La perle
inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani
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Chapitre 14. Lignes directrices
Une compréhension correcte de l'évolution
de la cause ne peut être obtenue a moins que certaines vérités fondamentales
qu'elle enchâsse ne soient clarifiées. Abdu'l-Baha affirma l'une d'elles, lorsqu'il
écrivit: "Depuis le commencement des temps jusqu'au jour présent, la lumière
de la révélation divine s'est levée a l'Est et a répandu son rayonnement sur
l'Ouest. L'illumination ainsi répandue a toutefois acquis, en Occident, une
brillance extraordinaire." C'était l'affirmation d'un principe général, fié
au phénomène religieux sur cette planète. Mais dans la dispensation baha'ie'
le travail évident et spécifique de ce principe a été mis a nu, sous nos yeux,
sur une période de plus de cent vingt-cinq ans. Le Bab, dans son premier et
le plus important de ses livres, le Qayyùmu'l-Asma, appela les peuples de l'Ouest
a quitter leurs villes et a assurer le triomphe de sa cause.
Baha'u'llah, dans son livre le plus saint, le Kitab-i-Aqdas, s'adressa aux dirigeants
du continent américain et les appela a se lever et a répondre a son Appel. A
la force vitale libérée par ces premières déclarations des Manifestations jumelles
de Dieu, fut ajoutée l'attention concentrée et personnelle du Centre du Covenant.
Depuis l'époque où, immédiatement après l'ascension de Baha'u'llah, il fut mention
de lui, pour la première fois, a l'Exposition Universelle de Columbia tenue
en 1893 a Chicago, l'Amérique du Nord a été baignée par les vagues des épanchements
divins émanant de la plume et de la personne d'Abdu'l-Baha, et plus tard par
les directives incessantes et les encouragements de Shoghi Effendi. Le Gardien
nous dit que le Plan divin d'Abdu'l-Baha prenait son inspiration des paroles
de Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas et était le résultat du contact direct
du Maître avec les croyants canadiens et américains, au cours de son voyage
en Amérique du Nord.
La combinaison de l'amour du Père pour le premier né, la première nation d'Occident
a répondre a son message avec la vitalité du Nouveau-monde lui-même, paraît
avoir investi, d'une manière belle et mystérieuse, les Baha'is de l'Amérique
du Nord d'une position et de pouvoirs sans parallèles dans l'histoire. Abdu'l-Baha
lui-même leur conféra le titre "d'Apôtres de Baha'u'llah" et ils furent "l'objet"
écrivit Shoghi Effendi , de la tendre sollicitude d'Abdu'l-Baha... le centre
de ses espoirs, le destinataire de ses promesses et le bénéficiaire de ses bénédictions..."
Tout au long du ministère de Shoghi Effendi, ils reçurent affection et des encouragements
égaux a ceux du Maître. En fait ce fut la continuation du même amour et de la
même politique. Le Gardien disait en parlant d'eux: "L'infatigable communauté
baha'ie américaine qui progresse irrésistiblement, qui se développe majestueusement",
le berceau et la citadelle" de l'Ordre administratif, "choisie par le Tout-Puissant
pour recevoir une mesure si unique de faveur".
Il s'adressa a eux, dans ses nombreuses lettres, comme "ses frères les plus
estimés et les mieux aimés", "si chèrement aimés, richement dotés, inflexiblement
résolus". Ils avaient été investis, dit-il, de "la suprématie spirituelle" par
Abdu'l-Baha, et étaient "les dépositaires désignés et principaux" du Plan divin
"divinement conçu, enveloppant le monde" qui leur conférait une mission mondiale
qui était "le patrimoine sacré des disciples américains de Baha'u'llah". Bien
plus, ils n'étaient pas seulement les exécutants de ce mandat enchâssé dans
ce Plan, mais les "Exécuteurs du Testament d'Abdu'l-Baha" et pour ces raisons,
ils étaient "les bâtisseurs champions de l'Ordre embryonnaire de Baha'u'llah"
et les "porte-flambeaux d'une civilisation mondiale" et les "rédacteurs et les
gardiens privilégiés de la constitution de la foi de Baha'u'llah".
Dans ces observations sur l'accomplissement des vérités contenues dans les enseignements,
Shoghi Effendi souligna qu'il y avait des forces en travail "qui, par un remarquable
balancement de pendule, avaient entraîné le centre administratif de la foi a
graviter loin de son berceau, aux bords du continent américain." "A leurs frères
persans qui au cours de l'Âge héroïque de la foi avaient remporté la couronne
du martyre, les croyants américains, précurseurs de son Age d'or, succédaient
maintenant dignement"; ils étaient devenus les descendants spirituels des héros
de la cause de Dieu". C'était leur destinée et la destinée de cette communauté
"très aimée", "vaillante et magnanime", "choisie par Dieu", ce "bras invincible,
cet organe puissant" de la foi, alors qu'elle poursuit sa "mission unique",
"d'être acclamée comme le créateur et le bâtisseur champion de l'Ordre mondial
de Baha'u'llah".
La naissance de la communauté américaine fut, considérait Shoghi Effendi, un
des épisodes les plus nobles de la foi; son développement était directement
dû au Testament du Maître. Ce que le Gardien négligeait d'ajouter, selon son
habituel et extrême effacement personnel, c'était sa propre exécution du Testament,
sa fidélité envers celui-ci et sa mise en oeuvre des directives qu'il contenait.
En 1923, dans une de ses premières lettres, en tant que Gardien, a l'Assemblée
Spirituelle de New-York, Shoghi Effendi définit en quelques mots son attitude
envers l'Amérique, une attitude qui ne changera jamais: "Conscient des prédictions
nettes et emphatiques de notre bien-aimé Maître concernant le rôle éminent que
l'Occident est appelé a jouer pendant les premières étapes du triomphe universel
du mouvement, j'ai tourné, depuis son ascension, mes yeux, dans une attente
pleine d'espérance, vers les rivages lointains de ce continent." "Combien souvent",
écrivit-il a l'Assemblée Nationale d'Amérique cette même année, "j'ai souhaité
et désiré ardemment d'être plus près du champ de vos activités et de pouvoir
ainsi être en contact de façon plus constante et plus étroite avec chaque détail
des nombreux services que vous rendez."
Une relation de tendresse et de confiance mutuelle grandit entre le jeune Gardien
et ceux qu'il appelait "les enfants d'Abdu'l-Baha". Lorsque les clauses du Testament
du Maître furent connues, après leur lecture officielle le 7 janvier 1922, l'institution
nationale, encore connue sous le nom de "Baha'i Temple Unity" ou "Executif Board",
lui câbla le 20 janvier". "Amérique se réjouit désignation - Vous offre ses
services dévoués coopération". Tous deux étaient jeunes, le Gardien et la communauté
américaine, et il y a quelque chose de profondément émouvant dans le fait qu'ils
ont grandi ensemble au cours de son ministère. Après sa dépression et sa retraite
temporaire en 1922, il télégraphia a l'Amérique a son retour, le 16 décembre,
"la marche en avant de la cause n'a pas été et ne peut jamais être arrêtée.
Je prie le Tout Puissant que mes efforts, maintenant reposé et rassuré, conduisent
avec votre soutien constant, a une glorieuse victoire".
L'Assemblée nationale répondit le 19: "Votre message a rafraîchi et revivifié
chaque coeur semblable au refonctionnement du corps de l'unité - Puisse le pouvoir
d'une unité maintenue en Amérique être votre aide toujours présente Notre amour
loyauté coopération unité et bonheur pour VOUS.
Une de ses premières lettres a l'Amérique, en elle-même très révélatrice de
son état d'esprit, est libellée ainsi: "Aux membres de l'Assemblée Spirituelle
Nationale, les représentants élus de tous les croyants de tout le continent
américain". Cette lettre est datée du 23 décembre 1922, et mentionne après le
libellé ci-dessus, les noms des membres de l'Assemblée. Shoghi Effendi y affirme
entre autres choses: "... la façon efficace dont vous avez exécuté mes modestes
suggestions a été une source de grand encouragement pour moi et a revivifié
la confiance dans mon coeur... J'ai lu et relu les rapports de vos activités,
j'ai étudié minutieusement les mesures que vous avez prises en vue de consolider
les fondations du mouvement en Amérique, et j'ai appris avec un sentiment de
satisfaction les plans que vous envisagez pour la poussée et la propagation
de la cause dans votre grand pays..." Il n'attend pas seulement, assure-t-il,
"toutes les joyeuses nouvelles sur l'approfondissement et la propagation de
la cause pour laquelle notre bien-aimé Maître a donné son temps, sa vie, son
tout", mais encore, il se souvient de leurs "efforts d'amour et de service chaque
fois que je pose ma tête sur les Seuils sacrés." Et, il signe: "Votre frère
dans son service".
Nous devons toujours nous rappeler que c'est cette association avec l'Amérique,
inhérente a la destinée de la foi, qui conduisit a l'établissement et au développement
de l'ordre administratif partout dans le monde... La matrice de cet ordre fut
perfectionnée en Amérique, et quoique sous une forme embryonnaire, elle existait
déjà au temps d'Abdu'l-Baha. Shoghi Effendi ne changea jamais d'attitude envers
l'Amérique. En 1923 il écrivait: "je vous assure encore de ma disponibilité
et de mon désir d'être de quelque aide et service a ces serviteurs fidèles et
dévoués de Baha'u'llah dans ce pays". En 1939 il écrivait: "Pour ma part, je
suis décidé a renforcer l'élan qui pousse ses membres en avant a la rencontre
de leur destin."
A l'ascension d'Abdu'l-Baha, les baha'is d'Amérique étaient en pleine crise
de violation du Covenant. Au choc de sa disparition et a la vague d'angoisse
et de désespoir qui déferla sur eux, succéda une vague d'espérance et d'amour
lorsqu'ils fixèrent leurs regards sur leur jeune Gardien.
(Photo)
Toute aide dépend de deux facteurs: elle dépend de celui qui en a besoin et
désire la recevoir et de celui qui désire aider et peut le faire. Shoghi Effendi
trouva une Amérique impatiente et disponible et la guida activement. Il télégraphia
a la Convention de 1923: "Que la Convention de cette année puisse... inaugurer
une campagne sans pareille d'enseignement est en vérité mon ardente prière.
Que le message de Ridvan soit: Unissez-vous, approfondissez-vous, levez-vous."
Le capitaine avait le gouvernail en main. Dans les tempêtes et en eau calme,
durant les années d'épreuves et en temps de guerre et de paix, dans sa jeunesse,
a l'âge mûr et vers la fin de sa vie, Shoghi Effendi ne cessa jamais de guider,
d'aimer, d'admonester et d'encourager cette "éminente communauté du monde baha'i",
une communauté qui avait été, l'écrivit-il une fois, "choisie par le Tout-Puissant
pour recevoir une mesure si unique de faveur... distinguée de ses communautés
soeurs par la révélation d'un Plan émanant directement de l'esprit et de la
Plume de ses fondateurs", "reconnue comme la citadelle inexpugnable de la foi
de Dieu et le berceau des institutions naissantes de son Ordre mondial", "dont
l'élévation sur le trône de l'empire éternel a été anticipée avec confiance
par le Centre du Covenant. "
"Chaque fois", écrivit Shoghi Effendi a une des Assemblées locales d'Amérique
le 6 janvier 1923, un an après la lecture du Testament d'Abdu'l-Baha, "que
je me remémore les messages d'amour, de confiance et d'espérance que notre Bien-Aimé
a exprimés en des termes si ardents dans ses innombrables Tablettes aux bien-aimés
d'Amérique, je sens que tôt ou tard le secret de cet amour illimité doit apparaître
et le grand continent si proche et si cher a son coeur doit bientôt se déployer
totalement vers la gloire de sa révélation".
Il est impossible de séparer l'édification de l'ordre administratif dans le
monde de l'évolution de la communauté baha'ie américaine et particulièrement
des croyants des Etats-Unis, car ces deux procédures ne font pratiquement qu'une
seule et même chose. A quelques exceptions près, pendant trente-six ans, le
modèle en matière administrative, les grandes directives concernant l'enseignement;
les concepts façonnant le monde et les plans contenus dans les lettres générales
du Gardien, furent adressés a cette communauté, publiés et relayés par elle.
Cela ne signifie pas que le Gardien ignorait la Perse et les autres communautés
baha'ies, loin de là.
Il avait des relations indépendantes, très personnelles et affectueuses avec
chacune d'elles, relations formées, avec les communautés les plus anciennes,
en même temps qu'avec l'Amérique, relations qui ne furent jamais négligées et
qui ne fléchirent jamais, par le passage des ans. Il fut toujours le Gardien
de tous. Mais le corps des fidèles de l'Amérique fut, par l'oeuvre mystérieuse
de la Providence, chargé de responsabilités uniques, et le destinataire d'honneurs
sans pareil. Dans The America and the Most Great Peace (l'Amérique et la Plus
Grande Paix), écrit en 1933, Shoghi Effendi affirme la position de l'Amérique
dans des termes sans équivoques: "L'Administration de la foi invincible de Baha'u'llah"
écrit-il, est née de l'angoisse qui suivit l'ascension du Maître. La disparition
d'Abdu'l-Baha libéra "les énergies potentielles" qui "se cristallisèrent dans
cet organe suprême et infaillible pour l'accomplissement d'un objectif divin".
Le Testament d'Abdu'l-Baha énonça ses traits et modalités, l'Amérique épousa
la cause de l'administration. "Il lui fut donné, a elle seule... de devenir
la championne intrépide de cette administration, le pivot de ses institutions
nouvellement nées et le principal promoteur de son influence. "
Aministrateur né, d'un esprit et d'un tempérament ordonné et précis, Shoghi
Effendi entreprit d'organiser les affaires de la foi d'une manière systématique.
Les deux cu trois premières années, il tenait une liste de sa correspondance.
Plus tard, l'augmentation du volume de cette correspondance, les problèmes,
la fatigue et le manque d'aides valables rendirent cela impossible. Cette liste
nous apprend qu'il écrivait a ces endroits: Amérique, Grande Bretagne, France,
Allemagne, japon, Mésopotamie, Caucase, Iran, Turkestan, Turquie, Australie,
Suisse, Inde, Syrie, Italie, Birmanie, Canada, Iles du Pacifique, Egypte, Palestine,
Suède. Il écrivait également a de nombreux centres dispersés en Amérique, Europe,
Afrique du Nord, Moyen et Extrême-Orient. Il dénombre soixante-sept centres
en 1922-23; quatre-vingt-huit en 1923-24, quatre-vingt-seize en 1924-25. Nous
le voyons retrousser ses manches, tremblant littéralement a cause de la maladie
et de la fatigue, et saisir les rênes des affaires du royaume étendu de Baha'u'llah
dont il devint l'héritier en 1921.
La grande majorité des Baha'is résidaient encore en Iran et dans les pays voisins.
Il y avait une petite communauté loyale et dévouée en Amérique du Nord, d'autres
communautés, encore plus petites, en Europe, en Afrique, dans le sous-continent
indien et dans les régions du Pacifique.
La plupart de ces croyants, y compris certains membres de la famille d'Abdu'l-Baha,
ne savaient pas exactement ce qu'était exactement la foi, n'avaient aucune idée
de la forme qu'elle allait prendre a la suite des instructions du Maître dans
son Testament et comprenaient encore moins son ordre administratif. Certains
corps étaient appelés Assemblées spirituelles, mais leurs fonctions et leurs
membres étaient le plus souvent vagues et elles avaient peu de ressemblance
avec ce que nous connaissons aujourd'hui comme Assemblées spirituelles. L'institution
nationale des Etats-Unis qui existait depuis 1908 était connue sous le nom de
"Baha'i Temple Unity". Elle fut incorporée en 1909 et se donna un "Exécutive
Board"; en plus des délégués a la Convention nationale, il y avait des "délégués
suppléants". L'Assemblée de Chicago était connue sous le nom de "La Maison de
la Spiritualité des baha'is de Chicago", qui a un moment donné comptait neuf
membres et deux "membres consultants".
A New-York, il y avait un corps de neuf personnes appelé "The Board of Consultation
- NewYork Metropolitan District"; les baha'is d'une ville de la Californie écrivirent
a Shoghi Effendi qu'ils avaient élu un comité de douze personnes comme leur
Assemblée locale. Bien que des élections aient eu lieu depuis plus d'une décennie
avant l'ascension d'Abdu'l-Baha, ces soi-disant institutions administratives
étaient des formations fonctionnant au hasard, embryonnaires dans le vrai sens
du terme. En Iran, la situation était non seulement confuse, mais de plus, la
grande masse amorphe des croyants était si persécutée, si opprimée, qu'il fallut
de nombreuses années au Gardien pour mettre de l'ordre dans ce chaos. D'autres
pays étaient également ignorants des principes de l'ordre administratif de la
cause. Les baha'is britanniques avaient spontanément formé, en 1922, un "Conseil
baha'i pour prendre en charge les affaires nationales. L'Inde avait, sous une
certaine forme, une Assemblée nationale, car en 1923, Shoghi Effendi déclarait
que "quoique la Birmanie ait son propre "Conseil Central" elle reste néanmoins
sous la juridiction de "l'Assemblée Nationale de tous les Indiens". En 1921,
l'Allemagne avait tenu une Convention nationale, mais un corps national ne fut
élu qu'en 1922. Pendant ces premières années, les affaires baha'ies en Iran,
au Caucase et en Turkestan furent administrées, dans chacun de ces pays, par
une Assemblée locale remplissant les fonctions d'une Assemblée nationale ou
d'un Conseil national, en attendant qu'une Convention nationale représentative
et libre puisse avoir lieu.
C'est ainsi qu'Abdu'l-Baha, avant son ascension, Shoghi Effendi et les baha'is,
immédiatement après cet événement, avaient pu porter l'enfant nouveau-né de
l'administration baha'ie. En 1922, il n'y avait, dans tout le monde baha'i,
qu'une institution nationale, celle de l'Amérique, qui pouvait ressembler vaguement
a une Assemblée nationale, nationalement élue telle que nous le concevons aujourd'hui.
La masse dispersée, hétérogène, non organisée mais loyale des croyants dans
le monde avait, en plus, d'autres handicaps a surmonter. Les amis iraniens,
pleinement conscients de l'indépendance totale de leur foi, une indépendance
a laquelle ils avaient sacrifié largement leur vie, n'étaient pas encore parvenus
a se libérer de certaines coutumes nationales et de se guérir des maux en opposition
complète avec les enseignements de la cause. L'Iran était encore une terre crépusculaire
baignée par les traditions de l'islam et par de nombreux abus que son déclin
général avait créé au cours des siècles. Le principe de la monogamie n'était
ni strictement pratiqué ni correctement compris. La consommation des boissons
alcoolisées était encore largement répandue, l'interdiction catégorique de Baha'u'llah
concernant l'emploi des narcotiques n'avait pas été pleinement saisie dans un
pays empoisonné par l'usage de l'opium et des autres drogues.
A l'Ouest, particulièrement en Amérique où l'on trouvait le plus grand groupe
des croyants d'Occident, les baha'is quelque attachés qu'ils fussent a cette
nouvelle foi qu'ils avaient adoptée, étaient encore empêtrés dans des affiliations
a des églises et des sociétés; affiliations qui ne servaient qu'a dissiper leurs
ressources extrêmement limitées, a dilapider leurs capacités au lieu d'une activité
concentrée pour la cause de Dieu, a affaiblir leurs revendications sur le caractère
indépendant de la foi. Ni en Orient, ni en Occident, on ne trouvait des baha'is
ayant une vue claire sur la non-affiliation et la non-participation aux partis
et activités politiques. Shoghi Effendi s'attaqua de deux façons a cette situation
quelque peu nébuleuse du monde baha'i Il créa d'abord une méthode universelle,
cohérente et consistante pour diriger la vie du monde baha'i et pour organiser
ses affaires, méthode basée sur les enseignements et les exposés du Maître.
Il éduqua aussi les croyants, leur faisant comprendre les objectifs, les implications
et les vérités de leur religion.
Le génie d'organisation de Shoghi Effendi, (indubitablement un des traits marquants
de son caractère qui lui était divinement accordé pour faire face aux besoins
de l'âge de formation de la foi) lui permit de créer très rapidement un système
uniforme et précis d'assemblées nationales et locales dans tout le monde baha'i.
Le premier pas en ce sens fut de faire en sorte que l'institution nationale
en Amérique soit correctement nommée et dûment élue en tant que telle. Immédiatement
après l'annonce des clauses du Testament d'Abdu'l-Baha un certain nombre de
baha'is éminents d'Amérique se rendirent a Haïfa pour visiter les Mausolées
et pour voir le Gardien. Le 4 mai 1922, Corinne True, qui était au nombre de
ces baha'is, écrivait au Gardien:
L'esprit de la Convention a été très merveilleux et une nouvelle ère dans la
cause a été inaugurée par votre lettre. Les délégués de soixante-cinq centres
du Canada et des Etats-Unis étaient présents... J'ai essayé de présenter a ces
amis le plan que vous m'avez ordonné, quand j'étais a Haïfa... le résultat de
cette Convention a été l'élection de 'l'Assemblée Spirituelle Nationale' ou
Bureau Exécutif... Ces neuf hommes et femmes sont vos serviteurs a tout moment,
demandant la confirmation du Centre du Covenant, afin qu'ils puissent vous rendre
des services fidèles en toute chose pour l'avancement de la cause..." Mme True
ainsi que quelques uns des autres baha'is qui avaient reçu les instructions
du Gardien a Haïfa, pendant les premiers mois du Gardiennat avaient été élus
dans cette assemblée.
Le 4 avril 1923, Shoghi Effendi télégraphiait a cette nouvelle institution nationale
"Insiste fortement réélection toutes Assemblées locales premier Ridvan 21 avril".
Les répercussions de cette insistance de Shoghi Effendi sur la nécessité d'un
système, sur l'uniformité des élections baha'ies, sur le titre correct des institutions,
semblent avoir atteint tout le monde baha'i. Partout, il y avait un mouvement,
constamment encouragé et favorisé par Shoghi Effendi, pour élire de nouvelles
assemblées locales et pour les f aire fonctionner selon les principes qu' Abdu'l-Baha
avait posés. Malgré ces premiers efforts pour assurer la formation effective
des assemblées, ce fut une tâche que Shoghi Effendi dût poursuivre activement
pendant des années, car très souvent les amis négligeaient d'élire ou de réélire
leur institution locale. Les baha'is, impatients mais quelque peu embrouillés,
accueillirent avec joie les directives du Gardien. En expliquant les choses,
elles devenaient plus claires pour lui aussi.
Dans deux copies de ses lettres écrites en décembre 1922, aux représentants
nationaux, on trouve les termes de "Assemblée Nationale Spirituelle" et "Assemblée
Locale Spirituelle". Plus tard, il adopta définitivement les titres plus descriptifs
de "Assemblée Spirituelle Nationale" et "Assemblée Spirituelle Locale". Le même
mois, il avait écrit aux croyants de Paris, en France: "Ce serait pour moi une
véritable satisfaction et une joie d'apprendre l'établissement d'une Assemblée
Spirituelle Locale, correctement constituée fonctionnant efficacement et officiellement
reconnue par les membres de la grande famille baha'ie. J'aimerais fortement
insister auprès de vous, si une telle assemblée n'a pas été encore formée, pour
établir un tel centre défini et fixe pour la cause, centre qui, quoiqu'il puisse
paraître au départ purement formel remplira néanmoins un vide dans l'administration
uniforme du mouvement dans le monde et, j'en suis certain, formera un noyau
autour duquel s'assembleront de nombreuses âmes dans le futur..." Approchant
les baha'is avec un tel amour, tact et franchise, comme nous le montre l'extrait
de cette lettre, qui n'était certes pas unique, il n'est pas surprenant que
Shoghi Effendi ait rencontré une coopération universelle. Lorsque la réponse
a son appel lui parvenait, il félicitait et congratulait très rapidement les
amis. Dans le cas de Paris, il attendit plus d'un an pour pouvoir lui envoyer
le câble suivant: "Félicitations sincères inauguration d'Assemblée spirituelle
".
Quelques communautés avaient déjà, a la suite des encouragements d'Abdu'l-Baha,
établi des comités. Les correspondances du Gardien avec l'Assemblée Nationale
d'Amérique des années 1922, 1923, montrent qu'il existait alors des Comités
nationaux d'enseignement, de publication et de révision, de bibliothèque, d'éducation
des enfants, de Star of the West, d'Amitié des races et des Archives nationales.
Il est a la fois étonnant et fascinant de constater que tout ce qui existait
a la fin de son ministère, était déjà la a son commencement. Au cours des ans,
il amplifia ses pensées, élabora ses thèmes, mûrit, et la cause mûrit avec lui,
mais tout était complet, en embryon, lorsqu'il commença a diriger les affaires
de la foi. Les instructions qu'il avait données aux premières institutions nationales
et aux communautés, étaient différentes par leur qualité, mais non dans leur
genre, de celles qu'il donna a la fin de sa vie. Prenons par exemple son télégramme
a la Convention nationale américaine de 1923.
"... Vous êtes, a cette heure pleine de défis de l'histoire de la cause,
au seuil d'une nouvelle ère; les fonctions que vous êtes appelés a remplir sont
fertiles en possibilités immenses; les responsabilités que vous portez sont
graves et importantes; et les yeux de beaucoup de gens sont tournés... vers
vous, attendant de voir poindre le jour qui témoignera de l'accomplissement
de sa divine promesse". Presque tous les événements des trente-cinq ans a venir
sont contenus dans ces courtes phrases.
L'éducation des baha'is selon les principes étayant le système social de Baha'u'llah
devint, pendant de nombreuses années, la préoccupation principale du Gardien.
Les baha'is avaient l'habitude de croire dans les enseignements, d'essayer de
les propager parmi leur prochain, d'avoir, au moins, une petite vie communautaire
par l'intermédiaire des fêtes, des réunions, des commémorations des jours saints.
Mais ils n'avaient pas l'habitude de travailler d'une manière coordonnée en
tant que membres d'une organisation au vrai sens du terme. Ils n'avaient pas
non plus l'habitude de garder ouvert le système de communication a l'intérieur
de la foi. Shoghi Effendi comprit dès le commencement que le travail qui l'attendait
exigeait qu'il ait une connaissance précise de ce qui se passait dans les communautés
baha'ies, de l'état de leurs activités et de leurs efforts pour l'édification
du système administratif de la cause.
Ceci nécessitait non seulement une correspondance régulière avec les institutions
nationales, mais aussi avec toutes les Assemblées locales. Les institutions
nationales étaient faibles ou pratiquement inexistantes, les Assemblées locales,
en général, encore plus faibles. Il sentit qu'il était essentiel d'être en contact
avec elles toutes. En décembre 1922, il informait l'Assemblée Nationale d'Amérique:
"je serais heureux et reconnaissant, si vous pouviez informer toutes les différentes
assemblées spirituelles locales de mon désir et souhait de recevoir aussitôt
que possible de chaque assemblée locale un rapport détaillé et officiel sur
leurs activités spirituelles, sur le caractère et l'organisation de leur assemblée
respective, des récits sur leurs réunions publiques et privées, sur la position
effective de la cause dans leur province et sur leurs plans et dispositions
pour l'avenir... Je vous prie de transmettre a chacune d'elles mes meilleurs
voeux et l'assurance de mon aide sincère a leur travail au service de l'humanité."
Un an plus tard, il écrivait a l'Assemblée Nationale allemande: "je suis très
désireux de recevoir de l'Assemblée Spirituelle Nationale des rapports fréquents,
complets et a jour sur la position présente de la cause en Allemagne, avec un
récit des activités des différents centres baha'is récemment établis partout
dans ce pays."
Il n'avait pas seulement l'intention de recueillir des informations au Centre
mondial, mais encore d'encourager et de stimuler les communautés oppressées
d'Orient en leur faisant parvenir les bonnes nouvelles de leurs communautés
soeurs d'Occident. Il le dit clairement dans une lettre a l'Assemblée Locale
de New York écrite en février 1924: "Comme je l'ai déjà indiqué dans ma première
lettre a l'Assemblée Spirituelle Nationale, je serai très heureux de recevoir
de chaque centre baha'i d'Amérique des rapports réguliers et complets sur la
position de la cause et sur l'activité des amis. Je les transmettrai avec joie
aux amis partout en Orient qui, a l'heure présente d'inquiétude et de tourments,
seront heureux, j'en suis sûr, d'apprendre la croissance constante et pacifique
de la foi dans votre pays... attendant vos joyeuses nouvelles..."
Ce système devait fonctionner de deux façons, comme il l'avait déjà écrit au
"Conseil National" des baha'is britanniques, en décembre 1922: "je commence
maintenant a correspondre avec chaque centre local baha'i de l'Est et je ne
manquerai pas de donner des instructions et de presser les croyants de partout
pour qu'ils envoient directement par l'intermédiaire de leur Assemblée locale,
les joyeuses nouvelles du progrès de la Cause, sous forme de rapports réguliers
et détaillés, aux différentes Assemblées de leurs frères et soeurs spirituels
de l'Ouest." Il écrivit aux baha'is de Leipzig: "J'attends affectueusement et
impatiemment vos lettres".
Il écrivit aux croyants du japon: "Mon espoir est que les amis du japon m'écrivent
dorénavant des lettres fréquentes et détaillées et me donnent leurs projets
de services futurs a la cause de Baha'u'llah". Il en fit de même avec les
amis des Iles du Pacifique. Ces sentiments étaient exprimés maintes fois dans
les premières lettres du Gardien aux centres locaux des différents pays. Mais
ce n'était pas facile d'encourager la réponse concrète qu'il cherchait. Il passa
tout au long de son ministère, la majeure partie de son temps a rappeler aux
baha'is leurs devoirs et leurs tâches. "Attends rapports fréquents et complets
d'Assemblée Nationale;" télégraphiait-il a l'Amérique en 1923. De tels rappels
n'étaient aucunement rares. "Aucune lettre de l'Assemblée Nationale ces deux
derniers mois" télégraphiait-il en 1924; "Attends impatiemment rapports fréquents
et détaillés de l'Assemblée Nationale" câblait-il en Inde en 1925.
Dans leurs coeurs, les baha'is, un groupe d'hommes et de femmes sincères et
affectueux ayant foi en Baha'u'llah et croyant en lui, étaient conscients de
leur lien international d'unité dans la foi. Mais ce n'était pas suffisant.
Le temps était venu pour une conscience dynamique, agissante et quotidienne
de ce fait. En Plus des rapports et des lettres que Shoghi Effendi envoyait
et recevait, il renforça, ranima et encouragea certaines publications déjà existantes
et soutenues par Abdu'l-Baha même. Le Star of the West, publié en Amérique,
était le plus ancien et le plus connu de ces périodiques. Il y avait en outre
The Sun of Truth, publié en Allemagne, The Dawn, publié en Birmanie, The Baha'i
News of India, publié en Inde, et le Khorshid-i-Khavar publié en Ishqabad. Le
Gardien donna une aide enthousiaste a toutes ces publications.
Il écrivit aux baha'is de la Syrie, en février 1923, qu'ils devraient souscrire
aux magazines baha'is The Star of the West, The Baba'i News of India et Khorshid-i-Khavar.
Sa conception de ces publications étaient éloquemment énoncée dans une lettre
aux rédacteurs de The Dawn de 1923: "Universel dans ses exposés, progressif
et pratique dans les mesures qu'il préconise, fidèle aux traditions sacrées
et aux principes de la cause, précis dans ses méthodes, impartial dans ses vues,
élevé et impressionnant dans son style, puisse-t-il progresser résolument et
sans encombres vers l'accomplissement de sa destinée."
Pendant ces premiers mois, il écrivit au rédacteur des Baha'is News de l'Inde:
"J'ai récemment demandé aux amis d'Iran, de Turkestan, du Caucase, d'Iraq, d'Egypte,
de Turquie, d'Amérique, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, de Syrie et de Palestine
de contribuer régulièrement aux Baha'is News de l'Inde, d'envoyer des rapports
de leurs activités et des articles soigneusement écrits sur les sujets spirituels,
espérant ainsi élargir sa sphère d'influence et rehausser sa valeur en tant
qu'un important organe de la communauté baha'ie du monde... Je suivrai chaque
étape de son progrès avec espoir et intérêt et je ne manquerai pas de contribuer
ma part et d'aider a la noble tâche qu'il s'est proposé d'accomplir." Des lettres
similaires étaient envoyées a l'Amérique et a l'Allemagne, insistant sur la
même politique concernant leurs périodiques. Il pressa souvent et fréquemment
les différentes communautés baha'ies d'envoyer des nouvelles et des articles
appropriés a ces différentes publications afin de les aider a propager la foi
et a inspirer les amis.
En outre, Shoghi Effendi inaugura une "lettre circulaire que l'Assemblée Spirituelle
Baha'ie de Haïfa envoie chaque dix-neuf jours a tous les centres baha'ies de
l'Est". Cette lettre circulaire était en persan. Elle avait un équivalent en
anglais. "L'Assemblée Spirituelle qui a été établie a Haïfa, écrivit-il aux
baha'is suisses en février 1923, "vous enverra a partir de maintenant, régulièrement
des nouvelles de la Terre Sainte...". Ce bulletin d'information de Haïfa, étroitement
supervisé par le Gardien, rédigé avec les matières fournies par lui, fut envoyé
a l'extérieur jusqu'à la dissolution de l'Assemblée Spirituelle de Haïfa par
le Gardien, lorsqu'il renvoya la communauté locale en 1938-1939.
Ces mesures avaient l'effet d'une cuillère géante avec laquelle il remuait toute
la communauté des fidèles dans le monde, les unissant, les encourageant, lançant
a ses différents composants un défi pour une plus grande action, coopération
et compréhension.
Mais quelle était donc cette administration a l'édification de laquelle le Gardien
travaillait sans relâche? Nous devrions nous arrêter pour poser la question.
Au fur et a mesure qu'elle se développait, dit-il, elle "incarnerait, sauvegarderait,
et entretiendrait l'esprit de cette foi invincible. Elle était unique dans l'histoire,
divinement conçue et différente de tout système ayant existé dans les religions
du passé. Elle était fondamentalement le véhicule d'un Ordre mondial et d'une
civilisation mondiale future qui constituerait rien de moins qu'un Commonwealth
mondial de toutes les nations de cette planète. Bien que la structure entière
de ses institutions élues soit basée sur le principe du suffrage universel et
d'élections a bulletins secrets, néanmoins son fonctionnement était conçu dans
une optique différente. Contrairement au grand principe de la démocratie selon
lequel les élus sont constamment responsables devant leurs électeurs, les institutions
baha'ies sont toujours responsables devant le fondateur de leur foi et ses enseignements.
Tandis qu'en démocratie le facteur déterminant au sommet ne peut aller plus
haut que le conseil des élus dont les décisions sont sujettes aux scrutins et
a l'approbation de ceux qu'ils représentent, ce facteur déterminant dans la
cause de Dieu est avant tout le serviteur de tous les serviteurs de Dieu (en
d'autres termes le corps des fidèles) mais responsable devant un facteur plus
élevé, divinement guidé et inspiré, le Gardien ou le seul interprète et la Maison
Universelle de justice, Corps suprême élu et seul législateur.
Dans ce système, le peuple libéré des influences corruptrices de la nomination,
de la propagande politique et électorale, et de la violence des désillusions
et des désenchantements si facilement engendrés par la seule application des
principes démocratiques, est libre de choisir ceux qu'il estime les mieux qualifiés
pour diriger leurs affaires et pour sauvegarder leurs droits d'une part et protéger
et servir les intérêts de la cause de Dieu d'autre part.
Les institutions baha'ies élues peuvent être comparées a un réseau de conduits
d'irrigation choisis et assemblés par le peuple pour son propre profit. Mais
l'eau qui donne la vie coule du Trés-Haut dans ce réseau, indépendamment des
gens, indépendamment des volontés des conduits, et ce sont les conseils divinement
guidés et inspirés du Gardien et du Corps Suprême de la cause qu'ils reçoivent,
dans cette dispensation baha'ie, d'une source non moindre que les Manifestations
jumelles de Dieu. Le système de Baha'u'llah écrivit Shoghi Effendi, "ne peut
jamais dégénérer en une quelconque forme de despotisme, d'oligarchie ou de démagogie
qui doivent tôt ou tard corrompre les rouages de toutes les institutions politiques
essentiellement défectueuses conçues par l'homme."
Déjà en 1934, Shoghi Effendi pouvait écrire sur ce système qui devait si rapidement
croître et s'enraciner de plus en plus dans le monde baha'i, qu'il avait fait
preuve d'un pouvoir qu'une "société désillusionnée et tristement secouée" pouvait
difficilement ignorer. La vitalité de ses institutions, les obstacles surmontés
par ses administrateurs, l'enthousiasme de ses enseignants itinérants, les sommets
de sacrifice atteints par ses champions bâtisseurs, la vision, l'espérance,
la joie, la paix intérieure, l'intégrité, la discipline et l'unité que manifestaient
ses vaillants défenseurs, la façon dont les gens si divers étaient purifiés
de leurs préjugés et fusionnaient dans la structure de ce système, tout témoignait,
écrivit Shoghi Effendi, de la puissance de cet Ordre de Baha'u'llah toujours
en expansion.
Shoghi Effendi avait des qualités d'un véritable homme d'Etat. A l'inverse de
nombreux baha'is qui, hélas, agissent comme Icare, voulant prendre leur envol
sur des ailes maintenues par de la cire, n'ayant comme bagage que l'espoir et
la foi; Shoghi Effendi forgeait sa machine a voler dans des matériaux aérodynamiques,
la construisant soigneusement, pièce par pièce. Dès les toutes premières années
de son ministère, il avait créé l'uniformité dans les matières essentielles
de l'administration baha'ie.
Il avait posé la roche de fond formée d'Assemblées locales et d'un corps national,
chaque fois qu'une communauté était assez forte pour supporter une telle institution.
En 1930, il y en avait neuf qui figuraient sur la liste du "Baha'i Directory"
de l'Assemblée nationale américaine. Ces neuf Assemblées étaient celles du Caucase,
de l'Egypte, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, de l'Inde et de Birmanie, d'Irak,
d'Iran, du Turkestan et celle des Etats-Unis et du Canada. Les Assemblées du
Caucase, du Turkestan et l'Iran furent, pendant de nombreuses années, d'une
nature différente des autres, en ce sens qu'aucune Convention nationale ne pouvait
se tenir pour permettre aux délégués de se rencontrer librement et d'élire leur
corps national. Néanmoins, un corps dirigeant existait (le Gardien en parlait,
dans ses communications anglaises, comme d'une Assemblée nationale, mais en
persan il employait un terme différent de celui qu'il utilisa lorsque des élections
nationales eurent lieu). Et ce corps traitait des affaires nationales de la
communauté. Cependant, la situation en Russie conduisit a la dissolution des
Assemblées Nationales du Caucase et du Turkestan.
Shoghi Effendi fut secondé dans ses efforts pour établir l'Ordre Administratif
par des collaborateurs dévoués et capables d'Est et d'Ouest, collaborateurs
qui paraissaient avoir été créés par Dieu dans le but de saisir la vision du
Gardien, de répondre a ses instructions, d'intervenir dans son raisonnement
avec des suggestions constructives, et rapides a exécuter ses désirs et a les
adapter aux besoins locaux.
Simultanément a cette rapide unification de l'Ordre administratif, Shoghi Effendi
engageait l'autre processus: l'éducation des croyants selon la vraie signification
et les implications de la foi. Une éducation que personne d'autre que lui, interprète
des enseignements, ne pouvait donner. Comme on ne peut séparer, en ce domaine,
le contenu de son contenant, essayons de saisir, ne serait-ce qu'un faible aperçu,
quelques unes des vérités essentielles sur lesquelles, Shoghi Effendi attira
notre attention.
Shoghi Effendi avait cette merveilleuse faculté de pousser toujours plus loin
les horizons et les limites de notre pensée. Il voyait la cause a partir de
l'Everest de sa compréhension globale des implications de la foi. Baha'u'llah
était l'inaugurateur d'un cycle prophétique de cinq cent mille ans et l'aboutissement
d'un cycle de six mille ans commencé par Adam. Simultanément, sa Révélation
n'était qu'un maillon d'une chaîne infinie.
Le Gardien résuma cette conception dans sa déclaration a la commission spéciale
des Nations-Unies pour la Palestine: "Le principe fondamental énoncé par
Baha'u'llah... est que la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative,
que la Révélation divine est un processus continu et progressif, que toutes
les grandes religions du monde sont d'origine divine, que leurs principes fondamentaux
sont en complète harmonie, que leurs objectifs et buts sont un et identiques,
que leurs enseignements ne sont que les facettes d'une seule vérité, que leurs
fonctions sont complémentaires, qu'elles ne diffèrent que par les aspects non-essentiels
de leurs doctrines et que leurs missions représentent les étapes successives
de l'évolution spirituelle de la société humaine. Le but de Baha'u'llah... n'est
pas de détruire mais d'accomplir les révélations du passé... Son objectif...
est de restaurer les vérités fondamentales qu'elles contiennent afin qu'elles
soient conformes aux besoins... de l'époque dans laquelle nous vivons. Baha'u'llah
ne prétend pas a la finalité, pour sa propre révélation; mais affirme plutôt
qu'une mesure plus pleine de vérité... sera nécessairement dévoilée au cours
des étapes de l'évolution constante et sans limite du genre humain".
Dans cette même déclaration, il définit l'Ordre administratif en des termes
clairs comme le jour: "L'Ordre administratif de la foi de Baha'u'llah qui
est destiné a évoluer vers un Commonwealth mondial baha'i... contrairement aux
systèmes qui se sont développés après la mort des fondateurs des différentes
religions, est d'origine divine... La foi que cet ordre sert, protège, fait
promouvoir, il faut le noter a ce sujet, est essentiellement surnaturelle, supranationale,
complètement apolitique. et non partisane, elle est diamétralement opposée a
toute politique ou école de pensée qui cherche a exalter quelque race, classe
ou nation particulière. Dépourvue de toute forme de sacerdoce, elle n'a ni prêtre,
ni rite et elle est soutenue uniquement par les contributions volontaires de
ses adhérents déclarés".
La finalité de ce concept était exprimée, a une autre occasion, dans une des
communications du Gardien aux Baha'is de l'Ouest: "Un système de fédération
mondiale, régissant la terre entière... incarnant et unissant les idéaux de
l'Orient et de l'Occident, libéré de la malédiction de la guerre... un système
dans lequel la force sera mise au service de la justice et dont la vie sera
soutenue par la reconnaissance universelle d'un seul Dieu et par son allégeance
a une révélation commune, tel est le but vers lequel les forces unifiantes de
la vie poussent l'humanité."
Et cependant, le monde souffrait. Shoghi Effendi nous expliqua cela aussi, dans
Voici venu le Jour Promis: "Dieu a accordé un répit de tout un siècle au genre
humain afin qu'il puisse reconnaître le fondateur d'une telle révélation, embrasser
sa cause, proclamer sa grandeur et établir son Ordre. Dans une centaine de volumes...
le porteur d'un tel message a proclamé, comme aucun prophète ne l'avait fait
avant lui, la mission que Dieu lui avait confiée... Nous pouvons nous demander
comment le monde, l'objet d'une telle sollicitude de la part de Dieu, a-t-il
répondu a celui qui avait tout sacrifié pour son bien? "Le message de Baha'u'llah,
écrivit-il, rencontra une indifférence totale de l'élite, la haine implacable
du clergé, le mépris du peuple d'Iran, le dédain absolu de la plupart des dirigeants
a qui il adressa son message, l'envie et la malveillance des peuples des pays
étrangers. C'étaient les évidences du traitement infligé a un tel message de
la part "d'une génération plongée dans l'autosatisfaction, indifférente a son
Dieu, oublieuse des prophéties, des avertissements et des admonitions révélés
par ses messagers." L'homme devait donc récolter ce que ses propres mains avaient
semé. Il avait refusé de prendre la route directe le menant a sa grande destinée,
en refusant d'accepter le Promis de ce jour. Il avait choisi la longue route,
amère, sanglante, ténébreuse, le conduisant littéralement a travers l'enfer,
avant de pouvoir approcher une nouvelle fois du but qui était originellement
a sa portée.
Les paroles de Baha'u'llah nous expliquent abondamment ce qui attend une humanité
qui a refusé d'accepter sa révélation:
"Nous avons fixé un temps pour vous, ô peuple! Si vous manquez, a l'heure désignée,
de vous tourner vers Dieu, lui, en vérité, vous saisira avec violence et il
suscitera des afflictions douloureuses qui vous assailliront de toutes parts.
Combien sévère, en vérité, sera le châtiment par lequel votre Seigneur nous
punira alors!"; "Le jour promis est venu, le jour où des épreuves torturantes
auront surgi au dessus de vos têtes et sous vos pieds..."
"Bientôt le souffle de son châtiment s'abattra sur vous et la poussière de
l'enfer vous enveloppera comme un linceul."
Dès le commencement de son ministère, Shoghi Effendi, imprégné des enseignements,
pressentit le cours des événements qui devaient fatalement arriver. En janvier
1923, dans une lettre a une Assemblée locale américaine, il dépeignait l'avenir
en ces termes:
"Les personnes et les nations sont balayées par un tourbillon d'hypocrisie et
d'égoïsme qui, si on n'y résiste pas, peut mettre en péril ou plutôt détruire
la civilisation elle-même. C'est notre tâche et notre privilège d'attirer graduellement
et de manière persistante l'attention du monde par la sincérité de nos motifs,
par la largesse de nos vues, par le dévouement et la ténacité avec lesquels
nous poursuivons notre oeuvre au service de l'humanité." Non seulement il était
clair, quant a la situation de l'humanité et au remède qu'il lui fallait, mais
encore assez perspicace pour douter de la possibilité - après 80 ans de négligence
de la part de l'humanité - de conjurer une catastrophe universelle. "Le monde"
écrivait-il en février 1923, allait "apparemment a la dérive, de plus en plus
loin de l'esprit des enseignements divins.
Shoghi Effendi rappelait souvent, dans ses écrits comme dans ses conversations
avec les pèlerins, ce redoutable avertissement de Baha'u'llah :
"La civilisation si souvent vantée par les représentants érudits des arts
et des sciences, apportera de grands maux aux hommes, si on lui permet de franchir
les limites de la modération. Ainsi vous avise celui qui sait tout. La civilisation,
si elle est poussée a la démesure, sera une source aussi prolifique de mal,
qu'elle l'a été de bien, lorsque retenue dans les limites de la modération...
Le jour approche où ses flammes dévoreront les cités."
Dès le début, Shoghi Effendi se rendit compte qu'un énorme cancer dévorait les
organes vitaux de l'humanité: un matérialisme qui était arrivé a un tel point
de développement en Occident, qu'il dépassait la décadence qu'il avait invariablement
engendrée dans les civilisations du passé. Comme de nombreuses personnes ne
connaissent pas la signification du matérialisme, il ne serait pas inutile de
citer Webster qui définit certains de ses aspects comme suit: "La tendance de
donner une importance indue aux intérêts matériels; dévotion a la nature matérielle
et ses besoins," et dit qu'une autre définition en est la théorie selon laquelle
le phénomène humain doit être considéré et interprété en des termes physiques
et selon des causes matérielles plutôt que des causes spirituelles et éthiques.
L'attitude de Shoghi Effendi sur ce sujet, sur les maux qui l'ont produit et
les maux que le matérialisme produira en retour, est définie dans ses innombrables
écrits commençant en 1923 et jusqu'en 1957. En 1923, il fait allusion a la "confusion
et au matérialisme grossier dans lesquels l'humanité est actuellement plongée..."
Quelques années plus tard, il parle de "l'apathie, le matérialisme grossier
et le caractère superficiel de la société d'aujourd'hui."
En 1927, il écrivait a l'Assemblée Nationale américaine: "'... au coeur de la
société elle-même, où les signes précurseurs d'extravagance et de débauche croissants
ne font qu'apporter une énergie nouvelle aux forces de la révolte et de la réaction
qui deviennent chaque jour plus évidentes..." En 1933, dans une lettre générale
aux baha'is américains, il parle des "folies et furies, les expédients, les
impostures et les compromis qui caractérisent l'époque actuelle." En 1934, dans
une lettre générale aux baha'is de l'Ouest, il parle des "signes d'une catastrophe
imminente, nous rappelant fortement la chute de l'Empire romain en Occident,
qui menace d'engloutir toute la structure de la civilisation actuelle..." Dans
ce même message, il dit: "Combien inquiétantes sont l'anarchie, la corruption,
l'incroyance qui dévorent les organes vitaux d'une civilisation chancelante!"
Dans sa lettre générale de 1936 aux baha'is de l'Ouest, il dit: "de quelque
côté que nous tournions nos regards... nous ne pouvons manquer d'être frappés
par les évidences d'une décadence morale que les hommes et les femmes autour
de nous exhibent dans leurs vies privées comme dans leurs capacités collectives..."
En 1938, il nous avertit du "défi de ces temps, si chargés de périls, si pleins
de corruption..." et parle de la racine de tous les maux: "... alors que le
froid de l'irréligion rampe furtivement et inexorablement le long des membres
de l'humanité..." et "d'un monde obscurci par l'extinction de la lumière de
la religion", un monde où le nationalisme était aveugle et triomphant, où les
persécutions raciales et religieuses étaient impitoyables, un monde où les théories
et les doctrines erronées menaçaient de supplanter l'adoration de Dieu, bref,
un monde "aveuli par un matérialisme violent et brutal, se désintégrant sous
l'influence d'une décadence morale et spirituelle".
En 1941, Shoghi Effendi fustigeait la marche de la société en des termes ne
laissant planer aucun doute: "la propagation de l'anarchie, de l'intempérance,
des jeux d'argent et du crime, l'amour démesuré du plaisir, de la richesse et
autres vanités terrestres, le relâchement de la morale se révélant dans une
attitude irresponsable envers le mariage, dans l'affaiblissement du contrôle
familial, dans la marée montante du divorce, dans la détérioration du niveau
de la littérature et de la presse, et dans le plaidoyer en faveur des théories
qui sont la négation même de la pureté, de la moralité et de la chasteté, ces
preuves d'une décadence morale envahissant l'Orient et l'Occident, pénétrant
dans toutes les couches de la société et instillant leur poison aux membres
des deux sexes jeunes et vieux, noircissent encore davantage le parchemin sur
lequel sont inscrites les nombreuses transgressions d'une humanité impénitente."
En 1948, il stigmatise, une nouvelle fois, la société moderne qui est: "politiquement
bouleversée, économiquement en faillite, socialement corrompue, moralement décadente
et spirituellement moribonde ...... Par ces paroles, fréquemment répétées, le
Gardien cherchait a protéger les communautés baha'ies et a les mettre en garde
contre les dangers qui les entouraient.
Cependant ce fut vers la fin de sa vie que Shoghi Effendi traita plus ouvertement
et plus fréquemment de ce sujet. Il souligna que l'Europe avait été le berceau
de cette "civilisation athée, hautement vantée et lamentablement défectueuse."
Et pourtant, le premier protagoniste de cette civilisation était aujourd'hui
les Etats-Unis où, a l'heure actuelle, ses manifestations avaient atteint un
tel degré de matérialisme débridé que cela représentait un danger pour le monde
entier. En 1954, dans une lettre aux baha'is des Etats-Unis, rédigée en des
termes qu'il n'avait jamais employés auparavant, il récapitulait les privilèges
extraordinaires dont l'Amérique avait joui, les victoires qu'elle avait remportées,
et ajoutait qu'elle était dans un tournant le plus critique de son histoire,
non seulement l'histoire de la communauté Baha'ie, mais aussi celle de toute
la nation américaine, une nation qu'il décrivit comme: "la coquille qui renferme
un membre si précieux de la communauté mondiale des disciples de Baha'u'llah".
Il soulignait dans cette lettre que le pays où vivaient les baha'is américains
"traverse une crise qui, par son aspect spirituel, moral, social et politique,
est d'une extrême gravité, une gravité qu'un observateur superficiel est enclin
a sous-estimer dangereusement.
"La détérioration constante et alarmante du niveau de la moralité illustrée
par l'effroyable croissance des crimes, par la corruption politique de cercles
de plus en plus larges et de plus en plus élevés, par le relâchement des liens
sacrés du mariage, par la soif démesurée du plaisir et de la distraction et
par la diminution marquée et progressive de l'autorité des parents, est sans
aucun doute l'aspect le plus frappant et le plus affligeant d'un déclin du destin
de toute la nation qui a commencé et qui peut être nettement perçu.
"Parallèlement se répand dans tous les secteurs de la vie un mal que cette nation,
et en fait, toutes les nations du système capitaliste quoique a un degré moindre,
partagent avec l'état et ses satellites qui sont considérés comme les ennemis
jurés de ce système: un matérialisme grossier qui insiste excessivement et de
plus en plus sur le bien-être matériel, oublieux de ces choses de l'esprit sur
lesquelles seules, une fondation sûre et stable peut être posée pour la société
humaine. C'est ce même cancer de matérialisme, né originellement en Europe,
porté a l'excès dans le continent nord-américain, contaminant les peuples et
les nations de l'Asie, étendant ses tentacules menaçantes sur les bords de l'Afrique
et envahissant maintenant le coeur même de ce continent, que Baha'u'llah dénonça
dans ses écrits en un langage énergique et sans équivoque, le comparant a une
flamme dévorante et le considérant comme le facteur principal de la précipitation
des terribles ordalies et des crises ébranlant le monde, qui doivent nécessairement
impliquer l'incendie des cités, la propagation de la terreur et la consternation
dans le coeur des hommes".
Shoghi Effendi nous rappelait qu'Abdu'l-Baha, lors de sa visite en Europe et
en Amérique, avait élevé la voix, du haut des tribunes et des chaires, avec
une "persistance pathétique" contre ce "pénétrant, et pernicieux matérialisme"
et soulignait qu'au fur et a mesure que "cet inquiétant relâchement de la moralité,
cette insistance sur la recherche du bien-être matériel de l'homme" continuaient,
l'horizon politique noircissait toujours davantage comme en témoignait l'élargissement
du gouffre séparant les protagonistes de deux écoles de pensée antagonistes
qui, quelque divergentes qu'elles soient par leur idéologie, doivent être toutes
les deux condamnées par les défenseurs de la bannière de la foi de Baha'u'llah,
pour leurs philosophies matérialistes et leur négligence de ces valeurs spirituelles
des vérités éternelles sur lesquelles une civilisation stable et florissante
peut, seule, être finalement établie."
Le Gardien a attiré constamment notre attention sur le fait que les objectifs,
les idéaux et les pratiques du monde d'aujourd'hui étaient, pour la plupart,
opposés a ce que les baha'is croient et cherchent a établir, ou en étaient une
forme corrompue. Les indications qu'il nous a données en ces matières n'étaient
pas seulement confinées aux questions brûlantes et aussi désagréables a entendre
que celles mentionnées dans les citations ci-dessus.
Il nous a aussi instruit, si nous acceptons d'être éduqués par lui, sur les
matières de bon goût, du jugement sain et de la bonne éducation. Il disait souvent:
c'est une religion du juste milieu) de la voie moyenne, ni un extrême ni l'autre.
Il n'entendait pas par la le compromis, mais l'essence même de l'idée contenue
dans ces paroles de Baha'u'llah: "Ne dépassez pas les bornes de la modération;"
"Ceux qui s'attachent a la justice ne peuvent, en aucune circonstance, transgresser
les limites de la modération." Nous vivons dans la société la plus immodérée
que probablement le monde ait jamais vue, secouée et brisée en morceaux parce
qu'elle a tourné le dos a Dieu et a rejeté son messager.
Shoghi Effendi ne voyait pas cette société avec les mêmes yeux que nous. Sinon
il n'aurait pas pu être notre guide et notre bouclier. Tandis que la Manifestation
de Dieu vient du royaume céleste et apporte avec lui une nouvelle ère, la position
du Gardien et sa fonction sont totalement différentes. Il était un homme du
vingtième siècle. Loin d'être étranger au monde dans lequel il vivait, on peut
dire qu'il en était le meilleur représentant par son raisonnement clair et logique,
par le jugement peu embarrassé et sévère qu'il lui portait. Sa compréhension
des faiblesses des autres ne l'incitait cependant pas a des compromis. Il n'acceptait
pas une tendance erronée comme un mal pardonnable parce qu'universel. On ne
saurait trop insister sur ce point. Nous avons tendance a penser qu'une chose
est juste parce que générale, qu'une opinion est exacte parce qu'elle émane
de nos dirigeants et savants, que telle ou telle chose est vraie et permanente
parce que des experts l'affirment. De telles complaisances n'affectaient pas
Shoghi Effendi. Il voyait toute chose affectant le monde d'aujourd'hui (que
ce soit du domaine politique, moral, artistique, musical, littéraire, médical
ou des sciences sociales) dans le cadre des enseignements de Baha'u'llah. Cela
s'accordait-il avec les directives données par Baha'u'llah? c'était alors une
chose saine. Sinon elle était erronée et dangereuse.
Shoghi Effendi nous donna, au cours des ans, ce que j'aime appeler des "lignes
directrices", la clarification des grands principes, des doctrines et des idéologies
de notre religion. Seules quelques-unes de celles-ci peuvent être arbitrairement
choisies ici, mais ce sont celles qui ont pour moi une importance particulière,
car elles donnent forme au point de vue baha'i dans le monde OÙ nous vivons..
Une des doctrines fallacieuses modernes, diamétralement opposée aux enseignements
de toutes les religions est celle qui prône que l'homme n'est pas responsable
de ses actes. Selon cette théorie, les erreurs sont excusables parce que l'homme
est conditionné par des facteurs contraignants. Shoghi Effendi n'avait aucune
patience pour une telle discussion, parce qu'elle est en désaccord avec les
paroles de Baha'u'llah: "Ce qui édifie le monde, c'est la justice, car elle
est soutenue par deux piliers, récompense et punition. Ces deux piliers sont
la source de la vie pour le monde." Les personnes, les nations, les communautés
baha'ies, la race humaine répondent tous de leurs actes. Certes de nombreux
facteurs interviennent dans une décision, mais l'essence de la croyance baha'ie
est que Dieu nous donne la chance, l'aide et la force de prendre la décision
juste. Ce concept est presque l'opposé de ce que nous dit la psychologie moderne.
Ce principe entra d'une façon très vive dans ma vie personnelle. Lorsque le
bien-aimé Gardien me fit le grand honneur inattendu de me choisir pour femme,
je pensai que pour moi, au moins, toutes les peines et inquiétudes concernant
ma fin spirituelle étaient terminées. J'allais être près de lui. C'était comme
mourir et aller au ciel où rien ne pouvait plus m'atteindre. Un jour, au cours
d'une conversation, Shoghi Effendi me dit quelque chose comme "votre destin
est entre vos mains!" J'étais horrifiée! Elle me revenait, la longue lutte de
toute une vie pour faire la chose juste afin de sauver ma propre âme!
Les rapports du Gardien avec tout le monde baha'i ainsi qu'avec les gens, les
officiels et les non baha'is étaient fondés sur ce principe. Il était immensément
patient, mais a la fin le châtiment était rapide et juste. Ses récompenses également
étaient rapides et elles me paraissaient toujours plus grandes que ce que méritait
le bénéficiaire.
Les écrits du Bab, de Baha'u'llah, d'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi, qu'ils
soient en persan, arabe ou anglais, illustrent les plus hauts niveaux de la
littérature. Ils ne contiennent aucun terme vulgaire. Je me rappelle une fois
un pèlerin qui raconta au Gardien, avec sincérité et humilité, que les gens
ordinaires, en Amérique, avaient des difficultés a comprendre ses écrits et
suggéra qu'il employât un style plus facile. Le Gardien souligna fermement que
ce n'était pas la une solution, que la solution consistait a ce que les gens
élèvent leur niveau en anglais, ajoutant, de sa belle voix et de sa merveilleuse
prononciation, avec un léger scintillement dans les yeux, qu'il écrivait lui-même
en anglais.
C'était clair qu'un grand nombre d'écrivains n'étaient pas de cette catégorie,
outre-Atlantique! Il insistait pour que les périodiques baha'i emploient "un
style élevé et impressionnant" et il donnait certes l'exemple a tout moment.
Au début de notre mariage, j'avais un peu d'appréhension concernant l'attitude
qu'aurait Shoghi Effendi a l'égard de l'art moderne. Aimant les grandes périodes
artistiques de notre culture et de celles des autres, je me demandais ce que
je ferais, si je m'apercevais qu'il admirait les tendances modernes de la peinture,
de la sculpture et de l'architecture. Je n'avais rien a craindre. Parfois, nous
visitions ensembles les grands musées et les galeries d'art. Je m'aperçus très
vite, a mon grand soulagement, que son amour de la symétrie, et de la beauté,
d'un style mûr et d'une expression noble des vraies valeurs, était profond et
réel.
Shoghi Effendi ne considéra jamais la recherche aveugle d'un style nouveau,
quelque sincère et logique qu'elle soit, qui avait suivi l'écroulement général
de l'ancien ordre des choses, comme la preuve d'une nouvelle expression artistique
en toute sa plénitude, et encore moins comme l'expression baha'ie des choses.
Il connaissait trop bien l'histoire pour prendre le plus bas point de la déchéance,
la réflexion d'une société décadente et moribonde pour la naissance d'un nouveau
style inspiré par l'ordre mondial de Baha'u'llah! Il savait que le fruit est
le produit final de la croissance de l'arbre et non le premier. Il savait qu'un
système mondial, tirant sa force de la paix universelle et de l'unification
du monde, devait d'abord s'établir avant que ne vienne, au cours de l'Âge d'or,
la floraison d'une nouvelle expression artistique. S'il y a le moindre doute
a ce sujet, il faut regarder la superstructure du Mausolée du Bab et les bâtiments
des Archives internationales qu'il construisit; il faut regarder le plan des
quatre temples: celui du Mont Carmel, de Téhéran, de Sydney et de Kampala qu'il
choisit lui-même. Ils sont, de toute évidence, de style conservateur, basé sur
les expériences du passé. Mais ils sont également d'un style ayant résisté a
l'épreuve du temps et ils résisteront tant que le monde ne sera pas sous l'influence
des enseignements de Baha'u'llah et qu'un style nouveau et organiquement évolué
ne sera pas produit. J'ai noté une remarque qu'il fit en voyant un nouveau plan
qui lui avait été soumis pour le Temple de Kampala: "Pauvres Africains! Ils
sont devenus baha'is pour se réunir sous une telle monstruosité?" Il défendit
ses frères et soeurs bien-aimés de ce continent en commandant pour eux un plan
fait au Centre mondial et qu'il aimait et approuvait.
Dans deux lettres écrites en 1956, a deux Assemblées nationales, au sujet de
deux temples, son secrétaire exprime ainsi le point de vue de Shoghi Effendi:
"Il pense que comme c'est un Temple-Mère... il a une très grande importance,
et doit être digne en toutes circonstances et ne pas représenter un point de
vue extrémiste en architecture. Personne ne peut savoir comment les styles d'aujourd'hui
seront jugés dans deux ou trois générations; mais les baha'is ne peuvent construire
un second temple si celui qu'ils construisent actuellement devait paraître trop
extrémiste et peu convenable a une date ultérieure." "Il regrettait d'avoir
a désapprouver Mr. F-. Cependant il n'était pas question de la possibilité d'accepter
quelque chose aussi extrémiste que ceci. Le Gardien sent très fortement que,
sans égard pour ce que pourrait être l'opinion de la dernière école architecturale,
les styles représentés actuellement dans le monde entier en matière d'architecture
ne sont pas seulement laids mais encore manquent complètement de cette dignité
et de cette grâce qui doivent être au moins partiellement présentes dans une
Maison d'adoration baha'ie. On doit toujours garder en vue que la grande majorité
des êtres humains ne sont ni très modernes ni très extrémistes dans leurs goûts
et que ce que l'école d'avant-garde trouve merveilleux, déplaît, en réalité,
très souvent aux gens simples et ordinaires."
Les mêmes idées que professait le Gardien en littérature et art, s'appliquaient
également en musique qu'il aimait beaucoup.
On déduit de ce qui précède que le Gardien désirait sauvegarder la cause, maintenir
pour elle et pour ses précieuses institutions internationales un niveau de dignité
et de beauté qui protégerait son Saint Nom, la nature sacrée de ses institutions,
son caractère international, sa nouveauté et sa promesse, des lubies et des
caprices d'un âge de transition et des influences d'une civilisation corrompue
et totalement occidentale. Car il faut se rappeler que si, jusqu'aujourd'hui,
la majorité des adeptes de la foi sont de souche aryenne, la majorité de la
race humaine ne l'est pas. Je me rappelle que regardant le visage du premier
pèlerin japonais baha'i, Shoghi Effendi en le fixant de son merveilleux regard,
dit que, comme la majorité de la race humaine n'était pas blanche, il n'y avait
aucune raison pour que la majorité des baha'is soit blanche. L'emphase et la
franchise avec lesquelles Shoghi Effendi déclara cela, fut une révélation pour
cet homme d'Extrême-Orient qui revenait d'un séjour prolongé aux Etats-Unis.
Combien de baha'is apprécient-ils le fait que, de même que la chasteté, l'honnêteté
et la sincérité sont exigés d'eux, de même la courtoisie, la dignité et la révérence
sont des qualités soutenues par les enseignements de Baha'u'llah ? Un des premiers
câbles de Shoghi Effendi a l'Amérique souligne ce point: "Dignité de Cause exige
emploi restreint enregistrement voix du Maître." Le sens du sacré est une des
grandes bénédictions accordées a l'homme. Maintes et maintes fois, Shoghi Effendi
attira notre attention sur ce fait par des télégrammes comme celui-ci: "Assurez-vous
personne ne photographie portrait du Bab pendant exposition." Regarder la reproduction
du visage de la Manifestation de Dieu, le Bab et Baha'u'llah, était un privilège
unique et devait être approché en tant que tel, et non comme une reproduction
de plus a passer de main en main.
L'exposé des enseignements faits par Shoghi Effendi sur le rôle que certaines
nations ont été appelées a jouer au commencement du cycle baha'i, éclairait
et provoquait notre réflexion et différait souvent de notre compréhension limitée.
La raison pour laquelle l'Iran était le berceau de la foi et l'Amérique le berceau
de son Ordre administratif découlait du fait que la grande puissance du monde
est la puissance du Saint-Esprit, une alchimie de Dieu qui peut transmuter le
cuivre, matière de base, en or, métal précieux. Dans The Advent of Divine Justice
le Gardien nous apprend cette vérité fondamentale: "Prétendre", écrit-il, te
que le mérite propre, le haut niveau moral, l'aptitude politique et les réalisations
sociales de quelques nations sont la raison de l'apparition en son sein de ces
Luminaires divins, serait une déformation absolue des faits historiques et équivaudrait
a la répudiation des interprétations incontestables qui en sont données si clairement
et emphatiquement par Baha'u'llah et Abdu'l-Baha." Il ajoute que ces races et
ces nations qui sont choisies par Dieu doivent le reconnaître sans réserve et
témoigner courageusement du fait qu'elles ont été choisies pour leurs besoins
criants, leur lamentable dégénérescence, leur irrémédiable perversité et non
pour une quelconque raison de supériorité raciale, de capacité Politique ou
de vertu spirituelle. C'est pour ces raisons que le Bab et Baha'u'llah ont choisi
l'Iran pour être le berceau de la foi et l'Amérique pour le berceau de son ordre
mondial.
Par l'accomplissement de cette grande loi, la gloire de Dieu est manifeste et
l'homme est amené a se rendre compte que la source de sa propre puissance et
de sa gloire vient de Dieu seul. Que les membres d'un "des peuples des plus
arriérés, des plus lâches et des plus pervers" soient transformés quand ils
ont accepté le message de Dieu, en une race de héros "s'engageant a effectuer
en retour une révolution similaire dans la vie du genre humain", c'était une
preuve de l'esprit régénérateur de la révélation de Baha'u'llah. Le même principe,
déclara Shoghi Effendi, s'appliquait a l'Amérique: "C'est précisément en raison
des maux latents, malgré ses autres grandes caractéristiques et réalisations
reconnues, qu'un matérialisme excessif et aveuglant a malheureusement engendrés
en elle", qu'elle a été choisie pour devenir le porte-drapeau du nouvel ordre
mondial. "C'est par de tels moyens", poursuit-il, "que Baha'u'llah peut mieux
montrer, a une génération insouciante, sa toute puissance pour lever des hommes
et des femmes au sein d'un peuple immergé dans l'océan du matérialisme, en proie
a l'une des formes les plus virulentes, les plus anciennes de préjugés raciaux
et notoirement connu pour sa corruption politique, son anarchie, son relâchement
des idéaux moraux des hommes et des femmes qui, au cours des ans, rendront de
plus en plus exemplaires ces vertus essentielles de la renonciation a soi, de
la sainte discipline et de la pénétration spirituelle" qui les engageront a
jouer un rôle prépondérant dans l'établissement du système mondial de Baha'u'llah.
Un jour alors qu'il écrivait The Advent of Divine Justice, et développait ce
thème, Shoghi Effendi déclara que les Etats-Unis était le pays le plus corrompu
politiquement. J'étais tout simplement stupéfaite par cette remarque. J'avais
toujours cru que c'est a cause de notre démocratie et notre importance politique
que Dieu nous avait choisi pour bâtir son ordre administratif! je m'aventurai
a remarquer que certainement l'Iran était politiquement plus corrompu. Il me
répondit que non, l'Amérique l'était plus. Il a dû voir sur mon visage qu'il
m'était difficile et incroyable d'accepter cette nouvelle idée, car il me pointa
du doigt et dit: "Avalez-le, c'est bon pour vous!". Je l'avalais et gardai le
silence. Je compris, plus tard, lorsqu'il écrivit ces passages mémorables dans
son message et en fait, au cours des ans, qu'il énonçait, en expliquant et interprétant,
les grandes lois spirituelles et des vérités desquelles dépendent notre force
et notre salut ' si nous voulons bien les comprendre.
Nous ne tirons aucun profit, en tant que baha'is, d'avoir des concepts erronés,
de colorier les enseignements de l'Educateur divin par nos idées limitées, nos
préjugés, et les produits de notre milieu. Rien n'est amélioré, ni rendu utilisable
par la déformation. C'est pourquoi, je pense que ces grands thèmes, ces affirmations
des vérités que le Gardien nous a donnés, sont des lignes directrices de pensée
qui nous rendent a même de voir les choses telles qu'elles sont et d'obtenir
une compréhension correcte de notre foi.
L'approche réaliste et efficace du Gardien signifiait qu'il estimait a sa juste
valeur la force de la cause mais qu'il était conscient de ses limitations actuelles.
Il ne confondait jamais ces deux éléments. Dans une lettre a un jeune dirigeant
non baha'i des Etats-Unis, en 1926, il disait: "Nous croyons que l'esprit de
la cause dirige graduellement les peuples et les nations, et ce que tous les
baha'is sont appelés a faire c'est de persévérer en défendant les principes
sublimes révélés par Baha'u'llah. Ils n'éviteront jamais les grandes actions
humanitaires des vrais dirigeants de l'opinion publique et accueilleront toujours
les occasions pour élever la voix avec les autres mouvements pour la paix, la
vérité et la justice." Cependant, il ne se faisait aucune illusion sur le pouvoir
que nous pourrions exercer. En juillet 1939, il écrivait a l'Assemblée nationale
américaine (représentant la communauté la plus libre et la plus puissante du
monde baha'i) que les baha'is ne pouvaient imposer leur volonté a ceux qui tiennent
en leurs mains la destinée des croyants d'Iran, qu'ils n'étaient pas encore
capables de lancer une campagne d'une envergure suffisante pour capter l'imagination
et soulever la conscience du genre humain et a redresser par la les torts dont
souffraient leurs frères persécutés; qu'ils ne pouvaient exercer aucun pouvoir,
a l'heure actuelle, proportionnel aux revendications et a la grandeur de la
cause, dans le conseil des nations; et qu'ils ne pouvaient assumer une position
et exercer des responsabilités permettant de "renverser le processus qui pousse
si tragiquement au déclin de la société humaine et de ses institutions."
En 1948, Shoghi Effendi écrivait que ce n'était "pas a nous de spéculer ou
de nous attarder sur l'oeuvre d'une Providence inscrutable présidant au crépuscule
des destinées d'un ordre mourant et au lever de la gloire d'un plan contenant
les graines de la revivification spirituelle du monde et de sa Rédemption finale."
Souvent, il parlait aux pèlerins au sujet de ces deux Phénomènes: notre plan
intérieur, l'oeuvre du Plan divin qu'il nous appartient de réaliser, et le plan
global de Dieu Tout-Puissant pour la planète entière, qu'il réalisait lui-même
par des forces extérieures a la cause afin d'achever et de hâter ses propres
fins. Les bénédictions de Baha'u'llah pleuveront sur les baha'is proportionnellement
a leurs efforts pour achever leur propre Plan: l'établissement du Royaume du
Seigneur des Armées dans le monde. De même plus le monde ignore son message
et poursuit ses propres fins perverses, plus la Visitation de Dieu descendra
sur les peuples et les nations, les broyant, les désagrégeant, les pulvérisant
en un seul monde; car ils ont refusé de créer ce monde uni pacifiquement en
suivant les instructions du messager de Dieu pour ce jour.
La nette distinction entre la fusion des adeptes de Baha'u'llah en un système
mondial unifié et spirituellement motivé, et la désintégration, le parti pris
et la haine décimant les races, les religions et les partis politiques de ce
monde, était constamment soulignée par le Gardien. Il insistait fréquemment
sur les dangers que courraient les baha'is, s'ils ne se tenaient pas strictement
a l'écart de ces dissensions. En 1938, alors que l'humanité était tirée vers
le précipice de la seconde Guerre Mondiale, Shoghi Effendi télégraphiait un
sévère avertissement et une instruction sans ambiguïté sur cette stricte neutralité:
"Loyauté ordre mondial Baha'u'llah sécurité ses institutions fondamentales toutes
deux exigeant impérativement tous ses défenseurs déclarés particulièrement ses
champions bâtisseurs continent américain en ces jours où forces sinistres incontrôlables
approfondissent clivage séparent peuples nations croyances classes décident
malgré pression opinion publique rapidement cristallisée s'abstenir individuellement
collectivement en paroles actions officieusement ainsi que déclarations publications
officielles administrer blâmes prendre parti même indirectement dans crises
politiques périodiques actuellement agitées engloutissant finalement société
humaine. Grave appréhension de crainte effet cumulatif telles compromissions
désintègre tissu obstrue canal grâce qui alimente système de Dieu ordre actuellement
supranational surnaturel si laborieusement développé si nouvellement établi."
Le patriotisme des baha'is ne se manifeste pas par une allégeance aux préjugés
nationaux et aux systèmes politiques, mais plutôt par deux moyens: servir son
propre pays en servant ses plus hauts intérêts spirituels; et par l'obéissance
implicite au gouvernement, quelque soit ce gouvernement.
En 1932, le Gardien souligna que l'extension des activités baha'ies dans le
monde et "la variété des communautés qui travaillent sous les diverses formes
de gouvernement, si essentiellement différents par leurs idéaux, leurs politiques
et leurs méthodes, rendait absolument nécessaire que tous les... membres d'une
quelconque de ces communautés évitent toute action qui pourrait en soulevant
la suspicion ou en excitant l'antagonisme d'un quelconque gouvernement, impliquer
leurs frères dans de nouvelles persécutions ... Et il ajoute, "Sinon, je peux
poser la question, une foi si largement répandue, dépassant les limites politiques
et sociales, comprenant en son sein une si grande variété de races et de nations
et qui devra compter de plus en plus, alors qu'elle va de l'avant, sur la bonne
volonté et le soutien des gouvernements différents et opposés de la terre, sinon
comment une telle foi réussirait-elle a préserver son unité, a sauvegarder ses
intérêts et a assurer le développement constant et pacifique de ses institutions?"
A une autre occasion, Shoghi Effendi écrivit: "Qu'ils proclament, quel que soit
le pays où ils résident, quelque avancées que soient leurs institutions ou profond
leur désir d'appliquer les lois ou de suivre les principes énoncés par Baha'u'llah,
qu'ils subordonneront sans hésitation la mise en vigueur de ces lois et l'application
de ces principes aux exigences de leur gouvernement respectif. Leur objectif
n'est pas, en s'efforçant de conduire et de parfaire les affaires administratives
de leur foi, de violer, en aucune circonstance, les clauses de la constitution
de leur pays et encore moins de permettre que les rouages de leur administration
remplacent le gouvernement de leur pays respectif." Un télégramme du Gardien,
envoyé en 1930 a une des Assemblées du Proche Orient, définit très clairement
l'attitude correcte des baha'is: "A moins que gouvernement objecte formation
Assemblée essentielle". Les baha'is, comme le disait Shoghi Effendi si justement,
n'appartiennent a aucun parti politique, mais au "Parti de Dieu". Ils sont les
agents de sa politique divine.
La liberté pour un Etat souverain de suivre sa propre politique quelque préjudiciable
qu'elle soit aux intérêts baha'is - était soutenue par Shoghi Effendi. Lorsque
le gouvernement soviétique expropria le premier temple baha'i du monde, malgré
la tristesse que cette action causa au Gardien, il écrivit qu'en raison des
articles de la constitution, les autorités avaient agi "dans les limites de
leurs droits légitimes et reconnus".
Quand il n'y eut plus rien a faire, il ordonna aux baha'is de ce pays d'obéir
aux décrets de leur gouvernement, confiant qu'avec le temps, Dieu, "lèvera le
voile qui obscurcit la vision de leurs dirigeants et leur révélera la noblesse
du but, l'innocence de l'objectif, la rectitude de conduite et les idéaux humanitaires
qui caractérisent les communautés baha'ies, quoiqu'encore petites mais potentiellement
puissantes, de tous les pays et sous tous les gouvernements."
Il ne faut pas croire que cette attitude définie par Shoghi Effendi, huit ans
seulement après le début de son Gardiennat, pouvait être modifiée par l'accroissement
de la force de la foi et par les victoires qu'elle remportait constamment. Loin
de la. En 1955, alors que le nombre des pays enrôlés sous la bannière de la
foi avait doublé en deux ans, il télégraphiait a toutes les Assemblées nationales,
demandant aux croyants qui étaient engagés dans la plus grande croisade jamais
lancée depuis le commencement de la foi "qu'ils résident patrie outre-mer quelque
répressif régimes sous lesquels ils travaillent, réfléchir a nouveau toutes
implications exigences essentielles leur appartenance cause Baha'u'llah... s'élever
plus hauts niveaux consécration - combattre avec vigilance toutes formes présentations
erronées - déraciner suspicions - dissiper méfiance - taire critiques par encore
plus irrésistible démonstration loyauté envers leurs gouvernements respectifs
- gagner maintenir fortifier confiance autorités civiles leur intégrité sincérité
réaffirmer universalité but objectifs foi proclamer caractère spirituel ses
principes fondamentaux affirmer caractère apolitique ses institutions administratives."
Il y a trois facteurs qui interviennent dans cette question de loyauté envers
le gouvernement et de non ingérence dans la politique: l'obéissance, la sagesse
et enfin l'emploi des moyens légaux. Le facteur sagesse est trop souvent négligé
encore que le Gardien ait abondamment insisté sur cet élément, et non seulement
en ces termes; "la variété des communautés qui travaillent sous les diverses
formes de gouvernement... rendait absolument nécessaire que tous les... membres
d'une quelconque de ces communautés évitent toute action qui pourrait, en soulevant
la suspicion ou en excitant l'antagonisme d'un quelconque gouvernement, impliquer
leurs frères dans de nouvelles persécutions..." mais aussi par ses instructions
répétées aux différentes communautés et aux particuliers afin qu'ils emploient
la plus grande sagesse en servant la foi.
Dans un monde où la presse et la radio déversent a toute heure des accusations,
des incriminations et déblatèrent contre les systèmes et les politiques des
autres nations, les baha'is ne sauraient être trop sages. Quand on se rappelle
la fierté et la joie de Shoghi Effendi lorsqu'au coeur même de l'islam la première
Assemblée spirituelle fut formée, et les louanges magnifiques qu'il prodigua
au pionnier responsable qui était d'origine juive, en plus d'être baha'i et
mettait ainsi deux fois sa vie en danger, et lorsqu'on se souvient que pendant
deux ans cet homme n'ouvrit pas la bouche afin de ne pas trahir qu'il était
baha'i jusqu'au jour où craintif et tremblant et avec une prière dans son coeur,
il invita son premier futur baha'i a l'arrière boutique et commença a aborder
le sujet de la foi, on comprend alors ce que Shoghi Effendi entendait par sagesse.
Il interdit aux baha'is de différents pays de rechercher la publicité ou leur
demanda d'éviter de contacter certaines sectes ou nationalités qui, si elles
connaissaient la foi ou l'acceptaient, auraient mis en danger tout le travail
des pionniers. C'était l'essence de la sagesse et chaque fois qu'elle était
ignorée, cela menait a un désastre.
D'autre part, le Gardien pressait les Assemblées et les pionniers, chaque fois
que la route était libre pour le faire, de protéger les intérêts de la foi par
des moyens légaux en obtenant sa reconnaissance légale et en s'assurant le soutien
de l'opinion publique par l'intermédiaire de la presse et de la radio.
Cependant, pour les questions qui affectent les intérêts internationaux de la
foi, la direction et la protection doivent venir du Centre mondial qui, de par
sa nature même, est la seule autorité en mesure de juger de telles ou telles
questions vitales et délicates.
Une autre grande ligne directrice fut l'exposé du Gardien sur la signification
de l'unité, dans les enseignements baha'is. Shoghi Effendi écrivit que les ennemis
de la foi "avaient mal interprété le principe de l'unification que" défend la
cause "comme une tentative superficielle a l'uniformité"; "qu'il n'y ait pas
de malentendu au sujet du but qui anime la loi universelle de Baha'u'llah...
Elle répudie toute centralisation excessive d'une part, et désavoue toute tentative
d'uniformité de l'autre. Son maître mot est l'unité dans la diversité..." Le
principe de l'unité du genre humain, affirma Shoghi Effendi, ambitionne de créer
"un monde organiquement unifié dans tous les aspects essentiels de la vie" mais
néanmoins un monde "d'une diversité infinie par les traits caractéristiques
nationaux des unités fédérées."
Il parla de "la société baha'ie future hautement diversifiée" et pressa les
baha'is a prêter une attention particulière a gagner l'adhésion a la foi des
différentes races disant "qu'une fusion de ces éléments très diversifiés de
la race humanité, harmonieusement entremêlés dans le tissu d'une fraternité
baha'ie embrassant tout, et assimilés par le processus d'un ordre administratif
divinement désigné et contribuant de la part de chacun a l'enrichissement et
a la gloire de la communauté baha'ie, est certainement une réalisation dont
la contemplation doit réchauffer et faire vibrer tout coeur baha'i". "Cette
foi", écrivit encore Shoghi Effendi, "n'ignore pas, ni n'essaie de supprimer
la diversité des origines ethniques, de climat, d'histoire, de langage et de
tradition, de pensée et de coutume, qui différencient les peuples et les nations
du monde."
A une époque de prosélytisme où les nations et les blocs de nations, les nombreuses
sociétés et organisations martelèrent l'esprit des gens jour et nuit, cherchant
a leur transmettre leur propre image a imposer leurs systèmes politiques, leur
mode vestimentaire, leur façon de vivre et de se loger, leurs systèmes médicaux,
leurs philosophies et leur morale, leur code social, il est sûrement du plus
grand intérêt pour les baha'is de réfléchir a leurs propres enseignements et
aux interprétations éclairées que leur Gardien en a données. Aujourd'hui, le
monde occidental a une passion pour l'uniformité. Il essaie de rendre tout un
chacun semblable a autrui et le plus rapidement possible. Il en résulte que
beaucoup de biens sont ainsi répandus et un nombre de plus en plus grand de
gens arrivent a goûter au bien-être matériel. Mais il en résulte aussi une implantation
de nombreuses choses diamétralement opposées aux méthodes et aux objectifs de
Baha'u'llah.
Une des choses que notre matérialisme occidental propage rapidement en plus
de l'irréligion, l'immoralité et l'adoration de l'argent et des biens, est la
vague de désespoir, d'inquiétude et un sentiment de profonde infériorité parmi
les soi-disant peuples arriérés du monde. Nous pouvons très bien mettre en opposition
l'impact mortel que cette importance de soi, cette auto satisfaction, cette
richesse ont sur les autres peuples, avec les points sur lesquels le Gardien
insistait dans ses relations avec ces mêmes peuples.
Pourquoi Shoghi Effendi tenait-il et publiait-il des listes complètes de "races"
et de "tribus" enrôlés sous la bannière de la foi? Peut-être les collectionnait-il,
comme des perles séparées, afin de les réunir pour embellir le corps de la cause
de Baha'u'llah? Pourquoi a-t-il accroché aux murs du Manoir de Bahji les photos
du premier baha'i pygmée et du premier descendant des Indiens Inca a accepter
la foi? Ce n'était certainement pas comme une curiosité ou un trophée, mais
plutôt parce que les Josephs bien-aimés étaient de retour sous la tente du Père.
Je me rappelle très bien quand Shoghi Effendi découvrit qu'un pèlerin était
de la descendance de l'ancienne famille royale de Hawaii. Il paraissait irradier
de joie et de bonheur d'une manière presque tangible et cette flamme enveloppait
un homme qui n'avait connu toute sa vie que le mépris a cause de sa descendance!
Il ne faut pas croire que c'était des particularités de la politique de Shoghi
Effendi. Loin de la. C'était le reflet de l'essence même des enseignements selon
lesquels chaque division de la race humaine est dotée de dons qui lui sont propres
et qui sont nécessaires a la diversification, a la richesse et a la perfection
du nouvel ordre de Baha'u'llah.
"Non seulement Shoghi Effendi prêchait cela, mais il l'appliquait aussi par
des déclarations, des appels et des instructions aux Assemblées baha'ies: "Première
Assemblée composée totalement Indiens Peaux-Rouges consolidée Macy Nébraska"
câblait il triomphalement en 1949. Se rappelant constamment des parole d'Abdu'l-Baha
dans ses Tablettes du Plan Divin: Donnez une grande importance a l'enseignement
des Indiens, c'est-a-dire, les aborigènes de l'Amérique. Shoghi Effendi poursuivit
cet objectif jusqu'aux derniers mois de sa vie, lorsqu'il écrivit, en juillet
1957, a l'Assemblée Nationale du Canada que "la conversion longtemps retardée"
des Indiens d'Amérique, des Esquimaux et des autres minorités devrait recevoir
une telle impulsion "pour étonner et encourager les membres de toutes les communautés
baha'ies partout, en long et en large, de l'hémisphère occidental."
Un an plutôt, dans une lettre de Shoghi Effendi a l'Assemblée Nationale des
Etats-Unis, son secrétaire écrivait: "le bien-aimé Gardien pense qu'une attention
suffisante n'est pas accordée a la question de contacter les minorités aux Etats-Unis...
Il pense que votre Assemblée devrait désigner un comité spécial pour étudier
les possibilités de cette sorte de travail, et aviser les Assemblées locales
en conséquence, et en même temps encourager les baha'is a être actifs dans ce
domaine ouvert a tous, car les minorités sont invariablement isolées et répondent
souvent a l'amabilité beaucoup plus rapidement que la majorité bien établie
de la population."
La conséquence naturelle de cette politique est l'attitude unique de la foi
baha'ie envers les minorités, attitude définie clairement par Shoghi Effendi
dans The Advent of Divine Justice: "Discriminer une quelconque race sur la base
qu'elle est socialement arriérée, politiquement peu formée, et numériquement
minoritaire, est une violation flagrante de l'esprit qui anime la foi." Dès
qu'une personne accepte la foi, "toute différenciation de classe, de croyance,
de couleur doit être automatiquement effacée et ne doit jamais être réaffirmée
sous aucun prétexte et quelque grande que soit la pression des événements et
de l'opinion publique." Shoghi Effendi poursuit en affirmant un principe totalement
différent de la pensée politique du monde entier.
Ce principe mérite plus de considération que nous ne lui donnons habituellement:
"Si une discrimination doit être finalement tolérée, elle doit être non pas
contre mais plutôt en faveur de la minorité, qu'elle soit raciale ou autre.
Contrairement aux peuples et nations de la terre, qu'ils soient de l'Orient
ou de l'Occident, démocratiques ou autoritaires, communistes ou capitalistes,
appartenant au Vieux Monde ou au Nouveau, qui ignorent, écrasent ou exterminent
les minorités raciales, religieuses ou politiques a l'intérieur de la sphère
de leur juridiction, chaque communauté organisée, enrôlée sous la bannière de
Baha'u'llah doit sentir comme devoir premier et inéluctable de nourrir, encourager
et sauvegarder toute minorité en son sein, appartenant a n'importe quelle foi,
race, classe ou nation. Si grand et vital est ce principe qu'en des circonstances
comme lorsqu'un nombre égal de voix a été obtenu lors d'une élection, ou quand
les qualifications pour n'importe quelle charge sont équilibrées entre les différentes
races, croyances ou nationalités au sein de la communauté, la priorité doit
être accordée sans hésitation au parti représentant la minorité et cela sans
aucune autre raison que de l'encourager, le stimuler et lui offrir l'occasion
de servir les intérêts de la communauté."
Shoghi Effendi exprima, une fois, ce principe si succinctement que je le notai
dans ses propres termes: "la minorité d'une majorité est plus importante que
la majorité d'une minorité". En d'autres termes, ce n'est pas la force ou la
faiblesse numérique au sein de la nation qui est d'indice de la minorité, mais
la force ou la faiblesse numérique au sein de la communauté baha'ie où a lieu
l'élection, si grande est la protection de toute minorité.
Le Gardien avait l'habitude de dire que le jour où un Etat baha'i viendrait
a naître, les droits des minorités religieuses non baha'ies seraient soigneusement
protégés par les baha'is.
La foi baha'ie protège non seulement la société comme un tout et les droits
des minorités, mais elle soutient également les droits de l'individu dans la
collectivité, et les droits d'une nation sur le plan international, et a l'intérieur
de la communauté, les droits de l'être humain. "L'unité de la race humaine,
telle qu'elle est conçue par Baha'u'llah" écrivit Shoghi Effendi, "implique
l'établissement d'une communauté universelle... où l'autonomie de chaque état
membre et la liberté et l'initiative individuelle des personnes qui les composent
sont définitivement et complètement sauvegardées..."
Tout en soutenant résolument l'autorité des Assemblées, Shoghi Effendi était
un défenseur aussi résolu du croyant individuel et avait une affection profonde
pour "l'homme de rang" simple adepte de Baha'u'llah. Il était rare qu'il s'adresse
au monde baha'i ou a des communautés nationales sans encourager l'initiative
individuelle du croyant et souligner que sans elle tous les plans devaient échouer.
En 1927, il écrivait a l'Assemblée Nationale d'Amérique: "Pendant mes heures
de prières aux Mausolées sacrés, je supplierai que la lumière de la Direction
divine puisse éclairer votre sentier et vous rendre a même d'employer de façon
efficace cet esprit d'entreprise individuel qui, allumé dans le coeur de chacun
et de tous les croyants et dirigé par la loi majestueuse de Baha'u'llah, imposée
a nous tous, conduira notre cause bien-aimée vers l'accomplissement de sa glorieuse
destinée". Il fit ressortir dans The Advent of Divine Justice que c'était le
devoir de chaque croyant "comme le dépositaire du Plan divin d'Abdu'l-Baha...
d'entreprendre, de promouvoir et de consolider" toute activité qu'il (ou elle)
considère comme de nature a aider l'accomplissement de ce plan, sous réserve
qu'elle soit toujours faite dans les limites imposées par les principes administratifs
de la foi. Il disait a l'Assemblée Nationale que tout en gardant la direction
des affaires baha'ies et le droit final de décision, elle devrait "entretenir
le sens de l'interdépendance et de la coparticipation, de la compréhension,
et de la confiance mutuelle" entre elle-même, les Assemblées et les croyants
individuels.
L'humble a toujours été choisi pour des bénédictions uniques.
En 1925, Shoghi Effendi écrivait: "Non pas rarement mais très souvent, le plus
modeste, le plus ignorant et le plus inexpérimenté parmi les amis contribuera,
simplement par la force inspirante d'une dévotion ardente et désintéressée,
une part mémorable et distinguée dans une discussion très embrouillée d'une
Assemblée donnée".
Le Gardien était un admirateur passionné des coeurs purs et n'aimait pas les
individus agressifs et particulièrement les ambitieux. Ses appels pour des pionniers
montrent clairement son attitude. Lors du premier Plan de Sept ans, il écrivit:
"aucun croyant, quelque humble qu'il soit" ne devrait se sentir exclu de la
participation au grand mouvement de pionniers qui a lieu, et des obstacles ne
devraient pas être élevés sur le chemin de ceux qui désirent partir et servir
"qu'ils soient jeunes ou vieux, riches ou pauvres". Dans The Advent of Divine
Justice, il alla plus loin encore en écrivant: "Tous doivent participer, quelque
humble que soit leur origine, quelque limitée que soit leur expérience, quelque
restreints que soient leurs moyens, quelque déficiente que soit leur éducation,
quelque urgents que soient leurs soucis et préoccupations, quelque hostile que
soit le milieu dans lequel ils vivent... Combien souvent... les adeptes les
plus modestes de la foi n'ayant pas fréquenté l'école et totalement inexpérimentés,
sans aucune position et parfois dépourvus d'intelligence, ont été capable de
remporter des victoires pour la cause, devant lesquelles les plus brillantes
réalisations des plus instruits, des plus sages et des plus expérimentés ont
pâli."
Shoghi Effendi fait ressortir ensuite que si le Christ "le Fils", a été capable
d'infuser a Pierre, qui était si ignorant qu'il divisait sa nourriture en sept
parts et se reposait quand il arrivait a la septième, sachant ainsi que c'était
le sabbat, un tel esprit qui le rendit a même de devenir son successeur; alors
quel doit être le pouvoir que Baha'u'llah, le Père, pourrait donner au plus
faible et au plus insignifiant de ses adeptes pour accomplir des merveilles
qui éclipseraient les réalisations du premier apôtre de jésus.
Insatisfait d'insister sur les devoirs des humbles, le Gardien admonesta également
ceux d'une autre catégorie, en des termes ne laissant planer aucune équivoque:
"Il est par conséquent, impératif a tout croyant américain, et en particulier
au riche a l'indépendant, a celui qui aime le confort et a celui qui est obsédé
par les questions matérielles, de sortir des rangs et de dédier leurs ressources,
leur temps, leur vie même a une cause d'une telle transcendance qu'aucun oeil
humain ne peut jamais percevoir sa gloire, même faiblement."
Il disait, d'une manière très touchante, que "'le coeur du Gardien ne peut que
bondir de joie et son esprit retirer une nouvelle inspiration, a chaque preuve
témoignant de la réponse du croyant a sa tâche allouée."
La question de savoir qui était un croyant, comment il devient et comment il
rejoint l'Ordre mondial souple mais bien organisé de la foi était très claire
pour le Gardien, mais parfois, moins claire pour les baha'is. Il faut comprendre
que Shoghi Effendi voyait la cause comme une chose vivante se développant a
des vitesses différentes dans des lieux différents mais grandissant toujours.
Il fallait l'uniformité dans l'essentiel, mais il pouvait y avoir, et c'était
même nécessaire qu'il y ait de la diversité dans les autres matières. Une voiture,
disons Ford, étant une machine est toujours la même partout; mais les membres
d'une grande famille, loin d'être des machines, sont tous différents les uns
des autres, chacun a son âge, chacun est a un certain stade de sa croissance.
Personne n'attend d'un petit-fils de cinq mois la même compréhension que de
son grand-père, professeur de physique a l'université.
Dès le commencement, il attendait plus des communautés anciennes de l'Orient,
et en particulier de celles de l'Iran, que des communautés plus jeunes de l'Occident
comme celles de l'Amérique et de l'Europe et beaucoup plus de ces dernières
que des communautés plus jeunes de l'Afrique ou du Pacifique. Nous devons toujours
nous rappeler que l'islam, juste après notre foi, est la religion la plus récemment
révélée du monde. Les baha'is venant de cette origine sont plus proches, pour
ainsi dire, des lois révélées par Baha'u'llah, car sa loi sort des lois de l'islam
tout en les abrogeant dans la plupart des cas. Il n'est donc pas étonnant que
les croyants venant de cette origine soient censés se conformer au modèle baha'i
en matière de statut personnel et de suivre dès le commencement les lois et
les ordonnances de Baha'u'llah pouvant s'appliquer dans la société dans laquelle
ils vivent. Alors que pour ceux venant d'origines païennes ou de religions plus
anciennes, il fallait une éducation graduelle et patiente afin qu'ils puissent
faire de même.
Avant d'essayer de comprendre ce qui donne le titre de baha'i a une personne,
essayons d'abord de voir comment le Gardien concevait et dirigeait la cause
de Dieu. En étudiant l'histoire des religions du passé nous voyons que la principale
maladie qui les a affectés était la forte tendance de la part de leurs adeptes
a mettre dans des moules, a cristalliser en des formes le pouvoir mobile, expansif
et inspirant de la foi.
Une religion est une chose qui croît. Dans son message a la Conférence Intercontinentale
de Chicago, en 1953, Shoghi Effendi en donne une description belle et poétique.
Il compare l'histoire de la religion a un arbre qui croît depuis l'époque d'Adam,
donnant au cours des âges des branches, des feuilles, des fleurs et des fruits
et produisant finalement la graine sacrée: la manifestation et la révélation
du Bab. Cette graine, broyée dans le moulin du martyre, après une existence
de six ans seulement, avait produit une huile dont la lumière avait scintillé
sur Baha'u'llah dans le Siyah-Chal, dont le feu avait brillé a Baghdad et étincelé
avec éclat a Andrinople, dont les rayons avaient atteint plus tard, les bords
des continents américains, européens et australien, et dont la radiance couvrait
maintenant le globe entier, durant cet Age de formation et dont la pleine splendeur,
dit-il, devait, au cours des milleniums futurs inonder toute la planète. Combien
primitif doit donc être notre état actuel de développement!
Les petits esprits cherchent instinctivement a circonscrire les choses qui les
entourent, a les mettre dans des murs aux dimensions de leurs petites existences,
a ramener toutes choses a leurs propres échelles. Ils se sentent ainsi en sûreté
et a l'abri. Ce processus signifie invariablement qu'une grande partie des matériaux
employés dans leurs murs vient de la dernière maison qu'ils habitaient. Les
grands esprits au contraire, poussent toujours plus loin leurs horizons, créent
de nouvelles frontières, faisant place a la croissance. En lisant les lettres
que recevait le Gardien et celles qu'il écrivait, il n'est pas difficile de
voir comment il maintenait un équilibre parfait entre ce qui était sage et essentiel
pour l'étape actuelle de la foi et ce qui limiterait indûment son développement
et figerait ses enseignements vivants dans une forme prématurée, trop petite,
trop nationale ou provinciale, trop sectaire ou raciale, et les empêcherait
d'évoluer vers un Ordre mondial, avec son gouvernement mondial et sa société
mondiale. Je me suis toujours demandé pourquoi tant de gens éminemment pratiques
et sensés dans leurs activités professionnelles, homme d'affaires, juriste etc...
n'employaient pas ces qualités dans leurs activités baha'ies. Il semblait que
pour eux, Utopie était un film qu'il suffisait de projeter sur un écran pour
qu'elle devienne réalité.
(Photo)
Le Gardien n'était pas ainsi, Il poursuivait ses tâches: édifier l'Ordre administratif,
implanter le Plan divin d'Abdu'l-Baha, organiser son travail et le travail du
monde baha'i, comme les peintres de la Renaissance créaient leurs grandes fresques
et leurs toiles. D'abord le carton, l'idée totale, l'échelle, la couleur, les
proportions; puis c'était le quadrillage, comme divisé par une grille en carrés;
le tout était alors transféré sur une surface permanente, les grandes lignes
directrices étaient tracées, puis les contours, les figures en ombre; enfin
les détails et les couleurs, traités avec une patience infinie jusqu'à l'obtention
de la perfection. Telle était la méthode de Shoghi Effendi. Il ne permettait
a personne de commencer a peindre les figures et les détails tant que la toile
n'était pas prête. Que signifie tout cela dans les faits?
Tant d'exemples viennent a l'esprit! Le lendemain de l'ascension du Maître,
nous voulions la Maison Universelle de justice. Il fallut attendre quarante
deux ans, afin que la fondation puisse la supporter. Rangée après rangée, les
Assemblées locales et Nationales furent formées, sur lesquelles on pouvait alors
construire la Maison Universelle de Justice. Nous voulions l'Aqdas en anglais.
De nombreux passages furent graduellement traduits par Shoghi Effendi qui nous
les citait souvent. Certaines lois et ordonnances, pas encore données nous viendraient
plus tard, elles exigeaient un travail soigné dont il entreprit lui même une
partie vers la fin de sa vie.
Souvent, un croyant enthousiaste ou un groupe, voulait commencer, maintenant,
tout de suite, une installation baha'ie dans un petit coin tranquille d'un pays
quelconque, afin d'appliquer tous les enseignements économiques baha'is: la
projection de l'Utopie sur un champ et non sur une scène. Mais le Gardien répondait:
ce n'est pas le moment, concentrez vos efforts a l'augmentation du nombre des
croyants, des groupes, des Assemblées. Nous voulions construire une école dans
une capitale. La réponse venait: non pas dans la capitale, où le moindre erreur
humilierait la cause, avec des fonds et des travailleurs limités, mais dans
la brousse, un commencement simple et modeste. Nous voulions une université
baha'ie; il n'avait jamais paru a l'auteur de cette suggestion, qui ne s'était
probablement jamais endetté dans sa vie, ou essayé de paraître milliardaire,
qu'une telle entreprise paralyserait toutes les autres activités nationales
et exigerait toutes les ressources, déjà limitées, utilisées pour ouvrir le
monde entier a la foi! D'instinct, Shoghi Effendi évitait ce qu'on appelle en
commerce la sur expansion. Il prenait des risques, mais toujours des risques
raisonnables, son jugement était égal a sa foi.
Il croyait fermement aux miracles, mais il ne traitait jamais le Tout-Puissant
comme un illusionniste. Si nous étudions la vie d'Abdu'l-Baha, nous verrons
chez lui aussi, cet équilibre merveilleux entre cet esprit pratique, raisonnable
et l'assurance sublime de la foi.
Un petit exemple, mais très indicatif, me vient a l'esprit. Que penser du spiritisme?
"Le Gardien ne pense pas que ce soit le moment de faire une déclaration particulière
a ce sujet" ... il y a des choses plus importantes sur lesquelles les amis doivent
concentrer leur attention maintenant, l'établissement de nouvelles Assemblées
et de nouveaux groupes." Très souvent, la réponse restait la même, ce n'est
pas le moment, pas encore. Plantez la bannière de Baha'u'llah aux coins les
plus reculés de la terre, amenez dans son bercail l'humanité, posez les fondations
du Royaume mais ne commencez pas a mettre les bibelots dans une maison non encore
construite.
Dès le début, Shoghi Effendi commença a mettre de l'ordre dans le petit monde
baha'i, a peine quelque trente-cinq pays ayant reçu au moins un rayon de la
lumière de Baha'u'llah. Les grandes lignes directrices étaient claires et nettes
dans son esprit. Au fur et a mesure qu'il prenait de l'âge et que la communauté
des croyants grandissait et acquérait de l'expérience, ces lignes devenaient
de plus en plus nettes et des détails étaient ajoutés. Abdu'l-Baha lui-même
avait prévu ce développement dans son Testament lorsqu'il disait du Gardien:
"que de jour en jour s'accroissent son bonheur, sa joie et sa spiritualité et
qu'il puisse devenir comme un arbre fécond." Le temps et l'espace ne permettent
pas une récapitulation chronologique de cette évolution. Nous devons essayer
de saisir sa grande vision et la façon dont les détails furent graduellement
ajoutés. Souvent en écoutant et en observant Shoghi Effendi, je pensais qu'il
était le seul vrai baha'i au monde. Tous les autres, ceux qui se disent baha'is,
avaient une portion de la foi, la voyaient sous un certain angle, en avaient
une certaine conception, aussi large soit elle, coloriée par leurs propres limitations;
mais Shoghi Effendi la voyait dans sa totalité, et dans toute sa grandeur et
son parfait équilibre. Il n'avait pas seulement la capacité de la voir telle,
mais aussi celle d'analyser et d'exprimer brillamment ce qu'il voyait.
Par exemple ce résumé de sa vision de la foi: Il faut affirmer que la Révélation
qui s'identifie avec Baha'u'llah abroge inconditionnellement toutes les dispensations
qui l'ont précédée, soutient sans compromission les vérités essentielles qu'elles
contenaient, reconnaît fermement et absolument l'origine divine de leurs auteurs,
conserve inviolée la sainteté de leurs Ecritures authentiques, condamne tout
dessein tendant a abaisser le statut de leurs fondateurs ou a combattre les
idéaux spirituels qu'elles inculquent, clarifie et met en corrélation leurs
fonctions, réaffirme leur objectif commun, inchangeable et fondamental, réconcilie
leurs revendications et leurs doctrines apparemment divergentes et reconnaît
avec gratitude leurs contributions respectives au développement graduel d'une
seule Révélation divine, et se définit sans hésitation, comme un maillon dans
la chaîne des révélations progressives et continuelles et ajoute a leurs enseignements
les lois et les ordonnances, dictées par la réceptivité croissante et conformes
aux besoins impératifs d'une société qui évolue rapidement et change constamment,
et proclame qu'elle est prête et capable de faire fusionner les sectes et les
factions opposées dans lesquelles ces religions sont tombées, dans une discipline
universelle fonctionnant dans le cadre et selon les préceptes d'un ordre divinement
conçu, unificateur du monde et rédempteur du monde." On voit immédiatement la
place de "la plus grande dispensation religieuse de toute l'histoire spirituelle
de l'humanité" dans le panorama de l'histoire.
Cette foi, qui est avant tout l'essence, la promesse, la réconciliatrice, et
l'unificatrice de toutes les religions "avait pour mission première" l'établissement
d'une civilisation divine. Je me souviens d'une conversation qu'eut Shoghi Effendi
avec un de ses professeurs de l'Université américaine de Beyrouth. Ce dernier
demanda quel était le but de la vie pour un baha'i. Le Gardien répondit que
le but de la vie pour un baha'i était de promouvoir l'unité du genre humain,
que Baha'u'llah était apparu a un moment où son message pouvait et devait être
adressé au monde entier et non pas simplement aux individus; qu'aujourd'hui
le salut venait du salut du monde, du changement mondial, de la réforme mondiale
de la société et que la civilisation mondiale qui en résulterait, réagirait,
en retour, sur les individus qui la composerait et contribuerait a leur Rédemption.
Maintes et maintes fois Shoghi Effendi, dans ses écrits et ses conversations,
souligna que ces deux processus devaient aller ensemble: la réforme de la société
et la réforme du caractère individuel.
Il n'y avait aucun doute que la régénération individuelle, comme il l'écrivait
a un non baha'i en 1926, était "la fondation sûre et durable sur laquelle une
société reconstruite" pouvait se développer et prospérer. Mais comment pouvait-on
créer un modèle pour la société future, ne serait-ce qu'une petite forme embryonnaire
de la future Communauté universelle de Baha'u'llah, si tout autour ses franges
étaient entremêlées et tissées avec la trame d'une société mourante, une société
qui devait mourir?
Shoghi Effendi prit son scalpel, l'interprétation des écrits de la foi, et commença
a couper. Certes une lecture correcte de nos doctrines montrait qu'il n'y avait
qu'une seule religion, celle du Dieu Tout-Puissant, et que les prophètes étaient
ses interprètes a différentes époques de l'histoire. Il n'en restait pas moins
vrai, et Shoghi Effendi nous le fit comprendre, que le devoir de l'homme a chaque
nouvelle dispensation était d'accepter celle-ci totalement et de se couper des
formes extérieures et des lois secondaires de la religion précédente.
Comment tout chrétien honnête pourrait-il rester dans l'église et prier pour
la venue du Père et de son Royaume, alors que dans son for intérieur il savait
que Baha'u'llah était le Père et que le Royaume commençait a émerger par l'intermédiaire
de ses lois et de son système tels qu'ils apparaissent et sont incarnés dans
l'Ordre administratif? Certes les baha'is, de l'Est et de l'Ouest, avaient vaguement
compris ce fait, plus ou moins bien selon les lieux, mais maintenant, grâce
aux communications du Gardien, ils commençaient a voir la ligne ténue où se
rencontraient la lumière et l'ombre, et disparaître la zone inconfortable et
crépusculaire des compromis et des convenances personnelles. On devait soit
rentrer, soit sortir. Cela purifiait et consolidait le corps entier des croyants,
et leur faisait prendre conscience, comme jamais auparavant, du fait qu'ils
étaient un peuple, le peuple du nouveau Jour, de la nouvelle dispensation. Pour
employer une comparaison simple: Baha'u'llah avait construit le bateau, le Maître
avait fait donner la vapeur et Shoghi Effendi levait l'ancre et prenait calmement
le large. Au cours des ans, non seulement les non baha'is commencèrent a nous
regarder avec des yeux nouveaux, mais nous aussi nous commençâmes a nous voir
avec de nouveaux yeux. Petit a petit, nous comprîmes que nous n'étions pas un
nouvel aspect de la société dans laquelle nous vivions, mais que nous étions
la nouvelle société, que nous étions l'avenir.
C'est a la lumière de ce processus que nous devons voir le déplacement de l'accent
mis sur certaines conditions concernant l'acceptation des nouveaux amis baha'is.
Pendant une décennie et demi, Shoghi Effendi encouragea les croyants, surtout
ceux de l'Occident, a s'assurer que les postulants étaient conscients de la
grandeur de l'étape qu'ils franchissaient. Une rupture franche avec le passé
était exigée d'eux. "Autrement", écrivait Shoghi Effendi en 1927, "ceux dont
la foi n'est pas encore mûre peuvent rester, en conséquence, indéfiniment sur
la circonférence et garder leur attitude d'une allégeance mi sincère aux enseignements
de la cause dans leur totalité".
Durant ces années, la foi grandissait en renom et en stature, obtenait dans
de nombreux pays occidentaux la reconnaissance de son statut de religion indépendante
avec ses propres lois et son propre système, et était aidée dans ce processus
par l'arrêt d'une Cour islamique en Egypte déclarant que nous ne faisions pas
partie de l'islam et que la foi était aussi distincte de l'islam que le christianisme
ou le judaïsme et devenait de plus en plus une foi a part entière. Shoghi Effendi,
cependant, restait constamment vigilant.
Il était, d'une façon naturelle, sensible a ce qui affectait la vie de la cause.
Il détecta donc une certaine tendance parmi les institutions administratives
a aller trop loin dans l'application de ses instructions en ces matières (données
en 1933) selon lesquelles les Assemblées devaient être lentes a accepter" les
nouveaux croyants. Une nouvelle rigidité menaçait de faire échouer le but principal
de toutes les institutions baha'ies: convertir le genre humain a la foi de Baha'u'llah.
Les baha'is, dans leur impatience de suivre les instructions de Shoghi Effendi,
poussaient a l'extrême leur vigilance et scrutaient les postulants de telle
façon qu'il devenait, a la fin, très difficile de devenir baha'i En conséquence,
en 1938, Shoghi Effendi trouva nécessaire de dire aux Assemblées Nationales
de "s'abstenir d'insister sur des observations et des croyances mineures, qui
pourraient devenir un obstacle infranchissable sur le chemin de tout postulant
sincère" et souligna que le devoir des communautés baha'ies était d'éduquer
les nouveaux croyants, après leur acceptation de la foi, jusqu'à leur maturité
baha'ie.
Comme la foi grandissait en force et cohésion internes, comme les Assemblées
nationales se formaient les unes après les autres, et commençaient a fonctionner
énergiquement et systématiquement, comme les gens prenaient de plus en plus
conscience de cette nouvelle religion en tant qu'une révélation indépendante
avec un système qui lui était propre, les institutions du Gardien changèrent
en particulier, lors du grand Plan de Dix ans d'enseignement et de consolidation.
Maintenant, nous étions forts, maintenant, nos fondations étaient solidement
posées, maintenant nous pouvions traiter, enfin, avec les masses de l'humanité
dans tous les pays du monde. Laissez les portes ouvertes et amenez-les dans
l'arche de salut de Baha'u'llah! Le temps était venu d'obéir a l'injonction
de Baha'u'llah: "Invitez les peuples de ces pays, capitales, îles, assemblées
et églises a entrer dans le Royaume d'Abha." En d'autres termes, ayant réalisé
son dessein, Shoghi Effendi changeait de tactique. Il informait l'Assemblée
d'Amérique que les exigences fondamentales auxquelles devait satisfaire un candidat
étaient: Accepter le rang du Bab, le Précurseur, de Baha'u'llah, l'Auteur et
d'Abdu'l-Baha, l'Exemple de la foi, une soumission a tout ce qu'ils avaient
révélé, une adhésion loyale et ferme aux clauses du Testament du Maître, et
une association étroite avec l'esprit et la forme de l'Administration mondiale
baha'ie. C'étaient les "facteurs principaux" et toute tentative d'analyse et
d'élucidation, disait-il, ne mènerait qu'a des discussions stériles et a des
controverses et nuirait a la croissance de la cause. Il terminait son exposé
sur ce sujet délicat en invitant les amis a s'abstenir de tirer des lignes rigides
de démarcation "a moins que quelque circonstance particulière le rendit absolument
nécessaire."
Le Bab, Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi étaient de grands Educateurs.
Leurs ministères, très différents les uns des autres, étaient en premier lieu
consacrés au but sublime d'amener toute l'humanité sous la Tente de cette foi
qui guérit l'âme, lui donne la paix et qui la régénère. Maintes et maintes fois,
avec insistance, pendant trente-six ans, Shoghi Effendi nous invita a "la tâche
éminente de l'enseignement de la foi aux multitudes... une tâche", nous assura-t-il
dans son dernier message de Ridvan au monde baha'i "... avant tout si sacrée,
si fondamentale et si urgente; impliquant et mettant au défi tout individu,
en premier lieu; la roche de fond sur laquelle doivent reposer la solidité et
la stabilité des institutions qui se multiplient d'un Ordre qui se lève. Une
telle tâche doit, au cours de cette année, recevoir la priorité sur toute activité
baha'ie", une tâche a laquelle Baha'u'llah lui-même a accordé la priorité, comme
nous le rappelait constamment Shoghi Effendi, en nous rappelant des citations
comme celle-ci:
"Enseignez la cause de Dieu, ô peuple de Baha, car Dieu a prescrit a chacun
le devoir de proclamer son message et le considère comme le plus méritoire des
actes"; "Concentrez vos énergies sur la propagation de la cause de Dieu"; C'est
le jour où il faut parler. Il incombe au peuple de Baha de s'efforcer, avec
la plus grande patience et tolérance, a guider les peuples du monde vers le
Plus Grand Horizon (lui-même)."; "Déliez vos langues et proclamez sans cesse
sa cause. Ce serait mieux pour vous que tous les trésors du passé et du futur..."
Baha'u'llah attachait une telle importance a l'enseignement de sa cause qu'il
admoneste fortement ses adeptes: Celui qui ne peut partir lui-même, "c'est son
devoir de désigner celui qui proclamera, a sa place, cette révélation". En 1938,
Shoghi Effendi écrivit que ce "Mandat d'enseigner, si vitalement obligatoire
a tous", devait devenir "la préoccupation dominante" de chaque baha'i, que les
Assemblées devraient, a chacune de leurs sessions consacrer un temps pour la
"considération consciencieuse et dans un esprit de prière des voies et des moyens
permettant d'entretenir la campagne d'enseignement."
Le Gardien expliqua clairement que celui qui enseignait devrait "s'abstenir,
au commencement, d'insister sur les lois et les observations qui pourraient
imposer une épreuve trop sévère a une foi nouvellement réveillée... qu'il ne
soit pas satisfait tant qu'il n'a pas infusé a son enfant spirituel un désir
si profond qui le pousse a se lever indépendamment a son tour, et a consacrer
ses énergies pour ranimer d'autres âmes, et a soutenir les lois et les principes
établis par sa foi nouvellement adoptée."
Si quelqu'un compilait ce que le Gardien écrivit au sujet de l'enseignement,
ce serait un livre de bonnes dimensions. Mais on voit a travers cela que l'objectif
était très net, que le devoir était fixé et que les méthodes étaient adaptables
et fluides. Shoghi Effendi employa de nombreux termes pour désigner les nouveaux
baha'is et pour parler de leur acceptation de Baha'u'llah: il les appela "convertis,
"les candidats", "les adeptes déclarés", "nouveaux croyants", "défenseurs sans
réserves" de Baha'u'llah, et beaucoup d'autres mots expressifs; il disait qu'ils
étaient "enrôlés", "convertis", qu'ils avaient "déclaré leur foi"; "embrassé
la foi", "enregistré" sous la bannière de Baha'u'llah, épousé sa cause", "rejoint
les rangs" des fidèles etc... A l'époque des clichés banaux et stéréotypés,
nous pouvons très bien nous en rappeler. Je pourrais ajouter que je ne l'ai
jamais entendu rabaisser l'acceptation de la manifestation suprême de Dieu a
cette Phrase horrible et insignifiante quand elle est appliquée a la renaissance
spirituelle de l'homme: "il a signé sa carte".
Shoghi Effendi n'abandonna jamais l'emploi correct de la langue anglaise, sous
prétexte que certains mots avaient une résonance impopulaire. La foi baha'ie
n'a ni prêtre, ni missionnaire, mais les baha'is entreprennent "des voyages
missionnaires" dans le but déclaré de "conversion".