La chronique de Nabil
Nabil-i-A'zam


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CHAPITRE XX : le soulèvement du Mazindaran (suite)

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Les forces commandées par le prince Mihdi-Quli Mirza étaient pendant ce temps sorties de l'état de démoralisation complète dans lequel elles étaient plongées et se préparaient activement à renouveler leur attaque contre les occupants du fort de Tabarsi. Ces derniers se trouvèrent de nouveau encerclés par une grande armée à la tête de laquelle marchaient 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani et Sulayman Khan-i-Afshar-i-Shahriyari qui s'étaient hâtés, en compagnie de plusieurs régiments d'infanterie et de cavalerie, de prêter main forte au groupe des soldats du prince. (20.1) Leurs forces combinées campèrent dans le voisinage du fort (20.2) et commencèrent à élever autour de ce dernier une série de sept barricades. Ils cherchèrent d'abord, avec une arrogance extrême, à montrer l'importance des forces dont ils disposaient, et se livrèrent quotidiennement, avec un zèle croissant, à l'exeRcice de leurs armes.

La rareté de l'eau avait, pendant ce temps, obligé les assiégés à creuser un puits à l'intérieur du fort. Le jour où ce travail allait être achevé, le 8 du mois de rabi'u'l-avval, (20.3) MulIà Husayn, qui regardait ses compagnons accomplir leur tâche, leur dit: "Aujourd'hui, nous aurons toute l'eau nécessaire pour prendre un bain. Débarrassés de toutes souillures terrestres, nous chercherons la cour du Tout-Puissant et nous nous hâterons d'aller vers notre demeure éternelle. Quiconque désire partager la coupe du martyre doit se préparer et attendre l'heure où il pourra sceller de son sang sa foi en sa cause. Cette nuit, avant l'aube, que ceux qui désirent se joindre à moi s'apprêtent à sortir de ces murs et, après avoir dispersé une nouvelle fois les forces obscures qui se trouvent sur notre sentier, à s'élever librement vers les sommets de gloire."

Cet après-midi là, Mulla Husayn fit ses ablutions, mit de nouveaux habits, s'orna la tête du turban du Bab et se prépara à la rencontre imminente. Une joie indescriptible illumina son visage. Il fit, avec sérénité, allusion à l'heure de son départ et continua, jusqu'aux derniers moments, à ranimer le zèle de ses compagnons.

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Seul avec Quddus, qui lui rappelait avec tant de vivacité son Bien-Aimé, tandis qu'il s'assit à ses pieds en ces ultimes instants de sa vie terrestre, il déchargea tout ce qu'une âme en extase ne pouvait contenir plus longtemps. Peu après minuit, dès que l'étoile du matin se fut levée lui annonçant la lumière aurorale de la réunion éternelle avec son Bien-Aimé, il se leva et, enfourchant sa monture, donna le signal de l'ouverture de la porte du fort. Au moment où il sortait, à la tête de trois cent treize de ses compagnons, pour aller à la rencontre de l'ennemi, le cri de "Ya Sahibu'z-Zaman" (20.4) se fit entendre de nouveau, un cri si intense et si puissant que la forêt, le fort et le camp vibrèrent ensemble à son écho.

Mulla Husayn chargea d'abord la barricade que défendait Zakariyyay-i-Qadi-Kala'i, l'un des officiers les plus vaillants de l'ennemi. En peu de temps, il avait forcé cette barrière, s'était débarrassé de son commandant et avait dispersé ses hommes. Se relançant alors sur l'ennemi avec la même rapidité et la même intrépidité, il vainquit la résistance de la deuxième et de la troisième barricades, semant dans sa marche désespoir et consternation parmi ses ennemis. Point découragé par les balles qui pleuvaient continuellement sur lui et ses compagnons, il chargea l'ennemi jusqu'à ce que les dernières barricades fussent toutes vaincues et renversées. Au milieu du tumulte qui s'ensuivit, 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani grimpa à un arbre et, se cachant dans ses branches, y demeura dans l'attente de surprendre ses adversaires. Protégé par l'obscurité qui l'entourait, il put suivre de sa cachette les mouvements de Mulla Husayn et de ses compagnons, qui étaient exposés à la lumière éblouissante de la conflagration qu'ils avaient provoquée. La monture de Mulla Husayn se prit la jambe dans la corde d'une tente voisine et, avant que le cavalier eut pu se dégager, une balle tirée par son perfide assaillant vint le frapper en pleine poitrine. 'Abbas-Quli Khan, quant à lui, ignorait l'identité du cavalier qu'il venait de blesser. Mulla Husayn, qui saignait à profusion, descendit de son cheval, fit quelques pas et, incapable d'aller plus loin, tomba épuisé sur le sol. Deux de ses jeunes compagnons du Khurasan, Quli et Hasan, vinrent à son secours et le portèrent jusqu'au fort. (20.5)

J'ai entendu le récit suivant de la bouche de Mulla Sadiq et de celle de Mulla Mirza Muhammad-i-Furughi: "Nous étions de ceux qui étaient restés au fort avec Quddtuis. Dès que l'on eut amené Mulla Husayn, qui semblait avoir perdu connaissance, nous reçûmes l'ordre de nous retirer.

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"Laissez-moi seul avec lui", dit Quddus en demandant à Mirza Muhammad-Baqir de fermer la porte et de refuser l'entrée à quiconque désirait le voir. "Il y a certains sujets confidentiels que je désire lui communiquer, à lui seul." Nous fûmes surpris lorsque, quelques instants plus tard, nous entendîmes la voix de Mulla lylusayn répondant aux questions de Quddus. Ils continuèrent pendant deux heures à discuter ensemble. Nous fûmes étonnés de voir Mirza Muhammad-Baqir en proie à une si grande agitation. "J'observais Quddus", nous dit-il par la suite, "à travers une fissure de la porte. Dès qu'il appela Mulla Husayn par son nom, je vis celui-ci se lever et s'agenouiller comme à l'accoutumée, à côté de lui. La tête baissée et les yeux regardant le sol, il écoutait tout ce que racontait Quddus et répondit à ses questions." "Vous avez avancé l'heure de votre départ", pus-je entendre Quddus lui-dire, "et vous me laissez à la merci de mes ennemis. Plût à Dieu que je vous rejoigne bientôt pour goûter à la douceur des ineffables délices du paradis." Je pus recueillir les paroles suivantes prononcées par Mulla Husayn: "Puisse ma vie constituer une rançon pour vous. Etes-vous content de moi?"

"Un long temps s'écoula avant que Quddus demandât à Mirza Muhammad-Baqir d'ouvrir la porte et de laisser entrer ses compagnons. "Je lui ai dit mon dernier adieu", fit-il au moment où nous entrions dans la salle. "Les choses que je ne croyais pas pouvoir lui communiquer auparavant lui ont été dites à présent." Nous nous aperçûmes, à notre arrivée, que Mulla Husayn avait expiré. Un léger sourire se lisait encore sur son visage. Le calme de ses traits était tel qu'on eut dit qu'il s'était endormi. Quddus assista à son enterrement, l'habilla de sa propre chemise et donna l'ordre de l'étendre au sud du tombeau de Shaykh Tabarsi, juste à côté de ce dernier. (20.6)

PHOTO: arbre d'ou fut tirée la balle qui tua Mulla Husayn

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"Heureux sois-tu, car tu es resté fidèle jusqu'à ta dernière heure à l'alliance de Dieu", dit-il en déposant un baiser d'adieu sur ses yeux et sur son front. "Je prie Dieu de ne permettre aucune séparation entre toi et moi." Il parla d'un ton si poignant que les sept compagnons qui se tenaient à ses côtés pleurèrent à chaudes larmes et souhaitèrent avoir été sacrifiés à sa place. Quddus déposa, de ses propres mains, le corps dans la tombe et prévint ceux qui se tenaient à côté de lui de garder secret l'endroit qui servait de lieu de repos à Mulla Husayn et de le cacher même aux yeux des autres compagnons. Il donna ensuite l'ordre d'enterrer les corps des trente-six martyrs, qui étaient tombés au cours de cet engagement, dans une seule et même sépulture sur le côté nord du tombeau de Shaykh Tabarsi. "Que les bien-aimés de Dieu", l'entendit-on dire au moment où il les mettait dans leur tombe, "tiennent compte de l'exemple de ces martyrs de notre foi. Qu'ils soient et restent dans la vie aussi unis que le sont ceux-ci maintenant dans la mort."

Non moins de quatre vingt-dix des compagnons furent blessés cette nuit-là, et la plupart d'entre eux succombèrent. Depuis le jour de leur arrivée à Barfurush jusqu'à la mort de Mulla Husayn à l'aube du 9 rabi'u'l-avval de l'an 1265 après l'hégire, (20.8) en passant par le jour de la première attaque, c'est-à-dire le 12 dhi'l-qa'dih de l'an 1264 après l'hégire, (20.7) soixante-douze compagnons étaient, d'après les estimations de Mirza Muhammad-Baqir, tombés martyrs.

Depuis le moment où Mulla Husayn fut assailli par ses ennemis jusqu'à celui de son martyre, cent seize jours s'étaient écoulés, période rendue mémorable par des actes si héroïques que même ses ennemis les plus acharnés se sentirent obligés de confesser leur émerveillement. A quatre occasions bien distinctes, il atteignit un tel degré de courage et de force que peu de gens, en vérité, pourraient égaler. La première rencontre eut lieu le 12 dhi'l-qa'dih, (20.9) dans les faubourgs de Barfurush; la deuxième, dans le voisinage immédiat du fort de Shaykh Tabarsi, le 5 du mois de muharram, (20.10) contre les forces d"Abdu'llah Khan-i-Turkaman; la troisième à Vas-Kas, le 25 muharram, (20.11) et dirigée contre l'armée du prince Mihdi-Quli Mirza. La dernière bataille, la plus mémorable de toutes, fut dirigée contre les forces combinées de 'Abbas-Quli Khan, du prince Mihdi-Quli Mirza et de Sulayman Khan-i-Afshar assistées d'une compagnie de quarante-cinq officiers d'élite chevronnés. Mulla Husayn, en dépit du caractère féroce de ces engagements et des forces écrasantes déployées contre lui, sortit indemne et triomphant du combat.

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Lors de chaque rencontre, il se distingua par des actes de bravoure, de chevalerie, d'habileté et de force tels que chacun d'eux suffirait, seul, à établir à jamais le caractère transcendant d'une foi pour la protection de laquelle il avait si vaillamment combattu et dans le sentier de laquelle il avait, avec tant de noblesse, offert sa vie. Les traits de caractère et d'esprit qu'il avait montrés dès sa tendre jeunesse, la profondeur de son savoir, la fermeté de sa foi, son courage intrépide, son but unique, son sens élevé de la justice et son dévouement inébranlable, le distinguèrent en tant que personnage extraordinaire parmi ceux qui, par leur vie, ont porté témoignage de la gloire et de la puissance de la nouvelle révélation. Il avait trente-six ans lorsqu'il but la coupe du martyre. À dix-huit ans, il avait connu, à Karbila, Siyyid Kazim-i-Rashti. Durant neuf ans, il était allé s'asseoir à ses pieds pour s'imprégner des leçons qui devaient le préparer à accepter le message du Bab. Les neuf dernières années de sa vie, il les passa dans une activité incessante, fiévreuse, qui devait finalement le mener au champ du martyre, dans des circonstances qui ont conféré une gloire impérissable à l'histoire de son pays. (20.12)

Une déroute si humiliante et si totale paralysa pour quelque temps les efforts de l'ennemi. Quarante-cinq jours s'écoulèrent avant qu'il pût à nouveau rassembler ses forces et repasser à l'attaque. Durant cet intervalle, qui prit fin le jour de Naw-Ruz, le froid intense qui régnait l'avait incité à différer son assaut contre un adversaire qui l'avait couvert de tant de honte et d'opprobre. Bien qu'ayant suspendu leurs attaques, les officiers à la tête des restes de l'armée impériale n'en avaient pas moins donné l'ordre strict d'interdire l'arrivée au fort à toute forme de renforts. Lorsque les provisions en vivres furent presque épuisées, Quddus chargea Mirza Muhammad-Baqir de distribuer à ses compagnons le riz que Mulla Husayn avait emmagasiné pour la durée du siège. Après que chacun eut reçu sa part, Quddus appela ses compagnons et dit: "Que celui qui se sent assez fort pour résister aux calamités qui vont bientôt nous frapper reste avec nous dans ce fort. Et que celui qui perçoit en lui la moindre trace d'hésitation et de peur s'éloigne de ce lieu. Qu'il parte immédiatement avant que l'ennemi ait à nouveau rassemblé ses forces et attaqué le fort. La voie sera bientôt barrée devant nous; nous devrons sous peu affronter les plus cruelles épreuves et tomber victimes d'afflictions accablantes."

La nuit même où Quddus avait donné cet avertissement, un siyyid de Qum, Mirza Husayn-i-Mutavalli, fut porté à trahir ses compagnons.

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"Pourquoi", écrivit-il à 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani, "avez-vous laissé inachevée l'oeuvre que vous aviez commencée? Vous vous êtes déjà débarrassé d'un formidable ennemi. Par la mort de Mulla Husayn, qui était la force animatrice derrière ces murs, vous avez démoli le pilier sur lequel reposaient la puissance et la sécurité de ce fort. Si vous aviez patienté un jour de plus, vous vous seriez assurément emparé des lauriers de la victoire. Je vous donne ma parole qu'avec moins de cent hommes, vous pourriez, en l'espace de deux jours, investir le fort et obtenir la reddition inconditionnelle de ses occupants. Ils sont décimés par la faim et cruellement éprouves." La lettre scellée fut Confiée à un certain Siyyid 'Aliy-i-Zargar qui, prenant la part de riz qu'il avait reçue de Quddus, s'enfuit loin du fort à l'heure de minuit pour aller la remettre à 'Abbas-Quli Khan, qu'il connaissait déjà. Le message parvint à ce dernier alors qu'il se trouvait dans un village situé à une distance de quatre farsangs (20.13) du fort, et dans lequel il avait cherché refuge; il ne savait pas s'il devait retourner à la capitale et se présenter à son souverain après une défaite aussi humiliante, ou se réfugier chez lui à Lârijan, où il était sûr d'encourir les reproches de ses connaissances et de ses amis.

Il était à peine sorti de son lit, au lever du soleil, lorsque le siyyid lui apporta la lettre. La nouvelle de la mort de Mulla Husayn lui redonna courage. Craignant que le messager ne diffusât le rapport concernant la mort d'un adversaire aussi redoutable que Mulla Husayn, il le tua aussitôt et tenta, par quelqu'étrange artifice, de détourner de sa personne la suspicion du meurtre. Décidé à tirer le meilleur parti de la détresse des assiégés et de l'épuisement de leurs forces, il entreprit aussitôt les préparatifs nécessaires à la reprise de ses attaques. Dix jours avant Naw-Ruz, il avait établi son camp à un demi farsang du fort et vérifié l'authenticité du message que lui avait apporté le perfide siyyid. Dans l'espoir d'obtenir pour lui-même tout le crédit possible en récompense de la reddition finale de ses adversaires, il refusa de divulguer, même à ses officiers les plus proches, l'information qu'il avait reçue.

Le jour venait de poindre lorsqu'il hissa son étendard (20.14) et, marchant à la tête de deux régiments d'infanterie et de cavalerie, encercla le fort et donna l'ordre à ses hommes d'ouvrir le feu sur les sentinelles qui gardaient les tourelles. "Le traître", dit Quddus à Mirza Muhammad-Baqir, qui s'était hâté de le mettre au courant de la gravité de la situation, "a annoncé la mort de Mulla Husayn à 'Abbas Quli Khan.

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Encouragé par sa mort, celui-ci est à présent décidé à prendre d'assaut notre forteresse et à s'assurer l'honneur d'avoir été son unique conquérant. Faites une sortie et, avec l'aide de dix-huit hommes qui marcheront à vos côtés, infligez un châtiment adéquat à l'agresseur et à son armée. Qu'il réalise que, si Mulla Husayn n'est plus, la puissance invincible de Dieu continue à soutenir ses compagnons et à leur permettre de triompher des forces de leurs ennemis.

A peine Mirza Muhammad-Baqir eut-il choisi ses compagnons qu'il donna l'ordre d'ouvrir la porte du fort. Sautant sur leurs montures et lançant le cri de "Ya Sahibu'z-Zaman", ils foncèrent, tête baissée, dans le camp de l'ennemi. L'armée tout entière s'enfuit dans la Confusion devant une charge aussi terrible. Seuls quelques adversaires parvinrent à s'échapper. Ils atteignirent Barfurush totalement démoralisés et couverts de honte. 'Abbas-Quli Khan fut saisi d'une telle crainte qu'il tomba de cheval. Abandonnant dans sa détresse une de ses bottes pendant à un étrier, il s'enfuit en courant, à moitié abasourdi et avec un pied nu, dans la direction qu'avait prise l'armée. Complètement désespéré, il se précipita chez le prince et confessa la honteuse défaite qu'il venait de subir (20.15) Mirza Muhammad-Baqir de son côté sortant, en compagnie de ses dix-huit compagnons, indemnes de cet engagement et tenant dans la main l'étendard qu'avait abandonné un ennemi terrifié, regagna le fort et remit à son chef, qui lui avait inspiré un tel courage, la preuve de sa victoire.

Une déroute aussi complète de l'ennemi soulagea immédiatement les compagnons durement éprouvés. Elle cimenta leur unité et leur rappela une nouvelle fois l'efficacité de ce pouvoir dont ils avaient été dotés par leur foi. Leur nourriture, hélas! était alors réduite à la viande provenant des chevaux qu'ils avaient ramenés du camp abandonné par l'ennemi. Avec force d'âme, ils endurèrent les afflictions qui les assaillaient de toutes parts. Leurs coeurs étaient accordés aux désirs de Quddus; le reste leur importait peu. Ni la sévérité de leur détresse ni les menaces constantes de l'ennemi ne pouvaient les amener à s'écarter-fût-ce de l'épaisseur d'un cheveu-du sentier que leurs compagnons disparus avaient foulé avec tant d'héroïsme. Quelques-uns faillirent par la suite, aux heures les plus sombres de l'adversité, à leur foi. La lâcheté de quelques-uns fut cependant de peu d'importance devant l'éclat que l'ensemble de leurs compagnons au coeur magnanime répandirent à l'heure du destin accompli.

Le prince Mihdi-Quli Mirza, qui s'était installé à Sari, accueillit avec un réel plaisir la nouvelle de la défaite que venaient de subir les forces sous le commandement de son collègue 'Abbas-Quli Khan.

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Bien qu'il fût lui-même désireux d'exterminer le groupe qui avait cherché refuge derrière les murs du fort, il se réjouit en apprenant que son rival n'avait pas réussi à s'assurer la victoire qu'il convoitait. (20.16) Il écrivit aussitôt à Tihran et demanda que des renforts sous forme de bombes et d'artillerie mobile, avec tous les équipements requis, fussent envoyés sans retard au voisinage du fort, car il était décidé, cette fois, à subjuguer complètement ses occupants obstinés.

Alors que l'ennemi se préparait à attaquer leur forteresse avec une férocité accrue, les compagnons de Quddus, complètement indifférents aux afflictions qui les torturaient, accueillirent avec joie et reconnaissance l'approche de Naw-Ruz. Au cours de cette fête, ils donnèrent libre cours à leurs sentiments de gratitude et de louange envers le Tout-Puissant qui leur avait conféré de multiples bénédictions. Quoiqu'accablés par la faim, ils se mirent à chanter et à se divertir, au mépris du danger qui les menaçait. Le fort retentissait de leurs cris de gloire et de louange qui, jour et nuit, montaient des coeurs de ce joyeux groupe. Le verset "Saint, saint est le Seigneur notre Dieu, le Seigneur des anges et de l'esprit" sortait sans cesse de leurs lèvres, renforçant leur enthousiasme et ranimant leur courage.

Du bétail qu'ils avaient amené au fort, il ne restait qu'une vache que Haji Nasiru'd-Din-i-Qazvini avait laissée de côté et avec le lait de laquelle il préparait chaque jour un entremets destiné au repas de Quddus. Ne voulant pas priver ses amis affamés de leur part de la friandise que son compagnon dévoué lui avait préparée, Quddus distribuait invariablement entre eux, après en avoir pris quelques cuillerées, le reste de ce plat: "Je n'ai plus de goût depuis le départ de Mulla Husayn", l'entendait-on souvent leur dire, "aux mets et à la boisson que l'on prépare à mon intention. Mon coeur saigne lors-que je vois mes compagnons affamés, épuisés et amaigris autour de moi." Malgré ces circonstances adverses, il continuait imperturbablement à éclaircir dans son commentaire la signification du Sad de Samad et à exhorter ses amis à persévérer jusqu'au bout dans leurs efforts héroïques. Le matin et le soir, Mirza Muhammad-Baqir psalmodiait, en présence des fidèles réunis, des versets de ce commentaire dont la lecture ranimait leur enthousiasme et leur redonnait de l'espoir.

J'ai entendu Mulla Mirza Muhammad-i-Furughi affirmer ce qui suit: "Dieu sait que nous ne pensions plus à la nourriture.

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Nos pensées n'étaient plus occupées par des questions concernant notre pain quotidien. La ravissante mélodie de ces versets nous jetait dans un tel état d'extase que, si nous avions dû rester pendant des années dans cet état, aucune trace de fatigue et de lassitude n'aurait pu dissiper notre enthousiasme ou ternir notre joie. Et chaque fois que le manque de nourriture tendait à miner notre vitalité et à diminuer nos forces, Mirza Muhammad-Baqir se précipitait chez Quddus et le mettait au courant de notre situation. Une vision fugitive de son visage, la magie de ses paroles tandis qu'il marchait parmi nous, transformaient notre abattement en une joie immense. Nous étions ranimés par une force d'une telle intensité que, si les armées de nos ennemis étaient apparues soudain devant nous, nous nous serions sentis capables de les vaincre.

Au jour de Naw-Ruz qui tomba le 24 rabi'u'th-thàni de l'an 1265 après l'hégire, (20.17) Quddus fit allusion, dans un message écrit adressé à ses compagnons, à l'imminence d'épreuves susceptibles d'amener dans leur sillage le martyre d'un nombre considérable de ses amis. Quelques jours plus tard, une immense armée, (20.18) commandée par le prince Mihdi-Quli Mirza (20.19) et soutenue par les forces réunies de Sulayman Khan-i-Afshar, d' 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani et de Ja'Far-Quli Khan, et assistée d'environ quarante autres officiers, établit son campement au voisinage du fort et se mit à construire une série de tranchées et de barricades à proximité immédiate de celui-ci. (20.20) Le 9 du mois de Baha, (20.21) le commandant donna l'ordre à ceux qui étaient chargés de l'artillerie d'ouvrir le feu sur les assiégés. Alors que le bombardement se poursuivait, Quddus sortit de sa chambre et se rendit au centre du fort. Son visage débordait de joie et son attitude reflétait la plus grande sérénité. Alors qu'il marchait de long en large, un boulet de canon vint soudain s'abattre devant lui. "Comme ils sont inconscients" dit-il en faisant rouler de son pied le boulet, "du pouvoir de la colère vengeresse de Dieu, ces agresseurs arrogants! Ont-ils oublié qu'une créature aussi insignifiante qu'un moustique fut capable de faire mourir le - tout-puissant Nemrod? N'ont-ils pas appris que la tempête à elle seule put anéantir les peuples d' 'Ad et de Thamùd et détruire leurs forces? Cherchent-ils à intimider les héros de Dieu, aux yeux de qui la pompe de la royauté n'est qu'un mirage vide de sens, avec .de telles marques méprisables de leur cruauté? Vous êtes", ajouta-t-il en se tournant vers ses amis, "ces mêmes compagnons dont Muhammad, l'apôtre de Dieu, a parlé en ces termes: "Oh! comme je languis de voir le visage de mes frères qui apparaîtront à la fin du monde!

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Bénis sommes-nous; bénis sont-ils; ils le sont plus encore que nous." Prenez garde que votre moi ou vos désirs ne viennent altérer une station aussi glorieuse. Ne craignez point les menaces des méchants et ne soyez pas effrayés par la clameur des impies. Chacun d'entre vous a son heure fixée et, lorsque celle-ci sonnera, ni les assauts de votre ennemi ni les efforts de vos amis ne pourront la retarder ou l'avancer. Si les puissances de la terre se liguent contre vous, elles ne pourront, avant que cette heure ait sonné, diminuer-ne fût-ce que d'un brin ou d'un iota-la durée de votre vie. Si vous laissez vos coeurs s'agiter, ne fût-ce qu'un instant, par les détonations de ces canons qui continueront, avec une violence accrue, à cribler de boulets ce fort, vous vous serez écartés vous-mêmes de la forteresse de protection divine."

Un aussi puissant appel ne pouvait manquer de susciter la Confiance de ceux qui l'entendirent. Quelques uns cependant, dont le visage trahissait l'hésitation et la peur, allèrent se mettre dans un coin abrite du fort, serres les uns contre les autres et observant avec envie et surprise le zèle qui animait leurs compagnons. (20.22)

L'armée du prince Mihdi-Quli Mirza continua pendant quelques jours à tirer en direction du fort. Ses hommes furent surpris de voir que les détonations de leurs canons ne faisaient pas taire la voix qui priait et les acclamations de joie que lançaient les assiégés en réponse à leurs menaces. Au lieu de la reddition inconditionnelle qu'ils escomptaient, ils entendaient sans cesse l'appel du mu'adhdhin (20.23) la récitation des versets du Qur'an et le choeur de voix joyeuses entonnant des hymnes de remeRciement et de louange.

Exaspérés par ces signes de ferveur inépuisable et poussés par un brûlant désir de supprimer l'enthousiasme qui s'élevait du sein de ses adversaires, Ja'far-Quli Khan construisit une tour sur laquelle il posta ses canons (20.24) et, de cette hauteur, dirigea leur tir sur le centre du fort. Quddus appela aussitôt Mirza Muhammad-Baqir et lui dit de faire de nouveau une sortie et d'infliger à 1' ' 'orgueilleux nouveau-venu" une défaite humiliante aussi écrasante que celle qu'avait subie 'Abbas-Quli Khan. "Qu'il sache, ajouta Quddus, que les guerriers de Dieu au coeur de lion peuvent, lorsqu'ils sont poussés par la faim, accomplir des actes si héroïques qu'aucun mortel ordinaire ne peut les égaler. Qu'il sache que plus leur faim est grande, plus les effets de leur exaspération seront dévastateurs."

Mirza Muhammad-Baqir ordonna de nouveau à dix-huit de ses compagnons de se précipiter vers leurs chevaux et de le suivre.

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Les portes du fort furent ouvertes et le cri de "Ya Sahibu'z-Zaman !"- plus fort et plus vibrant que jamais-sema la panique et la consternation dans les rangs de l'ennemi. Ja'far-Quli Khan, ainsi que trente de ses hommes, furent passés au fil de l'épée par leurs adversaires qui se ruèrent vers la tour, s'emparèrent des canons et les précipitèrent à terre. Puis ils foncèrent sur les barricades qui avaient été dressées, en détruisirent plusieurs et, s'il n'y avait eu l'obscurité imminente de la nuit, auraient pris et détruit les autres.

Triomphants et indemnes, les compagnons regagnèrent le fort, ramenant avec eux certains des étalons les plus forts et les mieux nourris qui avaient été abandonnés. Quelques jours passèrent, durant lesquels il n'y eut aucun signe de contre-attaque. (20.25) Une explosion soudaine dans l'une des réserves de munitions de l'ennemi, qui avait causé la mort de plusieurs officiers d'artillerie et de certains de leurs camarades de combat, obligea les assiégeants à suspendre pendant tout un mois leurs attaques contre la garnison. (20.26) Cette accalmie permit à quelques compagnons de sortir occasionnellement de leur forteresse pour récolter l'herbe qu'ils pouvaient trouver dans les champs et qui était le seul moyen propre à apaiser leur faim. La viande des chevaux, et même le cuir de leurs selles, avaient été consommés par ces compagnons durement éprouvés. Ils cuisaient l'herbe et la dévoraient avec une avidité pitoyable. (20.27) Comme leurs forces diminuaient et qu'ils languissaient, épuisés, à l'intérieur des murs de leur fort, Quddus multiplia ses tournées d'inspection et s'efforça, par ses paroles de réconfort et d'espoir, d'alléger le fardeau de leur agonie.

Le mois de jamadiyu'th-thani (20.28) venait à peine de commencer lorsque l'artillerie de l'ennemi se fit de nouveau entendre, dirigeant une pluie de balles sur le fort. Simultanément aux détonations des

canons, un détachement de l'armée, commandé par quelques officiers et comprenant plusieurs régiments d'infanterie et de cavalerie, se lança à l'assaut du fort. Le bruit de leur approche poussa Quddus à appeler promptement son vaillant lieutenant, Mirza Muhammad-Baqir, pour le prier de sortir avec trente-six de ses compagnons et de repousser l'attaque. "Jamais depuis que nous occupons ce fort, ajouta-t-il, nous n' avons, en aucun cas, essayé de mener une offensive contre nos adversaires. Nous ne nous sommes levés pour défendre nos vies que lorsque l'attaque fut déclenchée contre nous. Si nous avions eu l'ambition de faire la guerre sainte contre eux, si nous avions nourri la moindre intention d'assurer, par la force de nos armes, notre supériorité sur les incroyants, nous ne serions pas demeurés, jusqu'à ce jour, assiégés derrière ces murs.

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La force de nos armes aurait à l'heure qu'il est, comme ce fut le cas pour les compagnons de Muhammad dans le passé, ébranlé les nations de la terre et les aurait préparées à accepter notre message. Telle n'est pas, cependant, la voie que nous avons choisi de suivre. Depuis que nous sommes entrés dans ce fort, notre unique et inaltérable but a été de prouver, par nos actes et par notre empressement à répandre notre sang dans le sentier de notre foi, le caractère exalté de notre mission. L'heure où nous pourrons parfaire cette tâche est imminente."

Mirza Muhammad-Baqir sauta une fois de plus sur son cheval et, avec les trente-six compagnons qu'il avait choisis, fit face à l'ennemi et dispersa les forces qui les avaient assiégés. Il ramena avec lui au fort la bannière qu'un ennemi terrorisé avait abandonnée dès que fut lancé le cri vibrant de "Ya Sahibu'z-Zaman". Cinq des compagnons tombèrent martyrs au cours de cet engagement; il les transporta tous au fort et les enterra dans une seule tombe près de la dernière demeure de leurs frères disparus.

Le prince Mihdi-Quli Mirza, épouvanté par cette nouvelle preuve de la vitalité inépuisable de ses adversaires, tint conseil avec les chefs de son état-major et leur demanda d'imaginer des moyens propres à lui permettre d'en finir rapidement avec cette coûteuse entreprise. Trois jours durant, il délibéra avec eux et aboutit finalement à la conclusion que le plus sage était de suspendre toutes formes d'hostilités pendant quelques jours dans l'espoir de voir les assiégés, épuisés par la faim et poussés à bout par le désespoir, se décider à sortir de leur retraite et à se rendre sans condition.

Alors que le prince attendait la réalisation du plan qu'il avait conçu, un messager arriva de Tihran porteur d'un farman (20.29) de son souverain. Cet homme était un habitant du village de Kand, situé non loin de la capitale. Il réussit à obtenir la permission du prince d'entrer dans le fort et de tenter d'inciter deux de ses occupants, Mulla Mihdi et son frère Mulla Baqir-i-Kandi, à fuir le danger imminent auquel leurs vies étaient exposées. En s'approchant des murs du fort, il appela les sentinelles et leur demanda d'informer Mulla Mihdi-i-Kandi qu'une de ses connaissances désirait le voir. Mulla Mihdi rapporta l'affaire devant Quddus, et ce dernier lui permit de rencontrer son ami.

J'ai entendu Aqay-i-Kalim faire le récit suivant, qu'il avait recueilli de la bouche du même messager à son retour à Tihran: "Je vis, me dit le messager, Mulla Mihdi apparaître au-dessus du mur du fort; son visage révélait une expression de volonté inflexible qu'il est impossible de décrire.

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Il semblait aussi féroce qu'un lion; son épée était attachée à sa ceinture par-dessus une longue chemise blanche, à la manière des Arabes, et il portait autour de la tête un foulard blanc. "Que cherches-tu?" demanda-t-il avec impatience. "Dis-le vite, car j'ai peur que mon maître ne m'appelle et ne me trouve absent." La détermination qui brillait dans ses yeux me confondit. Je restai muet devant son apparence et son attitude. L'idée me vint de réveiller un sentiment latent en son coeur. Je lui rappelai son enfant Rahman qu'il avait abandonné au village, dans son impatience à s'enrôler sous l'étendard de Mulla Husayn. A cause de la grande affection qu'il portait à cet enfant, il avait spécialement composé un poème qu'il chantait aux moments où il balançait son berceau pour l'endormir. Ton Rahman bien-aimé, dis-je, soupire après l'affection que tu lutas prodiguée autrefois. Il est seul et abandonné, et désire ardemment te voir. Dites-lui de ma part, répondit aussitôt le père, que l'amour du vrai Rahman, (20.30) un amour qui surpasse toutes les affections terrestres, m'a tellement envahi qu'il ne m'a point laissé de place pour un amour autre que le sien." Il prononça ces paroles d'une manière si poignante que les larmes coulèrent de mes yeux. "Maudits soient", m'exclamai-je avec indignation, "ceux qui estiment que toi et tes condisciples vous vous êtes écartés du sentier de Dieu!" "Que dirais-tu, lui demandai-je, si je m'aventurais à entrer dans le fort pour me joindre à vous?" "Si ton mobile est de chercher et de trouver la vérité, répondit-il calmement, je te montrerai volontiers la voie. Et si tu cherches à me rendre visite en tant que vieil ami de toujours, je te dirai la bienvenue dont le Prophète de Dieu a dit: "Accueillez vos amis même s'ils sont parmi les infidèles." Je t'offrirai, fidèle à cet ordre, l'herbe bouillie et les os broyés qui me servent de nourriture et qui sont ce que je puis t'offrir de mieux.

Mais si ton intention est de me nuire, je t'avertis que je me défendrai et que je te jetterai des hauteurs de ces murs." Son obstination inébranlable suffit à me convaincre de la futilité de mes efforts. Je pus m'apercevoir qu'il était embrasé d'un tel enthousiasme que si les théologiens du royaume se réunissaient et s'efforçaient de le dissuader de la voie qu'il s'était tracée, il annihilerait, seul et sans appui, leurs efforts. J'étais également persuadé que tous les potentats de la terre ne parviendraient pas à le détourner, par la ruse, du Bien-Aimé de son coeur. "Puisse la coupe à laquelle tes lèvres ont goûté", fus-je porté à lui dire, "t'apporter toutes les bénédictions que tu cherches." "Le prince, ajoutai-je, a juré que quiconque mettrait les pieds hors du fort n'aurait rien à craindre, qu'il recevrait même un sauf-conduit ainsi que tout l'argent qui serait nécessaire à son voyage de retour chez lui."

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Mulla Mihdi promit de communiquer le message du prince à ses compagnons. "Désires-tu me dire encore quelque chose? ajouta-t-il. J'ai hâte de rejoindre mon maître." "Que Dieu, répondis-je, t'assiste dans l'accomplissement de ton but." "Il m'a effectivement assisté!" s'exclama-t-il dans l'exultation. "Autrement, comment aurais-je pu être libéré des ténèbres de la prison qu'était ma maison à Kand? Comment aurais-je pu parvenir à cette sublime forteresse?" À peine avait-il prononcé ces mots que, se détournant de moi, il disparut de ma vue.

Dès qu'il eut rejoint ses compagnons, Mulla Mihdi leur communiqua le message du prince. L'après-midi de ce même jour, Siyyid Mirza Husayn-i-Mutavalli quitta le fort en compagnie de son serviteur pour aller directement rejoindre le prince dans son camp. Le lendemain, Rasûl-i-Bahnimiri et certains de ses compagnons, incapables de résister aux ravages de la famine et encouragés par les assurances explicites du prince, se séparèrent tristement et à regret de leurs amis. À peine avaient-ils mis le pied hors du fort qu'ils furent massacrés aussitôt par ordre d"Abbas-Quli Khan-i-Larijani.

Durant les quelques jours qui suivirent cet incident, l'ennemi, encore établi dans le voisinage du fort, s'abstint de tout acte d'hostilité envers Quddus et ses compagnons. Le mercredi matin, le 16 jamadiyu'th-thàni, (20.31) un émissaire du prince arriva au fort et demanda que deux représentants fussent délégués par les assiégés pour mener des négociations confidentielles avec l'ennemi dans l'espoir d'aboutir à un règlement pacifique des différends qui subsistaient entre eux. (20.32)

Quddus chargea en conséquence Mulla Yusuf-i-Ardibili et Siyyid Riday-i-Khurasani de servir de représentants et les pria de faire savoir au prince qu'il était prêt à se conformer à son voeu. Mihdi Quli Mirza reçut les délégués avec courtoisie et les invita à partager le thé qu'il avait préparé. "Nous considérerions", dirent-ils en déclinant l'offre, "comme déloyal de notre part de prendre soit de la nourriture, soit de la boisson alors que notre chef bien-aimé languit, épuisé et affamé, dans le fort." "Les hostilités entre nous, dit le prince, ont été indûment prolongées. Nous nous sommes longtemps battus des deux côtés et avons cruellement souffert. Mon ardent désir est de parvenir à un règlement à l'amiable au sujet de nos différends." Il prit une copie du Qur'an qui se trouvait à côté de lui et écrivit de sa propre main, pour confirmer sa déclaration, les mots suivants en marge de la surih d'introduction:

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"Je jure par ce Livre très sacré, par la justice de Dieu qui l'a révélé, et la mission de celui qui fut inspiré de ses versets, que je ne nourris d'autre dessein que celui de promouvoir la paix et l'amitié entre nous. Sortez de votre forteresse et soyez assurés qu'aucune main ne se lèvera sur vous. Vous-même et vos compagnons, je le déclare solennellement, êtes sous la protection du Tout-Puissant, de Muhammad son prophète et de Nasiri'd Din Shah notre souverain. Je jure sur mon honneur qu'aucun homme, soit de cette armée, soit du voisinage, ne tentera jamais de vous attaquer. La malédiction de Dieu, le Vengeur omnipotent soit sur moi si, dans mon coeur, je chéris d'autre désir que celui que je viens de déclarer."

Il apposa son sceau sur sa déclaration et, remettant le Qur'an entre les mains de Mulla Yùsuf, lui demanda de transmettre à son chef ses salutations et de lui présenter cette assurance formelle et écrite.

PHOTO: village de Dizva

"J'enverrai, conformément à ma déclaration, ajouta-t-il, à la porte du fort, cet après-midi même, quelques chevaux que, j'ose le croire, lui-même et ses principaux compagnons accepteront de monter afin de se rendre au voisinage de ce camp où une tente spéciale aura été dressée à leur intention. Je leur demanderai d'être nos invités jusqu'au moment où je pourrai organiser leur retour chez eux, à-mes frais."

Quddus reçut le Qur'an de la main de son messager, le baisa avec respect et dit: "Ô notre Seigneur, sois juge entre nous et notre peuple avec équité; car tu es celui qui juge le mieux." (20.33)

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Aussitôt après, il dit au reste de ses compagnons de se préparer à quitter le fort. "Par notre réponse à leur invitation, leur dit-il, nous leur permettrons de démontrer la sincérité de leurs intentions."

Comme l'heure du départ approchait, Quddus s'orna la tête du turban vert que le Bab lui avait fait parvenir au moment où il envoya celui que portait Mulla Husayn le jour de son martyre. A la porte du fort, ils montèrent les chevaux qui avaient été mis à leur disposition, Quddus prenant la monture préférée du prince que ce dernier avait envoyée à son intention. Ses principaux compagnons, parmi lesquels se trouvaient plusieurs siyyids et des théologiens érudits, chevauchaient derrière lui, suivis du reste des compagnons qui marchaient, transportant ce qui restait de leurs armes et de leurs biens. Lorsque le groupe, comprenant deux cent deux personnes, atteignit la tente que le prince avait fait monter pour Quddus à proximité du bain public du village de Dizva, qui surplombait le camp de l'ennemi, les cavaliers descendirent de cheval et se mirent à occuper leurs logements dans le voisinage de cette tente.

Peu après leur arrivée, Quddus sortit de sa tente, réunit ses autres compagnons et leur adressa ces paroles: "Vous devez faire preuve d'un renoncement exemplaire, car un tel comportement de votre part exaltera notre cause et contribuera à sa gloire. Tout ce qui n'est pas détachement total ne servira qu'à ternir la pureté de son nom et à éclipser sa splendeur. Priez le Tout-Puissant pour que, même à votre dernière heure, il daigne vous aider par sa grâce à contribuer à l'exaltation de sa foi."

Quelques heures après le coucher du soleil, on servit aux compagnons le dîner qui était envoyé du camp par le prince. La nourriture, qu'on leur offrit dans des plateaux séparés, dont chacun était destiné à un groupe de trente compagnons, était pauvre et insuffisante. "Neuf d'entre nous", racontèrent par la suite ceux qui étaient avec Quddus, "furent invités par notre chef à partager avec lui le repas qu'on lui avait servi dans sa tente. Comme il refusait d'y goûter, nous suivîmes nous aussi son exemple et nous abstînmes de toute nourriture. Les domestiques qui nous servaient furent ravis de goûter aux plats auxquels nous avions refusé de toucher et dévorèrent leur contenu avec avidité et contentement. Nous entendîmes quelques-uns de nos compagnons, qui dînaient en dehors de la tente, faire des remontrances aux domestiques, disant qu'ils étaient prêts à leur acheter, même à un prix exorbitant, le pain dont ils avaient besoin.

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Quddus désapprouva vigoureusement leur conduite et les blâma d'avoir formulé une telle demande. Sans l'intervention de Mirza Muhammad Baqir, il les aurait sévèrement châtiés pour avoir négligé aussi totale-ment ses exhortations les plus pressantes.

Au lever du jour, un messager arriva invitant Mirza Muhammad Baqir à se rendre auprès du prince. Avec le consentement de Quddus, il répondit à l'invitation et revint une heure plus tard informant son chef que le prince avait, en présence de Sulayman Khani-Afshar, réitéré les assurances qu'il avait données, et l'avait traité avec grande considération et amabilité. "Mon serment, m'assura-t-il", expliqua Mirza Muhammad-Baqir, "est irrévocable et sacré."

Il cita le cas de Ja'far-Quli Khan qui, malgré son ignoble massacre de milliers de soldats de l'armée impériale lors de l'insurrection fomentée par le Salar, fut gracié par son souverain et rapidement investi de nouveaux honneurs par Muhammad Shah. Demain, le prince entend vous accompagner dans la matinée jusqu'au bain public, d'où il se rendra sous votre tente, après quoi il se procurera les chevaux requis pour le transport de tout le groupe à Sang-Sar, d'où celui-ci se dispersera; quelques-uns retourneront chez eux en 'Iraq, d'autres se rendront au Khurasan. A la demande de Sulayman Khan, qui dit que la présence d'un groupe aussi nombreux dans un centre aussi fortifié que Sang-Sar comporterait des dangers, le prince décida que le groupe se disperserait à Firuz-Kuh. Je pense que son coeur ne croit pas du tout à ce que sa langue professe." Quddus, qui partageait l'avis de Mirza Muhammad-Baqir, pria ses compagnons de se disperser cette nuit même et déclara qu'il se rendrait lui-même peu après à Barfurush. Les compagnons se hâtèrent d'aller l'implorer de ne pas se séparer d'eux et le prièrent de leur permettre de continuer à jouir des bénédictions que leur conférait sa compagnie. Il leur conseilla d'être calmes et patients et leur assura que, quelles que fussent les afflictions que leur réserverait l'avenir, ils le rencontreraient à nouveau. "Ne pleurez pas", furent ses paroles d'adieu; "la réunion qui suivra cette séparation sera telle qu'elle durera à jamais. Nous avons confié notre cause aux soins de Dieu; nous accepterons avec joie tout ce que décréteront sa volonté et son bon plaisir."

Le prince ne tint pas sa promesse. Au lieu de rejoindre Quddus sous sa tente, il le convoqua, avec plusieurs de ses compagnons, a son quartier général et l'informa, dès leur arrivée à la tente du farrash-bashi, (20.34) qu'il l'appellerait lui-même à midi auprès de lui. Peu après, quelques domestiques du prince arrivèrent et dirent au reste des compagnons que Quddus leur donnait la permission de le rejoindre au quartier général de l'armée.

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Plusieurs d'entre eux furent dupés par ce rapport, faits prisonniers, et finalement vendus comme esclaves. Ces malheureuses victimes constituèrent le reste des compagnons du fort de Shaykh Tabarsi qui survécurent à cette bataille héroïque et furent épargnés afin de transmettre à leurs compatriotes le triste récit de leurs souffrances et de leurs épreuves.

Peu après, les assistants du prince firent pression sur Mulla Yusuf pour qu'il informât le reste de ses compagnons du désir de Quddus de les voir se débarrasser immédiatement de leurs armes. "Que leur direz-vous exactement ?" lui demandèrent-ils en le conduisant en un lieu quelque peu éloigné du quartier général de l'armée. "Je les préviendrai, répondit-il hardiment, que, quelle que soit désormais la nature du message que vous décidez de leur transmettre de la part de leur chef, ce message n'est que pur mensonge." Ces paroles étaient à peine sorties de la bouche de Mulla Yusuf qu'il fut aussitôt impitoyablement massacre.

Après cet acte sauvage, l'ennemi porta son attention vers le fort, le pilla et se mit à le bombarder et à le démolir complètement. (20.35) Puis il encercla aussitôt le restant des compagnons et ouvrit le feu sur eux. Tous ceux qui échappèrent aux balles furent passés au fil de l'épée par les officiers ou transpercés par les lances de leurs hommes. (20.36) L'on put entendre ces héros invincibles prononcer, au moment même de leur trépas, les paroles de "Saint, saint, ô Seigneur notre Dieu, Seigneur des anges et de l'esprit", paroles qu'ils avaient prononcées dans leurs moments d'exultation, et qu'ils répétaient à présent, à l'heure suprême de leur vie, avec la même ferveur.

Dès que ces atrocités eurent été perpétrées, le prince donna l'ordre d'introduire ceux qui avaient été gardés prisonniers, l'un après l'autre, auprès de lui. Ceux d'entre eux qui étaient bien connus comme, par exemple, le père de Badi', (20.37) Mulla Mirza Muhammad-i-Furughi, et Haji Nasir-i-Qazvini, (20.38) furent confiés aux assistants qui devaient les conduire à Tihran et obtenir, en échange de leur libération, une rançon proportionnelle à leurs aptitudes et à leurs richesses. Quant aux autres, le prince donna l'ordre à ses bourreaux de les mettre à mort aussitôt. Quelques-uns eurent le corps coupé en morceaux par l'épée, (20.39) d'autres furent déchiquetés; un certain nombre d'entre eux furent attachés à des arbres et criblés de balles, d'autres encore furent projetés par la gueule des canons et livrés aux flammes. (20.40)

Ce terrible massacre était à peine achevé que trois des compagnons de Quddus, qui habitaient Sang-Sar, furent introduits auprès du prince.

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L'un d'eux se nommait Siyyid Ahmad; son père, Mir Muhammad'Ali, admirateur dévoué de Shaykh Ahmad-i-Ahsa'f, avait été un homme de grand savoir et de rang fort distingué. Il était parti pour Karbila en compagnie de ce même Siyyid Ahmad et du frère de celui-ci, Mir Abu'l-Qasim, l'année précédant la déclaration du Bab, avec l'intention de présenter ses deux fils à Siyyid Kazim. Mir Muhammad'Ali devait trouver la mort la nuit même où Mulla Husayn rendit l'âme. Avant son arrivée, le siyyid avait quitté ce monde. Il décida aussitôt de partir pour Najaf. Pendant son séjour dans cette ville, le prophète Muhammad lui apparut une nuit en rêve, priant l'Imam 'Ali, le Commandeur des croyants, de lui annoncer qu'après sa mort, ses deux fils, Siyyid Ahmad et Mir Abu'l-Qasim, parviendraient en la présence du Qa'im promis et tomberaient tous deux martyrs en son sentier. Dès son réveil, il appela son fils Siyyid Ahmad et le mit au courant de sa volonté et de ses derniers désirs. Sept jours après ce rêve, il mourut.

A Sang-Sar, deux autres personnes, Karbila'i`Ali et Karbila'i Abu Muhammad, toutes deux connues pour leur piété et leur grandeur d'esprit, s'efforcèrent de préparer les gens à accepter la révélation promise dont l'avènement était, selon eux, imminent. En l'an 1264 après l'hégire, (20.41) ils annoncèrent publiquement que, cette année-là, un homme nommé Siyyid 'Ali partirait, précédé par un étendard noir et accompagné de certains de ses compagnons élus, de la province de Khurasan pour se rendre au Mazindaran. Ils demandèrent instamment à chaque adepte loyal de l'islam de se lever pour lui prêter toute l'assistance possible. "L'étendard qu'il hissera, avaient-ils déclaré, ne sera nul autre que celui du Qa'im promis; celui qui le déploiera, nul autre que son lieutenant et principal promoteur de sa cause. Quiconque le suit sera sauvé, et quiconque se détourne de lui sera parmi les égarés." Karbila'i Abu-Muhammad pria instamment ses deux fils, Abu'l-Qasim et Muhammad-'Ali, de se lever pour faire triompher la nouvelle révélation et de sacrifier toute considération matérielle pour parvenir à cette fin. Karbila'i Abu-Muhammad et Karbila'i 'Ali devaient tous deux décéder au printemps de cette même année.

Ces deux fils de Karbila'i Abu-Muhammad furent les deux compagnons qui avaient été introduits, en même temps que Siyyid Ahmad, auprès du prince. Mulla Zaynu'l-'Abidin-i-Shahmirzadi l'un des conseillers les plus érudits et les plus écoutés du gouvernement, mit le prince au courant de leur passé et lui raconta les aventures et les activités du père de chacun d'eux.

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"Pour quelle raison", demanda-t-on à Siyyid Ahmad, "avez-vous décidé de suivre une voie qui vous a entraînés, vous et vos parents, vers une situation aussi misérable et déshonorante? Ne pouviez-vous satisfaire votre curiosité auprès des innombrables théologiens érudits et illustres que l'on trouve dans ce pays et en 'Iraq?". "Ma foi en cette cause, répondit-il hardiment, n est pas née d'une vaine imitation. Je me suis impartialement renseigné sur ses préceptes et suis convaincu de sa vérité. Lors de mon séjour à Najaf, j'ai osé demander au plus éminent mujtahid de cette ville, Shaykh Muhammad-Hasan-i-Najafi, de m'exposer certaines vérités concernant les principes secondaires qui sont à la base des enseignements islamiques. Il refusa d'accéder à ma requête. Je réitérai mon appel, après quoi il me réprimanda avec colère et persista dans son refus. Comment puis-je espérer, après une telle expérience, être éclairé sur les points abstrus de la foi islamique par un théologien, quelque illustre qu'il soit, qui refuse de répondre à mes questions sur des sujets aussi simples et aussi banals, et exprime son indignation de me voir lui poser de telles questions?" "Quelle est ta croyance concernant Haji Muhammad-'Ali?" demanda le prince. "Nous croyons, répondit Siyyid Ahmad, que Mulla Husayn a été le porteur de l'étendard dont Muhammad a dit: "Si vous voyez les étendards noirs partir de Khurasan, hâtez-vous d'aller vers eux, même si vous deviez pour cela ramper dans la neige." C'est pour cela que nous avons renoncé au monde et que nous nous sommes portés en grand nombre vers son étendard, qui n'est qu'un symbole de notre foi. Si vous désirez m'accorder une faveur, donnez l'ordre à votre bourreau de mettre fin à ma vie et de me permettre de rejoindre le groupe de mes compagnons immortels. Car le monde et tous ses charmes ont cessé de m'attirer. Je brûle de quitter cette vie et de retourner à mon Dieu." Le prince, qui hésitait à ôter la vie à un siyyid, refusa d'ordonner son exécution. Ses deux compagnons, cependant, furent aussitôt mis à mort. Il fut remis, en compagnie de son frère Siyyid Abu-Talib, aux mains de Mulla Zaynu'l-'Abidin, qui fut chargé de les conduire à Sang-Sar.

Pendant ce temps, Mirza Muhammad-Taqi, accompagné de sept 'ulamas de Sari, partait de cette ville pour prendre part à l'action méritoire consistant à infliger la peine de mort aux compagnons de Quddus. Lorsqu'ils s'aperçurent que ceux-ci avaient déjà été exécutés, Mirza Muhammad-Taqi pria le prince de reconsidérer sa décision et d'ordonner l'exécution immédiate de Siyyid Ahmad, faisant valoir que son arrivée à Sari serait le signal de nouveaux troubles aussi graves que ceux qui les avaient déjà affligés.

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Le prince céda finalement, à la condition expresse qu'il fût considéré comme son invité jusqu'à sa propre arrivée à Sari, moment où il prendrait toutes les mesures requises pour l'empêcher de troubler la paix du voisinage.

A peine Mirza Muhammad-Taqi avait-il pris la direction de Sari qu'il se mit à injurier Siyyid Ahmad et le père de celui-ci. "Pourquoi maltraiter un invité que le prince a confié à vos soins ?" fit valoir le prisonnier. "Pourquoi ignorer l'injonction du Prophète, qui a dit: "Honore ton hôte même s'il est un infidèle ?" Furieux, Mirza Muhammad-Taqi tira son épée, suivi en cela par ses sept compagnons, et mit le corps de Siyyid Ahmad en morceaux. On l'entendit invoquer dans son dernier souffle, l'aide du Sahibu'z-Zaman. Quant à son frère Siyyid Abu-Talib, il fut conduit sain et sauf à Sang-Sar par Mulla Zaynu'l-'Abidin, et habite encore de nos jours avec son frère Siyyid Muhammad-Ricjà dans le Mazindaran. Tous deux sont occupés à servir la cause et sont au nombre de ses défenseurs actifs.

Dès que son travail fut achevé, le prince retourna, en compagnie de Quddus, à Barfurush. Ils y arrivèrent un vendredi après-midi, le 18 jamadiyu'th-thani. (20.42) Le sa`idu'l-'ulama', ainsi que tous les 'ulamas de la ville, sortirent pour accueillir le prince à son retour triomphal et lui exprimer leurs félicitations. Toute la ville fut pavoisée pour célébrer la victoire, et les feux de joie qu'on alluma cette nuit-là témoignèrent du bonheur que ressentait une population reconnaissante au retour du prince. Trois jours de festivités s'écoulèrent ainsi, durant lesquels le prince ne donna aucune indication quant à ses intentions concernant le sort de Quddus. Il hésitait et se montrait peu disposé à maltraiter son prisonnier. Il refusa tout d'abord de permettre au peuple de satisfaire ses sentiments de haine impitoyable et parvint à contenir sa furie. Il avait, à l'origine, envisagé de conduire Quddus à Tihran, de le remettre aux mains de son souverain et de se libérer ainsi d'une responsabilité qui le tracassait.

L'hostilité indomptable du sa`idu'l-'ulama', cependant, vint contrecarrer l'exécution de ce plan. La haine que Quddus et sa cause lui inspiraient se transforma en une rage furieuse lorsqu'il vit les preuves de plus en plus nombreuses de l'inclination qu'avait le prince à permettre à un adversaire aussi redoutable de s'échapper. Jour et nuit, il lui faisait des remontrances et, au moyen de tous les artifices que son cerveau fécond pouvait concevoir, cherchait à le dissuader de poursuivre une politique qu'il jugeait à la fois désastreuse et lâche. Dans la furie de son désespoir, il en appela à la foule et tenta, en enflammant ses passions, d'éveiller en elle les sentiments de vengeance les plus vils.

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Tout Barfurush s'était soulevé à son appel persistant. Son habileté diabolique lui attira bientôt la sympathie et le soutien des masses. "J'ai juré", protestait-il impérieusement, "de me priver de nourriture et de sommeil jusqu'au moment où je pourrai mettre fin, de mes propres mains, à la vie de Haji Muhammad-'Ali!" Les menaces d'une populace agitée renforcèrent son argument et parvinrent à susciter les appréhensions du prince. Craignant que sa propre vie ne fût mise en danger, il appela auprès de lui les principaux 'ulamas de Barfurush, dans le but de les consulter au sujet des mesures qui devaient être prises pour apaiser le tumulte provoqué par la populace excitée. Tous ceux qui avaient été invités répondirent, à l'exception de Mulla Muhammad-i-Hamzih, qui demanda à être dispensé d'assister à cette réunion. Cet homme s'était auparavant efforcé à plusieurs reprises, durant le siège du fort, de persuader le peuple de s'abstenir de toute violence. C'est à lui que Quddus, quelques jours avant d'abandonner le fort, avait remis, par l'intermédiaire d'un de ses compagnons sûrs du Mazindaran, une sacoche fermée contenant le texte de sa propre interprétation du Sad de Samad ainsi que tous les autres écrits et les papiers personnels qu'il avait en sa possession et dont le sort demeure ignoré à ce jour.

A peine les 'ulamas s'étaient-ils réunis que le prince donna l'ordre d'amener Quddus auprès d'eux. Depuis le jour où il avait quitté le fort, Quddus, qui avait été Confié à la garde du farrash-bashi, n'avait pas été convoqué auprès du prince. Dès qu'il arriva, le prince se leva et l'invita à s'asseoir à côté de lui. Se tournant vers le sa`idu'l'ulama', il le pria de discuter en toute impartialité et conscience avec le prisonnier. "Nos discussions, affirma-t-il, doivent graviter autour des versets du Qur'an et des traditions, et doivent s'appuyer sur ceux-ci; ainsi seulement parviendrez-vous à démontrer la vérité ou la fausseté de vos affirmations." "Pourquoi", demanda avec impertinence le sa`idu'l-'ulama', "vous êtes-vous, en décidant de placer sur votre tête un turban vert, arrogé un droit auquel seul peut prétendre celui qui est un véritable descendant du Prophète? Ne savez-vous pas que quiconque défie cette tradition sacrée est maudit de Dieu?" "Est-ce que Siyyid Murtada, répondit calmement Quddus, que tous les 'ulamas reconnus louent et estiment, était un descendant du Prophète par son père ou par sa mère?" L'un des participants à cette réunion déclara aussitôt que seule la mère était siyyid. "Pourquoi alors me faire des reproches, rétorqua Quddus, puisque ma mère a toujours été reconnue par les habitants de cette ville comme une descendante en ligne directe de l'Imam Hasan?

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N'était-elle pas, à cause de sa descendance, honorée, que dis-je, vénérée par chacun d'entre vous?"

Personne n'osa le contredire. Le sa`idu'l-'ulama' fut pris d'un accès d'indignation et de désespoir. Il jeta avec colère son turban à terre et se leva pour quitter la réunion. "Cet homme", gronda-t-il avant de partir, "a réussi à vous prouver qu'il est un descendant de l'Imam Hasan. Il justifiera bientôt sa prétention d'être le porte-parole de Dieu et le révélateur de sa volonté!" Le prince fut amené à faire la déclaration suivante: "Je décline toute responsabilité pour le mal qui pourrait frapper cet homme. Vous êtes libres de faire de lui ce que vous voulez. Vous serez vous-mêmes responsables devant Dieu au jour du Jugement." Aussitôt après avoir prononcé ces paroles, il fit venir son cheval et partit, en compagnie de ses assistants, pour Sari. Intimidé par les imprécations des 'ulamas et oublieux de son serment, il remit, d'une manière abjecte, Quddus aux mains d'un ennemi impitoyable; ces loups voraces n'aspiraient qu'au moment où ils pourraient se jeter sur leur proie et donner libre cours aux passions les plus exacerbées de vengeance et de haine.

A peine le prince les avait-il libérés de la contrainte qu'il exerçait sur eux, que les 'ulamas et les habitants de Barfurush, agissant sous les ordres du sa`idu'l-'ulama', (20.43) se levèrent pour perpétrer sur le corps de leur victime des actes d'une cruauté si atroce qu'aucune plume ne saurait les décrire. D'après le témoignage de Baha'u'llah, ce jeune héros, qui était encore au seuil de sa vie, fut soumis à des tortures et à une mort telles que même Jésus, à l'heure la plus sombre de son agonie, n'en connut de pareilles. L'absence de toute entrave de la part des autorités gouvernementales, la barbarie ingénieuse dont firent preuve avec tant de talent les bourreaux de Barfurush, le fanatisme féroce qui enflammait les coeurs de ses habitants shi`ahs, l'appui moral que leur accordaient les dignitaires de l'Église et de l'État dans la capitale et, par-dessus tout, les actes d'héroïsme qu'avaient accomplis leur victime et ses compagnons et qui avaient servi à intensifier leur exaspération, tout cela concourut à donner de la vigueur aux assaillants et à accroître la férocité diabolique qui caractérisa le martyre de Quddus.

Les circonstances de ce martyre furent telles que le Bab, qui était alors emprisonné dans la forteresse de Chihriq, ne put, pendant une période de six mois, ni écrire ni dicter. Le profond chagrin qu'il ressentit fit taire la voix de la révélation et rendit muette sa plume.

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Avec quelle profonde tristesse déplora-t-il la perte de son disciple! Quels cris d'angoisse dut-il lancer, lorsqu'on lui relata le siège, les souffrances indicibles, la honteuse trahison et le massacre général des compagnons de Shaykh Tabarsi, et que le cours de ces événements lui fut dévoilé!

PHOTO: vue 1 du madrisih de Mirza Zaki, à Barfurush, la dernière demeure de Quddus

PHOTO: vue 2 du madrisih de Mirza Zaki, à Barfurush, la dernière demeure de Quddus

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Quelle horrible tristesse dut-il ressentir lorsqu'il apprit quel traitement ignoble le peuple de Barfurush avait infligé à son Quddus bien-aimé à l'heure de son martyre; la manière dont ses vêtements lui avaient été arrachés; dont le turban que le Bab lui avait octroyé avait été foulé aux pieds; comment il avait été promené à travers les rues, pieds nus, tête nue et chargé de chaines, suivi et raillé par la population entière de la ville, dont la foule houleuse avait craché sur lui et l'avait maudit; comment le rebut des habitants du sexe féminin l'avait attaqué avec des couteaux et des haches; comment son corps fut percé et mutilé et, finalement, livré aux flammes!

Au beau milieu de ses souffrances, on entendit Quddus murmurer, demandant le pardon pour ses ennemis. "Pardonne, ô mon Dieu, avait-il dit, les offenses de ce peuple. Sois miséricordieux envers lui car il ne sait pas ce que nous avons déjà découvert et chéri. Je me suis efforcé de lui montrer le sentier qui conduit à son salut; vois comme il s'est levé pour m'accabler et me tuer! Montre-lui, ô Dieu, la voie de la Vérité, et transforme son ignorance en foi." A l'heure de son agonie, on vit le Siyyid-i-Qumi, qui avait si traîtreusement déserté le fort, passer à côté de Quddus. Voyant son impuissance, il le frappa au visage: "Tu prétendais, s'écria-t-il avec dédain, que ta voix était celle de Dieu. Si tu dis vrai, brise tes liens et libère-toi des mains de tes ennemis." Quddus fixa du regard son visAge, soupira profondément et dit: "Que Dieu te récompense pour ton acte dans la mesure où tu as contribué à augmenter mes afflictions." Vers le Sabzih-Maydan, Quddus leva le ton et dit: "Si ma mère était là avec moi et pouvait voir de ses propres yeux la splendeur de mes noces!" A peine avait-il prononcé ces paroles que la foule enragée se rua sur lui et, après avoir déchiqueté son corps, en jeta les membres éparpillés dans le feu qu'elle avait allumé à cet effet. Au milieu de la nuit, ce qui restait des fragments de ce corps brûlé et mutilé fut ramassé par un ami dévoué (20.44) et enterré en un lieu peu éloigné de la scène de son martyre. (20.45)

Il serait opportun ici de rappeler les noms des martyrs qui participèrent à la défense du fort de Shaykh Tabarsi, espérant que les générations futures pourront, avec orgueil et gratitude, se souvenir des noms autant que des actes de ces pionniers qui, par leur vie et leur mort, ont tant enrichi les annales de la foi immortelle de Dieu. Ces noms que j'ai pu rassembler en les prenant à des sources diverses, et pour lesquels je me sens particulièrement endetté envers le Ismu'llahu'l-Mim, Ismu'llihu'l-Javad et Ismu'llihu'l-Asad, je m'en vais à présent les énumérer, confiant que, de même que dans l'au-delà, leurs âmes ont été investies de la lumière de gloire impérissable, de même leurs noms demeureront à jamais sur les langues des hommes; que leur mention continuera à susciter un égal esprit d'enthousiasme et de dévotion dans le coeur de ceux à qui a été transmis cet héritage inestimable.

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De ceux qui m'ont informé, j'ai pu obtenir non seulement les noms de la plupart de ceux qui tombèrent au cours de ce mémorable siège, mais encore une liste représentative, bien qu'incomplète, de tous ces martyrs qui, depuis l'an 60 (20.46) jusqu'à ce jour, c'est-à-dire la deuxième quinzaine du mois de rabi'u'l-avval de l'an 1306 après l'hégire (20.47) ont sacrifié leurs vies sur le sentier de la cause de Dieu. Il est de mon intention de mentionner chacun de ces noms en relation avec l'événement particulier auquel il est principalement lié. Quant à ceux qui burent à la coupe du martyre en défendant le fort de Tabarsi, leurs noms sont les suivants:

1. Le premier et le plus éminent d'entre eux est Quddus, à qui le Bab conféra le nom d'Ismu'llahu'l-Akhar ; (20.48) lui, la dernière Lettre du Vivant et le compagnon élu du Bab lors de son pèlerinage à La Mecque et à Médine, fut, avec Mulla Sadiq et Mulla 'Ali-Akbari-Ardistani, le premier à être persécuté sur le sol de la Perse pour l'amour de la cause de Dieu. Il n'avait que dix-huit ans lorsqu'il quitta sa ville natale de Barfurush pour Karbila. Il suivit, pendant quatre ans environ, les cours de Siyyid Kazim et, à l'âge de vingt-deux ans, rencontra et reconnut son Bien-Aimé dans la ville de Shiraz. Cinq années plus tard, le 23 jamadiyu'th-thani de l'an 1265 après l'hégire, (20.49) il devait tomber victime de la barbarie la plus gratuite et la plus raffinée de ses ennemis sur le Sabzih-Maydan de Bafurush. Le Bab et, par la suite, Baha'u'llah ont tous deux, dans d'innombrables Tablettes et prières, déploré sa perte et lui ont prodigué leurs éloges. L'honneur que lui accorda Baha'u'llah fut tel que, dans son commentaire sur le verset de Kullu't-Ta'àm, (20.50) qu'il révéla lors de son séjour à Baghdad, il lui conféra le rang unique de Nuqtiy-iUkhra, (20.51) un rang qui suit immédiatement celui du Bab lui-même (20.52)

2. Mulla Husayn, surnommé le Babu'l-Bab, fut le premier à reconnaître et à embrasser la nouvelle révélation. A l'âge de dix-huit ans, il était, lui aussi, parti de sa ville natale de Bushruyih dans le Khurasan pour Karbila et, durant neuf ans, fréquenta assidûment Siyyid Kazim. Quatre ans avant la déclaration du Bab, il avait, selon les instructions de Siyyid Kazim, rencontré à Isfahan le savant mujtahid Siyyid Baqir-i-Rashti et, à Mashhad, Mirza 'Askari, à qui il avait remis avec dignité et éloquence les messages que lui avait confiés son chef.

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Les circonstances relatives à son martyre suscitèrent chez le Bab une indicible affliction, qui devait lui inspirer des éloges et des prières d'un nombre si élevé que l'ensemble équivaudrait à trois fois le Qur'an. Dans l'une de ses Tablettes de visitation, le Bab affirme que la poussière même du lieu où gisent les restes de Mulla Husayn est douée d'un pouvoir capable d'apporter la joie au coeur de l'affligé et la guérison au malade. Dans le Kitab-i-Iqàn, Baha'u'llah exalte avec plus de force encore les vertus de Mulla Husayn. "Sans lui, écrit-il, Dieu n'aurait pas été établi sur le siège de sa miséricorde et ne serait pas monté sur le trône de gloire éternelle !" (20.53)

3. Mirza Muhammad-Hasan, le frère de Mulla Husayn

4. Mirza Muhammad-Baqir, le neveu de Mulla Husayn. Lui, ainsi que Mirza Muhammad-Hasan, accompagnèrent Mulla Husayn de Bushrùyih à Karbila et de là à Shiraz où ils embrassèrent le message du Bab et furent choisis parmi les Lettres du Vivant. A l'exception du voyage de Mulla Husayn à la forteresse de Mah-Ku, ils avaient toujours été en sa compagnie jusqu'au moment où ils tombèrent martyrs au fort de Tabarsi.

5. Le beau-frère de Mulla Husayn, le père de Mirza Abu'l-Hasan et de Mirza Muhammad-Husayn, qui se trouvent tous deux actuellement à Bushruyih et à qui est confiée Varaqatu'l-Firdaws, la soeur

de Mulla Husayn. Tous deux sont des adeptes fermes et dévoués de la foi.

6. Le fils de Mulla Ahmad, le frère aîné de Mulla Mirza Muhammad-i-Furughi. Contrairement à son oncle, Mulla Mirza Muhammad, il subit le martyre; il fut, comme son oncle l'a certifié, un jeune homme de grande piété et distingué pour son savoir et son caractère intègre.

7. Mirza Muhammad-Baqir, connu sous le nom de Harati bien qu'il fût à l'origine un résident de Qâyin. C'était un ami intime du père de Nabil-i-Akbar et il fut le premier habitant de Mashhad à embrasser la cause. C'est lui qui construisit le Babiyyih et qui servit Quddus avec dévouement durant le séjour de celui-ci dans cette ville. Lorsque Mulla Husayn hissa l'étendard noir, il s'enrôla, en compagnie de son fils, Mirza Muhammad-i-Kazim, sous sa bannière et s'en alla avec lui au Mazindaran. Cet enfant devait finalement être sauvé et est devenu maintenant un partisan fervent et actif de la foi dans la ville de Mashhad. Ce fut Mirza Muhammad-Baqir qui fit fonction de porte-étendard du groupe, qui conçut le plan du fort, de ses murs, de ses tourelles et du fossé qui l'entourait, qui succéda à Mulla Husayn dans l'organisation des forces de ses compagnons et dans le commandement des attaques lancées contre l'ennemi, et qui fit office de compagnon intime, de lieutenant et de conseiller sûr de Quddus jusqu'au moment où il tomba martyr dans le sentier de la cause.

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8. Mirza Muhammad-Taqiy-i-Juvayni, natif de Sabzihvar, qui s'était distingué par ses talents littéraires et à qui Mulla Husayn confiait souvent la tâche de mener la charge contre les assaillants. Sa tête, ainsi que celle de son compagnon, Mirza Muhammad-Baqir, furent empalées sur des lances et promenées parmi les rues de Barfurush à travers les cris et les huées d'une populace excitée.

9. Qambar-'Ali, l'intrépide et fidèle serviteur de Mulla Husayn, qui l'accompagna lors de son voyage à Mah-Ku et qui souffrit le martyre la nuit même où son maître tomba victime des balles de l'ennemi.

10. Hasan et

11. Quli qui, en compagnie d'un nommé Iskandar, natif de Zanjan, porta le corps de Mulla Husayn au fort la nuit de son martyre et le plaça aux pieds de Quddus. C'est ce même Hasan qui fut promené par ordre du commissaire de police de Mashhad, la corde au cou, à travers les rues de cette ville.

12. Muhammad-Hasan, le frère de Mulla Sadiq, que les camarades de Khusraw tuèrent sur la route entre Bafurush et le fort de Tabarsi. Il se distingua par sa constance inébranlable et avait été l'un des serviteurs du tombeau de l'Imam Rida.

13. Siyyid Rida qui, en compagnie de Mulla Yusuf-i-Ardibili, fut chargé par Quddus de rencontrer le prince, et qui revint avec l'exemplaire scellé du Qur'an portant le serment que le prince avait écrit. C'était l'un des siyyids renommés du Khurasan, et l'on reconnaissait partout son savoir ainsi que son caractère intègre.

14. Mulla Mardan-'Ali, l'un des compagnons éminents du Khurasan, un habitant du village de MiYamay, site d'une forteresse bien renforcée située entre Sabzihvar et Shah-Rud. Il s'engagea, avec trente-trois compagnons, sous la bannière de Mulla Husayn le jour du passage de ce dernier dans ce village. Ce fut dans le masjid de Miyamay, où Mulla Husayn s'était arrêté pour faire la prière en commun du vendredi, qu'il lança son émouvant appel dans lequel il soulignait l'accomplissement de la tradition relative à l'apparition de l'étendard noir au Khurasan, et se déclarait porteur de celui-ci. Son discours éloquent impressionna profondément ses auditeurs, à tel point que, ce même jour, la majorité de ceux qui l'entendirent, hommes de mérite éminent pour la plupart, se levèrent pour le suivre.

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Seul un de ces trente-trois compagnons, un certain Mulla 'Isi, devait survivre; ses fils se trouvent maintenant dans le village de MiYamay et sont activement occupés à servir la cause. Les noms des compagnons martyrs de ce village sont les suivants:

15. Mulla Muhammad-Mihdi,

16. Mulla Muhammad-Ja'far,

17. Mulla Muhammad-ibn-i-Mulla Muhammad,

18. Mulla Rahim,

19. Mulla Muhammad-Rida,

20. Mulla Muhammad-Husayn,

21. Mulla Muhammad,

22. Mulla Yusuf,

23. Mulla Ya'qub,

24. Mulla 'Ali,

25. Mulla Zaynu'l-Abidin,

26. Mulla Muhammad, fils de Mulla Zaynu'l-'Abidin,

27. Mulla Baqir,

28. Mulla 'Abdu'l-Muhammad,

29. Mulla Abu'l-Hasan,

30. Mulla Isma'il,

31. Mulla 'Abdu'l-'Ali,

32. Mulla Aqa-Baba,

33. Mulla 'Abdu'l-Javad,

34. Mulla Muhammad-Husayn,

35. Mulla Muhammad-Baqir,

36. Mulla Muhammad,

37. Haji Hasan,

38. Karbila'i 'Ali,

39. Mulla Karbila'i 'Ali,

40. Karbila'i Nur-Muhammad,

41. Muhammad-Ibrahim,

42. Muhammad-Sa'im,

43. Muhammad-Hadi,

44. Siyyid Mihd,

45. Abu-Muhammad.

Des compagnons du village de Sang-Sar, qui fait partie du district de Simnan, dix-huit furent martyrisés. Leurs noms sont les suivants:

46. Siyyid Ahmad, dont le corps fut coupé en morceaux par Mirza Muhammad-Taqi et les sept 'ulamas de Sari. C'était un éminent théologien, fort estimé pour son éloquence et sa piété.

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47. Mir Abu'l-Qasim, le frère de Siyyid Ahmad, qui gagna la couronne du martyre la nuit même où Mulla Husayn trouva la mort.

48. Mir Mihdi, l'oncle paternel de Siyyid Ahmad.

49. Mir Ibrahim, le beau-frère de Siyyid Ahmad.

50. Safar-'Ali, le fils de Karbila'i'Ali, qui s'était ardemment efforcé, en compagnie de Karbila'i Muhammad, de tirer les habitants de Sang-Sar de leur sommeil de négligence. Tous deux ne purent, à cause de leurs infirmités, se rendre au fort de Tabarsi.

51. Muhammad-'Ali, le fils de Karbila'i Abu-Muhammad,

52. Abu'l-Qasim, le frère de Muhammad-'Ali,

53. Karbila'i Ibràhim,

54. 'Ali-Ahmad,

55. Mulla 'Ali-Akbar,

56. Mulla Husayn-'Ali,

57. 'Abbas-'Ali,

58. Husayn-'Ali,

59. Mulla 'Ali-Asghar,

60. Karbila'i Isma`il,

61. 'Ali Khan,

62. Muhammad-Ibrahim,

63. 'Abdu'l-'Azim.

Du village de Shah-Mirzad, deux personnes tombèrent défendant le fort:

64. Mulla Abu-Rahim et

65. Karbila'i Kazim.

Quant aux adeptes de la foi au Mazindaran, vingt-sept martyrs ont été jusqu'ici enregistrés:

66. Mulla Riday-i-Shah,

67. 'Azim,

68. Karbila'i Muhammad-Ja'far,

69. Siyyid Husayn,

70. Muhammad-Baqir,

71. Siyyid Razzaq,

72. Ustad Ibrahim,

73. Mulla Sa`id-i-Zirih-Kinari,

74. Riday-i- 'Arab,

75. Rasul-i-Bahnimiri,

76. Muhammad-Husayn, le frère de Rasul-i-Bahnimiri,

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77. Tahir,

78. Shafi',

79. Qasim,

80. Mulla Muhammad-Jàn,

81. Masih, le frère de Mulla Muhammad-Jan,

82. Ita-Baba,

83. Yusuf,

84. Fadlu'llah,

85. Baba,

86. Saff-Quli,

87. Nizam,

88. Ruhu'llah,

89. 'Ali-Quli,

90. Sultan,

91. Ja'far,

92. Khalil.

Des croyants de Savad-Kuh, les cinq noms suivants sont jusqu'à présent considérés comme martyrs:

93. Karbila'i Qambar-Kalish,

94. Mulla Nad- ' Aliy-i-Mutavalli,

95. 'Abdu'l-Haqq,

96. Itabaki-Chupan,

97. Fils de Itabaki-Chupan.

De la ville d'Ardistan, tombèrent martyrs:

98. Mirza 'Ali-Muhammad, fils de Mirza Muhammad-Sa`id,

99. Mirza 'Abdu'l-Vasi', fils de Haji 'Abdu'l-Vahhab,

100. Muhammad-Husayn, fils de Haji Muhammad-Sadiq,

101. Muhammad-Mihdi, fils de Haji Muhammad-Ibrahim,

102. Mirza Ahmad, fils de Muhsin,

103. Mirza Muhammad, fils de Mir Muhammad-Taqi.

De la ville d'Isfahan, on a enregistré à ce jour trente martyrs:

104. Mulla Ja'far, le tamiseur de froment dont le nom a été mentionné par le Bab dans le Bayan Persan.

105. Ustad Aqa, surnommé Buzurg-Banni,

106. Ustad Hasan, fils d'Ustad Aqa, -

107. Ustad Muhammad, fils d'Ustad Aqa,

108. Muhammad-Husayn, fils d'Ustad Aqa, dont le frère cadet Ustad Ja'far fut plusieurs fois vendu par ses ennemis avant qu'il pût atteindre sa ville natale, où il réside actuellement.

109. Ustad Qurban-'Aliy-i-Banna,

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110. 'Ali-Akbar, fils de Ustad Qurban-'Aliy-i-Banna,

111. 'Abdu'llah, fils d' Ustad Qurban- ' Aliy-i-Banna,

112. Muhammad-i-Baqir-Naqsh, l'oncle maternel de Siyyid Yahya et fils de Mirza Muhammad-'Aliy-i-Nahri. Il n'avait que quatorze ans et fut martyrisé la nuit même où Mulla Husayn trouva la mort.

113. Mulla Muhammad-Taqi,

114. Mulla Muhammad-Rida, tous deux frères de feu 'Abdu'l-Salib, le jardinier du Ridvan à 'Akka.

115. Mulla Ahmad-i-Saffar,

116. Mulla Husayn-i-Miskar,

117. Ahmad-i-Payvandi,

118. Hasan-i-Sha'r-Baf-i-Yazdi,

119. Muhammad-Taqi,

120. Muhammad-'Attar, frère de Hasan-i-Sha'r-Baf,

121. Mulla 'Abdu'l-Khaliq, qui se coupa la gorge à Badasht et que Tahirih surnomma Dhabih.

122. Husayn,

123. Abu'l-Qasim, frère de Husayn,

124. Mirza Muhammad-Rida,

125. Mirza Haydar, frère de Mirza Muhammad-Rida,

126. Mirza Mihdi,

127. Muhammad-Ibrahim,

128. Muhammad-Husayn, surnommé Dastmal-Girih-Zan,

129. Muhammad-Hasan-i-Chit-Saz, un célèbre fabricant de tissu qui parvint en présence du Bab.

130. Muhammad-Husayn-i-'Attar,

131. Ustad Haji Muhammad-i-Banna,

132. Mahmud-i-Muqari'i, marchand de tissu bien connu. Il venait de se marier et était parvenu à rencontrer le Bab dans la forteresse de Chihriq. Le Bab le pressa de se rendre au Jaziriy-i-Khadra pour prêter assistance à Quddus. Lors de son séjour à Tihran, il reçut une lettre de son frère lui annonçant la naissance d'un fils et le suppliant de se hâter de venir à Isfahan pour voir celui-ci, et de se rendre ensuite là où bon lui semblerait. "Je me suis trop enflammé, répondit-il, de l'amour de cette cause pour pouvoir prêter quelque attention à mon fils. Je suis impatient de rejoindre Quddus et de m'enrôler sous sa bannière."

133. Siyyid Muhammad-Riday-i-Pa-Qal'iyi, siyyid distingué et théologien fort estimé, dont le but déclaré de s'enrôler sous la bannière de Mulla Husayn causa un grand tumulte parmi les 'ulamas d'Isfahan.

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Parmi les croyants de Shiraz, ceux dont les noms suivent ont atteint au rang du martyre:

134. Mulla 'Abdu'llah, connu également sous le nom de Mirza Salih,

135. Mulla Zaynu'l-'Abidin,

136. Mirza Muhammad.

Parmi les adeptes de la foi à Yazd, seuls quatre ont jusqu'à présent été enregistrés:

137. Le siyyid qui parcourut à pied tout le chemin du Khurasan à Barfurush, où il tomba victime des balles de l'ennemi.

138. Siyyid Ahmad, le père de Siyyid Husayn-I-'Aziz et secrétaire du Bab.

139. Mirza Muhammad-'Ali, fils de Siyyid Ahmad, qui eut la tête

emportée par le boulet d'un canon alors qu'il se tenait à l'entrée du fort et qui, à cause de son jeune âge, était fort admiré et aimé de Quddus.

140. Shaykh 'Ali, fils de Shaykh 'Abdu'l-Khaliq-i-Yazdi, un habitant de Mashhad, jeune homme dont l'enthousiasme et l'énergie inépuisable étaient l'objet des louanges de Mulla Husayn et de Quddus.

Des croyants de Qazvin, ceux dont les noms suivent tombèrent martyrs:

141. Mirza Muhammad-'Ali, théologien célèbre, dont le père, Haji Mulla 'Abdu'l-Vahhab, était l'un des mujtahids les plus éminents de Qazvin. Il parvint en présence du Bab à Shiraz et fut inscrit parmi les Lettres du Vivant.

142. Muhammad-Hadi, un marchand respecté et fils de Haji 'Abdu'l-Karim, surnommé Baghban Bashi,

143. Siyyid Ahmad,

144. Mirza 'Abdu'l-Jalil, théologien réputé,

145. Mirza Mihdi.

146. Du village de Lahard, il y eut comme martyr un certain Haji Muhammad-'Ali, qui avait terriblement souffert à la suite du meurtre de Mulla Taqi à Qazvin.

Des croyants de Khuy, ceux dont les noms suivent connurent le martyre:

147. Mulla Mihdi, théologien distingué, qui avait été l'un des disciples éminents de Siyyid Kazim. Il était connu pour son savoir, son éloquence et la fermeté de sa foi.

148. Mulla Mahmud-i-Khu'i, frère de Mulla Mihdi, l'une des Lettres du Vivant et théologien éminent.

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149. Mulla Yusuf-i-Ardibili, l'une des Lettres du Vivant, connu pour son savoir, son enthousiasme et son éloquence. Ce fut lui qui suscita les appréhensions de Haji Karim Khan à son arrivée à Kirman, et qui fut la terreur de ses adversaires. "Cet homme", a-ton entendu dire Haji Karim Khan à sa congrégation, "doit être expulsé de force de cette ville car, si on l'autorise à y rester, il causera certainement à Kirman le même tumulte qu'il a déjà soulevé à Shiraz. Le mal qu'il infligera sera irréparable. La magie de son éloquence et la force de sa personnalité, si elles ne surpassent pas déjà celles de Mulla Husayn, ne leur sont certainement pas inférieures. Ainsi, ce théologien réussit à forcer Mulla Yusuf à écourter son séjour à Kirman et à l'empêcher de s'adresser au peuple depuis la chaire. Le Bab lui donna les instructions suivantes: "Vous devez visiter les villes et les cités de la Perse et inviter leurs habitants à accepter la cause de Dieu. Au premier jour du mois de muharram de l'an 1265 après l'hégire, (20.54) vous devrez vous trouver au Mazindaran et vous lever pour prêter à Quddus toute l'assistance en votre pouvoir." Mulla Yusuf, fidèle aux instructions de son maître, refusa de prolonger son séjour au-delà d'une semaine dans quelque ville ou cité qu'il visita. A son arrivée au Mazindaran, il fut fait prisonnier par les forces du prince Mihdi-Quli Mirza, qui le reconnut immédiatement et le fit emprisonner. Il devait finalement être relâché, comme nous l'avons déjà observé, par les compagnons de Mulla Husayn le jour où eut lieu la bataille de Vas-Kas.

150. Mulla Jalil-i-Urumi, l'une des Lettres du Vivant, connu pour son savoir, son éloquence et la ténacité de sa foi.

151. Mulla Ahmad, un habitant de Maraghih, l'une des Lettres du Vivant, et disciple éminent de Siyyid Kazim.

152. Mulla Mihdiy-i-Kandi, compagnon intime de Baha'u'llah et tuteur des enfants de sa maisonnée.

153. Mulla Baqir, frère de Mulla Mihdi; tous deux étaient hommes d'un savoir immense et dont les talents ont été confirmés par Baha'u'llah dans le "Kitab-i-Iqan".

154. Siyyid Kazim, un habitant de Zanjan, dont il était l'un des marchands les plus connus. Il parvint en la présence du Bab à Shiraz et l'accompagna à Isfahan. Son frère, Siyyid Murtada, fut l'un des sept martyrs de Tihran.

155. Iskandar, également habitant de Zanjan et qui, en compagnie de Hasan et de Quli, porta le corps de Mulla Husayn au fort.

156. Isma'il,

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157. Karbila'i 'Abdu'l-'Ali,

158. 'Abdu'l-Muhammad,

159. Haji 'Abbas,

160. Siyyid Ahmad, tous habitants de Zanjan.

161. Siyyid Husayn-i-Kulah-Duz, un habitant de Barfurush dont la tête fut empalée sur une lance et promenée à travers les rues.

162. Mulla Hasan-i-Rashti,

163. Mulla Hasan-i-Bayajmandi,

164.Mulla-Ni'matu'llah-i-Barfurushi,

165. Mulla Muhammad-Taqiy-i-Qarakhili,

166. Ustad Zaynu'l-'Abidin,

167. Ustad Qasim, fils d'Ustad Zaynu'l-'Abidin,

168. Ustad 'Ali-Akbar, frère d'Ustad Zaynu'l-'Abidin.

Les trois derniers étaient maçons de profession, natifs de Kirman, et habitaient Qayin dans la province de Khurasan.

169 - 170. Mulla Riday-i-Shah et un jeune homme de Bahnimir; ils furent tués deux jours après l'abandon du fort par Quddus, dans le Panj-Shanbih-Bazar de Barfurush. Haji Mulla Muhammad-i-

Hamzih, surnommé le Shari'at-Madar, parvint à enterrer leurs corps dans le voisinage du Masjid-i-Kazim-Big, et à inciter leur meurtrier à se repentir et à demander pardon.

171. Mulla Muhammad-i-Mu'allim-i-Nuri, compagnon intime de Baha'u'llah qu'il fréquenta à Nur, à Tihran et au Mazindaran. Il était connu pour son intelligence et son savoir; il devait subir les plus cruelles atrocités, après celles de Quddus, qu'ait jamais endurées un défenseur du fort de Tabarsi. Le prince avait promis qu'il le relâcherait à condition qu'il exécrât le nom de Quddus, et avait donné sa parole qu'au cas où il abjurerait sa foi, il le ramènerait à Tihran et ferait de lui le tuteur de ses fils. "Je ne consentirai jamais, avait-il répondu, à vilipender le bien-aimé de Dieu par ordre d'un homme tel que vous. Même si vous me confériez le royaume de Perse tout entier, je ne détournerais point, ne fût-ce qu'un instant, mon visage de mon chef bien-aimé. Mon corps est à votre meRci, mais mon âme, vous ne pourrez l'assujettir. Torturez-moi autant que vous vouIez, afin que je puisse vous démontrer la vérité du verset: "Alors, aspirez à la mort, si vous êtes des hommes de vérité." (20.55) Le prince, rendu furieux par cette réponse, donna l'ordre de couper son corps en morceaux et de n'épargner aucun effort pour lui infliger le plus humiliant des châtiments.

172. Haji Muhammad-i-Karradi, dont la maison se trouvait dans l'une des palmeraies situées autour du vieux Baghdad, était un homme de grand courage; il avait combattu et commandé cent hommes dans la guerre contre Ibrahim Pasha d'Egypte.

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Il avait été un fervent disciple de Siyyid Kazim et avait rédigé un long poème dans lequel il s'étendait sur les vertus et les mérites du siyyid. Il avait soixante-quinze ans lorsqu'il embrassa la foi du Bab, dont il chanta également les louanges dans un poème éloquent et détaillé. Il se distingua par ses actes héroïques lors du siège du fort, et tomba finalement victime des balles de l'ennemi.

173. Sa`id-i-Jabbavi, natif de Baghdad, qui fit preuve d'un courage extraordinaire durant le siège. Il fut atteint à l'abdomen et, quoique gravement blessé, parvint à marcher jusqu'à ce qu'il atteignît la présence de Quddus. Il se jeta joyeusement à ses pieds et expira.

Les circonstances du martyre de ces deux derniers compagnons furent relatées par Siyyid Abu-Talib-i-Sang-Sari, l'un de ceux qui survécurent à ce mémorable siège, dans une communication adressée à Baha'u'llah. Dans celle-ci, il raconte en outre sa propre histoire ainsi que celle de ses deux frères, Siyyid Ahmad et Mir Abu'l-Qasim, qui tombèrent tous deux martyrs en défendant le fort. "Le jour où Khusraw fut tué, écrit-il, je me trouvais par hasard invité chez un certain Karbila'i 'Ali-Jan, le kad-khuda (20.56) de l'un des villages situés dans le voisinage du fort. Il était parti pour participer à la protection de Khusraw puis était revenu et me relatait les circonstances relatives à la mort de celui-ci. Ce jour-là, un messager m'informa que deux Arabes étaient arrivés à ce village et étaient désireux de rejoindre les occupants du fort. Ils exprimèrent la crainte que leur inspiraient les habitants du village de Qadi-Kala, et promirent qu'ils récompenseraient amplement quiconque serait prêt à les conduire à leur destination. Je me souvins alors des conseils de mon père, Mir Muhammad-'Ali, qui m'exhortait à me lever pour aider à promouvoir la cause du Bab. Je me décidai aussitôt à saisir l'occasion qui se présentait à moi, et partis vers le fort en compagnie de ces deux Arabes; avec l'aide et l'assistance du kad-Khuda, je rencontrai Mulla Husayn et décidai de consacrer le restant de mes jours au service de la cause qu'il avait choisi de suivre.

Voici les noms de quelques-uns des officiers qui se distinguèrent parmi les ennemis des compagnons de Quddus:

1. Le prince Mihdi-Quli Mirza, frère de feu Muhammad Shah,

2. Sulayman Khan-i-Afshar

3. Haji Mustafa Khan-i-Sur-Tij,

4. 'Abdu'llah Khan, frère de Haji Mustafa Khan,

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5. 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani, qui tua d'une balle Mulla Husayn,

6. Nuru'llih Khan-i-Afghan,

7. Habibu'llah Khan-i-Afghan,

8. Dhu'l-Faqar Khan-i-Karavuli,

9. 'Ali-Asghar Khan-i-Du-Dungi'i,

10. Khuda-Murad Khan-i-Kurd,

11. Khalil Khan-i-Savad-Kuhi,

12. Ja'far-Quli Khan-i-Surkh-Karri'i,

13. Le sartip du Fawj-i-Kalbat,

14. Zakariyyay-i-Qadi-Kala'i, l'un des cousins de Khusraw et son successeur.

PHOTO: Muhammad Rida, l'un des compagnons de Quddus, qui survécut à la bataille de Shaykh Tabarsi

[ PAGE: 395 ]

Quant aux croyants qui participèrent à ce siège mémorable et qui échappèrent à sa fin tragique, je n'ai pu jusqu'ici vérifier complètement ni leurs noms ni leur nombre. Je me suis contenté d'une liste représentative, bien qu'incomplète, des noms des martyrs de ce siège, confiant que, dans les jours à venir, les vaillants promoteurs de la foi se lèveront pour combler cette lacune et pourront, par leur recherche et leur assiduité, remédier aux imperfections de cette description tout à fait insuffisante de ce qui doit rester à jamais comme l'un des épisodes les plus émouvants des temps modernes.

PHOTO: mirza Abu-talib, compagnon de Quddus, qui survécut à la bataille de Shaykh Tabarsi

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NOTE DU CHAPITRE 20:

(20.1) "Ainsi perplexe et ne sachant où se tourner, le Shah-Zadih, pauvre homme, donna des ordres pour qu'on réunît de nouvelles forces et qu'on mît sur pied une autre armée. L'empressement était faible de la part de la population des villes à aller servir sous un chef dont on venait de voir le mérite et l'intrépidité à l'épreuve. Toutefois, moyennant quelque argent et beaucoup de promesses, les mullas surtout, qui ne perdaient par leur cause de vue et qui étaient assurément les plus intéressés dans toutes ces affaires, s'agitant beaucoup, on finit par rassembler bon nombre de tufang-chis. Quant aux cavaliers des tribus, du moment que leurs chefs montent à cheval, ils en font autant et n'en demandent pas davantage. 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani obéit sans hésiter à l'ordre d'envoyer un nouveau contingent.
Seulement, cette fois, soit par défiance de ce que l'ineptie du prince pourrait faire courir de risques inutiles à ses parents et à ses sujets, soit par une certaine ambition de se signaler lui-même, il ne confia plus à personne la conduite de ses gens. Il se mit à leur tête, et, par un coup hardi, au lieu de rejoindre l'armée royale, il s'en alla tout droit attaquer les Babis dans leur refuge, puis il donna avis au prince qu'il était arrivé devant le château de Shaykh Tabarsi et qu'il en faisait le siège. Du reste il annonçait qu'il n'avait aucun besoin de secours ni d'aide, que ses gens lui suffisaient et au-delà, et que seulement s'il plaisait à son Altesse Royale de se donner de sa personne le spectacle de la façon dont lui, 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani, allait traiter les rebelles, il lui ferait honneur et plaisir." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", p. 170-71.)

(20.2) "Mihdi-Quli Mirza n'aurait pu se donner, lui, pour un guerrier bien téméraire, on vient de le voir; mais il remplaçait l'intempérance de l'intrépidité par une qualité utile aussi à un général: il ne prenait pas au pied de la lettre les fanfaronnades de ses lieutenants. Craignant donc qu'il n'arrivât malheur à l'imprudent nomade, il lui envoya immédiatement des renforts. Ainsi partirent en toute hâte Muhsin Khan-i-Suriti avec ses cavaliers, une troupe d'Afghans, Muhammad-Karim Khan-i-Ashrafi avec des tufang-chis de la ville et Khalil Khan, de Savad-Kuh avec les hommes de Qadi-Kala." (Ibid., p. 171.)

(20.3) 1er février 1849 ap. J-C.

(20.4) Voir glossaire.

(20.5) "Ainsi blessé, le chef Babi n'en continua pas moins à donner des ordres et à conduire et activer les mouvements des siens jusqu'au moment où, voyant que la somme des résultats possibles était acquise, il donna le signal de la retraite en se tenant lui-même à l'arrière-garde." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", p. 174.)

(20.6) Ses restes (ceux de Mulla Husayn) reposent encore dans la petite chambre intérieure du tombeau de Shaykh Tabarsi où, sous la direction de Mulla Muhammad-'Ali Barfurushi, ils avaient été déposés avec respect par ses camarades en deuil au début de l'an 1849 après J-C." ("A Traveller's Narrative", Note F, p. 245.)

(20.7) 10 octobre 1848 ap. J.-C.

(20.8) 2 février 1849 ap. J.-C.

(20.9) 10 octobre 1848 ap. J.-C.

(20.10) 1er décembre 1848 ap. J.-C.

(20.11) 21 décembre 1848 ap. J-C.

(20.12) "Parmi eux se trouvait Mulla Husayn, qui avait été le bénéficiaire de la gloire éclatante du Soleil de Révélation. Sans lui, Dieu n'aurait pas été établi sur le siège de sa miséricorde, n'aurait pas gravi le trône de gloire éternelle." ("Le Kitab-i-Iqan", p. 188). Voir note 5, p. 23. Chétif de corps mais soldat intrépide et adorateur passionné de Dieu, il réunissait en lui des qualités et des caractéristiques que l'on trouve rarement associées chez une seule personne, même parmi l'aristocratie spirituelle de la Perse." (Dr.T.K. Cheyne: "la Réconciliation des races et des religions", p. 83.)
"Enfin, écrit Gobineau, il expira, et la religion nouvelle, qui reçut en lui son protomartyr, perdit du même coup un homme dont la force de caractère et l'habileté lui auraient rendu des services bien utiles, si sa vie avait pu se prolonger. Les musulmans ont naturellement une profonde horreur pour le souvenir de ce chef; les Babis lui vouent une vénération correspondante. Ils ont raison des deux parts.
Ce qui est certain, c'est que Mulla Husayn-i-Bushru'i a le premier donné au Babisme, dans l'empire persan, cette situation qu'un parti religieux ou politique ne gagne dans l'esprit des peuples qu'après avoir fait acte de virilité guerrière." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale", p. 176.) "Feu Haji Mirza Jani écrit: "J'ai moi-même rencontré Mirza Muhammad-Hasan, frère cadet de Mulla Husayn, lorsqu'il emmenait sa mère et sa soeur de Karbila à Qazvin et de Qazvin à Tihran.
Sa soeur était l'épouse de Shaykh Abu-Turab de Qazvin, qui était un de ces philosophes et érudits comme on en rencontre peu, et croyait avec une sincérité et une pureté d'intention extrêmes, alors que son amour et sa dévotion pour le Bab étaient tels que si quelqu'un citait simplement le nom de Sa Sainteté Suprême (que toutes les âmes, en dehors de la sienne, lui soient sacrifiées) il ne pouvait retenir ses larmes.
Je l'ai souvent vu, lorsqu'il était occupé à lire les écrits de Sa Sainteté Suprême, devenir presque un autre homme, en extase, et presqu'emporté par la joie. Il parlait de sa femme en ces termes: Je l'ai épousée il y a trois ans à Karbila. Elle n'était alors qu'une étudiante médiocre même en persan mais, à présent, elle est capable d'exposer des textes du Qur'an et d'expliquer les questions les plus difficiles et les points les plus subtils de la doctrine de l'Unité divine, de sorte que je n'ai jamais vu un homme qui l'égale dans ce domaine ou qui soit prompt à la comprendre. Ces dons lui ont été conférés par la bénédiction de Sa Sainteté Suprême et par les conversations qu'elle a eues avec sa sainteté la Pure (Qurratu'l-'Ayn).
J'ai trouvé en elle une patience et une résignation rares même chez les hommes les plus détachés car, durant ces trois années, bien que je ne lui eusse pas envoyé un seul dinar pour ses dépenses et qu'elle n'ait subsisté qu'avec la plus grande difficulté, elle n'a jamais soufflé mot; et maintenant qu'elle est venue à Tihran, elle s'abstient de parler du passé, et quoiqu'à présent elle désire, suivant les voeux exprimés par Jinab-i-Babu'l-Bab, se rendre au Khurasan et qu'elle n'ait littéralement rien pour se vêtir que l'unique robe bien usée qu'elle porte, elle ne demande jamais des habits ou de l'argent pour le voyage, mais cherche toujours des excuses plausibles pour me mettre à l'aise et éviter que j'éprouve de la honte. Sa pureté, sa chasteté et sa vertu sont infinies et, durant tout ce temps, aucune personne peu privilégiée n'a seulement entendu sa voix."
Mais les vertus de la fille étaient surpassées par celles de la mère, qui possédait des talents et des dons exceptionnels, et qui avait composé de nombreux poèmes et des élégies éloquentes ayant pour thème les afflictions de ses fils. Bien que Jinib-i-Babu'l-Bab l'eût avertie de l'imminence de son martyre et lui eût prédit toutes les calamités qui l'attendaient, elle continua cependant à faire preuve de la même dévotion ardente et de la même résignation joyeuse, se réjouissant de ce que Dieu avait accepté le sacrifice de ses fils en priant même pour que ceux-ci puissent atteindre à cette grande dignité et ne pas être privés d'une si grande grâce.
On est en fait émerveillé lorsqu'on pense à cette famille sainte et vertueuse, les fils si remarquables pour leur dévotion et leur abnégation, la mère et la fille si patientes et si résignées. Lorsque moi, Mirza Jani, je rencontrai Mirza Muhammad-Hasan, il n'avait que dix-sept ans et, cependant, je vis en lui une dignité, une gravité, un calme et une vertu qui m'étonnèrent. Après la mort de Jinab-i-Babu'l-Bab, Hadrat-i-Quddus lui conféra l'épée et le turban de ce glorieux martyr, et le fit capitaine des troupes du Vrai Roi.
Quant à son martyre, les avis diffèrent sur le point de savoir s'il fut tué à la table de déjeuner dans le camp, ou s'il souffrit le martyre avec Jinab-i-Quddus sur la place de Barfurush." (Le "Tarikh-i-Jadid' ' ,pp. 93-5) La soeur de Mulla Husayn fut surnommée "Varaqatu'l Firdaws", et fut l'amie intime de Tahirih lors du séjour de celle-ci à Karbila. ("Mémoires du fidèle", p. 270.)

(20.13) Voir glossaire.

(20.14) "Cette fois la terreur fut à son comble dans la province; le peuple surexcité par les défaites successives de l'Islam commençait à pencher pour la nouvelle religion: les chefs militaires sentaient leur autorité chancelante, les chefs religieux voyaient leur échapper les consciences, la situation était tendue à l'extrême, et le moindre incident pouvait précipiter le Mazindaran aux pieds du Réformateur." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab, p. 315.)
Mais lorsque le sa'idu'l'ulama' fut informé à ce sujet, il fut rempli de trouble et de consternation, craignant que les Babis n'entrassent à Barfurush et ne lui réservassent la punition qu'il méritait; il écrivit plusieurs lettres successives à 'Abbas-Quli Khan, disant: "Je vous félicite pour votre courage et votre discrétion, mais combien il est dommage qu'après avoir eu de telles peines, perdu tant de vos cavaliers, et remporté enfin une victoire si remarquable, vous n'en ayez pas tiré parti.
Vous avez fait passer une grande multitude au fil de l'épée et êtes retourné, ne laissant derrière vous que quelques survivants décrépits et âgés. Hélas! après tous vos efforts et votre persévérance, le prince s'apprête à présent à marcher sur la forteresse et à faire prisonniers ces quelques pauvres diables, de sorte qu'après tout ce sera lui qui se gagnera le crédit de cette remarquable victoire et qui s'appropriera tout l'argent et tous les biens des vaincus! Vous devez considérer comme votre affaire primordiale et la plus importante votre retour à la forteresse avant qu'il se soit mis en route, car le gouvernement d'une province comme le Mazindaran n'est pas quelque chose que l'on traite à la légère. Efforcez-vous donc de gagner le crédit entier de cette victoire, et que vos efforts accomplissent ce que votre ardeur a entamé."
"Il écrivit également une longue lettre au clergé d'Amul, l'exhortant instamment à faire de son mieux pour que le sartip 'Abbas-Quli Khan entrât immédiatement en action. Ainsi ces membres du clergé rappelèrent-ils sans cesse à ce dernier que son devoir était de marcher à toute vitesse sur la forteresse; et le sartip, bien qu'il sût que ce que le sa'idu'l-'ulama' lui avait écrit était entièrement faux et sans fondement, était désireux, au cas où celà était possible, de réparer ce qui venait de se passer et de se réhabiliter ainsi quelque peu aux yeux des femmes Larijani dont il avait sacrifié les maris et auprès desquelles il était tombé en disgrâce, ainsi qu'à ceux du gouvernement. Mais, en son for intérieur, l'anxiété le dévorait; il craignait de manquer, comme dans la campagne précédente, d'accomplir ce qu'il voulait réaliser.
La plupart de ses hommes, eux aussi, étaient blessés, tandis que beaucoup s'étaient enfuis et cachés dans les villages environnants, qui se trouvaient à quatre ou cinq farsangs de la ville. Aussi, comme pis-aller écrivit-il ce qui suit au clergé d'Amul: Si, en fait, cette guerre est une guerre religieuse, vous qui êtes des défenseurs si zélés de la foi, et qui êtes considérés comme exemples par le peuple, vous devriez prendre la direction des opérations et faire le premier pas, pour que les autres puissent vous suivre.
Le clergé, qui n'avait pas de réponse convenable et ne cherchait pas un moyen de s'excuser, fut obligé d'envoyer un message déclarant qu'il s'agissait là d'une guerre religieuse. Un vaste groupe composé de marchands, de gens ordinaires et de voyous fut réuni et entama, avec le clergé et les étudiants, ce qui en apparence était l'accomplissement d'un devoir religieux mais qui, en réalité, tendait vers le pillage et la rapine. La plupart de ces gens allèrent à Barfurush et se joignirent à la marche du prince Mihdi-Quli Mirza qui, arrivé à un village situé à un farsang de la forteresse, envoya un corps de ses hommes en reconnaissance pour réunir des informations sur les mouvements de la garnison Babie." (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 72-3.)

(20.15) Les vénérables théologiens, qui étaient venus avec leurs élèves prendre part à la guerre sainte, étaient à peine capables de s'endormir la nuit, tant leur peur était grande (quoique leurs quartiers fussent établis en un lieu situé à deux farsangs de la forteresse) et, dans leur conversation, injuriaient abondamment et sans cesse le prince et 'Abbas-Quli Khan, et maudissaient le sa'idu'l'ulama'; "car, disaient-ils, ils nous ont, sans raison suffisante, privés de nos études, de nos discussions et de notre gagne-pain, tout en nous entraînant dans un terrible péril, puisque combattre avec des gens comme ceux-là, qui ont renoncé au monde et sont prêts au sacrifice, comporte un grand risque." Ainsi, le verset sacré "Ne vous jetez pas dans le péril de vous-mêmes devint leur expression quotidienne. L'un dit: "Certaines circonstances me dispensent du devoir de prendre part actuellement à cette guerre."
Un autre (avançant trente prétextes différents) dit: "Je suis légalement excusé et obligé de faire demi-tour."
Un troisième dit: "J'ai de petits enfants qui dépendent de moi; que puis-je faire? "
Un quatrième dit: "Je n'ai pas fait de provisions pour ma femme; aussi dois-je partir mais, s'il était nécessaire, je reviendrais à nouveau."
Un cinquième dit: "Mes comptes avec certaines personnes ne sont pas encore réglés; si je tombais martyr, ma richesse serait gaspillée et une injustice serait commise envers ma femme et mes enfants; et le gaspillage, de même que l'injustice, sont condamnés comme des actes répugnants par notre religion sacrée, et déplaisants aux yeux de Dieu."
Un sixième dit: "Je dois de l'argent à certaines personnes et n'ai personne qui puisse payer ma dette à ma place. Si je venais à tomber, ma dette ne me permettrait pas de traverser le pont de Sirat."
Un septième dit: "Je suis parti sans le dire à ma mère, et elle m'avait dit: "Si tu pars, le lait dont je t'ai nourri te sera, par ma volonté, illégitime. "Je crains par conséquent d'être rejeté comme désobéissant par ma mère."
Un huitième pleura et dit: "J'ai fait le voeu de visiter Karbila cette année; faire une fois le tour du saint sépulcre du chef des martyrs équivaut, quant au mérite, à cent mille martyres ou à mille pèlerinages à La Mecque. Je crains de ne pouvoir accomplir mon voeu et d'être ainsi privé de cette grande bénédiction."
D'autres dirent: "Nous, pour notre part, n'avons pas vu chez ces gens, ni entendu sur leur compte, quelque chose prouvant qu'ils sont des infidèles, car eux aussi disent: "Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu, Muhammad est l'apôtre de Dieu, et 'Ali est l'ami de Dieu." Tout au plus maintiennent-ils que l'avènement de l'Imam Mihdi a eu lieu. Qu'ils le fassent! car, tout compte fait, ils ne sont pas pires que les sunnis, qui rejettent les douze Imams et les quatorze saints immaculés, admettent une personne comme 'Umar en tant que calife, préfèrent 'Uthman à 'Ali-ibn-i-Abi-Talib et acceptent Abu-Bakr comme successeur de notre saint Prophète. Pourquoi nos théologiens laisseraient-ils ceux-là tranquilles et combattraient-ils ceux-ci sur des questions dont les détails n'ont pas été correctement déterminés?"
Bref, partout dans le camp s'élevaient des murmures et des complaintes; chacun avait sa propre chanson et inventait un prétexte différent; et tous n'attendaient qu'une excuse plausible pour se décider à fuir.
Aussi, lorsque 'Abbas-Quli Khan s'aperçut des faits, fut-il obligé, de peur de voir cette terreur se propager et s'emparer de ses soldats, d'accepter les excuses de ces théologiens et de leurs disciples et adeptes; ceux-ci s'en allaient aussitôt avec grande joie, en disant des prières pour le succès du sartip." (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 74-6.)

(20.16) Mihdi-Quli Mirza fut un peu surpris. Ce n'était pas ce à quoi il s'attendait. Mais, en somme, ce qui le frappa d'avantage, c'est que le Sardar pouvait être considéré comme ayant été battu aussi bien qu'il l'avait été lui-même, et cette réflexion, accompagnée de tous les corollaires consolants pour son amour-propre, lui rendit l'affaire très agréable. Non seulement il ne craignait plus qu'un de ses lieutenants se fût paré d'une gloire enviable en prenant le château des Babis, mais encore ce n'était plus seulement lui qui avait échoué : il avait un compagnon et un compagnon auquel il espérait bien faire porter la responsabilité des deux défaites.
Enchanté, il réunit ses chefs, grands et petits, et leur fit part de la nouvelle, en déplorant, bien entendu, le triste sort du Sardar, et en faisant des voeux ardents pour qu'une autre fois ce vaillant soldat fût plus heureux." (Comte de Gobineau: Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", p. 179.)

(20.17) 1849 ap. J.-C.

(20.18) "Le prince distribua les postes que chacun aurait à garder sur le développement de cette ligne d'investissement; il chargea de l'approvisionnement des troupes Haji Khan Nuri et Mirza 'Abdu'llah Navayy. Pour principaux officiers, il prit le Sardar 'Abbas-Quli Khan-i-Larijani, auquel, depuis son peu de succès, il portait plus d'intérêt; puis Nasru'llah Khan-i-Bandibi, autre chef de tribu, et Mustafa Khan, d'Ashraf, auquel il donna le commandement des braves tufang-chis de cette ville et celui des suritis. D'autres seigneurs moins considérables commandèrent les gens de Dudankih et de Bala-Rastaq, ainsi qu'un certain nombre de nomades turks et kurdes, qui ne se trouvaient pas compris dans les bandes des grands chefs. Ces nomades turks et kurdes furent plus particulièrement chargés de la surveillance de l'ennemi.
On commençait, après des expériences assez multipliées, à admettre qu'il ne serait pas mal de se garder un peu mieux que par le passé. Turks et Kurdes furent donc chargés de ne pas perdre de vue, soit de jour, soit de nuit, ce qui se ferait du côté de l'ennemi, et d'avoir l'oeil au guet de manière à prévenir les surprises." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", pp. 180-81.)

(20.19) Mihdi-Quli Mirza, pourtant, voulut réunir aux moyens antiques quelque chose des inventions modernes, afin de ne rien négliger, et il fit venir de Tihran deux pièces de canon et deux mortiers avec les munitions nécessaires. Il se procura en même temps le secours d'un homme de Hirat, qui avait le secret d'une substance explosive, laquelle, étant allumée, se projetait à sept cents mètres et incendiait tout. On en fit l'épreuve, et les résultats furent satisfaisants. Cette composition fut lancée dans le château, et elle y mit en flammes et bientôt en cendres toutes les habitations de bois, de roseau ou de paille que les Babis s'étaient construites à l'intérieur, soit dans la cour, soit sur le rempart.
Tandis que cette destruction avait lieu, les bombes lancées par les mortiers et les boulets faisaient un tort considérable à une bâtisse élevée à la hâte par des gens qui n'étaient pas architectes, encore bien moins ingénieurs, et qui n'avaient pas songé qu'on pût venir les attaquer avec de l'artillerie. En peu de temps, les défenses du château furent démantelées; ce n'étaient plus que poutres écroulées sous l'action du feu, débris de bois noircis et fumants, tas de pierres bouleversées." (Ibid., pp. 181-2.)

(20.20) "Ces précautions établies, on creusa des trous et des fossés pour y placer des tufang-chis, qui reçurent l'ordre de tirer sur tous les Babis qui se montreraient. On construisit de grandes tours, d'une élévation égale et même supérieure à celles des différents étages de la forteresse, et au moyen d'un feu plongeant continu, on rendit plus difficile encore aux ennemis de circuler sur leurs murailles ou de traverser même la cour intérieure. C'était un avantage considérable. Mais au bout de quelques jours, les chefs Babis profitant de la longueur des nuits, exhaussèrent leurs retranchements de telle sorte que les tours d'attaque se trouvèrent dépassées." (Ibid., p. 181.)

(20.21) Le neuvième jour après Naw-Ruz.

(20.22) "Une fois, en fait, quelques-uns d'entre eux sortirent pour essayer de se procurer un peu de thé et de sucre pour Jinab-i-Quddus. Le plus éminent était Mulla Sa'id de Zarkanad. C'était un homme de science si accompli que lorsque certains érudits, parents de Mùlla Muhammad-Taqi de Nur s'adressèrent par lettre à Jinab-i-Quddus pour se faire expliquer certaines questions concernant les sciences de la divination et de l'astrologie, celui-ci dit à Mulla Sa'id: "Ecrivez rapidement à leur intention une réponse brève et succincte pour que leur messager ne soit pas obligé d'attendre et, par la suite, une réponse plus détaillée sera rédigée."
Ainsi Mulla Sa'id, quoique pressé par la présence du messager et distrait par le tumulte du siège, écrivit rapidement un exposé des plus éloquents dans lequel, tout en répondant aux questions demandées, il introduisit environ une centaine de traditions authentiques se rapportant à la vérité de la nouvelle Manifestation de la Preuve promise, et dont plusieurs prédisaient l'hésitation de ceux qui avaient cru au Seigneur au sujet de Tabarsi et de leur martyre. Les érudits de Nur furent ahuris par-delà toute mesure de son érudition, et dirent: "La bonne foi nous oblige d'admettre qu'une telle présentation de ces sujets constitue un grand miracle, et qu'une telle érudition et une telle éloquence dépassent de loin celles du Mulla Sa'id que nous connaissions. Assurément ce talent lui a été conféré d'en haut, et il l'a révélé à son tour à notre intention."
Mulla Sa'id et ses compagnons tombèrent, alors qu'ils se trouvaient hors de la forteresse, aux mains des troupes royales, et furent emmenés devant le prince. Celui-ci s'efforça par tous les moyens de leur tirer quelques informations au sujet de l'état de la garnison Babie, de son nombre, et de la quantité de leurs munitions, mais, malgré tout ce qu'il fit, il ne put rien obtenir. Aussi, lorsqu'il s'aperçut que Mulla Sa'id était homme de talent et d'entendement, il lui dit: "Repentez-vous, et je vous relâcherai et ne permettrai pas que vous soyez tué."
Mulla Sa'id répondit: "Jamais personne ne s'est repenti d'avoir obéi au commandement de Dieu; alors, pourquoi devrais-je le faire,? C'est plutôt vous qui devriez vous repentir, vous qui agissez contrairement à son bon plaisir, et dont les actes ont jusqu'ici été pires que ceux du plus grand des malfaiteurs. Et il dit encore beaucoup de choses semblables, de sorte qu'on l'envoya finalement à Sari enchaîné et lié, et qu'on l'y tua dans des circonstances d'une cruauté extrême, en même temps que ses compagnons, qui semblent avoir été au nombre de cinq." (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 79-80.)

(20.23) Voir glossaire.

(20.24) Celui-ci construisit donc quatre tours sur les quatre côtés de la forteresse, et les éleva si haut qu'elles purent dominer l'intérieur du fort avec leurs canons et faire de la garnison la cible de leurs balles. Alors le fidèle, voyant cela, commença à creuser des passages souterrains et à s'y retirer. Mais la nappe phréatique n'est pas profonde au Mazindaran et le sol est gorgé d'humidité; de plus, il pleuvait continuellement, ce qui augmentait les dégâts; ainsi, ces pauvres martyrs demeurèrent dans la boue et l'eau jusqu'au moment où leurs vêtements furent décomposés par l'humidité...
Chaque fois que l'un de leurs camarades tombait martyr devant leurs yeux, au lieu de se lamenter, ils se réjouissaient. Une fois, par exemple, un obus tomba sur le toit d'une hutte, qui prit feu. Shaykh Salih de Shiraz alla éteindre le feu. Une balle le frappa à la tête et lui brisa le crâne. Juste au moment où on enlevait son corps, une seconde balle emporta la main de Aqa Mirza Muhammad-'Ali le fils de Siyyid Ahmad qui était le père de Aqa Siyyid Husayn le bien-aimé". Ainsi Aqa Siyyid Husayn, "le bien-aimé", un enfant âgé de dix ans, fut également tué sous les yeux de son père, et tomba en roulant dans la boue et dans le sang, les membres tremblants comme ceux d'un oiseau à moitié tué." (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 81-3.)

(20.25) "Il y avait quatre mois que cela durait; aussi le Shah commença-t-il à s'impatienter: les succès Babis enflammèrent sa colère qu'il exhala en ces termes, suivant l'historien persan: "Nous pensions que notre armée entrerait sans hésiter dans l'eau ou dans le feu, que sans peur elle lutterait contre un lion et une baleine. Nous l'avons envoyée combattre une poignée d'hommes faibles et sans force et elle ne fait rien! Les grands du Mazindaran pensent-ils que ces retards nous agréent? Laissent-ils grandir l'incendie pour grandir leurs succès? Eh bien qu'ils le sachent, je ferai comme si Allah n'avait pas créé le Mazindaran et j'en exterminerai les habitants jusqu'au dernier!" (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 322.)

(20.26) Le siège durait depuis quatre mois et on ne faisait pas de progrès sensibles. Les fortifications primitives avaient été renversées; mais, avec une énergie qui ne se démentait pas, les Babis les avaient remplacées par d'autres et, jour et nuit, les réparaient et les augmentaient. On ne pouvait prévoir l'issue de cette affaire, d'autant que, comme je le raconterai tout à l'heure, le Mazindaran n'était plus la seule partie de la Perse où les partisans de la religion nouvelle donnassent de si terribles preuves de leur foi, de leur zèle et de leur intrépidité.
Le roi et le premier ministre, inquiets d'une telle situation, firent éclater leur colère contre les chefs envoyés par eux. On ne se borna pas à leur reprocher leur incapacité dans les termes les plus amers, on les menaça, eux et tous les peuples de la province, de les traiter comme des Babis si l'affaire n'était terminée au plus vite. Là-dessus le commandement fut ôté à Mihdi-Quli Mirza et donné à l'Afshar Sulayman Khan, homme d'une fermeté connue et d'une grande influence, non seulement sur sa propre tribu, une des plus nobles de la Perse, mais encore sur tous les gens de guerre, qui le connaissaient et le tenaient en grande estime. Il emporta les instructions les plus rigoureuses." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", pp. 183-4.)
"Ceux qui restaient fermes avaient achevé de manger, non seulement leurs dernières provisions, mais le peu d'herbes qu'ils avaient pu recueillir dans leur enceinte et l'écorce entière des arbres. Il leur restait le cuir de leurs ceinturons et les fourreaux de sabre. Ils recouraient aussi à l'expédient indiqué jadis par l'ambassadeur d'Espagne aux ligueurs assiégés dans Paris: ils broyaient des ossements de morts et en faisaient une sorte de farine. Enfin, poussés à bout, ils se déterminèrent à une sorte de profanation. Le cheval de Mulla Husayn était mort des blessures qu'il avait reçues dans cette nuit sanglante où son maître avait succombé.
Les Babis l'avaient enterré par respect pour la mémoire de leur saint, et quelques rayons de sa gloire, quelque chose de la vénération profonde qu'il inspirait, flottaient sur la tombe du pauvre animal. Un conseil de guerre se réunit et, en déplorant la nécessité de discuter de semblables sujets, on mit en délibération de savoir si l'excès de la détresse pouvait autoriser les fidèles à déterrer le coursier sacré et à s'en faire un aliment. Avec une douleur vive on décréta que l'action serait excusable. On reprit donc à la terre ce qu'on lui avait donné, on se partagea les lambeaux du cheval, et, les ayant fait cuire avec de la farine d'ossements, on les mangea, puis on reprit les fusils." (Ibid., pp. 186-7.)

(20.27) 'Abdu'l-Baha fait allusion, dans les "Mémoires des Fidèles" (pp. 16-17), aux épreuves et aux souffrances endurées par les héroïques défenseurs du fort de Shaykh Tabarsi. Il exalte avec emphase la constance, le zèle et le courage des assiégés, en mentionnant particulièrement Mulla Sadiq-i-Muqaddas. "Ils restèrent sans nourriture durant dix-huit jours, dit-il. Ils mangeaient le cuir de leurs souliers. Ceux-ci aussi furent épuisés, et il ne leur resta plus que de l'eau. Ils en buvaient une gorgée chaque matin, et gisaient, affamés et épuisés, dans leur fort. Lorsqu'ils étaient attaqués, cependant, ils se dressaient aussitôt sur leurs pieds et faisaient preuve, devant l'ennemi, d'un courage magnifique et d'une résistance étonnante... Dans de pareilles circonstances, conserver une foi et une patience inébranlables est chose extrêmement difficile, et endurer des calamités si terribles, un phénomène rare.

(20.28) 24 avril - 23 mai 1849 ap. J.-C.

(20.29) Voir glossaire.

(20.30) Référence à Dieu, le mot Rahman signifiant "miséricordieux".

(20.31) 9 mai 1849 ap. J-C.

(20.32) "Ce courage sombre et désespéré, cette ardeur invincible, cet enthousiasme irréductible donnaient fort à penser aux chefs de l'armée impériale. Désespérant d'arriver à forcer des retranchements d'où ils avaient été si souvent repoussés, ils songèrent à la ruse. Le prince y était naturellement porté, et Sulayman Khan-i-Afshar envoyé en dernier lieu par le Shah pour contrôler les opérations militaires y poussait de toutes ses forces, songeant que de plus longs délais compromettaient sa fortune et sa vie." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 325.)

(20.33) Qur'an, 7: 88.

(20.34) Voir glossaire.

(20.35) On rasa toutes les constructions élevées par les Babis, on nivela le sol afin de ne laisser aucun vestige de l'héroïque défense de ceux qui étaient morts pour leur foi, s'imaginant ainsi qu'on bâillonnerait l'histoire." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 327.)

(20.36) "On les fit aligner sur un rang et l'on s'amusa à leur fendre le ventre: opération d'autant plus réjouissante que, des intestins fendus, sortait de l'herbe, non encore digérée, témoignage éclatant des souffrances qu'ils avaient éprouvées, mais aussi de la foi qui les avait soutenus. Quelques-uns, bien rares, parvinrent à s'enfuir dans la forêt." (Ibid.)

(20.37) Haji 'Abdu'l-Majid-i-Nishaburi, qui tomba finalement martyr au Khurasan.

(20.38) "Ce fut alors, dit Mirza Jani, que l'Islam donna au monde un honteux spectacle. Les vainqueurs, si l'on peut leur donner ce titre, voulurent s'offrir les ivresses du triomphe. On couvrit de chaînes Quddus, Mirza Muhammad-Hasan Khan, frère du Babu'l-Bab, Akhund Mulla Muhammad-Sadiq-i-Khurasani, Mirza Muhammad Sadiq-i-Khurasani, Haji Mirza Hasan-i-Khurasani, Shaykh Ni'matu'llah-i-Amuli, Haji Nasir-i-Qazvini, Mulla Yusuf-i-Ardibili, Aqa Siyyid'Abdu'l-'Azim-i-Khu'i et quelques autres.
On les plaça au milieu du cortège qui se mit en marche au son des tambours et de la musique: et on les frappait chaque fois que l'on passait dans un endroit habité." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 327-8.) "Là ne se bornèrent pas les scènes de sauvagerie. Si quelques-uns échappèrent à la mort, ayant été vendus comme esclaves, d'autres furent martyrisés. Ceux qui trouvèrent des acquéreurs bienveillants furent Akhund Mulla Muhammad-Sadiq-i-Khurasani, Mulla Muhammad-i-Mahvalatiy-i-Dugh-Abadi, Aqasiyyid 'Azim-i-Khu'i, Haji Nasir-i-Qazvini, Haji 'Abdu'l-Majid-i-Nishaburi, Mirza Husayni-Mutavalliy-i-Qumi.
Quatre Babis souffrirent le martyre à Barfurush. Deux furent envoyés à Amul: parmi ces derniers, Mulla Ni'matu'llah-i-Amuli, l'autre Mirza Muhammad-Baqir-i-Khurasaniy-i-Qa'ini, cousin de notre auteur Babi. Qa'ini demeurait auparavant à Mashhad, dans l'avenue nommée Khiyaban-Bala, et sa maison, qu'on avait surnommée Babiyyih, était le lieu de rendez-vous des secrétaires en même temps que la demeure des religionnaires en voyage. C'est là que demeurèrent Quddus et le Babu'l-Bab dans leur voyage au Khurasan. Outre sa science religieuse, Qa'ini était fort adroit de ses mains et c'est à lui qu'étaient dues les fortifications de Shaykh Tabarsi." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 329.)

(20.39) "Quant au reste, il fit étendre par terre, les uns à côté des autres, tous les captifs, et, un à un, on leur ouvrit le ventre. On remarqua qu'il y eut plusieurs de ces malheureux dont les entrailles étaient remplies d'herbe crue. Cette exécution achevée, on trouva qu'il restait encore quelque chose à faire et on assassina les transfuges auxquels on avait pardonné. Il y avait aussi des enfants et des femmes; on les égorgea de même. Ce fut une journée complète. On tua beaucoup et on ne risqua rien." (Comte de Gobineau: "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", p. 189.)
"À l'arrivée à Àmul, Mulla Ni'matu'llah fut torturé avec une implacable férocité. Peut-être ce spectacle porta-t-il la fureur de Qa'ini à son comble. Toujours est-il que, quand le bourreau s'approcha de lui, Qa'ini brisa les liens qui l'enveloppaient, sauta sur l'exécuteur, lui arracha son sabre et l'en frappa avec tant de violence que sa tête alla rouler à quinze pas. La foule se précipita sur lui, mais, terrible, il abattit à ses pieds tous ceux qui s'approchaient à portée de son arme. On fut obligé de le tuer de loin à coups de fusil. Après sa mort, on trouva dans sa poche un morceau de viande de cheval rôtie, souvenir des misères qu'il avait endurées pour sa foi." (Ibid., pp.329-30.)

(20.40) Le monde entier s'émerveillait en voyant comment ils se sacrifiaient esprit est confondu lorsqu'il considère leurs actes, et l'âme s'émerveille de leur courage et de leur endurance physique... Ces saints flambeaux endurèrent avec héroïsme, durant dix-huit ans, les torrents d'afflictions qui pleuvaient de tous côtés sur eux. Avec quel amour, quelle dévotion, quelle exultation et quelle sainte extase sacrifièrent-ils leur vie dans le sentier du Très-Glorieux! Tous témoignent de la vérité de cela.
Et pourtant, comment peut-on minimiser cette révélation? Y a-t-il un âge qui ait vu d'aussi importants événements? Si ces compagnons ne sont pas des gens qui aspirent à Dieu, qui donc pourrait porter ce nom? Ces compagnons ont-ils cherché le pouvoir ou la gloire? Ont-ils jamais désiré la richesse? Ont-ils chéri d'autre désir que le bon plaisir de Dieu? Si ces compagnons, avec tous leurs merveilleux témoignages et leurs prodigieux travaux, ne sont pas véridiques, qui donc est digne de prétendre à la vérité? Par Dieu! Leurs actes mêmes sont un témoignage suffisant et une preuve irréfutable pour tous les peuples de la terre s'ils méditaient en leurs coeurs les mystères de la révélation divine. Et ceux qui agissent avec iniquité sauront bientôt quel sort les attend!" (Le "Kitab-i-Iqan", pp. 189-91.)

(20.41) 1847-8 ap. J-C.

(20.42) 11 mai 1849 ap. J-C.

(20.43) "Les Babis remarquent avec intérêt que quelque temps après, Sa'idu'l-'Ulama' fut pris d'une maladie étrange. Malgré les fourrures dont il s'enveloppait, malgré le feu qui brûlait continuellement dans sa chambre, il grelottait de froid, et cependant le feu intérieur qui le dévorait était si intense, que rien ne pouvait calmer sa soif inextinguible. Il mourut, et sa maison qui était fort belle resta abandonnée. Elle tomba en ruines et, petit à petit, on prit l'habitude d'aller jeter les ordures sur l'emplacement où elle s'élevait autrefois. Ces faits se sont gravés si profondément dans la mémoire des Mazindaranis que, quand ils s'insultent entre eux, ils finissent toujours par se dire: Que ta maison rencontre le même sort que celle de Sa'idu'l-'Ulama'." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", p. 330.)

(20.44) "En tous cas, il semble qu'après le martyre de Jinab-i-Quddus, un théologien pieux, Haji Muharnmad-'Aliy-i-Hamzih, dont l'habileté dans l'exégèse et les dons spirituels étaient admis de tous, envoya en secret plusieurs personnes pour enterrer les restes mutilés dans le collège en ruine dont il a déjà été question. Et, loin d'approuver la conduite du sa'idu'l-'ulama', il le maudissait et l'avilissait, et ne prononça jamais une peine de mort contre aucun Babi mais, au contraire, obtenait pour ceux qui avaient été tués par le sa'idu'l-'ulama', un enterrement décent.
Et lorsqu'on l'interrogeait sur la garnison de la forteresse, il répondait: Je ne les condamne pas et ne dis pas de mal d'eux. "Pour cette raison, la moitié de la ville de Barfurush resta neutre car, au début, il interdisait aux hommes de calomnier ou de molester les babis, bien que par la suite, lorsque le trouble prit des dimensions énormes, il crut prudent de garder le silence et de se cloîtrer dans sa maison. Or, sa vie austère, sa piété, son érudition et sa vertu étaient aussi bien connues du peuple de Mazindaran que l'irréligion, l'immoralité et le caractère mondain du sa'idu'l-'ulama'. ("Le Tarikh-i-Jadid", p. 92.)

(20.45) "Celui qui le connut et qui fit le pèlerinage avec lui [Quddus] est celui-là même sur lequel huit unités ont passé et Dieu l'honora auprès de ses anges au plus haut des cieux à cause de la façon dont il s'était séparé de tous, et son acte d'être sans reproche dans le contentement de Dieu." (Le Bayan Persan", vol. Il, p. 164.) "Ce qui est encore plus merveilleux que les événements décrits ci-dessus, c'est le récit de ces derniers donné par 'Abbas-Quli Khan, avec de nombreuses marques d'admiration, au prince Ahmad Mirza. Feu Haji Mirza Jani écrit: "Environ deux ans après le désastre de Shaykh Tabarsi, j'ai entendu une personne qui, bien que n'étant pas croyante, était honnête, véridique et digne de foi, relater ce qui suit: "Nous étions assis ensemble lorsqu'on fit quelque allusion à la guerre menée par quelques-unes des personnes présentes contre Hadrat-i-Quddus et Jinab-i-Babu'l-Bab. Le prince Ahmad Mirza et 'Abbas-Quli Khan se trouvaient dans le groupe.
Le prince interrogea 'Abbas-Quli Khan sur cette affaire et celui-ci répondit ainsi: "La vérité est que celui qui n'avait pas vu Karbila, s'il avait vu Tabarsi, aurait non seulement compris ce qui eut lieu, mais aurait cessé de le considérer; et si cette personne avait vu Mulla Husayn de Bushruyih, elle aurait été convaincue que le Roi des Martyrs était revenu sur la terre; et si elle avait vu mes actes, elle aurait dit assurément: "C'est Shimr qui revient avec son épée et sa lance."
Je jure par la plume sacrée de Sa Majesté le Centre de l'univers qu'un jour Mulla Husayn, portant sur la tête un turban vert, et sur l'épaule un linceul, sortit du fort, s'arrêta en plein champ et, s appuyant sur une lance qu'il tenait à la main, dit: "Ô gens, pourquoi, sans vous être informés, et sous l'influence de la passion de faux rapports pleins de préjugés, agissez-vous avec tant de cruauté envers nous, et vous efforcez-vous de répandre sans motif le sang des innocents? Ayez honte devant le Créateur de l'univers, et laissez-nous au moins un passage pour que nous puissions quitter cette terre. Voyant que les soldats étaient émus, j'ouvris le feu et donnai l'ordre aux troupes de crier de manière que sa voix fût étouffée. Je le vis à nouveau se pencher sur sa lance et l'entendis crier: Y a-t-il quelqu'un qui soit prêt à m'aider?" trois fois de suite, de sorte que tous entendirent son cri.
A ce moment, tous les soldats se turent, quelques-uns se mirent à pleurer, et de nombreux cavaliers étaient visiblement affectés. Craignant que l'armée ne fût séduite et refusât obéissance, je lui donnai à nouveau l'ordre de faire feu et de crier. Je vis alors Mulla Husayn dégainer son épée, lever son visage vers le ciel, et l'entendis s'exclamer: "Ô Dieu, j'ai rendu la preuve complète pour cette armée, mais elle n'en a pas tenu compte."
Il commença alors à nous attaquer à droite et à gauche. Je jure par Dieu que ce jour-là il mania l'épée d'une façon qui transcende le pouvoir de l'homme. Seuls les cavaliers du Mazindaran purent rester sur place et refusèrent de fuir. Et lorsque Mulla Husayn se fut habitué à l'ambiance de la bataille, il rattrapa un soldat en fuite. Le soldat s'abrita derrière un arbre et s'efforça ensuite de se protéger derrière son mousquet. Mulla Husayn lui asséna un tel coup de son épée qu'il le coupa, ainsi que l'arbre et le mousquet, en six morceaux.
Et, durant toute cette guerre, pas une seule fois il ne frappa en vain; tous les coups qu'il donnait frappaient juste. Et par la nature de leurs blessures ,je pus reconnaître tous ceux que Mulla Husayn avait frappés de son épée, et comme j'avais entendu, et savais que personne d'autre que le chef des croyants ne pouvait manier correctement l'épée, et qu'il était presque impossible qu'une épée frappât aussi juste, j'interdis à tous ceux qui étaient conscients de cela de le mentionner ou de le faire connaître, de peur que les troupes n'en fussent découragées et ne se sentissent plus faibles lors des batailles.
Mais, en réalité, je ne sais pas ce qu'on avait montré à ces gens-là, ou ce qu'ils avaient vu, pour qu'ils vinssent à la bataille avec tant d'ardeur et de joie et qu'ils s'engageassent avec tant d'empressement dans la lutte, sans que leurs visages trahissent la moindre trace de peur ou d'appréhension.
On aurait pensé qu'à leurs yeux l'épée aiguisée et le poignard meurtrier n'étaient que des moyens qui leur permissent de parvenir à la vie éternelle, tant leurs cous et leurs poitrines les accueillaient avec empressement alors qu'ils circulaient telles des salamandres sous la pluie de balles qui faisait rage. Et ce qui était étonnant, c'est que tous ces gens étaient des érudits et des hommes de savoir, des reclus sédentaires venant des collèges et des cloîtres, nourris avec délicatesse et de constitution fragile, habitués en fait à l'austérité, mais étrangers au rugissement du canon, au bruit des fusils et au champ de bataille.
En outre, durant les trois derniers mois du siège, ils furent complètement privés de pain et d'eau, et amenés à une faiblesse extrême par le manque de la plus infime quantité de nourriture, nécessaire à la vie. Malgré cela, il semblait qu'au moment de la bataille un nouvel esprit leur était insufflé, au point que l'imagination de l'homme ne peut concevoir l'intensité de leur courage et de leur hardiesse. Ils exposaient leurs corps aux balles des fusils et aux boulets de canon non seulement avec intrépidité et courage, mais encore avec empressement et joie, comme si le champ de bataille était pour eux un banquet et qu'ils avaient un penchant pour le sacrifice de leurs vies." (Le "Tarikh-i-Jadid", pp. 106-9.)

(20.46) 1844 ap. J-C.

(20.47) Novembre-décembre 1888 ap. J-C.

(20.48) Littéralement: "Le Dernier Nom de Dieu".

(20.49) 16 mai 1849 ap. J-C.

(20.50) Qur'an, 3: 93.

(20.51) Littéralement: "Le Point Ultime".

(20.52) Voir note 45.

(20.53) Voir note 12.

(20.54) 27 novembre 1848 ap. J-C.

(20.55) Qur'an, 2: 94.

(20.56) Voir glossaire.

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