la science d'aujourd'hui (aussi bien que la Foi baha'ie) "mais
à condition de ne pas nous contenter d'un raisonnement limité, car le raisonnement
lui aussi est relatif. Le raisonnement ne nous donne pas toujours une image
absolue de l'univers."
Citons seulement quelques exemples. En raisonnant, on nous démontre que le mouvement
en ligne droite existe. Pour le savant, ce n'est pas vrai. Il raisonne autrement.
Il tient compte du mouvement de la terre autour de son axe, ensuite autour du
soleil, et enfin, il considère le mouvement de tout le système solaire vers
la constellation d'Hercule etc. et il nous démontre toujours par un raisonnement
(bien plus scientifique que le nôtre) que le mouvement que nous avons appelé
"en ligne droite" ressemble plutôt à une sorte de tire-bouchon.
A l'école on nous apprend, toujours par un raisonnement, que la lame d'acier
est compacte. Pour un savant d'il y a cinquante ans qui utilisait les rayons
X ce corps n'était pas compact, il était poreux. Et pour le savant d'aujourd'hui,
ce n'est ni compact, ni poreux, mais cette lame est composée de particules en
mouvement ultra-rapide, sans contact entre elles, et, par conséquent c'est un
corps qui se rapproche plutôt de l'état gazeux.
Nous arrivons donc à cette conclusion que ce n'est pas sur la base des notions
acquises à l'école que nous pouvons raisonner pour nier l'existence de Dieu,
et qu'au point de vue scientifique, au-delà de notre raisonnement si élémentaire,
il existe un raisonnement bien plus profond, bien plus savant.
3. Une troisième catégorie d'athées vous déclare:
"Nous croyons en ce qui est réel. Et comme la divinité n'est pas quelque chose
de réel, nous n'y croyons pas."
A cette déclaration, le savant d'aujourd'hui nous répond: "Ce qui est "réel"
n'est qu'une question relative. De même que le degré de précision de nos sens
est relatif et que notre raisonnement est relatif, ce qui semble réel ne l'est
que relativement."
Pour un homme illettré le point mathématique, c'est-à-dire quelque chose qui
n'a ni dimension, ni poids, ni image, n'a rien de réel. Pour un savant pourtant
c'est tout ce qu'il y a de plus réel: car du point mathématique le savant définit
la circonférence et le cercle. Partant du cercle le savant définit le cylindre
et son volume. Et par le volume du cylindre le savant définit la puissance d'un
moteur. Et ce moteur n'est pas quelque chose d'irréel. C'est une chose réelle.
Le savant arrive donc à exprimer une réalité. Or il est parti de l'idée de l'existence
du point, lequel ne pouvait donc pas être quelque chose d'irréel, car l'irréel
ne peut pas aboutir au réel. L'existence du point mathématique est donc une
réalité pour le savant.
Un autre exemple: l'électron dont les savants ne peuvent même pas dire si c'est
une particule ou une onde, ne présente pour nous rien de réel. Mais pour un
savant atomiste c'est tout ce qu'il y a de plus réel.
L'éminent savant américain Warren Waver, vice-président de l'Institut Rockefeller
écrit: "Les savants sont précisément les gens qui croient en ce qu'on ne peut
ni voir, ni définir essentiellement. Il n'y a pas un savant qui ait jamais vu
un électron. Électron est simplement le nom donné à un ensemble de phénomènes
cohérents qui se produisent en certaines circonstances. Et pourtant pour un
savant il n'y a rien qui soit plus réel qu'un électron.
Les chaises, les tables, les pierres ne sont pas très réelles pour lui s'il
pense profondément. Examinée à l'aide des outils précis du physicien atomiste
une table est un ensemble tourbillonnant de charges électriques, elles-mêmes
vagues et évasives. Examinée ainsi la table perd l'illusion de solidité qu'elle
produit" (Sélection, 1969). Et revenant à la question de la divinité, l'éminent
savant conclut: "Le savant est justement l'homme qui ne dira jamais qu'un concept
abstrait de Dieu aboutit à un Dieu "irréel". Pour lui le "réel" est ce qui est
universellement expérimenté.
Nous arrivons donc à cette conclusion que s'il y a une chose qu'on ne peut pas
voir, dont on ne peut définir l'essence, cela ne veut pas dire que cette chose
n'est pas une réalité et par conséquent "n'existe pas".
S'il y a une chose qui se manifeste par ses signes, sa présence, bien qu'invisible
physiquement, et tout en restant insaisissable quant à son essence, cette chose
est une réalité existante,
Or Dieu est précisément cette "Puissance Supérieure douée de raison" (Einstein),
cette "Intelligence mystérieuse qui a créé l'univers" (Warren) dont on voit
la présence "dans les moindres détails que nos esprits faibles et fragiles sont
capables de percevoir" (Einstein).
La science, dans son évolution, est donc entrée dans un stade où ses représentants
voient Dieu en tout et partout, au point que l'un d'eux dit: "Les gens cherchent
à voir Dieu et ils n'y arrivent pas, mais moi je cherche à ne pas voir Dieu
et je n'y arrive pas."
Un autre déclare: "Plus la science progresse, plus complètement connaissons-nous
l'univers et en particulier l'homme et les merveilles de leur structure plus
nous sommes tentés d'y reconnaître une Main toute-puissante et infiniment intelligente,
et, par conséquent Dieu, l'objet suprême de la religion" (Prof. P. Bazy de l'Académie
de Paris).
La science d'aujourd'hui non seulement ne permet plus qu'on se serve d'elle
pour combattre l'idée de Dieu, mais bien au contraire, elle nous amène à l'idée
de Dieu et de religion.
Si donc la science nous amène à l'idée de Dieu et de religion, leur collaboration,
je veux dire la collaboration de la science et de la religion si souhaitable,
je dirai même si vitale de nos jours, implique que la religion elle aussi manifeste
sa compatibilité avec la science, avec ses méthodes et avec ses principes de
base.
Or la science admet comme principe de base la révélation progressive: les vérités
scientifiques ne se révèlent qu'au fur et à mesure que l'humanité avance.
Il faut que la religion aussi admette comme principe la révélation progressive
de la Vérité spirituelle. Ce qu'est précisément le cas de la Foi baha'ie dont
l'un des principes est la Révélation Progressive. Selon ce principe les différentes
religions sont en réalité les différents stades d'une même religion, la religion
de Dieu, toujours en évolution, la Foi baha'ie étant le stade actuel de son
évolution.
Un autre principe de la science c'est la recherche. La religion aussi doit admettre
comme un de ses principes la recherche personnelle et indépendante de la Vérité,
ce qui est encore un autre principe de la Foi baha'ie.
Un troisième principe de la science est le recours à la raison et à l'intelligence.
Il faut qu'il en soit de même avec la religion. Et c'est encore l'un des principes
de la Foi baha'ie qui n'admet que ce qui est intelligible.
Et j'en reste là, car si en matière de religion on admet et on applique rien
que ces trois principes:
1) révélation progressive;
2) recherche personnelle; et
3) l'intelligibilité de la Foi.
Non seulement on arrivera à satisfaire l'exigence de la science qui dit "s'unir
ou périr" mais on reviendra à l'esprit-même de la religion, cet esprit qui réside
dans l'union des peuples.
Car l'origine même du mot "religion" ne vient-elle pas du mot LIGARE qui signifie
LIER ("re" n'étant qu'un préfixe)?
Mais les religions révélées, il y a plus de 1000 ans, dans leur état actuel
réunissent-elles les peuples? Ne voyons-nous pas qu'au sein même de chacune
de ces religions, il y a une foule de sectes antagonistes qui ne font que diviser
les peuples?
L'esprit de la religion est donc abandonné ' oublié. Il faut donc ranimer cet
esprit, il faut rendre à la religion sa pureté primitive, ce qui est précisément
le but de la Foi baha'ie.
Qu'il n'y ait pas de malentendu sur le terme "ranimer": qu'on ne s'imagine pas
que les Baha'is prétendent que les religions du passé sont mortes. Loin de là.
je m'explique par un exemple:
L'évolution religieuse est comparable à l'évolution physique. L'enfant grandit,
devient adolescent, puis adulte. Ainsi l'enfant s'efface dans l'adolescent,
et l'adolescent dans l'adulte, mais ni l'enfant, ni l'adolescent ne meurent.
Il en est de même en ce qui concerne l'évolution religieuse de l'humanité. Pour
citer un exemple, disons que le stade judaïque s'efface dans le stade chrétien
et le stade chrétien évolue en stade baha'i, mais ni le judaïsme, ni le christianisme
ne meurent. Pas plus que l'hindouisme, le bouddhisme ou l'islam.
Mais pourquoi alors un nom nouveau: BAHA'I. Parce qu'il a été prédit, et plus
particulièrement par la Bible qui, parlant de la révélation du jour Promis,
dit: "Et l'on t'appellera d'un nom nouveau" (Esaie 62: 2).