Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

9. La mesure de l'amour est l'amour sans mesure
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9.5. Conflit des générations

En parlant du conflit des générations quelqu'un a dit: "Lorsqu'un enfant atteint le palier de l'adolescence, c'est le temps pour son père, s'il veut rester à son niveau, de redescendre à celui de sa jeunesse."

En effet, tout le conflit des générations prend sa racine dans le fait que les parents n'essaient pas de se mettre à la place des jeunes.

Les parents ne se demandent pas quel serait leur comportement s'ils étaient nés dans une famille où les parents ne s'occupent pas de l'éducation de leur enfant, soit parce qu'ils "n'ont pas le temps", soit parce qu'ils estiment que c'est le devoir de l'école.

C'est pourtant le cas aujourd'hui, comme c'était le cas hier quand les jeunes étaient encore des enfants.

Que voyons-nous aujourd'hui? L'enfant n'a presque pas de contact avec son père. Et s'il en a c'est pour se voir réprimandé pour ses erreurs. Nous oublions nos propres erreurs quand nous étions encore enfants. Nous nous consolons en appelant nos erreurs "expérience". Ce qui n'empêche pas que l'enfant comprenne.

- Maman, pourquoi as-tu des cheveux gris? demande l'enfant.

- Ce sont les bêtises des enfants qui font blanchir les cheveux des parents.

- Ah ! Alors je comprends pourquoi grand-mère a les cheveux tout blancs.

Nous oublions que ce n'est pas par des critiques et des vexations qu'on peut se faire respecter par l'enfant.

Et pourtant le respect de l'autorité est une nécessité pour l'enfant. On a tort de croire que l'enfant n'est pas disposé à obéir à une autorité.

Un enfant qui quitte sa famille s'engage pourtant à se soumettre à l'autorité du chef de la bande qu'il rejoint.

Le respect de l'autorité s'apprend avant tout au sein de la famille. Ce n'est malheureusement pas le cas de nos jours où le respect de l'autorité des parents devient un vain mot.

L'adjudant réprimande le soldat qui n'a pas salué le lieutenant:

- Mais c'est mon cousin - dit l'autre.

- Quand bien même ce serait votre père, vous devez le respecter. L'enfant qui n'a pas pris l'habitude de respecter l'autorité de ses parents, néglige facilement le respect des autorités légitimes, lorsqu'il devient majeur. Et pourtant dans la société où il entre l'ordre implique le respect de l'autorité.

Selon les enseignements baha'is le respect de l'autorité des parents présente une telle importance qu'il vient immédiatement après l'obéissance à Dieu. Il ne faut pourtant pas oublier que le respect de l'autorité des parents implique que ces derniers s'occupent de l'éducation de l'enfant dans un esprit d'amour et d'encouragement.

Les parents oublient ce qu'ils seraient s'ils étaient nés dans une famille où à dessein on laisse l'enfant "libre" sous prétexte du "développement naturel", s'imaginant qu'il vaut mieux que l'enfant apprenne lui-même l'art de vivre. Si c'est ainsi, alors qu'on le laisse libre d'apprendre l'art d'écrire ou de lire. Et pourtant l'art de vivre est bien plus difficile et bien plus important que l'art d'écrire.

En tout cas la conséquence d'une telle liberté accordée à l'enfant c'est qu'il impose facilement sa loi au sein de la famille.

Et aux parents, il ne reste qu'à se plaindre, comme ce père qui disait:

"Quand j'étais enfant je faisais toutes les volontés de mon père. Maintenant il faut que je fasse celle de mon fils. Je me demande quand je pourrai agir à ma guise?"

Un enfant qui impose sa loi au sein de la famille en prend l'habitude en grandissant, et il croit qu'il faut en faire autant en société quand il est majeur, ce qui le prédispose à la révolte contre les autorités légitimes.

Les parents oublient ce qu'ils seraient s'ils étaient nés dans une famille où c'est le père qui impose sa loi, qui traite son fils majeur comme il le traitait quand ce dernier était enfant.

La conséquence de cette façon de faire est telle que quelqu'un l'a décrite en ces termes:

Pendant ses quinze premières années les parents apprennent à leur fils à être homme. Pendant les quinze années qui suivent le fils doit apprendre à ses parents qu'il n'est plus un enfant. La foi baha'ie condamne les deux extrêmes. Ni trop de liberté, ni trop de manifestation d'autorité.

C'est toujours une attitude d'amour et d'encouragement qu'il faut adopter.

Les parents oublient ce qu'ils seraient aujourd'hui si, durant leur enfance, ils avaient eu à leur disposition tant de films de la T.V., films, où l'enfant voit avant d'atteindre quatorze ans plus de dix huit mille scènes de meurtre (Selon les statistiques américaines), avec la possibilité de se procurer facilement et à profusion des revues pornographiques et des revues impudiques.

Et dire qu'il n'y a pas un demi-siècle, selon l'écrivain Irving Wallace, un livre fut mis à l'index parce qu'il contenait cette simple phrase: "Et cette nuit-là rien ne les sépara !"

Selon la foi baha'ie il faut intéresser l'enfant à bien d'autres choses (jeux éducatifs, sport, collection de timbres) de façon à ce qu'il n'ait ni le temps ni l'envie de regarder de tels films, ou de lire de tels romans.

Et la meilleure façon pour réussir dans cette tâche c'est de donner soi-même l'exemple en éliminant de sa bibliothèque de tels livres, et en choisissant à la T.V. un programme convenable, de manière à ne pas être obligé à dire à l'enfant:

"Jojo au dodo, tu vois bien qu'ils commencent à se déshabiller !"

Les parents oublient ce qu'ils seraient s'ils étaient nés dans une famille où l'on n'entend que des critiques et de la médisance.

Et pourtant ce n'est pas un phénomène exceptionnel de nos jours, phénomène qui entraîne comme conséquence le fait que l'enfant, devenu majeur, s'il ne se révolte pas contre tout le monde, ne peut aimer personne, car il voit tout d'un mauvais oeil.

La foi baha'ie interdit avec force la médisance, en général, et surtout devant l'enfant qui a le coeur si pur.

Les parents oublient ce qu'ils feraient aujourd'hui si durant leur enfance, ils avaient été mis dans une ambiance où l'on est encouragé à faire n'importe quoi pourvu qu'on gagne de l'argent, puisque, soi-disant, c'est la fin dans la vie, et que la fin justifie les moyens.

Et pourtant c'est généralement le cas aujourd'hui.

Voyant un enfant ramasser des champignons, un passant le félicite: "Tu sais déjà distinguer les champignons vénéneux de ceux qui sont comestibles?"

"Quelle importance, puisque papa a dit c'est pour les vendre".

Un enfant élevé dans cet esprit peut-il faire consciencieusement son travail quand il sera grand?

Les parents oublient ce qu'ils seraient aujourd'hui s'ils avaient grandi à une époque où à l'école, au lieu d'enseigner un programme pour la paix, on avait enseigné l'histoire des guerres, où, au lieu d'apprendre à résoudre les problèmes de la vie, on se serait contenté uniquement d'apprendre à résoudre les problèmes de physique ou de mathématiques. Et pourtant l'un n'empêche pas l'autre.

Les parents oublient ce qu'ils feraient aujourd'hui, si enfants ils avaient vécu à une époque où les églises étaient vides, et où pour attirer du monde on les "adaptaient" à l'esprit du temps.

Un fidèle racontait cette histoire amusante:

Dernièrement la chorale de notre église répétait un cantique moderne. Au dernier couplet, les chanteurs se laissèrent complètement emporter par le rythme et terminèrent sur un mouvement de valse tourbillonnante.

- Et maintenant - dit le pasteur, voulez-vous choisir vos partenaires pour le cantique suivant.

Les parents oublient ce qu'ils feraient s'ils étaient à la place des jeunes qui vivent à une époque où les gouvernements surchargent leurs sujets d'impôts de plus en plus lourds, impôts destinés principalement à assurer le budget de la guerre, appelé le budget de la défense.

Un journal humoristique en parlant des impôts écrivait: "L'homme est le seul animal qui puisse être plumé plusieurs fois".

Ce qui est parfaitement vrai à l'époque où nous vivons.

Toute cette situation constitue une MENACE pour le bien-être humain dans l'immédiat, et pour son existence dans l'avenir.

Or toute menace provoque deux mécanismes défensifs automatiques la peur et la colère.

Qu'il s'agisse de la peur ou de la colère, dans les deux cas, il faut trouver une solution. Cette solution peut être salutaire ou pathologique.

La solution salutaire consiste à évaluer d'une manière réaliste le danger, découvrir sa racine et recourir aux moyens adéquats pour l'éliminer.

La deuxième solution, solution pathologique, consiste à s'enfuir ou à rester apathique devant le danger ou bien à recourir à la violence et à l'agression.

Les personnes âgées adoptent généralement l'apathie et l'indifférence, car, estiment-elles "les carottes sont cuites".

Chez les jeunes, étant donné leur vigueur et leur force à première vue c'est la violence et l'agression qui doit convenir. Paradoxalement il n'y a pas chez les jeunes de mécontentement explosif, car ils ont le toit, le pain, le médecin, les médicaments, des divertissements, tout cela étant assuré par l'indemnité de chômage, ce qui pourrait les encourager davantage à l'indolence et la paresse. Et assurément ils préféreraient qu'on leur assure un travail, ce qui leur permettrait de vivre encore mieux.

Mais il ne faut pas oublier cette catégorie des jeunes qui préfèrent la violence et, de plus en plus, la délinquance.

Les statistiques montrent que le nombre des délinquants entre 13 et 15 ans dépasse celui des délinquants plus âgés.

Jamais dans l'histoire de l'humanité les jeunes n'ont posé autant de problèmes. Dans tous les domaines un jeune se heurte à des difficultés.

D'abord il ne peut pas étudier la branche pour laquelle il est doué.

S'il est doué en musique il doit étudier le droit, car il y a du travail pour les avocats, étant donné tous ces différends découlant de la tromperie et du mensonge. Ce qui fait que de plus en plus chacun a intérêt à avoir son avocat, comme il a son médecin ou son dentiste.

S'il est doué en peinture il doit étudier la médecine, étant donné qu'il y a du travail pour les médecins, à cause de cette multitude de maladies créées par notre "civilisation" et cette infinité de "spécialités" pour lesquelles il faut trouver des maladies correspondantes.

Mis devant une telle situation il y en a qui n'ont pas le courage de finir leurs études, d'autres, plus courageux, poursuivent leurs études et obtiennent leur diplôme. Mais dans les deux cas, une fois qu'ils commencent à travailler, les uns comme les autres se heurtent à des difficultés, car ce qu'on leur demande de faire n'est pas toujours conforme à leur tempérament droit et souvent même c'est quelque chose contre laquelle ils veulent lutter.

Prenons le premier cas quand un jeune ayant abandonné ses études est obligé de faire du commerce, par exemple.

Pour gagner sa vie il doit se conformer aux recommandations du patron qui lui dit:

"Le premier principe chez nous est celui-là: si vous proposez aux gens une chose dont ils ont absolument besoin vous gagnerez de l'argent. Mais si vous leur offrez une chose totalement inutile alors vous ferez fortune".

Prenons maintenant le deuxième cas quand notre jeune homme est devenu avocat. Là permettez moi de vous raconter une anecdote, sans accuser qui que ce soit.

Au tribunal.

- Comment ! vous rétractez tous vos aveux?

- Oui, monsieur le juge, mon avocat m'a convaincu de mon innocence.

Dans un cas comme dans l'autre ce n'est pas ce genre de "travail" que les jeunes cherchent à avoir. Mais rien à faire, ils n'ont pas le choix. Ils ont leur "travail" et ils n'ont qu'à s'en tirer.

Après le travail il y a la question du mariage qui se pose.

Notre jeune homme est informé par la presse qu'un mariage sur trois finit par le divorce et que les deux tiers qui restent mariés c'est pour sauver les apparences, le prestige, ou pour des considérations matérielles ; il est informé par la presse que 30 % des crimes se font dans les familles mêmes, que 85 % de jeunes délinquants sortes des familles dissociées.

Alors notre jeune homme se pose la question:

Serai-je heureux en mariage? Réussirai-je à constituer un foyer heureux?

Et sans avoir de réponse il se marie.

Mais il n'y a pas que le ménage et la famille, il y a la vie en société. Et là il faut se faire des amis.

Là encore il y a ce problème qui surgit: Comment se faire de vrais amis dans une société où tout est basé sur l'idée d'un échange mutuellement profitable, où tout est subordonné à des considérations financières?

Ce qui est encore un facteur de déception pour notre jeune homme.

Déception sur déception...

Voilà la perspective de la vie qui s'ouvre devant un jeune homme entrant dans la société. IL voit son avenir menacé, et devant toute menace il est naturel qu'on réagisse.

Mais comment peut-il réagir quand le pouvoir est dans la main des personnes âgées, cette génération contre laquelle il ne peut entrer en conflit avec chance de succès.

Où est-elle donc la solution à cette situation? Voilà la question dont tout jeune homme voudrait avoir la réponse.

Selon les enseignements baha'is la solution radicale est à long terme, et elle est dans l'éducation religieuse adaptée aux exigences de notre époque, éducation qui devrait faire l'objet d'une autre conférence, bien que j'y aie fait déjà quelques allusions.

Quant à la solution à court terme pour éviter le conflit des générations c'est que les deux générations actuelles, les jeunes et les personnes âgées deviennent des AMIS les uns pour les autres, ce qui ne peut se faire que par la puissance de la foi.

Qu'on devienne AMIS au sein de la famille, que les parents deviennent des amis pour les enfants, que les membres de la communauté sans distinction de classe, deviennent des amis les uns pour les autres, et que les dirigeants soient élus parmi les meilleurs amis.

Mais dans une communauté peut-on devenir amis les uns des autres sans se rencontrer, sans se parler, sans s'inviter? Non. Voilà pourquoi dans les communautés baha'ies les membres se rencontrent mensuellement à des réunions sans classe afin de se connaître de mieux en mieux ; afin de se consulter sur les affaires d'intérêt commun, et en définitive à devenir de plus en plus AMIS les uns pour les autres. Ce qui à la fin de chaque année leur permet de distinguer les meilleurs AMIS pour les élire dans les institutions qui dirigent les affaires de la communauté.

De cette façon dans les communautés baha'ies non seulement il n'y a pas de conflit des générations, mais, bien au contraire, les deux générations sont amies l'une et l'autre. De plus le pouvoir n'est plus dans la main des personnes âgées, mais il est partagé entre les deux générations, et il arrive même souvent que dans une institution baha'ie il y ait plus de jeunes que de personnes âgées.

Est-ce parce que les Écritures avaient prédit qu'au Jour promis

"Je leur donnerai des jeunes pour chefs". Esaïe 3/4

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