La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 12. L'édification du centre mondial

Souligner, renforcer et, en fait, rendre souvent réalisables des grandes entreprises telles que l'érection de la superstructure du mausolée du Bab, la construction des Archives, l'aménagement des terrasses sur le Mont Carmel, et de nombreuses autres activités comme l'achat des terrains a Haïfa et 'Akka, c'était la une tâche a laquelle Shoghi Effendi attachait beaucoup d'importance et qu'il poursuivit tout au long de son ministère. Il avait réussi, avant sa mort, a créer un anneau protecteur de terrains autour du mausolée le plus saint, la tombe de Baha'u'llah et autour des tombeaux du Bab, d'Abdu'l-Baha, de sa mère, sa soeur et son frère. En outre, il avait choisi et acheté le terrain sur le Mont Carmel qui servira au futur temple baha'i. Si nous considérons qu'a l'époque de l'ascension d'Abdu'l-Baha, la superficie des propriétés 'baha'ies sur le Mont Carmel n'excédait probablement pas 10.000 mètres carrés, et qu'elle s'élevait, en 1957, a 230.000 mètres carrés, et qu'a Bahji, ces chiffres étaient de 1.000 mètres carrés en 1921 et 270.000 mètres carrés au moment de l'ascension du Gardien en 1957, nous obtiendrons alors une idée de ses réalisations en ce domaine, Grâce a la générosité des baha'is, a leurs legs, a leurs réponses a ses appels en temps de crise, a l'emploi des fonds qu'il détenait, Shoghi Effendi réussit a acheter ces terrains et a métamorphoser ainsi la situation de la foi a son Centre mondial.

En mai 1931, le Gardien télégraphiait a l'Assemblée Spirituelle Nationale des Baha'is des Etats-Unis et du Canada:
"Assemblée américaine incorporée comme corps religieux reconnu en Palestine détient titre propriété comme mandataire croyants américains. Poste titre acte propriété déjà transférée leur nom. Prestige foi grandement rehaussé ses fondations consolidées. Amour."

C'était le premier pas vers la constitution des Branches palestiniennes, qui devinrent ultérieurement des Branches israéliennes, des différentes Assemblées Nationales, et l'enregistrement a leur nom des propriétés baha'ies en Terre Sainte. Bien que le pouvoir de disposition de ces propriétés appartînt au Centre mondial, néanmoins le prestige de la foi était grandement rehaussé par ces changements de noms, les Lieux Saints consolidés et sauvegardés et son caractère mondial accentué aux yeux des autorités. Les communautés nationales baha'ies étaient en même temps encouragées et fortifiées. Les messages de Shoghi Effendi sur ce thème reflètent clairement sa politique en cette matière: "Branche palestinienne Assemblée Nationale, première institution légalement constituée secteur oriental monde baha'i... "; " ... reconnaissance éminents services enrichissant continuellement annales réalisations associées éminente communauté monde baha'i me dispose transférer propriété grande valeur acquise enceinte mausolée Mont Carmel nom Branche palestinienne Assemblée américaine"; "Tout effort sera exercé en Terre Sainte, comme un hommage a l'esprit superbe animant les croyants australiens et néo-zélandais et a leurs labeurs incessants... pour hâter le transfert d'une partie des Dotations internationales baha'ies au nom de la branche israélienne nouvellement constituée de votre Assemblée, un acte qui, en premier lieu, dispensera a votre Assemblée un grand bénéfice spirituel et matériel et qui renforcera les liens l'attachant au Centre mondial..."

Avant sa mort Shoghi Effendi avait déjà établi neuf de ces Branches nommément, celles des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle Zélande, des Iles Britanniques, de l'Iran, du Pakistan, de l'Alaska et celle de l'Assemblée Spirituelle Nationale des baha'is de l'Inde et de Birmanie.

Ayant construit les trois pièces supplémentaires du mausolée du Bab, et achevé la restauration du Manoir de Baha'u'llah, produisant ainsi des preuves locales et tangibles de la force de la communauté baha'ie et démontrant aux autorités britanniques, par les victoires remportées sur les briseurs du Covenant, qu'il avait le soutien des baha'is du monde, Shoghi Effendi s'attacha a obtenir pour les Lieux Saints baha'is l'exonération des impôts municipaux et gouvernementaux. Ce n'était pas très difficile d'obtenir cette exonération pour un bâtiment, de toute évidence un lieu sacré et visité par les pèlerins. Mais l'obtenir pour tous les terrains acquis par la foi et pour la plupart enregistrés au nom des personnes privées, était une autre affaire.

Les gouvernements et les municipalités sont toujours réticents quand il s'agit de la perte d'une source de revenus. Ils craignent également de créer un précédent et de voir les autres communautés se précipiter pour obtenir les mêmes avantages. C'est pourquoi, l'exonération totale, y compris les droits de douane, obtenue par Shoghi Effendi peut être considérée comme une grande réalisation. Les plus importantes victoires, en ce domaine, furent toutes remportées a l'époque du Mandat britannique, le gouvernement israélien acceptant le statut obtenu par les baha'is, avant 1948.

Dans ses premiers efforts pour l'obtention de cette forme de reconnaissance, Shoghi Effendi fut aidé, au commencement des années trente, par Sir Arthur Wauchope, le Haut Commissaire de la Palestine a cette époque. Ce Haut-Commissaire semble avoir été, a en juger d'après ses lettres a Shoghi Effendi, un homme courtois, aimable et noble d'esprit. Le 26 juin 1933, nous le voyons écrire a Shoghi Effendi: "J'ai reçu votre lettre du 21 juin et je me hâte de vous écrire pour vous en remercier et pour vous assurer que lorsque le cas que vous mentionnez me sera adressé pour décision, sous la rubrique (des Lieux Saints) de la Palestine en Conseil, il recevra ma plus attentive considération". Presqu'un an plus tard le 10 mai 1934, Shoghi Effendi câblait a l'Amérique: "Négociations prolongées autorités Palestine abouti exonération taxe tout domaine entourant dédiés Mausolées Mont Carmel." Il ajoutait que ce pas était équivalent a l'assurance reconnaissance indirecte caractère sacré Centre international foi.

A ce sujet, il y a deux lettres, l'une du 16 mai 1934 de Sir Arthur a Shoghi Effendi où il dit:
"J'espère que cette exonération vous aidera a poursuivre votre belle oeuvre".
La seconde lettre est du Gardien a Sir Arthur dans laquelle il affirme:
"L'agréable nouvelle vient juste de me parvenir par le Commissaire de District de Haïfa que l'exonération d'impôts pour les propriétés baha'ies sur le Mont Carmel a été accordée par le gouvernement". Il ajoute son appréciation et celle de la communauté baha'ie pour l'intérêt porté par son Excellence a cette affaire et dit que cette décision ouvre la voie 'la notre projet d'embellir graduellement cette propriété pour l'usage et la joie du peuple de Haïfa..."


En lisant ces fins heureuses d'histoires on n'obtient aucune idée sur ce que Shoghi Effendi traversa concernant l'achat, l'exonération des taxes et la sauvegarde des propriétés au Centre mondial.

Un télégramme du 28 mars 1935 a l'Assemblée Nationale de l'Amérique, donne un des innombrables exemples de ce qui se passait réellement:
"Contrat pour achat et transfert a Branche palestinienne Assemblée américaine propriété Dumit située centre domaine dédié aux Mausolées sur le Mont Carmel signé. Quatre ans litige impliquant pétitions monde baha'i Haut Commissaire Palestine abandonné. Propriétaires exigent quatre mille pounds. Moitié somme disponible. Croyants américains unis contribueront-ils ensemble mille pounds avant fin mai et mille pounds restant dans neuf mois. Suis contraint appeler corps entier communauté américaine subordonner intérêts nationaux de foi a ses exigences urgentes primordiales de son Centre mondial". L'Assemblée américaine répondit deux jours plus tard, que la communauté baha'ie américaine il accomplira d'un seul coeur glorieux privilège conféré a elle par le bien-aimé Gardien."

Combien de fois Shoghi Effendi n'a-t-il pas parlé de la Terre Sainte comme le "coeur et le centre nerveux" de la foi! Le protéger, le développer et répandre sa gloire faisaient partie de ses fonctions de Gardien. En plus de ses contacts officiels avec les autorités gouvernementales et municipales il maintint des relations courtoises et amicales avec de nombreuses personnalités non baha'ies. L'esprit de tolérance qui caractérisait si fortement le Gardien, son manque total de préjugé et de fanatisme, la sympathie et la courtoisie qui le distinguait, toutes ces qualités se reflètent dans ses lettres et messages a ces personnalités. Pendant les premières années de son ministère, il fut longtemps en correspondance avec le Grand Duc Alexandre de Russie pour qui, d'après le ton de ses lettres, il avait une évidente affection. Il s'adresse a lui comme "mon vrai frère dans le service de Dieu". "Le grand Duc était très intéressé par un mouvement appelé l'Unité des Ames" (Unity of Souls) et Shoghi Effendi l'encourageait: "je suis de plus en plus impressionné écrit-il, par la similitude frappante de nos buts et principes et j'implore le Tout-Puissant de bénir ses serviteurs dans leur service a la cause de l'humanité souffrante". Le Grand Duc, dans une lettre au Gardien écrit: il... Je dois vous confesser, mon cher frère et collaborateur, que dans mon modeste travail, je me sens occasionnellement découragé... la puissance des forces du mal sous l'influence desquelles vit la majorité de l'humanité, est éprouvante." Shoghi Effendi répond a cette lettre magnifiquement:

"... J'assure mon cher collaborateur, dans le service de Dieu, que moi aussi, je me sens souvent opprimé par la montée de la vague d'égoïsme, de matérialisme grossier qui menace d'engloutir le monde, et je sens que, quelque pénible que soit notre tâche commune, nous devons persévérer jusqu'à la fin et prier continuellement et ardemment pour que l'esprit éternel de Dieu remplisse si bien l'âme des hommes qu'ils se lèvent avec une nouvelle vision pour servir et sauver l'humanité. Prière et effort persistant individuel, je crois, doivent recevoir une importance plus grande et plus large en ces jours de violences et de ténèbres..."

Shoghi Effendi était en contact non seulement avec la Reine Marie de Roumanie et un certain nombre de sa parenté, mais également avec d'autres personnes de lignée royale comme la Princesse Marina de Grèce, qui devint plus tard la Duchesse de Kent, et la Princesse Kadria d'Egypte. A beaucoup de ces personnes ainsi qu'a des hommes éminents comme Lord Lamington, un certain nombre des premiers Hauts Commissaires de la Palestine, des orientalistes, des professeurs d'université, des éducateurs etc, Shoghi Effendi avait l'habitude d'envoyer des exemplaires des derniers volumes du Baha'i World, ou une de ses traductions récemment publiée, avec une carte de visite (pratiquement la seule occasion où il s'en servait, la principale fonction des cartes de visite paraissant être pour lui celle d'un bloc notes! ) Il était toujours très méticuleux, dans la mesure où il s'agissait d'une relation de mutuelle courtoisie et d'estime, pour envoyer des messages de condoléances a une connaissance qui avait subi un deuil, exprimant sa "sincère sympathie" pour la "grande perte" subie. Ces messages étaient souvent envoyés par câbles ou télégrammes. Ils touchaient profondément les destinataires et lui créaient une réputation démentant l'image que les briseurs du Covenant essayaient, de leur mieux, de donner de lui. Il félicitait également souvent les gens a l'occasion d'un mariage ou d'une promotion.

En plus de ces contacts personnels, Shoghi Effendi était en relation, bien plus qu'on ne le suppose communément, avec des organisations non baha'ies. C'était particulièrement vrai pour les Espérantistes, dont l'unique but était d'oeuvrer a la réalisation d'un des principes baha'is: une langue auxiliaire universelle doit être adoptée dans l'intérêt de la paix mondiale.

Nous avons les copies de ses messages personnels aux Congrès Universels des Espérantistes tenus en 1927, 1928, 1929, 1930, et 1931, et sans doute il envoya de nombreux autres messages similaires a d'autres occasions. Shoghi Effendi non seulement répondait chaleureusement si une ouverture lui était faite, mais encore il prenait souvent l'initiative d'envoyer des représentants baha'is, choisis par lui, a diverses conférences dont l'objet coïncidait avec celui des baha'is. Ainsi nous le voyons écrire, en 1927, a l'Association Universelle Espérantiste, que Martha Root et Julia Goldman assisteront a leur Congrès de Dantzig comme les représentantes officielles baha'ies et qu'il a confiance que cela "servira a fortifier les liens de communion qui existent entre les Espérantistes et les adeptes de Baha'u'llah dont l'un des principes cardinaux... est l'adoption d'une langue internationale auxiliaire pour toute l'humanité". Dans sa lettre adressée aux délégués et aux amis assistant a ce dix-neuvième Congrès Universel Espérantiste, il écrit:

"Mes chers collaborateurs au service de l'humanité:

Je prends un grand plaisir a m'adresser a vous et a vous souhaiter... du fond du coeur un réel succès dans l'oeuvre que vous accomplissez pour la promotion et le bien de l'humanité.

Il vous intéressera, j'en suis sûr, d'apprendre qu'a la suite des admonitions répétées et emphatiques d'Abdu'l-Baha, ses nombreux disciples, même dans les villages et les hameaux les plus reculés de l'Iran ' où la lumière de la civilisation occidentale a péniblement pénétré jusqu'aujourd'hui, ainsi que dans de nombreuses autres régions de l'Est, ont entrepris, vigoureusement et avec enthousiasme, l'étude et l'enseignement de l'espéranto, pour l'avenir duquel ils chérissent les plus hautes espérances..."

Le Gardien lui-même était tenu en grande estime par des personnes travaillant pour des idéaux semblables a ceux des baha'is. En 1926, Sir Francis Younghusband lui écrivait au sujet du "World Congress of Faiths" (Congrès Mondial des Fois): "Maintenant je désire vous demander une grande faveur. Une fois encore je veux essayer de vous persuader a venir en Angleterre et a assister au Congrès. Votre présence, ici, aurait une grande influence et serait hautement appréciée. Et, nous payerions volontiers les dépenses que vous pourriez avoir".


Le Gardien déclina cette invitation mais prépara un article pour être présenté. Ses propres projets et travaux l'empêchaient, trouvait-il, d'ouvrir une telle porte.

En 1925, le Zionist Exécutive (I'Exécutif Sioniste) de Jérusalem l'invita a assister a une manifestation prévue a l'occasion de l'établissement d'une université dans cette ville.

Shoghi Effendi leur câbla, le 1er avril:
"Apprécie aimable invitation Regrette incapacité être présent. Baha'is espèrent et prient l'établissement de ce siège du savoir puisse contribuer a la renaissance d'une terre de tant de souvenirs sacrés pour nous tous et pour laquelle Abdu'l-Baha chérissait les plus hautes espérances".
A ce message ils répondirent dans des termes cordiaux:
"Zionist Executive apprécie beaucoup votre message amical et bons voeux. Nous sommes confiants que université nouvellement établie peut contribuer non seulement avancement sciences et savoir mais aussi a meilleure compréhension entre hommes lequel idéal est si bien servi par baha'is". Vingt cinq ans plus tard, le lien établi existait encore: "L'université hébraïque a été vraiment très reconnaissante de recevoir votre chèque de 100 pounds, comme une contribution de Son Eminence Shoghi Effendi Rabbani a l'oeuvre de cette institution... Nous sommes très heureux de savoir que Son Eminence est consciente de l'importance de l'oeuvre que cette université accomplit et de recevoir ce don généreux d'appréciation de sa part..."

Un câble de Shoghi Effendi, envoyé en Inde en décembre 1930, est d'un intérêt particulier parce qu'il montre comment, jusqu'à la fin de sa vie, il associait tendrement la Plus Sainte Feuille aux messages qui lui paraissaient convenables:
"Transmettez Conférence Indienne Femmes Asiatiques de la part Plus Sainte Feuille soeur Abdu'l-Baha et moi-même notre intérêt véritablement profond leurs délibérations. Puisse Tout Puissant guider bénir leur haute entreprise".

En plus de cette large correspondance avec des personnalités éminentes et des nombreuses associations, Shoghi Effendi avait l'habitude de recevoir chez lui des personnes distinguées comme Lord et Lady Samuel, Sir Ronald Storrs, un autre ami d'Abdu'l-Baha, Moshe Sharett, qui devint plus tard un des personnages officiels d'Israël des plus aimés et des plus éminents, Professeur Norman Bentwich, des écrivains, des journalistes et des notables...

Quelque importants qu'aient été ces contacts et échanges, les plus importants de tous furent, cependant, ceux qu'il maintenait avec les personnalités officielles aussi bien pendant le Mandat britannique que plus tard, après la guerre de l'Indépendance et l'établissement de l'Etat d'Israël. Bien que cordiaux, ces contacts avec les représentants des deux gouvernements auraient été encore plus cordiaux sans l'influence insidieuse et persistante exercée par toutes sortes d'ennemis de la foi.

Il faut aussi ajouter que la plupart des collaborateurs de Shoghi Effendi manquaient d'envergure. Une fois il me fit remarquer qu'il était vraiment dommage que tant de personnes de bien manquent de jugement, et tant de personnes intelligentes manquent de caractère, soulignant que l'idéal serait une personne de bien qui soit en même temps intelligente. Il eut sa pleine part des deux extrêmes en tant que Gardien, mais il trouva rarement chez les personnes qui le servaient la combinaison qu'il désirait. Je me rappelle qu'il me dit une fois qu'un proverbe persan dit qu'il vaut mieux avoir un ennemi sage qu'un ami idiot! Un exemple de ce que le Gardien devait supporter est fourni par cette histoire que m'a racontée un membre de sa famille. Il m'a dit qu'un Anglais (pas n'importe qui) lui avait dit qu'il aimerait rendre visite a Shoghi Effendi, et cette personne lui avait répondu qu'il était bienvenu a le faire, mais qu'il ne devait pas s'attendre a ce que le Gardien le lui rende, car il ne le faisait jamais.

On peut facilement comprendre que des remarques sans tact et irréfléchies comme celle-ci élevaient un mur d'incompréhension autour de Shoghi Effendi, qui, combinées avec les flèches des gens réellement mal intentionnés, le desservaient auprès du public et l'éclairaient sous une détestable lumière. Si cet Anglais avait rencontré Shoghi Effendi, il aurait été si impressionné qu'il n'aurait jamais pensé si le Gardien allait lui rendre sa visite ou non. Mais naturellement après cette remarque il n'approcha jamais le Gardien. Le jugement du Gardien était cependant si parfait qu'en dirigeant strictement ses prétendus collaborateurs et subordonnés il accomplissait, dans des situations compliquées et sans espoir, des miracles. Sans avoir lui-même un esprit tortueux, il pouvait voir fonctionner celui des autres. Aussi évitait-il d'insister imprudemment sur un sujet au mauvais moment afin de ne pas se voir signifier un refus catégorique qui aurait mis la cause dans une impasse de laquelle il n'aurait pu la sortir que fort longtemps après.

Quand on pense a Shoghi Effendi, a ce qu'il était, a la grandeur de son rang et de ses capacités, on ne peut que ressentir un immense regret qu'il ait été privé de la compagnie des grands hommes de ce monde. Cette compagnie du moins dans une faible mesure, aurait pu être intéressante et encourageante pour lui. Souvent, dans les remarques qu'il me faisait, je sentais que de telles relations lui manquaient.

Shoghi Effendi voyait très clairement a travers les gens, avec une perspicacité plutôt divine qu'humaine.

Dès le commencement, Shoghi Effendi chercha a démontrer, dans toutes ses relations avec les officiels, que la foi était une religion indépendante et universelle dont le Centre mondial spirituel et administratif était situé en Terre Sainte. Il passa trente six ans pour faire reconnaître ce fait et pour obtenir les droits qu'un tel statut donnait a la foi baha'ie. Il devait, en particulier, recevoir dans les occasions officielles, ce qui lui était dû en tant que Chef héréditaire d'une telle foi. De nombreuses raisons parmi lesquelles, l'insignifiance numérique de la communauté baha'ie en Palestine, le défi lancé a son autorité par les briseurs du Covenant immédiatement après l'ascension du Maître, la répugnance des autorités a être impliquées dans des affaires religieuses firent que les deux gouvernements britannique et israélien étaient peu enclins a accorder a Shoghi Effendi le respect et la préséance légitimement dûs a sa charge unique. C'est pour cette raison que, a de très rares exceptions près, le Gardien évita d'assister a des manifestations officielles. Abdu'l-Baha, ne se rendit jamais a Jérusalem par ce que, disait Shoghi Effendi, "Il n'aurait pas été traité de la façon que son rang élevé et l'importance historique de sa visite méritaient. Cela nous donne une idée des implications de cette lutte."

Au commencement de son ministère, une expérience fit comprendre a Shoghi Effendi les pièges qui l'attendaient s'il acceptait les invitations que les autorités locales lui envoyaient a telle ou telle occasion, par exemple la visite officielle d'une personnalité a Haifa. Il me raconta qu'il assista a une réception donnée par le Commissaire du District en l'honneur du Haut Commissaire. En entrant dans la pièce, Shoghi Effendi trouva que le seul siège vacant, a part celui réservé au Haut commissaire au centre et en haut de la pièce, était celui qui se trouvait a la droite de celui-ci, sans hésiter le Gardien alla s'y asseoir. Ce siège était réservé pour le Commissaire du District qui, ne voulant pas demander publiquement a Shoghi Effendi de l'évacuer, fit venir un autre siège pour lui-même. Shoghi Effendi savait très bien qu'a une autre occasion similaire on ne permettrait pas qu'un tel incident se renouvelle et il n'assista plus jamais a de telles manifestations.

Il paraît faire allusion a ceci ou du moins au dilemme qui se posait a lui, dans une lettre au Colonel Stewart B. Symes, ancien gouverneur de Haïfa, transféré a Jérusalem et nommé Secrétaire Général de l'Administration de la Palestine. Le 17 mai 1925, Shoghi Effendi lui écrivit et le félicita pour sa nomination. Il paraît alors que le Colonel Symes vint a Haïfa pour une visite officielle car nous voyons Shoghi Effendi lui écrire, une nouvelle fois, le 25 du même mois: "En raison des considérations diverses soulevées par le statut non encore défini de la Communauté baha'ie il m'est impossible, a mon grand regret, de participer en personne aux diverses manifestations publiques organisées en votre honneur. Je me vois ainsi privé du grand plaisir et privilège d'élever ma voix non seulement au nom de la communauté locale mais aussi de la part des baha'is du monde entier, en reconnaissance et appréciation de la bonne volonté et du haut sens de la justice qui ont caractérisé votre attitude envers les différents problèmes qui se sont soulevés par l'ascension soudaine d'Abdu'l-Baha.

Je suis sûr que vous comprendrez que mon absence forcée de ces réunions n'implique en aucune façon un manque de cordialité ou d'amitié envers le représentant d'une administration que les baha'is ont toutes les raisons de regarder avec une grande estime et une confiance profonde". Il poursuit en invitant le Colonel et Mme Symes ainsi que sa mère a venir prendre le thé dans les jardins, et si cela ne se pouvait il irait leur rendre visite chez eux. Il est intéressant de noter, qu'un quart de siècle plus tard ou presque, une situation similaire se créa, mais cette fois a l'occasion de la visite du Premier Ministre Ben Gourion, et que les mêmes raisons conduisirent le Gardien a prendre une attitude similaire.

Shoghi Effendi était en excellents termes avec le Colonel Symes qui n'était autre que ce Gouverneur de la Phénicie qui parla aux funérailles du Maître et assista a la réunion du quarantième jour dans sa maison. C'est au Colonel Symes que Shoghi Effendi avait écrit, le 5 avril 1922, au moment de sa retraite: "Comme je suis contraint de quitter Haïfa, pour raison de santé j'ai nommé comme représentant pendant mon absence la soeur d'Abdu'l-Baha, Bahfyyih Khanum" et il poursuit: "Pour l'aider dans la conduite des affaires du Mouvement baha'i dans ce pays et ailleurs, j'ai également nommé un comité composé des baha'is suivant (huit hommes de la communauté locale dont trois gendres d'Abdu'l-Baha) ... Le président de ce comité, qui sera bientôt élu par ses membres, avec la signature de Bahfyyih Khanum a mon autorité pour conclure quelque affaire qu'il serait nécessaire de considérer et de décider pendant mon absence.

Je regrette infiniment de ne pouvoir vous voir avant mon départ, pour exprimer de manière plus adéquate la satisfaction que je ressens de savoir que votre sens de justice sauvegardera les intérêts de la cause de Baha'u'llah chaque fois qu'il sera fait appel a vous".

Les relations cordiales entre Symes et Shoghi Effendi et l'estime qu'il avait, de toute évidence, pour le caractère du Gouverneur sont reflétés dans la lettre qu'il lui écrivit a son retour: "C'est un devoir agréable pour moi de vous informer de mon retour en Terre Sainte après une période de repos, de méditation et de préparation a mes fonctions officielles". Et il poursuit: "je me suis senti, après le décès de mon grand-père bien-aimé, trop exténué, écrasé et triste pour pouvoir conduire efficacement les affaires du Mouvement baha'i. Maintenant que je me sens, une nouvelle fois, restauré, reposé et en position de réassumer mes pénibles obligations, je désire vous exprimer a cette occasion ma reconnaissance sincère et mon appréciation pour la considération sympathique que vous avez montrée envers le Mouvement pendant mon absence".

La lettre exprime, dans le paragraphe suivant, une chaleur inhabituelle de sentiment: "C'est un grand plaisir et un privilège pour moi de renouveler mes relations avec vous et Mme Symes, relations qui, je l'espère, grandiront avec le temps vers une amitié chaleureuse et durable". Shoghi Effendi termine cette lettre par "ses sincères amitiés et meilleurs voeux et signe simplement "Shoghi".

L'échange de correspondance avec le Colonel Symes (qui fut fait, plus tard, Chevalier et devint le Gouverneur Général de Soudan, avant et pendant la seconde guerre mondiale) se poursuivit durant des années, même après sa retraite.

En 1927, Shoghi Effendi lui écrivait: "je prends la liberté de joindre, pour votre information, un exemplaire de ma dernière communication aux baha'is des pays occidentaux et concernant la situation en Egypte... Nous sommes très réconfortés par la pensée qu'a un moment où nous devons faire face a des problèmes délicats et embarrassants, la Palestine est sous une administration animée par des motifs les plus élevés de rectitude et de justice, et de laquelle, nous, les baha'is, nous avons toutes les raisons d'être satisfaits et reconnaissants. Je suis heureux que le Baha'i Year Book vous ait intéressé...

(Photo)

"Et il termine en envoyant ses sincères amitiés a lui et a Mme Symes. Le 27 décembre 1935, nous trouvons Symes (maintenant Sir Stewart) écrivant a Shoghi Effendi du 'Palace' a Khartoum": "Merci infiniment pour votre aimable voeu de Noël et pour le livre..." Du Soudan également, un an plus tard, le 9 avril 1936: "je vous remercie de m'avoir si aimablement envoyé le volume V du Baha'i World. Je souhaite que quelque peu de l'esprit baha'i vienne transformer les affaires nationales et internationales! J'espère que tout va bien pour vous et pour votre oeuvre..."

La dernière lettre de Symes a Shoghi Effendi que nous trouvons dans les archives du Gardien, est écrite en juillet 1945; elle témoigne de la permanence des rapports toujours chaleureux et courtois du Gardien envers ceux qui répondaient a ses ouvertures. Il apprit que le fils de Symes avait été tué pendant la guerre. "Ma femme et moi" lui écrit Symes, "avons été émus par votre câble. C'était vraiment aimable a vous de vous souvenir de nous dans notre chagrin..." et il termine sa longue lettre au Gardien: "Si vous deviez visiter l'Angleterre, j'espère que vous nous en aviserez, car ce sera un grand plaisir pour nous de vous rencontrer une nouvelle fois, avec nos meilleurs souvenirs et amitiés..."

Une autre personnalité officielle qui était, de par sa position, directement impliquée dans les affaires de la Communauté baha'ie a son Centre mondial, c'était le Commissaire de District. Pendant ces années où Shoghi Effendi recherchait a obtenir la reconnaissance de la foi par des privilèges tangibles, Edward Keith-Roach, O.B.E., occupait ce poste. C'était un homme d'une envergure bien différente de celle de Symes, mais il était amical et serviable et paraissait avoir de l'affection pour Shoghi Effendi. La correspondance entre Shoghi Effendi et Keith-Roach va de 1925 a 1939. Keith-Roach, sans doute parce qu'il savait que les autorités supérieures l'approuvaient, était très coopératif non seulement en facilitant et expédiant les affaires de Shoghi Effendi, mais aussi en émettant des suggestions que le Gardien adoptait parfois. La première copie que nous trouvons d'une lettre de Shoghi Effendi a ce commissaire est si simple et si typique de la chaleur avec laquelle Shoghi Effendi répondait a ceux qui lui faisait une ouverture dans un bon esprit, que je ne puis m'empêcher de la citer. Elle est datée du 25/12/25 et dit: "Mon cher M. Keith-Roach: je suis touché par votre agréable message de bons voeux et d'amitié et je me hâte a répondre pleinement par des sentiments réciproques a votre lettre.

Avec mes meilleurs voeux de joyeux Noël, je suis sincèrement vôtre. Shoghi Rabbani."

Il apparaît des nombreuses lettres échangées entre Shoghi Effendi et Keith-Roach, qu'ils se rencontraient souvent. En 1935, quand Keith-Roach était hospitalisé a Jérusalem, Shoghi Effendi lui écrivit: "Merci beaucoup pour vos lettres... Je suis heureux d'apprendre que votre santé va s'améliorant et j'espère que vous pourrez, a votre retour, venir prendre le thé avec moi dans les nouveaux jardins entourant le Tombeau." On trouve souvent dans sa correspondance avec Symes et Keith-Roach, des invitations pour un thé dans les jardins du Mont Carmel; pour Symes, ces invitations concernaient parfois Mme Symes également. Ce n'était pas seulement une façon de Shoghi Effendi d'offrir l'hospitalité a ces personnages officiels, mais aussi une manière de leur montrer, en les amenant au milieu des propriétés baha'ies, les derniers développements et les plus récents agrandissements de ces jardins. Il profitait, je n'en doute pas, de leur présence pour leur indiquer les projets futurs et pour rechercher leur aide et sympathie. En fait beaucoup de ces rendez-vous ne furent pris que dans cette intention.

Shoghi Effendi avait l'habitude, depuis le commencement de son Gardiennat et jusqu'aux années quarante, de voir lui-même les personnalités officielles, les ingénieurs, les avocats et d'autres personnages non baha'is. Il les rencontraient, non pas a leurs bureaux, mais a leurs résidences, et le plus souvent, il les recevait a sa maison ou dans les propriétés du Tombeau. Les événements de 1932 illustrent ce que cette coopération amicale permettait. Le 19 novembre 1932, le monument en marbre de la tombe de la Plus Sainte Feuille arrivait au port de Haïfa. Le 20, Shoghi Effendi écrivait a Keith-Roach: "Puis-je demander votre aide en ce qui concerne le monument en marbre qui doit être érigé sur la tombe de la soeur d'Abdu'l-Baha et qui a été débarqué intact hier après midi. Un officier subalterne des services des Douanes veut bien l'exonérer des droits de douane si l'autorisation nécessaire lui est accordée par les autorités supérieures, En conséquence, j'en appelle a vous et je suis confiant que vous ferez tout ce que vous pouvez pour faciliter l'entrée en Palestine d'une oeuvre d'art qui, a certains égards, peut être considérée comme unique dans ce pays. Avec ma profonde gratitude et appréciation. Très sincèrement vôtre".

Le 22 novembre, Shoghi Effendi lui écrivait une nouvelle fois: "Puis-je vous offrir mes sincères remerciements pour votre réponse aimable et rapide a ma requête. Le monument a été délivré intact et j'ai donné les instructions nécessaires pour son érection immédiate. Vous remerciant encore une fois et avec mes sincères amitiés et meilleurs voeux... ". L'entrée de ce monument, sans payer les droits de douane, créa un précédent qui, au cours des décennies a venir, permit au Centre mondial de la foi d'obtenir des exonérations de plus en plus étendues se terminant par les concessions accordées par l'Etat d'Israël, concessions qui n'auraient pu être obtenues sous le Mandat.

Quatre jours plus tard, Shoghi Effendi rappelle au Commissaire de District une demande d'une importance bien plus grande que celle qu'il lui avait adressée. Toute la lettre, qui fut expédiée immédiatement après les deux autres citées plus haut, illustre une magistrale diplomatie (on est tenté de dire la diplomatie de Dieu et de Shoghi Effendi, car le premier fournit la séquence des événements et le second saisit l'occasion qu'ils offraient):

"Haïfa 26 nov. 1932.
Cher Mr. Keith-Roach,

Je suis sûr qu'il vous intéressera de savoir que j'entreprends les premières démarches nécessaires en vue de l'extension des terrasses faisant partie intégrale du Mausolée et menant a la Colonie allemande.

J'ai contacté l'ingénieur municipal et je l'ai trouvé très sympathique et favorable. En conséquence, j'ai l'intention de soumettre a la Commission d'urbanisation de la ville une déclaration officielle sur les conditions dans lesquelles nous sommes prêts a ouvrir et a étendre les terrasses a nos propres frais et suivant le plan général déjà adopté.

J'espère sincèrement qu'avant la fin de l'année 1933, le voeu que vous avez exprimé et a la réalisation duquel je travaillerai de tout coeur, sera complètement réalisé.

Je suis sûr que la demande que je vous ai récemment adressée concernant le caractère sacré du Manoir a Bahji qui fait partie intégrale du Mausolée de Baha'u'llah, recevra votre considération sympathique et que le certificat nécessaire a l'exonération des droits de douanes pour tout article destiné a ce bâtiment, sera accordé."


De toute évidence, Shoghi Effendi non seulement tenait le Commissaire du District complètement informé, mais il lui demandait d'une façon courtoise, amicale et magistrale, d'assurer a la foi les privilèges qu'il estimait de droit.

Keith-Roach, s'étant sans doute assuré que l'Administration de Jérusalem regardait avec sympathie l'oeuvre de Shoghi Effendi, l'aidait activement par ses suggestions et sa coopération. Ainsi trouvons-nous Shoghi Effendi lui écrire, le 2 février 1934, une lettre qui constitua un des maillons principaux de sa latte pour l'exonération d'impôts des propriétés baha'ies:

"Cher Mr. Keith-Roach,

Sur votre suggestion, je joins la déclaration officielle que j'ai signée en ma qualité de Gardien de la foi baha'ie et qui, je l'espère, facilitera l'exonération d'impôts des domaines entourant le Mausolée international baha'i sur le Mont Carmel.

Je vous serais reconnaissant, si vous délivriez l'autorisation exigée pour l'exonération des droits de douane concernant la porte ornementale dorée qui fait partie de l'entrée du tombeau de la Plus Sainte Feuille.

Je joins la clef de la porte supérieure du Mausolée que, je l'espère, vous utiliserez quand vous passez a travers les jardins.

Vous assurant de ma reconnaissance perpétuelle et de mon appréciation sincère pour votre aide et considération sympathique des intérêts de la communauté baha'ie,
Je suis très sincèrement vôtre."


Trois mois plus tard, le 10 mai, le Gardien lui écrivait:
"je désire vous exprimer ma profonde appréciation pour l'action que vous avez entreprise afin d'exonérer tout le domaine qui est dédié au Mausolée international baha'i sur le Mont Carmel et qui l'entoure."

L'une des grandes victoires dans le développement du Centre mondial avait été remportée.

Dans une autre lettre, datée du 21 juin 1935, Shoghi Effendi attirait l'attention de Keith-Roach sur un cas juridique et ajoutait: "Toute aide que vous penserez pouvoir nous apporter dans ce cas serait, j'en suis sûr, très appréciée par moi-même et par les différentes Assemblées baha'ies dont je représente les intérêts". Tout au long de son ministère, Shoghi Effendi fit très clairement savoir aux officiels qu'il était le Chef de la foi et que derrière lui se tenait une grande foule de baha'is, dans de nombreux pays, prêts a soutenir de toute leur force ses revendications et demandes. Souvent en exprimant ses remerciements il ajoutait les sentiments de reconnaissance et d'appréciation des baha'is.

Tout en n'assistant pas aux réceptions officielles pour des raisons déjà mentionnées, Shoghi Effendi recherchait souvent a rencontrer les officiels en privé. Nous le voyons écrire a KeithRoach: "... Je serais heureux de prendre le thé avec vous, demain après midi chez moi et nous pourrions discuter de... Je peux également aller a l'Hospice, si cela vous convient mieux et a tout moment que cela vous conviendra."

Le 27 décembre 1936 KeithRoach écrivait ses remerciements "... pour vos voeux de Noël très appréciés et qui étaient a la fois beaux et parfumés." Non seulement il remerciait Shoghi Effendi pour un bouquet de fleurs mais aussi très souvent, pour les livres baha'is qu'il lui envoyait. Après le mariage du Gardien, en mars 1937, Keith-Roach lui écrivait: "Puis-je féliciter votre épouse et vous-même, avec une réelle sincérité et vous souhaiter a tous deux une vie riche au service de la grande tâche que Dieu vous a chargé d'accomplir. Quand pourrai-je venir vous voir? Avec ma profonde amitié..."
A cette lettre personnelle et chaleureuse Shoghi Effendi répondit le jour même, le 23 avril: "Je suis profondément touché par les sentiments que vous m'avez exprimés a l'occasion de mon mariage. J'apprécie grandement votre message de bons voeux et je me rappellerai toujours avec un sentiment de gratitude de l'aide que vous m'avez apportée dans ma tâche ardue. Je serai très heureux de vous souhaiter la bienvenue chez moi le jour qui vous conviendra. Vous remerciant chaleureusement de votre message..." Peu après Keith-Roach fut fait Commissaire de District a Jérusalem. Mais le lien amical subsista et quelques années plus tard nous le félicitons pour son mariage dont il nous avait prévenu dans une lettre. J'ai parlé de cette correspondance avec Keith-Roach en détail parce que nous n'avons aucun récit sur l'attitude de Shoghi Effendi envers les non baha'is avec qui il entretenait des relations amicales; et parce qu'elle révèle un aspect des mille facettes de la personnalité du Gardien.

Dès son retour en Terre Sainte, après l'ascension du Maître, Shoghi Effendi adopta la politique de tenir informées les autorités locales, en particulier celles du Siège du Gouvernement a Jérusalem, au sujet de ses projets et des différents problèmes et crises qui surgissaient au sein de la cause comme la saisie des clés du mausolée de Baha'u'llah, la saisie de sa demeure a Baghdad, les persécutions et les injustices que subissait la foi. Ce contact avec le gouvernement, commençant par sa première lettre du 16 janvier 1922 a Sir Herbert Samuel, l'ami d'Abdu'l-Baha et Haut Commissaire de la Palestine, il le maintint jusqu'à la fin de sa vie, d'abord avec les Anglais ensuite avec les représentants juifs. Au printemps de 1922, quand Shoghi Effendi quitta la Palestine, affligé et malade, il informa Sir Herbert des mesures qu'il avait prises pour protéger la cause durant son absence.

Il revenait a Haïfa, le 15 décembre de la même année et le 19, il télégraphiait a Sir Herbert: "Prie accepter mes meilleurs voeux a mon retour en Terre Sainte et reprise de mes obligations officielles".

En mai 1923, nous voyions Shoghi Effendi informer le Haut Commissaire et le Gouverneur de Haïfa de certains événements: dans une lettre au Gouverneur, il écrit que l'Assemblée Spirituelle baha'ie de Haïfa "avait été officiellement reconstituée et, en collaboration avec moi, elle dirigera les affaires locales dans cette région. J'ai déjà informé S.E. le Haut Commissaire a ce sujet..." La lettre a laquelle il fait allusion, datée du 21 avril, affirmait qu'il lui envoyait une copie d'une lettre circulaire adressée aux communautés baha'ies de l'Est, "Comme vous avez exprimé, dans votre dernière lettre, le désir de connaître les mesures qui avaient été prises pour fournir une organisation stable au mouvement baha'i... Je ne serai que trop heureux d'éclairer davantage Votre Excellence sur tout autre sujet portant sur les intérêts du mouvement en général."

Il est impossible d'étudier en détail trente-six ans de relation avec les autorités. Il réussit a gagner et a maintenir leur bonne volonté et leur coopération dans ses nombreuses entreprises au Centre Mondial, a obtenir la reconnaissance de ce Centre comme le coeur historique de la foi baha'ie devant jouir des mêmes droits que les Lieux Saints des autres religions, et en fait, a certains égards, plus que les autres; et cela malgré l'agitation continuelle et malveillante des nombreux ennemis de la foi qui, soit ouvertement soit en cachette, s'opposaient constamment a tout ce que le Gardien entreprenait. Cette réussite est un hommage a la sagesse et a la patience extraordinaires qui caractérisaient la direction de la cause de Dieu par Shoghi Effendi.

Quand le mandat de Sir Herbert Samuel toucha a sa fin, le Gardien lui envoya, le 15 juin, un des messages qui forgent efficacement les liens de bonne volonté avec le gouvernement, exprimant les sentiments de reconnaissance durable de lui-même et des baha'is pour "l'attitude noble et amicale que Votre Excellence a prise envers les nombreux problèmes qui ont surgi depuis la disparition d'Abdu'l-Baha... Les baha'is... se souvenant des actes de sympathie et de bonne volonté que l'Administration de la Palestine sous votre direction a montré dans le passé, s'efforceront avec confiance a contribuer leur pleine part a la postérité matérielle et a l'avancement spirituel d'une terre si sacrée et si précieuse pour eux tous."

Sir Herbert répondit a cette lettre en ces termes: "... J'ai été heureux, durant mes cinq années de service, de maintenir des relations très amicales avec la communauté baha'ie en Palestine et j'ai beaucoup apprécié la bonne volonté qu'ils ont toujours montrée envers l'Administration et envers moi-même."

Lorsqu'en 1929, il y eut un début de troubles en Palestine, le Gardien écrivit au Haut Commissaire de l'époque, Sir John Chanallor, le 10 septembre, une lettre très significative:

"Votre Excellence,

J'ai appris avec un profond regret les événements lamentables de la Palestine, et je me hâte, étant a l'étranger, d'offrir a Votre Excellence ma sympathie sincère dans la difficile tâche que vous affrontez.

La communauté baha'ie de la Palestine qui, de par sa foi est profondément attachée a ce sol, déplore vraiment ces violents déchaînements du fanatisme religieux, et ose espérer que, grâce a l'approfondissement et a l'extension des idéaux baha'is, elle pourra, dans les jours a venir, apporter une aide croissante a votre Administration dans la promotion de l'esprit de bonne volonté et de tolérance parmi les communautés religieuses en Terre Sainte.

J'aimerais offrir a votre excellence, de la part des baha'is, la somme ci-jointe, comme une contribution au soulagement des souffrances et des nécessiteux, sans égards a leur race ou croyance..."


C'était pendant la même année de 1929 que Shoghi Effendi grâce a une pétition officielle du 4 mai, des baha'is de Haïfa, obtint l'autorisation d'administrer selon les lois baha'ies les affaires de la Communauté dans les domaines du statut individuel tel que le mariage, la mettant ainsi sur un pied d'égalité a cet égard, avec les autres communautés religieuses, juive, musulmane et chrétienne, de la Terre Sainte. Shoghi Effendi salua ceci comme "un acte d'une importance prodigieuse et tout a fait sans précédent dans l'histoire de la foi dans tous les pays." Le propre mariage du Gardien, exclusivement baha'i, fut enregistré et devint légal en application de cette reconnaissance qu'il avait gagnée pour la foi.

Un des hommes qui occupa l'important poste de Haut Commissaire en Palestine, durant ces années où la cause commençait a gagner de façon si tangible la reconnaissance de son statut indépendant, fut Sir Arthur Wauchope. C'était un homme qui, a l'instar du Colonel Symes, avait une amitié personnelle pour Shoghi Effendi et qui avait compris, on le suppose, combien était lourd le fardeau de cet homme jeune qui était le chef de la foi baha'ie.

Sa période d'administration qui coïncide partiellement avec l'époque où Keith-Roach était le Commissaire de District a Haïfa fut marquée par la plupart des grandes concessions obtenues des autorités, dont la plus importante, après le droit des baha'is a obéir a leurs propres lois en matière de statut individuel, fut l'exonération d'impôt de tous les terrains entourant le mausolée du Bab sur le Mont Carmel. Contrairement a la plupart des Hauts Commissaires, il semble que Sir Arthur ait rencontré personnellement Shoghi Effendi, car il y fait allusion dans quelques unes de ses lettres.

Dans une lettre du 26 juin 1933, Sir Arthur affirme:
"j'ai reçu votre lettre du 21 juin et je me hâte de vous écrire pour vous en remercier et pour vous assurer que lorsque le cas que vous mentionnez me sera adressé pour décision, sous la rubrique (des Lieux Saints) de la Palestine, il recevra ma plus attentive considération. J'ai également reçu le Baha'i World de 19301932. Je vous suis très reconnaissant pour ce livre extrêmement intéressant. J'espère avoir le plaisir de vous rencontrer lors d'une autre visite aux magnifiques jardins sur le flanc de la colline a Haïfa."

Le 13 mars 1934, Shoghi Effendi lui écrivait: "... Comme le cas récemment référé a Votre Excellence concernant les Mausolées baha'is sur le Mont Carmel a une importance vitale internationale, j'ai demandé a Mr.- de venir en Palestine et de conférer avec moi sur ce sujet. J'apprécierai fort si Votre Excellence lui accordait une entrevue afin de clarifier un ou deux points que je ne comprends pas très bien et desquels dépendent mon action future sur ce sujet." Le let mai de la même année, Shoghi Effendi lui écrivait encore: "J'ai profondément apprécié l'aimable message de sympathie et de soutien que vous m'avez envoyé par l'intermédiaire de Mr.-, concernant le projet de la Communauté baha'ie d'embellir les pentes du Mont Carmel. Il m'encouragera grandement dans mon action. Malheureusement> il y a des influences fortes et intéressées qui cherchent a obstruer ce projet. Ce sont principalement de vrais spéculateurs qui, dans leur étroitesse de vue, font leur possible pour développer la partie nord des pentes du Mont Carmel pour leur bénéfice immédiat. Plus difficiles et dangereux pour nos projets, toutefois, ce sont ceux qui cherchent toujours a faire échouer les efforts des disciples de Baha'u'llah dans tous ce qu'ils entreprennent.

Nous croyons que ces gens sont derrière la plainte portée contre nous par les Domets (Dumit), par exemple. C'est pour cette raison que nous avons pensé justifié de nous efforcer a retirer ce cas de la juridiction des tribunaux et de la soumettre a la considération personnelle de Votre Excellence... Avec mes sincères amitiés et l'expression renouvelée de ma chaleureuse appréciation pour la sympathie et le soutien de Votre Excellence..." L'affaire en question qui impliqua quatre années de litige fut finalement abandonnée et en 1935 un contrat pour l'achat du terrain de Dumit fut signé et Shoghi Effendi câbla a l'Assemblée Nationale de l'Amérique qu'il envisageait de l'enregistrer au nom de leur Branche Palestinienne. Il est intéressant de noter que pour les baha'is, il écrit le nom (Dumit) translitéré mais non pour le Haut Commissaire.

Shoghi Effendi s'était efforcé depuis quelque temps a obtenir l'exonération des impôts pour les propriétés baha'ies entourant le Mausolée du Bab. Il apprit finalement que cette exonération était accordée. Entre les lignes officielles de cette lettre a Sir Arthur, écrite le 11 mai 1934, on peut sentir sa jubilation intérieure pour cette victoire:

"Votre Excellence,

L'agréable nouvelle vient juste de me parvenir par le Commissaire de District de Haïfa que l'exonération d'impôts pour les propriétés baha'ies sur le Mont Carmel a été accordée par le Gouvernement.

Je me hâte d'exprimer a Votre Excellence, au nom de la Communauté mondiale baha'ie et en mon nom propre, notre profonde appréciation pour l'intérêt sympathique et effectif que Votre Excellence a pris en cette matière et qui, je le sais, a dû contribuer dans une large mesure a l'obtention de ce résultat. Et je m'aventure a espérer la continuation de l'aide et de la sympathie de Votre Excellence pour notre projet d'embellir graduellement cette propriété pour l'usage et la joie du peuple de Haïfa, auquel, cette décision du Gouvernement ouvre la voie."


Cinq jours plus tard, Sir Arthur répond en personne a cette lettre:

"Cher Shoghi Effendi,

Merci pour votre lettre du Il mai et les aimables paroles qu'elle contenait. J'ai toujours eu une grande sympathie pour votre projet d'embellissement des pentes du Mont Carmel et j'espère que cette exonération vous aidera a poursuivre votre belle oeuvre.

Très sincèrement vôtre, Arthur Wauchope."


Dans une lettre, le Haut Commissaire écrivait:
'"Je vous suis très reconnaissant pour votre présent de 'Dawn-Breakers'. Je lirai le livre avec beaucoup d'intérêt, car vous savez comment cette magnifique histoire m'a remué lorsque je l'entendis pour la première fois en Iran. Le livre est magnifiquement fait et les illustrations et les reproductions ajoutent a son attrait. Encore une fois, merci infiniment pour vos aimables pensées et pour votre agréable cadeau...".

Il y a des lettres similaires remerciant le Gardien pour les Extraits et pour le Baha'i World. La dernière lettre de cet homme qui aida, par son haut poste, Shoghi Effendi a remporter les principales victoires du Centre Mondial, est datée de février 1938 et illustre ses qualités de courtoisie et d'amabilité: ".. J'avais l'intention de vous rendre visite a Haifa où j'espérais voir les progrès de votre jardin et vous dire adieu en personne. Malheureusement mon emploi du temps très chargé rendait cela impossible. Je saisis donc cette occasion pour prendre congé et exprimer mes meilleurs voeux a la communauté baha'ie". A la fin de cette lettre, il ajoute de sa propre main: "j'ai entendu dire que vos jardins embellissaient chaque année davantage".

A l'époque où le Mandat tirait a sa fin et les gens troublés de la Palestine se préparaient a le combattre, les Nations Unies désignèrent une Commission Spéciale pour la Palestine présidée par Justice Sandstrom. Le 9 juillet, il écrivit de Jérusalem a Shoghi Effendi que cette commission était chargée d'étudier minutieusement les intérêts religieux de l'islam, du judaïsme et de la chrétienté en Palestine et ajoutait: "j'apprécierais si vous m'avisiez si vous désirez soumettre la preuve, dans une déclaration écrite, des intérêts religieux de votre Communauté en Palestine".

Vue l'importance historique de la réponse de Shoghi Effendi, je la cite entièrement:

"M. Justice Sandstrom
Président
Commission Spéciale des Nations Unies pour la Palestine

Monsieur,

Votre aimable lettre du 9 juillet m'est parvenue et je désire vous remercier pour l'occasion que vous m'offrez de vous présenter ainsi qu'a vos estimés collègues une déclaration sur le rapport qui existe entre la foi baha'ie et la Palestine et sur notre attitude envers les changements futurs du statut de cette terre sacrée et très disputée.

Je joins a cette lettre, pour votre information, une esquisse brève de l'histoire, des objectifs et de l'importance de la foi baha'ie, ainsi qu'une petite brochure énonçant des vues sur l'état présent du monde et sur la ligne de conduite, nous l'espérons et le croyons, qu'il doit suivre et qu'il suivra.

La position des baha'is dans ce pays est, dans une certaine mesure, unique: tandis que Jérusalem est le centre spirituel de la chrétienté, elle n'est le centre administratif ni de l'Eglise Romaine ni d'aucune autre dénomination chrétienne. De même, bien que regardée par les Musulmans comme un lieu où l'un de leurs mausolées les plus sacrés est situé, néanmoins les Lieux Saints de la foi muhammadane et le centre de ses pèlerinages se trouvent en Arabie et non en Palestine. Seuls les Juifs offrent, a certains égards, une similitude a l'attachement que les baha'is ont pour ce pays, dans la mesure où Jérusalem contient les restes de leur Temple sacré et fut le siège des institutions religieuses et politiques associées a leur histoire ancienne. Mais même leur cas diffère en un point de celui des baha'is: car c'est dans la terre de la Palestine que les Trois Figures centrales de notre religion sont inhumées, et ce n'est pas seulement le centre des pèlerinages baha'is du monde, mais aussi le siège permanent de notre Ordre administratif dont j'ai l'honneur d'être le Chef.

La foi baha'ie est totalement apolitique. Nous ne prenons pas parti dans la tragique dispute qui a lieu au sujet de l'avenir de la Terre Sainte et de ses peuples. Nous n'avons aucune déclaration a faire ni aucun conseil a donner sur le régime politique que ce pays devrait avoir. Notre but est l'établissement de la paix universelle et notre désir est de voir la justice prévaloir dans tous les domaines de la société humaine, y compris dans le domaine politique. Comme de nombreux adhérents de notre foi sont d'extraction juive ou musulmane, nous n'avons aucun préjugé envers ces groupes et nous sommes très désireux de les réconcilier dans leur intérêt mutuel et pour le bien de ce pays.

Cependant, ce qui nous intéresse dans les nombreuses décisions affectant l'avenir de la Palestine, c'est que soit reconnu, par quiconque exercera la souveraineté sur Haïfa et Acre, qu'a l'intérieur de cette région existe le centre administratif et spirituel d'une foi mondiale et l'indépendance de cette foi. Nous désirons que le droit de diriger les affaires internationales de la foi a partir de ce lieu, que le droit des baha'is de chaque pays et de tous les pays du globe de le visiter en tant que pèlerins (jouissant des mêmes privilèges en cela que les musulmans, les juifs et les chrétiens qui visitent Jérusalem) soient reconnus et sauvegardés de manière permanente.

Le sépulcre du Bab sur le Mont Carmel, la tombe d'Abdu'l-Baha au même endroit, l'hôtel des Pèlerins pour les baha'is orientaux dans leur v9isinage, les grands jardins et les terrasses qui entourent ces places (qui sont tous ouverts aux visites du public de toute dénomination), l'Hôtel des pèlerins pour les baha'is occidentaux au pied du Mont Carmel, la résidence du Chef de la Communauté, plusieurs maisons et jardins a Acre et ses alentours associés a l'incarcération de Baha'u'llah dans cette ville, sa tombe sacrée a Bahji avec son Manoir qui est maintenant conservé comme un site historique et un musée (tous deux également ouverts a un publie de toute dénomination), ainsi que les propriétés de la plaine d'Acre, ce sont la l'essentiel des biens baha'is en Terre Sainte.

Il faut également noter que toutes ces propriétés ont été exonérées d'impôts gouvernementaux et municipaux de par leur nature religieuse. Certaines de ces possessions appartiennent a la Branche Palestinienne de l'Assemblée Spirituelle Nationale des Etats-Unis et du Canada, incorporée comme une association religieuse selon les lois du pays. Dans l'avenir, d'autres Assemblées Nationales baha'ies, par l'intermédiaire de leurs Branches Palestiniennes, posséderont une partie des Dotations internationales de la foi en Terre Sainte.

En raison des informations ci-dessus, j'aimerais vous demander ainsi qu'aux autres membres de votre commission, de prendre en considération la sauvegarde des droits baha'is dans n'importe quelle recommandation que vous pourriez faire aux Nations-Unies concernant l'avenir de la Palestine.

Puis-je saisir cette occasion pour vous assurer de ma profonde appréciation pour l'esprit dans lequel vous et vos collègues, vous avez conduit vos investigations, dans des conditions troublées de cette Terre sacrée. J'espère et prie que vos délibérations donneront une solution équitable et rapide aux problèmes très épineux qui ont surgis en Palestine.

Fidèlement vôtre Shoghi Rabbani."


Il faut se rappeler que le seul notable oriental d'une certaine importance qui ne fuit pas la Palestine avant la Guerre de l'Indépendance, fut Shoghi Effendi. Ce fait n'échappa pas aux autorités du nouvel Etat. Par des actes comme celui-ci, le Gardien avait réussi a impressionner les non baha'is qui n'avaient aucune raison de ne pas lui faire confiance ne serait-ce qu'a cause de sa solide intégrité et de sa stricte adhésion a ce qu'il croyait être juste qui caractérisèrent sa direction de la foi de Baha'u'llah. Cette attitude et le fait que l'avant-garde ' du mouvement juif pour l'indépendance connaissait les enseignements baha'is, rendirent les autorités du nouvel Etat très coopératives. Alors que les combats continuaient encore, ces nouveaux dirigeants placèrent une pancarte sur le Mausolée de Baha'u'llah, plus isolé que les autres Mausolées a Haïfa, portant la mention de Lieu Saint afin qu'il soit traité avec respect par les juifs.

Cependant, l'attitude du Gardien restait la même en ce qui concernait sa participation aux réceptions officielles. En janvier 1949, M. Ben Gourion, le Premier Ministre du Gouvernement Provisoire vint a Haïfa en visite officielle.

Le Maire de Haïfa invita naturellement Shoghi Effendi a la réception donnée en l'honneur du Premier Ministre. Cela posa un dilemme a Shoghi Effendi, s'il ne se rendait pas a cette invitation, son absence serait interprétée, avec quelque raison, comme un acte d'hostilité, s'il s'y rendait il serait inévitablement noyé dans la masse et tout protocole serait balayé. (ce fut en fait le cas, d'après ce que rapporta mon père qui fut le représentant de Shoghi Effendi a cette réception). Le Gardien décida finalement qu'il ne s'y rendrait pas, mais désirant être courtois envers le Premier Ministre du nouvel Etat, il acceptait de le rencontrer en privé. Grâce aux bons offices du Maire de Haïfa, Shabatay Levy, et en dépit de nombreuses difficultés - nous étions a la veille des premières élections générales du nouvel Etat et Ben Gourion restait très peu de temps a Haïfa- cette rencontre eut lieu.

L'entrevue eut lieu le vendredi 21 janvier, dans la soirée, dans une maison privée sur le Mont Carmel où Ben Gourion séjournait. Elle dura environ quinze minutes. Ben Gourion s'enquit au sujet de la foi, des relations de Shoghi Effendi et de la foi et demanda s'il y avait un livre d'histoire qu'il pourrait lire. Shoghi Effendi répondit a ses questions et promit de lui envoyer son propre livre "Dieu Passe près de nous", ce qu'il fit quelques jours plus tard. Ben Gourion accusa réception du livre et remercia le Gardien.

Le 20 décembre 1948, parut dans le plus important journal de langue anglaise d'Israël un long article sur la foi. L'auteur exposait dans des termes les plus favorables les enseignements baha'is et expliquait le rang de Shoghi Effendi comme le Chef mondial de la cause. Comme toujours dans l'histoire de la cause et illustrant les problèmes qui l'ont toujours assailli, le lendemain, paraissait dans le même journal, dans la rubrique du courrier des lecteurs, un petit entrefilet extraordinaire signé "observateur baha'i aux N.U.". L'auteur réfutait simplement l'article précédent, affirmait que "M. Rabbani n'est pas le Gardien de la foi baha'ie, ni son leader mondial". Comme il n'y avait aucun "observateur baha'i aux N.U." cette action était simplement inspirée par les briseurs du Covenant qui espéraient et cherchaient a ternir la réputation de Shoghi Effendi, au commencement du nouveau régime et voulaient détourner l'attention du public du rang et de la position du Gardien en faisant allusion a Ahmad Sohrab et a son groupe en Amérique.

En 1952, les briseurs du Covenant portèrent plainte devant les tribunaux contre Shoghi Effendi a cause de la démolition d'une vieille bâtisse près du Manoir. Sohrab chercha ' une fois encore, a discréditer les revendications des baha'is et fit pression auprès du Ministre israélien des Affaires Religieuses en ce sens. C'est a des attaques comme celle-ci que Shoghi Effendi devait répondre, alors qu'il était au seuil d'une nouvelle phase de développement du Centre mondial.

De nombreuses communications reflètent la cordialité des autorités envers le Gardien et la foi baha'ie. Ce n'était pas seulement une question de mots, mais aussi des preuves tangibles de la reconnaissance par l'Etat du statut de la foi et de son centre international.

Shoghi Effendi désirait depuis longtemps prendre possession du Manoir de Mazra'ih où Baha'u'llah avait vécu après avoir quitté définitivement les murs de la cité prison d'Akka. Cette propriété était une dotation religieuse musulmane qui était maintenant abandonnée. Le gouvernement envisageait de la transformer en une maison de repos pour les fonctionnaires. Tous les efforts auprès des autorités concernées pour acheter cette propriété furent inutiles. Finalement, Shoghi Effendi en appela directement a Ben Gourion, exprimant son importance pour les baha'is et son désir de le voir visiter par les pèlerins comme un lieu étroitement lié a Baha'u'llah. Le Premier Ministre intervint en faveur des baha'is et le Manoir fut cédé aux baha'is en tant que site historique. Le 16 décembre 1950, Shoghi Effendi informa avec fierté le monde baha'i qu'après plus de cinquante ans, nous avions enfin les clés de cette possession, clés remises par les autorités israéliennes.

Les affaires de la communauté baha'ie a son Centre mondial étaient placées sous la juridiction du Ministère des Affaires Religieuses et étaient traitées par le chef du département des affaires islamiques. Shoghi Effendi protesta contre ce fait qui impliquait une certaine identification de la foi a l'Islam. Le 13 décembre 1953, après négociations, le Ministre des Affaires Religieuses s'adressait a "Son Eminence, Shoghi Effendi Rabbani, Chef Mondial de la foi baha'ie" disant:

"... J'ai le plaisir de vous informer de ma décision d'établir dans mon ministère un Département séparé pour la foi baha'ie. J'espère que ce département pourra vous aider dans les matières concernant le centre baha'i dans notre Etat.

"Au nom du Ministre des Affaires Religieuses de l'Etat d'Israël, j'aimerais assurer Votre Eminence qu'une protection totale sera accordée aux Lieux Saints ainsi qu'au Centre mondial de la foi baha'ie".


Cette victoire était des plus appréciée parce qu'elle venait après la plainte judiciaire sus-mentionnée déposée par les briseurs du Covenant contre Shoghi Effendi concernant la démolition d'une maison contiguë au mausolée et au Manoir a Bahji. Jamais fatigués a chercher a humilier et a discréditer publiquement le Chef mondial de la foi, que ce soit Abdu'l-Baha ou le Gardien, ils avaient eu la témérité de citer comme témoin Shoghi Effendi devant le Tribunal. Soucieux pour l'honneur de la cause, Shoghi Effendi en appela, encore une fois, directement au Premier Ministre. Il envoya comme représentants: le président, le secrétaire général et le membre a l'extérieur (qu'il avait convoqué spécialement a Haïfa) du Conseil International baha'i a Jérusalem. Ils s'y rendirent plusieurs fois et appliquèrent la stratégie conçue par le Gardien lui-même. Ces représentations furent bénéfiques et le Gouvernement, se basant sur le fait que c'était une affaire religieuse, dessaisit le tribunal civil. Les plaignants voyant que leur plan d'humilier le Gardien avait échoué, manifestèrent le désir de négocier. Le Gouvernement et les baha'is étaient naturellement heureux de cette conclusion. Cela apparaît clairement dans les lettres écrites au Gardien par deux membres du Cabinet du Premier Ministre, deux hommes a qui la foi doit beaucoup pour leurs efforts et leur sympathie:

"CABINET DU PREMIER MINISTRE
Jérusalem, le 19 mai 1952.
Son Eminence Shoghi Rabbani
Chef mondial de la foi baha'ie
Haïfa

Votre Eminence,

J'ai reçu des instructions pour vous accuser réception de votre lettre du 16 mai adressée au Premier Ministre.

Comme vous le savez sans doute, le différend entre vous, en tant que le Chef mondial de la foi baha'i et les membres de la famille du fondateur de la foi, a trouvé sa solution; et il n'est plus nécessaire, par conséquent de prendre des mesures administratives a cet effet.

Puis-je vous exprimer notre reconnaissance pour votre attitude sage et bienveillante dans ce différend qui nous permit d'imposer une solution juste et, nous l'espérons, finale, au groupe dissident?

Le Premier Ministre vous assure de son estime personnelle et vous envoie ses meilleurs voeux...

Sincèrement vôtre S. Eynath Conseiller Juridique."


La seconde lettre écrite le lendemain venait de Walter Eytan, Directeur Général au Ministère des Affaires Etrangères:

"... Ayant fait de mon mieux pour être de quelque aide a Votre Eminence dans la solution de ces problèmes vexants, j'ai appris avec une grande satisfaction ce matin qu'un agrément complet avait été trouvé. J'espère sincèrement que cela mettra une fin a une période d'inquiétude pour Votre Eminence et que vous pourrez maintenant poursuivre vos projets sans ingérence d'aucune part."

Il faut noter que ces lettres sont adressées a "Son Eminence". Ce titre, bien en dessous de ce que la position de Shoghi Effendi méritait, avait été introduit dès les premiers jours du Gardiennat, mais n'avait jamais été réellement utilisé par les officiels avant la formation de l'Etat Juif.

La cordialité des rapports entre le Gardien et les personnalités officielles de l'Etat juif, encouragea Shoghi Effendi a s'assurer si le Président acceptait de visiter les Mausolées baha'is a Haïfa. Ayant reçu une réponse positive, il l'invita officiellement et le directeur du Cabinet du Président écrivit au Gardien que le Président ferait sa visite officielle le 26 avril au matin. Le Président et Mme Ben Zvi et leur suite arrivèrent a la Maison du Maître et prirent un léger rafraîchissement. Le Gardien offrit un album a couvertures en miniature persane et relié d'argent, contenant quelques photos des Mausolées. La suite présidentielle et Shoghi Effendi allèrent ensuite aux jardins sur le Mont Carmel. Le Président et les autres personnalités montrèrent le plus grand respect au Mausolée, enlevant leurs chaussures, comme nous le faisons avant d'entrer. C'était un moment émouvant que de voir le Président Ben Zvi et Shoghi Effendi côte a côte, le premier avec son chapeau européen, le second avec son fez noir, devant le seuil sacré. Après quelques mots d'explications du Gardien, nous sortîmes tous, marchant pendant quelques minutes, dans les jardins, avant de prendre congé devant la porte de la Maison des Pèlerins orientaux où la voiture du Président attendait. C'était la première fois dans l'histoire de la cause que le Chef d'une nation indépendante rendait officiellement visite a ces Lieux sacrés.

C'est une autre borne jalonnant la longue route du développement du Centre mondial de la foi. Le 29 avril, le Président écrivit personnellement au Gardien: "J'aimerais vous exprimer mes remerciements pour votre aimable hospitalité et pour les intéressants moments que j'ai passés avec vous a visiter les magnifiques jardins et le remarquable Mausolée... J'apprécie l'amitié de la communauté baha'ie envers Israël et c'est mon espoir sincère que nous puissions tous vivre pour voir le renforcement de l'amitié entre tous les peuples de la terre." Le 5 mai, le Gardien répondit chaleureusement a cette lettre: "... Ce fut pour moi un grand plaisir de rencontrer Votre Excellence et Mme Ben Zvi et de pouvoir montrer nos lieux de pèlerinage baha'i en Israël... Si cela vous convient, Mme Rabbani et moi, accompagnés de M. Ioas, aimerions rendre visite a Votre Excellence et a Mme Ben Zvi a Jérusalem... "Cette visite eut lieu le 26 mai dans l'après-midi.

Nous prîmes le thé avec le Président et Mme Ben Zvi au cours d'une conversation plaisante et amicale. Mme Ben Zvi était, a sa manière, aussi agréable et avait une personnalité aussi marquée que son mari. Dans l'intervalle de ces deux visites, Shoghi Effendi envoya au Président des livres baha'is qu'il lui avait promis et le Président en accusa réception en assurant qu'il les lirait avec intérêt. Le 3 juin, Shoghi Effendi écrivit, une nouvelle fois au Président: "J'aimerais vous remercier ainsi que Mme Ben Zvi pour votre aimable visite et je suis sûr que cette opportunité que nous avons eue de vous voir visiter les Lieux Saints baha'is et de vous rendre visite dans la capitale d'Israël, a servi a renforcer les liens d'affection et d'estime qui unissent les baha'is au peuple et au gouvernement d'Israël. Avec mes sincères amitiés pour vous et Mme Ben Zvi..." Ainsi se termina un chapitre du long processus engagé pour la reconnaissance de la foi a son Centre mondial.

Les questions importantes touchant le Centre mondial étaient habituellement traitées avec les hauts fonctionnaires de Jérusalem, mais les affaires courantes étaient discutées et négociées avec les municipalités d'Akka et surtout de Haïfa. Il est intéressant de noter que le premier contact entre les ingénieurs municipaux de Haïfa et la communauté baha'ie eut lieu au temps du Maître. A cette époque, un certain Dr. Ciffrin avait soumis a Abdu'l-Baha le plan d'une avenue en escalier, bordée de cyprès, allant de la vieille colonie des Templiers au pied du Mont Carmel, jusqu'au Mausolée du Bab.

Le Maître avait approuvé ce schéma, accordé le terrain nécessaire a sa réalisation, et s'était inscrit en tête des souscripteurs pour "l'escalier monumental du Bab" comme on avait appelé ce projet, pour une somme de 100 livres sterling.

Tout en luttant pour l'obtention des concessions des fonctionnaires municipaux et la reconnaissance du statut unique de la foi baha'ie a Haïfa et 'Akka, Shoghi Effendi maintint des relations amicales et de coopération avec le Maire de Haïfa dans les nombreuses activités municipales, ou celles du Commissariat du District, dans leurs oeuvres de charité et de bienfaisance.

La lettre qu'il écrivit le 7 février 1923 au Colonel Symes illustre mieux que tout autre discours, l'attitude et la politique de Shoghi Effendi en cette matière: "je viens d'apprendre que Mme Symes organise un bal de charité pour aider les pauvres de Haïfa. Sachant combien leur cause était constamment soutenue par mon bien-aimé grand-père et m'efforçant sincèrement de suivre ses traces, je joins la somme de 20 £, comme une contribution a ce fonds... J'espère que vous avez eu un séjour agréable en Egypte et espérant vous rencontrer ainsi que Mme Symes un jour prochain...". Deux ans plus tard, dans une autre lettre au Colonel Symes, il exprime les mêmes sentiments et la même sollicitude: "La lecture de votre lettre circulaire du 16 février 1925 au sujet de l'établissement d'un fonds de charité a Haïfa, m'a rappelé le grand intérêt qu'Abdu'l-Baha portait aux institutions charitables. Animé par les mêmes sentiments et désireux de marcher sur les traces de mon grand-père bien-aimé, je m'empresse de joindre la somme de 20 £ pour le soulagement des souffrances des pauvres de Haïfa."

Chaque fois qu'une calamité survenait, Shoghi Effendi répondait avec sollicitude aux besoins. En avril 1926, il écrivait au Commissaire du District Nord: "Très au courant des souffrances intenses causées par les troubles récents et me souvenant des soins affectueux dispensés par Abdu'l-Baha envers les souffrants et les nécessiteux, j'ai le grand plaisir de joindre la somme de 30 £, comme ma contribution au soulagement des pauvres et des sans abris... Je vous serais reconnaissant si de temps a autre vous vouliez bien m'informer, lorsque de tels besoins se font sentir, en quelque endroit ou pour quelque dénomination que ce soir." En 1927, il envoie au Secrétariat du Gouvernement a Jérusalem la somme de 100 £ comme sa contribution au fonds pour le soulagement des victimes d'un séisme.

Tout au long des ans, en envoyant de petites ou grandes sommes, il suivit l'exemple du Maître qui avait été appelé "le père des pauvres". Ces contributions étaient évidemment chaleureusement accueillies: le commissaire du District Nord remerciait, en 1934, Shoghi Effendi pour "sa généreuse contribution pour le soulagement des affligés du Tibéria" et pour son message de sympathie que je transmettrai au Commissaire du Tibéria." En 1950, le président du Conseil Municipal de Haïfa, le maire, remercie Shoghi Effendi pour les 500 £ "la contribution généreuse de Votre Eminence pour le soulagement des pauvres de Haïfa, a l'occasion du 100ème anniversaire du Martyre du Bab. Invariablement, quand il envoyait de telles contributions, le Gardien ajoutait qu'elles devaient "être également distribuées aux nécessiteux de toutes les communautés, sans égard a leur race ou religion".

La politique générale de la foi en matière de charité fut clairement expliquée dans une lettre que Shoghi Effendi écrivit, le 7 mai 1929, au Maire de Haïfa. Il accusa réception de sa circulaire relative a la prévention de la mendicité dans la ville de Haïfa et ajoute: "Heureusement, c'est un problème qui n'affecte pas la Communauté baha'ie, car selon nos lois, la mendicité est strictement prohibée. J'apprécie, toutefois, l'importance et l'opportunité des mesures que vous envisagez et j'ai le plaisir de joindre un chèque de 50 £ a votre ordre, de la part de la communauté baha'ie par anticipation sur quelque plan que la municipalité pourrait envisager afin d'adoucir la pauvreté et d'aider les nécessiteux de Haïfa. Soyez assuré que la communauté observera rigidement toute réglementation qui serait promulguée".

De 1940 a 1952, où la restriction affectait les populations de la Palestine et plus tard d'Israël, le Gardien donna plus de dix mille dollars a la municipalité de Haïfa pour les pauvres de toute dénomination. En plus de ces contributions aux agences municipales et gouvernementales, il répondit également aux nombreux appels a la charité et donnait individuellement a ceux qu'il estimait méritants. Il envoyait même, parfois, des sommes pour des fonds spécifiques comme la mosquée de Haïfa. Le plus souvent il donnait spontanément. Il envoya ainsi la somme de 100 pounds au Gouvernement Lunatic Asylum, a 'Akka, (précédemment les casernes turques) lorsque la pièce occupée par Baha'u'llah revint sous la garde des baha'is. Il offrit également une certaine somme pour la construction de l'Institut de Physique que le Weizman National Mémorial avait entreprise.

Shoghi Effendi montrait sa bonne volonté envers les autorités locales par d'autres gestes également. En général, a n'importe quelle demande, il trouvait qu'il pouvait répondre avec cordialité. L'échange de correspondances avec Aba Khoushy, maire de Haïfa, en 1952, en est un exemple. Un symposium national sur les problèmes des illuminations devait avoir lieu a Haïfa, au collège technique hébreu. Cette manifestation coïncidait avec la fête juive de Hanukka, la fête de la Lumière. A ce sujet, Son Honneur écrivait au Gardien: "je vous serais reconnaissant, si vous pouviez donner des instructions pour que le beau Mausolée de votre foi, sur les pentes du Carmel, soit illuminé joyeusement pendant la semaine du 12 au 19 décembre, inclusivement." Comme toujours quand on l'approchait avec courtoisie, Shoghi Effendi répondit chaleureusement le 7 décembre:

"Votre Honneur,

J'ai reçu votre lettre du 30 novembre a mon retour de Bahji, et je désire vous assurer que la communauté baha'ie sera heureuse de coopérer a l'illumination et a l'embellissement de la ville de Haïfa a l'occasion du symposium qui se 1.,endra au Collège technique hébreu sur les problèmes des illuminations, particulièrement comme ce symposium aura lieu durant Hanukka.

Je donnerai des instructions pour que, pendant cette période, (le Mausolée était toujours baigné de lumière un court moment au coucher du soleil) la durée d'illumination de notre Mausolée soit étendue. Je désire également inviter, par l'intermédiaire de Votre Honneur, les délégués et les visiteurs assistant au symposium a pénétrer dans notre Mausolée, un soir, lors d'une visite de la ville, pour profiter de cette illumination. Les dispositions nécessaires a l'ouverture des portes des jardins et du Mausolée peuvent être prises, si nous sommes informés a l'avance.

Sincèrement vôtre, Shoghi Rabbani
Chef mondial de la foi baha'ie"


Un autre exemple significatif de cet esprit de coopération avec lequel Shoghi Effendi répondait aux causes méritoires portées a son attention est illustré par le fait suivant: en 1943, le Commissaire du District de Haïfa écrivit au Gardien qu'il manquait de place pour héberger l'école des enfants et demandait a louer huit pièces de la Maison d'Abbùd (un grand bâtiment et un lieu de pèlerinage). Shoghi Effendi autorisa l'école a occuper certaines pièces mais répondit qu'il n'acceptait aucun paiement pour cela.


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