Les Baha'is


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1. Le Shi'isme

Entrés dans l'Histoire sous le nom de Shi'ites (de l'arabe shi'ia Ali, parti d'Ali), les Alides développent le concept d'Imamat, qui reconnaît à ses descendants le rôle de guide de la communauté. Ainsi s'ouvre une lignée d'Imams dont Ali est le premier.

Bien que lui-même confronté à des querelles de succession dans la lignée des Imams, qui aboutiront à de nouveaux courants4, et à une répression accrue, le Shi'isme imamite se trouvera une spécificité : De politique la rupture devient théologique.

Jusqu'en 8745, date de la mort du 11ème Imam et de la disparition de son fils et successeur, alors enfant, les théologiens shi'ites élaborent une tradition spécifique se basant sur un corpus regroupant les enseignements des 11 Imams successifs. L'attachement des Shi'ites aux Imams, que certains courants déifieront, et à leur rôle de guide mena progressivement à considérer le Coran comme tout à la fois exotérique et ésotérique et les Imams comme justes interprètes de ses sens cachés, quitte à favoriser leurs avis. Chaque Imam à des disciples, dont le plus proche, appelé bab (de l'arabe signifiant porte), sert de lien entre l'Imam et les croyants. Cette fonction, attestée dans tous les courants du Shi'isme primitif6, prendra des formes différentes et particulièrement après 940 (Grande Occultation), date de la mort du 4ème bab du 12ème Imam. La perte de la "porte" entre les croyants et l'Imam, toujours pas réapparu, laisse la communauté sans guide désigné.

Loin d'être désemparés, les théologiens shi'ites donne une tournure messianique à cette occultation qu'ils considèrent comme annoncée par les Ecritures. Il y eu, d'après eux, 6 grands prophètes (Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet), chacun d'eux eu successivement 12 Imams, le 12ème assurant la transmission au prophète suivant. Le retour du dernier Imam alide annonce donc un nouveau cycle prophétique. En aucune façon il n'est censé apporté une nouvelle shari'at (loi) mais la véritable interprétation ésotérique de la révélation coranique, clôturant ainsi la période mahométane.

Commence alors la longue attente7.

Malgré la brève dynastie iranienne shi'ite des Bouyides au 10ème et 11ème siècle, le Shi'isme duodécimain subira une longue période de répression qui le mènera parfois à la clandestinité, et ce jusqu'à l'avènement des Séfévides en Perse au début du 16ème siècle. C'est dans cette période que les théologiens, vivant dans des communautés à travers tout le Moyen-Orient, affirment le corpus des traditions shi'ites qui s'enrichit considérablement de l'exégèse et de l'apport du mysticisme musulman d'auteurs tel Ibn Arabi. Ce nouveau rapport entre Shi'isme et Soufisme8 marquera considérablement la pensée shi'ite et contribuera sans aucun doute à renforcer son image d'Islam ésotérique.

Instauré comme religion d'Etat par les Séfévides9 en 1501 dans une Perse majoritairement sunnite, le Shi'isme n'est alors dans ce pays qu'un ensemble de communautés éparses, sans autorité religieuse commune. Désireux de légitimer son nouveau pouvoir, Shah Ismaïl10 fait appel à des ulémas de Syrie et du Bahreïn, qu'il charge de constituer un clergé dans le but de faire appliquer la jurisprudence jafarite11, du nom du 6ème Imam Jafar al-Sadeq, et ainsi de remplacer certaines traditions shi'ites. Cette institutionnalisation verra d'une part l'émergence de grandes écoles philosophiques, comme celle d'Ispahan, et l'accentuation de la lutte contre des pratiques jugées non conformes à la nouvelle religion d'Etat. Qu'ils soient Ismaéliens ou Soufis, tous seront malmenés. Même les Zoroastriens12, pourtant adeptes d'une religion iranienne pré-islamique tolérée par l'Islam, n'échapperont pas à cette politique.

Cette tentative du clergé d'effacer certains aspects du Shi'isme iranien se heurtera dans la réalité à une résistance autant populaire qu'intellectuelle. Petit à petit, le clergé voit sont rôle religieux se transformer en rôle politique ; Les interprétations du pouvoir qui se dégagent de leurs différentes spéculations (osûl) renforcent le pouvoir séfévide. Face à cette tendance osûli, une tendance ahkbari apparaît et tente de reléguer les ulémas dans le seul rôle de transmetteur et préconise le recours exclusif aux traditions imamites.



Notes

4) Kaysanisme, Zaydisme , Ismaélisme qui se différencieront aussi par des dissensions internes..
5) Le 25 décembre 873 ou le 1er janvier 874

6) La notion de bab est présente chez les Ismaéliens.

7) Certains théologiens shi’ites affirment que le 12ème Imam est le Paraclet de l'Evangile de Jean, ou le Saoshyant des Zoroastriens. Les Baha’is identifient Mahomet comme le Paraclet, et Baha-u-llah comme le Saoshyant.

8) De l'Arabe sûf, nom de la robe de laine que portaient ses premiers représentants, le Soufisme désigne un large courant mystique présent dans l'ensemble du monde islamique dès le 8ème siècle. Bien que souvent considérées comme hétérodoxes par les courants "officiels" de l'Islam, les centaines de confréries soufies ont largement influencé la théologie musulmane.

9) De safawiya, nom d'une confrérie soufie sunnite, née au 13ème siècle dans la province d'Azerbaïdjan. Ralliés au Shi'isme au 15ème siècle, ce nom restera attaché à la dynastie.

10) Ismaïl ibn Haydar régna de 1501 à 1521 sous le nom d'Ismaël Shah. Premier souverain de la dynastie des Séfévides qui dirigera la Perse jusqu'en 1732.

11) Le Shi'isme est parfois considéré comme un rite, dénommé jafarite, et non comme un schisme, au même titre que les quatre rites du Sunnisme (hanafite, chaféite, hanbalite, malékite)

12) Religion monothéiste révélée, enseignée au 7ème siècle av. JC par Zarathushtra son prophète.



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