La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 14. Lignes directrices

Une compréhension correcte de l'évolution de la cause ne peut être obtenue a moins que certaines vérités fondamentales qu'elle enchâsse ne soient clarifiées. Abdu'l-Baha affirma l'une d'elles, lorsqu'il écrivit: "Depuis le commencement des temps jusqu'au jour présent, la lumière de la révélation divine s'est levée a l'Est et a répandu son rayonnement sur l'Ouest. L'illumination ainsi répandue a toutefois acquis, en Occident, une brillance extraordinaire." C'était l'affirmation d'un principe général, fié au phénomène religieux sur cette planète. Mais dans la dispensation baha'ie' le travail évident et spécifique de ce principe a été mis a nu, sous nos yeux, sur une période de plus de cent vingt-cinq ans. Le Bab, dans son premier et le plus important de ses livres, le Qayyùmu'l-Asma, appela les peuples de l'Ouest a quitter leurs villes et a assurer le triomphe de sa cause.

Baha'u'llah, dans son livre le plus saint, le Kitab-i-Aqdas, s'adressa aux dirigeants du continent américain et les appela a se lever et a répondre a son Appel. A la force vitale libérée par ces premières déclarations des Manifestations jumelles de Dieu, fut ajoutée l'attention concentrée et personnelle du Centre du Covenant. Depuis l'époque où, immédiatement après l'ascension de Baha'u'llah, il fut mention de lui, pour la première fois, a l'Exposition Universelle de Columbia tenue en 1893 a Chicago, l'Amérique du Nord a été baignée par les vagues des épanchements divins émanant de la plume et de la personne d'Abdu'l-Baha, et plus tard par les directives incessantes et les encouragements de Shoghi Effendi. Le Gardien nous dit que le Plan divin d'Abdu'l-Baha prenait son inspiration des paroles de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas et était le résultat du contact direct du Maître avec les croyants canadiens et américains, au cours de son voyage en Amérique du Nord.

La combinaison de l'amour du Père pour le premier né, la première nation d'Occident a répondre a son message avec la vitalité du Nouveau-monde lui-même, paraît avoir investi, d'une manière belle et mystérieuse, les Baha'is de l'Amérique du Nord d'une position et de pouvoirs sans parallèles dans l'histoire. Abdu'l-Baha lui-même leur conféra le titre "d'Apôtres de Baha'u'llah" et ils furent "l'objet" écrivit Shoghi Effendi , de la tendre sollicitude d'Abdu'l-Baha... le centre de ses espoirs, le destinataire de ses promesses et le bénéficiaire de ses bénédictions..." Tout au long du ministère de Shoghi Effendi, ils reçurent affection et des encouragements égaux a ceux du Maître. En fait ce fut la continuation du même amour et de la même politique. Le Gardien disait en parlant d'eux: "L'infatigable communauté baha'ie américaine qui progresse irrésistiblement, qui se développe majestueusement", le berceau et la citadelle" de l'Ordre administratif, "choisie par le Tout-Puissant pour recevoir une mesure si unique de faveur".

Il s'adressa a eux, dans ses nombreuses lettres, comme "ses frères les plus estimés et les mieux aimés", "si chèrement aimés, richement dotés, inflexiblement résolus". Ils avaient été investis, dit-il, de "la suprématie spirituelle" par Abdu'l-Baha, et étaient "les dépositaires désignés et principaux" du Plan divin "divinement conçu, enveloppant le monde" qui leur conférait une mission mondiale qui était "le patrimoine sacré des disciples américains de Baha'u'llah". Bien plus, ils n'étaient pas seulement les exécutants de ce mandat enchâssé dans ce Plan, mais les "Exécuteurs du Testament d'Abdu'l-Baha" et pour ces raisons, ils étaient "les bâtisseurs champions de l'Ordre embryonnaire de Baha'u'llah" et les "porte-flambeaux d'une civilisation mondiale" et les "rédacteurs et les gardiens privilégiés de la constitution de la foi de Baha'u'llah".

Dans ces observations sur l'accomplissement des vérités contenues dans les enseignements, Shoghi Effendi souligna qu'il y avait des forces en travail "qui, par un remarquable balancement de pendule, avaient entraîné le centre administratif de la foi a graviter loin de son berceau, aux bords du continent américain." "A leurs frères persans qui au cours de l'Âge héroïque de la foi avaient remporté la couronne du martyre, les croyants américains, précurseurs de son Age d'or, succédaient maintenant dignement"; ils étaient devenus les descendants spirituels des héros de la cause de Dieu". C'était leur destinée et la destinée de cette communauté "très aimée", "vaillante et magnanime", "choisie par Dieu", ce "bras invincible, cet organe puissant" de la foi, alors qu'elle poursuit sa "mission unique", "d'être acclamée comme le créateur et le bâtisseur champion de l'Ordre mondial de Baha'u'llah".

La naissance de la communauté américaine fut, considérait Shoghi Effendi, un des épisodes les plus nobles de la foi; son développement était directement dû au Testament du Maître. Ce que le Gardien négligeait d'ajouter, selon son habituel et extrême effacement personnel, c'était sa propre exécution du Testament, sa fidélité envers celui-ci et sa mise en oeuvre des directives qu'il contenait.

En 1923, dans une de ses premières lettres, en tant que Gardien, a l'Assemblée Spirituelle de New-York, Shoghi Effendi définit en quelques mots son attitude envers l'Amérique, une attitude qui ne changera jamais: "Conscient des prédictions nettes et emphatiques de notre bien-aimé Maître concernant le rôle éminent que l'Occident est appelé a jouer pendant les premières étapes du triomphe universel du mouvement, j'ai tourné, depuis son ascension, mes yeux, dans une attente pleine d'espérance, vers les rivages lointains de ce continent." "Combien souvent", écrivit-il a l'Assemblée Nationale d'Amérique cette même année, "j'ai souhaité et désiré ardemment d'être plus près du champ de vos activités et de pouvoir ainsi être en contact de façon plus constante et plus étroite avec chaque détail des nombreux services que vous rendez."

Une relation de tendresse et de confiance mutuelle grandit entre le jeune Gardien et ceux qu'il appelait "les enfants d'Abdu'l-Baha". Lorsque les clauses du Testament du Maître furent connues, après leur lecture officielle le 7 janvier 1922, l'institution nationale, encore connue sous le nom de "Baha'i Temple Unity" ou "Executif Board", lui câbla le 20 janvier". "Amérique se réjouit désignation - Vous offre ses services dévoués coopération". Tous deux étaient jeunes, le Gardien et la communauté américaine, et il y a quelque chose de profondément émouvant dans le fait qu'ils ont grandi ensemble au cours de son ministère. Après sa dépression et sa retraite temporaire en 1922, il télégraphia a l'Amérique a son retour, le 16 décembre, "la marche en avant de la cause n'a pas été et ne peut jamais être arrêtée. Je prie le Tout Puissant que mes efforts, maintenant reposé et rassuré, conduisent avec votre soutien constant, a une glorieuse victoire".

L'Assemblée nationale répondit le 19: "Votre message a rafraîchi et revivifié chaque coeur semblable au refonctionnement du corps de l'unité - Puisse le pouvoir d'une unité maintenue en Amérique être votre aide toujours présente Notre amour loyauté coopération unité et bonheur pour VOUS.

Une de ses premières lettres a l'Amérique, en elle-même très révélatrice de son état d'esprit, est libellée ainsi: "Aux membres de l'Assemblée Spirituelle Nationale, les représentants élus de tous les croyants de tout le continent américain". Cette lettre est datée du 23 décembre 1922, et mentionne après le libellé ci-dessus, les noms des membres de l'Assemblée. Shoghi Effendi y affirme entre autres choses: "... la façon efficace dont vous avez exécuté mes modestes suggestions a été une source de grand encouragement pour moi et a revivifié la confiance dans mon coeur... J'ai lu et relu les rapports de vos activités, j'ai étudié minutieusement les mesures que vous avez prises en vue de consolider les fondations du mouvement en Amérique, et j'ai appris avec un sentiment de satisfaction les plans que vous envisagez pour la poussée et la propagation de la cause dans votre grand pays..." Il n'attend pas seulement, assure-t-il, "toutes les joyeuses nouvelles sur l'approfondissement et la propagation de la cause pour laquelle notre bien-aimé Maître a donné son temps, sa vie, son tout", mais encore, il se souvient de leurs "efforts d'amour et de service chaque fois que je pose ma tête sur les Seuils sacrés." Et, il signe: "Votre frère dans son service".

Nous devons toujours nous rappeler que c'est cette association avec l'Amérique, inhérente a la destinée de la foi, qui conduisit a l'établissement et au développement de l'ordre administratif partout dans le monde... La matrice de cet ordre fut perfectionnée en Amérique, et quoique sous une forme embryonnaire, elle existait déjà au temps d'Abdu'l-Baha. Shoghi Effendi ne changea jamais d'attitude envers l'Amérique. En 1923 il écrivait: "je vous assure encore de ma disponibilité et de mon désir d'être de quelque aide et service a ces serviteurs fidèles et dévoués de Baha'u'llah dans ce pays". En 1939 il écrivait: "Pour ma part, je suis décidé a renforcer l'élan qui pousse ses membres en avant a la rencontre de leur destin."

A l'ascension d'Abdu'l-Baha, les baha'is d'Amérique étaient en pleine crise de violation du Covenant. Au choc de sa disparition et a la vague d'angoisse et de désespoir qui déferla sur eux, succéda une vague d'espérance et d'amour lorsqu'ils fixèrent leurs regards sur leur jeune Gardien.

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Toute aide dépend de deux facteurs: elle dépend de celui qui en a besoin et désire la recevoir et de celui qui désire aider et peut le faire. Shoghi Effendi trouva une Amérique impatiente et disponible et la guida activement. Il télégraphia a la Convention de 1923: "Que la Convention de cette année puisse... inaugurer une campagne sans pareille d'enseignement est en vérité mon ardente prière. Que le message de Ridvan soit: Unissez-vous, approfondissez-vous, levez-vous." Le capitaine avait le gouvernail en main. Dans les tempêtes et en eau calme, durant les années d'épreuves et en temps de guerre et de paix, dans sa jeunesse, a l'âge mûr et vers la fin de sa vie, Shoghi Effendi ne cessa jamais de guider, d'aimer, d'admonester et d'encourager cette "éminente communauté du monde baha'i", une communauté qui avait été, l'écrivit-il une fois, "choisie par le Tout-Puissant pour recevoir une mesure si unique de faveur... distinguée de ses communautés soeurs par la révélation d'un Plan émanant directement de l'esprit et de la Plume de ses fondateurs", "reconnue comme la citadelle inexpugnable de la foi de Dieu et le berceau des institutions naissantes de son Ordre mondial", "dont l'élévation sur le trône de l'empire éternel a été anticipée avec confiance par le Centre du Covenant. "

"Chaque fois", écrivit Shoghi Effendi a une des Assemblées locales d'Amérique le 6 janvier 1923, un an après la lecture du Testament d'Abdu'l-Baha, "que je me remémore les messages d'amour, de confiance et d'espérance que notre Bien-Aimé a exprimés en des termes si ardents dans ses innombrables Tablettes aux bien-aimés d'Amérique, je sens que tôt ou tard le secret de cet amour illimité doit apparaître et le grand continent si proche et si cher a son coeur doit bientôt se déployer totalement vers la gloire de sa révélation".

Il est impossible de séparer l'édification de l'ordre administratif dans le monde de l'évolution de la communauté baha'ie américaine et particulièrement des croyants des Etats-Unis, car ces deux procédures ne font pratiquement qu'une seule et même chose. A quelques exceptions près, pendant trente-six ans, le modèle en matière administrative, les grandes directives concernant l'enseignement; les concepts façonnant le monde et les plans contenus dans les lettres générales du Gardien, furent adressés a cette communauté, publiés et relayés par elle. Cela ne signifie pas que le Gardien ignorait la Perse et les autres communautés baha'ies, loin de là.

Il avait des relations indépendantes, très personnelles et affectueuses avec chacune d'elles, relations formées, avec les communautés les plus anciennes, en même temps qu'avec l'Amérique, relations qui ne furent jamais négligées et qui ne fléchirent jamais, par le passage des ans. Il fut toujours le Gardien de tous. Mais le corps des fidèles de l'Amérique fut, par l'oeuvre mystérieuse de la Providence, chargé de responsabilités uniques, et le destinataire d'honneurs sans pareil. Dans The America and the Most Great Peace (l'Amérique et la Plus Grande Paix), écrit en 1933, Shoghi Effendi affirme la position de l'Amérique dans des termes sans équivoques: "L'Administration de la foi invincible de Baha'u'llah" écrit-il, est née de l'angoisse qui suivit l'ascension du Maître. La disparition d'Abdu'l-Baha libéra "les énergies potentielles" qui "se cristallisèrent dans cet organe suprême et infaillible pour l'accomplissement d'un objectif divin". Le Testament d'Abdu'l-Baha énonça ses traits et modalités, l'Amérique épousa la cause de l'administration. "Il lui fut donné, a elle seule... de devenir la championne intrépide de cette administration, le pivot de ses institutions nouvellement nées et le principal promoteur de son influence. "

Aministrateur né, d'un esprit et d'un tempérament ordonné et précis, Shoghi Effendi entreprit d'organiser les affaires de la foi d'une manière systématique. Les deux cu trois premières années, il tenait une liste de sa correspondance. Plus tard, l'augmentation du volume de cette correspondance, les problèmes, la fatigue et le manque d'aides valables rendirent cela impossible. Cette liste nous apprend qu'il écrivait a ces endroits: Amérique, Grande Bretagne, France, Allemagne, japon, Mésopotamie, Caucase, Iran, Turkestan, Turquie, Australie, Suisse, Inde, Syrie, Italie, Birmanie, Canada, Iles du Pacifique, Egypte, Palestine, Suède. Il écrivait également a de nombreux centres dispersés en Amérique, Europe, Afrique du Nord, Moyen et Extrême-Orient. Il dénombre soixante-sept centres en 1922-23; quatre-vingt-huit en 1923-24, quatre-vingt-seize en 1924-25. Nous le voyons retrousser ses manches, tremblant littéralement a cause de la maladie et de la fatigue, et saisir les rênes des affaires du royaume étendu de Baha'u'llah dont il devint l'héritier en 1921.

La grande majorité des Baha'is résidaient encore en Iran et dans les pays voisins. Il y avait une petite communauté loyale et dévouée en Amérique du Nord, d'autres communautés, encore plus petites, en Europe, en Afrique, dans le sous-continent indien et dans les régions du Pacifique.

La plupart de ces croyants, y compris certains membres de la famille d'Abdu'l-Baha, ne savaient pas exactement ce qu'était exactement la foi, n'avaient aucune idée de la forme qu'elle allait prendre a la suite des instructions du Maître dans son Testament et comprenaient encore moins son ordre administratif. Certains corps étaient appelés Assemblées spirituelles, mais leurs fonctions et leurs membres étaient le plus souvent vagues et elles avaient peu de ressemblance avec ce que nous connaissons aujourd'hui comme Assemblées spirituelles. L'institution nationale des Etats-Unis qui existait depuis 1908 était connue sous le nom de "Baha'i Temple Unity". Elle fut incorporée en 1909 et se donna un "Exécutive Board"; en plus des délégués a la Convention nationale, il y avait des "délégués suppléants". L'Assemblée de Chicago était connue sous le nom de "La Maison de la Spiritualité des baha'is de Chicago", qui a un moment donné comptait neuf membres et deux "membres consultants".

A New-York, il y avait un corps de neuf personnes appelé "The Board of Consultation - NewYork Metropolitan District"; les baha'is d'une ville de la Californie écrivirent a Shoghi Effendi qu'ils avaient élu un comité de douze personnes comme leur Assemblée locale. Bien que des élections aient eu lieu depuis plus d'une décennie avant l'ascension d'Abdu'l-Baha, ces soi-disant institutions administratives étaient des formations fonctionnant au hasard, embryonnaires dans le vrai sens du terme. En Iran, la situation était non seulement confuse, mais de plus, la grande masse amorphe des croyants était si persécutée, si opprimée, qu'il fallut de nombreuses années au Gardien pour mettre de l'ordre dans ce chaos. D'autres pays étaient également ignorants des principes de l'ordre administratif de la cause. Les baha'is britanniques avaient spontanément formé, en 1922, un "Conseil baha'i pour prendre en charge les affaires nationales. L'Inde avait, sous une certaine forme, une Assemblée nationale, car en 1923, Shoghi Effendi déclarait que "quoique la Birmanie ait son propre "Conseil Central" elle reste néanmoins sous la juridiction de "l'Assemblée Nationale de tous les Indiens". En 1921, l'Allemagne avait tenu une Convention nationale, mais un corps national ne fut élu qu'en 1922. Pendant ces premières années, les affaires baha'ies en Iran, au Caucase et en Turkestan furent administrées, dans chacun de ces pays, par une Assemblée locale remplissant les fonctions d'une Assemblée nationale ou d'un Conseil national, en attendant qu'une Convention nationale représentative et libre puisse avoir lieu.

C'est ainsi qu'Abdu'l-Baha, avant son ascension, Shoghi Effendi et les baha'is, immédiatement après cet événement, avaient pu porter l'enfant nouveau-né de l'administration baha'ie. En 1922, il n'y avait, dans tout le monde baha'i, qu'une institution nationale, celle de l'Amérique, qui pouvait ressembler vaguement a une Assemblée nationale, nationalement élue telle que nous le concevons aujourd'hui.

La masse dispersée, hétérogène, non organisée mais loyale des croyants dans le monde avait, en plus, d'autres handicaps a surmonter. Les amis iraniens, pleinement conscients de l'indépendance totale de leur foi, une indépendance a laquelle ils avaient sacrifié largement leur vie, n'étaient pas encore parvenus a se libérer de certaines coutumes nationales et de se guérir des maux en opposition complète avec les enseignements de la cause. L'Iran était encore une terre crépusculaire baignée par les traditions de l'islam et par de nombreux abus que son déclin général avait créé au cours des siècles. Le principe de la monogamie n'était ni strictement pratiqué ni correctement compris. La consommation des boissons alcoolisées était encore largement répandue, l'interdiction catégorique de Baha'u'llah concernant l'emploi des narcotiques n'avait pas été pleinement saisie dans un pays empoisonné par l'usage de l'opium et des autres drogues.

A l'Ouest, particulièrement en Amérique où l'on trouvait le plus grand groupe des croyants d'Occident, les baha'is quelque attachés qu'ils fussent a cette nouvelle foi qu'ils avaient adoptée, étaient encore empêtrés dans des affiliations a des églises et des sociétés; affiliations qui ne servaient qu'a dissiper leurs ressources extrêmement limitées, a dilapider leurs capacités au lieu d'une activité concentrée pour la cause de Dieu, a affaiblir leurs revendications sur le caractère indépendant de la foi. Ni en Orient, ni en Occident, on ne trouvait des baha'is ayant une vue claire sur la non-affiliation et la non-participation aux partis et activités politiques. Shoghi Effendi s'attaqua de deux façons a cette situation quelque peu nébuleuse du monde baha'i Il créa d'abord une méthode universelle, cohérente et consistante pour diriger la vie du monde baha'i et pour organiser ses affaires, méthode basée sur les enseignements et les exposés du Maître. Il éduqua aussi les croyants, leur faisant comprendre les objectifs, les implications et les vérités de leur religion.

Le génie d'organisation de Shoghi Effendi, (indubitablement un des traits marquants de son caractère qui lui était divinement accordé pour faire face aux besoins de l'âge de formation de la foi) lui permit de créer très rapidement un système uniforme et précis d'assemblées nationales et locales dans tout le monde baha'i. Le premier pas en ce sens fut de faire en sorte que l'institution nationale en Amérique soit correctement nommée et dûment élue en tant que telle. Immédiatement après l'annonce des clauses du Testament d'Abdu'l-Baha un certain nombre de baha'is éminents d'Amérique se rendirent a Haïfa pour visiter les Mausolées et pour voir le Gardien. Le 4 mai 1922, Corinne True, qui était au nombre de ces baha'is, écrivait au Gardien:

L'esprit de la Convention a été très merveilleux et une nouvelle ère dans la cause a été inaugurée par votre lettre. Les délégués de soixante-cinq centres du Canada et des Etats-Unis étaient présents... J'ai essayé de présenter a ces amis le plan que vous m'avez ordonné, quand j'étais a Haïfa... le résultat de cette Convention a été l'élection de 'l'Assemblée Spirituelle Nationale' ou Bureau Exécutif... Ces neuf hommes et femmes sont vos serviteurs a tout moment, demandant la confirmation du Centre du Covenant, afin qu'ils puissent vous rendre des services fidèles en toute chose pour l'avancement de la cause..." Mme True ainsi que quelques uns des autres baha'is qui avaient reçu les instructions du Gardien a Haïfa, pendant les premiers mois du Gardiennat avaient été élus dans cette assemblée.

Le 4 avril 1923, Shoghi Effendi télégraphiait a cette nouvelle institution nationale "Insiste fortement réélection toutes Assemblées locales premier Ridvan 21 avril". Les répercussions de cette insistance de Shoghi Effendi sur la nécessité d'un système, sur l'uniformité des élections baha'ies, sur le titre correct des institutions, semblent avoir atteint tout le monde baha'i. Partout, il y avait un mouvement, constamment encouragé et favorisé par Shoghi Effendi, pour élire de nouvelles assemblées locales et pour les f aire fonctionner selon les principes qu' Abdu'l-Baha avait posés. Malgré ces premiers efforts pour assurer la formation effective des assemblées, ce fut une tâche que Shoghi Effendi dût poursuivre activement pendant des années, car très souvent les amis négligeaient d'élire ou de réélire leur institution locale. Les baha'is, impatients mais quelque peu embrouillés, accueillirent avec joie les directives du Gardien. En expliquant les choses, elles devenaient plus claires pour lui aussi.

Dans deux copies de ses lettres écrites en décembre 1922, aux représentants nationaux, on trouve les termes de "Assemblée Nationale Spirituelle" et "Assemblée Locale Spirituelle". Plus tard, il adopta définitivement les titres plus descriptifs de "Assemblée Spirituelle Nationale" et "Assemblée Spirituelle Locale". Le même mois, il avait écrit aux croyants de Paris, en France: "Ce serait pour moi une véritable satisfaction et une joie d'apprendre l'établissement d'une Assemblée Spirituelle Locale, correctement constituée fonctionnant efficacement et officiellement reconnue par les membres de la grande famille baha'ie. J'aimerais fortement insister auprès de vous, si une telle assemblée n'a pas été encore formée, pour établir un tel centre défini et fixe pour la cause, centre qui, quoiqu'il puisse paraître au départ purement formel remplira néanmoins un vide dans l'administration uniforme du mouvement dans le monde et, j'en suis certain, formera un noyau autour duquel s'assembleront de nombreuses âmes dans le futur..." Approchant les baha'is avec un tel amour, tact et franchise, comme nous le montre l'extrait de cette lettre, qui n'était certes pas unique, il n'est pas surprenant que Shoghi Effendi ait rencontré une coopération universelle. Lorsque la réponse a son appel lui parvenait, il félicitait et congratulait très rapidement les amis. Dans le cas de Paris, il attendit plus d'un an pour pouvoir lui envoyer le câble suivant: "Félicitations sincères inauguration d'Assemblée spirituelle ".

Quelques communautés avaient déjà, a la suite des encouragements d'Abdu'l-Baha, établi des comités. Les correspondances du Gardien avec l'Assemblée Nationale d'Amérique des années 1922, 1923, montrent qu'il existait alors des Comités nationaux d'enseignement, de publication et de révision, de bibliothèque, d'éducation des enfants, de Star of the West, d'Amitié des races et des Archives nationales. Il est a la fois étonnant et fascinant de constater que tout ce qui existait a la fin de son ministère, était déjà la a son commencement. Au cours des ans, il amplifia ses pensées, élabora ses thèmes, mûrit, et la cause mûrit avec lui, mais tout était complet, en embryon, lorsqu'il commença a diriger les affaires de la foi. Les instructions qu'il avait données aux premières institutions nationales et aux communautés, étaient différentes par leur qualité, mais non dans leur genre, de celles qu'il donna a la fin de sa vie. Prenons par exemple son télégramme a la Convention nationale américaine de 1923.

"... Vous êtes, a cette heure pleine de défis de l'histoire de la cause, au seuil d'une nouvelle ère; les fonctions que vous êtes appelés a remplir sont fertiles en possibilités immenses; les responsabilités que vous portez sont graves et importantes; et les yeux de beaucoup de gens sont tournés... vers vous, attendant de voir poindre le jour qui témoignera de l'accomplissement de sa divine promesse". Presque tous les événements des trente-cinq ans a venir sont contenus dans ces courtes phrases.

L'éducation des baha'is selon les principes étayant le système social de Baha'u'llah devint, pendant de nombreuses années, la préoccupation principale du Gardien. Les baha'is avaient l'habitude de croire dans les enseignements, d'essayer de les propager parmi leur prochain, d'avoir, au moins, une petite vie communautaire par l'intermédiaire des fêtes, des réunions, des commémorations des jours saints. Mais ils n'avaient pas l'habitude de travailler d'une manière coordonnée en tant que membres d'une organisation au vrai sens du terme. Ils n'avaient pas non plus l'habitude de garder ouvert le système de communication a l'intérieur de la foi. Shoghi Effendi comprit dès le commencement que le travail qui l'attendait exigeait qu'il ait une connaissance précise de ce qui se passait dans les communautés baha'ies, de l'état de leurs activités et de leurs efforts pour l'édification du système administratif de la cause.

Ceci nécessitait non seulement une correspondance régulière avec les institutions nationales, mais aussi avec toutes les Assemblées locales. Les institutions nationales étaient faibles ou pratiquement inexistantes, les Assemblées locales, en général, encore plus faibles. Il sentit qu'il était essentiel d'être en contact avec elles toutes. En décembre 1922, il informait l'Assemblée Nationale d'Amérique: "je serais heureux et reconnaissant, si vous pouviez informer toutes les différentes assemblées spirituelles locales de mon désir et souhait de recevoir aussitôt que possible de chaque assemblée locale un rapport détaillé et officiel sur leurs activités spirituelles, sur le caractère et l'organisation de leur assemblée respective, des récits sur leurs réunions publiques et privées, sur la position effective de la cause dans leur province et sur leurs plans et dispositions pour l'avenir... Je vous prie de transmettre a chacune d'elles mes meilleurs voeux et l'assurance de mon aide sincère a leur travail au service de l'humanité." Un an plus tard, il écrivait a l'Assemblée Nationale allemande: "je suis très désireux de recevoir de l'Assemblée Spirituelle Nationale des rapports fréquents, complets et a jour sur la position présente de la cause en Allemagne, avec un récit des activités des différents centres baha'is récemment établis partout dans ce pays."


Il n'avait pas seulement l'intention de recueillir des informations au Centre mondial, mais encore d'encourager et de stimuler les communautés oppressées d'Orient en leur faisant parvenir les bonnes nouvelles de leurs communautés soeurs d'Occident. Il le dit clairement dans une lettre a l'Assemblée Locale de New York écrite en février 1924: "Comme je l'ai déjà indiqué dans ma première lettre a l'Assemblée Spirituelle Nationale, je serai très heureux de recevoir de chaque centre baha'i d'Amérique des rapports réguliers et complets sur la position de la cause et sur l'activité des amis. Je les transmettrai avec joie aux amis partout en Orient qui, a l'heure présente d'inquiétude et de tourments, seront heureux, j'en suis sûr, d'apprendre la croissance constante et pacifique de la foi dans votre pays... attendant vos joyeuses nouvelles..."

Ce système devait fonctionner de deux façons, comme il l'avait déjà écrit au "Conseil National" des baha'is britanniques, en décembre 1922: "je commence maintenant a correspondre avec chaque centre local baha'i de l'Est et je ne manquerai pas de donner des instructions et de presser les croyants de partout pour qu'ils envoient directement par l'intermédiaire de leur Assemblée locale, les joyeuses nouvelles du progrès de la Cause, sous forme de rapports réguliers et détaillés, aux différentes Assemblées de leurs frères et soeurs spirituels de l'Ouest." Il écrivit aux baha'is de Leipzig: "J'attends affectueusement et impatiemment vos lettres".

Il écrivit aux croyants du japon: "Mon espoir est que les amis du japon m'écrivent dorénavant des lettres fréquentes et détaillées et me donnent leurs projets de services futurs a la cause de Baha'u'llah". Il en fit de même avec les amis des Iles du Pacifique. Ces sentiments étaient exprimés maintes fois dans les premières lettres du Gardien aux centres locaux des différents pays. Mais ce n'était pas facile d'encourager la réponse concrète qu'il cherchait. Il passa tout au long de son ministère, la majeure partie de son temps a rappeler aux baha'is leurs devoirs et leurs tâches. "Attends rapports fréquents et complets d'Assemblée Nationale;" télégraphiait-il a l'Amérique en 1923. De tels rappels n'étaient aucunement rares. "Aucune lettre de l'Assemblée Nationale ces deux derniers mois" télégraphiait-il en 1924; "Attends impatiemment rapports fréquents et détaillés de l'Assemblée Nationale" câblait-il en Inde en 1925.

Dans leurs coeurs, les baha'is, un groupe d'hommes et de femmes sincères et affectueux ayant foi en Baha'u'llah et croyant en lui, étaient conscients de leur lien international d'unité dans la foi. Mais ce n'était pas suffisant. Le temps était venu pour une conscience dynamique, agissante et quotidienne de ce fait. En Plus des rapports et des lettres que Shoghi Effendi envoyait et recevait, il renforça, ranima et encouragea certaines publications déjà existantes et soutenues par Abdu'l-Baha même. Le Star of the West, publié en Amérique, était le plus ancien et le plus connu de ces périodiques. Il y avait en outre The Sun of Truth, publié en Allemagne, The Dawn, publié en Birmanie, The Baha'i News of India, publié en Inde, et le Khorshid-i-Khavar publié en Ishqabad. Le Gardien donna une aide enthousiaste a toutes ces publications.

Il écrivit aux baha'is de la Syrie, en février 1923, qu'ils devraient souscrire aux magazines baha'is The Star of the West, The Baba'i News of India et Khorshid-i-Khavar. Sa conception de ces publications étaient éloquemment énoncée dans une lettre aux rédacteurs de The Dawn de 1923: "Universel dans ses exposés, progressif et pratique dans les mesures qu'il préconise, fidèle aux traditions sacrées et aux principes de la cause, précis dans ses méthodes, impartial dans ses vues, élevé et impressionnant dans son style, puisse-t-il progresser résolument et sans encombres vers l'accomplissement de sa destinée."

Pendant ces premiers mois, il écrivit au rédacteur des Baha'is News de l'Inde: "J'ai récemment demandé aux amis d'Iran, de Turkestan, du Caucase, d'Iraq, d'Egypte, de Turquie, d'Amérique, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, de Syrie et de Palestine de contribuer régulièrement aux Baha'is News de l'Inde, d'envoyer des rapports de leurs activités et des articles soigneusement écrits sur les sujets spirituels, espérant ainsi élargir sa sphère d'influence et rehausser sa valeur en tant qu'un important organe de la communauté baha'ie du monde... Je suivrai chaque étape de son progrès avec espoir et intérêt et je ne manquerai pas de contribuer ma part et d'aider a la noble tâche qu'il s'est proposé d'accomplir." Des lettres similaires étaient envoyées a l'Amérique et a l'Allemagne, insistant sur la même politique concernant leurs périodiques. Il pressa souvent et fréquemment les différentes communautés baha'ies d'envoyer des nouvelles et des articles appropriés a ces différentes publications afin de les aider a propager la foi et a inspirer les amis.

En outre, Shoghi Effendi inaugura une "lettre circulaire que l'Assemblée Spirituelle Baha'ie de Haïfa envoie chaque dix-neuf jours a tous les centres baha'ies de l'Est". Cette lettre circulaire était en persan. Elle avait un équivalent en anglais. "L'Assemblée Spirituelle qui a été établie a Haïfa, écrivit-il aux baha'is suisses en février 1923, "vous enverra a partir de maintenant, régulièrement des nouvelles de la Terre Sainte...". Ce bulletin d'information de Haïfa, étroitement supervisé par le Gardien, rédigé avec les matières fournies par lui, fut envoyé a l'extérieur jusqu'à la dissolution de l'Assemblée Spirituelle de Haïfa par le Gardien, lorsqu'il renvoya la communauté locale en 1938-1939.

Ces mesures avaient l'effet d'une cuillère géante avec laquelle il remuait toute la communauté des fidèles dans le monde, les unissant, les encourageant, lançant a ses différents composants un défi pour une plus grande action, coopération et compréhension.

Mais quelle était donc cette administration a l'édification de laquelle le Gardien travaillait sans relâche? Nous devrions nous arrêter pour poser la question. Au fur et a mesure qu'elle se développait, dit-il, elle "incarnerait, sauvegarderait, et entretiendrait l'esprit de cette foi invincible. Elle était unique dans l'histoire, divinement conçue et différente de tout système ayant existé dans les religions du passé. Elle était fondamentalement le véhicule d'un Ordre mondial et d'une civilisation mondiale future qui constituerait rien de moins qu'un Commonwealth mondial de toutes les nations de cette planète. Bien que la structure entière de ses institutions élues soit basée sur le principe du suffrage universel et d'élections a bulletins secrets, néanmoins son fonctionnement était conçu dans une optique différente. Contrairement au grand principe de la démocratie selon lequel les élus sont constamment responsables devant leurs électeurs, les institutions baha'ies sont toujours responsables devant le fondateur de leur foi et ses enseignements. Tandis qu'en démocratie le facteur déterminant au sommet ne peut aller plus haut que le conseil des élus dont les décisions sont sujettes aux scrutins et a l'approbation de ceux qu'ils représentent, ce facteur déterminant dans la cause de Dieu est avant tout le serviteur de tous les serviteurs de Dieu (en d'autres termes le corps des fidèles) mais responsable devant un facteur plus élevé, divinement guidé et inspiré, le Gardien ou le seul interprète et la Maison Universelle de justice, Corps suprême élu et seul législateur.

Dans ce système, le peuple libéré des influences corruptrices de la nomination, de la propagande politique et électorale, et de la violence des désillusions et des désenchantements si facilement engendrés par la seule application des principes démocratiques, est libre de choisir ceux qu'il estime les mieux qualifiés pour diriger leurs affaires et pour sauvegarder leurs droits d'une part et protéger et servir les intérêts de la cause de Dieu d'autre part.

Les institutions baha'ies élues peuvent être comparées a un réseau de conduits d'irrigation choisis et assemblés par le peuple pour son propre profit. Mais l'eau qui donne la vie coule du Trés-Haut dans ce réseau, indépendamment des gens, indépendamment des volontés des conduits, et ce sont les conseils divinement guidés et inspirés du Gardien et du Corps Suprême de la cause qu'ils reçoivent, dans cette dispensation baha'ie, d'une source non moindre que les Manifestations jumelles de Dieu. Le système de Baha'u'llah écrivit Shoghi Effendi, "ne peut jamais dégénérer en une quelconque forme de despotisme, d'oligarchie ou de démagogie qui doivent tôt ou tard corrompre les rouages de toutes les institutions politiques essentiellement défectueuses conçues par l'homme."

Déjà en 1934, Shoghi Effendi pouvait écrire sur ce système qui devait si rapidement croître et s'enraciner de plus en plus dans le monde baha'i, qu'il avait fait preuve d'un pouvoir qu'une "société désillusionnée et tristement secouée" pouvait difficilement ignorer. La vitalité de ses institutions, les obstacles surmontés par ses administrateurs, l'enthousiasme de ses enseignants itinérants, les sommets de sacrifice atteints par ses champions bâtisseurs, la vision, l'espérance, la joie, la paix intérieure, l'intégrité, la discipline et l'unité que manifestaient ses vaillants défenseurs, la façon dont les gens si divers étaient purifiés de leurs préjugés et fusionnaient dans la structure de ce système, tout témoignait, écrivit Shoghi Effendi, de la puissance de cet Ordre de Baha'u'llah toujours en expansion.

Shoghi Effendi avait des qualités d'un véritable homme d'Etat. A l'inverse de nombreux baha'is qui, hélas, agissent comme Icare, voulant prendre leur envol sur des ailes maintenues par de la cire, n'ayant comme bagage que l'espoir et la foi; Shoghi Effendi forgeait sa machine a voler dans des matériaux aérodynamiques, la construisant soigneusement, pièce par pièce. Dès les toutes premières années de son ministère, il avait créé l'uniformité dans les matières essentielles de l'administration baha'ie.

Il avait posé la roche de fond formée d'Assemblées locales et d'un corps national, chaque fois qu'une communauté était assez forte pour supporter une telle institution. En 1930, il y en avait neuf qui figuraient sur la liste du "Baha'i Directory" de l'Assemblée nationale américaine. Ces neuf Assemblées étaient celles du Caucase, de l'Egypte, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, de l'Inde et de Birmanie, d'Irak, d'Iran, du Turkestan et celle des Etats-Unis et du Canada. Les Assemblées du Caucase, du Turkestan et l'Iran furent, pendant de nombreuses années, d'une nature différente des autres, en ce sens qu'aucune Convention nationale ne pouvait se tenir pour permettre aux délégués de se rencontrer librement et d'élire leur corps national. Néanmoins, un corps dirigeant existait (le Gardien en parlait, dans ses communications anglaises, comme d'une Assemblée nationale, mais en persan il employait un terme différent de celui qu'il utilisa lorsque des élections nationales eurent lieu). Et ce corps traitait des affaires nationales de la communauté. Cependant, la situation en Russie conduisit a la dissolution des Assemblées Nationales du Caucase et du Turkestan.

Shoghi Effendi fut secondé dans ses efforts pour établir l'Ordre Administratif par des collaborateurs dévoués et capables d'Est et d'Ouest, collaborateurs qui paraissaient avoir été créés par Dieu dans le but de saisir la vision du Gardien, de répondre a ses instructions, d'intervenir dans son raisonnement avec des suggestions constructives, et rapides a exécuter ses désirs et a les adapter aux besoins locaux.

Simultanément a cette rapide unification de l'Ordre administratif, Shoghi Effendi engageait l'autre processus: l'éducation des croyants selon la vraie signification et les implications de la foi. Une éducation que personne d'autre que lui, interprète des enseignements, ne pouvait donner. Comme on ne peut séparer, en ce domaine, le contenu de son contenant, essayons de saisir, ne serait-ce qu'un faible aperçu, quelques unes des vérités essentielles sur lesquelles, Shoghi Effendi attira notre attention.

Shoghi Effendi avait cette merveilleuse faculté de pousser toujours plus loin les horizons et les limites de notre pensée. Il voyait la cause a partir de l'Everest de sa compréhension globale des implications de la foi. Baha'u'llah était l'inaugurateur d'un cycle prophétique de cinq cent mille ans et l'aboutissement d'un cycle de six mille ans commencé par Adam. Simultanément, sa Révélation n'était qu'un maillon d'une chaîne infinie.

Le Gardien résuma cette conception dans sa déclaration a la commission spéciale des Nations-Unies pour la Palestine: "Le principe fondamental énoncé par Baha'u'llah... est que la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, que la Révélation divine est un processus continu et progressif, que toutes les grandes religions du monde sont d'origine divine, que leurs principes fondamentaux sont en complète harmonie, que leurs objectifs et buts sont un et identiques, que leurs enseignements ne sont que les facettes d'une seule vérité, que leurs fonctions sont complémentaires, qu'elles ne diffèrent que par les aspects non-essentiels de leurs doctrines et que leurs missions représentent les étapes successives de l'évolution spirituelle de la société humaine. Le but de Baha'u'llah... n'est pas de détruire mais d'accomplir les révélations du passé... Son objectif... est de restaurer les vérités fondamentales qu'elles contiennent afin qu'elles soient conformes aux besoins... de l'époque dans laquelle nous vivons. Baha'u'llah ne prétend pas a la finalité, pour sa propre révélation; mais affirme plutôt qu'une mesure plus pleine de vérité... sera nécessairement dévoilée au cours des étapes de l'évolution constante et sans limite du genre humain".

Dans cette même déclaration, il définit l'Ordre administratif en des termes clairs comme le jour: "L'Ordre administratif de la foi de Baha'u'llah qui est destiné a évoluer vers un Commonwealth mondial baha'i... contrairement aux systèmes qui se sont développés après la mort des fondateurs des différentes religions, est d'origine divine... La foi que cet ordre sert, protège, fait promouvoir, il faut le noter a ce sujet, est essentiellement surnaturelle, supranationale, complètement apolitique. et non partisane, elle est diamétralement opposée a toute politique ou école de pensée qui cherche a exalter quelque race, classe ou nation particulière. Dépourvue de toute forme de sacerdoce, elle n'a ni prêtre, ni rite et elle est soutenue uniquement par les contributions volontaires de ses adhérents déclarés".

La finalité de ce concept était exprimée, a une autre occasion, dans une des communications du Gardien aux Baha'is de l'Ouest: "Un système de fédération mondiale, régissant la terre entière... incarnant et unissant les idéaux de l'Orient et de l'Occident, libéré de la malédiction de la guerre... un système dans lequel la force sera mise au service de la justice et dont la vie sera soutenue par la reconnaissance universelle d'un seul Dieu et par son allégeance a une révélation commune, tel est le but vers lequel les forces unifiantes de la vie poussent l'humanité."

Et cependant, le monde souffrait. Shoghi Effendi nous expliqua cela aussi, dans Voici venu le Jour Promis: "Dieu a accordé un répit de tout un siècle au genre humain afin qu'il puisse reconnaître le fondateur d'une telle révélation, embrasser sa cause, proclamer sa grandeur et établir son Ordre. Dans une centaine de volumes... le porteur d'un tel message a proclamé, comme aucun prophète ne l'avait fait avant lui, la mission que Dieu lui avait confiée... Nous pouvons nous demander comment le monde, l'objet d'une telle sollicitude de la part de Dieu, a-t-il répondu a celui qui avait tout sacrifié pour son bien? "Le message de Baha'u'llah, écrivit-il, rencontra une indifférence totale de l'élite, la haine implacable du clergé, le mépris du peuple d'Iran, le dédain absolu de la plupart des dirigeants a qui il adressa son message, l'envie et la malveillance des peuples des pays étrangers. C'étaient les évidences du traitement infligé a un tel message de la part "d'une génération plongée dans l'autosatisfaction, indifférente a son Dieu, oublieuse des prophéties, des avertissements et des admonitions révélés par ses messagers." L'homme devait donc récolter ce que ses propres mains avaient semé. Il avait refusé de prendre la route directe le menant a sa grande destinée, en refusant d'accepter le Promis de ce jour. Il avait choisi la longue route, amère, sanglante, ténébreuse, le conduisant littéralement a travers l'enfer, avant de pouvoir approcher une nouvelle fois du but qui était originellement a sa portée.

Les paroles de Baha'u'llah nous expliquent abondamment ce qui attend une humanité qui a refusé d'accepter sa révélation:

"Nous avons fixé un temps pour vous, ô peuple! Si vous manquez, a l'heure désignée, de vous tourner vers Dieu, lui, en vérité, vous saisira avec violence et il suscitera des afflictions douloureuses qui vous assailliront de toutes parts. Combien sévère, en vérité, sera le châtiment par lequel votre Seigneur nous punira alors!"; "Le jour promis est venu, le jour où des épreuves torturantes auront surgi au dessus de vos têtes et sous vos pieds..."


"Bientôt le souffle de son châtiment s'abattra sur vous et la poussière de l'enfer vous enveloppera comme un linceul."

Dès le commencement de son ministère, Shoghi Effendi, imprégné des enseignements, pressentit le cours des événements qui devaient fatalement arriver. En janvier 1923, dans une lettre a une Assemblée locale américaine, il dépeignait l'avenir en ces termes:

"Les personnes et les nations sont balayées par un tourbillon d'hypocrisie et d'égoïsme qui, si on n'y résiste pas, peut mettre en péril ou plutôt détruire la civilisation elle-même. C'est notre tâche et notre privilège d'attirer graduellement et de manière persistante l'attention du monde par la sincérité de nos motifs, par la largesse de nos vues, par le dévouement et la ténacité avec lesquels nous poursuivons notre oeuvre au service de l'humanité." Non seulement il était clair, quant a la situation de l'humanité et au remède qu'il lui fallait, mais encore assez perspicace pour douter de la possibilité - après 80 ans de négligence de la part de l'humanité - de conjurer une catastrophe universelle. "Le monde" écrivait-il en février 1923, allait "apparemment a la dérive, de plus en plus loin de l'esprit des enseignements divins.

Shoghi Effendi rappelait souvent, dans ses écrits comme dans ses conversations avec les pèlerins, ce redoutable avertissement de Baha'u'llah :

"La civilisation si souvent vantée par les représentants érudits des arts et des sciences, apportera de grands maux aux hommes, si on lui permet de franchir les limites de la modération. Ainsi vous avise celui qui sait tout. La civilisation, si elle est poussée a la démesure, sera une source aussi prolifique de mal, qu'elle l'a été de bien, lorsque retenue dans les limites de la modération... Le jour approche où ses flammes dévoreront les cités."

Dès le début, Shoghi Effendi se rendit compte qu'un énorme cancer dévorait les organes vitaux de l'humanité: un matérialisme qui était arrivé a un tel point de développement en Occident, qu'il dépassait la décadence qu'il avait invariablement engendrée dans les civilisations du passé. Comme de nombreuses personnes ne connaissent pas la signification du matérialisme, il ne serait pas inutile de citer Webster qui définit certains de ses aspects comme suit: "La tendance de donner une importance indue aux intérêts matériels; dévotion a la nature matérielle et ses besoins," et dit qu'une autre définition en est la théorie selon laquelle le phénomène humain doit être considéré et interprété en des termes physiques et selon des causes matérielles plutôt que des causes spirituelles et éthiques. L'attitude de Shoghi Effendi sur ce sujet, sur les maux qui l'ont produit et les maux que le matérialisme produira en retour, est définie dans ses innombrables écrits commençant en 1923 et jusqu'en 1957. En 1923, il fait allusion a la "confusion et au matérialisme grossier dans lesquels l'humanité est actuellement plongée..." Quelques années plus tard, il parle de "l'apathie, le matérialisme grossier et le caractère superficiel de la société d'aujourd'hui."

En 1927, il écrivait a l'Assemblée Nationale américaine: "'... au coeur de la société elle-même, où les signes précurseurs d'extravagance et de débauche croissants ne font qu'apporter une énergie nouvelle aux forces de la révolte et de la réaction qui deviennent chaque jour plus évidentes..." En 1933, dans une lettre générale aux baha'is américains, il parle des "folies et furies, les expédients, les impostures et les compromis qui caractérisent l'époque actuelle." En 1934, dans une lettre générale aux baha'is de l'Ouest, il parle des "signes d'une catastrophe imminente, nous rappelant fortement la chute de l'Empire romain en Occident, qui menace d'engloutir toute la structure de la civilisation actuelle..." Dans ce même message, il dit: "Combien inquiétantes sont l'anarchie, la corruption, l'incroyance qui dévorent les organes vitaux d'une civilisation chancelante!"

Dans sa lettre générale de 1936 aux baha'is de l'Ouest, il dit: "de quelque côté que nous tournions nos regards... nous ne pouvons manquer d'être frappés par les évidences d'une décadence morale que les hommes et les femmes autour de nous exhibent dans leurs vies privées comme dans leurs capacités collectives..." En 1938, il nous avertit du "défi de ces temps, si chargés de périls, si pleins de corruption..." et parle de la racine de tous les maux: "... alors que le froid de l'irréligion rampe furtivement et inexorablement le long des membres de l'humanité..." et "d'un monde obscurci par l'extinction de la lumière de la religion", un monde où le nationalisme était aveugle et triomphant, où les persécutions raciales et religieuses étaient impitoyables, un monde où les théories et les doctrines erronées menaçaient de supplanter l'adoration de Dieu, bref, un monde "aveuli par un matérialisme violent et brutal, se désintégrant sous l'influence d'une décadence morale et spirituelle".

En 1941, Shoghi Effendi fustigeait la marche de la société en des termes ne laissant planer aucun doute: "la propagation de l'anarchie, de l'intempérance, des jeux d'argent et du crime, l'amour démesuré du plaisir, de la richesse et autres vanités terrestres, le relâchement de la morale se révélant dans une attitude irresponsable envers le mariage, dans l'affaiblissement du contrôle familial, dans la marée montante du divorce, dans la détérioration du niveau de la littérature et de la presse, et dans le plaidoyer en faveur des théories qui sont la négation même de la pureté, de la moralité et de la chasteté, ces preuves d'une décadence morale envahissant l'Orient et l'Occident, pénétrant dans toutes les couches de la société et instillant leur poison aux membres des deux sexes jeunes et vieux, noircissent encore davantage le parchemin sur lequel sont inscrites les nombreuses transgressions d'une humanité impénitente."

En 1948, il stigmatise, une nouvelle fois, la société moderne qui est: "politiquement bouleversée, économiquement en faillite, socialement corrompue, moralement décadente et spirituellement moribonde ...... Par ces paroles, fréquemment répétées, le Gardien cherchait a protéger les communautés baha'ies et a les mettre en garde contre les dangers qui les entouraient.

Cependant ce fut vers la fin de sa vie que Shoghi Effendi traita plus ouvertement et plus fréquemment de ce sujet. Il souligna que l'Europe avait été le berceau de cette "civilisation athée, hautement vantée et lamentablement défectueuse." Et pourtant, le premier protagoniste de cette civilisation était aujourd'hui les Etats-Unis où, a l'heure actuelle, ses manifestations avaient atteint un tel degré de matérialisme débridé que cela représentait un danger pour le monde entier. En 1954, dans une lettre aux baha'is des Etats-Unis, rédigée en des termes qu'il n'avait jamais employés auparavant, il récapitulait les privilèges extraordinaires dont l'Amérique avait joui, les victoires qu'elle avait remportées, et ajoutait qu'elle était dans un tournant le plus critique de son histoire, non seulement l'histoire de la communauté Baha'ie, mais aussi celle de toute la nation américaine, une nation qu'il décrivit comme: "la coquille qui renferme un membre si précieux de la communauté mondiale des disciples de Baha'u'llah". Il soulignait dans cette lettre que le pays où vivaient les baha'is américains "traverse une crise qui, par son aspect spirituel, moral, social et politique, est d'une extrême gravité, une gravité qu'un observateur superficiel est enclin a sous-estimer dangereusement.

"La détérioration constante et alarmante du niveau de la moralité illustrée par l'effroyable croissance des crimes, par la corruption politique de cercles de plus en plus larges et de plus en plus élevés, par le relâchement des liens sacrés du mariage, par la soif démesurée du plaisir et de la distraction et par la diminution marquée et progressive de l'autorité des parents, est sans aucun doute l'aspect le plus frappant et le plus affligeant d'un déclin du destin de toute la nation qui a commencé et qui peut être nettement perçu.

"Parallèlement se répand dans tous les secteurs de la vie un mal que cette nation, et en fait, toutes les nations du système capitaliste quoique a un degré moindre, partagent avec l'état et ses satellites qui sont considérés comme les ennemis jurés de ce système: un matérialisme grossier qui insiste excessivement et de plus en plus sur le bien-être matériel, oublieux de ces choses de l'esprit sur lesquelles seules, une fondation sûre et stable peut être posée pour la société humaine. C'est ce même cancer de matérialisme, né originellement en Europe, porté a l'excès dans le continent nord-américain, contaminant les peuples et les nations de l'Asie, étendant ses tentacules menaçantes sur les bords de l'Afrique et envahissant maintenant le coeur même de ce continent, que Baha'u'llah dénonça dans ses écrits en un langage énergique et sans équivoque, le comparant a une flamme dévorante et le considérant comme le facteur principal de la précipitation des terribles ordalies et des crises ébranlant le monde, qui doivent nécessairement impliquer l'incendie des cités, la propagation de la terreur et la consternation dans le coeur des hommes".

Shoghi Effendi nous rappelait qu'Abdu'l-Baha, lors de sa visite en Europe et en Amérique, avait élevé la voix, du haut des tribunes et des chaires, avec une "persistance pathétique" contre ce "pénétrant, et pernicieux matérialisme" et soulignait qu'au fur et a mesure que "cet inquiétant relâchement de la moralité, cette insistance sur la recherche du bien-être matériel de l'homme" continuaient, l'horizon politique noircissait toujours davantage comme en témoignait l'élargissement du gouffre séparant les protagonistes de deux écoles de pensée antagonistes qui, quelque divergentes qu'elles soient par leur idéologie, doivent être toutes les deux condamnées par les défenseurs de la bannière de la foi de Baha'u'llah, pour leurs philosophies matérialistes et leur négligence de ces valeurs spirituelles des vérités éternelles sur lesquelles une civilisation stable et florissante peut, seule, être finalement établie."

Le Gardien a attiré constamment notre attention sur le fait que les objectifs, les idéaux et les pratiques du monde d'aujourd'hui étaient, pour la plupart, opposés a ce que les baha'is croient et cherchent a établir, ou en étaient une forme corrompue. Les indications qu'il nous a données en ces matières n'étaient pas seulement confinées aux questions brûlantes et aussi désagréables a entendre que celles mentionnées dans les citations ci-dessus.

Il nous a aussi instruit, si nous acceptons d'être éduqués par lui, sur les matières de bon goût, du jugement sain et de la bonne éducation. Il disait souvent: c'est une religion du juste milieu) de la voie moyenne, ni un extrême ni l'autre. Il n'entendait pas par la le compromis, mais l'essence même de l'idée contenue dans ces paroles de Baha'u'llah: "Ne dépassez pas les bornes de la modération;" "Ceux qui s'attachent a la justice ne peuvent, en aucune circonstance, transgresser les limites de la modération." Nous vivons dans la société la plus immodérée que probablement le monde ait jamais vue, secouée et brisée en morceaux parce qu'elle a tourné le dos a Dieu et a rejeté son messager.

Shoghi Effendi ne voyait pas cette société avec les mêmes yeux que nous. Sinon il n'aurait pas pu être notre guide et notre bouclier. Tandis que la Manifestation de Dieu vient du royaume céleste et apporte avec lui une nouvelle ère, la position du Gardien et sa fonction sont totalement différentes. Il était un homme du vingtième siècle. Loin d'être étranger au monde dans lequel il vivait, on peut dire qu'il en était le meilleur représentant par son raisonnement clair et logique, par le jugement peu embarrassé et sévère qu'il lui portait. Sa compréhension des faiblesses des autres ne l'incitait cependant pas a des compromis. Il n'acceptait pas une tendance erronée comme un mal pardonnable parce qu'universel. On ne saurait trop insister sur ce point. Nous avons tendance a penser qu'une chose est juste parce que générale, qu'une opinion est exacte parce qu'elle émane de nos dirigeants et savants, que telle ou telle chose est vraie et permanente parce que des experts l'affirment. De telles complaisances n'affectaient pas Shoghi Effendi. Il voyait toute chose affectant le monde d'aujourd'hui (que ce soit du domaine politique, moral, artistique, musical, littéraire, médical ou des sciences sociales) dans le cadre des enseignements de Baha'u'llah. Cela s'accordait-il avec les directives données par Baha'u'llah? c'était alors une chose saine. Sinon elle était erronée et dangereuse.

Shoghi Effendi nous donna, au cours des ans, ce que j'aime appeler des "lignes directrices", la clarification des grands principes, des doctrines et des idéologies de notre religion. Seules quelques-unes de celles-ci peuvent être arbitrairement choisies ici, mais ce sont celles qui ont pour moi une importance particulière, car elles donnent forme au point de vue baha'i dans le monde OÙ nous vivons..

Une des doctrines fallacieuses modernes, diamétralement opposée aux enseignements de toutes les religions est celle qui prône que l'homme n'est pas responsable de ses actes. Selon cette théorie, les erreurs sont excusables parce que l'homme est conditionné par des facteurs contraignants. Shoghi Effendi n'avait aucune patience pour une telle discussion, parce qu'elle est en désaccord avec les paroles de Baha'u'llah: "Ce qui édifie le monde, c'est la justice, car elle est soutenue par deux piliers, récompense et punition. Ces deux piliers sont la source de la vie pour le monde." Les personnes, les nations, les communautés baha'ies, la race humaine répondent tous de leurs actes. Certes de nombreux facteurs interviennent dans une décision, mais l'essence de la croyance baha'ie est que Dieu nous donne la chance, l'aide et la force de prendre la décision juste. Ce concept est presque l'opposé de ce que nous dit la psychologie moderne. Ce principe entra d'une façon très vive dans ma vie personnelle. Lorsque le bien-aimé Gardien me fit le grand honneur inattendu de me choisir pour femme, je pensai que pour moi, au moins, toutes les peines et inquiétudes concernant ma fin spirituelle étaient terminées. J'allais être près de lui. C'était comme mourir et aller au ciel où rien ne pouvait plus m'atteindre. Un jour, au cours d'une conversation, Shoghi Effendi me dit quelque chose comme "votre destin est entre vos mains!" J'étais horrifiée! Elle me revenait, la longue lutte de toute une vie pour faire la chose juste afin de sauver ma propre âme!

Les rapports du Gardien avec tout le monde baha'i ainsi qu'avec les gens, les officiels et les non baha'is étaient fondés sur ce principe. Il était immensément patient, mais a la fin le châtiment était rapide et juste. Ses récompenses également étaient rapides et elles me paraissaient toujours plus grandes que ce que méritait le bénéficiaire.

Les écrits du Bab, de Baha'u'llah, d'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi, qu'ils soient en persan, arabe ou anglais, illustrent les plus hauts niveaux de la littérature. Ils ne contiennent aucun terme vulgaire. Je me rappelle une fois un pèlerin qui raconta au Gardien, avec sincérité et humilité, que les gens ordinaires, en Amérique, avaient des difficultés a comprendre ses écrits et suggéra qu'il employât un style plus facile. Le Gardien souligna fermement que ce n'était pas la une solution, que la solution consistait a ce que les gens élèvent leur niveau en anglais, ajoutant, de sa belle voix et de sa merveilleuse prononciation, avec un léger scintillement dans les yeux, qu'il écrivait lui-même en anglais.

C'était clair qu'un grand nombre d'écrivains n'étaient pas de cette catégorie, outre-Atlantique! Il insistait pour que les périodiques baha'i emploient "un style élevé et impressionnant" et il donnait certes l'exemple a tout moment.

Au début de notre mariage, j'avais un peu d'appréhension concernant l'attitude qu'aurait Shoghi Effendi a l'égard de l'art moderne. Aimant les grandes périodes artistiques de notre culture et de celles des autres, je me demandais ce que je ferais, si je m'apercevais qu'il admirait les tendances modernes de la peinture, de la sculpture et de l'architecture. Je n'avais rien a craindre. Parfois, nous visitions ensembles les grands musées et les galeries d'art. Je m'aperçus très vite, a mon grand soulagement, que son amour de la symétrie, et de la beauté, d'un style mûr et d'une expression noble des vraies valeurs, était profond et réel.

Shoghi Effendi ne considéra jamais la recherche aveugle d'un style nouveau, quelque sincère et logique qu'elle soit, qui avait suivi l'écroulement général de l'ancien ordre des choses, comme la preuve d'une nouvelle expression artistique en toute sa plénitude, et encore moins comme l'expression baha'ie des choses. Il connaissait trop bien l'histoire pour prendre le plus bas point de la déchéance, la réflexion d'une société décadente et moribonde pour la naissance d'un nouveau style inspiré par l'ordre mondial de Baha'u'llah! Il savait que le fruit est le produit final de la croissance de l'arbre et non le premier. Il savait qu'un système mondial, tirant sa force de la paix universelle et de l'unification du monde, devait d'abord s'établir avant que ne vienne, au cours de l'Âge d'or, la floraison d'une nouvelle expression artistique. S'il y a le moindre doute a ce sujet, il faut regarder la superstructure du Mausolée du Bab et les bâtiments des Archives internationales qu'il construisit; il faut regarder le plan des quatre temples: celui du Mont Carmel, de Téhéran, de Sydney et de Kampala qu'il choisit lui-même. Ils sont, de toute évidence, de style conservateur, basé sur les expériences du passé. Mais ils sont également d'un style ayant résisté a l'épreuve du temps et ils résisteront tant que le monde ne sera pas sous l'influence des enseignements de Baha'u'llah et qu'un style nouveau et organiquement évolué ne sera pas produit. J'ai noté une remarque qu'il fit en voyant un nouveau plan qui lui avait été soumis pour le Temple de Kampala: "Pauvres Africains! Ils sont devenus baha'is pour se réunir sous une telle monstruosité?" Il défendit ses frères et soeurs bien-aimés de ce continent en commandant pour eux un plan fait au Centre mondial et qu'il aimait et approuvait.

Dans deux lettres écrites en 1956, a deux Assemblées nationales, au sujet de deux temples, son secrétaire exprime ainsi le point de vue de Shoghi Effendi: "Il pense que comme c'est un Temple-Mère... il a une très grande importance, et doit être digne en toutes circonstances et ne pas représenter un point de vue extrémiste en architecture. Personne ne peut savoir comment les styles d'aujourd'hui seront jugés dans deux ou trois générations; mais les baha'is ne peuvent construire un second temple si celui qu'ils construisent actuellement devait paraître trop extrémiste et peu convenable a une date ultérieure." "Il regrettait d'avoir a désapprouver Mr. F-. Cependant il n'était pas question de la possibilité d'accepter quelque chose aussi extrémiste que ceci. Le Gardien sent très fortement que, sans égard pour ce que pourrait être l'opinion de la dernière école architecturale, les styles représentés actuellement dans le monde entier en matière d'architecture ne sont pas seulement laids mais encore manquent complètement de cette dignité et de cette grâce qui doivent être au moins partiellement présentes dans une Maison d'adoration baha'ie. On doit toujours garder en vue que la grande majorité des êtres humains ne sont ni très modernes ni très extrémistes dans leurs goûts et que ce que l'école d'avant-garde trouve merveilleux, déplaît, en réalité, très souvent aux gens simples et ordinaires."

Les mêmes idées que professait le Gardien en littérature et art, s'appliquaient également en musique qu'il aimait beaucoup.

On déduit de ce qui précède que le Gardien désirait sauvegarder la cause, maintenir pour elle et pour ses précieuses institutions internationales un niveau de dignité et de beauté qui protégerait son Saint Nom, la nature sacrée de ses institutions, son caractère international, sa nouveauté et sa promesse, des lubies et des caprices d'un âge de transition et des influences d'une civilisation corrompue et totalement occidentale. Car il faut se rappeler que si, jusqu'aujourd'hui, la majorité des adeptes de la foi sont de souche aryenne, la majorité de la race humaine ne l'est pas. Je me rappelle que regardant le visage du premier pèlerin japonais baha'i, Shoghi Effendi en le fixant de son merveilleux regard, dit que, comme la majorité de la race humaine n'était pas blanche, il n'y avait aucune raison pour que la majorité des baha'is soit blanche. L'emphase et la franchise avec lesquelles Shoghi Effendi déclara cela, fut une révélation pour cet homme d'Extrême-Orient qui revenait d'un séjour prolongé aux Etats-Unis.

Combien de baha'is apprécient-ils le fait que, de même que la chasteté, l'honnêteté et la sincérité sont exigés d'eux, de même la courtoisie, la dignité et la révérence sont des qualités soutenues par les enseignements de Baha'u'llah ? Un des premiers câbles de Shoghi Effendi a l'Amérique souligne ce point: "Dignité de Cause exige emploi restreint enregistrement voix du Maître." Le sens du sacré est une des grandes bénédictions accordées a l'homme. Maintes et maintes fois, Shoghi Effendi attira notre attention sur ce fait par des télégrammes comme celui-ci: "Assurez-vous personne ne photographie portrait du Bab pendant exposition." Regarder la reproduction du visage de la Manifestation de Dieu, le Bab et Baha'u'llah, était un privilège unique et devait être approché en tant que tel, et non comme une reproduction de plus a passer de main en main.

L'exposé des enseignements faits par Shoghi Effendi sur le rôle que certaines nations ont été appelées a jouer au commencement du cycle baha'i, éclairait et provoquait notre réflexion et différait souvent de notre compréhension limitée. La raison pour laquelle l'Iran était le berceau de la foi et l'Amérique le berceau de son Ordre administratif découlait du fait que la grande puissance du monde est la puissance du Saint-Esprit, une alchimie de Dieu qui peut transmuter le cuivre, matière de base, en or, métal précieux. Dans The Advent of Divine Justice le Gardien nous apprend cette vérité fondamentale: "Prétendre", écrit-il, te que le mérite propre, le haut niveau moral, l'aptitude politique et les réalisations sociales de quelques nations sont la raison de l'apparition en son sein de ces Luminaires divins, serait une déformation absolue des faits historiques et équivaudrait a la répudiation des interprétations incontestables qui en sont données si clairement et emphatiquement par Baha'u'llah et Abdu'l-Baha." Il ajoute que ces races et ces nations qui sont choisies par Dieu doivent le reconnaître sans réserve et témoigner courageusement du fait qu'elles ont été choisies pour leurs besoins criants, leur lamentable dégénérescence, leur irrémédiable perversité et non pour une quelconque raison de supériorité raciale, de capacité Politique ou de vertu spirituelle. C'est pour ces raisons que le Bab et Baha'u'llah ont choisi l'Iran pour être le berceau de la foi et l'Amérique pour le berceau de son ordre mondial.

Par l'accomplissement de cette grande loi, la gloire de Dieu est manifeste et l'homme est amené a se rendre compte que la source de sa propre puissance et de sa gloire vient de Dieu seul. Que les membres d'un "des peuples des plus arriérés, des plus lâches et des plus pervers" soient transformés quand ils ont accepté le message de Dieu, en une race de héros "s'engageant a effectuer en retour une révolution similaire dans la vie du genre humain", c'était une preuve de l'esprit régénérateur de la révélation de Baha'u'llah. Le même principe, déclara Shoghi Effendi, s'appliquait a l'Amérique: "C'est précisément en raison des maux latents, malgré ses autres grandes caractéristiques et réalisations reconnues, qu'un matérialisme excessif et aveuglant a malheureusement engendrés en elle", qu'elle a été choisie pour devenir le porte-drapeau du nouvel ordre mondial. "C'est par de tels moyens", poursuit-il, "que Baha'u'llah peut mieux montrer, a une génération insouciante, sa toute puissance pour lever des hommes et des femmes au sein d'un peuple immergé dans l'océan du matérialisme, en proie a l'une des formes les plus virulentes, les plus anciennes de préjugés raciaux et notoirement connu pour sa corruption politique, son anarchie, son relâchement des idéaux moraux des hommes et des femmes qui, au cours des ans, rendront de plus en plus exemplaires ces vertus essentielles de la renonciation a soi, de la sainte discipline et de la pénétration spirituelle" qui les engageront a jouer un rôle prépondérant dans l'établissement du système mondial de Baha'u'llah.

Un jour alors qu'il écrivait The Advent of Divine Justice, et développait ce thème, Shoghi Effendi déclara que les Etats-Unis était le pays le plus corrompu politiquement. J'étais tout simplement stupéfaite par cette remarque. J'avais toujours cru que c'est a cause de notre démocratie et notre importance politique que Dieu nous avait choisi pour bâtir son ordre administratif! je m'aventurai a remarquer que certainement l'Iran était politiquement plus corrompu. Il me répondit que non, l'Amérique l'était plus. Il a dû voir sur mon visage qu'il m'était difficile et incroyable d'accepter cette nouvelle idée, car il me pointa du doigt et dit: "Avalez-le, c'est bon pour vous!". Je l'avalais et gardai le silence. Je compris, plus tard, lorsqu'il écrivit ces passages mémorables dans son message et en fait, au cours des ans, qu'il énonçait, en expliquant et interprétant, les grandes lois spirituelles et des vérités desquelles dépendent notre force et notre salut ' si nous voulons bien les comprendre.

Nous ne tirons aucun profit, en tant que baha'is, d'avoir des concepts erronés, de colorier les enseignements de l'Educateur divin par nos idées limitées, nos préjugés, et les produits de notre milieu. Rien n'est amélioré, ni rendu utilisable par la déformation. C'est pourquoi, je pense que ces grands thèmes, ces affirmations des vérités que le Gardien nous a donnés, sont des lignes directrices de pensée qui nous rendent a même de voir les choses telles qu'elles sont et d'obtenir une compréhension correcte de notre foi.

L'approche réaliste et efficace du Gardien signifiait qu'il estimait a sa juste valeur la force de la cause mais qu'il était conscient de ses limitations actuelles. Il ne confondait jamais ces deux éléments. Dans une lettre a un jeune dirigeant non baha'i des Etats-Unis, en 1926, il disait: "Nous croyons que l'esprit de la cause dirige graduellement les peuples et les nations, et ce que tous les baha'is sont appelés a faire c'est de persévérer en défendant les principes sublimes révélés par Baha'u'llah. Ils n'éviteront jamais les grandes actions humanitaires des vrais dirigeants de l'opinion publique et accueilleront toujours les occasions pour élever la voix avec les autres mouvements pour la paix, la vérité et la justice." Cependant, il ne se faisait aucune illusion sur le pouvoir que nous pourrions exercer. En juillet 1939, il écrivait a l'Assemblée nationale américaine (représentant la communauté la plus libre et la plus puissante du monde baha'i) que les baha'is ne pouvaient imposer leur volonté a ceux qui tiennent en leurs mains la destinée des croyants d'Iran, qu'ils n'étaient pas encore capables de lancer une campagne d'une envergure suffisante pour capter l'imagination et soulever la conscience du genre humain et a redresser par la les torts dont souffraient leurs frères persécutés; qu'ils ne pouvaient exercer aucun pouvoir, a l'heure actuelle, proportionnel aux revendications et a la grandeur de la cause, dans le conseil des nations; et qu'ils ne pouvaient assumer une position et exercer des responsabilités permettant de "renverser le processus qui pousse si tragiquement au déclin de la société humaine et de ses institutions."

En 1948, Shoghi Effendi écrivait que ce n'était "pas a nous de spéculer ou de nous attarder sur l'oeuvre d'une Providence inscrutable présidant au crépuscule des destinées d'un ordre mourant et au lever de la gloire d'un plan contenant les graines de la revivification spirituelle du monde et de sa Rédemption finale."

Souvent, il parlait aux pèlerins au sujet de ces deux Phénomènes: notre plan intérieur, l'oeuvre du Plan divin qu'il nous appartient de réaliser, et le plan global de Dieu Tout-Puissant pour la planète entière, qu'il réalisait lui-même par des forces extérieures a la cause afin d'achever et de hâter ses propres fins. Les bénédictions de Baha'u'llah pleuveront sur les baha'is proportionnellement a leurs efforts pour achever leur propre Plan: l'établissement du Royaume du Seigneur des Armées dans le monde. De même plus le monde ignore son message et poursuit ses propres fins perverses, plus la Visitation de Dieu descendra sur les peuples et les nations, les broyant, les désagrégeant, les pulvérisant en un seul monde; car ils ont refusé de créer ce monde uni pacifiquement en suivant les instructions du messager de Dieu pour ce jour.

La nette distinction entre la fusion des adeptes de Baha'u'llah en un système mondial unifié et spirituellement motivé, et la désintégration, le parti pris et la haine décimant les races, les religions et les partis politiques de ce monde, était constamment soulignée par le Gardien. Il insistait fréquemment sur les dangers que courraient les baha'is, s'ils ne se tenaient pas strictement a l'écart de ces dissensions. En 1938, alors que l'humanité était tirée vers le précipice de la seconde Guerre Mondiale, Shoghi Effendi télégraphiait un sévère avertissement et une instruction sans ambiguïté sur cette stricte neutralité: "Loyauté ordre mondial Baha'u'llah sécurité ses institutions fondamentales toutes deux exigeant impérativement tous ses défenseurs déclarés particulièrement ses champions bâtisseurs continent américain en ces jours où forces sinistres incontrôlables approfondissent clivage séparent peuples nations croyances classes décident malgré pression opinion publique rapidement cristallisée s'abstenir individuellement collectivement en paroles actions officieusement ainsi que déclarations publications officielles administrer blâmes prendre parti même indirectement dans crises politiques périodiques actuellement agitées engloutissant finalement société humaine. Grave appréhension de crainte effet cumulatif telles compromissions désintègre tissu obstrue canal grâce qui alimente système de Dieu ordre actuellement supranational surnaturel si laborieusement développé si nouvellement établi."

Le patriotisme des baha'is ne se manifeste pas par une allégeance aux préjugés nationaux et aux systèmes politiques, mais plutôt par deux moyens: servir son propre pays en servant ses plus hauts intérêts spirituels; et par l'obéissance implicite au gouvernement, quelque soit ce gouvernement.

En 1932, le Gardien souligna que l'extension des activités baha'ies dans le monde et "la variété des communautés qui travaillent sous les diverses formes de gouvernement, si essentiellement différents par leurs idéaux, leurs politiques et leurs méthodes, rendait absolument nécessaire que tous les... membres d'une quelconque de ces communautés évitent toute action qui pourrait en soulevant la suspicion ou en excitant l'antagonisme d'un quelconque gouvernement, impliquer leurs frères dans de nouvelles persécutions ... Et il ajoute, "Sinon, je peux poser la question, une foi si largement répandue, dépassant les limites politiques et sociales, comprenant en son sein une si grande variété de races et de nations et qui devra compter de plus en plus, alors qu'elle va de l'avant, sur la bonne volonté et le soutien des gouvernements différents et opposés de la terre, sinon comment une telle foi réussirait-elle a préserver son unité, a sauvegarder ses intérêts et a assurer le développement constant et pacifique de ses institutions?" A une autre occasion, Shoghi Effendi écrivit: "Qu'ils proclament, quel que soit le pays où ils résident, quelque avancées que soient leurs institutions ou profond leur désir d'appliquer les lois ou de suivre les principes énoncés par Baha'u'llah, qu'ils subordonneront sans hésitation la mise en vigueur de ces lois et l'application de ces principes aux exigences de leur gouvernement respectif. Leur objectif n'est pas, en s'efforçant de conduire et de parfaire les affaires administratives de leur foi, de violer, en aucune circonstance, les clauses de la constitution de leur pays et encore moins de permettre que les rouages de leur administration remplacent le gouvernement de leur pays respectif." Un télégramme du Gardien, envoyé en 1930 a une des Assemblées du Proche Orient, définit très clairement l'attitude correcte des baha'is: "A moins que gouvernement objecte formation Assemblée essentielle". Les baha'is, comme le disait Shoghi Effendi si justement, n'appartiennent a aucun parti politique, mais au "Parti de Dieu". Ils sont les agents de sa politique divine.

La liberté pour un Etat souverain de suivre sa propre politique quelque préjudiciable qu'elle soit aux intérêts baha'is - était soutenue par Shoghi Effendi. Lorsque le gouvernement soviétique expropria le premier temple baha'i du monde, malgré la tristesse que cette action causa au Gardien, il écrivit qu'en raison des articles de la constitution, les autorités avaient agi "dans les limites de leurs droits légitimes et reconnus".

Quand il n'y eut plus rien a faire, il ordonna aux baha'is de ce pays d'obéir aux décrets de leur gouvernement, confiant qu'avec le temps, Dieu, "lèvera le voile qui obscurcit la vision de leurs dirigeants et leur révélera la noblesse du but, l'innocence de l'objectif, la rectitude de conduite et les idéaux humanitaires qui caractérisent les communautés baha'ies, quoiqu'encore petites mais potentiellement puissantes, de tous les pays et sous tous les gouvernements."

Il ne faut pas croire que cette attitude définie par Shoghi Effendi, huit ans seulement après le début de son Gardiennat, pouvait être modifiée par l'accroissement de la force de la foi et par les victoires qu'elle remportait constamment. Loin de la. En 1955, alors que le nombre des pays enrôlés sous la bannière de la foi avait doublé en deux ans, il télégraphiait a toutes les Assemblées nationales, demandant aux croyants qui étaient engagés dans la plus grande croisade jamais lancée depuis le commencement de la foi "qu'ils résident patrie outre-mer quelque répressif régimes sous lesquels ils travaillent, réfléchir a nouveau toutes implications exigences essentielles leur appartenance cause Baha'u'llah... s'élever plus hauts niveaux consécration - combattre avec vigilance toutes formes présentations erronées - déraciner suspicions - dissiper méfiance - taire critiques par encore plus irrésistible démonstration loyauté envers leurs gouvernements respectifs - gagner maintenir fortifier confiance autorités civiles leur intégrité sincérité réaffirmer universalité but objectifs foi proclamer caractère spirituel ses principes fondamentaux affirmer caractère apolitique ses institutions administratives."

Il y a trois facteurs qui interviennent dans cette question de loyauté envers le gouvernement et de non ingérence dans la politique: l'obéissance, la sagesse et enfin l'emploi des moyens légaux. Le facteur sagesse est trop souvent négligé encore que le Gardien ait abondamment insisté sur cet élément, et non seulement en ces termes; "la variété des communautés qui travaillent sous les diverses formes de gouvernement... rendait absolument nécessaire que tous les... membres d'une quelconque de ces communautés évitent toute action qui pourrait, en soulevant la suspicion ou en excitant l'antagonisme d'un quelconque gouvernement, impliquer leurs frères dans de nouvelles persécutions..." mais aussi par ses instructions répétées aux différentes communautés et aux particuliers afin qu'ils emploient la plus grande sagesse en servant la foi.

Dans un monde où la presse et la radio déversent a toute heure des accusations, des incriminations et déblatèrent contre les systèmes et les politiques des autres nations, les baha'is ne sauraient être trop sages. Quand on se rappelle la fierté et la joie de Shoghi Effendi lorsqu'au coeur même de l'islam la première Assemblée spirituelle fut formée, et les louanges magnifiques qu'il prodigua au pionnier responsable qui était d'origine juive, en plus d'être baha'i et mettait ainsi deux fois sa vie en danger, et lorsqu'on se souvient que pendant deux ans cet homme n'ouvrit pas la bouche afin de ne pas trahir qu'il était baha'i jusqu'au jour où craintif et tremblant et avec une prière dans son coeur, il invita son premier futur baha'i a l'arrière boutique et commença a aborder le sujet de la foi, on comprend alors ce que Shoghi Effendi entendait par sagesse.

Il interdit aux baha'is de différents pays de rechercher la publicité ou leur demanda d'éviter de contacter certaines sectes ou nationalités qui, si elles connaissaient la foi ou l'acceptaient, auraient mis en danger tout le travail des pionniers. C'était l'essence de la sagesse et chaque fois qu'elle était ignorée, cela menait a un désastre.

D'autre part, le Gardien pressait les Assemblées et les pionniers, chaque fois que la route était libre pour le faire, de protéger les intérêts de la foi par des moyens légaux en obtenant sa reconnaissance légale et en s'assurant le soutien de l'opinion publique par l'intermédiaire de la presse et de la radio.

Cependant, pour les questions qui affectent les intérêts internationaux de la foi, la direction et la protection doivent venir du Centre mondial qui, de par sa nature même, est la seule autorité en mesure de juger de telles ou telles questions vitales et délicates.

Une autre grande ligne directrice fut l'exposé du Gardien sur la signification de l'unité, dans les enseignements baha'is. Shoghi Effendi écrivit que les ennemis de la foi "avaient mal interprété le principe de l'unification que" défend la cause "comme une tentative superficielle a l'uniformité"; "qu'il n'y ait pas de malentendu au sujet du but qui anime la loi universelle de Baha'u'llah... Elle répudie toute centralisation excessive d'une part, et désavoue toute tentative d'uniformité de l'autre. Son maître mot est l'unité dans la diversité..." Le principe de l'unité du genre humain, affirma Shoghi Effendi, ambitionne de créer "un monde organiquement unifié dans tous les aspects essentiels de la vie" mais néanmoins un monde "d'une diversité infinie par les traits caractéristiques nationaux des unités fédérées."

Il parla de "la société baha'ie future hautement diversifiée" et pressa les baha'is a prêter une attention particulière a gagner l'adhésion a la foi des différentes races disant "qu'une fusion de ces éléments très diversifiés de la race humanité, harmonieusement entremêlés dans le tissu d'une fraternité baha'ie embrassant tout, et assimilés par le processus d'un ordre administratif divinement désigné et contribuant de la part de chacun a l'enrichissement et a la gloire de la communauté baha'ie, est certainement une réalisation dont la contemplation doit réchauffer et faire vibrer tout coeur baha'i". "Cette foi", écrivit encore Shoghi Effendi, "n'ignore pas, ni n'essaie de supprimer la diversité des origines ethniques, de climat, d'histoire, de langage et de tradition, de pensée et de coutume, qui différencient les peuples et les nations du monde."

A une époque de prosélytisme où les nations et les blocs de nations, les nombreuses sociétés et organisations martelèrent l'esprit des gens jour et nuit, cherchant a leur transmettre leur propre image a imposer leurs systèmes politiques, leur mode vestimentaire, leur façon de vivre et de se loger, leurs systèmes médicaux, leurs philosophies et leur morale, leur code social, il est sûrement du plus grand intérêt pour les baha'is de réfléchir a leurs propres enseignements et aux interprétations éclairées que leur Gardien en a données. Aujourd'hui, le monde occidental a une passion pour l'uniformité. Il essaie de rendre tout un chacun semblable a autrui et le plus rapidement possible. Il en résulte que beaucoup de biens sont ainsi répandus et un nombre de plus en plus grand de gens arrivent a goûter au bien-être matériel. Mais il en résulte aussi une implantation de nombreuses choses diamétralement opposées aux méthodes et aux objectifs de Baha'u'llah.

Une des choses que notre matérialisme occidental propage rapidement en plus de l'irréligion, l'immoralité et l'adoration de l'argent et des biens, est la vague de désespoir, d'inquiétude et un sentiment de profonde infériorité parmi les soi-disant peuples arriérés du monde. Nous pouvons très bien mettre en opposition l'impact mortel que cette importance de soi, cette auto satisfaction, cette richesse ont sur les autres peuples, avec les points sur lesquels le Gardien insistait dans ses relations avec ces mêmes peuples.

Pourquoi Shoghi Effendi tenait-il et publiait-il des listes complètes de "races" et de "tribus" enrôlés sous la bannière de la foi? Peut-être les collectionnait-il, comme des perles séparées, afin de les réunir pour embellir le corps de la cause de Baha'u'llah? Pourquoi a-t-il accroché aux murs du Manoir de Bahji les photos du premier baha'i pygmée et du premier descendant des Indiens Inca a accepter la foi? Ce n'était certainement pas comme une curiosité ou un trophée, mais plutôt parce que les Josephs bien-aimés étaient de retour sous la tente du Père. Je me rappelle très bien quand Shoghi Effendi découvrit qu'un pèlerin était de la descendance de l'ancienne famille royale de Hawaii. Il paraissait irradier de joie et de bonheur d'une manière presque tangible et cette flamme enveloppait un homme qui n'avait connu toute sa vie que le mépris a cause de sa descendance! Il ne faut pas croire que c'était des particularités de la politique de Shoghi Effendi. Loin de la. C'était le reflet de l'essence même des enseignements selon lesquels chaque division de la race humaine est dotée de dons qui lui sont propres et qui sont nécessaires a la diversification, a la richesse et a la perfection du nouvel ordre de Baha'u'llah.

"Non seulement Shoghi Effendi prêchait cela, mais il l'appliquait aussi par des déclarations, des appels et des instructions aux Assemblées baha'ies: "Première Assemblée composée totalement Indiens Peaux-Rouges consolidée Macy Nébraska" câblait il triomphalement en 1949. Se rappelant constamment des parole d'Abdu'l-Baha dans ses Tablettes du Plan Divin: Donnez une grande importance a l'enseignement des Indiens, c'est-a-dire, les aborigènes de l'Amérique. Shoghi Effendi poursuivit cet objectif jusqu'aux derniers mois de sa vie, lorsqu'il écrivit, en juillet 1957, a l'Assemblée Nationale du Canada que "la conversion longtemps retardée" des Indiens d'Amérique, des Esquimaux et des autres minorités devrait recevoir une telle impulsion "pour étonner et encourager les membres de toutes les communautés baha'ies partout, en long et en large, de l'hémisphère occidental."

Un an plutôt, dans une lettre de Shoghi Effendi a l'Assemblée Nationale des Etats-Unis, son secrétaire écrivait: "le bien-aimé Gardien pense qu'une attention suffisante n'est pas accordée a la question de contacter les minorités aux Etats-Unis... Il pense que votre Assemblée devrait désigner un comité spécial pour étudier les possibilités de cette sorte de travail, et aviser les Assemblées locales en conséquence, et en même temps encourager les baha'is a être actifs dans ce domaine ouvert a tous, car les minorités sont invariablement isolées et répondent souvent a l'amabilité beaucoup plus rapidement que la majorité bien établie de la population."

La conséquence naturelle de cette politique est l'attitude unique de la foi baha'ie envers les minorités, attitude définie clairement par Shoghi Effendi dans The Advent of Divine Justice: "Discriminer une quelconque race sur la base qu'elle est socialement arriérée, politiquement peu formée, et numériquement minoritaire, est une violation flagrante de l'esprit qui anime la foi." Dès qu'une personne accepte la foi, "toute différenciation de classe, de croyance, de couleur doit être automatiquement effacée et ne doit jamais être réaffirmée sous aucun prétexte et quelque grande que soit la pression des événements et de l'opinion publique." Shoghi Effendi poursuit en affirmant un principe totalement différent de la pensée politique du monde entier.

Ce principe mérite plus de considération que nous ne lui donnons habituellement: "Si une discrimination doit être finalement tolérée, elle doit être non pas contre mais plutôt en faveur de la minorité, qu'elle soit raciale ou autre. Contrairement aux peuples et nations de la terre, qu'ils soient de l'Orient ou de l'Occident, démocratiques ou autoritaires, communistes ou capitalistes, appartenant au Vieux Monde ou au Nouveau, qui ignorent, écrasent ou exterminent les minorités raciales, religieuses ou politiques a l'intérieur de la sphère de leur juridiction, chaque communauté organisée, enrôlée sous la bannière de Baha'u'llah doit sentir comme devoir premier et inéluctable de nourrir, encourager et sauvegarder toute minorité en son sein, appartenant a n'importe quelle foi, race, classe ou nation. Si grand et vital est ce principe qu'en des circonstances comme lorsqu'un nombre égal de voix a été obtenu lors d'une élection, ou quand les qualifications pour n'importe quelle charge sont équilibrées entre les différentes races, croyances ou nationalités au sein de la communauté, la priorité doit être accordée sans hésitation au parti représentant la minorité et cela sans aucune autre raison que de l'encourager, le stimuler et lui offrir l'occasion de servir les intérêts de la communauté."

Shoghi Effendi exprima, une fois, ce principe si succinctement que je le notai dans ses propres termes: "la minorité d'une majorité est plus importante que la majorité d'une minorité". En d'autres termes, ce n'est pas la force ou la faiblesse numérique au sein de la nation qui est d'indice de la minorité, mais la force ou la faiblesse numérique au sein de la communauté baha'ie où a lieu l'élection, si grande est la protection de toute minorité.

Le Gardien avait l'habitude de dire que le jour où un Etat baha'i viendrait a naître, les droits des minorités religieuses non baha'ies seraient soigneusement protégés par les baha'is.

La foi baha'ie protège non seulement la société comme un tout et les droits des minorités, mais elle soutient également les droits de l'individu dans la collectivité, et les droits d'une nation sur le plan international, et a l'intérieur de la communauté, les droits de l'être humain. "L'unité de la race humaine, telle qu'elle est conçue par Baha'u'llah" écrivit Shoghi Effendi, "implique l'établissement d'une communauté universelle... où l'autonomie de chaque état membre et la liberté et l'initiative individuelle des personnes qui les composent sont définitivement et complètement sauvegardées..."

Tout en soutenant résolument l'autorité des Assemblées, Shoghi Effendi était un défenseur aussi résolu du croyant individuel et avait une affection profonde pour "l'homme de rang" simple adepte de Baha'u'llah. Il était rare qu'il s'adresse au monde baha'i ou a des communautés nationales sans encourager l'initiative individuelle du croyant et souligner que sans elle tous les plans devaient échouer. En 1927, il écrivait a l'Assemblée Nationale d'Amérique: "Pendant mes heures de prières aux Mausolées sacrés, je supplierai que la lumière de la Direction divine puisse éclairer votre sentier et vous rendre a même d'employer de façon efficace cet esprit d'entreprise individuel qui, allumé dans le coeur de chacun et de tous les croyants et dirigé par la loi majestueuse de Baha'u'llah, imposée a nous tous, conduira notre cause bien-aimée vers l'accomplissement de sa glorieuse destinée". Il fit ressortir dans The Advent of Divine Justice que c'était le devoir de chaque croyant "comme le dépositaire du Plan divin d'Abdu'l-Baha... d'entreprendre, de promouvoir et de consolider" toute activité qu'il (ou elle) considère comme de nature a aider l'accomplissement de ce plan, sous réserve qu'elle soit toujours faite dans les limites imposées par les principes administratifs de la foi. Il disait a l'Assemblée Nationale que tout en gardant la direction des affaires baha'ies et le droit final de décision, elle devrait "entretenir le sens de l'interdépendance et de la coparticipation, de la compréhension, et de la confiance mutuelle" entre elle-même, les Assemblées et les croyants individuels.

L'humble a toujours été choisi pour des bénédictions uniques.

En 1925, Shoghi Effendi écrivait: "Non pas rarement mais très souvent, le plus modeste, le plus ignorant et le plus inexpérimenté parmi les amis contribuera, simplement par la force inspirante d'une dévotion ardente et désintéressée, une part mémorable et distinguée dans une discussion très embrouillée d'une Assemblée donnée".

Le Gardien était un admirateur passionné des coeurs purs et n'aimait pas les individus agressifs et particulièrement les ambitieux. Ses appels pour des pionniers montrent clairement son attitude. Lors du premier Plan de Sept ans, il écrivit: "aucun croyant, quelque humble qu'il soit" ne devrait se sentir exclu de la participation au grand mouvement de pionniers qui a lieu, et des obstacles ne devraient pas être élevés sur le chemin de ceux qui désirent partir et servir "qu'ils soient jeunes ou vieux, riches ou pauvres". Dans The Advent of Divine Justice, il alla plus loin encore en écrivant: "Tous doivent participer, quelque humble que soit leur origine, quelque limitée que soit leur expérience, quelque restreints que soient leurs moyens, quelque déficiente que soit leur éducation, quelque urgents que soient leurs soucis et préoccupations, quelque hostile que soit le milieu dans lequel ils vivent... Combien souvent... les adeptes les plus modestes de la foi n'ayant pas fréquenté l'école et totalement inexpérimentés, sans aucune position et parfois dépourvus d'intelligence, ont été capable de remporter des victoires pour la cause, devant lesquelles les plus brillantes réalisations des plus instruits, des plus sages et des plus expérimentés ont pâli."

Shoghi Effendi fait ressortir ensuite que si le Christ "le Fils", a été capable d'infuser a Pierre, qui était si ignorant qu'il divisait sa nourriture en sept parts et se reposait quand il arrivait a la septième, sachant ainsi que c'était le sabbat, un tel esprit qui le rendit a même de devenir son successeur; alors quel doit être le pouvoir que Baha'u'llah, le Père, pourrait donner au plus faible et au plus insignifiant de ses adeptes pour accomplir des merveilles qui éclipseraient les réalisations du premier apôtre de jésus.

Insatisfait d'insister sur les devoirs des humbles, le Gardien admonesta également ceux d'une autre catégorie, en des termes ne laissant planer aucune équivoque: "Il est par conséquent, impératif a tout croyant américain, et en particulier au riche a l'indépendant, a celui qui aime le confort et a celui qui est obsédé par les questions matérielles, de sortir des rangs et de dédier leurs ressources, leur temps, leur vie même a une cause d'une telle transcendance qu'aucun oeil humain ne peut jamais percevoir sa gloire, même faiblement."

Il disait, d'une manière très touchante, que "'le coeur du Gardien ne peut que bondir de joie et son esprit retirer une nouvelle inspiration, a chaque preuve témoignant de la réponse du croyant a sa tâche allouée."

La question de savoir qui était un croyant, comment il devient et comment il rejoint l'Ordre mondial souple mais bien organisé de la foi était très claire pour le Gardien, mais parfois, moins claire pour les baha'is. Il faut comprendre que Shoghi Effendi voyait la cause comme une chose vivante se développant a des vitesses différentes dans des lieux différents mais grandissant toujours. Il fallait l'uniformité dans l'essentiel, mais il pouvait y avoir, et c'était même nécessaire qu'il y ait de la diversité dans les autres matières. Une voiture, disons Ford, étant une machine est toujours la même partout; mais les membres d'une grande famille, loin d'être des machines, sont tous différents les uns des autres, chacun a son âge, chacun est a un certain stade de sa croissance. Personne n'attend d'un petit-fils de cinq mois la même compréhension que de son grand-père, professeur de physique a l'université.

Dès le commencement, il attendait plus des communautés anciennes de l'Orient, et en particulier de celles de l'Iran, que des communautés plus jeunes de l'Occident comme celles de l'Amérique et de l'Europe et beaucoup plus de ces dernières que des communautés plus jeunes de l'Afrique ou du Pacifique. Nous devons toujours nous rappeler que l'islam, juste après notre foi, est la religion la plus récemment révélée du monde. Les baha'is venant de cette origine sont plus proches, pour ainsi dire, des lois révélées par Baha'u'llah, car sa loi sort des lois de l'islam tout en les abrogeant dans la plupart des cas. Il n'est donc pas étonnant que les croyants venant de cette origine soient censés se conformer au modèle baha'i en matière de statut personnel et de suivre dès le commencement les lois et les ordonnances de Baha'u'llah pouvant s'appliquer dans la société dans laquelle ils vivent. Alors que pour ceux venant d'origines païennes ou de religions plus anciennes, il fallait une éducation graduelle et patiente afin qu'ils puissent faire de même.

Avant d'essayer de comprendre ce qui donne le titre de baha'i a une personne, essayons d'abord de voir comment le Gardien concevait et dirigeait la cause de Dieu. En étudiant l'histoire des religions du passé nous voyons que la principale maladie qui les a affectés était la forte tendance de la part de leurs adeptes a mettre dans des moules, a cristalliser en des formes le pouvoir mobile, expansif et inspirant de la foi.

Une religion est une chose qui croît. Dans son message a la Conférence Intercontinentale de Chicago, en 1953, Shoghi Effendi en donne une description belle et poétique. Il compare l'histoire de la religion a un arbre qui croît depuis l'époque d'Adam, donnant au cours des âges des branches, des feuilles, des fleurs et des fruits et produisant finalement la graine sacrée: la manifestation et la révélation du Bab. Cette graine, broyée dans le moulin du martyre, après une existence de six ans seulement, avait produit une huile dont la lumière avait scintillé sur Baha'u'llah dans le Siyah-Chal, dont le feu avait brillé a Baghdad et étincelé avec éclat a Andrinople, dont les rayons avaient atteint plus tard, les bords des continents américains, européens et australien, et dont la radiance couvrait maintenant le globe entier, durant cet Age de formation et dont la pleine splendeur, dit-il, devait, au cours des milleniums futurs inonder toute la planète. Combien primitif doit donc être notre état actuel de développement!

Les petits esprits cherchent instinctivement a circonscrire les choses qui les entourent, a les mettre dans des murs aux dimensions de leurs petites existences, a ramener toutes choses a leurs propres échelles. Ils se sentent ainsi en sûreté et a l'abri. Ce processus signifie invariablement qu'une grande partie des matériaux employés dans leurs murs vient de la dernière maison qu'ils habitaient. Les grands esprits au contraire, poussent toujours plus loin leurs horizons, créent de nouvelles frontières, faisant place a la croissance. En lisant les lettres que recevait le Gardien et celles qu'il écrivait, il n'est pas difficile de voir comment il maintenait un équilibre parfait entre ce qui était sage et essentiel pour l'étape actuelle de la foi et ce qui limiterait indûment son développement et figerait ses enseignements vivants dans une forme prématurée, trop petite, trop nationale ou provinciale, trop sectaire ou raciale, et les empêcherait d'évoluer vers un Ordre mondial, avec son gouvernement mondial et sa société mondiale. Je me suis toujours demandé pourquoi tant de gens éminemment pratiques et sensés dans leurs activités professionnelles, homme d'affaires, juriste etc... n'employaient pas ces qualités dans leurs activités baha'ies. Il semblait que pour eux, Utopie était un film qu'il suffisait de projeter sur un écran pour qu'elle devienne réalité.

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Le Gardien n'était pas ainsi, Il poursuivait ses tâches: édifier l'Ordre administratif, implanter le Plan divin d'Abdu'l-Baha, organiser son travail et le travail du monde baha'i, comme les peintres de la Renaissance créaient leurs grandes fresques et leurs toiles. D'abord le carton, l'idée totale, l'échelle, la couleur, les proportions; puis c'était le quadrillage, comme divisé par une grille en carrés; le tout était alors transféré sur une surface permanente, les grandes lignes directrices étaient tracées, puis les contours, les figures en ombre; enfin les détails et les couleurs, traités avec une patience infinie jusqu'à l'obtention de la perfection. Telle était la méthode de Shoghi Effendi. Il ne permettait a personne de commencer a peindre les figures et les détails tant que la toile n'était pas prête. Que signifie tout cela dans les faits?

Tant d'exemples viennent a l'esprit! Le lendemain de l'ascension du Maître, nous voulions la Maison Universelle de justice. Il fallut attendre quarante deux ans, afin que la fondation puisse la supporter. Rangée après rangée, les Assemblées locales et Nationales furent formées, sur lesquelles on pouvait alors construire la Maison Universelle de Justice. Nous voulions l'Aqdas en anglais. De nombreux passages furent graduellement traduits par Shoghi Effendi qui nous les citait souvent. Certaines lois et ordonnances, pas encore données nous viendraient plus tard, elles exigeaient un travail soigné dont il entreprit lui même une partie vers la fin de sa vie.

Souvent, un croyant enthousiaste ou un groupe, voulait commencer, maintenant, tout de suite, une installation baha'ie dans un petit coin tranquille d'un pays quelconque, afin d'appliquer tous les enseignements économiques baha'is: la projection de l'Utopie sur un champ et non sur une scène. Mais le Gardien répondait: ce n'est pas le moment, concentrez vos efforts a l'augmentation du nombre des croyants, des groupes, des Assemblées. Nous voulions construire une école dans une capitale. La réponse venait: non pas dans la capitale, où le moindre erreur humilierait la cause, avec des fonds et des travailleurs limités, mais dans la brousse, un commencement simple et modeste. Nous voulions une université baha'ie; il n'avait jamais paru a l'auteur de cette suggestion, qui ne s'était probablement jamais endetté dans sa vie, ou essayé de paraître milliardaire, qu'une telle entreprise paralyserait toutes les autres activités nationales et exigerait toutes les ressources, déjà limitées, utilisées pour ouvrir le monde entier a la foi! D'instinct, Shoghi Effendi évitait ce qu'on appelle en commerce la sur expansion. Il prenait des risques, mais toujours des risques raisonnables, son jugement était égal a sa foi.

Il croyait fermement aux miracles, mais il ne traitait jamais le Tout-Puissant comme un illusionniste. Si nous étudions la vie d'Abdu'l-Baha, nous verrons chez lui aussi, cet équilibre merveilleux entre cet esprit pratique, raisonnable et l'assurance sublime de la foi.

Un petit exemple, mais très indicatif, me vient a l'esprit. Que penser du spiritisme? "Le Gardien ne pense pas que ce soit le moment de faire une déclaration particulière a ce sujet" ... il y a des choses plus importantes sur lesquelles les amis doivent concentrer leur attention maintenant, l'établissement de nouvelles Assemblées et de nouveaux groupes." Très souvent, la réponse restait la même, ce n'est pas le moment, pas encore. Plantez la bannière de Baha'u'llah aux coins les plus reculés de la terre, amenez dans son bercail l'humanité, posez les fondations du Royaume mais ne commencez pas a mettre les bibelots dans une maison non encore construite.

Dès le début, Shoghi Effendi commença a mettre de l'ordre dans le petit monde baha'i, a peine quelque trente-cinq pays ayant reçu au moins un rayon de la lumière de Baha'u'llah. Les grandes lignes directrices étaient claires et nettes dans son esprit. Au fur et a mesure qu'il prenait de l'âge et que la communauté des croyants grandissait et acquérait de l'expérience, ces lignes devenaient de plus en plus nettes et des détails étaient ajoutés. Abdu'l-Baha lui-même avait prévu ce développement dans son Testament lorsqu'il disait du Gardien: "que de jour en jour s'accroissent son bonheur, sa joie et sa spiritualité et qu'il puisse devenir comme un arbre fécond." Le temps et l'espace ne permettent pas une récapitulation chronologique de cette évolution. Nous devons essayer de saisir sa grande vision et la façon dont les détails furent graduellement ajoutés. Souvent en écoutant et en observant Shoghi Effendi, je pensais qu'il était le seul vrai baha'i au monde. Tous les autres, ceux qui se disent baha'is, avaient une portion de la foi, la voyaient sous un certain angle, en avaient une certaine conception, aussi large soit elle, coloriée par leurs propres limitations; mais Shoghi Effendi la voyait dans sa totalité, et dans toute sa grandeur et son parfait équilibre. Il n'avait pas seulement la capacité de la voir telle, mais aussi celle d'analyser et d'exprimer brillamment ce qu'il voyait.

Par exemple ce résumé de sa vision de la foi: Il faut affirmer que la Révélation qui s'identifie avec Baha'u'llah abroge inconditionnellement toutes les dispensations qui l'ont précédée, soutient sans compromission les vérités essentielles qu'elles contenaient, reconnaît fermement et absolument l'origine divine de leurs auteurs, conserve inviolée la sainteté de leurs Ecritures authentiques, condamne tout dessein tendant a abaisser le statut de leurs fondateurs ou a combattre les idéaux spirituels qu'elles inculquent, clarifie et met en corrélation leurs fonctions, réaffirme leur objectif commun, inchangeable et fondamental, réconcilie leurs revendications et leurs doctrines apparemment divergentes et reconnaît avec gratitude leurs contributions respectives au développement graduel d'une seule Révélation divine, et se définit sans hésitation, comme un maillon dans la chaîne des révélations progressives et continuelles et ajoute a leurs enseignements les lois et les ordonnances, dictées par la réceptivité croissante et conformes aux besoins impératifs d'une société qui évolue rapidement et change constamment, et proclame qu'elle est prête et capable de faire fusionner les sectes et les factions opposées dans lesquelles ces religions sont tombées, dans une discipline universelle fonctionnant dans le cadre et selon les préceptes d'un ordre divinement conçu, unificateur du monde et rédempteur du monde." On voit immédiatement la place de "la plus grande dispensation religieuse de toute l'histoire spirituelle de l'humanité" dans le panorama de l'histoire.

Cette foi, qui est avant tout l'essence, la promesse, la réconciliatrice, et l'unificatrice de toutes les religions "avait pour mission première" l'établissement d'une civilisation divine. Je me souviens d'une conversation qu'eut Shoghi Effendi avec un de ses professeurs de l'Université américaine de Beyrouth. Ce dernier demanda quel était le but de la vie pour un baha'i. Le Gardien répondit que le but de la vie pour un baha'i était de promouvoir l'unité du genre humain, que Baha'u'llah était apparu a un moment où son message pouvait et devait être adressé au monde entier et non pas simplement aux individus; qu'aujourd'hui le salut venait du salut du monde, du changement mondial, de la réforme mondiale de la société et que la civilisation mondiale qui en résulterait, réagirait, en retour, sur les individus qui la composerait et contribuerait a leur Rédemption. Maintes et maintes fois Shoghi Effendi, dans ses écrits et ses conversations, souligna que ces deux processus devaient aller ensemble: la réforme de la société et la réforme du caractère individuel.

Il n'y avait aucun doute que la régénération individuelle, comme il l'écrivait a un non baha'i en 1926, était "la fondation sûre et durable sur laquelle une société reconstruite" pouvait se développer et prospérer. Mais comment pouvait-on créer un modèle pour la société future, ne serait-ce qu'une petite forme embryonnaire de la future Communauté universelle de Baha'u'llah, si tout autour ses franges étaient entremêlées et tissées avec la trame d'une société mourante, une société qui devait mourir?

Shoghi Effendi prit son scalpel, l'interprétation des écrits de la foi, et commença a couper. Certes une lecture correcte de nos doctrines montrait qu'il n'y avait qu'une seule religion, celle du Dieu Tout-Puissant, et que les prophètes étaient ses interprètes a différentes époques de l'histoire. Il n'en restait pas moins vrai, et Shoghi Effendi nous le fit comprendre, que le devoir de l'homme a chaque nouvelle dispensation était d'accepter celle-ci totalement et de se couper des formes extérieures et des lois secondaires de la religion précédente.

Comment tout chrétien honnête pourrait-il rester dans l'église et prier pour la venue du Père et de son Royaume, alors que dans son for intérieur il savait que Baha'u'llah était le Père et que le Royaume commençait a émerger par l'intermédiaire de ses lois et de son système tels qu'ils apparaissent et sont incarnés dans l'Ordre administratif? Certes les baha'is, de l'Est et de l'Ouest, avaient vaguement compris ce fait, plus ou moins bien selon les lieux, mais maintenant, grâce aux communications du Gardien, ils commençaient a voir la ligne ténue où se rencontraient la lumière et l'ombre, et disparaître la zone inconfortable et crépusculaire des compromis et des convenances personnelles. On devait soit rentrer, soit sortir. Cela purifiait et consolidait le corps entier des croyants, et leur faisait prendre conscience, comme jamais auparavant, du fait qu'ils étaient un peuple, le peuple du nouveau Jour, de la nouvelle dispensation. Pour employer une comparaison simple: Baha'u'llah avait construit le bateau, le Maître avait fait donner la vapeur et Shoghi Effendi levait l'ancre et prenait calmement le large. Au cours des ans, non seulement les non baha'is commencèrent a nous regarder avec des yeux nouveaux, mais nous aussi nous commençâmes a nous voir avec de nouveaux yeux. Petit a petit, nous comprîmes que nous n'étions pas un nouvel aspect de la société dans laquelle nous vivions, mais que nous étions la nouvelle société, que nous étions l'avenir.

C'est a la lumière de ce processus que nous devons voir le déplacement de l'accent mis sur certaines conditions concernant l'acceptation des nouveaux amis baha'is.

Pendant une décennie et demi, Shoghi Effendi encouragea les croyants, surtout ceux de l'Occident, a s'assurer que les postulants étaient conscients de la grandeur de l'étape qu'ils franchissaient. Une rupture franche avec le passé était exigée d'eux. "Autrement", écrivait Shoghi Effendi en 1927, "ceux dont la foi n'est pas encore mûre peuvent rester, en conséquence, indéfiniment sur la circonférence et garder leur attitude d'une allégeance mi sincère aux enseignements de la cause dans leur totalité".

Durant ces années, la foi grandissait en renom et en stature, obtenait dans de nombreux pays occidentaux la reconnaissance de son statut de religion indépendante avec ses propres lois et son propre système, et était aidée dans ce processus par l'arrêt d'une Cour islamique en Egypte déclarant que nous ne faisions pas partie de l'islam et que la foi était aussi distincte de l'islam que le christianisme ou le judaïsme et devenait de plus en plus une foi a part entière. Shoghi Effendi, cependant, restait constamment vigilant.

Il était, d'une façon naturelle, sensible a ce qui affectait la vie de la cause. Il détecta donc une certaine tendance parmi les institutions administratives a aller trop loin dans l'application de ses instructions en ces matières (données en 1933) selon lesquelles les Assemblées devaient être lentes a accepter" les nouveaux croyants. Une nouvelle rigidité menaçait de faire échouer le but principal de toutes les institutions baha'ies: convertir le genre humain a la foi de Baha'u'llah. Les baha'is, dans leur impatience de suivre les instructions de Shoghi Effendi, poussaient a l'extrême leur vigilance et scrutaient les postulants de telle façon qu'il devenait, a la fin, très difficile de devenir baha'i En conséquence, en 1938, Shoghi Effendi trouva nécessaire de dire aux Assemblées Nationales de "s'abstenir d'insister sur des observations et des croyances mineures, qui pourraient devenir un obstacle infranchissable sur le chemin de tout postulant sincère" et souligna que le devoir des communautés baha'ies était d'éduquer les nouveaux croyants, après leur acceptation de la foi, jusqu'à leur maturité baha'ie.

Comme la foi grandissait en force et cohésion internes, comme les Assemblées nationales se formaient les unes après les autres, et commençaient a fonctionner énergiquement et systématiquement, comme les gens prenaient de plus en plus conscience de cette nouvelle religion en tant qu'une révélation indépendante avec un système qui lui était propre, les institutions du Gardien changèrent en particulier, lors du grand Plan de Dix ans d'enseignement et de consolidation.

Maintenant, nous étions forts, maintenant, nos fondations étaient solidement posées, maintenant nous pouvions traiter, enfin, avec les masses de l'humanité dans tous les pays du monde. Laissez les portes ouvertes et amenez-les dans l'arche de salut de Baha'u'llah! Le temps était venu d'obéir a l'injonction de Baha'u'llah: "Invitez les peuples de ces pays, capitales, îles, assemblées et églises a entrer dans le Royaume d'Abha." En d'autres termes, ayant réalisé son dessein, Shoghi Effendi changeait de tactique. Il informait l'Assemblée d'Amérique que les exigences fondamentales auxquelles devait satisfaire un candidat étaient: Accepter le rang du Bab, le Précurseur, de Baha'u'llah, l'Auteur et d'Abdu'l-Baha, l'Exemple de la foi, une soumission a tout ce qu'ils avaient révélé, une adhésion loyale et ferme aux clauses du Testament du Maître, et une association étroite avec l'esprit et la forme de l'Administration mondiale baha'ie. C'étaient les "facteurs principaux" et toute tentative d'analyse et d'élucidation, disait-il, ne mènerait qu'a des discussions stériles et a des controverses et nuirait a la croissance de la cause. Il terminait son exposé sur ce sujet délicat en invitant les amis a s'abstenir de tirer des lignes rigides de démarcation "a moins que quelque circonstance particulière le rendit absolument nécessaire."

Le Bab, Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi étaient de grands Educateurs. Leurs ministères, très différents les uns des autres, étaient en premier lieu consacrés au but sublime d'amener toute l'humanité sous la Tente de cette foi qui guérit l'âme, lui donne la paix et qui la régénère. Maintes et maintes fois, avec insistance, pendant trente-six ans, Shoghi Effendi nous invita a "la tâche éminente de l'enseignement de la foi aux multitudes... une tâche", nous assura-t-il dans son dernier message de Ridvan au monde baha'i "... avant tout si sacrée, si fondamentale et si urgente; impliquant et mettant au défi tout individu, en premier lieu; la roche de fond sur laquelle doivent reposer la solidité et la stabilité des institutions qui se multiplient d'un Ordre qui se lève. Une telle tâche doit, au cours de cette année, recevoir la priorité sur toute activité baha'ie", une tâche a laquelle Baha'u'llah lui-même a accordé la priorité, comme nous le rappelait constamment Shoghi Effendi, en nous rappelant des citations comme celle-ci:

"Enseignez la cause de Dieu, ô peuple de Baha, car Dieu a prescrit a chacun le devoir de proclamer son message et le considère comme le plus méritoire des actes"; "Concentrez vos énergies sur la propagation de la cause de Dieu"; C'est le jour où il faut parler. Il incombe au peuple de Baha de s'efforcer, avec la plus grande patience et tolérance, a guider les peuples du monde vers le Plus Grand Horizon (lui-même)."; "Déliez vos langues et proclamez sans cesse sa cause. Ce serait mieux pour vous que tous les trésors du passé et du futur..." Baha'u'llah attachait une telle importance a l'enseignement de sa cause qu'il admoneste fortement ses adeptes: Celui qui ne peut partir lui-même, "c'est son devoir de désigner celui qui proclamera, a sa place, cette révélation". En 1938, Shoghi Effendi écrivit que ce "Mandat d'enseigner, si vitalement obligatoire a tous", devait devenir "la préoccupation dominante" de chaque baha'i, que les Assemblées devraient, a chacune de leurs sessions consacrer un temps pour la "considération consciencieuse et dans un esprit de prière des voies et des moyens permettant d'entretenir la campagne d'enseignement."

Le Gardien expliqua clairement que celui qui enseignait devrait "s'abstenir, au commencement, d'insister sur les lois et les observations qui pourraient imposer une épreuve trop sévère a une foi nouvellement réveillée... qu'il ne soit pas satisfait tant qu'il n'a pas infusé a son enfant spirituel un désir si profond qui le pousse a se lever indépendamment a son tour, et a consacrer ses énergies pour ranimer d'autres âmes, et a soutenir les lois et les principes établis par sa foi nouvellement adoptée."

Si quelqu'un compilait ce que le Gardien écrivit au sujet de l'enseignement, ce serait un livre de bonnes dimensions. Mais on voit a travers cela que l'objectif était très net, que le devoir était fixé et que les méthodes étaient adaptables et fluides. Shoghi Effendi employa de nombreux termes pour désigner les nouveaux baha'is et pour parler de leur acceptation de Baha'u'llah: il les appela "convertis, "les candidats", "les adeptes déclarés", "nouveaux croyants", "défenseurs sans réserves" de Baha'u'llah, et beaucoup d'autres mots expressifs; il disait qu'ils étaient "enrôlés", "convertis", qu'ils avaient "déclaré leur foi"; "embrassé la foi", "enregistré" sous la bannière de Baha'u'llah, épousé sa cause", "rejoint les rangs" des fidèles etc... A l'époque des clichés banaux et stéréotypés, nous pouvons très bien nous en rappeler. Je pourrais ajouter que je ne l'ai jamais entendu rabaisser l'acceptation de la manifestation suprême de Dieu a cette Phrase horrible et insignifiante quand elle est appliquée a la renaissance spirituelle de l'homme: "il a signé sa carte".

Shoghi Effendi n'abandonna jamais l'emploi correct de la langue anglaise, sous prétexte que certains mots avaient une résonance impopulaire. La foi baha'ie n'a ni prêtre, ni missionnaire, mais les baha'is entreprennent "des voyages missionnaires" dans le but déclaré de "conversion".


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