La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 7. Les liens les plus profonds

Quelque fidèles et tendres qu'aient été les rapports de Shoghi Effendi avec ses intimes, tout au long de sa vie, sa relation suprême fut la Plus Sainte Feuille. Quand elle décéda en 1932, la nouvelle lui parvint a Interlaken, en Suisse. Quoiqu'il fût bien conscient de son état physique qu'il décrivait en 1929 lorsqu'il disait que la Plus Sainte Feuille était "maintenant au soir de sa vie, et les ombres profondes causées par une vue qui baisse et une force qui décline s'amassent autour d'elle"; bien qu'il eut la prémonition de l'approche de sa mort, lorsqu'en mars 1932, il écrivait aux croyants américains les pressant de hâter la finition du dôme de "notre Temple bien-aimé" et disait que "ma voix est une fois encore renforcée par les instances passionnées et peut-être les dernières de la Plus Sainte Feuille dont l'esprit, planant maintenant au bord du grand Au-dela, aspire a continuer son vol vers le Royaume d'Abha... une assurance de la joyeuse consommation d'une entreprise dont le progrès a si grandement illuminé les derniers jours de sa vie terrestre"; quoiqu'elle eût, maintenant, quatre-vingt-deux ans; néanmoins, rien de tout cela n'adoucit, ni n'atténua le chagrin du Gardien. Le 25 juillet, il télégraphia a l'Amérique, annonçant que son âme avait pris son envol vers ce grand Au-dela et qu'il pleurait "l'enlèvement soudain de mon seul soutien terrestre, la joie et la consolation de ma vie". Il informait les amis Il qu'un deuil si pénible nécessite la suppression pour neuf mois, dans le monde baha'i, de toute festivité religieuse". Des réunions de commémoration devaient avoir lieu partout, localement et nationalement en mémoire du "dernier vestige de Baha'u'llah".

Mais c'est le 17 juillet qu'il écrivit une lettre aux croyants américains et canadiens dévoilant quelque peu ce qui se passait dans la mer houleuse de son coeur. Cette lettre fait le panégyrique de la vie, du rang et des actes de la soeur d'Abdu'l-Baha. Il y déverse son amour en un torrent de mots:

Chèrement aimée la Plus Sainte Feuille! A travers le brouillard des larmes qui remplissent mes yeux, je peux clairement voir, alors que j'écris ces lignes, ta noble figure devant moi et je peux reconnaître la sérénité de ton aimable visage. Je peux encore fixer, malgré l'ombre de la tombe qui nous sépare, tes yeux bleus pleins d'amour et je peux sentir, dans sa calme intensité, l'immense amour que tu as porté a la Cause de ton tout-puissant père, l'attachement qui t'as liée au plus bas et insignifiant de ses adeptes, la chaleureuse affection avec laquelle tu m'as chéri dans ton coeur. Le souvenir de la beauté ineffable de ton sourire continuera a jamais a me réconforter et a m'encourager dans le sentier épineux que je dois suivre. La réminiscence du toucher de ta main m'incitera a suivre fermement ta voie. La douceur magique de ta voix me rappellera, aux sombres heures de l'adversité, a tenir solidement la corde que tu as saisie si fermement tous les jours de ta vie.

Porte mon message a 'Abdu'l-Baha, ton Frère exalté et divinement désigné: si la Cause pour laquelle Baha'u'llah a peiné et travaillé, pour laquelle tu as souffert des années d'atroces douleurs pour l'amour de laquelle des flots de sang sacré ont été déversés, devait dans les jours a venir, affronter des tempêtes plus sévères que celles dont elle a déjà souffert, continue a protéger, par ta sagesse et ta sollicitude qui enveloppent tout, ton frêle enfant indignement désigné..."

On ne peut estimer a sa juste valeur ce que la Plus Sainte Feuille fut pour Shoghi Effendi a l'époque de l'ascension d'Abdu'l-Baha et des années qui suivirent cet événement. Elle avait joué, dit-il un rôle unique dans l'histoire baha'ie, dont le moindre n'avait pas été l'établissement du ministère de Shoghi Effendi, après la mort d'Abdu'l-Baha. "Laquelle de ses bénédictions dois-je raconter", écrivait-il, "laquelle des sollicitudes qu'elle déversa sur moi aux heures les plus critiques et les plus agitées de ma vie?" Il disait qu'elle avait été pour lui l'incarnation de la tendresse et de l'affection infinis d'Abdu'l-Baha. La vie de la Plus Sainte Feuille déclinait et lui, il grandissait. Alors que le flot de sa vie se retirait des rivages de ce monde, avec quelle satisfaction devait-elle voir Shoghi Effendi se fortifiant dans son Gardiennat, capable d'affronter les coups incessants qu'il recevait avec le courage d'un homme pleinement a la hauteur de sa prodigieuse tâche.

Après l'ascension du Maître, Shoghi Effendi était tout pour Bahiyyih Khanum, le vrai centre de sa vie. Pour lui, elle avait toujours été, après son grand-père, la personne la plus aimée du monde. Je me rappelle un incident survenu lors de mon pèlerinage de 1923.

Il y avait une grande réunion dans le hall central de la maison d'Abdu'l-Baha, tous les hommes baha'is y assistaient. Ma mère et Edith Sanderson étaient assises a côté du Gardien. Moi j'avais rejoint les femmes dans une pièce a côté et donnant accès dans le hall. Nous étions assises dans le noir, afin de laisser la porte ouverte (a cette époque, les hommes et les femmes orientaux, suivant la coutume du pays, étaient entièrement séparés). Nous entendions un peu ce qui s'y passait. Il paraît qu'un croyant oriental soudain bouleversé par l'émotion, s'était levé et jeté aux pieds de Shoghi Effendi. Nous ne pouvions rien voir de notre pièce, nous entendîmes seulement un grand vacarme. La Plus Sainte Feuille bondit en poussant un grand cri elle avait craint que quelque chose ne soit arrivé au jeune Gardien. Elle ne fut tranquillisée que lorsqu'on lui apprit que rien de sérieux n'était arrivé. Son angoisse avait été si évidente que la scène s'imprima pour toujours dans ma mémoire.

jusqu'à la mort de la Plus Sainte Feuille, Shoghi Effendi prenait son unique repas de la journée avec elle, sur une petite table dans la chambre de celle-ci. Il me racontait que lorsqu'elle le voyait fatigué elle lui disait de ne pas manger dans cet état: c'était très mauvais pour la santé. Il me raconta également comme il avait dû insister pour qu'elle accepte une petite somme d'argent lui revenant de la succession d'Abdu'l-Baha. Elle offrit une grande partie de cette somme pour aider a la construction de la terrasse devant le Mausolée du Bab, en accomplissement d'un projet de son frère.

Si étroite était la communion entre Shoghi Effendi et sa grand-tante que plus d'une fois, surtout pendant les premières années de son Gardiennat, il l'associa a lui-même dans ses câbles, par des phrases telles que: "Assurez nous", "la Plus Sainte Feuille et moi", "nous" et ainsi de suite. Un câble de 1931 est même signé "Bahiyyih Shoghi". Rien ne peut révéler cet amour qu'il avait pour elle que ceci: ce fut dans sa chambre, où tout est conservé tel quel, que nous nous sommes mariés, debout a côté de son lit, Le Gardien célébra la simple cérémonie de mariage. La main dans la main nous avons chacun répété les paroles en arabe: "Nous nous soumettrons tous, en vérité, a la volonté de Dieu".

Cet amour du Gardien pour la Très Sainte Feuille qui avait été pour lui, pendant trente cinq ans, plus qu'une mère, demeura intact pour le restant de sa vie. Quand la nouvelle de sa mort

lui parvint en Suisse, son premier acte fut de concevoir pour sa tombe un mémorial digne d'elle. Et il se dépêcha d'aller en Italie pour le commander. Personne ne peut appeler ce monument exquisement proportionné, construit en marbre brillant de Carrare, autrement que ce qu'il apparaît un temple d'amour, l'incarnation de l'amour de Shoghi Effendi. Il avait sans doute conçu cette forme a partir des édifices de style similaire, et un architecte, sous sa supervision, y avait incorporé ses idées. Shoghi Effendi avait l'habitude de comparer les différents niveaux de l'Ordre Administratif a ce monument. La Plate-forme de trois marches représente les Assemblées locales, les piliers, les Assemblées Nationales et le dôme qui les couronnait et les unissait la Maison Universelle de justice, qui ne pouvait être mise en place tant que les piliers et les fondations n'étaient pas d'abord solidement établis. Quand le monument de la Plus Sainte Feuille fut terminé dans toute sa beauté, il en envoya une photographie a de nombreuses Assemblées et a une liste de personnes a qui il voulait donner un tendre souvenir.

Il fit porter le fauteuil où il s'asseyait dans la chambre de Bahiyyih Khanum a un autre endroit. Il s'y assit jusqu'à la fin de sa vie chaque fois qu'il voulait se reposer. Sa chambre était pleine de photos d'elle a différentes étapes de sa vie, et on y trouvait plus d'une photo de son monument. Dans un câble très émouvant envoyé sept mois après la mort de la Plus Sainte Feuille, a l'Amérique, il loue la loyauté et le sacrifice des bâtisseurs champions de l'Ordre Administratif et il ajoute: "Fondateur notre foi très content témoignages leur sage administration -'Abdu'l-Baha fier de leur valeur - Plus Sainte Feuille radieuse de joie leur fidélité..." Il écrivait que son souvenir laissait une "influence ennoblissante... parmi les débris d'un monde tristement secoué". Il orna les Archives avec les Tablettes enluminées qu'Abdu'l-Baha avait adressé a la Plus Sainte Feuille et il y plaça des photographies de son monument et quelques uns de ses objets et souvenirs personnels. Le jour où il me dit qu'il m'avait choisie pour femme, il mit a mon doigt une simple alliance en or où était gravé le symbole du Plus Grand Nom, alliance que la Plus Sainte Feuille lui avait donnée des années auparavant comme sa bague baha'ie. Il me dit que personne ne devait la voir pour le moment, et je la portais a mon cou, accrochée a une chaîne jusqu'au jour de notre mariage.

A chacun de ses actes et de ses services a la foi, il associait la Plus Sainte Feuille. Lorsqu'il inhuma les restes de la mère et du frère de Bahiyyih Khanum sur le Mont Carmel, il câbla: "... désir chéri Plus Sainte Feuille accompli", faisant allusion au voeux qu'elle avait souvent exprimé d'être enterrée près d'eux. A cette occasion mémorable, il dit qu'il était heureux du privilège d'offrir mille Livres sterlings comme sa contribution personnelle au Fonds Bahiyyih Khanum destiné a inaugurer les derniers travaux pour la finition du temple américain. Il écrivit que ce transfert et sa nouvelle inhumation constituaient un événement d'une importance institutionnelle capitale". Il dit que "la conjonction du lieu de repos de la Plus Sainte Feuille, de son frère et de sa mère renforce de manière incalculable les potentiels spirituels de ce lieu sacré" qui était destiné a évoluer vers le Centre local des institutions administratives dirigeant le monde, embrassant le monde et secouant le monde, ordonnées par Baha'u'llah..."

Quand le manteau d'Abdu'l-Baha en tant que Chef de la foi, tomba sur les épaules de Shoghi Effendi, un grand changement se produisit en lui. Il ne nous appartient pas, nous qui en sommes si éloignés en stature et en rang, de saisir ou de chercher a définir la nature de ce changement spirituel. Il avait l'habitude de me dire "j'ai cessé d'être un homme normal depuis qu'ils m'ont lu le Testament d'Abdu'l-Baha." Le toujours beau et noble jeune homme, avait maintenant, et de plus en plus au fil des ans, l'empreinte de la royauté sur sa face, dans ses manières, sa démarche et ses gestes. Ce n'était pas un emprunt, non plus une imitation de son grand-père, on pourrait presque dire que c'était un changement contenu dans la dot du Gardiennat. Shoghi Effendi n'était intime avec personne, sauf avec les membres les plus proches de la famille et durant les premières années, avec ses aides compagnons et ses secrétaires. L'augmentation de sa charge fit décroître, au fil des ans, cette intimité aussi. Après la formation du Conseil International baha'i, ses membres arrivèrent a Haïfa. Mais Shoghi Effendi voyait très rarement seul l'un de ses membres occidentaux; généralement cela arrivait lorsque l'un d'eux prenait congé avant de quitter Haïfa, ou que les "Mains" recevaient ses instructions avant d'aller le représenter a une conférence. La seule qui était la plus favorisée en ce domaine, c'était Milly Collins qui par son amour et son dévouement au Gardien avait gardé une grande place dans le coeur de Shoghi Effendi.

Après la mort de mon père, le Gardien invita Milly a venir habiter dans la maison du Maître, dans la chambre qu'avait occupé mon père, car sa chambre dans la Maison des Pèlerins était très humide et elle souffrait beaucoup de son arthrite. A l'exception de Lotfullah Hakim, les membres du Conseil International baha'i étaient tous logés dans la Maison des Pèlerins occidentaux. Shoghi Effendi faisait toutes ses affaires avec les membres de ce Conseil, a la table du dîner dans cette Maison des Pèlerins, ou par l'intermédiaire des messages transmis par son agent de liaison.

Cela ne veut pas dire qu'il ne comblait pas fréquemment de gentillesse les membres du Conseil et particulièrement Milly. Elle était la seule, mise a part l'unique personne chargée de son courrier, a connaître son adresse lorsque nous étions hors de Haïfa (a l'exception naturellement, de mon père) et qui, par conséquent avait constamment accès auprès de lui. Si grande et tendre était l'affection qu'elle portait a Shoghi Effendi qu'elle avait rencontré, pour la première fois, mais très brièvement, après l'ascension du Maître, qu'elle ne lui écrivait presque jamais directement, elle s'adressait a moi enfin de lui éviter la nécessité de répondre personnellement. Elle savait très bien que certains croyants, par un égoïsme innocent, collectionnaient cinquante, soixante ou plus de lettres écrites par cette plume surchargée! Mais elle était décidée a ne pas ajouter sa part a un tel poids et ne pensait qu'a lui éviter, de toutes les façons possibles, le plus léger effort supplémentaire, et de le servir de toute manière pouvant lui apporter quelque bonheur au coeur. Bien que vivant dans la maison du Gardien, elle retournait dans sa chambre aux heures où il rentrait ou sortait afin de ne pas l'obliger a perdre un instant de son temps précieux et de ne pas le fatiguer, sachant qu'en la voyant, il s'arrêterait et lui parlerait quelques instants. Quand son âge ou son régime la confinaient dans sa chambre, le Gardien lui rendait une courte visite et lui apportait souvent un cadeau. Je me rappelle un soir où elle était malade, il entra et enleva de son cou son châle en cachemire qu'un baha'i lui avait offert et l'en entoura. C'était pour elle, le bien le plus précieux et elle ne put jamais oublier la chaleur du cou du Gardien sur le sien.

Mais de telles relations étaient rares dans la vie du Gardien. Celle qui le liait a mon père en était une. Il m'a souvent paru que parmi les nombreuses bénédictions imméritées de ma vie, la grande affection qui liait Shoghi Effendi a mon père, était la plus grande grâce que Dieu dans sa grande miséricorde avait déversée sur moi.

L'origine de ce lien remonte au jour du mariage de notre bien-aimé Gardien. C'était toujours ma mère, jusqu'à la dernière décennie de la vie de mon père, qui était une baha'ie de renom. Elle était venue, avec le premier groupe de pèlerins occidentaux, visiter 'Abdu'l-Baha a 'Akka, pendant l'hiver 1898-1899. Elle avait été la première baha'ie sur le sol européen. Elle était la mère spirituelle des communautés baha'ies de France et du Canada. Elle était l'un des premiers et des plus distingués disciples du Maître, et très aimée par lui. Je mentionne cela parce qu'un jour Shoghi Effendi lui dit, alors que nous dînions dans la Maison des Pèlerins occidentaux après notre mariage, qu'il ne m'aurait pas épousée si je n'avais pas été la fille de May Maxwell. Cela ne veut pas dire que c'était la seule raison de notre mariage, mais c'en était une très forte.

Dans le câble qu'il envoya le 3 mars 1940 annonçant officiellement la mort de ma mère qui avait eu lieu deux jours auparavant, il affirmait: "Au lien sacré que ses services avaient forgés s'ajoute maintenant honneur inestimable mort martyre. Double couronne méritoirement gagnée." Ces mots font clairement allusion au mariage de Shoghi Effendi. 'Abdu'l-Baha dans une Tablette a un des enfants spirituels de May Maxwell, dit: "Sa compagnie élève et développe l'âme". Je peux vraiment dire qu'avant d'être sous l'influence directe du Gardien et d'avoir le privilège d'être avec lui pendant plus de vingt ans, mon caractère, ma foi en Baha'u'llah, et les petits services que j'ai jamais pu rendre, étaient entièrement dus a l'influence de ma mère. Il apparaît clairement de tout ceci qu'en janvier 1937, lors de mon troisième pèlerinage a Haïfa avec ma mère, ce qui décrivait le mieux la position de mon père a l'intérieur de la foi, était ce qualificatif: "Le mari de May Maxwell".

Ma mère était parmi ceux qui avaient connu Shoghi Effendi enfant, lors de son premier pèlerinage a la fin du siècle dernier. Elle était revenue en Terre Sainte avec mon père en 1909. Mais je ne sais dans quelle mesure ils ont été en contact avec Shoghi Effendi, a cette époque. Après l'ascension d'Abdu'l-Baha, elle fit une vraie dépression causée par le choc de son décès dont la nouvelle lui avait été communiquée très brutalement par le téléphone. Pendant presqu'un an nous ne savions pas si elle allait vivre, mourir ou perdre la raison.

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Mon père pensa que la seule façon de chasser le chagrin et les idées noires (elle disait qu'elle ne verrait jamais plus le Maître bien-aimé dans l'autre monde, a cause de son indignité) c'était de refaire un pèlerinage a Haïfa, pour voir le jeune successeur d'Abdu'l-Baha. Nous arrivâmes a Haïfa, en avril 1923. Shoghi Effendi ressuscita littéralement cette femme malade a tel point qu'elle ne pouvait se déplacer qu'en fauteuil roulant. Depuis cette époque l'affection de ma mère se concentra sur le Gardien. Quand elle put enfin regagner l'Amérique, après deux longues périodes a Haïfa, entrecoupées par un séjour en Egypte alors que Shoghi Effendi était en Europe, elle pouvait a nouveau servir très activement la Cause. Je fis un second pèlerinage, trois ans plus tard, en compagnie de deux amis baha'is de ma mère. Aussi quand nous arrivâmes en 1937, ce ne fut pas comme des étrangers, mais comme deux personnes arrivant au zénith de leur amour.

La simplicité du mariage de Shoghi Effendi, rappelant la simplicité du mariage d'Abdu'l-Baha dans la cité prison d'Akka, fournira certainement un exemple a la réflexion des baha'is de partout. Personne, a l'exception de ses parents, des miens, un frère et deux soeurs du Gardien vivant a Haïfa ne savait qu'il devait avoir lieu. Il croyait fortement qu'il fallait le tenir secret sachant, par expérience, les difficultés que provoquait invariablement tout événement important dans la Cause. Le 25 mars 1937, ce fut donc a la grande stupéfaction des serviteurs et des baha'is locaux, que son chauffeur nous conduisit, le Gardien et moi, a Bahji pour visiter le Mausolée sacré de Baha'u'llah. Je me rappelle: j'étais habillée en noir a cette occasion. Je portais une blouse en dentelle blanche, mais pour le reste j'étais comme les femmes orientales quand elles sortaient dans les rues.

Shoghi Effendi désirait que je me conforme, bien qu'étant aussi naturellement et inconsciemment que possible occidentale, au mode de vie de sa maison qui était très orientale. Et je n'étais que trop heureuse de complaire a tous ses désirs en toutes choses. A Bahji, nous entrâmes dans le Mausolée et il me demanda l'alliance que je portais encore cachée, a mon cou. Il la mit a l'annulaire de ma main droite, correspondant au même doigt où il l'avait toujours portée. Ce fut le seul geste qu'il fit. Il entra dans la tombe intérieure, où Baha'u1lah est inhumé. Il ramassa dans un mouchoir tous les pétales secs des fleurs que le gardien du Mausolée prenait au seuil et mettait dans un vase d'argent aux pieds de Baha'u'llah. Nous revînmes a Haïfa, après avoir chanté la Tablette de Visitation. La, dans la chambre de la Plus Sainte Feuille, l'acte du mariage fut célébré, comme déjà mentionné.

Depuis le jour où il me dit qu'il m'avait choisie pour me conférer ce grand honneur, a l'exception de cette visite et d'une ou deux fois dans la Maison des Pèlerins occidentaux où il venait dîner, je n'avais jamais été seule avec le Gardien. Il n'y eut pas de célébration, pas de fleurs, pas de cérémonies élaborées, pas de robe de mariage, pas de réception. Son père et sa mère, conformément aux lois de Baha'u'llah signifièrent leur consentement en signant notre certificat de mariage. Je retrouvais mes parents qui n'avaient pas été présents a ces événements, a la Maison des Pèlerins occidentaux, en traversant la rue. Quant a Shoghi Effendi, il reprit ses activités comme a l'accoutumée. Au repas du soir, Shoghi Effendi, comme toujours, combla d'affection, de congratulations ma mère et mon père. Il prit le mouchoir plein de ces précieuses fleurs et le donna avec un sourire inimitable a ma mère, lui disant qu'il les avait apportées de la tombe intérieure de Baha'u'llah. Mes parents signèrent le certificat de mariage après le dîner. Puis je traversais avec Shoghi Effendi la rue et entrai dans sa maison. Fujita avait transporté mes bagages pendant que nous dînions. Nous rendîmes visite quelques instants a la famille du Gardien et nous montâmes dans les deux chambres que la Plus Sainte Feuille avait fait construire pour Shoghi Effendi.

La sérénité, la simplicité, la réserve et la dignité de ce mariage ne signifiait pas que le Gardien le considérait comme un événement sans importance, au contraire. Sous la signature de sa mère, mais écrit par le Gardien, le câble suivant fut envoyé a l'Amérique: "Annoncez Assemblées célébration mariage bien-aimé Gardien. Honneur inestimable conféré a la servante de Baha'u'llah Ruhiyyih Khanum - Miss Mary Maxwell. Union Est et Ouest proclamée par foi baha'ie cimentée. Ziaiyyih, mère du Gardien. "Un télégramme similaire fut envoyé en Iran. Cette nouvelle, si longtemps attendue, produisit naturellement une grande réjouissance parmi les baha'is et des messages affluèrent vers Shoghi Effendi. A celui de l'Assemblée Nationale des baha'is d'Amérique et du Canada, Shoghi Effendi répondit: "Profondément ému votre message. Institution Gardiennat principale pierre angulaire Ordre Administratif Cause Baha'u'llah déjà ennobli par sa connexion organique avec personnes des fondateurs jumeaux foi baha'ie est maintenant renforcée par association directe avec Occident et particulièrement avec croyants américains dont la destinée spirituelle est d'annoncer l'Ordre Mondial baha'i.

Pour ma part désire féliciter communauté croyants américains acquisition lien vital les attachant a un organe si important de leur foi". Aux innombrables autres messages sa réponse pratiquement universelle fut simplement l'expression de son affectueuse appréciation de leurs félicitations. Mais même dans ces câbles nous retrouvons que ses réactions s'harmonisaient avec la qualité de la sincérité de l'expéditeur. Quand une personne qu'il n'aimait pas particulièrement ou en qui il n'avait pas confiance lui envoyait ses félicitations le Gardien répondait d'une manière irréprochable sans exprimer aucune appréciation: "Prie pour vous Tombeaux Sacrés". Autant dire "je n'ai pas besoin de vos félicitations mais vous avez certainement besoin de mes prières"! L'un des échanges de câbles des plus émouvants a cette époque eut lieu entre le Gardien et les baha'is d'Ishqabad. Par les soins d'un intermédiaire Shoghi Effendi câblait: "Prière télégraphier baha'is Ishqabad - estime beaucoup message prie continuellement protection." Quand John et Louise Bosch lui câblèrent: "Mariage illustre fait frémir l'univers". Dans sa réponse Le Gardien dévoila quelque peu combien les messages affectueux qui déferlaient sur lui le touchaient profondément: "message indiciblement élogieux enthousiasmant plus profond amour". Une autre réponse particulièrement chaleureuse fut envoyé aux Antipodes: "assurez Aimés Australie Nouvelle Zélande profonde appréciation durable".

Le point le plus significatif, toutefois, associé au mariage du Gardien est l'importance qu'il donna au fait que ce mariage rapprochait l'Orient de l'Occident. D'autres liens étaient également renforcés et établis. Répondant a la question de l'Assemblée d'Amérique: "Demandons ligne conduite annonce mariage", Shoghi Effendi affirmait: "Approuve annonce publique. Souligner importance institution Gardiennat union Est Ouest et liaison destinées Iran Amérique; Faire allusion honneur conféré peuples britanniques." C'est une allusion directe a mon père Canadien écossais.

Ceci eut un tel retentissement dans la communauté américaine que son institution nationale informa le Gardien qu'elle envoyait 19 dollars de chacune des soixante et onze Assemblées américaines pour renforcement immédiat nouveau lien rapprochant baha'is américains institution Gardiennat", vraiment un cadeau de mariage des plus inhabituels et des plus sincères a la Cause elle-même.

Après notre mariage, Shoghi Effendi continua son travail exactement comme avant. Mes parents restèrent en Palestine pendant plus de deux mois, la plupart du temps a la Maison des Pèlerins Occidentaux. Le Gardien venait tous les soirs pour dîner avec eux, mais il n'y avait aucune occasion pour développer quelque intimité personnelle. Le temps de leur départ arriva finalement. Un jour ma mère me dit: "Marie, crois-tu que le Gardien m'embrassera lors des adieux?" (Tout le monde m'appelait par le nouveau nom persan que le Gardien m'avait donné. Mais ma famille était naturellement autorisée a m'appeler Mary, prénom qu'elle avait employé toute ma vie). Je n'avais pas pensé a cela et je rapportai la remarque a Shoghi Effendi sans rien demander. Mes parents partaient dans l'après-midi. Après le déjeuner le gardien alla seul dans la chambre de ma mère, dans la Maison des Pèlerins, pour la voir. Quand il quitta la chambre, je la rejoignis et elle me dit, les yeux brillants: "Il m'a embrassée! "

Les années passèrent. En 1940, ma mère, animée par le désir passionné de rendre quelque service en remerciement des bénédictions octroyées par le Maître dont la dernière avait été cette union totalement inattendue de sa fille avec le Bien-Aimé Gardien, décida de partir en Amérique du Sud et d'aider l'enseignement de la foi en Argentine où une communauté baha'ie commençait a se former. C'est a cette époque que s'établirent réellement des liens profonds entre Shoghi Effendi et mon père. Quoique le Gardien ait aimé mon père et ait été attiré par ses solides qualités, il n'avait eu ni le temps ni l'occasion d'établir quelque relation intime avec lui. Maintenant ma mère partait pour le bout du monde, a soixante dix ans, ayant toujours eu une santé fragile. Le Gardien pensa a ce que cela représentait pour son mari. Le 22 janvier 1940, il lui câbla: "Apprécie profondément noble sacrifice. Affection la plus sincère". Il télégraphia le jour même a ma mère qu'il était "fier résolution noble". Le Gardien, mon père et moi nous avions consenti a ce long voyage, mais a un tel âge, pour un coeur fragile, c'était pour le moins un risque.

Si je rapporte ces choses personnelles la raison en est que derrière elles, en elles et les dominant il y avait l'esprit du Gardien et son coeur tendre, son propre dévouement au service de la Cause et ses hommages impartiaux en tant que Chef de la Foi, et tout cela apparaît dans les événements qui suivent.

Ma mère arriva a Buenos Aires et mourut presque immédiatement d'une attaque cardiaque. Je portai trois télégrammes au Gardien, le premier venait de ma mère demandant des prières, le second était de mon père qui disait qu'elle était très malade pour me préparer et le troisième de ma cousine Jeanne Bolles qui accompagnait ma mère et disait qu'elle était morte. Quand il les lut, je vis le visage du Gardien changer, il me regarda avec une intense expression de peine et d'anxiété. Puis, graduellement, il me dit qu'elle était morte. Je ne conçois pas que quelque être humain ait pu recevoir autant de gentillesse sincère de la part du Gardien que je reçus de lui a cette triste période. Ses louanges sur les sacrifices de ma mère, ses descriptions sur son état de joie dans l'autre monde, où, comme il le disait dans un télégramme a l'Assemblée Nationale de l'Irak informant les amis de sa mort: "les âmes célestes recherchent ses bénédictions au milieu du paradis", sa vivante peinture d'elle se promenant dans le Royaume d'Abha et incommodant tout le monde parce qu'elle ne voulait parler que de sa fille bien-aimée sur terre: tout se combinait pour me porter a un tel état de bonheur que souvent je me surprenais riant avec lui des choses qu'il paraissait effectivement deviner.

C'est sa mort qui rapprocha le Gardien et Sutherland Maxwell. Rapprochement qui éleva mon père aux sommets de service qu'il put atteindre avant que lui aussi ne décédât. Le 2 mars Shoghi Effendi télégraphiait a papa: "Profondément peiné cependant réconforté durable réalisation fin digne si noble carrière valeureux exemplaire service Cause Baha'u'llah. Ruhiyyih quoique intensément consciente perte irréparable se réjouit avec respect gratitude couronne immortelle méritoirement gagnée son illustre mère. Conseille enterrement Buenos Aires. Sa tombe dessinée par vous-même érigée par moi lieu elle combattit succomba glorieusement deviendra centre historique activité pionniers baha'is. Très bienvenu arranger affaires résider Haïfa. Soyez assuré plus profonde sympathie affectueuse."

Ce télégramme conduisit mon père a Haïfa et lui permit, par sa grande connaissance professionnelle et son expérience, de devenir l'instrument de réalisation des projets d'Abdu'l-Baha en dessinant une superstructure digne autour de la Tombe sacrée du Bab, projet que le Maître avait lui-même commencé.

Durant les années de guerre, Shoghi Effendi, affligé par les crises croissantes de ses relations avec les membres de sa famille, développa son affection et son intimité avec Sutherland, affection et intimité qui compensaient quelque peu les souffrances que nous traversions. Il n'est pas facile d'être l'intime de quelqu'un infiniment plus grand que vous en rang, et de ne pas perdre le respect et l'estime dû a sa haute position. Mon père n'y faillit jamais; parfois, alors que le Gardien gardait le fit, il apportait quelques croquis a lui soumettre. Shoghi Effendi s'asseyait sur le lit, s'adossait contre les oreillers et insistait pour que papa s'assoie a côté de lui afin de mieux étudier les détails. On peut facilement imaginer ce que cela représentait pour moi: voir ces deux têtes bien-aimées l'une près de l'autre, l'une blanche l'autre aux tempes grisonnantes! Ces instants fugaces de paix et de bonheur familial, dans l'atmosphère d'orage de nos vies, adoucissaient l'amère coupe des chagrins.

Pendant l'hiver 1949-50, mon père tomba malade et les médecins désespéraient de le sauver. Il arriva a un point tel qu'il paraissait n'avoir conscience de rien. Il ne me reconnaissait plus, moi, sa fille unique et il ne se contrôlait pas plus que s'il avait six mois. Si j'avais besoin d'une preuve convaincante de l'existence de l'âme humaine, je l'aurais eue a cette époque. Quand Shoghi Effendi entrait dans la pièce pour voir mon père, a l'approche du Gardien un battement, un frémissement, une réaction totalement éphémère saisissait mon père et pourtant il ne pouvait pas parler et n'était conscient de rien. C'était si extraordinaire, si évident que son infirmière (la meilleure de Haïfa) l'avait noté et s'en étonnait beaucoup. C'était contre toutes les lois logiques, car quand la mémoire s'altère, les souvenirs lointains demeurent plus longtemps que le passé immédiat. Shoghi Effendi avait décidé que mon père vivrait. Sur ses instances, alors que personne, y compris moi-même, n'espérait plus le sauver, nous l'emmenâmes en Suisse avec son infirmière. Il y recouvrit rapidement la santé par les soins de notre propre médecin. Le rétablissement fut si complet que comme sa nouvelle infirmière suisse et moi, nous l'emmenions promener, quelques semaines plus tard, il vit un café au milieu d'un jardin et il nous invita promptement a entrer et prendre une tasse de thé avec lui, une offre que j'acceptai avec un indescriptible sentiment d'étonnement et de reconnaissance. Après cette guérison, le Gardien dans un message a l'Amérique, en juillet 1950, et parlant de l'avancement de la construction du Mausolée du Bab, dit:

"Ma gratitude est accrue par la guérison miraculeuse de notre architecte doué, Sutherland Maxwell; dont la maladie était déclarée sans espoir par les médecins."

je me suis souvent émerveillée de la gentillesse et de la patience montrées par Shoghi Effendi envers mon père, pendant ces années où il survécut a cette maladie qui l'avait laissé très fragile et qui se manifestait de manière répétée par des crises périodiques de la vésicule biliaire, crise qui l'amenèrent une fois a deux doigts de la mort. C'était une révélation d'un autre aspect de Shoghi Effendi car, par tempérament, il était toujours impatient, toujours pressé dans son travail sans fin. Il n'y a pas d'adjectif pour décrire a quel point mon père l'adorait. Ses sentiments n'étaient pas seulement basés sur sa profonde foi en tant que baha'i, ni dus au respect et a l'obéissance qu'il devait au Gardien de la foi, mais aussi a cause de l'admiration et de l'amour profonds qu'il lui portait dans tous les domaines et naturellement des domaines humains personnels. Je me rappelle, lorsque la seule soeur vivante de mon père mourut en 1942, Shoghi Effendi lui dit qu'il ne devait plus considérer Montréal comme sa première patrie et Haïfa comme la seconde, mais juste l'inverse. Il lui dit encore que maintenant qu'il l'aidait de manière croissante, il ne pouvait plus se passer de lui.

L'attitude de Shoghi Effendi envers la parenté non baha'ie de mon père (une seule de ses soeurs morte depuis longtemps avait été une croyante) était très indicatrice de toute sa nature. Je me rappelle, a l'époque de mon mariage, ces parents m'écrivirent leurs chaleureuses félicitations et envoyèrent leur affection a "Shoghi". J'étais quelque peu embarrassée et indécise sur la façon de transmettre ces messages au signe de Dieu sur terre. Finalement, je décidai que je devais le faire et lui lus le passage de la lettre de ma tante. Il m'écouta attentivement et quelques instants après, il me dit d'une façon très douce "transmettez mon affection également". Pendant des années de tels messages étaient échangés. Qu'il était gracieux, noble, spontané dans tous ses actes!

Pour lui montrer son amitié, Shoghi Effendi parfumait quelquefois mon père avec de l'essence de rose. En Orient, il n'y a pas cet ostracisme contre les hommes qui se parfument. Et le Gardien aimait beaucoup ce parfum merveilleux. Cela valait vraiment la peine d'observer le visage de mon écossais de père!

Il était d'une race et d'une région où l'utilisation des parfums par l'homme est un anathème. Il n'avait jamais utilisé ne serait ce qu'une lotion parfumée. Il était alarmé a l'idée qu'il allait sentir fortement et en même temps heureux de cette attention affectueuse du Bien-Aimé Gardien envers lui. C'était une expression vraiment extraordinaire qui se lisait sur son visage!

En 1951, le Gardien décida d'emmener mon père avec nous en Suisse. Avant notre retour, nous apprîmes que l'approvisionnement en nourriture était tel la-bas qu'il serait pratiquement impossible a mon père de suivre son régime si essentiel pour éviter une rechute. Mon père désirait aussi revoir sa maison et sa famille après une absence de onze années. Le Gardien décida donc de l'envoyer au Canada avec son infirmière dévouée, Suissesse qui l'avait soigné l'année précédente et qui était de nouveau avec nous. Ce fut la, dans sa vieille maison et dans sa ville natale qu'il apprit son élévation au rang de "Main de la Cause de Dieu", a un moment où la vie se retirait rapidement de lui.

Il n'y avait vraiment pas de place dans la vie du Gardien pour les épreuves que la longue maladie, la rémission, les attaques répétées et finalement la mort de mon père lui imposèrent. En mars 1952, nous apprîmes qu'il était si malade que je devais me dépêcher a Montréal si je voulais le revoir vivant. Ce fut un autre choc terrible. Je me préparais hâtivement a partir tout en priant pour que, s'il devait mourir avant que je n'arrive, que ce soit avant mon départ. Je ne quitterai pas, ainsi, Shoghi Effendi au milieu de son travail pour être présente a un moment où mon père ne saurait même pas que j'étais la. Cette prière fut exaucée et la nouvelle arriva qu'il avait été libéré de ce monde. La peine de Shoghi Effendi fut si intense que je n'eus pas le temps de m'arrêter et de penser qu'après tout c'était mon père qui était mort. Je mentionne tout cela pour montrer les facteurs qui interviennent dans la vie du Gardien et les vagues de sentiment, d'épreuves et de malheurs qui usèrent la texture de son coeur et qui l'emportèrent.

Après avoir assisté, en 1953, a la Conférence Intercontinentale de Chicago, Mrs Collins et moi, avec l'approbation du Gardien nous nous rendîmes a Montréal. Je visitai la tombe de mon père, arrangeai mes affaires et présentai, selon le désir de mon père et de ma mère, notre maison, la seule du Canada ayant reçu la visite du Maître lors de son voyage en Amérique, a l'Assemblée du Canada. Shoghi Effendi n'oubliait pas ceux qu'il aimait, il était fidèle dans toutes ses relations.

Après avoir télégraphié a l'Assemblée de Montréal, il me câbla le 9 mai 1953: "Ai instruit Assemblée Montréal réunir amis tombe Sutherland payer tribut souvenir. Conseille placer fleurs Tombeau acheter aussi cent dollars fleurs premier choix principalement bleues couvrir tombe de ma part. Attacher inscription suivante reconnaissant souvenir Sutherland Maxwell Main Cause chèrement aimé architecte talentueux Superstructure Sépulcre du Bab Shoghi. Apporter photos grandes dimensions amis réunis tombe. Câblez date heure réunion pour rappeler Tombeau". Le plus touchant est que non seulement il me donna a Haïfa une fiole d'essence de rose pour asperger la tombe et des fleurs du Seuil du Tombeau du Bab pour les y placer, mais que dans son câble il spécifie que j'achète des fleurs bleues se rappelant que le bleu était la couleur que portait toujours Sutherland. A mon retour de Haifa je rapportai de nombreuses photos, il les regarda un long moment, et les garda pour lui.


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