1. LETTRE AUX CHRETIENS (Lawh-i-Aqdas - La Très
Sainte Tablette)
Voici la Très Sainte Tablette transmise du royaume sacré à celui qui a tourné
son visage vers l'objet de l'adoration du monde, descendu du ciel de l'éternité,
revêtu de gloire transcendante.
Au nom du Seigneur, le Seigneur de grande gloire!
(A)
Cette Epître venant de notre présence est destinée à celui que le voile des noms
n'a pas empêché de s'approcher de Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, afin
de réjouir ses yeux pendant les jours de son Seigneur, le Secours dans le péril,
celui qui subsiste par lui-même.
(B)
Dis, ô disciples du Fils (Jésus)! Vous êtes vous exclus de ma présence à cause
de mon nom? Pourquoi ne réfléchissez-vous pas en vos coeurs? Jour et nuit vous
invoquiez, l'Omnipotent, mais quand il descendit du votre Seigneur ciel de l'éternité
dans sa grande gloire, vous vous êtes détournés de lui et vous êtes restés plongés
dans 1'insousciance.
(C)
Considérez ceux qui rejetèrent l'Esprit (Jésus) lorsqu'il vint à eux avec une
autorité évidente. Combien nombreux furent les pharisiens qui, enfermés dans leurs
synagogues en son nom, se lamentaient de leur séparation d'avec lui. Cependant
quand s'ouvrirent tout grands les portails de la réunion et que l'Astre divin
brilla à l'aurore de beauté dans toute sa splendeur, ils ne crurent pas en Dieu,
l'Exalté, le Puissant. Ils ne purent atteindre sa présence, bien que son avènement
ait été promis dans le livre d'Esaie ainsi que dans les livres des Prophètes et
des Messagers. Aucun d'entre eux ne tourna son visage vers l'aurore de la divine
bonté, sauf ceux qui étaient dénués de tout pouvoir parmi les hommes. Et néanmoins,
aujourd'hui tout homme doué de pouvoir et revêtu de souveraineté est fier de s'associer
à son nom. Rappelez-vous celui qui prononça la peine de mort contre Jésus. Il
était parmi les plus érudits de son époque en son pays, tandis que celui qui n'était
qu'un pêcheur crut en lui. Prenez garde et soyez attentifs.
(D)
Considérez de même combien nombreux sont les moines qui, retirés dans leurs églises,
invoquent l'Esprit (Jésus). Mais lorsqu'il apparut grâce au pouvoir de vérité,
ils ne parvinrent pas à s'approcher de lui et restent au nombre de ceux qui se
sont gravement égarés. Heureux ceux qui les ont abandonnés et ont tourné leur
visage vers celui qui est le désir de tous ceux qui sont au ciel et sur la terre.
(E)
Ils lisent l'Evangile et pourtant refusent de reconnaître le Seigneur très-glorieux,
bien qu'il soit venu par la force de son autorité exaltée, puissante et miséricordieuse.
En vérité, nous sommes venu par amour pour vous et nous avons supporté les vicissitudes
du monde pour votre salut. Allez-vous fuir celui qui a sacrifié sa vie pour que
vous soyez revivifiés? Craignez Dieu, ô disciples de l'Esprit, et ne marchez pas
sur les traces de tout ecclésiastique qui s'est gravement égaré. Pensez-vous qu'il
recherche son propre avantage alors qu'il a été constamment menacé par les épées
de ses ennemis? Ou qu'il recherche les vanités de ce monde alors qu'on l'a emprisonné
dans la plus désolée des villes? Soyez équitables dans votre jugement et ne suivez
pas la trace des injustes.
(F)
Ouvrez la porte de votre coeur. En vérité, celui qui est l'Esprit se tient devant
elle. Pourquoi vous tenez vous éloignés de celui qui a projeté de vous attirer
vers un lieu resplendissant? Dis: En vérité, nous vous avons ouvert les portes
du Royaume. Allez-vous barricader les portes de vos maisons devant ma face? Ce
serait là vraiment une lamentable erreur. En vérité, il est de nouveau descendu
du ciel comme il en descendit la première fois. Prenez garde, de crainte que vous
ne contestiez ses paroles comme le peuple le fit avant vous, Ainsi vous instruit
le Vrai, puissiez-vous le comprendre.
(G)
Le Jourdain se joint au plus grand océan et le Fils, dans la vallée sainte, s'écrie:
"Me voici, me voici, ô Seigneur, mon Dieu!" pendant que le Sinaï tourne autour
de la Maison et que le Buisson Ardent s'écrie: "Celui qui est le désir de tous
est venu dans sa transcendante majesté!" Dis: Voyez! Le père est venu, et ce qu'on
vous a promis dans le Royaume est accompli! Voici la parole que le Fils a cachée
lorsqu'il dit à ceux qui l'entouraient: "Vous ne pouvez pas la supporter maintenant."
Et quand le temps désigné fut achevé et que l'heure eut sonné, la parole brilla
au-dessus de l'horizon de la volonté de Dieu. Prenez garde, ô disciples du Fils,
à ne pas la rejeter. Saisissez-la fermement. Cela sera mieux pour vous que tout
ce que vous possédez. En vérité, il est proche de ceux qui font le bien. L'heure
que nous avions dissimulée à la connaissance des peuples de la terre et des anges
est arrivée. Dis: En vérité, il a témoigné pour moi et je témoigne pour lui. Il
ne visait en effet personne d'autre que moi. Toute âme juste et compréhensive
en atteste.
(H)
Bien que frappé d'innombrables afflictions, Nous convoquons le peuple devant Dieu,
le Seigneur des noms. Dis: efforcez-vous d'atteindre ce qu'on vous a promis dans
les livres de Dieu et ne suivez pas la voie de l'ignorant. Mon corps a enduré
l'emprisonnement pour que vous soyez libérés de l'esclavage de votre moi. Tournez
votre visage vers sa face et ne suivez pas la trace de tout oppresseur hostile.
En vérité, il a consenti à être cruellement humilié afin que vous puissiez atteindre
la gloire, et néanmoins, vous vous divertissez dans la vallée de l'insouciance.
En vérité, il habite la plus désolée des demeures par amour pour vous, pendant
que vous habitez des palais.
(I)
Dis: n'avez vous pas entendu la voix du crieur qui clamait dans le désert du Bayan
(livre révélé par le Bab, précurseur de Baha'u'llah, martyrisé en 1850àTabriz
(Iran)), vous apportant la bonne nouvelle de la venue de votre Seigneur, le très-miséricordieux?
Voyez! Il est venu à l'ombre protectrice du témoignage, revêtu de preuves et d'évidences
concluantes, et ceux qui croient vraiment en lui considèrent sa présence comme
l'incarnation du Royaume de Dieu. Béni soit l'homme qui se tourne vers lui et
malheur à ceux qui le renient ou qui doutent de lui.
(J)
Annonce aux prêtres: Voyez! Celui qui est le souverain est venu. Sortez de derrière
le voile au nom de votre Seigneur, celui qui fait courber la tête de tous les
hommes. Proclamez à toute l'humanité la bonne nouvelle de cette puissante et resplendissante
révélation. En vérité, celui qui est l'Esprit de Vérité est venu vous conduire
vers la vérité toute entière. Il ne parle pas de ce que lui souffle son moi, mais
de ce que lui ordonne le Très-Sage, celui qui sait tout.
(K)
Dis: voici celui qui a glorifié le Fils et loué sa cause. 0 peuples de la terre!
Débarrassez-vous de ce que vous possédez et saisissez fermement ce que vous ordonne
le Tout-Puissant, celui qui porte la charge que Dieu lui a confiée. Purifiez vos
oreilles et tournez votre coeur vers lui pour que vous puissiez entendre le plus
merveilleux appel qui s'est élevé du Sinaï, la demeure de votre Seigneur, le plus
glorieux. En vérité, ceci vous conduira vers le lieu d'où vous apercevrez la splendeur
de la lumière de sa face qui brille au-dessus de cet horizon lumineux.
(L)
0 assemblée de prêtres! Laissez vos cloches et sortez de vos églises. Il vous
appartient en ce jour de proclamer bien haut le Plus Grand Nom parmi les nations.
Préférez-vous garder le silence alors que chaque pierre et chaque arbre s'écrient:
"Le Seigneur est venu dans toute sa gloire!" Heureux l'homme qui se hâte vers
lui. En vérité, il sera compté parmi ceux dont les noms seront inscrits pour l'éternité
et dont parlera l'assemblée suprême. C'est ce qu'a décrété l'Esprit dans cette
merveilleuse tablette. Celui qui appelle les hommes en mon nom est vraiment de
moi et il manifestera ce qui dépasse le pouvoir de tous ceux qui sont sur cette
terre. Suivez le chemin du Seigneur et non les pas de ceux qui se sont embourbés
dans l'insouciance. Heureux celui qui, s'étant endormi, se voit ranimé par la
brise de Dieu et se lève d'entre les morts en dirigeant ses pas vers le chemin
du Seigneur. En vérité, un tel homme est considéré par Dieu, le Vrai, comme un
joyau parmi les hommes et il est compté parmi les bienheureux.
(M)
Dis: La lumière de sa révélation a point à l'Orient; en Occident les signes de
son autorité sont apparus. Réfléchis à ceci dans ton coeur, ô peuple, et ne sois
pas de ceux qui se sont gravement égarés quand mon Souvenir (le Bab) vint à eux
selon les ordres du Tout-Puissant, celui dont toutes choses chantent les louanges.
Que la brise de Dieu t'éveille! En vérité elle a soufflé sur le monde. Heureux
celui qui en a respiré le parfum et qui est compté parmi ceux qui sont fermes.
(N)
O assemblée d'évêques! Vous êtes les étoiles du ciel de ma connaissance. Ma miséricorde
ne désire pas vous voir tomber à terre. Cependant ma justice déclare: "C'est ce
que le Fils a décrété." Et tout ce qui est sorti de sa bouche innocente, véridique
et digne de confiance, ne pourra jamais être altéré. En vérité, les cloches carillonnent
mon nom et se lamentent à mon sujet, mais mon esprit est empli d'une joie éclatante.
Le corps du Bien-Aimé désire ardemment la croix et sa tête attend impatiemment
le coup de lance dans le chemin du Très-Miséricordieux. La suprématie de l'oppresseur
ne peut en aucune façon le détourner de son dessein, Nous avons appelé toutes
choses créées à atteindre la présence de votre Seigneur, le Roi de tous les noms.
Heureux l'homme qui a tourné son visage vers Dieu, le Seigneur du Jour de l'Expiation.
(O)
Ô assemblée de moines! Si vous décidez de me suivre, je ferai de vous les héritiers
de mon royaume. Et si vous péchez contre moi, dans mon inlassable longanimité
je le supporterai patiemment, car je suis, en vérité, celui qui toujours pardonne,
le Très-Miséricordieux.
(P)
Ô terre de Syrie! Qu'est devenue ta droiture? En vérité, les pas de ton Seigneur
t'ont ennoblie. As-tu perçu le parfum de la sainte réunion ou doit on te ranger
parmi les insouciants?
(Q)
Bethléem s'anime sous la brise de Dieu. Nous entendons sa voix qui dit: "O toi,
Seigneur très généreux! Où s'est établie ta grande gloire? Les suaves parfums
de ta présence m'ont vivifiée, alors que je languissais à cause de ma séparation
de toi. Toute louange à toi qui enleva les voiles et vint revêtu d'une puissance
et d'une gloire évidentes." Elevant la vois de derrière le tabernacle de majesté
et de grandeur, nous l'appelâmes: "O Bethléem! Cette lumière s'est levée à l'Orient
et s'est déplacée vers l'Occident jusqu'à ce qu'elle te parvienne, au soir de
sa vie. Dis moi: les fils reconnaissent ils le Père et l'acceptent-ils? Ou bien
le renient-ils, de même que le peuple d'autrefois le renia?". Sur quoi elle s'écria:
"Tu es vraiment l'Omniscient, l'Informé!" En vérité, nous voyons toutes choses
créées témoigner en notre faveur, Certaines nous reconnaissent et témoignent,
tandis que la plupart témoignent et ne nous reconnaissent pas.
(R)
Le Sinaï s'anime de joie en apercevant notre face. Il élève sa voix captivante
pour glorifier son Seigneur, disant: "0 Seigneur! le sens le parfum de ton manteau.
Il me semble que tu es proche, revêtu des signes de Dieu. Tu as ennobli ces régions
de tes pas. Combien serait béni ton peuple, si seulement il pouvait te reconnaître
et respirer tes doux arômes! Et malheur à ceux qui restent plongés dans le sommeil."
(S)
Heureux es-tu, toi qui as tourné ton visage vers ma face, dans la mesure où tu
as déchiré les voiles, fait voler en éclats les idoles et reconnu ton Seigneur
éternel. Les peuples du Qur'an se sont élevés contre nous sans preuve ni témoignage
clairs, nous soumettant à chaque instant à un nouveau tourment. Ils s'imaginent
futilement que les tribulations sont susceptibles de faire échouer notre dessein.
Ce qu'ils ont imaginé est vraiment vain. En vérité, ton Seigneur est celui qui
ordonne tout ce qu'il lui plaît.
(T)
le ne passe jamais devant un arbre sans que mon coeur s'adresse à lui en disant:
"0 ! qu'on t'abatte en mon nom et qu'on crucifie mon corps sur toi." Nous avons
révélé ce passage dans la Tablette au Shah afin qu'il serve à avertir les fidèles
de toutes les religions. En vérité, ton Seigneur, le Très-Sage, sait tout.
(U)
Ne t'afflige pas à cause de ce qu'ils m'ont fait subir. Ils sont vraiment plutôt
morts que vivants. Laisse-les avec les morts, puis tourne ton visage vers celui
qui donne la vie au monde. Ne t'attriste pas de ce que racontent les étourdis.
Sois ferme dans la Cause et enseigne le peuple avec une parfaite sagesse. Ainsi
te commande le Souverain de la terre et du ciel. Il est, en vérité, le Tout-Puissant,
le Plus Généreux. Bientôt Dieu exaltera ton souvenir et, de la plume de gloire,
inscrira ce que tu as exprimé dans ton amour pour lui. Il est vraiment le protecteur
de ceux qui font le bien.
(V)
Rappelle-moi au souvenir de celui qui s'appelle Murad et dis:"Heureux es-tu, ô
Murad, pour avoir rejeté loin de toi les suggestions de tes propres désirs, afin
de suivre celui qui est le désir de toute l'humanité." Dis: Heureux le dormeur
que réveille ma brise. Heureux le mort ranimé par mon souffle de vie. Heureux
l'oeil consolé en contemplant ma beauté. Heureux le voyageur qui dirige ses pas
vers le tabernacle de ma gloire et de ma majesté. Heureux l'affligé qui cherche
refuge à 1'ombre de mon dais. Heureux l'assoiffé qui se hâte vers les doux flots
de ma tendre bienveillance. Heureuse l'âme insatiable qui rejette ses désirs égoïstes
par amour pour moi et prend place à la table du banquet que j'ai fait descendre
du ciel de ma divine bonté pour mes élus. Heureux l'humilié qui saisit fermement
la corde de ma gloire, et le nécessiteux qui se met à 1'ombre du tabernacle de
ma richesse. Heureux l'ignorant qui cherche la fontaine de ma connaissance, et
l'insouciant qui s'accroche à la corde de mon souvenir. Heureuse l'âme que mon
souffle vivifiant ressuscite et qui gagne accès à mon royaume céleste. Heureux
l'homme qui, mû par les doux arômes de réunion avec moi, est attiré vers l'aurore
de ma révélation. Heureuses l'oreille qui entend et la langue qui témoigne; et
heureux l'oeil qui voit et reconnaît le Seigneur lui même, dans sa grande gloire
et majesté, investi de grandeur et d'empire. Heureux ceux qui atteignent sa présence.
Heureux l'homme qui cherche à être éclairé par l'étoile du jour de ma parole.
Heureux celui qui pare sa tête du diadème de mon amour. Heureux celui qui entend
le récit de mes chagrins et se lève pour m'aider parmi mon peuple. Heureux celui
qui sacrifie sa vie dans mon sentier et subit maintes épreuves par amour pour
mon nom. Heureux l'homme, confiant en ma parole, qui se lève d'entre les morts
pour célébrer ma louange. Heureux celui que ravissent mes mélodies merveilleuses
et qui déchire les voiles par la force de mon pouvoir. Heureux celui qui reste
fidèle à mon Alliance et que les choses de ce monde n'empêchent pas d'atteindre
ma cour de sainteté. Heureux l'homme qui, détaché de tout sauf moi, s'en vole
dans l'atmosphère de mon amour, qui parvient à entrer dans mon royaume, contemple
mes domaines de gloire, boit à longs traits les eaux vives de ma bonté, s'abreuve
au fleuve céleste de ma tendre providence, prend connaissance de ma Cause, comprend
ce que j'ai dissimulé dans le trésor de mes paroles et brille à l'horizon de la
connaissance divine, occupé à me louer et à me glorifier. En vérité, il est des
miens, Sur lui reposent ma miséricorde, ma tendre bienveillance, ma bonté et ma
gloire.
Baha'u'llah
2. COMMENTAIRE
2.1. Le voile des Noms
"Cette Epître venant de notre présence est destinée à celui que le voile des noms
n'a pas empêché de s'approcher de Dieu... Dis, ô disciples du Fils! Vous êtes-vous
exclus de ma présence à cause de mon nom?" (A)
Il semble que celui à qui cette Epître fut adressée fut d'origine chrétienne (Voir
appendice 1) et que le "voile des noms" ne l'écarta pas de cette nouvelle
manifestation de l'Esprit Saint.
Sans préambule, Baha'u'llah va droit au coeur du dilemme, à savoir qu'un chrétien
peut difficilement envisager la suggestion d'une nouvelle révélation. Pour beaucoup
c'est quasiment impensable, tout autant que l'idée d'invoquer un autre nom que
celui de Jésus. Pour d'autres une telle idée ne peut qu'être associée au retour
du Christ pour juger le monde à la fin des temps, accompagné d'événements apocalyptiques,
dans lesquels on ne peut croire que s'il s'agit d'un avenir lointain. On oublie
facilement le conseil de Jésus: "Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni
l'heure." On oublie également son avertissement: "Ainsi donc, tenez vous prêts,
vous aussi, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme
viendra." (Matt.24:42-44)
2.2. Un nouveau nom
Jésus avertit ses disciples du danger des faux prophètes qui utiliseraient son
nom: "Prenez garde que personne ne vous égare: car beaucoup viendront en se servant
de mon nom, en disant: "Je suis le Christ" et ils en égareront beaucoup." (Matt.24:4-5)
Et encore: "Alors, si quelqu'un vous dit: "Voyez, le Christ est ici!", ou "là!",
ne le croyez pas." (Matt.24:23-24)
On peut donc supposer qu'à son retour il ne s'appellerait ni Jésus ni le Christ,
mais aurait un nouveau nom. Saint Jean semble l'indiquer dans l'Apocalypse dans
laquelle Jésus promet au "vainqueur" "un caillou blanc, et, sur le caillou un
nom nouveau." (Apoc.2:16)
Dans le paragraphe suivant il précise qu'il parle de l'époque de son retour, car
il dit: "A moins que tu ne te réveilles, je viendrai comme un voleur et tu ne
sauras absolument pas à quelle heure je viendrai..." (Apoc.3:3) et ensuite, "Je
viens promptement. Continue à tenir ferme..." (Apoc.3:11) et finalement, "Le vainqueur,
j'en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu... et j'écrirai sur lui le nom
de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et
mon nom nouveau." Et il ajoute: "Que celui qui a des oreilles entende..." (Apoc.3:12-13)
Il apparaît donc que le "vainqueur", le vrai croyant qui ne s'est pas assoupi,
reconnaîtra à son retour celui qui aura un nom nouveau; la nouvelle Jérusalem
qui descend du ciel aura un nom nouveau et, finalement, le Christ, lui aussi,
aura un nom nouveau.
Si nous revenons au premier paragraphe de cette lettre, ces dernières citations
donnent tout son sens à l'idée du chrétien qui pourrait rester fermé à la révélation
de Baha'u'llah à cause de son nom.
Jésus lui-même a clairement indiqué le sens symbolique et spirituel du retour
d'un prophète. Il le fait en parlant du retour d'Elie qui devait précéder la venue
du Messie. Dans l'Evangile selon saint Matthieu il dit: "Je vous dis, en vérité,
parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste...
car tous les prophètes et la Loi ont prophétisé jusqu'à Jean. Et si vous voulez
le comprendre, c'est lui qui est l'Elie qui devait venir. Que celui qui a des
oreilles pour entendre, entende." (Matt.11:11-15)
Plus tard, en descendant de la montagne, après la Transfiguration sur la montagne,
alors que les disciples venaient d'avoir la vision de Jésus qui conversait avec
Moïse et Elie, ils lui demandèrent: "Que disent donc les scribes, qu'Elie doit
venir d'abord?" Il répondit, "0ui, Elie doit venir et tout remettre en ordre;
mais je vous le dis, Elie est déjà venu, et ils ne l'ont pas reconnu, mais l'ont
traité à leur guise. Et le Fils de l'homme aura de même à souffrir d'eux." Alors
les disciples comprirent que ses paroles visaient Jean-Baptiste." (Matt.17:10-13)
Ainsi, il est clair que les juifs attendaient le retour d'Elie avant la venue
du Messie. Le Christ, veut-il dire que Jean-Baptiste était physiquement la même
personne que le prophète Elie de l'Ancien Testament, ou la réincarnation de son
âme? ... La citation qui suit semble indiquer que non. Pour qu'il n'y ait plus
de doute concernant le caractère purement spirituel et symbolique de cette explication
de Jésus, il est intéressant de se référer à l'Evangile selon saint Jean où une
délégation des chefs juifs de Jérusalem est venue voir Jean-Baptiste afin de lui
demander qui il était "Il confessa, il ne nia pas, il confessa: "Je ne suis pas
le Christ." "Quoi donc?" lui demandèrent ils. "Es-tu Elie?" Il dit: "Je ne le
suis pas..." (Jean.1:21-23)
Ainsi, sans aucun doute, Jean-Baptiste nia être Elie au sens littéral et physique,
mais Jésus affirme que, pour ceux qui ont des oreilles pour entendre, il est le
retour d'Elie qui devait précéder son avènement.
Donc, le retour d'Elie ne représente pas le retour de la même personne et il ne
porte pas le même nom. Il représente pourtant le retour d'une réalité spirituelle.
Il s'agit des mêmes qualités spirituelles que possédait Elie, le même rôle prophétique,
renouvelés en Jean-Baptiste.
Puisque c'est ainsi que Jésus lui-même explique la signification du "retour" d'un
prophète, pourquoi ne pas comprendre son propre retour "dans une nuée avec puissance
et grande gloire" (Luc.21:28) de la même manière: un autre personnage qui
réunit les mêmes perfections spirituelles que Jésus, qui remplit les mêmes fonctions
d'intermédiaire choisi par Dieu, dont la tâche est de manifester aux hommes la
volonté divine, ses perfections et ses enseignements?
Ainsi, selon Baha'u'llah, les chrétiens sont, pour la plupart, restés "fermés
à Lui", se sont détournés de lui, surtout parce qu'ils n'ont pas saisi le sens
figuratif des promesses du Christ - ceci, à cause de ce "nom nouveau". Ils n'ont
donc pu reconnaître le retour du Christ dans la personne de Baha'u'llah, de la
même manière que les juifs n'ont pu reconnaître ni le retour d'Elie dans la personne
de Jean-Baptiste ni l'avènement du Messie dans la personne de Jésus. Dans chacun
des cas la solution du mystère se trouve dans leurs propres Ecrits saints, mais
c'est le Promis lui-même qui, seul, en possède la clef.
2.3. L'histoire se répète
Le Christ n'avait-il pas averti les juifs: "Je suis venu au nom de mon père et
vous ne me recevez pas... Ne pensez pas que c'est moi qui vous accuserai auprès
du père. Votre accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir. Car si
vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c'est de moi qu'il a écrit. Mais
si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez vous mes paroles?" (Jean.5:43-47)
La situation de Baha'u'llah est identique à celle du Christ. En ce sens, l'histoire
se répète et la leçon est la même. Comparons cette dernière citation avec les
paroles suivantes de Baha'u'llah: "Jour et nuit vous invoquiez votre Seigneur,
l'Omnipotent, mais quand il descendit du ciel de l'éternité dans sa grande gloire,
vous vous êtes détournés de lui et vous êtes restés plongés dans l'insouciance."
(B) Et un peu plus loin: "Ils lisent l'Evangile et pourtant refusent
de reconnaître le Seigneur très-glorieux, bien qu'il soit venu..." (E)
On ne peut qu'être frappé par le parallèle du point de vue historique. C'est comme
si l'on transposait dans la citation de saint Jean le nom du Christ à celui de
Moïse et le nom de Baha'u'llah à celui de Jésus. Baha'u'llah insiste, à plusieurs
reprises: le chrétien doit apprendre à profiter des erreurs du passé. Il les somme:
"Considérez ceux qui rejetèrent l'Esprit (Jésus)..." et rappelle que seuls "ceux
qui étaient dénués de tout pouvoir parmi les hommes" (C) reconnurent
le Christ; il évoque la faillibilité de la connaissance humaine en se référant
à Annas, "parmi les plus érudits de son époque en son pays..." , qui fut malgré
cela le principal responsable de la condamnation à mort de Jésus, "tandis que
celui qui n'était qu'un pêcheur (Pierre) crut en lui..." (C)
Baha'u'llah reproche ensuite aux moines, sous-entendu à toute la chrétienté, d'avoir
répété la même erreur par rapport à lui: ils "ne parvinrent pas à s'approcher
de lui..." (D)
De même que le Christ s'est sacrifié pour sauver l'homme du péché, de même, Baha'u'llah,
faisant appel au coeur de chacun, affirme: "En vérité, nous sommes venu par amour
pour vous et nous avons supporté les vicissitudes du monde pour votre salut."
Et puis il s'écrie: "Allez vous fuir celui qui a sacrifié sa vie pour que vous
soyez revivifiés?" (E)
Le lecteur se reportera aux autres oeuvres de Baha'u'llah (voir bibliographie
DPPN, BEN et appendice 2) pour connaître l'étendue de ses souffrances à travers
ses quatre exils successifs et ses années d'emprisonnement pendant les quarante
ans de son ministère.
2.4. Rejet de l'envoyé de Dieu
Ensuite Baha'u'llah prévient les chrétiens de craindre Dieu et de ne pas marcher
"sur les traces de tout ecclésiastique qui s'est gravement égaré"(E).
Si ces propos paraissent un peu sévères ou provocateurs il faut se rappeler les
propos encore plus durs utilisés par Jésus quand il s'adressa aux scribes et aux
pharisiens en les nommant "hypocrites" , "guides aveugles", "serpents" et "engeance
de vipères" etc. (Matt.23:15,16,33) Jésus justifia cette condamnation en
affirmant qu'il les tenait pour responsables du rejet par le peuple, non seulement
de lui-même, mais aussi de tous les prophètes qui l'avaient précédé. (Matt.23:33-36)
Il affirme ainsi la responsabilité des membres du clergé à travers les âges, car
ne se sont-ils pas proposés comme guides spirituels du peuple? S'ils reconnaissent
celui qui a été promis dans les Ecrits saints quand il apparaît, alors l'arbre
de leur foi aura porté son fruit. Leur responsabilité est proportionnelle à l'influence
qu'ils exercent sur tant de croyants.
Néanmoins, un aspect fondamental du message de Baha'u'llah est que chaque individu
est finalement seul responsable de son destin spirituel et que chacun doit rechercher
la vérité pour lui-même. Il promet qu'en s'efforçant d'être juste "tu verras par
tes propres yeux et non par ceux d'autrui, et tu comprendras par ta propre intelligence
et non par celle de ton prochain."
Baha'u'llah conseille alors au lecteur d'être juste, de reconnaître que matériellement
il n'avait rien à gagner en prétendant être le révélateur de la volonté divine
et que cela ne lui a apporté que souffrances.
2.5. Un coeur pur
L'appel qui suit est à la base du message des Fondateurs de toutes les grandes
religions: "Ouvrez la porte de votre coeur." (F) Baha'u'llah
exprime la même idée ailleurs en parlant avec la voix de Dieu: "0 fils de l'existence!
Aime moi pour que je puisse t'aimer. Si tu ne m'aimes pas, mon amour ne pourra
jamais t'atteindre. Sache-le, ô serviteur."12
Afin de pouvoir ouvrir la porte de son coeur il faut d'abord être sûr que la personne
concernée soit digne de foi. C'est pour cela que, tout de suite après, Baha'u'llah
rassure le chrétien qu'une telle confiance est justifiée, car le Christ lui-même
(l'Esprit) se tient devant cette porte. Dans ses Ecrits Baha'u'llah se réfère
régulièrement à Jésus comme "l'Esprit". Ainsi Baha'u'llah affirme que Jésus est
là pour guider l'âme sincère à le reconnaître afin de le conduire vers "un lieu
resplendissant." Il fait donc appel au chrétien: "...en vérité, Nous vous avons
ouvert les portes du Royaume. Allez-vous barricader les portes de vos maisons
devant ma face?" (F)
2.6. Le Royaume de Dieu
A maintes reprises Baha'u'llah déclare qu'il est venu établir sur terre le Royaume
de Dieu, si longtemps promis. Le "Royaume", tel qu'il est mentionné dans les Evangiles,
semble revêtir deux sens: celui qui peut s'établir immédiatement dans le coeur
de chacun et celui qui signifie la Rédemption de toute la société humaine, dont
le Christ était le héraut. Comme George Townshend, ancien chanoine de la cathédrale
St-Patrick, à Dublin, écrivit: "L'avènement final du royaume divin a été promis
dès le commencement et cette promesse confère à la Bible son caractère d'espérance
confiante, de succès et de triomphe."13
Il nous rappelle que ce thème date de Moïse qui avait prédit qu'après l'installation
des Israélites en Terre Sainte ils seraient ensuite dispersés à travers le monde
jusqu'au jour où "les temps étant accomplis", le Seigneur Dieu, pris de compassion,
ramènerait et rassemblerait le peuple d'Israël et le rétablirait en Terre Sainte.(Deuteronome
30) Ceci devint le thème favori des prophètes mineurs qui suivirent Moïse
et qui prévirent la synchronisation de ce retour des juifs en Israël avec l'avènement
de "l'Eternel des Armées". D'après cette vision l'humanité sera unifiée autour
de la Loi de Dieu. Par exemple: "L'Eternel sera roi de toute la terre: en ce jour
là, l'Eternel sera le seul Eternel, et son nom sera le seul nom." (Zacharie.14:9-10)
Ainsi que: "...car la terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel, comme
le fond de la mer par les eaux qui la couvrent." (Esaïe.11:9)
On peut comparer ce qui vient d'être cité avec ce passage de Baha'u'llah: "Ce
que le Seigneur a ordonné comme souverain remède et comme plus puissant moyen
de guérison du monde, c'est l'union de tous ses peuples en une Cause universelle,
en une Foi commune. Ceci ne peut d'aucune façon être accompli que par le pouvoir
d'un habile médecin, tout puissant et inspiré."14
Et encore: "L'objet fondamental de la Foi de Dieu et de sa religion est de sauvegarder
les intérêts de la race humaine, d'établir son unité et de développer, entre les
hommes, l'esprit d'amour et de fraternité."15
Et il continue plus loin: "Tout ce qui sera édifié sur une telle fondation, ni
les changements et les vicissitudes du monde ne parviendront jamais à en réduire
la force, ni le cours d'innombrables siècles à en miner la structure."16
2.7. La Paix mondiale - L'unité du Monde
L'établissement du Royaume de Dieu doit signaler également 1'instauration de la
paix mondiale: "...De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des
faucilles. Les nations ne lèveront plus l'épée l'une contre l'autre et l'on ne
s'exercera plus à la guerre..." (Michée.4:3)
Baha'u'llah a clairement expliqué que la paix mondiale découle de l'unité de l'humanité
et que l'unité dépend du pouvoir régénérateur de la parole de Dieu: "Le bien être
de l'humanité, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus si son unité n'est
pas fermement établie. Et cette unité ne pourra être elle-même réalisée tant que
seront négligés les avis qu'a révélés la plume du Très-Haut... Par la seule puissance
des paroles qu'il a prononcées, la race humaine peut être, toute entière, illuminée
de la lumière de l'unité, et le souvenir de son nom sacré suffit à embraser les
coeurs des hommes..."l7
Le Christ renoue également avec le thème du Royaume. D'un côté, lors de son interrogatoire
par Pilate, Jésus insista sur le caractère non-politique de sa mission: "Mon royaume
n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu
pour que je ne fusse pas livré aux juifs." (Jean.18:36). De l'autre, il
promet à ses disciples que chacun, en se tournant vers lui et en suivant ses enseignements,
peut avoir accès au "royaume des cieux". (Matt.7:21)
Jésus affirme donc très clairement qu'à ce moment-là de l'histoire sa mission
n'était pas d'établir le Royaume de Dieu sur terre. Sa dispensation (*) ne verrait
pas l'établissement de la paix (le Royaume), mais devait plutôt le précéder: "N'allez
pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu
apporter la paix, mais le glaive" (Matt.10-34). Cependant il apportait
la paix dans le coeur de l'individu, comme il l'avait promis à ses disciples juste
avant sa mort: "Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix; je ne vous la donne
pas comme le monde la donne. Que votre coeur cesse de se troubler et de craindre."
(Jean.14:27) [(*) nota : Le mot dispensation est utilisé ici dans le sens de la période
que Dieu accorde à chaque messager divin. Donc, la dispensation de Moïse couvre
la période de sa venue jusqu'à l'avènement de Jésus qui prend en quelque sorte
la relève. La dispensation de Jésus dure jusqu'à son retour.]
Tout en affirmant que son royaume est céleste, plutôt que terrestre, et que la
paix qu'il apporte est une paix intérieure et spirituelle, Jésus a néanmoins confirmé
la promesse du Royaume de Dieu sur terre, mais pour un avenir plus lointain. Il
l'a associée avec le jour de son retour dans la puissance et dans la gloire. Il
est évident qu'un aspect de sa mission était de préparer les chrétiens afin qu'ils
puissent être prêts pour un tel jour. On retrouve cette idée au coeur de la seule
et unique prière qu'il a laissée à la postérité et que tous les chrétiens récitent:
"...que ton règne arrive, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel..."
(Matt.6:10)
Voilà qu'il définit lui-même de quel royaume il parle et il s'agit ici, sans aucun
doute, de celui dont parle également l'Ancien Testament, c'est-à-dire: l'application
de la volonté divine sur toute la planète. On peut supposer que si le Christ demanda
à ses adeptes de prier pour la réalisation d'un tel événement, cela constitue
donc une promesse que le Royaume de Dieu sur terre représente le sommet de l'évolution
spirituelle et sociale de l'humanité et qu'il sera réalisé. Il est inconcevable
qu'il demande à ses disciples de prier pour quelque chose qui ne peut se produire.
Il s'agit donc, non seulement d'une prière, mais en même temps d'une promesse.
En retenant cette idée, examinons ce retentissant appel lancé par la plume de
Baha'u'llah: "Le temps qui fut fixé aux peuples et tribus de la terre est aujourd'hui
venu. Les promesses de Dieu, enregistrées dans les saintes Ecritures, ont toutes
été tenues. De Sion est sortie la Loi de Dieu, et Jérusalem et ses collines, et
le pays d'alentour sont remplis de sa Révélation."l8
Ceci se réfère évidemment à la prophétie d'Esaie: "Car c'est de Sion que viendra
la Loi et de Jérusalem que sortira la parole de l'Eternel." (Esaïe 2:3)
2.8. Prince de la Paix
C'est ainsi que Baha'u'llah, s'exprimant comme "l'Eternel des Armées" de l'Ancien
Testament, écrivit de Terre Sainte, adressant à l'humanité les paroles citées
ci-dessus. Comme sa mission suprême est d'établir l'unité de l'humanité dans le
cadre du Royaume de Dieu sur terre, il est naturel qu'en plus des aspects spirituels,
éthiques et mystiques de sa révélation, il fournisse aussi les institutions et
les lois (voir bibliographie, BEN) nécessaires à incarner ce Royaume divin,
ce nouvel ordre mondial - d'où la prophétie d'Esaïe: "...Et l'empire reposera
sur son épaule; on l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, père éternel,
Prince de la Paix. Donner à l'empire de l'accroissement, et une paix sans fin
au trône de David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par le droit et
par la justice, dès maintenant et pour toujours: voilà ce que fera le zèle de
l'Eternel des Armées." (Esaie.9:5-6)
La tradition veut que ce passage se réfère à l'avènement de Jésus et on le lit
souvent dans les églises à Noël, mais, comme nous le verrons, bien que plusieurs
de ces titres s'appliquent très bien au Christ, certains se rapportent plutôt
à l'Eternel des Armées, donc au retour du Christ dans la gloire. Ceci devient
plus clair si on examine de plus près ces descriptions:
1) Et l'empire reposera sur son épaule
L'autorité spirituelle et morale de Jésus est évidente. Pourtant, par rapport
aux affaires de ce monde, comme nous l'avons vu, il fut catégorique: "Mon royaume
n'est pas de ce monde." (Jean.18:36) Ailleurs il conseilla: "Rendez donc à César
ce qui est à César..." (Matt.22:21) En revanche, vingt siècles plus tard,
Baha'u'llah apporte le modèle pour un nouvel ordre mondial qui incarnera la justice
et déclare: "L'équilibre du monde s'est trouvé rompu par la vibrante action de
ce nouvel Ordre mondial... Bientôt, le présent ordre des choses sera retranché
et un nouvel ordre sera déployé à sa place." l9
2) Dieu puissant
Le Christ se nomma le Fils de Dieu qui dépend entièrement de son père: "Je ne
peux rien faire de moi-même... car ce n'est pas ma volonté que je cherche, mais
la volonté de celui qui m'a envoyé." (Jean.5:30) Pourtant il indique qu'il
est l'intermédiaire choisi par Dieu et qu'à travers lui l'homme peut atteindre
et connaître Dieu. C'est ainsi qu'il dit: "Le père et moi, nous sommes un." (Jean.10:30)
De la même façon Baha'u'llah déclare: "0n ne voit en moi que Dieu et sa Cause..."
20
3) Père Eternel
Nous avons déjà rappelé que Jésus se proclamait le "Fils de Dieu". Il dit: "...Le
père est plus grand que moi." (Jean.10:30), tandis que Baha'u'llah annonce:
"Celui qui est le père est venu, et le Fils (Jésus) dans la sainte vallée s'écrie:
"Me voici, ô Seigneur, mon Dieu, me voici!"21
4) Prince de la Paix
Jésus vint apporter la paix au coeur de l'homme, mais non la paix sur terre. Baha'u'llah
relie l'idée de paix mondiale à celle de l'unité. La vision qu'il transmet va
au-delà de ce que les prophètes du passé ont pu concevoir. Elle se résume en partie
ainsi: "Un système fédéral mondial régissant la terre entière et exerçant sur
ses ressources d'une inimaginable ampleur une autorité à l'abri de toute discussion,
incorporant et alliant les idéaux de l'Orient et de l'Occident, affranchi des
malédictions de la guerre et de ses misères; veillant à l'exploitation de toutes
les sources d'énergie disponibles sur toute la surface de la planète, un système
dans lequel la force est mise au service du droit et dont la vie sera soutenue
par la reconnaissance universelle d'un seul Dieu et par la fidélité à une Révélation
commune, tel est le but vers lequel les forces unifiantes de la vie poussent l'humanité."22
5) Au trône de David et à son royaume
Qu'on pense au Christ ou à Baha'u'llah, il est évident que ce trône a une signification
symbolique, car ni l'un ni l'autre n'en possédait. Ce qui distingua le règne de
David, tel que nous le conte l'Ancien Testament, c'est que Dieu lui-même l'avait
choisi pour être roi. Il représente donc, symboliquement, le règne divin et l'autorité
spirituelle conférée par Dieu. C'est vrai en ce qui concerne le Christ et cela
revêt encore une autre dimension dans le cas de Baha'u'llah qui annonce: "Elle
est venue la très grande Loi et, sur le trône de David, règne la Beauté ancienne
(Baha'u'llah)."23
Le Royaume de Dieu implique l'idée de l'existence à la fois d'un roi qui règne
et de lois qui doivent être observées. Dans sa proclamation aux rois de la terre
Baha'u'llah déclare: "Vous n'êtes que des vassaux, ô rois de la terre! Celui qui
est le Roi des rois est apparu, paré de sa gloire la plus merveilleuse... Délaissez
vos palais et hâtez-vous d'obtenir l'accès à son Royaume."24
Cependant, insistant sur le caractère spirituel de cette déclaration, il poursuit:
"Par la justice de Dieu! Nous n'avons pas l'intention de mettre la main sur vos
royaumes. Notre mission est de nous emparer des coeurs des hommes et de les garder.
Sur eux sont fixés les regards de Baha."25
Par rapport à ses lois, il écrivit: "Ne croyez pas que nous vous ayons révélé
un simple code de lois. Nous avons plutôt décacheté, avec les doigts de la force
et du pouvoir, un vin scellé... Toutes les fois que paraissent mes lois, comme
le soleil dans le ciel de ma parole, elles doivent être fidèlement obéies par
tous..."26
6) Le Retour du Christ
"En vérité, il est de nouveau descendu du ciel comme il en est descendu la première
fois."(F) Dans ce passage Baha'u'llah annonce, non seulement
son identité avec le Christ, mais il déclare qu'ils sont tous deux "descendus
du ciel", c'est-à-dire qu'ils viennent tous les deux du Royaume de Dieu. "Car
je suis descendu du ciel..." (Jean.6:38) affirmait le Christ, ce qui étonna
quelque peu les juifs qui l'écoutaient et qui murmuraient à son sujet: "N'est
il pas... ce Jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère?
Comment peut il dire à présent: Je suis descendu du ciel." (Jean.6:42)
Encore plus intrigante est son affirmation: "Nul n'est monté au ciel hormis celui
qui est descendu du ciel, le Fils de l'Homme qui est au ciel." (Jean.3:13)
Ici, nous nous apercevons qu'en même temps qu'il avec ses disciples Jésus affirme
qu'il est au ciel. Il dit qu'il est descendu du ciel, alors que tout le monde
sait que, au moins, il est né du ventre de sa mère. Il est ces déclarations ont
un sens spirituel et - ce que Jésus confirme en disant: "C'est l'esprit qui vivifie,
la chair ne sert de rien." (Jean.6:63)
Finalement, Baha'u'llah écrit ailleurs: "Voici le jour ou le Très Miséricordieux
est descendu du ciel, enveloppé des nuées de la connaissance et revêtu d'une souveraineté
manifeste... Dis: Gardez vous quelques doutes touchant Dieu? Voyez comme il est
descendu du ciel de sa grâce, ceint de puissance et investi de souveraineté."
27
Encore une fois, après avoir clairement identifié sa propre révélation avec celle
de Jésus, Baha'u'llah met en garde les chrétiens contre le danger de répéter les
erreurs du passé. Il dit: "Prenez garde de crainte que vous ne contestiez ses
paroles comme le peuple le fit avant vous." (F) Sans doute la
troisième personne utilisée ici se réfère également au Christ, à Baha'u'llah ou,
à travers eux, à Dieu, dont ce sont les paroles.
"Le Jourdain se joint au plus grand océan..." (G) Le plus grand
océan signifie l'océan de la révélation de Baha'u'llah. Le Jourdain est le fleuve
qui traverse la Terre Promise vers laquelle Moïse guida les Israélites, après
avoir quitté l'Egypte. C'est aussi dans ce fleuve que Jean baptisa Jésus quand
l'Esprit Saint descendit sous la forme d'une colombe et annonça: "Celui-ci est
mon Fils bien aimé, qui a toute ma faveur." (Matt.3:17) Ceci met l'accent
sur l'unité essentielle de la révélation divine, car tous les fleuves aboutissent
obligatoirement dans l'océan, qui est leur destination ultime.
Accomplissement des promesses du passé :
Le Christ (le Fils), dans la "vallée sainte"28
qui se situe dans le désert du Sinaï, annonce sa présence lors de cette nouvelle
révélation. Le Sinaï. et le Buisson Ardent se réfèrent tout naturellement à Moïse.
Tous les deux accueillent cet événement en termes radieux. Cela nous rappelle
ce que dit le Christ: "Abraham, votre père, exulta à la pensée de voir mon Jour..."
(Jean.8:56) Egalement Baha'u'llah écrivit: "Les âmes de tous les prophètes et
messagers divins ont eu soif de ce jour merveilleux."29
2.9. Le Père est venu
Suit une déclaration de la plus haute importance: "Dis: Voyez! Le Père est venu,
et ce qu'on vous a promis dans le Royaume est accompli." (G)
Afin de mieux apprécier la signification de cette déclaration il est nécessaire
d'examiner quelques détails de la parabole du Christ au sujet des vignerons homicides.
On se rappellera que le maître de la vigne avait envoyé à plusieurs reprises un
serviteur aux vignerons pour se faire remettre sa part. Chacun de ces serviteurs
fut maltraité et renvoyé les mains vides. Alors le maître se dit: "Que faire?
Je vais envoyer mon fils bien aimé, peut être auront ils pour lui des égards."
Mais, à sa vue, les vignerons se firent entre eux ce raisonnement "Voici l'héritier;
tuons le, pour que l'héritage soit à nous." Alors ils le tuèrent." Jésus conclut:
"Que leur fera donc le maître de la vigne? Il viendra, fera périr ces vignerons
et donnera la vigne à d'autres." (Luc.20:13-16)
Evidemment la vigne représente la terre. L'homme qui plante la vigne signifie
Dieu, le Créateur. Les vignerons sont principalement les chefs religieux. La suite
de serviteurs qu'il a envoyés et qui furent malmenés, sont les prophètes, comme
Jésus en témoigna plus tard: "Ô Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes
et lapides ceux qui te sont envoyés..." (Matt.23:37)
Il est également clair que le fils, l'héritier tué par les vignerons, représente
Jésus lui-même. Jésus n'entretenait donc aucun doute concernant son martyre proche.
Ce qui est frappant pourtant, c'est que la mort du fils ne constitue pas l'apogée
de l'histoire. L'apogée est l'arrivée du maître de la vigne lui-même. Jusqu'à
ce moment-là les occupants de la vigne sont restés dans un état de perpétuelle
rébellion. Même la venue du fils n'a pas réussi à mettre fin à cette désobéissance.
L'arrivée du père change tout cela, car il remplace les vignerons par d'autres
qui feront sa volonté. Cette dernière partie de la parabole semble donc en harmonie
avec l'accomplissement des prophéties déjà examinées, qui concernent la venue
de l'Eternel des Armées et le retour du Christ dans la gloire à la fin des temps.
Elle coïncide à la fois avec le Jour du Jugement et le moment où Dieu établit
sa Loi (son Royaume) sur la terre. Dès lors on comprend l'importance de l'avènement
du maître de la vigne.
2.10. Dieu
D'après la doctrine baha'ie, Dieu reste essentiellement un "insondable mystère
30... infiniment
supérieur à la compréhension de tout ce qui est créé et hors de la portée des
esprits humains."31
Baha'u'llah affirme de façon catégorique: "Sache, à n'en point douter, que l'Invisible
ne peut en aucune façon incarner son essence et la révéler aux hommes."32
Cela n'implique aucunement une limitation du pouvoir de Dieu, mais plutôt les
limites que l'esprit humain ne peut dépasser. L'apparition de Dieu lui-même, au
sens littéral ou physique, est donc inconcevable. Il s'ensuit que l'apparition
du maître de la vigne, du "Père", signifie l'avènement de quelqu'un exerçant l'autorité
du père céleste. Ainsi, quand Baha'u'llah déclare: "Le Père est venu, et ce qu'on
vous a promis dans le Royaume est accompli!" (G) il parle de
lui-même, dont l'avènement signifie le début de l'accomplissement de cette parabole
et de toutes les autres prophéties concernant la fin des temps.
De même que le terme "Fils" exprime symboliquement le rapport d'obéissance parfaite
de Jésus envers Dieu: "...Le Fils ne peut faire de lui même rien qu'il ne voie
faire au père: ce que fait celui ci, le Fils le fait pareillement." (Jean.5:19)
Et aussi: "Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi même: le père
qui demeure en moi accomplit les oeuvres." (Jean.14:10); de même Baha'u'llah,
en tant que "père" et "Maître de la vigne" symbolise l'autorité de Dieu. C'est
lui qui réprouve les mauvais vignerons à qui il enlève la responsabilité de la
vigne pour la confier à d'autres qui lui obéiront. A travers Baha'u'llah, Dieu
est en train de mettre fin à la rébellion de ses créatures envers leur Créateur
et d'établir sa Loi divine sur cette terre.
Lentement et sûrement, il construit son nouvel ordre mondial (voir bibliographie,
Appel aux Nations. Shoghi Effendi), actuellement à l'état embryonnaire, à
travers les bouleversements accélérés que nous connaissons depuis le début de
ce siècle. Ceci correspond au processus de jugement du monde des mauvais vignerons
- monde qui est en train de se détruire et de démontrer la faillite de ses croyances
de substitution qui dominent la société actuelle. En même temps il y a le travail
des baha'is, qui s'efforcent d'appliquer les enseignements de Baha'u'llah et d'établir
les solutions spirituelles qu'il propose et, plus généralement, celui de toutes
les personnes de bonne volonté qui servent les intérêts de l'humanité, à travers
une multitude d'activités d'une grande diversité et qui reflètent une conscience
croissante de l'unité et de l'interdépendance de tous les peuples du monde.
C'est ainsi que Baha'u'llah annonce: "Bientôt, le présent ordre de choses sera
retranché et un nouvel ordre sera déployé."33
2.11. Fils de Dieu
Les chrétiens ont toujours su que le rapport qu'ils ont avec Dieu passe par Jésus.
C'est pour cela que traditionnellement ils terminent leurs prières avec l'invocation
"par Jésus Christ, notre Seigneur". d'où l'idée que nous avons besoin d'un intermédiaire
entre nous et l'Infini.
Baha'u'llah explique les rapports entre Dieu, le Christ et l'homme de la façon
suivante. Il compare Dieu au soleil, source de toute vie sur terre, et le Christ
à un miroir parfait qui nous reflète le soleil: quand nous regardons dans le miroir
nous voyons le soleil.
Les rayons solaires nous apportent la chaleur et la lumière du soleil, et c'est
grâce à l'Esprit Saint que nous recevons l'inspiration et la direction divines
reflétées dans le parfait miroir du Christ, qui nous permet de connaître toutes
les qualités que nous attribuons à la divinité telles que l'amour, la justice,
l'autorité divine, la compassion, la miséricorde...
Donc, en regardant dans le miroir nous voyons le soleil (Dieu). C'est dans ce
sens que nous comprenons l'affirmation de Jésus que le connaître, c'est connaître
Dieu (le père) et que le Père est dans le Fils. (Jean.14:11)
A d'autres moments Jésus exprime sa parfaite soumission, sa servitude et son obéissance
à Dieu. Il affirme qu'il n'est qu'un miroir, un intermédiaire, et que c'est Dieu
qui importe. C'est ainsi qu'il refuse qu'on l'appelle bon, en affirmant: "Pourquoi
m'appelles tu bon? Il n'y a de bon que Dieu seul." (Luc.18:19) et lorsqu'il
dit qu'il ne fait rien de lui-même (Jean 5:19), mais qu'il ne fait qu'obéir
à son père. (Jean.14:11)
En gardant à l'esprit cette image du soleil et du miroir, nous constatons que
bien des expressions de Jésus relatives à sa relation avec Dieu s'éclaircissent
à la lumière de la citation suivante, tirée du Livre de la Certitude de Baha'u'llah:
"Si quelqu'une des Manifestations de Dieu venait à déclarer: "Je suis Dieu", elle
dirait sans aucun doute la vérité. Car, par leur révélation, leurs attributs et
leurs noms, c'est la révélation même de Dieu, Ses noms et Ses attributs qui sont
manifestés au monde... Et si l'un d'eux disait: "Je suis le messager de Dieu",
il dirait encore, indubitablement, la vérité... Considérés sous ce jour, ils ne
sont que les messagers de ce Roi idéal, de cette immuable Essence..."34
"Et s'ils disaient: "Nous sommes les serviteurs de Dieu", ils énonceraient encore
un fait manifeste et indiscutable. Car c'est dans l'état de la plus absolue servitude
qu'ils ont été manifestés, une servitude qu'aucun homme ne peut atteindre."35
Ainsi, pour poursuivre cette analogie, le soleil n'est pas descendu sur terre
(incarnation), mais se manifeste dans un parfait miroir (manifestation). La Manifestation
de Dieu est à la fois la voix de Dieu, le Verbe qui se fait chair (Jean. 1:1
et 1:14) et l'exemple même de la soumission. Ce sont deux facettes d'une même
réalité.
Si, au cours de l'histoire, il y a eu plusieurs miroirs (par exemple, Abraham,
Moise, Jésus, Baha'u'llah), il n'y a jamais eu qu'un seul soleil.
2.12. La Résurrection
Concernant la résurrection du Christ, le même principe s'impose: celui de rechercher
la signification spirituelle.
Admettons un instant la résurrection physique du Christ On peut se demander ce
que cela prouve. Que le Christ n'est pas mort? Tous ceux qui croient à l'immortalité
de l'âme en sont persuadés. L'immortalité de son corps, remarquable en soi, ne
change rien, si nous acceptons les paroles mêmes de Jésus, qui affirme: "C'est
l'Esprit qui donne la vie; la chair ne sert absolument de rien." (St.Jean.6:63)
Il s'agit donc moins de nier un miracle physique que de nier son importance par
r apport à la réalité spirituelle. Les Ecrits baha'is résument ainsi la situation:
"Les apôtres, après le martyre du Christ, étaient troublés et confondus. La réalité
du Christ, c'est à dire ses enseignements, ses bienfaits, ses perfections, son
pouvoir spirituel, fut cachée et celée pendant deux à trois jours après son martyre;
elle n'était ni apparente, ni visible; au contraire, elle était perdue. En effet,
les croyants étaient peu nombreux... La Cause du Christ était comme un corps sans
âme. "Lorsqu'après trois jours, les apôtres redevinrent fermes et assurés, lorsqu'ils
se mirent au service de la Cause chrétienne et résolurent de répandre les enseignements
divins, de mettre en vigueur les conseils du Christ et de se lever pour le servir,
la réalité du Christ resplendit à nouveau, sa bonté devint apparente, sa religion
prit vie... Autrement dit, la Cause du Christ était comme un corps sans vie: la
vie et la bonté du Saint Esprit l'enveloppèrent."36
2.13. Les Miracles
On peut se demander si Jésus aurait vraiment souhaité que les preuves de sa grandeur
reposent sur les miracles. Lors de sa tentation il refusa l'idée de prouver l'authenticité
de sa révélation par des miracles et à plusieurs reprises il demanda à ceux qu'il
avait guéris de ne pas en parler.
Les Ecrits baha'is font remarquer que, comme les miracles sont historiquement
invérifiables, il n'y a aucun critère pour différencier entre ceux du Christ et
ceux qu'on trouve dans les autres religions.37
En outre, "Si les miracles sont des preuves pour ceux qui sont présents, ils n'en
sont pas pour les absents."38
Les Ecrits baha'is ne nient pas les miracles, mais ils nient leur importance.
Par exemple, ressusciter les morts ne change pas grand-chose en soi, car la personne
meurt sûrement à nouveau par la suite. "L'importance réside dans le don de la
perception et de la vie éternelle, c'est-à-dire de la vie spirituelle et divine."39
Pour donner un autre exemple, les Ecrits baha'is ne nient pas la naissance miraculeuse
de Jésus (au contraire, ils la confirment), mais Jésus lui-même ne l'avance pas
comme preuve de sa mission. Les Ecrits baha'is insistent sur l'intention symbolique
de 1'Image du fils qui obéit parfaitement à son père, une image particulièrement
compréhensible dans le contexte de la société patriarcale des juifs. (Voir
aussi l'analyse de la parabole du vigneron "Le père est venu", p, 48)
Les Ecrits baha'is résument ainsi leur position sur ces questions: "...Quiconque
cherche le Christ dans le corps physique a cherché vainement et sera séparé de
lui comme par un voile, mais quiconque aspire à le trouver en esprit progressera,
jour après jour, dans la joie, le désir, l'amour ardent, toujours près de lui...
En ce jour nouveau et prodigieux, il t'incombe de chercher l'esprit du Christ."40
2.14. Intermédiaires Divins
Baha'u'llah explique ailleurs que Dieu, essentiellement au-delà de notre compréhension,
a comblé ce vide en manifestant "les étoiles du matin de sa direction divine ses
divins intermédiaires, dont Moise, Jésus et Baha'u'llah, entre autres, "...et
il a voulu que la science de ces Etres sanctifiés soit identique à sa propre science.
Qui les reconnaît a reconnu Dieu. Qui écoute leur voix, écoute la voix même de
Dieu, et qui atteste la vérité de leur révélation atteste la vérité de Dieu lui-même."41
2.15. Révélation progressive
Intermédiaire :
Remarquons que dans la Bible ce rôle ne se limite pas à la seule personne de Jésus.
En s'adressant à Abraham Dieu dit: "Je ferai de toi un grande peuple, et je te
bénirai; je magnifierai ton nom...Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai
ceux qui te maudiront Par toi se béniront toutes les nations de la terre." (Genèse.12:2-3)
Et encore: "Je suis El Shadai (le Dieu Tout Puissant), marche en ma présence et
sois parfait.. J'instituerai Mon alliance entre Moi et toi, et ta race après toi,
de génération en génération..." (Genèse.17:1-2) "Par ta postérité se béniront
toutes les nations de la terre, en retour de ton obéissance." (Genèse.22:18)
Les chrétiens ont tendance à négliger le haut rang de Moise, peut-être afin d'exalter
Jésus au-dessus de tous ceux qui l'ont précédé ou qui le suivront. Pourtant, dans
l'Ancien Testament nous apprenons que Moise ne pouvait être comparé aux autres
prophètes, dont le rôle était de prédire l'avenir, de guider le peuple et de le
réprimander quand il s'écartait de la Loi. Ces autres prophètes n'apportaient
ni de nouvelles lois, ni de nouveaux enseignements. Nous apprenons par exemple
que lorsque Miryam et Aaron avaient critiqué Moïse pour avoir pris une femme éthiopienne,
Dieu les blâma, disant: "Ecoutez donc mes paroles: s'il y a parmi vous un prophète,
c'est en vision que je me révèle à lui, c'est dans un songe que je lui parle.
Il n'en est pas ainsi avec mon serviteur Moïse. Lui est à demeure dans ma maison.
Je lui parle bouche à bouche, dans l'évidence, non en énigmes, et il voit la forme
de Yahvé (Dieu). Pourquoi avez-vous osé parler contre mon serviteur Moïse?" (Nombres.12:6-9)
Quand Dieu annonce à Moïse qu'Aaron doit lui servir de porte-parole il s'exprime
ainsi: "Il parlera pour toi au peuple; il te servira de bouche et tu tiendras
pour lui la place de Dieu." (Exode.4:16)
Il semble qu'en réalité Dieu dota Moïse d'un rôle comparable, dans ce sens, à
celui de Jésus: Moïse, l'Interlocuteur; Jésus, le Fils; tous deux intermédiaires
divins, ayant un rapport direct avec Dieu, dont nous et même les autres prophètes,
sommes privés. Cela semble être confirmé par le fait que la seule référence au
Messie à venir venant de Moïse lui-même, se lit ainsi: "L'Eternel, ton Dieu, suscitera
du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!...
L'Eternel me dit: ...Je leur susciterai du milieu de leurs frères, un prophète
comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je
lui commanderai." (Deut.18:15-19)
Revenons aux Evangiles et rappelons-nous, entre d'autres passages déjà cités,
celui où Jésus annonce: "Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi; car
c'est de moi qu'il a écrit. Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez
vous mes paroles?" (Jean.5:46)
Ainsi Moïse (L'Interlocuteur), Jésus (le Fils) et Baha'u'llah (le père) ont chacun
une mission particulière, formant une chaîne, partageant le même rôle d'intermédiaire
entre Dieu et l'humanité. Chacun, selon les exigences de son époque, a manifesté
la volonté divine aux hommes, selon leur capacité à la recevoir.
Tout ceci cadre parfaitement avec l'enseignement de Baha'u'llah, qui indique que
l'histoire, telle qu'elle se présente dans la Bible, ne constitue qu'une partie
de l'ensemble du plan divin pour l'humanité, qui a une portée plus vaste que celle
normalement envisagée par les théologiens. Nous nous bornerons pour l'instant
à un seul exemple.
2.16. Un seul Troupeau, un seul Pasteur
Dans l'Evangile selon saint Jean, Jésus décrit ses disciples (les chrétiens) comme
ses brebis, et lui, comme la porte des brebis. "Qui entrera par moi sera sauvé..."
(Jean.10:9) Après avoir comparé les chrétiens à un troupeau de brebis dont
il est le "bon pasteur" qui donne sa vie pour les protéger (Jean.10:11),
il continue: "J'ai d'autres brebis encore, qui ne sont pas de cet enclos; celles
là aussi, je dois les mener; elles écouteront ma voix; et il y aura un seul troupeau,
un seul pasteur." (Jean.10:16)
Dans un premier temps on peut comprendre ce passage de la façon suivante: au moment
où Jésus parle, ses disciples se limitent aux juifs. On peut donc supposer que
l'enclos représente les juifs qui l'ont reconnu et que plus tard il rassemblera
d'autres, non-juifs (d'autres troupeaux), dans son Eglise.
Cependant, à la lumière de la révélation de Baha'u'llah on peut lui donner un
sens plus vaste, plus universel. Si on comprend que le premier enclos (troupeau)
représente l'ensemble des chrétiens (la religion chrétienne) et pas seulement
ceux d'origine juive, il est logique de supposer que les autres troupeaux symbolisent
les grandes religions du monde, à l'époque séparées les unes des autres par la
distance. La vision de l'humanité en un seul troupeau est déjà une vision planétaire,
alors qu'à l'époque de Jésus les moyens n'existaient pas pour la réaliser. Maintenant
une telle vision est tout à fait conforme aux besoins de notre vingtième siècle.
L'avènement du Maître de la vigne signifie donc l'union de toute l'humanité, de
tous les troupeaux, de toutes les grandes religions, dans un seul enclos (un Ordre
mondial), ce qui recouvre le concept du Royaume de Dieu sur terre.
D'autres extraits des Ecrits de Baha'u'llah rejoignent ces idées d'une manière
encore plus frappante: "Considérez les hommes comme un troupeau de moutons qui
a besoin d'un berger pour les protéger. Voilà la vérité, l'indubitable vérité...
La vraie liberté de l'homme consiste à se soumettre à mes commandements... La
liberté qui vous est profitable, vous ne sauriez la trouver que dans votre entière
servitude envers Dieu, l'éternelle Vérité. Quiconque a goûté à sa douceur ne l'échangerait
pas pour l'empire de la terre et du ciel."42
"Voici, ô mes bien aimés, que vient d'être établi le tabernacle de l'union; ne
vous regardez donc plus comme des étrangers. Vous êtes les fruits d'un même arbre...".
"Ô peuples et tribus en lutte sur la terre! Tournez vous vers l'unité afin que
brille sur vous l'éclat de sa lumière. Rassemblez vous et, pour l'amour de Dieu,
prenez la résolution de déraciner tout ce qui est cause de lutte entre vous. Alors
la splendeur du grand Luminaire du monde enveloppera la terre entière, et ses
habitants de viendront les citoyens d'une même cité... Il n'est point douteux,
en effet, que tous les peuples de la terre, à quelque race qu'ils appartiennent,
tirent leur inspiration spirituelle d'une même source céleste et qu'ils sont les
sujets d'un seul Dieu. La diversité des règles et ordonnances religieuses qui
les régissent tient à la diversité même des besoins et exigences propres aux âges
où elles leur furent révélées. A l'exception du petit nombre de celles qu'a inspirées
la perversité humaine, toutes viennent de Dieu, toutes sont un reflet de sa volonté
et de son dessein. Armés du pouvoir de la foi, levez-vous pour briser les idoles
de vos vaines imaginations, qui sèment parmi vous la discorde. Attachez-vous à
ce qui vous rassemble et vous unit."
On arrive donc à l'annonce, sans équivoque, par Baha'u'llah que tous les troupeaux
ont une même origine et s'abreuvent à "une même source céleste" et que le temps
est venu de les réunir sous l'égide d'un seul berger. Qui peut encore douter qu'en
ce siècle, pour la première fois, les moyens physiques et technologiques nécessaires
à l'unification de la race humaine, existent? Qui peut ignorer que toute autre
solution aux problèmes actuels du monde est vouée à l'échec? (Voir bibliographie,
Appel aux Nations, Shoghi Effendi)
2.17. L'Esprit de Vérité
"Voici la Parole que le Fils a cachée lorsqu'il dit à ceux qui l'entouraient:
Vous ne pouvez pas la supporter maintenant." (G)
Comparons cela avec les paroles même du Christ: "J'ai encore beaucoup de choses
à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand il viendra,
lui, l'Esprit de Vérité, il vous conduira vers la vérité, tout entière; car il
ne parlera pas de lui même; mais tout ce qu'il entendra, il le dira, et il vous
annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il prendra
pour vous en faire part. Tout ce qu'a le père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit:
c'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part." (Jean.16:12-15)
Quelle meilleure description peut-on souhaiter de la révélation divine? Et quelle
meilleure façon de nous rassurer que Jésus et l'Esprit de Vérité partagent la
même source d'inspiration? D'ailleurs, il est évident que Jésus parle bel et bien
d'une personne, car il dit: "...Il ne parlera pas de lui même; mais tout ce qu'il
entendra, il le dira." (Jean.16-13) Ainsi l'Esprit de Vérité ou le Consolateur
(le Paraclet) promis par le Christ, ne signifie pas, comme l'Eglise l'interprète,
une référence à la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte. En effet, aussi importante
que fut l'expérience des disciples à cette occasion, rien n'indique qu'elle impliqua
une révélation de la vérité plus complète que celle révélée par le Christ de son
vivant: "Maintenant ils savent que tout ce que tu m'as donné vient de toi; car
les paroles que tu m'as données, je les leur ai données... Et ils ont cru que
tu m'as envoyé." (Jean.17:8)
Parallèlement Baha'u'llah a exprimé la même idée: "Cela ne vient pas de moi mais
de celui qui est Tout-Puissant et Omniscient.". "Rien ne m'agite en dehors des
brises de ta volonté et je ne laisse échapper aucune parole sauf les paroles que
tu m'amènes à prononcer avec ta permission et ton inspiration.".
2.18. L'Alliance Eternelle
L'idée que la vérité est révélée selon la capacité des hommes à la recevoir est
un concept fondamental, qui s'exprime implicitement dans la Bible et explicitement
dans les Ecrits de Baha'u'llah. La révélation divine est progressive; chaque messager
(Manifestation) de Dieu ouvre une nouvelle ère de progrès et de compréhension
spirituels; la venue d'Abraham, de Moïse et de Jésus constituent les différentes
étapes du plan divin, tel que la Bible nous le dévoile. Comme nous l'avons déjà
constaté, Baha'u'llah enseigne clairement, "comme ayant autorité, et non pas comme
leurs scribes." (Matt.7:29), que croire que la révélation prend fin, une
fois pour toutes, avec Jésus, va à l'encontre de l'enseignement biblique et est
contraire aux explications du Christ lui-même. Il s'agit là d'une doctrine bornée,
instaurée par les hommes, qui reflète la peur de l'inconnu, le refus de l'expansion
inévitable de nos connaissances et de notre évolution spirituelle. Il semblerait
qu'un tel caractère exclusif soit une tendance naturelle de l'humanité, car les
juifs, les chrétiens et les musulmans, chacun s'exprimant à sa façon, affirment
que la révélation divine a pris fin - chacun contredisant ainsi ce que disent
ses propres textes sacrés. A ce propos Baha'u'llah cite le Qur'an 47
qui rejette éloquemment toute idée de finalité par rapport à la révélation divine:
"La main de Dieu, disent les juifs, est enchaînée. Qu'enchaînées soient leurs
propres mains!... Au contraire, les deux mains de Dieu sont toujours étendues!".48
Baha'u'llah fait remarquer que les chrétiens et les musulmans, tout en continuant
à critiquer les juifs sur la manière dont ils ont refusé toute nouvelle révélation
depuis Moïse, commettent la même erreur par rapport à leur propre foi, chacun
refusant la possibilité d'une nouvelle effusion de l'Esprit Saint. Chacun s'approprie
la révélation définitive. Il conclut: "Ils ont imaginé que le flot de la grâce
universelle et de l'immense miséricorde de Dieu avait cessé de couler."49.
Pour résumer, Baha'u'llah affirme que "Chaque révélation divine a été dispensée
et dosée dans les conditions qui convenaient le mieux à l'âge où elle apparaissait."50
Retenant cette affirmation du Christ déjà citée: "J'ai encore beaucoup de choses
à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant." (Jean.16:12),nous
lisons: "Tout vrai prophète a tenu son message pour foncièrement le même que les
messages des prophètes qui l'avaient précédé... Seule diffère la mesure elle même
des révélations apportées au monde par les prophètes de Dieu."51
Que Baha'u'llah, de nos jours, nous ait apporté une mesure de révélation plus
vaste que celle apportée auparavant, Baha'u'llah lui-même l'atteste: "La révélation
qui, de temps immémorial, a été acclamée comme le dessein et la promesse de tous
les prophètes de Dieu ainsi que le plus cher désir de ses messagers, est maintenant
donnée aux hommes par la vertu de la volonté partout présente du Tout-Puissant
et à son commandement irrésistible. L'avènement de cette révélation a été annoncé
dans toutes les écritures sacrées."52
"Dieu ne laisse pas ses créatures sans aucun réconfort. Quand les ténèbres de
l'hiver les enveloppent, de nouveau il leur envoie ses messagers, les prophètes."53
2.19. L'heure promise
"Et quand le temps désigné fut achevé et que L'heure eut sonné, la parole brilla
au dessus de l'horizon de la volonté de Dieu. Prenez garde, ô disciples du Fils,
à ne pas la rejeter." (G)
A propos du "temps désigné" et de "l'heure", le jeune Bab, le précurseur de Baha'u'llah,
écrivit: "Chaque fois que des gens s'interrogent sur l'heure fixée, dis: En vérité,
seul mon Seigneur, qui connaît l'invisible, en a la connaissance"54
Cela ne fait que confirmer ce que le Christ répondit quand les disciples le questionnèrent
au sujet de l'heure: "Quant à la date de ce jour, ou à l'heure, personne ne les
connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le père." (Marc.13:32)
En réponse à ceux qui le questionnaient au sujet de l'heure Baha'u'llah s'exclame:
"Parmi eux sont ceux qui ont dit: ...L'heure est elle arrivée? Non, plutôt; elle
est passée..."55
Le "temps désigné" et "l'heure" se rapportent à l'accomplissement de toutes les
prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testament concernant le "temps de la fin",le
jour du jugement, l'apparition de l'Eternel des Armées et le retour du Christ.
En bref, il s'agit de l'avènement de Baha'u'llah, qui, selon le résumé mémorable
de Shoghi Effendi, "n'était autre que celui que la postérité acclamera, et que
d'innombrables partisans reconnaissent déjà comme le Juge, le Législateur et le
Rédempteur de toute l'humanité, comme l'organisateur de la planète tout entière,
celui qui inaugure le millénaire tant attendu et qui unifiera les enfants des
hommes...Le fondateur de la plus grande paix, la source de la très haute justice,
le héraut annonçant la majorité de toute la race humaine, le créateur d'un nouvel
ordre mondial, l'inspirateur et le fondateur d'une civilisation mondiale."56
2.20. La Parole
A propos de la "parole", Baha'u'llah donne le conseil suivant: "Prenez garde,
ô disciples, à ne pas la rejeter." (G)
Cette parole est d'une part, la Parole de Dieu, le Logos, le Verbe fait chair
(Jean.1:14). D'autre part, cela semble se rapporter plus directement à la "parole
que le Fils a cachée" (G) que nous venons d'étudier. Dans les
deux cas, de toute façon, cela concerne cette nouvelle révélation.
A maintes reprises, les Evangiles eux-mêmes mettent l'accent sur le risque que
les disciples de Jésus soient pris au dépourvu et ne soient pas prêts, comme l'a
indiqué Jésus en affirmant que personne ne savait l'heure, même pas lui, seulement
le père. Ensuite il déclare: "Comme les jours de Noé ainsi sera l'avènement du
Fils de l'homme... Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour va venir votre
maître.
Comprenez le bien; si le maître de la maison avait su à quelle heure le voleur
devait venir, il aurait veillé et n'aurait pas permis qu'on perçât les murs de
sa demeure. Ainsi donc tenez vous prêts, vous aussi, car c'est à l'heure que vous
ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra." (Matt.24:37-44)
Effectivement, en ce qui concerne l'heure précise du retour du Christ, Baha'u'llah
confirme qu'on ne pouvait pas la connaître par avance et nous appelle à examiner
sa Cause avec justice: "Tardives ou précoces les preuves sont là, manifestes,
de sa gloire resplendissante. Il vous convient seulement de vérifier si cette
lumière est, ou non, apparue. Il n'est ni en votre pouvoir, ni au mien, de fixer
l'heure de sa manifestation. L'impénétrable sagesse de Dieu en a d'avance déterminé
le temps."57
"Voici le Jour où le Très Miséricordieux est descendu du ciel, enveloppé des nuées
de la connaissance et revêtu d'une souveraineté manifeste."58
2.21. Symbolisme et images
Le caractère à la fois symbolique et spirituel de ces images devient évident.
N'oublions pas que lors de son premier avènement Jésus était censé s'asseoir sur
le trône de David. Il est également vrai qu'au moment d'écrire cette dernière
citation, Baha'u'llah était prisonnier en exil. Dans son Livre de la Certitude
Baha'u'llah s'étend en détail sur l'utilisation du mot "souveraineté" dans les
Ecrits saints et à un moment donné il rappelle l'occasion où Jésus avait guéri
un paralytique, tout en l'assurant que ses péchés étaient remis. Quand certains
scribes dans l'assistance firent objection, pensant que seul Dieu peut remettre
les péchés, Jésus leur répondit: "Quel est le plus facile, de dire au paralytique:
Tes péchés sont remis, ou de lui dire: lève toi prends ton grabat et marche? Eh
bien! pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les
péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève toi, prends
ton grabat et va-t-en chez toi." (Marc.2:3-12)
Baha'u'llah ajoute: "Tels sont la réelle puissance et le pouvoir des Elus ."59
2.22. Il me glorifiera
"Dis: En vérité, il 0e Christ) a témoigné pour moi et je témoigne pour lui." (G)
Ici encore on trouvé un lien direct et évident avec l'affirmation du Christ: "Il
me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part." (Jean.16:14)
Jésus poursuit en affirmant que tout ce qu'il a enseigné lui vient de son père.
Il s'ensuit donc qu'ils partagent la même source, car leurs messages viennent
de Dieu. Ainsi l'Esprit de Vérité (Baha'u'llah) se rapporte directement aux paroles
du Christ et le glorifie. Dans le chapitre précédant de cet Evangile Jésus dit
également: "Mais le Consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom,
vous enseignera toutes choses, et vous rappellera ce que je vous ai dit." (Jean.15:26)
Comme nous l'avons déjà constaté, Baha'u'llah a largement rempli ces conditions.
2.23. La souffrance des Envoyés de Dieu
Ensuite Baha'u'llah s'attarde brièvement sur ses propres souffrances, expliquant
qu'il a accepté de les supporter afin que nous puissions être "libérés de l'esclavage"
de notre "moi" pour "atteindre la gloire". (H) Les Ecrits abondent
qui nous racontent ses souffrances. Souffrir, donner sa vie afin de transmettre
le message de Dieu, est le destin de tous les messagers divins et de ce point
de vue la nature humaine n'a pas changé de nos jours. On découvre la répétition
de ce sacrifice que saint Pierre résume ainsi: "Le Christ lui-même est mort une
fois pour les péchés, juste pour les injustes, afin de nous mener à Dieu." (l
Pierre.3:18)
Sur ce thème Baha'u'llah s'est exprimé plus longuement ailleurs: "Celui qui est
la Beauté ancienne (Baha'u'llah) s'est laissé charger de chaînes pour que l'humanité
soit libérée de son esclavage, et il a accepté d'être fait prisonnier dans cette
puissante forteresse (à Saint-Jean-d'Acre) pour que le monde entier parvienne
à la vraie liberté. Il a bu jusqu'à la lie le calice de l'infortune, afin que
tous les peuples de la terre puissent atteindre à la joie éternelle et qu'ils
soient remplis d'allégresse."60
2.24. Le Bab
Baha'u'llah rappelle alors le message du Bab, son précurseur, qui avait préparé
le peuple à le reconnaître et dont le rôle ressemble beaucoup à celui de Saint
Jean Baptiste.
De même que Jean-Baptiste disait du Christ: "...Celui qui vient après moi est
plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers." (Matt.3:11),le
Bab écrivait concernant Baha'u'llah: "...En, vérité, je ne suis moi même qu'un
anneau placé au doigt de celui que Dieu rendra manifeste... Il le fait tourner
comme il lui plaît..."6l
Le Bayan est le nom donné par le Bab au livre de ses lois et indique aussi, d'une
façon plus générale, l'ensemble
de ses Ecrits. C'est ainsi que nous lisons ensuite: "Dis, n'avez vous pas entendu
la voix du Crieur qui clamait dans le désert du Bayan, vous apportant la bonne
nouvelle de la venue de votre Seigneur, le très miséricordieux?" (I)
Nous pouvons comparer cette citation avec celle du prophète Esaïe: "Voici que
j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Une voix crie dans
le désert: préparez les chemins du Seigneur, aplanissez ses sentiers." (Marc.1:2-3)
On aura déjà remarqué que dans cette lettre Baha'u'llah utilise souvent la troisième
personne pour parler de lui-
même. De tels extraits commencent souvent par "Dis !" pour indiquer que c'est
Dieu qui lui dicte ce qu'il doit écrire.
Ainsi Baha'u'llah déclare, après avoir réitéré qu'il est notre Seigneur et qu'il
a apporté d'amples preuves de la validité de sa mission: "Ceux qui croient vraiment
en lui considèrent sa présence comme l'incarnation du Royaume de Dieu." (I)
Le Royaume de Dieu est donc d'abord une réalité spirituelle qui consiste à croire
en la manifestation de Dieu et à s'unir à lui. Quand Baha'u'llah affirme qu'atteindre
sa présence équivaut à atteindre la présence divine il ne fait que renouveler
la déclaration du Christ: "Le Père et moi, nous sommes un." (Jean.10:30)
2.25. Invitation au clergé
Baha'u'llah invite ensuite le clergé, d'une manière à la fois pressante et majestueuse,
à s'avancer et à proclamer sa cause. Voici son vibrant appel: "0 assemblée de
prêtres! Laissez vos cloches et sortez de vos églises." (L) Ceci
après avoir annoncé: "Voyez! Celui qui est le souverain est venu!" (J)
Cela nous rappelle ses paroles adressées à Napoléon III qui commencent ainsi:
"0 souverain de Paris! Avertis les prêtres de ne plus faire sonner les cloches.
Par Dieu, le Vrai! La plus puissante cloche est apparue sous l'aspect de celui
qui est le plus grand nom; et les doigts de la volonté de ton Seigneur, le très
élevé, le sublime, le très glorieux, la font tinter en son nom au ciel d'immortalité."
62
Après d'autres références à l'accomplissement des promesses du Christ il exhorte
le clergé : "Purifiez vos oreilles et tournez votre coeur vers lui"(K)
Il s'agit d'un véritable coup de trompette adressé aux chefs de le chrétienté:
"Préférez-vous garder le silence alors que chaque pierre et chaque arbre s'écrient:
Le Seigneur est venu dans toute sa gloire! Heureux l'homme qui se hâte vers lui..."
(L)
2.26. La mort et la vie
Ses paroles sont à la fois affectueuses et poétiques: "Heureux celui qui, s'étant
endormi, se voit ranimé par la brise de Dieu et se lève d'entre les morts en dirigeant
ses pas vers le chemin du Seigneur. En vérité, un tel homme est considéré par
Dieu, le Vrai, comme un joyau parmi les hommes et il est compté parmi les bienheureux."
(L)
Comme le Christ, Baha'u'llah parle de l'incrédulité comme "la mort" et de la foi
comme étant la "résurrection" ou la "vie". Nous lisons dans le Nouveau Testament:
"Suis moi et laisse les morts enterrer les morts." (Matt.8:22) et saint
Paul explique: "Car le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de
l'esprit, c'est la vie et la paix." (Romains.8:6)
Enfin Baha'u'llah assure le clergé que celui qui parmi eux se tourne vers lui
et se lève "d'entre les morts" est considéré par Dieu comme un "joyau parmi les
hommes". (L) Un joyau est, par définition, à la fois précieux
et rare. Peu à peu, à travers le monde, quelques joyaux se sont manifestés parmi
le clergé, les moines et les religieuses des diverses églises.
Dans la Foi Baha'ie elle-même il n'existe pas de clergé, et d'une façon générale
Baha'u'llah a indiqué qu'à l'avenir le clergé dans toutes les grandes religions
du monde verra une nette diminution de son pouvoir et de son influence - un processus
qui, en grande partie, s'est déjà réalisé de façon évidente depuis cette prédiction
au dix-neuvième siècle. Il a également constaté que dans le passé le clergé, sentant
son pouvoir menacé, a toujours été parmi les premiers à s'opposer à chaque nouvelle
effusion de l'Esprit Saint, à chaque nouvelle révélation. Il a néanmoins déclaré:
"Le prêtre dont la conduite est droite et le sage qui pratique la droiture sont
comme l'esprit pour le corps du monde." Et il ajoute: "Le prêtre qui, au nom du
souverain Ordonnateur, s'est saisi du vin très sacré et l'a bu à longs traits
est comme un oeil pour le monde." 63
2.27. Comme l'éclair
Pour revenir au texte, Baha'u'llah se réfère encore une fois à l'accomplissement
des prophéties bibliques. Ainsi nous trouvons chez saint Matthieu: "Car comme
l'éclair part à l'0rient et se montre jusqu'en 0ccident, ainsi sera l'avènement
du Fils de l'homme." (Matt.24:27)
C'est dans ce contexte que nous devrions lire ces paroles de Baha'u'llah: "Dis:
la lumière de sa révélation a point à l'Orient; en Occident les signes de son
autorité sont apparus." (M) Et plus tard: "O Bethléem! Cette
lumière s'est levée à l'Orient et s'est déplacée vers l'Occident jusqu'à ce qu'elle
te parvienne au soir de sa vie." (Q)
Cette "lumière" se réfère à Baha'u'llah qui venait de l'Iran et qui, par la suite,
fut progressivement exilé vers l'Occident, vers l'Iraq d'abord, ensuite à Constantinople
(Istanbul), ancien siège de l'empire byzantin chrétien, puis à Andrinople (Edirne)
en Turquie européenne, et finalement, une quatrième fois, à Saint-Jean-d'Acre
en Palestine (Israël), en Terre Sainte.
Se référant toujours à ce chapitre prophétique de saint Matthieu, si riche en
images, Baha'u'llah quitte le clergé en général pour s'adresser plus particulièrement
aux évêques: "O assemblée d'évêques! Vous êtes les étoiles du ciel de ma connaissance.
Ma miséricorde ne désire pas vous voir tomber à terre. Cependant ma justice déclare:
"C'est ce que le Fils (Jésus) a décrété!" (N)
Si nous revenons à ce décret de Jésus, nous trouvons: "Aussitôt après la détresse
de ces jours là le soleil s'obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles
tomberont du ciel..." (Matt.24:29) De cette manière, sans s'étendre en
explications compliquées, Baha'u'llah indique clairement que l'imagerie est prophétique,
surtout symbolique et ne doit pas être comprise de façon littérale.
Ailleurs aussi Baha'u'llah fait directement appel aux évêques: "0 assemblée d'évêques!
Toutes les tribus du monde ont été saisies d'un frémissement, et celui qui est
le Père éternel appelle à haute voix entre ciel et terre...
Bénie est l'oreille qui a entendu, l'oeil qui a vu, et le coeur qui s'est tourné
vers (lui)..."63
Un peu plus sévèrement il annonce: "Ô assemblée d'archevêques! Celui qui est le
Seigneur de tous les hommes est paru. De la plaine de la direction, il appelle
l'humanité, mais vous êtes toujours parmi les morts. Grande est la bénédiction
de celui que ranime la brise de Dieu et qui s'est levé parmi les morts à ce nom
irréfutable!"64
De manière semblable il s'adresse aux moines, leur offrant la possibilité de devenir
"les héritiers" du "Royaume". Ailleurs il les conseille: "0 assemblée de moines!
Ne vous confinez pas dans des cloîtres et dans des le jour de Dieu; tournez vous
vers Lui... Vous faites mention de moi mais ne me connaissez pas. Vous m'invoquez
mais ne vous souciez pas de ma révélation"72
Voilà, en effet, le noeud du dilemme, non seulement pour la chrétienté, mais aussi
pour toute l'humanité: "Nos appels et notre message n'ont jamais été destinés
au bénéfice exclusif de tel pays ou de tel peuple. C'est toute l'humanité qui
doit adhérer fermement à ce qui lui a été révélé et octroyé. Alors, et alors seulement,
elle atteindra à la vraie liberté." Ensuite Baha'u'llah ajoute: "Toute la terre
est illuminée de la gloire resplendissante de la révélation divine."
73
2.28. La Terre Sainte
Dans les paragraphes suivants Baha'u'llah s'adresse à la Terre Sainte en général
(à l'époque la Syrie comprenait toute la Palestine, ainsi que le Levant), à Bethléem
et au mont Sinaï, qui sont associés avec les révélations du Christ et de Moïse
en particulier. Ils lui répondent comme si, curieusement, ils étaient plus conscients
de la réalité de l'accomplissement des promesses divines du passé et de la présence
de celui qui incarnait cet accomplissement, que ses habitants "endormis".
D'abord il suggère la cécité spirituelle du peuple quand il demande à la Syrie:
"Qu'est devenue ta droiture?" (P) Après avoir affirmé: "En vérité,
les pas de ton Seigneur t'ont ennoblie", il lui demande ensuite, tout simplement:
"As-tu perçu le parfum de la sainte réunion?" (P) Particulièrement
touchantes dans ces extraits, sont les questions qu'il pose, laissant la réponse
implicite.
Alors il annonce: "Bethléem s'anime sous la brise de Dieu." Et Bethléem répond:
"O toi, Seigneur très-généreux! Où s'est établie ta grande gloire? Les suaves
parfums de ta présence m'ont vivifié alors que je languissais à cause de ma séparation
de toi. Toute louange à toi qui enleva les voiles et vint revêtu d'une puissance
et d'une gloire évidentes" (Q) Le renvoi est implicite, mais
clair: "Et l'on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec puissance
et grande gloire." (Matt.24:30)
Comme nous l'avons déjà vu, il rappelle ses divers exils vers l'Occident et puis
arrive le moment le plus tendre et le plus émouvant où Baha'u'llah s'enquiert
doucement: "Dis-moi: Les fils reconnaissent-ils le père et l'acceptent-ils? Ou
bien le renient-ils, de même que le peuple d'autrefois le renia (Jésus)?" La réponse
de Bethléem se fait plutôt discrète: "Tu es vraiment l'Omniscient." (Q)
A cet égard Baha'u'llah affirme quelque chose d'apparemment paradoxal: "Certaines
nous reconnaissent et témoignent, tandis que la plupart témoignent et ne nous
reconnaissent pas." (Q)
Au siècle dernier, la majorité des gens s'identifiaient fermement à l'une ou l'autre
des grandes religions du monde qui, toutes, prévoient le rassemblement et la réconciliation
ultime de l'humanité, selon l'image chrétienne, en un seul troupeau avec un seul
berger. Toutes prient pour sa réalisation, mais jusqu'à présent relativement peu
ont reconnu l'accomplissement de ces promesses dans la personne de Baha'u'llah.
Cela nous rappelle un autre passage dans l'Epître au Pape Pie IX: "Considérez
encore ces nombreux moines qui, en ce jour, se sont, en mon nom, cloîtrés dans
leurs églises et qui, après nous avoir invoqué soir et matin ne nous reconnurent
pas lorsqu'arriva le temps prévu pour dévoiler notre beauté."74 Les moines prient
matin et soir pour le retour du Christ et répètent le Pater Noster pour l'établissement
du Royaume de Dieu, pour que "sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel"
(Matt.6:10) et réalisent ainsi cette affirmation de Baha'u'llah.
Pour terminer cette partie, le Mont Sinaï, lieu de la révélation à Moïse des Lois
divines, s'exprime en termes. Je sens le parfum de ton mystiques d'extase: "0
Seigneur! manteau. Il me semble que tu es proche, revêtu des signes de Dieu. Tu
as ennobli ces régions de tes pas." (R) Ensuite avec des implications
à la fois tragiques et pourtant pleines d'espoir, le Mont Sinaï s'écrie: "Combien
serait béni ton peuple, si seulement il pouvait te reconnaître et respirer tes
doux parfums! Et malheur à ceux qui restent plongés dans le sommeil." (R)
Baha'u'llah revient brièvement à celui à qui cette lettre s'adresse au départ
et il le félicite encore une fois d'avoir "déchiré les voiles" et reconnu son
Seigneur. Bien que cette lettre concerne surtout le monde chrétien, Baha'u'llah
fait remarquer que c'est spécialement le monde musulman qui porte la lourde responsabilité
de tous les tourments qu'ils firent subir avec tant de fanatisme et de cruauté,
à lui et à ses adeptes, surtout dans son pays natal - et ce, jusqu'à nos jours.
Néanmoins, ses paroles s'avèrent, avec le passage du temps, tout à fait véridiques:
"Ils s'imaginent futilement que les tribulations sont susceptibles de faire échouer
notre dessein." (S)
Baha'u'llah se déclare prêt au martyre, à accepter la crucifixion même, afin d'exécuter
la volonté de Dieu. Cela représente un avertissement aux membres de toutes les
religions: "Ne t'afflige pas à cause de ce qu'ils m'ont fait subir. Ils sont vraiment
plutôt morts que vivants. Laisse les avec les morts puis tourne ton visage vers
celui qui donne la vie au monde" (U), ce qui nous renvoie encore
une fois aux paroles du Christ: "...Laisse les morts enterrer leurs morts." (Matt.8:22)
Après avoir béni ce Murad qui s'est tourné vers lui et dont nous n'avons pour
l'instant trouvé aucune trace, cette lettre se termine par une série de béatitudes
pleines de tendresse, qui rappellent celles prononcées par Jésus sur la montagne.
Elles s'adressent surtout au coeur et bénissent d'abord tous ceux qui, en ce Jour
de Dieu, ont atteint la "résurrection" et la "renaissance spirituelle". Il est
probable que seul celui qui, lui abandonnant son coeur, est entré dans son Royaume,
peut vraiment savourer ces paroles, car elles se prêtent, comme celles de Jésus,
à n'être prononcées que par quelqu'un qui s'y identifie entièrement. Elles élèvent
le lecteur qui s'y prête à un état de prière et de communion.
Elles enflamment son âme. A un tel niveau, il répond à l'appel de Dieu exprimé
dans ce verset: "Celui qui suivra ce conseil, brisera ses chaînes,... comblera
le désir de son coeur et remettra son âme à Dieu. Brisant les barreaux de sa cage,
telle la colombe mystique, il prendra son essor vers son nid d'éternelle sainteté."75
Et encore: "Ô ombre fugitive! Dépasse les stades inférieurs du doute et monte
vers les sommets exaltés de la certitude. Ouvre l'oeil de vérité afin de contempler
la beauté sans voile et de t'exclamer: Béni soit le Seigneur, le plus excellent
des créateurs."76