La chronique
de Nabil
Nabil-i-A'zam
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CHAPITRE VI : voyage de Mulla Husayn en Khurasan
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En disant adieu aux Lettres du Vivant, le Bab leur ordonna d'enregistrer séparément
le nom de chaque croyant qui embrassait la foi et s'identifiait à ses enseignements.
Il les avait priés d'envoyer la liste de ces croyants, sous enveloppes scellées,
à son oncle maternel, Haji Mirza Siyyid 'Ali à Shiraz qui devait, à son tour,
les lui remettre. "Je classerai ces listes, leur avait-il dit, en dix-huit séries
de dix-neuf noms chacune. Chaque série constituera un vahid (6.1).
Tous les noms contenus dans ces dix-huit séries constitueront ensemble, avec
le premier vahid, composé de mon propre nom et de ceux des dix-huit Lettres
du Vivant, le nombre de Kull-i-Shay'. (6.2) Je ferai mention
de tous ces croyants dans la Tablette de Dieu, de façon qu'à chacun d'eux le
Bien-Aimé de nos coeurs daigne, au jour où il sera monté sur le trône de gloire,
conférer ses bénédictions inestimables, et les déclarer les habitants de son
paradis."
A Mulla Husayn, plus particulièrement, le Bab donna l'ordre formel de lui envoyer
un rapport écrit sur la nature et l'évolution de ses activités à Isfahan, à
Tihran et dans le Khurasan. Il le pria de l'informer sur l'identité de ceux
qui acceptaient la foi et s'y soumettaient, ainsi que de ceux qui rejetaient
et répudiaient sa vérité. "Je ne quitterai pas cette ville pour accomplir mon
pèlerinage à Hijaz avant d'avoir reçu votre lettre du Khurasan", lui avait-il
dit.
Mulla Husayn, vivifié et revigoré par les visites qu'il avait faites à Baha'u'llah,
partit pour le Khurasan. Durant sa tournée dans cette province, il manifesta
d'une manière étonnante les effets de ce pouvoir régénérateur dont les paroles
d'adieu du Bab l'avaient investi. (6.3) Le premier à embrasser
la foi dans le Khurasan fut Mirza Ahmad-i-Azghandi, le plus savant, le plus
sage et le plus éminent des 'ulamas de cette province. Dans quelque réunion
où il apparût, et quelque grand que fût le nombre ou représentatif le caractère
du clergé qui y assistait, il était invariablement le principal orateur. Les
nobles traits de son caractère, ainsi que son extrême dévotion avaient ennobli
la réputation qu'il avait déjà acquise grâce à son érudition, à ses talents
et à sa sagesse.
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PHOTO: vue 1 de la mosquée de Gawhar-shad à Mashhad, montrant
la chaire d'où prêchait Mulla Husayn
PHOTO: vue 2 de la mosquée de Gawhar-shad à Mashhad, montrant
la chaire d'où prêchait Mulla Husayn
PHOTO: vue 3 de la mosquée de Gawhar-shad à Mashhad, montrant
la chaire d'où prêchait Mulla Husayn
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Le deuxième parmi les shaykhis du Khurasan à embrasser la foi fut Mulla Ahmad-i-Mu'allim
qui, lors de son séjour à Karbila, avait été le précepteur des enfants de Siyyid
Kazim. Après lui, vinrent Mulla Shaykh 'Ali, que le Bab surnomma 'Azirn, puis
Mulla Mirza Muhammad-i-Furughi, dont le savoir n 'était surpassé que par celui
de Mirza Ahmad. Personne, à part ces figures marquantes parmi les chefs ecclésiastiques
du Khurasan, ne jouissait d'une autorité suffisante ni ne possédait le savoir
nécessaire pour défier les arguments de Mulla Husayn.
Mirza Muhammad Baqir-i-Qa'ini qui, pour le restant de ses jours, avait établi
sa résidence à Mashhad vint, après eux, embrasser le message. L'amour Bab embrasa
son âme d'un feu si dévorant que personne ne put résister à sa force, ni minimiser
son influence. Son intrépidité, son énergie prodigieuse, sa loyauté à toute
épreuve et l'intégrité de sa vie concoururent à faire de lui la terreur de ses
ennemis et une source d'inspiration pour ses amis. Il mit sa maison à la disposition
de Mulla Husayn, arrangea des entrevues séparées entre celui-ci et les 'ulamas
de Mashhad, et continua à faire de son mieux pour éliminer chaque obstacle susceptible
d'entraver le progrès de la foi. Il fut infatigable dans ses efforts, ferme
dans son but et inépuisable dans son énergie. Il poursuivit inlassablement son
oeuvre pour sa cause bien-aimée jusqu'à la dernière heure de sa vie, lorsqu'il
tomba martyr au fort de Shaykh Tabarsi. Durant ses derniers jours, Quddus lui
avait demandé, après la mort tragique de Mulla Husayn, d'assumer le commandement
des héroïques défenseurs de ce fort. Il s'acquitta glorieusement de sa tâche.
Sa maison, située à Bala-Khiyaban, dans la ville de Mashhad est, jusqu'à nos
jours, connue sous le nom de Babiyyih. Quiconque y entre ne pourra jamais échapper
à l'accusation d'être Babi. Que son âme repose en paix!
Dès qu'il eut gagné à la cause des défenseurs aussi capables et dévoués, Mulla
Husayn décida d'adresser au Bab un rapport écrit au sujet de ses activités.
Dans sa communication, il rapporta en détail son séjour à Isfahan et à Kashan,
rendit compte de son expérience avec Baha'u'llah, parla du départ de ce dernier
pour le Mazindarân, relata les événements de Nur et informa le Bab des succès
qui avaient couronné ses efforts personnels dans le Khurasan. Il joignit une
liste des noms de ceux qui avaient répondu à son appel et dont il était certain
de la fermeté et de la sincérité. Il envoya sa lettre par la ville de Yazd et
par l'intermédiaire des associés sûrs de l'oncle maternel du Bab, qui résidaient
alors à Tabas.
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Cette lettre parvint au Bab la nuit précédant le vingt-septième jour de ramadan,
(6.4) nuit fêtée avec grand respect par toutes les sectes
de l'islam et considérée par beaucoup comme l'égale, quant au caractère sacré,
du Laylatu'l-Qadr lui-même, la nuit qui, d'après les termes du Qur'an, "surpasse
un millier de mois". (6.5) Quand cette lettre parvint au
Bab cette nuit-là, il se trouvait uniquement en compagnie de Quddus, avec qui
il partagea un certain nombre de ses passages.
J'ai entendu Mirza Ahmad relater ce qui suit: "L'oncle maternel du Bab lui-même
me décrivit les circonstances dans lesquelles le Bab reçut la lettre de Mulla
Husayn: "Cette nuit-là, je vis des marques de joie et de bonheur lles sur le
visage du Bab et sur celui de Quddus, que je suis incapable de les décrire.
J'entendis souvent le Bab, en ce temps-là, répéter avec exultation ces paroles:
"Combien merveilleux, combien extrêmement merveilleux est ce qui survint entre
les mois de jaMadi et rajab!" Comme il lisait la communication que lui avait
adressée Mulla Husayn, il se tourna vers Quddus et, lui montrant certains passages
de cette lettre, expliqua le motif de ses expressions de joie et de surprise.
Moi, pour ma part, je restais complètement inconscient de la nature de cette
explication."
Mirza Ahmad, sur qui le récit de cet événement avait produit une profonde impression,
se décida à en sonder le mystère. "Je ne pus satisfaire ma curiosité que lorsque
je rencontrai Mulla Husayn à Shiraz", me dit-il. Lorsque je lui eus répété le
récit que m'avait fait l'oncle du Bab, il sourit et dit qu'il se rappelait parfaitement
qu'entre les mois de jamadi et de rajab, il se trouvait par hasard à Tihran.
Il ne donna aucune autre explication et se contenta de cette brève remarque.
Cela suffit toutefois à me convaincre que, dans la ville de Tihran gisait un
mystère qui, lors de sa révélation au monde, apporterait une joie inexprimable
au coeur du Bab et à celui de Quddus.
Les références faites par Mulla Husayn à la réponse positive et immédiate de
Baha'u'llah au message divin, à la vigoureuse campagne que celui-ci avait personnellement
menée à Nur, et aux merveilleux succès qui avaient couronné ses efforts consolèrent
et réjouirent le Bab, et renforcèrent sa Confiance en l'ultime victoire de sa
cause. Il était désormais assuré que, s'il venait soudain à tomber victime de
la tyrannie de ses ennemis et à quitter ce monde, la cause qu'il avait révélée
vivrait; que, sous la direction de Baha'u'llah, elle continuerait à se développer
et à prospérer, et qu'elle porterait finalement ses plus beaux fruits. La main
de maître de Baha'u'llah dirigeait son cours et l'influence dominante de son
amour l'établirait dans le coeur des hommes.
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PHOTO: vue 1 du "babiyyih" de Mashhad
PHOTO: vue 2 du "babiyyih" de Mashhad
Une telle conviction fortifiait son esprit et l'emplissait d'espérance. A partir
de ce moment, ses craintes quant à l'imminence d'un péril ou d'un danger le
quittèrent complètement. Tel un phénix, il accueillit avec joie le feu de l'adversité
et se fit gloire de l'éclat et de la chaleur de sa flamme.
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NOTE DU CHAPITRE 6:
(6.1) La valeur numérique du mot "vahid", qui signifie
"unité", est 19.
(6.2) La valeur numérique de "Kull-i-Shay", qui signifie
"toutes choses", est 361, ou 19 x 19.
(6.3) Le pèlerin mettait à profit, suivant son usage,
un séjour, qu'il prolongeait au besoin, dans tous les villages, les bourgs et
les villes de sa route, pour tenir des conférences, argumenter contre les mullas,
faire connaître les livres du Bab et prêcher ses doctrines. Partout on l'appelait,
on l'attendait avec impatience; il était recherché avec curiosité, écouté avidement,
cru sans beaucoup de peine. Ce fut surtout à Nishapur qu'il fit deux conversions
importantes, dans les personnes de Mulla 'Abdu'l-Khaliq de Yazd, et de Mulla
'Ali le Jeune. Le premier de ces docteurs avait été élève de Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i.
C'était un personnage célèbre par sa science, par son éloquence et par son crédit
sur le peuple. L'autre, Shaykhi comme le premier, de moeurs sévères et de grande
considération, occupait le poste considérable de principal mujtahid de la ville.
Tous deux devinrent Babis acharnés et firent retentir le chaires des mosquées
des prédications les plus violentes contre l'Islam. Pendant quelques semai ,
on eût pu croire que la religion ancienne était décidément vaincue. Le clergé,
démoralisé pat la défection de son chef, effrayé des discours publics qui le
ménageaient si peu, ou n'osait se montrer ou avait pris la fuite. Quand Mulla
Husayn-i-Bushru'i arriva à Mashhad, il trouva, d'une part, la population émue
et divisée à son sujet; de l'autre, le clergé averti, très inquiet, mais poussé
à bout et décidé à opposer une vigoureuse résistance aux attaques dont il allait
être l'objet. (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie
Centrale", pp. 139-40.)
(6.4) Correspondant à la nuit précédant le 10 octobre
1844 ap. J.-C.
(6.5) Le Laylatu'l-Qadr, qui signifie littéralement
la "nuit du pouvoir", est l'une des dix dernières nuits du ramadan et, comme
on le croit généralement, la septième de ces nuits en comptant à l'envers.