La chronique
de Nabil
Nabil-i-A'zam
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CHAPITRE XIII : l'incarcération du Bab dans la forteresse
de Mah-Ku
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On a entendu Siyyid Husayn-i-Yazdi raconter ce qui suit: "Durant les dix premiers
jours de l'incarcération du Bab à Tabriz, personne ne savait ce qu'il adviendrait
de lui. Les bruits les plus incontrôlés couraient dans cette ville. Un jour,
j'osai lui demander s'il continuerait à rester où il était ou s'il allait être
transféré en un autre lieu. "Avez-vous oublié, répondit-il aussitôt, la question
que vous m'aviez posée à Isfahan? Pour une période d'au moins neuf mois, nous
demeurerons enfermés au sein du Jabal-i-Basit, (13.1) puis
on nous transfèrera dans le Jabal-i-Shadid. (13.2) Ces lieux
sont tous deux situés dans les montagnes de Khuy, de part et d'autre de la ville
du même nom." Cinq jours après que le Bab eut fait cette prédiction, ordre était
donné de nous transférer, lui et moi, à la forteresse de Mah-Ku et de nous confier
à la garde d' 'Ali Khan-i-Mah-ku'i."
La forteresse, un bâtiment en pierre à quatre tours, occupe le sommet d'une
montagne au pied de laquelle 'étend la ville de Mah-Ku. L'unique route qui y
mène passe par ce te ville et se termine par une porte qui est contiguë au siège
du gouvernement et gardée fermée en permanence. Cette porte est distincte de
celle de la forteresse. Située aux confins des empires ottoman et russe, cette
forteresse servait, étant donné sa position culminante et ses avantages stratégiques,
comme centre de reconnaissance. L'officier en exercice à cette station observait,
en temps de guerre, les mouvements de l'ennemi, surveillait les régions environnantes
et rapportait à son gouvernement les éventuels cas d'urgence qu'il remarquait.
La forteresse est limitée à l'ouest par la rivière Araxes, qui marque la frontière
entre le territoire du shah et l'Empire russe. Au sud s'étend le territoire
du sultan de Turquie, la ville-frontière de Bayazid n'étant située qu'à une
distance de quatre farsangs (13.3) du mont Mah-Ku. Le garde-frontière
en exercice à la forteresse s'appelait 'Ali Khan. Les habitants de la ville
sont tous des Kurdes et appartiennent à la secte sunni de l'islam. (13.4)
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Les shi`ahs, qui forment la grande majorité des habitants de la Perse, ont toujours
été leurs pires ennemis déclarés. Ces Kurdes abhorrent particulièrement les
siyyids de la confession shi`ah, qu'ils considèrent comme les chefs spirituels
et principaux agitateurs parmi leurs adversaires. La mère d"Ali Khan étant kurde,
le fils était tenu en grande estime et ses ordres étaient implicitement suivis
par les habitants de Mah-Ku. Ces derniers le considéraient comme membre de leur
propre communauté et avaient une confiance absolue en lui.
Haji Mirza Aqasi n'avait délibérément oeuvré en vue de l'exil du Bab dans un
coin si perdu, si inhospitalier et si dangereusement situé du territoire impérial
que, dans l'unique but d'arrêter le flot de son influence croissante et de couper
tous les liens qui l'unissaient à ses disciples à travers tout le pays. Certain
que peu de personnes, s'il y en eût, oseraient pénétrer dans une région aussi
sauvage et aussi agitée, habitée par une population aussi rebelle, il s'imaginait
sottement que cette séparation forcée de son prisonnier d'avec les intérêts
et les occupations de ses disciples tendrait petit à petit à arrêter le mouvement
à sa naissance même et aboutirait finalement à son extinction. (13.5)
Il dut bientôt réaliser, cependant, qu'il s'était sérieusement trompé sur la
nature de la révélation du Bab et qu'il avait sous-estimé la force de son influence.
L'esprit turbulent de ce peuple insoumis devait être bientôt subjugué par les
manières aimables du Bab, et son coeur devait s'adoucir sou l'effet ennoblissant
de son amour. L'orgueil de ces gens devait se transformer en humilité grâce
à sa modestie sans égale, et leur arrogance irraisonnée s'atténuer devant la
sagesse de ses paroles. La ferveur que le Bab avait suscitée en leurs coeurs
était telle que leur premier acte tous les matins, était de chercher un endroit
d'où ils pourraient apercevoir son visage, converser intimement avec lui et
l'implorer de bénir leur travail quotidien. En cas de conflit ils avaient pris
l'habitude d'aller instinctivement à cet endroit, de fixer leur regard sur sa
prison, d'invoquer son nom et de s'adjurer mutuellement de dire la vérité. 'Ali
Khan essaya à plusieurs reprises de les en dissuader, mais se sentit incapable
d'étouffer leur enthousiasme. Il accomplit ses fonctions avec la sévérité la
plus extrême et refusa de permettre aux disciples reconnus du Bab de résider,
ne fût-ce que pour une nuit, dans la ville de Mah-Ku. (13.6)
"Pendant les deux premières semaines", relata encore Siyyid Husayn, "personne
ne fut autorisé à rendre visite au Bab. Seuls mon frère et moi pouvions aller
auprès de lui. En compagnie de l'un des gardes, Siyyid Hasan descendait chaque
jour dans la ville pour acheter ce dont nous avions besoin pour la journée.
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Shaykh Hasani-Zunuzi, qui était arrivé à Mah-Ku, passait les nuits dans un masjid
situé au-delà de la porte de la ville. Il servait d'intermédiaire entre ceux
des disciples du Bab qui, occasionnellement visitaient Mah-Ku et Siyyid Hasan,
mon frère qui, à son tour, soumettait les demandes des fidèles à leur maître
et mettait Shaykh Hasan au courant de sa réponse."
"Un jour, le Bab chargea mon frère d'informer Shaykh Hasan que lui, le Bab,
demandait à 'Ali Khan de changer d'attitude envers les croyants qui visitaient
Mah-Ku et de relâcher sa sévérité. "Dites-lui, ajouta-t-il, que je chargerai
demain le gardien de l'amener ici." Je fus très surpris d'entendre un tel message.
Comment l'autoritaire et obstiné 'Ali Khan pouvait-il, me dis-je, être amené
à relâcher la sévérité de sa discipline? Le lendemain de bonne heure, alors
que la porte de la forteresse était encore fermée, nous eûmes la surprise d'entendre
frapper à la porte; nous savions très bien qu'ordre avait été donné de ne laisser
entrer personne avant le lever du soleil. Nous reconnûmes la voix d' 'Ali Khan
qui semblait faire des remontrances aux gardes; l'un de ceux-ci entra peu après
et me déclara que le gardien de la forteresse insistait pour être reçu par le
Bab. Je fis part de son message au Bab, qui me donna l'ordre de l'introduire
auprès de lui. En traversant le seuil de son antichambre, je vis 'Ali-Khan debout
sur le seuil dans une attitude de soumission totale, son visage trahissant un
sentiment d'humilité et d'émerveillement inhabituels. Son orgueil et son sentiment
de supériorité semblaient l'avoir totalement abandonné. Il répondit de manière
humble et très courtoise à mon salut et me pria de lui permettre d'aller auprès
du Bab. Je le conduisis à la chambre qu'occupait mon maître. Ses membres tremblaient
au moment où il me suivit. Une agitation intérieure qu'il ne pouvait dissimuler
se lisait sur son visage. Le Bab se leva de son siège et lui souhaita la bienvenue.
S'inclinant avec respect, 'Ali Khan s'approcha de lui et se jeta à ses pieds.
"Libérez-moi, demanda-t-il, de ma perplexité. Je vous supplie, par le Prophète
de Dieu, votre illustre ancêtre, de dissiper mes doutes, car leur poids m'a
presque brisé le coeur. J'allais à cheval par des endroits inhabités et m'approchais
de la porte de la ville lorsque soudain, à l'aube, je vous vis debout au bord
de la rivière, occupé à faire votre prière. Les bras ouverts et les yeux levés,
vous invoquiez le nom de Dieu. Je restai debout et vous observai. J'attendais
la fin de votre prière pour m'approcher de vous et vous réprimander pour avoir
osé quitter la forteresse sans mon autorisation.
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Dans votre communion avec Dieu, vous étiez si absorbé dans l'adoration que vous
étiez totalement oublieux de vous-même. Je m'approchai tranquillement de
vous mais, dans votre état d'extase, vous ne vous aperçûtes même pas de ma présence.
Je fus pris soudain d'une grande peur et reculai devant l'idée de vous tirer
de votre extase. Je décidai de vous quitter et d'aller vers les gardes afin
de les blâmer pour leur conduite négligente. Je découvris peu après, à mon grand
étonnement, que les portes extérieure et intérieure étaient toutes deux fermées.
On les ouvrit à ma demande, on m'introduisit auprès de vous et, tout ébahi,
je vous vois à présent assis devant moi. Je me sens totalement perdu. Je me
demande si ma raison ne m'a pas abandonné." Le Bab répondit: "Ce dont vous avez
été témoin est authentique et indéniable. Vous avez sous-estimé cette révélation
et dédaigné avec mépris son auteur. Dieu, le Très-Miséricordieux, ne voulant
pas vous affliger de son châtiment, a bien voulu vous révéler la vérité. Par
sa divine intervention, il a instillé dans votre coeur l'amour de son élu et
vous a fait reconnaître le pouvoir irrésistible de sa foi."
Cette merveilleuse expérience transforma le coeur d' 'Ali Khan. Ces paroles
avaient calmé son agitation et vaincu son animosité acharnée. Par tous les moyens
en son pouvoir, il décida de se racheter de ses actions passées. "Un pauvre
homme, un shaykh," dit-il avec empressement au Bab, "désire ardemment venir
auprès de vous. Il vit dans une mosquée située au-delà de la porte de Mah-Ku.
Je vous prie de me permettre de l'amener ici afin qu'il puisse vous rencontrer.
J'espère par cet acte voir mes mauvaises actions pardonnées et pouvoir effacer
les souillures de mon comportement cruel envers vos amis." Sa demande fut acceptée,
après quoi il alla directement chez Shaykh Hasan-i-Zunuzi et le conduisit auprès
de son maître.
'Ali Khan commença à prendre, selon les limites qui lui étaient imposées, toutes
les mesures propres à atténuer la rigueur de la captivité du Bab. La nuit, la
porte de la forteresse restait encore fermée; durant le jour, cependant, ceux
que le Bab désirait voir étaient autorisés à lui rendre visite, à s'entretenir
avec lui et à recevoir ses instructions.
Pendant son incarcération dans cette forteresse, le Bab consacrait son temps
à la rédaction du Bayan persan, le plus important, le plus lumineux et le plus
complet de tous ses ouvrages. (13.7) Il y exposa les lois
et les préceptes de sa dispensation, annonça clairement et avec force l'avènement
d'une révélation ultérieure et demanda avec insistance à ses disciples de chercher
et de trouver "celui que Dieu rendrait manifeste", (13.8)
les avertissant de ne pas laisser les mystères et les allusions contenues dans
le Bayan les empêcher de reconnaître sa cause. (13.9)
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J'ai entendu Shaykh Hasan-i-Zunuzi affirmer ce qui suit: "La voix du Bab, lorsqu'il
dictait les enseignements et les principes de sa foi, pouvait être entendue
avec netteté de ceux qui résidaient au pied de la montagne. La mélodie de sa
récitation et le flot rythmé des versets qui jaillissaient de ses lèvres nous
charmaient et pénétraient jusqu'au plus profond de notre âme. La montagne et
la vallée retentissaient de la majesté de sa voix. Nos coeurs vibraient au plus
profond d'eux-mêmes à l'appel de son verbe." (13.10)
Le relâchement progressif de la rigoureuse discipline imposée au Bab encouragea
un nombre toujours croissant de ses disciples à venir des différentes provinces
de la Perse pour lui rendre visite dans la forteresse de Mah-Ku. Un flot incessant
de pèlerins dévots et passionnés étaient conduits aux portes de cette forteresse
par les soins aimables et cléments d' 'Ali Khan. (13.11)
Après un séjour de trois jours, ils étaient invariablement congédiés par le
Bab, après avoir reçu l'ordre de retourner à leurs champs d'activité respectifs
pour reprendre leurs travaux en vue de la consolidation de sa foi. 'Ali Khan
lui-même ne manquait jamais de venir chaque vendredi présenter ses hommages
au Bab et l'assurer de sa loyauté et de son dévouement inébranlables. Il lui
apportait souvent les fruits les mieux choisi et les plus rares que l'on pût
trouver aux alentours de Mah-Ku, et lui offrait toujours des friandises susceptibles,
selon lui, de lui sembler agréables et savoureuses.
Le Bab passa ainsi l'été et l'automne dans cette forteresse. L'hiver qui suivit
fut si rigoureux que même les ustensiles en cuivre souffrirent de l'intensité
du froid. Le début de cette saison coïncida avec le mois de muharram de l'an
1264 après l'hégire. (13.12) L'eau dont se servait le Bab
pour faire ses ablutions était si glaciale que les gouttes scintillaient en
gelant au contact de son visage. Il faisait toujours venir Siyyid Husayn à la
fin de chaque prière et lui demandait de lui lire à haute voix un passage du
Muhriqu'l-Qulub, une oeuvre rédigée par feu Haji Mulla Mihdi, l'aïeul de Haji
Mirza Kamalu'd-Din-i-Naraqi, dans laquelle l'auteur exalte les vertus de l'Imam
Husayn, se lamente sur sa mort et relate les circonstances de son martyre. Le
récit de ces souffrances suscitait une intense émotion dans le coeur du Bab.
Il ne pouvait retenir ses larmes en écoutant la narration des indescriptibles
outrages qui avaient accablé l'Imam Husayn, et des horribles souffrances qu'il
avait endurées de la part d'un ennemi perfide.
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Lorsqu'on lui décrivait les circonstances de cette vie tragique, le Bab pensait
toujours à cette tragédie plus grande encore qui était destinée à marquer l'avènement
du Husayn promis. Ces atrocités du passé ne représentaient pour lui qu'un symbole
qui laissait présager des pires afflictions que son propre Husayn bien-aimé
devait bientôt endurer aux mains de ses compatriotes. Il pleurait lorsqu'il
se représentait les calamités que celui qui devait être manifesté était destiné
à souffrir, calamités telles que l'Imam Husayn n'en avait point subi de pareilles,
même au milieu de ses supplices. (13.13)
Dans l'un de ses Ecrits, révélé en l'an 60 après l'hégire, le Bab déclare ce
qui suit: "L'esprit de prière qui anime mon âme est la conséquence directe d'un
rêve que j'ai fait durant l'année précédant la déclaration de ma mission. Dans
ma vision, je vis la tête de l'Imam Husayn, le siyyidu'sh-shuhadai', pendue
à un arbre. Des gouttes de sang perlaient à profusion de sa gorge lacérée. Rempli
de sentiments d'une joie inégalable, je m'approchai de cet arbre et, tendant
mes bras, je recueillis quelques gouttes de ce sang sacre et les bus avec ferveur.
Lorsque je sortis de mon rêve, je sentis que l'Esprit de Dieu avait pénétré
en moi et pris possession de mon âme. Mon coeur débordait du bonheur de sa divine
présence et dans toute leur gloire les mystères de sa révélation se trouvaient
résolus devant mes yeux.
A peine Muhammad Shah avait-il condamné le Bab à la captivité dans les montagnes
fortifiées d'Adhirbayjan qu'il fut affligé d'un soudain revers de fortune, revers
tel qu'il n'en avait jamais connu de pareil et qui toucha les fondements mêmes
de son Etat. Un désastre épouvantable frappa les forces qui avaient pour mission
le maintien de l'ordre intérieur à travers les provinces. (13.14)
L'étendard de la rébellion fut hissé dans le Khurasan, et la consternation provoquée
par ce soulèvement fut si grande que la campagne projetée par le Shah à Hiràt
fut aussitôt abandonnée. La prodigalité et l'insouciance de Haji Mirza Aqasi
avaient transformé en flammes les feux épars du mécontentement des masses, les
exaspérant et les encourageant à la sédition et aux méfaits. Les éléments les
plus turbulents du Khurasan, qui peuplaient les ré g ions de Quchan, Bujnurd
et Shiravan se liguèrent avec le salar, fils de 1'asifu'd-dawlih, l'oncle maternel
aîné du Shah et gouverneur de la province, et rejetèrent l'autorité du gouvernement
central. Toutes les forces qu'on envoya de la capitale furent aussitôt vaincues
par les principaux instigateurs de la rébellion. Ja'far-Quli Khan-i-Namdar et
Amir Arslan Khan, fils du Salar, qui menait les opérations contre les forces
du Shah, firent preuve d'une cruauté extrême et, après avoir repoussé les attaques
de l'ennemi, tuèrent sans merci leurs prisonniers.
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Mulla Husayn séjournait alors à Mashhad (13.15) et s'efforçait,
en dépit du tumulte qu'avait causé cette révolte, de propager la connaissance
de la nouvelle révélation. A peine avait-il découvert que le sâlàr, dans son
désir d'étendre le champ d'action de la rébellion, s'était décidé à prendre
contact avec lui et à obtenir son soutien, qu'il décida promptement de quitter
la ville afin d'éviter d'être mêlé aux complots de ce chef fier et rebelle.
En pleine nuit, suivi seulement de Qambar-'Ali qui était son serviteur, il partit
à pied en direction de Tihran, d'où il entendait aller visiter l'Adhirbayjan,
province où il espérait rencontrer le Bab. Ses amis, lorsqu'ils apprirent la
façon dont il était parti, se procurèrent aussitôt ce qui pouvait ajouter au
confort de son long et pénible voyage, et se hâtèrent de le rejoindre. Mulla
Husayn déclina leur aide. "J'ai fait le voeu, dit-il, de parcourir à pied tout
le trajet me séparant de mon Bien-Aimé. Je ne relâcherai mes efforts que lorsque
j'aurai atteint ma destination." Il essaya même de persuader Qambar-'Ali de
retourner à Mashhad mais finalement fut obligé de céder aux supplications de
celui-ci qui lui demandait la permission de le servir durant son pèlerinage
dans l'Adhirbayjan.
Sur le chemin de Tihran, Mulla Husayn reçut un accueil enthousiaste de la part
des croyants des différentes villes par lesquelles il passa. Ceux-ci lui adressèrent
la même demande et reçurent la même réponse. J'ai entendu le témoignage suivant
de la bouche d'Aqay-i-Kalim:
"Lorsque Mulla Husayn arriva à Tihran, j'allai lui rendre visite en compagnie
d'un grand nombre de croyants. Il nous sembla être l'incarnation même de la
constance, de la piété et de la vertu. Il nous inspirait par la rectitude de
son comportement et l'ardeur de sa loyauté. Sa force de caractère et l'intensité
de sa foi étaient telles que nous eûmes la conviction qu'il serait capable,
seul et sans appui, de faire triompher la foi de Dieu." Il fut introduit en
secret auprès de Baha'u'llah et, peu après son entrevue, partit pour l'Adhirbayjan.
La nuit précédant son arrivée à Mah-Ku, qui était la veille du quatrième Naw-Ruz
après la déclaration de la mission du Bab et qui tombait, cette année-là, la
1264ème de l'hégire, (13.16) le 13 du mois de rabi'u'th-thani,
'Ali Khan fit un rêve. "Dans mon sommeil, raconte-t-il, je fus saisi d'apprendre
subitement que Muhammad le prophète de Dieu, devait bientôt arriver à Mah-Ku,
qu'il devait se rendre directement à la forteresse afin de rendre visite au
Bab et lui présenter ses voeux à l'occasion de la fête de Naw-Ruz.
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Dans mon rêve, je courus à sa rencontre, empressé que j'étais d'offrir à un
visiteur aussi sacré l'expression de mon humble bienvenue. Dans un état de joie
indescriptible, je me précipitai à pied en direction de la rivière et, en arrivant
au point qui se trouvait à une distance d'un maydan (13.17)
de la ville de Mâh-Ku, je vis deux hommes qui s'avançaient vers moi. Je pris
l'un d'eux pour le Prophète lui-même et l'autre, celui qui marchait derrière,
me parut être l'un des ses distingués compagnons. Je me hâtais d'aller me jeter
aux pieds de Muhammad, et j'étais en train de m'incliner pour baiser le pan
de son vêtement, lorsque, soudain, je sortis de mon rêve. Une grande joie avait
envahi mon âme. C'était comme si mon coeur avait reçu en don le paradis lui-même,
avec toutes ses délices. Convaincu de la réalité de ma vision, je fis mes ablutions,
puis ma prière, revêtis mes plus beaux habits, me parfumai ,et partis vers l'endroit
où, la nuit auparavant, j'avais vu dans mon rêve le visage du Prophète. J'avais
donné l'ordre à mes domestiques de seller trois de mes meilleurs et de mes plus
rapides chevaux et de les conduire aussitôt sur le pont. Le soleil s'était à
peine levé lorsque, seul et sans escorte, je sortis à pied de la ville de Mah-Ku
pour aller à la rivière. En m'approchant du pont, je découvris, le coeur palpitant
d'émerveillement, les deux hommes que j'avais vus dans mon rêve marchant l'un
derrière l'autre et qui s'approchaient de moi. Instinctivement je tombai aux
pieds de celui que je croyais être le Prophète, et les baisai avec dévotion.
Je les priai alors, lui et son compagnon, de monter les chevaux que j'avais
préparés en vue de leur entrée à Mah-Ku. "Jamais, répondit le premier; j'ai
fait le voeu d'accomplir tout mon voyage à pied. C'est à pied que j'irai au
sommet de cette montagne rendre visite à votre prisonnier."
Cette étrange expérience d' 'Ali Khan accrut encore son respect envers le Bab.
Sa foi en la potentialité de sa révélation devint encore plus intense et plus
grand encore son dévouement envers lui. Dans une attitude d'humilité et de soumission,
il suivit Mulla Husayn jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus à la porte de la forteresse.
Dès que le regard de Mulla Husayn tomba sur le visage de son maître, qui se
tenait debout sur le seuil de la porte, il s'arrêta aussitôt et, s'inclinant
très bas devant lui, resta immobile à ses côtés. Le Bab lui tendit les bras
et l'embrassa affectueusement. Le prenant par la main, il le conduisit à sa
chambre. Il appela ensuite ses amis auprès de lui et célébra en leur compagnie
la fête de Naw-Ruz. Des plats remplis de sucreries et de fruits succulents avaient
été étalés devant lui.
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Il les distribua à ses amis réunis et, en offrant quelques coings et pommes
à Mulla Husayn, il dit: "Ces fruits délicieux nous viennent de Milan, 1' Ard-i-Jannat,
(13.18) et ont été spécialement cueillis et consacrés à
cette fête par Ismu'llahu'l-Fatiq, Muhammad-Taqi."
Avant cette rencontre, personne, parmi les disciples du Bab, sinon Siyyid Husayn-i-Yazdi
et son frère, n'avait été autorisé à passer la nuit à l'intérieur de la forteresse.
Ce jour-là, 'Ali Khan vint auprès du Bab et lui dit: "Si vous désirez garder
Mulla Husayn en votre compagnie pour cette nuit, je suis prêt à me conformer
à votre désir, car je n'ai pas de volonté propre. Je m'engage à exécuter votre
ordre, aussi longtemps que vous désirerez le garder auprès de vous." Les disciples
du Bab continuèrent à arriver en nombre croissant à Mah-Ku et furent introduits,
aussitôt et sans la moindre restriction, auprès de lui.
Un jour, alors qu'il regardait du toit de la forteresse, en compagnie de Mulla
Husayn, le paysage de la campagne environnante, le Bab fixa l'ouest et, montrant
l'Araxes qui serpentait au loin au-dessous de lui, se tourna vers Mulla Husayn
et lui dit: "C'est de cette rivière que le poète Hafiz a parlé en ces termes:
"O zéphir, si tu viens à passer par les rives de l'Araxes, dépose un baiser
sur la terre de cette vallée et parfume ton souffle! Salut à toi, mille saluts
à toi, ô demeure de Salma! Comme la voix de tes chameliers m'est chère, comme
le tintement de tes cloches m'est doux!" (13.19)
PHOTO: vue de Milan, dans l'Adhirbayjan
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Votre séjour dans ce pays tire à sa fin. S'il n'avait été de courte durée, nous
vous aurions montré la "demeure de Salma" comme nous avons révélé à vos yeux
les "rives de l'Araxes". Par "demeure de Salma", le Bab entendait la ville de
Salmas, qui se trouve dans le voisinage de Chihriq et que les Turcs désignent
sous ce nom. Poursuivant ses remarques, le Bab dit: "C'est l'influence directe
du Saint-Esprit qui fait jaillir de la bouche des poètes des paroles telles
que leur signification en reste souvent cachée aux yeux mêmes de leurs auteurs.
Le verset suivant est également d'inspiration divine: "Shiraz sera la proie
de tumultes; un jeune homme au verbe doux comme le miel apparaîtra. Je crains
que le souffle de sa bouche ne provoque agitation et révolte à Baghdad. Le mystère
que recèle ce verset demeure à présent caché; il sera révélé en l'an après Hin."
(13.20) Le Bab cita ensuite cette fameuse tradition: "Des
trésors gisent cachés en dessous du trône de Dieu; la clef de ces trésors est
la langue des poètes." Il raconta ensuite à Mulla Husayn, dans l'ordre, les
événements qui devaient arriver et le pria de ne les mentionner à personne.
(13.21) "Quelques jours après votre départ de ce lieu",
lui fit savoir le Bab, "l'on nous transfèrera vers une autre montagne. Avant
votre arrivée à destination, la nouvelle de notre départ de Mah-Ku vous sera
parvenue.
La prédiction qu'avait faite le Bab se réalisa peu après. Ceux qui avaient été
chargés d'observer en secret les mouvements et la conduite d"Ali Khan soumirent
à Haji Mirza Aqasi un rapport détaillé, dans lequel ils s'étendaient sur la
dévotion extrême de celui-ci envers son prisonnier et décrivaient les événements
qui tendaient à confirmer leurs déclarations. "Jour et nuit, lui écrivirent-ils,
on peut voir le gardien de la forteresse de Mah-Ku en compagnie de son prisonnier
dans un état de liberté et d' amitié sans entraves. 'Ali Khan, qui refusait
obstinément de donner sa fille en mariage à l'héritier du trône de la Perse,
sous le prétexte qu'un tel acte rendrait les parents sunnis de sa mère si furieux
qu'ils n'hésiteraient pas à le tuer en même temps que sa fille, nourrissait
comme plus cher désir l'hymen de cette même fille avec le Bab. Ce dernier refusa,
mais 'Ali Khan persista dans sa supplication. S'il n'y avait eu le refus du
prisonnier, le mariage aurait déjà été célébré." 'Ali Khan avait effectivement
présenté une telle requête et avait même demandé à Mulla Husayn d'intercéder
en sa faveur auprès du Bab, mais Mulla Husayn n'avait pu obtenir le consentement
de son maître.
Ces rapports malveillants eurent un effet immédiat sur Haji Mirza Aqasi.
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La peur et le ressentiment poussèrent à nouveau ce ministre capricieux à promulguer
un ordre péremptoire en vue du transfert du Bab à la forteresse de Chihriq.
Vingt jours après Naw-Ruz, le Bab fit ses adieux aux habitants de Mah-Ku qui,
au cours de ses neuf mois de captivité avaient reconnu d'une manière remarquable
la puissance de sa personnalité et la grandeur de son caractère. Mulla Husayn
qui, conformément aux ordres du Bab, avait déjà quitté Mah-Ku, se trouvait encore
à Tabriz lorsque lui parvint la nouvelle du transfert de son maître à Chihriq,
transfert que celui-ci avait prédit. En faisant son dernier adieu à Mulla Husayn,
le Bab lui adressa ces paroles: "Vous avez marché à pied pendant tout votre
voyage qui vous a mené de votre province natale jusqu'ici. De même devrez-vous
retourner à pied à votre destination, car les jours où vous devrez faire preuve
de votre adresse en tant que cavalier sont pour plus tard. Vous êtes destiné
à montrer un courage, une habileté et un héroïsme tels que les actes les plus
formidables des héros du passé en seront éclipsés. Vos exploits audacieux vous
gagneront la louange et l'admiration des habitants du royaume éternel. Vous
devriez, sur votre chemin, rendre visite aux croyants de Khuy, d'Urumiyyih,
de Maraghih, de Milan, de Tabriz, de Zanjan, de Qazvin et de Tihran. Vous transmettrez,
à chacun d'entre eux l'expression de mon amour et de ma tendre affection. Vous
vous efforcerez d'enflammer à nouveau leur coeur par le feu de l'amour de la
beauté de Dieu et de raffermir leur foi en sa révélation. De Tihran, vous vous
rendrez au Mazindaran, où sera manifesté à vos yeux 1e trésor caché de Dieu.
Vous serez appelé à accomplir des actes d' une grandeur telle qu'ils minimiseront
les plus grands exploits du passé. C'est là que la nature de votre tâche vous
sera révélée et que force et conseils vous seront accordés afin que vous soyez
apte à servir sa cause.
C'est au matin du neuvième jour après Naw-Ruz que Mulla Husayn se mit en route,
conformément aux ordres de son maître, pour accomplir son voyage au Mazindaran.
Quant à Qambar-'Ali, le Bab lui adressa les paroles d'adieu suivantes: "Le Qambar-'Ali
du passé se glorifiera de ce que son homonyme a vécu assez longtemps pour témoigner
d'un jour auquel celui (13.22) qui était le Seigneur de
son seigneur avait aspiré en vain; jour dont il avait dit, avec une vive nostalgie:
"Puissent mes yeux contempler les visages de mes frères qui ont eu le privilège
de parvenir à ce jour!"
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NOTE DU CHAPITRE 13:
(13.1) Littéralement: "La Montagne ouverte", allusion
à Mah-Ku. La valeur numérique de "Jabali-Basit" équivaut à celle de "Mah-Ku".
(13.2) Littéralement: "La Montagne terrible", allusion
à Chihriq. La valeur numérique de "Jabal-i-SHadid" équivaut à celle de "Chihriq."
(13.3) Voir glossaire.
(13.4) "Il habite une montagne dont les habitants
ne peuvent même pas prononcer le mot "Jannat" (paradis), qui est un mot arabe:
comment dès lors en pourraient-ils comprendre le sens. Vois dès lors ce qui
se passe pour la vérité des existences." ("Le Bayan Persan", vol. IV, p. 14).
(13.5) "Patrie du premier ministre, sur la frontière
de l'Adhirbayjan, cette ville est sortie de son obscurité sous l'administration
de ce ministre, et beaucoup de gens à Mah-Ku furent élevés aux premiers postes
de l'État, grâce à leur servilité pour Haji Mirza Aqasi". (Journal Asiatique,
1866, tome VII, p. 356, note 1.)
(13.6) "C'est le Bab lui-même qui nous indique comment
sa vie se passait dans la prison où il était enfermé. Ses plaintes, si fréquentes
dans le Bayan, doivent, je pense, être dues à des resserrements de discipline
provenant d'ordres venus de temps en temps de Tihran. Tous les historiens, en
effet, tant les Babis, que les Musulmans, nous disent que, malgré les ordres
sévères d'empêcher toutes communications du prisonnier avec le monde extérieur,
le Bab recevait une foule de disciples, et d'étrangers dans sa prison. (L'auteur
du Mutanabbiyyin écrit: "Les Babis de toutes les parties de la terre se rendaient
en Adhirbayjan, en pèlerinage auprès de leur chef.") ... "Oh! Quel est ton aveuglement,
ô ma créature! Ce que tu fais, tu le fais pensant me contenter! Et malgré ces
versets qui me prouvent moi-même, ces versets qui découlent de ma puissance
et dont le trésor est l'être même de ce personnage (le Bab), malgré ces versets
qui ne sortent de sa bouche qu'avec ma permission, voilà que, sans aucune espèce
de droit, vous l'avez mis au sommet d'une montagne dont les habitants ne sont
même pas dignes qu'on les cite. Près de lui, ce qui est près de moi, il n'y
a personne si ce n'est une des Lettres de la Vie de mon livre. Entre ses deux
mains, qui sont mes deux mains, il n'y a même pas un serviteur, pour allumer,
la nuit, la lampe. Et voilà que les hommes qui sont sur terre n'ont été créés
que pour son existence: c'est par sa bienveillance qu'ils sont dans la joie,
et ils ne lui donnent même pas une lumière!" (Unité 2, porte 1). 'Le fruit (de
la religion islamique) c'est de croire à la Manifestation (du Bab) et on l'emprisonne
à Mah-Ku!" (Unité 2, porte 7). Tout ce qui appartient à l'homme du Paradis est
en Paradis.
Cette chambre solitaire (dans laquelle je suis) et qui n'a même pas de porte,
est aujourd'hui le plus grand des jardins du Paradis, car l'arbre de la Vérité
y est planté. Tous les atomes qui la composent crient En vérité, il n'y a pas
d'autre dieu que Dieu ! En vérité je suis Dieu, et il n'y a as d'autre dieu
que moi le Seigneur de l'Univers!" (Unité 2, porte 16). (Le fruit de cette porte
est que les hommes voyant qu'il est permis de faire tout cela pour le Bayan
(dépenser tant d'argent) qui n'est que la trace de celui que Dieu doit manifester,
doivent se rendre compte de ce qu'il faut faire pour celui que Dieu doit manifester
quand il apparaîtra, afin qu'il ne (lui) an-ive pas ce qui (m') arrive aujourd'hui.
C'est-à-dire qu'il y a de par le monde beaucoup de Qur'an valant mille tumans,
alors que celui qui fait descendre des versets (le Bab) est mis sur une montagne
dans une chambre construite en briques séchées au soleil. Et cependant cette
chambre est l'Arche (9è ciel, séjour de la divinité) même. Que cela serve d'exemple
aux Bayanis afin qu'ils ne fassent pas envers lui, ce que les Qur'anis, ont
fait vis-à-vis de moi." (Unité 3, porte 19) (A.L.M. Nicolas "Siyyid Ali-Muhammad
dit le Bab", pp. 365-7.) t'Tous croient à lui, et ils l'ont emprisonné sur une
montagne! Tous sont par lui dans l'allégresse, et ils l'ont abandonné tout seul
! Aucun feu n'est plus ardent pour ceux qui ont agi ainsi que leurs oeuvres
mêmes; de même, pour les croyants, aucun Paradis n'est plus haut que leur foi
même" ("Le Bayan Persan", vol. I, pp. 126-7.)
(13.7) "Une grande foule, continuait d'arriver de
toutes parts pour visiter le Bab, et les Écrits qui émanèrent de sa plume inspirée
durant cette période furent si nombreux qu'ils atteignirent et dépassèrent en
tout les cent mille versets." (Le "Tarikh-i-Jadid", p. 238.) "Voyez, environ
cent mille lignes semblables à ces versets se sont répandues parmi les hommes
sans compter les oraisons jaculatoires et les questions de science et de philosophie."
("Le Bayan Persan", Vol. 1, p. 43.) "Vois aussi au sujet du Point du Bayan.
Ceux qui le connaissaient, savent quel était son rang avant la manifestation;
mais après la manifestation et quoique jusqu'à aujourd'hui il ait produit plus
de cinq cent mille bayts (versets) sur des sujets divers, on n'en prononce pas
moins contre lui, des paroles que la plume se refuse à répéter." ("Le Bayan
Persan", Vol. III, p. 113.) "Les versets qui ont pin de ce Nuage de divine bonté
(le Bab), ont été si abondants que personne jusqu'à présent n'a encore été capable
d'en estimer le nombre. On dispose actuellement d'une vingtaine de volumes.
Combien en existent-ils encore qui sont hors de la portée de notre main! Combien
ont été pillés et sont tombés aux mains de l'ennemi, ouvrages dont personne
ne connaît le sort!" (Le "Kitabi-Iqan", pp. 182-3.)
(13.8) Allusion à Baha'u'llah. "À Mulla Baqir, une
des Lettres du Vivant - que la gloire et la faveur de Dieu soient sur lui -
il (le Bab) adresse ces paroles "Peut-être, au cours de la huitième année, jour
de sa manifestation, pourras-tu parvenir en sa présence." ("l'Épître au fils
du Loup", p. 129.)
(13.9) "C'est toujours dans le même ordre d'idées
qu'une fois enfermé à Mah-Ku, il adresse une longue lettre au Shah (Muhammad
Shah) que nous allons analyser ici. Le document commence, comme presque tous
les documents littéraires du Bab, par une louange exaltée de l'Unité Divine.
Le Bab continue en louant, comme il convient, Muhammad et les douze Imams qui,
comme on le verra dans le second volume de cet ouvrage, sont les pierres angulaires
de l'édifice du Bayan. "Et moi j'affirme, s'écrie-t-il, que tout ce qui est
dans ce monde de possibilités autre qu'eux n'est auprès d'eux que le néant absolu,
et si on peut le mentionner, ce tout, ce n'est que comme l'ombre d'une ombre.
Je demande pardon à Dieu de ces limites que je viens de leur assigner, car en
vérité le dernier degré des louanges qu'on en peut faire est de reconnaître
en face d'eux, qu'on ne peut les louer ...C'est pourquoi Dieu m'a créé d'une
boue telle que personne n'a été créé d'une boue pareille. Et Dieu m'a donné
ce que les savants dans leur science ne peuvent comprendre, ce que personne
ne peut connaître à moins d'être complètement anéanti en face d'un signe d'entre
mes signes ...
Sache, qu'en vérité, je suis une colonne de la première parole: cette parole
que quiconque l'a connue a connu Dieu tout entier et est entré dans le bien
universel. Celui qui n'a pas voulu la connaître est resté ignorant de Dieu et
est entré dans le mal universel. J'en jure par ton Dieu, le Maître des deux
mondes, celui qui vit ici-bas aussi longtemps que le permet la nature, et reste
toute sa vie l'esclave de Dieu dans toutes les oeuvres de bien qu'embrasse la
science de Dieu, s'il a dans son coeur de l'inimitié contre moi, fût-ce si peu
que Dieu seul le pusse comprendre, alors toutes ses bonnes oeuvres et toute
sa piété sont sans utilité et Dieu ne le regarde que d'un regard de châtiment,
et celui-là est de ceux qui meurent. Dieu a fixé tout le bien que lui-même reconnaît
comme bien dans l'oeuvre de m'obéir, et tout le mal qu'il connaît dans l'acte
de me désobéir.
En vérité, aujourd'hui je vois, dans le rang que je tiens, tout ce que je viens
d dire et les gens de mon amour et de mon obéissance dans les plus hautes demeures
des cieux, tandis que mes ennemis sont plongés dans les profondeurs du feu !
Sur mon existence, je le jure , si je n'avais pas été obligé d'accepter d'être
le Hujjat de Dieu, je ne t'eusse pas averti ..." Comme on le voit, le Bab continue
ici très nettement et renouvelle ses affirmations du Kitab-i-baynu'l-Haramayn.
Il n'y ajoute rien, mais n'en retranche rien non plus. "Moi donc, dit-il, je
suis le Point d'où tout ce qui existe a trouvé l'existence. Je suis cette Face
de Dieu qui ne meurt pas, je suis cette Lumière qui ne s'éteint pas. Celui qui
me connaît est accompagné de tout le bien, celui qui me repousse a derrière
lui tout le mal. En vérité, Moïse, quand il demanda à Dieu ce qu'il demanda
(il voulut voir Dieu) Dieu rayonna sur la montagne, de la lumière d'un des sectateurs
d' 'Ah, et, comme l'explique le hadis, "cette lumière, j'en jure par Dieu, était
ma lumière." Ne vois-tu pas que la valeur numérale des lettres qui composent
mon nom est égale à la valeur numérale de celles qui composent le mot Rabb (Seigneur)?
Or Dieu n'a-t-il pas dit dans le Qur'an: Et quand ton Rabb rayonna sur la montagne."
Le Bab continue en étudiant les prophéties faites dans le Qur'an puis dans quelques
hadis au sujet de la manifestation du Mihdi. Il rapporte le fameux hadis de
Mufaddal qui est l'un des arguments les plus forts pour la vérité de sa mission.
Dans le Qur'an il est dit, chap. 32, verset 4: Dieu conduit les affaires (du
monde) du ciel à la terre puis (tout) remonte à lui dans un jour dont la durée
est de mille années de notre comput. D'autre part le dernier Imam a disparu
en l'an 260 de l'Hégire, c'est à ce moment que la manifestation prophétique
est terminée et que "la porte de la science est fermée". Or Mufaddal interrogea
l'Imam Sadiq sur les signes de l'arrivée du Mihdi, et l'Imam lui répondit: "Il
se manifestera en l'année 60 et son nom sera élevé. Ce qui veut dire en l'année
1260 qui est précisément l'année de la manifestation du Bab.
"J'en jure par Dieu, dit à ce sujet Siyyid 'Ali-Muhammad, je n'ai pas pris de
leçons et mon éducation a été celle d'un marchand. En l'année 60 j'ai eu le
coeur rempli de versets solides, de sciences certaines et du témoignage de Dieu.
Et j'ai proclamé ma mission en cette année même ... Et cette année même je vous
ai envoyé un messager (Muhli Husayn-i-Bushru'i) porteur d'on Livre afin que
le Gouvernement pût faire ce qu'il avait à faire vis-à-vis de l'Hujjat. Mais
la volonté de Dieu étant que s'élevassent des guerres civiles qui assourdissent
les oreilles, aveuglassent les yeux, et rendissent les coeurs endurcis, c'est
pour cette raison qu'on n'a pas laissé mon messager parvenir jusqu'à vous.
Ceux qui se considèrent comme patriotes s'y opposèrent et jusqu'à aujourd'hui
- quatre ans presque ont passé - sans que personne vous ait rien dit de la vérité
de la question. Et maintenant, comme mon temps est proche, comme mon oeuvre
est oeuvre divine et non pas humaine, c'est pourquoi je vous en ai écrit brièvement.
J'en jure par Dieu! si tu savais ce qui pendant ces quatre ans m'est advenu
de tes fonctionnaires et de tes délégués! Si tu le savais, la peur de Dieu t'empêcherait
d'achever le souffle qui s'exhale en ce moment de tes lèvres, à moins que tu
ne formes le dessein d'entrer dans l'obéissance de l'ordre de Hujjat, et de
réparer immédiatement ce qui a eu heu.
J'étais à Shiraz, et de ce gouverneur mauvais et maudit, je subis des tyrannies
telles que si tu en connaissais la moindre part, de par ta justice tu exercerais
sur lui la peine du talion, car sa violence a attiré la punition du ciel jusqu'au
jour du jugement sur l'étendue de l'Empire. Cet homme très orgueilleux et toujours
ivre ne donnait aucun ordre empreint d'intelligence. Je fus forcé de sortir
de Shiraz et je me dirigeai vers Tihran pour aller te voir, mais feu Mu'tamidu'd-Dawhih
comprit la vérité de ma mission et fit ce qu'exigeait la déférence vis-à-vis
des élus du Seigneur. Des ignorants de la ville commencèrent une émeute, et
c'est pourquoi je me cachai dans le palais Sadr jusqu'au moment où Mu'tamid
mourut. Que Dieu le récompense! Il n'y a pas de doute que la cause de son salut
du feu de l'enfer soit ce qu'il a fait pour moi. Ensuite Gurgin me fit durant
sept nuits voyager avec cinq individus, sans rien de ce qui est nécessaire au
voyage et avec mille mensonges et mille violences. Hélas! Hélas! sur ce qui
m'est arrivé! Enfin le Sultan ordonna de me diriger sur Mah-Ku, sans même me
donner une monture que je pusse monter! Hélas! Hélas! il m'est arrivé ce qui
m'est arrivé! Enfin je parvins à ce village dont tous les habitants sont ignorants
et grossiers. Ah! J'en jure par Dieu, si to savais en quel lieu je demeure,
le premier qui aurait pitié de moi, ce serait toi-même! C'est un fortin, au
sommet d'une montagne, et c'est à ta bienveillance que je dois une pareille
demeure! Ceux qui y habitent sont deux hommes et quatre chiens! Pense à quoi
je passe mon temps!
Je remercie Dieu, comme il doit être remercié, et je jure par Dieu que celui
qui m'a emprisonné là est content de ce qu'il a fait. Et cependant, s'il savait
avec qui il a agi ainsi, jamais lus il ne serait heureux. Et maintenant, je
t'avise d'un secret: cet homme a emprisonné (en ma personne) tous les prophètes,
tous les saints et celui que la science de Dieu a embrassé. Et il n'est resté
de péché d'aucun genre sous lequel je n'ai gémi... Quand j'eus appris l'ordre
que tu avais donné (de me conduire à Mah-Ku) j'ai écrit au Sadr-i-A'zam: "tue-moi
et envoie ma tête où tu voudras, car vivre sans péché et aller où sont les pécheurs
ne peut me convenir." Il ne me répondit rien: et je suis convaincu qu'il ne
connaissait pas la vérité de la question, car attrister sans raison les coeurs
des croyants et des croyantes est pire que de détruire la maison de Dieu.
Or, j'en jure par Dieu, c'est moi aujourd'hui la vraie maison de Dieu. Tout
le bien s'attache à ceci que quelqu'un use fasse du bien, car c'est alors comme
s'il faisait du bien à Dieu, à ses anges, à ses amis. Mais peut-être Dieu et
ses amis sont trop élevés pour qu'arrive jusqu'à la poussière de leur seuil
le bien ou le mal de quelqu'un, mais ce qui arrive à Dieu m'arrive à moi. J'en
jure par Dieu, celui qui m'a emprisonné s'est emprisonné lui-même, et il ne
m'arrive que ce que Dieu a ordonné. Alors hélas! hélas ! sur celui dont la main
laisse échapper le mal, bienheureux celui qui prodigue le bien." Enfin, et pour
résumer cette trop longue missive: "L'autre question est affaire de ce bas monde.
Feu Mu'tamid, une nuit, fit retirer tous les assistants et même Haji Mulla Ahmad,
puis il me dit: "Je sais fort bien que tout ce que j'ai acquis, je l'ai acquis
par la violence, et cela appartient au Sahibu'z-Zaman. Je te le donne donc en
entier, car tu es le Maître de la Vérité et je te demande la permission d'en
devenir possesseur." Il retira même une bague qu'il avait au doigt, et me la
donna. Je pris la bague et la lui rendis et l'envoyai en possession de tout
son bien. Dieu est témoin de ce que je dis là, et son témoignage suffit. Je
ne veux pas un dinar de ces biens, mais c'est à vous à ordonner comme bon vous
semblera. Mais comme pour toute contestation Dieu a demandé lui-même le témoignage
de deux témoins, au milieu de tous les savants, faites venir Siyyid Yahya et
Akhund Mulla 'Abdu'l-Khaliq. Ils vous montreront et vous expliqueront mes versets
et de cet entretien ne subsistera qu'une seule chose, c'est la perfection de
mon témoignage.
De ces deux personnages, l'un m'a connu avant la manifestation, l'autre après;
tous deux me connaissent fort bien, et c'est pourquoi je les ai choisis." Et
la lettre se termine par des preuves cabalistiques et des hadis. Ainsi donc
le Bab se déplaisait vivement dans sa prison et il y resta relativement longtemps
puisqu'en somme le document que nous venons de citer est de 1264 et l'exécution
du martyr n'eut lieu que le 27 Sha'ban de l'an 1266 (8 juillet 1850)." (A.L.M.
Nicolas "Siyyid 'Ali-Mohammad dit le Bab", pp. 367-73.)
(13.10) Voici ha prière que le Bab lui-même cite
dans le "Dala'il-i-Sab'ih" comme supplication dorant les mois de sa captivité
dans la forteresse de Mah-Ku: "O mou Dieu! donne par sa personne à lui-même,
à ses descendants, à sa famille, à ses amis, à ses sujets, à ses proches, à
tous et à tous les habitants de la terre, un rayon qui éclaire leurs regards,
facilite leur tâche, fais-les parvenir aux meilleures des oeuvres en ce monde
et dans l'autre. En vérité! tu peux ce que tu veux. O mon Dieu! ressuscite en
loi ce par quoi il peut renouveler ta religion et fais vivre par loi ce qui
est changé dans ton livre; manifeste par lui ce que tu modifies dans tes ordres
afin que par loi ta religion se lève de nouveau; donne-loi dans la main un livre
nouveau, pur et saint; qu'aucun doute, aucune hésitation ne soient dans ce livre
et que personne ne poisse se présenter qui le détruise ou bien le modifie. O
mon Dieu! éclaire par ton resplendissement tout ce qui est obscur, et, par son
pouvoir affermi, disperse les lois anciennes.
Par sa prééminence, ruine ceux qui n'ont pas suivi la route de Dieu. Par lui,
fais périr tous les tyrans, éteins par son sabre toutes les discordes, efface
par sa justice toutes les oppressions, fais obéir à ses ordres ceux qui ont
le commandement; sous son empire renverse tous les empires. O mon Dieu! abaisse
quiconque veut l'abaisser, tue quiconque est son ennemi; renie quiconque le
renie et égare quiconque repousse sa vérité, renie ses ordres, s'efforce d'obscurcir
sa lumière et d'éteindre son nom." Le Bab ajoute alors ces mots: "Ces bénédictions,
répète-les souvent, et si tu n'as pas le temps de les répéter en entier, ne
manque pas d'en dire la dernière partie. Sois éveillé le jour de l'apparition
de celui que Dieu dot manifester, car cette prière est descendue du ciel pour
lui quoique je sois dans l'espoir qu'aucun chagrin ne l'attend: j'ai instruit
les gens de ma religion à ne se réjouir du malheur de personne. Aussi, e peut-il
qu'à l'époque de l'apparition de ce soleil de la vérité, aucune souffrance ne
t'atteigne." ( 'Le Livre des Sept Preuves' ', traduction par A.L.M. Nicolas,
pp. 64-5.)
(13.11) "L'auteur du Mutanabiyyin écrit: "Les Babis
de toutes les parties de la terre se rendaient en Adhirbayjan, en pèlerinage
auprès de leur chef." (L'auteur étant Prince 'Ali-Quli Mirza, I'tidadu 's-Saltanih.)
(A.L.M. Nicolas "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 365, note 227.)
(13.12) Du 9 décembre 1847 au 8 janvier 1848 ap.
J.-C.
(13.13) "Durant son séjour à Mah-Ku le Bab composa
un grand nombre d'ouvrages dont, parmi les plus importants, on peut citer en
particulier le Bayan persan et les Sept Preuves (Dala'il-i-Sab'ih), qui tous
deux prouvent amplement par leur contenu qu'ils ont été écrits à cette époque.
En fait, si nous devions croire une déclaration faite dans le Tarikh-i-Jadid,
sur la foi des dires de Mirza 'Abdu'l-Vahhab, les divers écrits du Bab en circulation
à Tabriz seul, se montent en tout à non moins d'un million de versets !" ("A
Travehler's Narrative" Note L, p. 200.)
Concernant le "Dala'il-i-Sab'ih", Nicolas écrit ce qui suit: "Le Livre des Sept
Preuves est la plus importante des oeuvres de polémique sorties de la plume
de Siyyid 'Ali-Muhammad, dit le Bab (Préface, p. 1.) "Son correspondant lui
a évidemment demandé toutes les preuves de sa mission et la réponse qu'il reçoit
est admirable de précision et de netteté. Elle se base sur deux versets du Qur'an:
d'après le premier nul ne peut produire des versets, eut-il pour collaborateurs
tous les hommes et tous les démons - d'après le second, nul ne comprend le sens
des versets du Qur'an, si ce n'est Dieu et les hommes d'une science solide."
(Préface, p. 5.) "Comme on le voit, l'argumentation du Bab est neuve et originale,
et l'on peut déjà, par ce simple aperçu, se rendre compte do puissant intérêt
qu'offre la lecture de son oeuvre littéraire. Le cadre de ce travail ne me laisse
point la liberté d'exposer, même brièvement, les principaux dogmes d'une doctrine
certainement hardie et dont la façade est certes brillante et sympathique. J'espère
le faire par la suite, mais, j'ai encore , pour le moment, une observation à
présenter sur "le Livre des Sept Preuves". En effet, vers la fin de son ouvrage,
le Bab parle des miracles qui ont accompagné sa manifestation. Ceci étonnera
sans doute le lecteur, car il aura vu, au cours de sa réponse, notre apôtre
nier nettement les miracles matériels que l'imagination musulmane prête à Muhammad.
Il affirme que pour lui-même, comme pour le Prophète Arabe, la seule preuve
de sa mission est la descente des versets. Il n'en a pas d'autres, non qu'il
soit incapable de produire des miracles - car Dieu fait ce qu'il veut - mais
simplement parce que les prodiges matériels sont inférieurs aux miracles immatériels."
(Préface, pp. 12-13.) ("Le Livre des Sept Preuves", traduction par A.L.M. Nicolas.)
(13.14) "Cette province était depuis quelque temps
déjà en proie à des troubles qui offraient une certaine gravité. A la fin de
l'année 1844 ou au commencement de l'année 1845, le gouverneur de Bujnurd s'était
révolté contre l'autorité du Shah et s'était allié aux Turkomans contre la Perse.
Le Prince Asifu 'd-Dawhih, gouverneur du Khurasan, réclama des secours à ha
capitale. Le général Khan Baba Khan, générai en chef de l'armée persane, reçut
l'ordre d'envoyer dix mille hommes contre les rebelles, mais la pénurie du trésor
l'empêcha d'obéir. Le Shah forma dès lors pour le printemps, le projet d'une
expédition à la tête de laquelle il devait se mettre. Les préparatifs pour cette
expédition se poursuivirent avec vigueur. Bientôt dix bataillons de mille hommes
chacun furent préparés, n'attendant que l'arrivée du prince Hamzih Mirza nommé
générai en chef de l'expédition. Tout d un coup, le gouverneur du Khurasan,
Asifu'd-Dawhih, frère de la mère du roi, se sentant menacé dans sa sécurité
par la suspicion qui s'élevait à Tihran contre lui, vint à la cour se jeter
aux pieds du roi, protester de son entier dévouement à sa personne et demander
justice contre ses accusateurs.
Or, le principal de ses adversaires était Haji Mirza Aqasi, le tout-puissant
premier ministre. La lutte fut donc longue mais se termina par la défaite du
gouverneur, qui reçut l'ordre d'aller accomplir, avec la mère du roi, le pèlerinage
de la Mecque. Le fils de Asifu'd-Dawhih, Salar, conservateur de la mosquée de
Mashhad, riche par loi-même, fort de son alliance avec le chef kurde Ja'far-Quli
Khan, Ilkhani de la tribu Qajar, prit dès lors une attitude assez hostile, ce
qui provoqua l'envoi immédiat de trois mille hommes et de douze pièces de canon,
en même temps que le gouvernement du Khurasan était donné à Hamzih Mirza. La
nouvelle que Ja'far-Quli Khan, à la tète d'une nombreuse troupe de cavaliers
kurdes et turkomans, avait sabré quelques détachements de l'armée royale provoqua
un envoi immédiat de cinq nouveaux régiments et de 18 canons. Ce fut vers le
28 octobre de l'année 1847 que cette révolte sembla complètement réprimée par
la victoire de Shah-rud (15 septembre) et la dispersion et la fuite de Ja'far-Quli
Khan et de Salar. "(A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", pp. 257-8.)
(13.15) "Mashhad est le plus grand lieu de pèlerinage
de toute la Perse, Karbila étant, comme on le sait, en territoire ottoman. C'est
là que repose l'Imam Rida. Je ne m'appesantirai pas sur les centaines de miracles
que le saint Tombeau a opérés jadis et continue à opérer chaque jour; qu'il
suffise de savoir que chaque année des milliers de pèlerins se rendent à cette
tombe et qu'ils ne s'en retournent chez eux qu'après avoir été soulagés de leurs
derniers centimes par les habiles exploiteurs de cette productive industrie.
Le fleuve d'or coule sans interruption entre les mains des heureux fonctionnaires.
Mais ceux-ci ont naturellement besoin d'une infinité de comparses pour enserrer
dans leurs filets leurs innombrables dupes. C'est certes, là, l'administration
la mieux organisée de la Perse entière. Il s'ensuit que si une moitié de la
ville vit de la mosquée, l'autre moitié, elle aussi, est intéressée à l'affluence
des visiteurs: je veux parler des négociants, des restaurateurs, des hôteliers
et même des filles qui y trouvent autant de maris, à l'heure ou à la journée,
qu'elles eu peuvent désirer. Tous ces gens devaient naturellement s'unir contre
le missionnaire dont ils ignoraient la doctrine mais qui leur semblait néanmoins
menacer heur industrie. Tonner contre les abus était fort bien dans toute autre
ville, mais n'était guère de mise là où tout le monde, petits et grands, ne
vivait que de ces abus mêmes. Que l'Imam Mihdi parût, c'était évidemment son
droit, mais c'était bien ennuyeux. Certes, c'était très beau de courir le monde
avec lui et d'en opérer la conquête, mais c'était bien fatigant et bien hasardeux,
puis, on y pouvait recevoir de mauvais coups. Tandis qu'actuellement on était
bien tranquille, dans une bonne ville où l'on gagnait de l'argent sans risques
et sans péril". (Ibidem, pp. 258-9.)
(13.16) 1848 ap. J-C.
(13.17) Voir glossaire.
(13.18) Littéralement: "Terre de paradis."
(13.19) D'après le récit de Haji Mu'inu's-Saltanih
(pp. 67-8), Mirza Habib-i-Shirazi, mieux connu sous le nom de Qa'ini, l'un des
poètes les pins éminents de la Perse, fut le premier à chanter les louanges
du Bab et à exalter ha sublimité de sa station. Une copie manuscrite des poèmes
de Qa'ini, contenant ces versets, a été montrée à l'auteur du récit. Les paroles
suivantes, dit celui-ci, étaient écrites eu tête de l'éloge: "À la louange de
la manifestation du Siyyid-i-Bab"
(13.20) Voir note 1, page 18.
(13.21) Dans le "Dala'il-i-Sab'ih", le Bab révèle
ce qui suit: "Le hadis Adhirbayjan" est encore relatif à ce point: "Ce qui arrivera
dans Adhirbayjan est de toute nécessité pour nous; rien ne peut empêcher ce
qui doit s'y produire. Restez donc dans vos maisons; mais si vous entendez qu'un
agitateur y apparaît, alors courez vers lui." Et ce hadis continue en disant:
"Hélas sur les Arabes, car la guerre civile est proche." Si, en prononçant ces
dernières paroles, le Prophète avait voulu faire allusion à sa propre mission,
elles eussent été vaines et sans valeur." ("Le Livre des Sept Preuves", traduction
par A.L.M. Nicolas, p. 47.)
(13.22) Référence au prophète Muhammad.