Les voies de la liberté
Par Howard Colby IVES
(pasteur de l'Eglise Unitaire à la rencontre d'Abdu'l-Baha en 1912)


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Chapitre 16. Conclusion

"Les saintes manifestations de Dieu apparaissent en ce monde pour dissiper les ténèbres de la nature animale ou physique de l'homme, pour le purifier de ses imperfections, afin que sa nature céleste et spirituelle soit vivifiée, que ses qualités divines s'éveillent, que ses perfections deviennent apparentes, que ses forces potentielles se révèlent et que toutes les vertus du monde de l'humanité qu'il porte latentes dans son coeur puissent naître à la vie".
Abdu'l-Baha

Voilà donc l'histoire que j'avais à raconter. Si je n'ai pas réussi à décrire ce qui me paraît être la vie parfaite, je n'ai du moins aucune réserve à faire en ce qui concerne l'influence que cette vie a eue sur la mienne. J'ai vu, durant huit mois, évoluer sous mes yeux cette grande figure qui, même après vingt-cinq ans, n'a rien perdu pour moi de sa vitalité. La mémoire enregistre des images que les mots ne pourront jamais dépeindre. Bien que mon effort soit incomplet et insuffisant, j'ai éprouvé une grande joie en essayant de décrire cette vie. C'est avec une humilité et un amour sincères que je présente ce travail au lecteur.

Comment ce portrait pourrait-il être parfait ? Le bref laps de temps que nous osons appeler "la vie" est si encombré de détails totalement étrangers aux vrais problèmes en cause que, s'il paraît alors sur la scène un être vivant avec calme et assurance dans un monde qui ignore cette confusion, un être qui comprend néanmoins les tempêtes du coeur humain et sait comment les apaiser, il est bien difficile d'arriver à décrire cet être qui apporte l'illumination, tout en demeurant soi-même plongé dans l'anarchie des pensées et des actes. Comment, avec une simple plume, parvenir à tracer ce portrait ? Comment faire voir aux autres, comment les faire entendre comme lui-même le faisait ?

Il n'y a, selon moi, qu'une seule manière de comprendre cette vie, même incomplètement. Il faut admettre une hypothèse et parvenir à la conviction absolue. Ceci peut être exposé d'une manière simple : le monde des phénomènes, le monde "des contingences" tel qu'on le conçoit en général, n'est pas le monde réel. Notre vie journalière, avec le retour monotone des mêmes occupations : manger et boire, dormir et veiller, avec sa routine de travail, de jeux, d'études, de naissances et de morts, ses divers degrés de pauvreté et de richesse, de savoir et d'ignorance, de force et de faiblesse, toute cette vie là n'est qu'un masque voilant la face de la réalité. Nous donnons les noms pompeux de philosophie, éducation, science, politique aux innombrables tentatives faites pour résoudre l'énigme et qui ne sont en vérité que des façons variées de tâtonner dans les ténèbres. La vie "ne commence pas à quarante ans", elle a sa source en Dieu. Nous ne "vivons pas des journées de vingt-quatre heures", c'est "en Lui que notre être vit et agit", des siècles de préparation précèdent notre courte existence terrestre qui achèvera de s'accomplir dans les siècles à venir.

La science ne fournit pas de réponse satisfaisante aux exigences primordiales de l'esprit humain. La religion, telle qu'elle est comprise en général, ne donne pas non plus la nourriture désirée à l'âme affamée des hommes. Le sel qui l'assaisonnait a perdu sa saveur. Elle n'est plus actuellement qu'un mélange de traditions, de conventions sociales et d'opinions plus ou moins exactes sur les problèmes immédiats auxquels l'humanité doit faire face. Au sein de cette confusion de pensée et d'action, il n'y a pas de roc spirituel où l'homme puisse poser les pieds et marcher avec confiance.

Si le monde réel n'est pas ici-bas, où est-il ? Quel est-il ? Comment faut-il le trouver ? Comme je l'ai déjà dit, il est assez facile de répondre à ceux que "l'océan du matérialisme n'a pas entièrement submergés". Nous ressemblons presque tous, dans la vie, à des gens égarés dans le brouillard de Londres et qui ne peuvent retrouver le chemin bien connu de leur propre maison. Le brouillard qui obscurcit notre vision spirituelle est dû aux "désordres de notre égoïsme, aux maladies intellectuelles, infirmités de l'esprit, imperfections et vices" qui nous environnent et nous maintiennent en esclavage. Les prophètes de Dieu, la volonté et l'amour de Dieu dont le sanctuaire est le temple de l'homme, ont apporté la lumière du Soleil de la Réalité qui, seule, peut dissiper le brouillard, mettre l'homme sur le bon chemin et le libérer de cet esclavage.

L'unique porte vers la liberté, c'est le Christ éternel qui, tous les mille ans environ, vient au secours de l'humanité éperdue. Les gens de coeur, doués d'une vision pénétrante et d'une oreille exercée ont toujours entendu sa voix divine qui les appelait, ont toujours senti ses mains d'amour qui les dirigeaient et les soutenaient.

De nouveau, en ce jour où nous vivons nos brèves années, la dernière de ces "flèches indicatrices" jalonnant le sentier a proclamé sa mission et lancé son appel.

J'ai eu l'inestimable privilège d'observer pendant une période de huit mois le fils de Baha'u'llah et de m'entretenir avec lui. Il est le Centre de son Covenant, le parfait modèle incarnant sa parole et sa vie, celui par lequel "il a fait apparaître sur la terre les traces de la gloire de son royaume".

J'ai vu ici-bas un homme qui vivait extérieurement comme moi-même, dans le monde de la confusion, mais qui intérieurement, sans aucun doute, vivait et travaillait dans ce monde transcendant et réel. Toutes ses conceptions, ses mobiles et ses actes découlaient de ce "monde de lumière". De plus, un fait m'encourageait et me stimulait grandement : il trouvait naturel que l'humanité ordinaire et moyenne, que vous et moi nous puissions, si nous le voulions, entrer dans ce monde, y vivre et y évoluer.

Ceux qui ont lu ce livre avec les "yeux du coeur" entrevoient peut-être la possibilité de pénétrer dans un tel monde, de modeler leur propre existence sur cette vie-là, de franchir cette porte et d'accéder à cette liberté. C'est avec cette espérance que j'ai raconté mon histoire.
7 janvier 1937


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