La chronique
de Nabil
Nabil-i-A'zam
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CHAPITRE XXI : les sept martyrs de Tihran
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La nouvelle du sort tragique des héros de Tabarsi suscita dans le coeur du Bab
une immense tristesse. Incarcéré dans sa prison-forteresse de Chihriq, séparé
du petit groupe de ses disciples combattants, il observait avec une profonde anxiété
le progrès de leurs travaux et priait avec un zèle constant pour leur victoire.
Comme son affliction fut grande lorsqu'aux premiers jours de sha'ban de l'an 1265
après l'hégire, (21.1) il apprit les épreuves qu'ils avaient
rencontré sur leur route, l'agonie qu'ils avaient eu à subir, la trahison à laquelle
un ennemi exaspéré s'était senti forcé de recourir, et l'abominable massacre qui
avait mis fin à leur vie.
"Le Bab eut le coeur brisé lorsqu'il reçut cette dépêche inattendue", racontera
par la suite son secrétaire, Siyyid Husayn-i-'Aziz. "Il était écrasé par le chagrin,
un chagrin qui fit taire sa voix et sa plume. Durant neuf jours, il refusa de
rencontrer ses amis. Même moi qui étais son assistant intime de toujours, je n'étais
pas autorisé à aller le voir. Il refusa de toucher à quelque nourriture ou quelque
boisson que nous lui offrions. Des larmes coulaient sans cesse de ses yeux et
on ne l'entendait prononcer que des paroles d'angoisse. Je pouvais l'entendre
de derrière les rideaux donner libre cours à ses sentiments de tristesse alors
qu'il communiait avec son Bien-Aimé dans l'intimité de sa cellule. J'essayais
de noter les effusions de son chagrin au fur et à mesure qu'elles débordaient
de son coeur blessé. Soupçonnant mon intention de garder pour la postérité les
lamentations qu'il exprimait, il me pria de détruire tout ce que j'avais relaté.
Rien ne demeure des pleurs et des plaintes par lesquels ce coeur accablé cherchait
à se libérer de la souffrance extrême qui l'avait envahi. Durant une période de
cinq mois, il languit, plongé dans un océan de tristesse et d'abattement.
Avec l'avènement du mois de muharram de l'an 1266 après l'hégire, (21.2)
le Bab reprit le travail qu'il avait été obligé d'interrompre. La première page
qu'il écrivit fut consacrée à la mémoire de Mulla Husayn. Dans la Tablette de
Visitation révélée en son honneur, il exalta en termes émouvants la fidélité inébranlable
avec laquelle Mulla Husayn servit Quddus tout au long du siège du fort de Tabarsi.
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Il lui prodigua ses éloges pour sa conduite magnanime, raconta ses exploits et
affirma sa réunion certaine dans l'au-delà avec le chef qu'il avait si noblement
servi. Le Bab écrivit qu'il rejoindrait bientôt ces deux immortels dont chacun
avait, par sa vie et sa mort, conféré un éclat impérissable à la foi de Dieu.
Durant une semaine entière, le Bab continua d'écrire ses louanges concernant Quddus
et Mulla Husayn, ainsi que ses autres compagnons qui avaient gagné la couronne
du martyre à Tabarsi.
A peine avait-il terminé ses éloges concernant ceux qui avaient immortalisé leurs
noms lors de la défense du fort, qu'il appela, au jour d' 'Ashura, (21.3)
Mulla Adi-Guzal, (21.4) l'un des croyants de Maraghih qui,
durant les deux derniers mois, avait rempli les fonctions d'assistant en remplacement
de Siyyid Hasan, le frère de Siyyid Husayn-i-'Aziz. Il le reçut affectueusement,
lui conféra le nom de Sayyah, lui confia les Tablettes de Visitation qu'il avait
révélées à la mémoire des martyrs de Tabarsi, et le pria d'accomplir de sa part
un pèlerinage en ce lieu. "Lève-toi, l'exhorta-t-il, et, d'un détachement absolu,
rends-toi en qualité de voyageur au Mazindaran pour y visiter, de ma part, le
lieu où reposent les corps de ces immortels qui ont, de leur sang, scellé leur
foi en ma cause. En t'approchant de l'enceinte de ce sol sacré, enlève tes souliers
et, tête baissée en signe de respect à leur mémoire, invoque leurs noms et fais
pieusement le tour de leur tombeau. Rapporte-moi, en souvenir de ta visite, une
poignée de cette terre sacrée qui recouvre les restes de mes bien-aimés, Quddus
et Mulla Husayn. Efforce-toi d'être de retour avant le jour de Naw-Ruz, afin que
tu puisses célébrer avec moi cette fête, la seule probablement, qu'il me sera
donné de voir encore." Fidèle aux instructions qu'il avait reçues, Sayyih se mit
en route pour son pèlerinage au Mizindarin. Il parvint à destination le premier
jour de rabi'u'l-avval de l'an 1266 après l'hégire (21.5)
et, le neuf c. de ce même mois, (21.6) le premier anniversaire
du martyre de Mulla n Husayn, il avait déjà accompli sa visite et s'était acquitté
de la mission que lui avait confiée le Bab. De là, il se rendit à Tihran.
J'ai entendu Aqiy-i-Kalim, qui reçut Sayyah à l'entrée de la maison de Baha'u'llah
à Tihran, raconter ce qui suit: "C'est au coeur de l'hiver que Sayyah, de retour
de son pèlerinage, vint rendre visite à Baha'u'llah. En dépit du froid et de la
neige d'un hiver rigoureux, il apparut habillé du vêtement d'un pauvre dervish,
pieds nus et échevelé.
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Son coeur était embrasé par la flamme que ce pèlerinage avait allumée en lui.
Dès que Siyyid Yahyay-i-Darabi, surnommé Vahid, qui se trouvait alors comme invité
chez Baha'u'llah, apprit le retour de Sayyah du fort de Tabarsi, il se hâta d'aller
se jeter aux pieds du pèlerin, oubliant la pompe et l'apparat auxquels était habitué
un homme de son rang. Prenant dans ses bras les jambes couver-tes de boue jusqu'aux
genoux, il les baisa avec dévotion. Je fus surpris, ce jour-là, de voir les multiples
preuves d'affectueuse sollicitude que Baha'u'llah manifesta envers Vahid. Il lui
prodigua des faveurs que je ne l'avais jamais vu accorder à qui que ce fût. Le
ton de sa conversation ne laissa pour moi aucun doute sur le fait que ce même
Vahid devait bientôt se distinguer par des actes non moins remarquables que ceux
qui avaient immortalisé les défenseurs du fort de Tabarsi"
Sayyah passa quelques jours dans cette maison. Il fut cependant incapable de percevoir,
comme l'avait fait Vahid, la nature de ce pouvoir qui gisait latent en son hôte.
Bien qu'il fût lui même l'objet de la faveur extrême de Baha'u'llah, il ne saisit
pas pour autant la signification des bénédictions que celui-ci lui conférait.
Je l'ai entendu relater les expériences qu'il avait vécues et ce, durant son séjour
à Famagouste: "Baha'u'llah me combla de ses bontés. Quant à Vahid, malgré l'éminence
de son rang, il me donnait invariablement la préséance chaque fois que nous étions
en présence de son hôte. Le jour de mon arrivée du Mazindaran, il alla jusqu'à
me baiser les pieds. Bien que plongé dans un océan de bonté, je ne pus, en ces
jours, apprécier le rang qu'occupait alors Baha'u'llah ni soupçonner, même faiblement,
la nature de la mission qu'il était destiné à accomplir."
Avant le départ de Sayyah de Tihran, Baha'u'llah lui confia une épître dont il
avait dicté le texte à Mirza Yahya, (21.7) et l'envoya en
son nom. Peu après, nous parvint une réponse écrite de la main même du Bab et
dans laquelle celui-ci Confiait Mirza Yabyi aux soins de Baha'u'llah, le priant
d'accorder une attention particulière à son éducation et à son instruction. Cette
communication fut l'objet d'un mal entendu pour le peuple du Bayan, (21.8)
qui vit en elle une preuve des revendications exagérées (21.9)
qu'il avait avancées en faveur de son chef. Bien que le texte de cette réponse
soit absolument dépourvu de telles prétentions et ne contienne, à part la louange
qu'elle prodigue à Baha'u'llah et la demande qu'elle formule pour l'éducation
de Mirza Yahya, aucune allusion à sa prétendue position, les disciples de celui-ci
ont cependant imaginé que cette lettre constitue une affirmation de l'autorité
dont ils ont eux-mêmes investi Mirza Yahya. (21.10)
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À ce stade de ma narration, après avoir déjà relaté les événements saillants qui
eurent lieu au cours de l'année 1265 après l'hégire, (21.11)
je me rappelle que cette même année vit l'événement le plus significatif de ma
propre vie, un événement qui marqua ma renaissance spirituelle, ma délivrance
des entraves du passé et mon acceptation du message de cette révélation. Je prie
le lecteur d'être indulgent si je m'étends trop longuement sur les circonstances
de ma vie d'autrefois et si je raconte trop en détail les événements qui conduisirent
à ma conversion. Mon père appartenait à la tribu de Tahiri, qui menait une vie
de nomade dans la province de Khurasan. Il s'appelait Ghulam 'Ali et était le
fils de Husayn-i-'Arab. Il avait épousé la fille de Kalb-'Ali et, par elle, avait
eu trois fils et trois filles. Je fus son second fils et reçus le nom de Yar-Muhammad.
Je naquis le 18 safar de l'an 1247 après l'hégire (21.12)
dans le village de Zarand. J'étais un berger de profession et reçus, dans mon
jeune âge, une éducation des plus rudimentaires. Je désirais ardemment consacrer
plus de temps à mes études, mais ne pus y parvenir à cause des exigences de ma
situation. Je lisais le Qur'an avec un vif intérêt, en apprenais par coeur certains
passages et les psalmodiais tout en surveillant mon troupeau à travers champs.
J'aimais la solitude, et la nuit observais les étoiles avec joie et émerveillement.
Dans la paix de la solitude, je récitais certaines prières attribuées à l'Imim-'Ali,
le Commandeur des croyants et, tournant mon visage vers le Qiblih, (21.13)
je suppliais le Tout-Puissant de guider mes pas et de me permettre de trouver
la Vérité.
Mon père m'emmenait souvent avec lui à Qum où je prenais connaissance des enseignements
de l'islam et des coutumes et des manières de ses chefs. C'était un fervent disciple
de cette foi, et il était en rapport étroit avec les chefs ecclésiastiques qui
se rassemblaient dans cette ville. Je l'observais lorsqu'il priait au Masjid-i-Imam-Hasan
et accomplissait avec un soin des plus scrupuleux et une extrême piété, tous les
rites et les cérémonies prescrits par sa foi. J'entendais les sermons de plusieurs
mujtahids éminents qui venaient de Najaf, assistais à leurs cours et écoutais
leurs discussions. Petit à petit, j'en vins à percevoir leur manque de sincérité
et à ressentir du dégoût pour la bassesse de leur caractère. Avide comme je l'étais
d'établir la véracité des croyances et des dogmes qu'ils s'efforçaient de m'imposer,
je ne pus ni trouver le temps ni obtenir les facilités propres à satisfaire mon
désir. Je fus souvent réprimandé par mon père à cause de ma témérité et de ma
turbulence. "Je crains, remarquait-il souvent, que ton aversion pour ces mujtahids
ne t'entraîne un jour dans de grandes difficultés et ne te procure reproches et
opprobre."
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Je me trouvais dans le village de Rubat-Karim, en visite chez mon oncle maternel,
lorsqu'au douzième jour après Naw-Ruz de l'an 1263, après l'hégire, (21.14)
je surpris accidentellement, dans le masjid de ce village, une conversation entre
deux hommes qui me fit connaître, pour la première fois, la révélation du Bab.
"Avez-vous entendu, fit remarquer l'un deux, que le Siyyid-i-Bab a été conduit
au village de Kinar-Gird et qu'il est en route pour Tihran?" Constatant que son
ami ignorait cet épisode, l'homme se mit à lui raconter toute l'histoire du Bab,
donna un compte-rendu détaillé des circonstances relatives à sa déclaration, à
son arrestation à Shiraz, à son départ pour Isiihin, à la réception que lui avaient
réservée l'Imam-jum'ih et Manuchihr Khan, à la manifestation de ses merveilles
et de ses prodiges et, enfin, au verdict prononcé contre lui par les 'ulamis d'Isfahan.
Chaque détail de cette histoire suscita ma curiosité et provoqua en moi une profonde
admiration pour un homme qui pouvait charmer de telle façon ses compatriotes.
Sa lumière semblait avoir inondé mon âme; je me sentais comme déjà converti à
sa cause.
De Rubat-Karim, je retournai à Zarand. Mon père remarqua mon trouble et exprima
sa surprise devant mon comportement. J'avais perdu l'appétit et le sommeil, et
j'étais décidé à cacher à mon père le secret de mon agitation intérieure, de peur
que cette découverte ne vînt entraver la réalisation finale de mes espoirs. Je
restai dans cet état jusqu'à ce qu'un certain Siyyid Husayn-i-Zavari'i arrivât
à Zarand et pût m'éclairer sur un sujet qui était devenu la passion dominante
de ma vie. Notre connaissance se transforma bientôt en une amitié qui m encouragea
à lui faire part des ardents désirs de mon coeur. A ma grande surprise, je m'aperçus
qu'il était déjà captivé par le secret du thème que j'avais commencé à lui dévoiler.
"Un de mes cousins", commença-t-il à me raconter, "qui s'appelait Siyyid Ismi'fl-i-Zaviri'i,
m'a convaincu de la vérité du message proclamé par le Siyyid-i-Bab. Il m'a dit
qu'il avait à plusieurs reprises rencontré le Bab chez l'imimjum'ih d'Isfahan
et qu'il l'avait vu effectivement révéler en présence de son hôte, un commentaire
sur la surih de Va'l-'Asr. (21.15)La rapidité de composition
du Bab, et la force et l'originalité de son style, avaient suscité sa surprise
et son admiration. Il était étonné de constater que, lors de la révélation de
son commentaire, le Bab avait pu, sans ralentir la vitesse de son écriture, répondre
à toutes les questions que ceux qui étaient présents lui avaient posées. L'intrépidité
avec laquelle mon cousin se leva pour prêcher le message souleva l'hostilité des
kad-Khudas (21.16) et des siyyids de Zavarih, qui l'obligèrent
à retourner à Isfahan, où il avait résidé récemment.
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Moi aussi, ne pouvant rester à Zavirih, je partis pour Kashan, ville où je passai
l'hiver et rencontrai Haji Mirza Jani, personne dont mon cousin avait parlé et
qui me donna un traité écrit par le Bab et intitulé "Risaliy-i-'Adliyyih", me
priant de le lire soigneusement et de le lui rapporter après quelques jours. Je
fus si charmé par le thème et le langage de ce traité que je commençai aussitôt
à en transcrire le texte en entier. Lorsque je le rendis à son propriétaire, celui-ci
m'informa, à mon profond regret, que je venais de manquer l'occasion de rencontrer
son auteur. "Le Siyyid-i-Bab en personne, me dit-il, est arrivé la veille de Naw-Ruz
et a passé trois nuits chez moi en qualité d'invité. Il est à présent en route
pour Tihran et, si vous partez immédiatement, vous le rejoindrez certainement."
Je me levai aussitôt et partis pour faire à pied tout le chemin de Kashan à une
forteresse se trouvant dans le voisinage de Kinar-Gird. Je me reposais à l'ombre
de ses murs lorsqu'un homme d'aspect engageant sortit de cette forteresse et me
demanda mon identité et ma destination. "Je suis un pauvre siyyid, répondis-je,
un voyageur et un étranger en ces lieux." Il m'emmena chez lui et m'invita à y
passer la nuit. Au cours de notre conversation, il me dit: "Je vous soupçonne
d'être un adepte du siyyid qui est resté quelques jours dans cette forteresse,
d'où il a été transféré au village de Kulayn et qui, il y a trois jours, est parti
pour l'Adhirbayjan. Je me considère comme l'un de ses disciples. Je m'appelle
Haji Zaynu'l-'Abidin. Je n'avais pas l'intention de me séparer de lui, mais il
m'a demandé de rester ici, de transmettre à tous ses amis que je rencontrerais
ses affectueuses salutations, et de les dissuader de le suivre. Dites-leur, m'a-t-il
ordonné, de consacrer leur g vie au service de ma cause, afin que les barrières
qui entravent les progrès de cette foi puissent être éliminées et que mes disciples
puissent, en sûreté et en toute liberté, adorer leur Dieu et observer les préceptes
de leur foi." J'abandonnai aussitôt mon projet et, au lieu de retourner à Qum,
je décidai de venir ici.
L'histoire que ce Siyyid Husayn-i-Zavari'i me raconta contribua à calmer mon agitation.
Il me fit part de la copie du "Risa1iy-i-'Adliyyih" qu'il avait apportée avec
lui, et dont la lecture raffermit et soulagea mon âme. En ce temps-là, j'étais
l'élève d'un siyyid qui m' enseignait le Qur'an et dont l'incapacité à m'éclairer
sur les principes de sa foi devenait de plus en plus évidente à mes yeux. Siyyid
Husayn, à qui je demandai des renseignements supplémentaires sur la cause, me
conseilla d'aller voir Siyyid Ismi'fl-i-Zaviri'i, qui avait pour habitude d'aller
chaque printemps visiter les tombeaux des imamzadihs (21.17)
à Qum.
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Je décidai mon père, qui était peu disposé à se séparer de moi, à m'envoyer dans
cette ville afin que j'y perfectionne ma connaissance de la langue arabe. Je lui
cachai soigneusement mon but véritable, de peur que sa découverte ne l'entraînât
dans des ennuis avec le qadi (21.18) et les 'ulamis de Zarand
et m'empêchât d'atteindre mon objectif.
Lors de mon séjour à Qum, ma mère, ma soeur et mon frère vinrent me rendre visite
à l'occasion de la fête de Naw-Ruz, et restèrent avec moi pendant environ un mois.
Au cours de leur visite, je pus mettre ma mère et ma soeur au courant de la nouvelle
révélation, et réussis à susciter dans leur coeur l'amour de son auteur. Quelques
jours après leur retour à Zarand, Siyyid Isma'il, que j'attendais avec impatience,
arriva et put, au cours des discussions qu'il eut avec moi, m'exposer en détail
tout ce dont j'avais besoin pour accepter totalement la cause. Il souligna la
continuité de la révélation divine, affirma l'unité fondamentale des prophètes
du passé, et expliqua leur étroite liaison à la mission du Bab. Il dévoila aussi
la nature de l'oeuvre accomplie par Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i et Siyyid Kizim-i-Rashti,
dont je n'avais pas entendu parler auparavant. Je lui demandai le devoir qui incombait
alors à tout adepte loyal de la foi. "L'ordre du Bab, répondit-il, est que tous
ceux qui ont accepté son message se rendent au Mizindarin et prêtent assistance
à Quddus, qui est à présent encerclé par les forces d'un ennemi impitoyable."
J'exprimai mon ardent désir de me joindre à lui, puisqu'il entendait lui-même
se rendre au fort de Tabarsi. Il me conseilla cependant de rester à Qum en compagnie
d'un certain Mirza Fathu'llah-i-Hakkak, un jeune homme de mon âge qu'il venait
de guider vers la cause, jusqu'à la réception de son message de Tihran.
J'attendis en vain ce message et, voyant qu'aucune nouvelle ne venait de sa part,
décidai de partir pour la capitale. Mon frère Mirza Fatbu'lhih me suivit ultérieurement.
Il fut finalement arrêté et partagea le sort de ceux qui furent mis à mort en
l'an 1268 après l'hégire (21.19), à la suite de l'attentat
à la vie du shih. En arriva à Tihran, je me rendis directement au Masjid-i-Shah,
qui se trouvait en face d'un madrisih (21.20) à l'entrée
duquel, quelque temps après, je devais rencontrer de manière inattendue Siyyid
Isma'il-i-Zavari'i, qui se hâta de m'informer qu'il venait de m'écrire une lettre
et qu'il était sur le point de l'envoyer à Qum.
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Nous nous préparions à partir pour le Mazindaran lorsque nous parvint la nouvelle
que les défenseurs du fort de Tabarsi avaient été traîtreusement massacrés et
que le fort avait été réduit en poussière. Nous fûmes remplis de détresse à la
réception de cette épouvantable nouvelle et nous nous lamentâmes sur le sort tragique
de ceux qui avaient, avec tant d'héroïsme, défendu leur cause bien-aimée. Un jour,
je rencontrai par hasard mon oncle maternel, Naw-Ruz-'Ali, qui était venu exprès
pour me chercher. J'en parlai à Siyyid Isma'il, qui me conseilla de partir pour
Zarand et de ne plus soulever davantage l'hostilité de c eux qui souhaitaient
instamment mon retour.
PHOTO: vue 1 du masjid-i-shah a Tihran
PHOTO: vue 2 du masjid-i-shah a Tihran
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A mon arrivée dans mon village natal, je pus amener mon frère à la cause que ma
mère et ma soeur avaient déjà embrassée. Je réussis également à décider mon père
à me permettre d'aller une nouvelle fois à Tihran. Je m'établis dans le même madrisih
où j'avais logé lors de ma visite antérieure et, là, je rencontrai un certain
Mulla 'Abdu'lKarim à qui, comme je l'appris par la suite, Baha'u'llah avait donné
le nom de Mirza Ahmad. Il me reçut avec affection et me dit que Siyyid Isma'il
m'avait confié à ses soins et désirait me voir rester en sa compagnie jusqu'à
son retour à Tihran. Les jours que je passai en compagnie de Mirza Ahmad ne s'effaceront
jamais de ma mémoire. Je découvris qu'il était l'incarnation même de l'amour et
de la bonté. Les paroles par lesquelles il inspira et ranima ma foi sont à jamais
gravées dans mon coeur.
Par son truchement, je fus introduit auprès des disciples du Bab, que je me mis
alors à fréquenter et de qui je pus recueillir d'autres informations concernant
les enseignements de la foi. Mirza Ahmad, en ce temps-là, gagnait sa vie comme
scribe et consacrait ses soirées à la transcription du Bayan persan et d'autres
Ecrits du Bab. Les copies qu'il prépara avec tant de dévotion furent remises à
ses condisciples à titre de cadeaux de sa part. Je dus moi-même porter à plusieurs
reprises des cadeaux adressés à la femme de Mulla Mihdiy-i-Kandi, qui avait abandonné
son fils encore enfant et s'était hâté d'aller rejoindre les occupants du fort
de Tabarsi.
Durant ces jours, j'appris que Tahirih qui, depuis la conclusion de la réunion
de Badasht vivait à Nur, était arrivée à Tihran et se trouvait emprisonnée dans
la maison de Mabmud Khan-i-Kalantar où, quoique prisonnière, elle était traitée
avec courtoisie et considération.
Un jour, Mirza Ahmad me conduisit à la maison de Baha'u'llah dont la femme, la
Varaqatu'l-`Ulya, (21.21) mère de la plus grande Branche,
(21.22) m'avait déjà guéri les yeux avec un onguent qu'elle
avait préparé elle-même et qu'elle m'avait envoyé par l'intermédiaire de ce même
Mirza Ahmad. La première personne que je rencontrai dans cette maison fut son
fils bien-aimé, qui était alors un enfant de six ans. Il me souhaita la bienvenue
en souriant alors qu'il se tenait debout à la porte de la chambre qu'occupait
Baha'u'llah. Je passai devant cette porte et fus introduit auprès de Mirza Yahya,
qui était inconscient du rang de l'occupant de la chambre devant laquelle je venais
de passer.
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Lorsqu'on me laissa en tête à tête avec Mirza Yahya, je fus, dès que je vis ses
traits et notai sa conversation, édifié quant à sa totale indignité du rang revendiqué
pour lui.
A une autre occasion, lors de ma visite à cette même maison,)' allais entrer dans
la chambre qu'occupait Mirza Yahya, lorsque Aqay-i-Kalim, que j'avais rencontre
auparavant, s'approcha de moi et me demanda de conduire "Aqa" (21.23)
au Madrisiy-i-Mirza-Salih et de revenir ensuite en ce lieu, parce qu'Isfandiyar,
leur serviteur, était allé au marché et n'était pas encore rentré. J'acceptai
avec joie et, tandis que je me préparais à partir, je vis la plus grande Branche,
un enfant d'une exquise beauté, portant le kulah (21.24)
et vêtu du jubbiy-i-hizari'i, (21.25) sortir de la chambre
qu'occupait son père et descendre les marches conduisant à la porte de la maison.
Je m'avançai et tendis les bras pour le porter. "Nous marcherons ensemble", dit-il
en me prenant par la main et me conduisant hors de la maison. Nous bavardâmes
tout en marchant main dans la main en direction du madrisih
connu en ce temps-là sous le nom de Pa-Minar. En arrivant à sa classe, il se tourna
vers moi et me dit: "Revenez cet après-midi pour me ramener chez moi, car Isfandiyar
ne peut venir me cherche . Mon
père aura besoin de lui aujourd'hui." J'acceptai avec joie et retournai aussitôt
chez Baha'u'llah. Là, je rencontrai de nouveau Mirza Yahya, qui me confia une
lettre qu'il me demanda de porter au Madrisiy-i-Sadr et de remettre à Baha'u'llah
que, dit-il, je trouverais dans la chambre occupée par Mulla Baqir-i-Bastami.
PHOTO: le madrisih de mirza Salih à tihran
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Il me demanda de rapporter immédiatement la réponse. Après avoir accompli cette
mission, je retournai au madrisih à temps pour ramener de l'école la plus grande
Branche.
Un jour, Mirza Ahmad m'invita à rencontrer Haji Mirza Siyyid 'Ali, l'oncle maternel
du Bab, qui venait de rentrer de Chihriq et demeurait chez Muhammad Big-i-Chaparchi,
dans le voisinage de la porte de Shimiran. Je fus frappé, en voyant son visage,
par la noblesse de ses traits et la sérénité de son expression. Mes visites ultérieures
chez lui contribuèrent à accroître mon admiration pour la douceur de son tempérament,
sa piété mystique et sa force de caractère. Je me rappelle très bien comment Aqay-i-Kalim
le pria, lors d'une certaine réunion, de quitter Tihran, où le feu de l'agitation
couvait dangereusement, pour échapper à son atmosphère périlleuse. "Pourquoi se
faire du souci pour ma sécurité?" répondit-il avec assurance. "Puissé-je, moi
aussi, prendre part au banquet que le main de la Providence prépare pour ses élus!"
Peu de temps après, les fauteurs de troubles purent soulever un grand tumulte
dans cette ville. La cause première en était due aux mesures prises par un certain
siyyid de Kashan, qui vivait au Madrisiy-i-Daru'sh-Shafa' et que le Siyyid Muhammad
bien connu avait amené en secret chez lui et prétendait avoir converti à la cause
Babie. Mirza Muhammad-Husayn-i-Kirmani, qui logeait dans ce même madrisih et qui
était un célèbre professeur des doctrines métaphysiques de l'islam, tenta à plusieurs
reprises de persuader Siyyid Muhammad, qui était l'un de ses élèves, de mettre
un terme à ses relations avec ce siyyid peu sûr et de lui refuser l'accès aux
réunions des croyants. Siyyid Muhammad refusa cependant de suivre cet avertissement
et continua à le fréquenter jusqu'au début du mois de rabi'u'th-thani de l'an
1266 après l'hégire, (21.26) époque à la quelle le traître
siyyid alla chez un certain Siyyid Husayn, l'un des 'ulamas de Kashan, et lui
remit les noms et les adresses d'environ cinquante des croyants qui résidaient
alors à Tihran. Cette même liste fut aussitôt soumise par Siyyid Husayn à Mahmtiid
Khan-i-Kalantar, qui donna l'ordre de les arrêter tous. Quatorze d'entre eux furent
saisis et traduits devant les autorités.
Le jour où ils furent faits prisonniers, je me trouvais par hasard avec mon frère
et mon oncle maternel, qui étaient arrivés de Zarand et qui étaient descendus
dans un caravansérail au-delà de la porte de Naw. Le lendemain matin, ils partaient
pour Zarand et, de retour au Madrisiy-i-Daru'sh-Shafa', je découvris dans ma chambre
un paquet sur lequel on avait mis une lettre qui m'était adressée par Mirza Ahmad.
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Cette lettre m'apprenait que le traître siyyid nous avait finalement dénoncés
et qu'il avait soulevé une violente agitation dans la capitale. "Le paquet que
j'ai laissé dans cette chambre, écrivait-il, contient tous les Ecrits sacrés qui
sont en ma possession. Si tu parviens sain et sauf en ce lieu, prends-les avec
toi au caravansérail de Haji Nad-'Ali, où tu trouveras dans l'une de ses chambres
un homme portant ce même nom, un natif de Qazvin, à qui tu remettras le paquet
et la lettre qui l'accompagne. De là, rends-toi aussitôt au Masjid-i-Shah, où
j'espère pouvoir te rencontrer." Suivant ses directives, j'allai remettre le paquet
au Haji et réussis à atteindre le masjid où
je rencontrai Mirza Ahmad et l'entendis raconter comment il avait été assailli
et avait cherché refuge dans le masjid, dans l'enceinte duquel il se trouvait
à l'abri de toute attaque ultérieure.
Pendant ce temps, Baha'u'llah avait envoyé du Madrisiy-i-Sadr un message à Mirza
Ahmad pour l'informer des desseins de l'amir-nizam qui avait déjà, à trois reprises,
demandé son arrestation à l'Imam-jum'ih. Il l'avertissait aussi que l'amir feignait
d'ignorer le droit d'asile dont le masjid avait été investi, et entendait arrêter
ceux qui avaient cherché refuge dans ce sanctuaire. Mirza Ahmad était également
prié de partir déguisé pour Qum, et chargé de m'ordonner de retourner chez moi
à Zarand.
PHOTO: le madrisih-i-sadr à Tihran; l'on voit, marquée d'un
x, la pièce occupée par Baha'u'llah
[ PAGE: 417 ]
En même temps, mes amis qui m'avaient reconnu dans le Masjidi-Shah me poussèrent
à partir pour Zarand, faisant valoir que mon père, à qui on avait dit par erreur
que j'avais été arrêté et que mon exécution était imminente, était dans une grande
affliction, et qu'il était de mon devoir de me hâter d'aller le libérer de son
angoisse. Suivant le conseil de Mirza Ahmad qui me dit de saisir cette occasion
providentielle, je partis pour Zarand et célébrai la fête de Naw-Ruz au sein de
ma famille, une fête qui fut doublement bénie puisqu'elle coïncidait avec le 5
jaMadiyu'l-avval de l'an 1266 après l'hégire, (21.27) anniversaire
du jour où le Bab avait déclaré sa mission.
PHOTO: le madrisih de Daru'sh-shafay-i-masjid-i-shah à Tihran
Le Naw-Ruz de cette année-là a été mentionné dans le "Kitab-i-Panj-Sha'n", l'un
des derniers ouvrages du Bab. "Le sixième Naw-Ruz après la déclaration du Point
du Bayan (21.28), écrit-il dans ce livre, est tombé le 5
jamadiyu'l-avval de la septième année lunaire après cette même déclaration." Dans
ce même passage, le Bab fait allusion au fait e le Naw-Ruz de cette année-là serait
le dernier qu'il était destiné à célébrer sur cette terre.
Au milieu des festivités que mes parents célébraient à Zarand, mon coeur était
dirigé vers Tihran et mes pensées concentrées sur le sort qui pouvait advenir
à mes condisciples dans cette ville agitée.
[ PAGE: 418 ]
Je languissais d'apprendre qu'ils étaient sains et saufs. Bien que je fusse chez
mon père et entouré de la sollicitude de mes parents, je me sentais oppressé par
la pensée d'être séparé de ce petit groupe dont je pouvais m'imaginer les difficultés
et dont je souhaitais tant partager les afflictions. La terrible incertitude dans
laquelle je vivais, lors de mon séjour chez moi, fut rompue de manière inattendue
par l'arrivée de Sadiq-i-Tabrizi, qui venait de Tihràn et fut reçu dans la maison
de mon père. Bien qu'il me délivra des incertitudes qui avaient tant pesé sur
mon esprit, il raconta cependant, à ma grande horreur, un récit d'une cruauté
si terrifiante que les anxiétés de l'attente pâlissaient devant la lumière blafarde
que cette lugubre histoire jetait sur mon coeur.
Les circonstances relatives au martyre de mes frères arrêtés à Tihran-car tel
avait été leur sort-je m'en vais à présent les raconter. Les quatorze disciples
du Bab, qui avaient été arrêtés, restèrent
prisonniers dans la maison de Mahmud Khan-i-Kalantar du premier au vingt-deux
rabi'u'th-thani (21.29). Tahirih fut aussi emprisonnée à
l'étage supérieur de cette maison. On leur infligea toutes sortes de mauvais traitements.
Leurs persécuteurs cherchèrent, par tous les artifices possibles, à les inciter
à fournir les renseignements qu'ils désiraient, mais ne purent obtenir une réponse
satisfaisante. Parmi les prisonniers se trouvait un certain Muhammad Husayn-i-Maraghi'i,
qui refusa obstinément de prononcer un seul mot en dépit de la vive pression exercée
sur lui. On le tortura, on eut recours à tous les moyens possibles pour lui arracher
un petit indice susceptible de servir leur dessein, mais on ne put y parvenir.
Son obstination fut si inébranlable que ses oppresseurs le crurent muet. Ils demandèrent
à Haji Mulla Isma'il, qui l'avait converti à sa foi, s'il pouvait parler. "Il
est silencieux, mais non muet, répondit-il, il parle couramment et est libre de
toute entrave." A peine l'avait-il appelé par son nom que la victime répondit,
l'assurant qu'il était prêt à se conformer à ses voeux.
Convaincus de leur impuissance à briser leur volonté, les persécuteurs soumirent
l'affaire à Mahmud Khan, qui, à son tour, soumit leur cas à l'amir-nizam, Mirza
Taqi Khan, (21.30) le Grand vazir de Nasiri'd-Din Shah. Le
souverain, en ce temps-là, s'abstenait de toute ingérence directe dans les affaires
ayant trait à la communauté persécutée, et ignorait souvent les décisions qui
étaient prises au sujet de ses membres. Son Grand vazir était investi des pleins
pouvoirs pour agir envers ceux-ci comme il l'entendait.
[ PAGE: 419 ]
Personne ne discutait ses décisions, ou n'osait désapprouver la manière dont il
exerçait son autorité. Il décréta aussitôt un arrêté péremptoire menaçant de la
peine capitale quiconque, parmi ces quatorze prisonniers, se montrerait peu disposé
à rejeter sa foi. Sept d'entre eux furent obligés de céder à la pression dont
ils étaient l'objet, et furent aussitôt relâchés. Les sept autres constituèrent
les sept martyrs de Tihran:
1. Haji Mirza Siyyid 'Ali, surnommé Khàl-i-A'zam, (21.31)
l'oncle maternel du Bab et l'un des principaux marchands de Shiraz. Ce fut ce
même oncle à qui fut confié le Bab après la mort de son père et qui, au retour
du pèlerinage de son neveu à Hijaz et lors de son arrestation par Husayn Khan,
assuma l'entière responsabilité de sa personne en donnant par écrit sa parole.
Ce fut lui qui l'entoura, alors qu'il lui était confié, d'une sollicitude constante,
qui le servit avec tant de dévouement et fit fonction d'intermédiaire entre lui
et les foules de ses disciples qui affluaient à Shiraz pour le voir. Son unique
fils, Siyyid Javad, mourut alors qu'il était encore un enfant. Vers le milieu
de l'année 1265 après l'hégire, (21.32) ce même Haji Mirza
Siyyid'Ali quitta Shiraz et rendit visite au Bab dans la forteresse de Chihriq.
De là, il se rendit à Tihran et, quoique n'ayant pas d'occupation spéciale, il
resta dans cette ville jusqu'à l'éclatement de la sédition qui devait finalement
causer son martyre.
Bien que ses amis lui demandassent de fuir le tumulte désormais imminent, il refusa
de suivre leur conseil et fit face jusqu'à sa dernière heure, avec une totale
résignation, à la persécution dont il était l'objet. Un nombre considérable de
marchands, parmi les plus influents qui le connaissaient, offrirent de payer sa
rançon, mais il refusa leur offre. Il fut finalement emmené devant l'amir-nizam.
"Le magistrat en chef de ce royaume, lui dit le Grand vazir, est peu disposé à
infliger le moindre tort aux descendants du Prophète. D'éminents marchands de
Shiraz et de Tihran sont désireux-que dis-je, impatients-de payer votre rançon.
Le Maliku't-Tujjar a même intercédé en votre faveur. Un seul mot d'abjuration
de votre part suffit à vous rendre la liberté et à garantir votre retour, avec
tous les honneurs, dans votre ville natale. Je donne ma parole que, si vous vouliez
répondre affirmativement, vous passeriez le reste de vos jours dans l'honneur
et la dignité sous la protection de votre souverain. "Votre Excellence", répondit
hardiment Haji Mirza Siyyid 'Ali, "si d'autres avant moi ont décidé de rejeter
un appel sembla e à celui que vous me lancez à présent, et ont bu avec joie à
la coupe du martyre, sachez en toute certitude que je désire, aussi ardemment
qu'eux, décliner une telle requête.
[ PAGE: 420 ]
Mon désaveu des vérités contenues dans cette révélation équivaudrait au rejet
de toutes les révélations qui l'ont précédée. Refuser de reconnaître la mission
du Siyyid-i-Bab signifierait rejeter la foi de mes ancêtres et renier le caractère
divin du message que Muhammad, Jésus, Moïse et tous les prophètes du passé ont
révélé. Dieu le sait, quoi que j'aie entendu et lu concernant les paroles et les
actes de ces messagers, j'ai eu le privilège de les observer chez ce jeune homme,
ce membre bien-aimé de ma famille, depuis sa tendre enfance jusqu'à ce jour, où
il atteint la trentième année de sa vie. Tout en lui me rappelle son illustre
ancêtre et les Imams de sa foi, dont les vies ont été décrites dans nos traditions.
Je vous demande seulement de me permettre d'être le premier à sacrifier ma vie
dans le sentier de mon parent bien-aimé."
L'amir-nizam fut stupéfait d'une telle réponse. Dans un mouvement désespéré, et
sans dire un seul mot, il donna l'ordre d'emmener Haji Mirza Siyyid 'Ali et de
le décapiter. Au moment où l'on emmenait la victime vers son lieu d'exécution,
on l'entendit, à plusieurs reprises, répéter ces paroles de Hafiz: "Grande est
ma gratitude envers toi, ô mon Dieu, car tu m'as si généreusement accordé tout
ce que je te demandais." "Ecoute-moi, ô peuple!" cria-t-il devant la foule qui
se pressait autour de lui, "je me suis offert en sacrifice, volontairement, dans
le sentier de la cause de Dieu. La province du Fars tout entière, ainsi que l"Iraq
au-delà des confins de la Perse, reconnaîtront volontiers la rectitude de ma conduite,
ma piété sincère et ma noble descendance. Durant plus de mille ans, vous avez
prié et priez encore pour que le Qa'im promis soit manifesté. A la mention de
son nom, combien de fois n'avez-vous pas crié du tréfonds de votre coeur: "Hâte,
ô Dieu, sa venue; supprime tous les obstacles qui se dressent sur le chemin de
son apparition! "Et à présent qu'il est venu, vous le bannissez dans un exil sans
espoir et un coin perdu et désolé de l'Adhirbayjan, et vous vous levez pour exterminer
ses compagnons. Si j'invoquais sur vous la malédiction de Dieu, je suis certain
que son courroux vengeur vous affligerait cruellement. Telle n'est cependant pas
ma prière. Dans mon dernier souffle, je prie le Tout-Puissant d'effacer la tache
de votre crime et de vous permettre de sortir du sommeil de négligence." (21.33)
Ces paroles émurent profondément le bourreau. Sous le prétexte que l'épée qu'il
tenait à la main, prête à s'abattre, avait besoin d'être aiguisée, il s'en alla
en toute hâte, décidé à ne plus jamais revenir.
[ PAGE: 421 ]
"Lorsqu'on me désigna pour ce service l'entendit-on se plaindre tout en pleurant
amèrement, "l'on s'engagea à ne me livrer que ceux qui avaient été accusés de
meurtre et de vol de grands chemins. On me donne à présent l'ordre de verser le
sang de quelqu'un qui est aussi saint que l'Imam Musay-i-Kazim (21.34)
lui-même!" Peu après, il partit pour le Khurasan et chercha à gagner sa vie se
faisant porteur et crieur. Aux croyants de cette province, il racontait le récit
de cette tragédie et exprimait son repentir pour l'acte qu'il avait été contraint
de perpétrer. Chaque fois qu'on lui rappelait cette circonstance, chaque fois
qu'on mentionnait devant lui le nom de Haji Mirza Siyyid 'Ali, des larmes qu'il
ne pouvait retenir coulaient de ses yeux, témoignant de l'affection que ce saint
homme avait instillée dans son coeur.
2. Mirza Qurban-'Ali, (21.35) natif de Barfurush dans
la province de Mazindaran, et personnalité dominante de la communauté connue sous
le nom de Ni'matu'llahi. C'était un homme sincèrement pieux et doué d'une grande
noblesse de caractère. La pureté de sa vie était telle qu'un nombre considérable
des notables du Mazindaran, du Khurasan et de Tihran lui avaient promis leur loyauté
et le considéraient comme l'incarnation même de la vertu. Ses compatriotes l'estimaient
tellement qu'à l'occasion de son pèlerinage à Karbila, un vaste groupe d'admirateurs
dévoués afflua sur son passage afin de lui rendre hommage. À Hamadan ainsi qu'à
Kirmanshah, une grande foule de personnes fut touchée par sa personnalité et se
joignit au groupe de ses disciples. Partout où il allait, il était accueilli par
les acclamations du peuple. Ces démonstrations d'enthousiasme populaire lui déplaisaient
cependant beaucoup. Il évitait la foule, méprisait la pompe et l'apparat dus au
rang de chef. Sur la route de Karbila, alors qu'il passait à travers Mandalij,
un shaykh particulièrement influent fut si épris de lui qu'il renonça à tout ce
qu'il avait chéri jusqu'alors et, abandonnant ses amis et ses disciples, le suivit
jusqu'à Ya'qubiyyih. Mirza Qurban-'Ali, cependant, parvint à le décider à retourner
à Mandalij et à reprendre le travail qu'il avait abandonné.
A son retour de pèlerinage, Mirza Qurban-'Ali rencontra Mulla Husayn et, grâce
à celui-ci, embrassa la cause. La maladie l'empêcha d'aller rejoindre les défenseurs
du fort de Tabarsi mais, s'il n'avait été incapable de voyager jusqu'au Mazindaran,
il aurait été le premier à se joindre aux occupants du fort. A part Mulla Husayn,
parmi les disciples du Bab, Vahid était la personne à laquelle il était le plus
attaché.
[ PAGE: 422 ]
Durant ma visite à Tihran, j'appris que ce dernier avait consacré sa vie au service
de la cause et s'était levé avec un dévouement exemplaire pour promouvoir partout
les intérêts de celle-ci. J'entendais souvent Mirza Qurban-'Ali, qui se trouvait
alors dans la capitale, déplorer sa maladie. "Comme je regrette", l'entendis-je
dire plusieurs fois, "de ne pas avoir eu ma part de la coupe que Mulla Husayn
et ses compagnons ont bue! Je brûle de rejoindre Vahid, de m'enrôler sous sa bannière
et de m'efforcer de racheter mon erreur passée." Il se préparait à quitter Tihran
lorsqu'il fut subitement arrêté. Ses habits modestes témoignaient du degré de
son détachement. Vêtu d'une tunique blanche à la manière des Arabes, recouvert
d'un 'aba (21.36) au tissu grossier et portant le couvre-chef
des habitants de 1''Iraq, il paraissait, lorsqu'il marchait à travers les rues,
l'incarnation même du renoncement. Il pratiquait scrupuleusement tous les rites
de sa foi et faisait ses dévotions avec une piété exemplaire. "Le Bab lui-même
se conforme aux observances de sa foi dans les moindres détails, disait-il souvent.
Dois-je, quant à moi, négliger les choses qui sont observées par mon chef?"
Lorsque Mirza Qurban-'Ali fut arrêté et emmené devant l'amir-nizam, il se produisit
une agitation, telle que Tihran en avait rarement connue. De grandes foules affluèrent
aux abords du quartier général du gouvernement, avides de savoir ce qu'il lui
adviendrait. "Depuis la nuit dernière", lui dit l'amir dès qu'il le vit, "je suis
assiégé par toutes les classes de fonctionnaires qui ont vigoureusement intercédé
en votre faveur. (21.37) D'après ce que j'apprends sur la
position que vous occupez et sur l'influence qu'exercent vos paroles, j'en déduis
que vous n'êtes pas si inférieur au Siyyid-i-Bab lui-même. Si vous aviez revendiqué
pour vous la position de chef, c'eut été préférable à la déclaration d'allégeance
envers quelqu'un qui est certainement inférieur à vous quant au savoir." "Le savoir
que j'ai acquis", rétorqua Mirza Qurban-'Ali avec hardiesse, "m' a amené à m'incliner
devant celui que j'ai reconnu comme mon seigneur et mon chef. Depuis que j'ai
atteint l'âge de la maturité, je considère la justice et l'équité comme les mobiles
directeurs de ma vie. Je l'ai jugé avec équité et suis arrivé à la conclusion
que, si ce jeune homme, dont amis comme ennemis affirment le pouvoir transcendant,
devait être dans l'erreur, chaque prophète de Dieu, depuis les temps immémoriaux
jusqu'à nos jours, devrait être dénoncé comme étant l'incarnation même de l'erreur!
Je suis assuré du dévouement sans réserve de plus de mille admirateurs et, cependant,
je suis impuissant à changer le coeur du plus petit d'entre eux.
[ PAGE: 423 ]
Ce jeune homme, toutefois, s'est montré capable de transformer, grâce à l'élixir
de son amour, les âmes des plus déchus de ses semblables. Il a, sur un millier
de personnes telles que moi, exercé, seul et sans aide, une telle influence que,
sans même atteindre à sa présence, elles ont rejeté leurs propres désirs et se
sont passionnément attachées à sa volonté. Parfaitement conscientes de l'insuffisance
du sacrifice qu'elles ont fait, elles n'aspirent qu à offrir leurs vies par amour
pour lui, dans l'espoir que cette preuve supplémentaire de leur dévouement puisse
être digne de mention à sa cour."
"Je suis peu enclin, remarqua l'amir-nizam - que vos paroles émanent ou non de
Dieu - à prononcer la sentence de mort contre le possesseur d'un rang si exalté."
"Pourquoi hésiter? s'écria l'impatiente victime. Ne savez-vous pas que tous les
noms descendent du ciel? Celui dont le nom est 'Ali, (21.38)
et dans le sentier duquel j'offre ma vie a, depuis des temps immémoriaux, inscrit
mon nom, Qurban-'Ali, (21.39) sur le parchemin de ses martyrs
élus. C'est aujourd'hui, en vérité, que je célèbre la fête de Qurban, c'est aujourd'hui
que je scellerai de mon sang ma foi en sa cause. N'hésitez donc pas, et soyez
assure que je ne vous blâmerai jamais pour votre acte. Plus tôt vous me décapiterez,
plus grande sera ma gratitude envers vous." "Sortez-le d'ici! s'écria l'amir.
Un moment de plus, et ce dervish m'aura ensorcelé!" "Vous êtes immunisé contre
cette magie, répondit Mirza Qurban-'Ali, une magie qui ne peut charmer que les
coeurs purs. Vous et vos semblables ne pourrez jamais Réaliser le pouvoir enchanteur
de cet élixir divin qui, rapide comme l'éclair, transforme l'âme humaine."
Exaspéré par la réponse, l'amir-nizam se leva de son siège et, tout son être tremblant
de colère, s'exclama: "Seul le fil de l'épée peut faire taire ces gens induits
en erreur!" "Il n'est plus nécessaire", dit-il aux bourreaux qui attendaient ses
ordres, "d'amener devant moi d'autres membres de cette secte haïssable. Les paroles
s'avèrent impuissantes à vaincre leur obstination inébranlable. Relâchez tous
ceux que vous pouvez persuader de répudier leur foi; quant aux autres, décapitez-les!"
En s'approchant de la scène de son martyre, Mirza Qurban-'Ali, enivré par la perspective
de sa réunion imminente avec son Bien-Aimé, lança des paroles d'allégresse. "Hâtez-vous
de me tuer, s'écria-t-il avec ravissement, car, par cette mort, vous m'aurez offert
le calice de vie éternelle. Quoique vous m'enleviez à présent mon dernier souffle,
c'est avec une myriade de vies que je serai récompensé par mon Bien-Aimé, des
vies que nul coeur mortel ne peut concevoir!
[ PAGE: 424 ]
Prêtez l'oreille à mes paroles, vous qui vous prétendez les disciples de l'Apôtre
de Dieu", demanda-t-il en se tournant vers la foule des spectateurs. "Muhammad,
l'astre du jour de la direction divine qui, dans un âge passé, se leva à l'horizon
de Hijaz, s'est aujourd'hui levé à nouveau en la personne d' 'Ali-Muhammad, à
l'horizon de Shiraz, répandant le même éclat et conférant la même chaleur. Une
rose est une rose, dans quelque jardin et à quelque période qu'elle fleurisse."
Voyant que de tous côtés le peuple restait sourd à son appel, il s'écria: "O génération
perverse! Comme tu négliges le parfum que répand cette rose impérissable! Bien
que mon âme déborde d'extase, je ne puis hélas! trouver un seul coeur pour partager
avec moi son charme ni un seul esprit pour saisir sa gloire."
À la vue du corps de Haji Mirza Siyyid 'Ali, décapité et saignant à ses pieds,
son excitation enfiévrée atteignit son paroxysme. "Salut", s'écria-t-il en se
jetant sur lui, "salut ô jour de mutuelle réjouissance, jour de notre réunion
avec notre Bien-Aimé! Approche-toi", cria-t-il au bourreau en tenant le corps
dans ses bras, "et porte ton coup, car mon fidèle camarade ne désire pas se séparer
de mon étreinte et me dit de me hâter d'aller avec lui à la cour du Bien-Aimé."
Un coup du bourreau le frappa aussitôt à la nuque. Quelques instants plus tard,
l'âme de ce grand homme montait vers le ciel. Ce coup cruel suscita chez les spectateurs
des sentiments d'indignation et de sympathie mêlés. Des cris de tristesse et de
lamentation montèrent du coeur de la multitude et provoquèrent une détresse qui
rappela les accès de chagrin par lesquels, chaque année, le peuple fête le jour
d' Ashura. (21.40)
3. Vint alors le tour de Haji Mulla Isma'il-i-Qumi, qui était natif de
Farahan. Dans sa prime jeunesse, il partit pour Karbila en quête de la vérité
qu'il s'efforçait avec zèle de découvrir. Il avait fréquenté tous les principaux
'ulamas de Najaf et de Karbila, s'était assis aux pieds de Siyyid Kazim, et avait
acquis de celui-ci le savoir et la compréhension qui lui permirent, quelques années
plus tard, lors de son séjour à Shiraz, de reconnaître la révélation du Bab. Il
se distingua par la fermeté de sa foi et la ferveur de sa dévotion. Dès que lui
parvint l'ordre du Bab, selon lequel ses disciples devaient se hâter d'aller au
Khurasan, il y répondit avec enthousiasme, se joignit aux compagnons qui se rendaient
à Badasht, et reçut là le surnom de Sirru'l-Vujud. En leur compagnie, sa compréhension
de la cause se fit plus profonde et son zèle pour la promotion de celle-ci s'accrut
en conséquence.
[ PAGE: 425 ]
Il devint finalement l'incarnation même du détachement et se sentit de plus en
plus impatient de manifester, de manière adéquate, l'esprit que lui avait inspiré
sa foi. Dans l'explication du sens des versets du Qur'an et des traditions de
l'islam, il fit preuve d'une vue spirituelle que peu de personnes pouvaient égaler,
et l'éloquence avec laquelle il exposa ces vérités lui gagna l'admiration de ses
condisciples. Pendant les jours où le fort de Tabarsi était devenu le centre de
ralliement pour tous les disciples du Bab, il languissait, inconsolable, sur son
lit de malade, incapable de prêter son assistance et de jouer son rôle dans la
défense du fort. A peine avait-il retrouvé la santé, qu'en apprenant que ce siège
mémorable s'était terminé par le massacre de ses condisciples, il se leva avec
une détermination accrue pour compenser par ses propres efforts d'abnégation la
perte qu'avait subie la cause. Cette détermination le mena finalement au champ
du martyre et lui en fit gagner la couronne.
Conduit au billot de l'échafaud, alors qu'il attendait le moment de son exécution,
il tourna son regard vers ces deux martyrs qui l'avaient précédé et qui gisaient
immobiles dans les bras l'un de l'autre. "Bravo, compagnons bien-aimés!" s'écria-t-il
en fixant son regard sur leurs têtes ensanglantées. "Vous avez transformé Tihran
en un paradis! Si seulement j'avais pu vous précéder!" Tirant de sa poche une
pièce de monnaie, il la tendit à son bourreau en le priant d'acheter pour lui-même
quelque chose pour s'adoucir la bouche. Il prit quelques bonbons et donna le reste
au bourreau, en disant: "Je t'ai pardonné ton acte; approche-toi et porte ton
coup. Il y a trente ans que je désire ardemment voir ce jour béni, et je craignais
de devoir emporter ce désir avec moi dans la tombe." "Accepte-moi, ô mon Dieu!
", s'écria-t-il en regardant le ciel, "tout indigne que je sois, et daigne inscrire
mon nom sur le parchemin de ces immortels qui ont offert leur vie sur l'autel
du sacrifice." Il était encore en train de dire sa prière lorsque le bourreau,
à sa demande, mit brusquement un terme à sa supplication. (21.41)
4. Il avait à peine expiré que Siyyid Husayn-i-Turshizi le mujtahid, fut
conduit à son tour à l'échafaud. Il était né à Turshiz, village du Khurasan, et
était très estimé pour sa piété et la rectitude de sa conduite. Il avait étudié
pendant quelques années à Najaf et avait été chargé par ses collègues mujtahids
de se rendre au Khurasan et d'y propager les principes qui lui avaient été enseignés.
Lors de son arrivée à Kazimayn, il rencontra Haji Muhammad Taqiy-i Kirmani, l'une
de ses vieilles connaissances, qui comptait parmi les marchands les plus éminents
de Kirman et qui avait ouvert une succursale dans le Khurasan.
[ PAGE: 426 ]
Comme il était en route pour la Perse, il décida de l'accompagner. Ce Haji Muhammad-Taqi
avait été un ami intime de Haji Mirza Siyyid 'Ali, l'oncle maternel du Bab, grâce
auquel il avait été converti à la cause en l'an 1264 après 1'hégire, (21.42)
au moment où il se préparait à quitter Shiraz pour son pèlerinage à Karbila. Lorsqu'il
fut informé du voyage projeté par Haji Mirza Siyyid 'Ali à Chihriq dans le but
de rendre visite au Bab, il exprima son ardent désir de l'accompagner. Haji Mirza
Siyyid 'Ali lui avait conseillé de mettre à exécution son projet initial qui était
de se rendre à Karbila et d'y attendre sa lettre qui lui apprendrait s'il était
souhaitable de le rejoindre. De Chihriq, Haji Mirza Siyyid 'Ali reçut l'ordre
de partir pour 'Tihran dans l'espoir de pouvoir renouveler sa visite à son neveu
après un court séjour dans la capitale. Lors de son séjour à Chihriq, il dit qu'il
était peu disposé à retourner à Shiraz car il ne pouvait plus supporter l'arrogance
croissante de ses habitants. A son arrivée à Tihran, il demanda à Haji Muhammad-Taqi
de se joindre à lui. Siyyid Husayn l'accompagna de Baghdad à la capitale et, grâce
à lui, fut converti à la foi.
Regardant la foule qui s'était rassemblée autour de lui pour assister à son martyre,
Siyyid Husayn éleva la voix et dit: "Ecoutez-moi, ô adeptes de l'islam! Je m'appelle
Husayn et suis descendant du Siyyidu'sh-Shuhada, qui portait également ce nom.
(21.43) Les mujtahids des cités saintes de Najaf et de Karbila
ont unanimement attesté de ma position d'interprète autorisé de la loi et des
enseignements de leur foi. Ce n'est que récemment que j'ai entendu le nom du Siyyidi-Bab.
La maîtrise que j'ai acquise sur les mystères des enseignements islamiques m'a
permis d'apprécier la valeur du message que le Siyyid-i-Bab a apporté. Je suis
persuadé que, si je reniais la vérité qu'il a révélée, je renoncerais, par cet
acte même, à ma fidélité envers chaque révélation qui l'a précédée. Je demande
à chacun d'entre vous de faire appel aux 'ulamas et mujtahids de cette ville et
de réunir une assemblée où je me chargerai d'établir en leur présence la véracité
de cette cause. Qu'ils jugent alors si je suis capable de démontrer la validité
des prétentions avancées par le Bab. S'ils sont satisfaits des preuves que je
fournirai pour appuyer mon discours, qu'ils s'abstiennent de répandre le sang
des innocents et, si j'échoue dans ma tentative, qu'ils m'infligent le châtiment
que je mérite." Ces paroles étaient à peine prononcées qu'un officier au service
de l'amir-nizam intervint avec dédain:
[ PAGE: 427 ]
"Je porte sur moi ton arrêt de mort signé et scellé par sept des mujtahids reconnus
de Tihran; ils t'ont condamné, de leur propre écriture, comme infidèle. Je répondrai
moi-même devant Dieu, au jour du Jugement, de ton exécution et en ferai porter
la responsabilité sur ces chefs aux jugements desquels nous avons été priés de
placer notre confiance et aux décisions desquels nous avons été contraints de
nous soumettre." En disant ces mots il tira son poignard et frappa Siyyid Husayn
avec une telle force qu'il tomba aussitôt mort à ses pieds.
5. Peu après, Haji Muhammad-Taqiy-i-Kirmani fut emmené sur le lieu d'exécution.
Le spectacle lugubre qu'il observa provoqua en lui une violente indignation. "Approche-toi,
misérable tyran sans coeur", s'écria-t-il en se tournant vers son bourreau, "et
hâte-toi de me tuer, car je suis impatient de rejoindre mon bien-aimé Husayn.
Vivre après sa mort est une torture que je ne puis endurer."
6. Dès que Haji Muhammad-Taqi eut prononcé ces paroles, Siyyid Murtada,
qui était l'un des marchands en vue de Zanjan, se hâta de devancer ses compagnons.
Il se jeta sur le corps de Haji Muhammad Taqi et fit valoir qu'étant siyyid, son
martyre serait plus méritoire aux yeux de Dieu que celui de Haji Muhammad-Taqi.
Au moment où le bourreau dégainait son épée, Siyyid Murtada invoqua la mémoire
de son frère martyrisé, qui avait combattu aux côtés de Mulla Husayn, et ses allusions
furent telles que les spectateurs s'émerveillèrent devant la fermeté inébranlable
de la foi qui l'inspirait.
7. Au milieu du tumulte que les paroles émouvantes de Siyyid Murtada avaient
provoqué, Muhammad Husayn-i-Maraghi'i se précipita en avant et pria qu'on lui
permît d'être martyrisé immédiatement, avant que ses compagnons fussent passés
par le fil de l'épée. Dès que son regard tomba sur le corps de Haji Mulla Isma'il-i-Qumi,
auquel il portait une profonde affection, il se jeta spontanément sur lui et,
le tenant dans ses bras, s'exclama: "Jamais je ne consentirai à me séparer de
mon ami chèrement aimé, en qui j'ai placé la plus grande confiance et de qui j'ai
reçu tant de preuves d'une affection sincère et profonde!"
Leur impatience à se devancer l'un l'autre pour offrir leur vie dans le chemin
de leur foi étonna la foule qui se demandait lequel des trois serait préféré à
ses compagnons. Ceux-ci parlèrent avec une telle ferveur qu'ils furent finalement
décapités, tous les trois, au même moment.
L'oeil humain a rarement observé une si grande foi et de telles preuves d'une
cruauté effrénée.
[ PAGE: 428 ]
Bien qu'ils fussent peu nombreux, lorsque nous nous rappelons les circonstances
de leur martyre, nous sommes obligés d'admettre le caractère stupéfiant de cette
force qui pouvait susciter un esprit d'abnégation aussi rare. Lorsque nous nous
souvenons du rang exalté que ces victimes avaient occupé, que nous observons le
degré de leur renoncement et la vitalité de leur foi, que nous évoquons la pression
que les milieux influents avaient exercée sur eux pour les détourner du danger
dont leurs vies étaient menacées et, par-dessus tout, lorsque nous nous représentons
l'esprit qui brava les atrocités qu'un ennemi sans coeur s'efforçait par tous
les moyens de leur infliger, nous sommes obligés de considérer cet épisode comme
l'un des événements les plus tragiques dans les annales de cette cause. (21.44)
PHOTO: porte de Naw à Tihran
PHOTO: le Sabzih-maydan de Tihran où beaucoup de croyants
souffrirent le martyre.
[ PAGE: 429 ]
Arrivé à ce stade de mon récit, j'eus le privilège de soumettre à Baha'u'llah
les parties de mon ouvrage que j'avais déjà révisées et complétées. Comme il appréciait
mes travaux, lui dont la faveur seule m'intéresse et pour la satisfaction de qui
je me suis engagé dans cette tâche! Il m'appela avec bonté auprès de lui et m'accorda
ses bénédictions. J'étais chez moi dans la ville-prison d"Akka et habitais dans
le voisinage de la maison d'Àqay-i-Kalim, lorsque me parvint la convocation de
mon Bien-aimé. Ce jour-là, le 7 du mois de rabi'u'th-thàni de l'an 1306 après
l'hégire, (21.45) je ne l'oublierai jamais. Je reproduis
ici l'essentiel des paroles qu'il m'adressa en cette mémorable occasion:
"Dans une Tablette que nous avons révélée hier, nous avons expliqué le sens des
mots "Détournez votre regard" (21.46), en faisant allusion
aux circonstances relatives à la réunion de Badasht. Nous célébrions, en compagnie
d'un certain nombre de notables éminents, les noces de l'un des princes de sang
royal à Tihran, lorsque Siyyid Ahmad-i-Yazdi, père de Siyyid Husayn, le secrétaire
du Bab, apparut soudain à la porte. Il nous fit signe qu'il était porteur d'un
important message qu'il désirait nous remettre immédiatement. Nous ne pouvions
cependant quitter la réunion à ce moment-là et lui proposâmes d'attendre. Lorsque
la réunion fut terminée, il nous informa que Tahirih se trouvait sévèrement emprisonnée
à Qazvin et que sa vie était en grand danger. Nous appelâmes aussitôt Muhammad-Hadiy-i-FarHadi
et lui donnâmes les directives nécessaires pour la délivrer de sa captivité et
l'accompagner jusqu'à la capitale. Comme l'ennemi s'était emparé de notre maison,
nous ne pouvions la garder indéfiniment chez nous. Nous fîmes donc le nécessaire
pour son transfert de notre domicile à celui du ministre de la Guerre (21.47)
qui, en ce temps-là, était en disgrâce auprès de son souverain et se trouvait
exilé à Kashan. Nous demandâmes à sa soeur, qui était encore l'une de nos amies,
de faire office d'hôtesse auprès de Tahirih.
"Tahirih resta en sa compagnie jusqu'à ce que nous parvint l'appel du Bab nous
ordonnant de nous rendre au Khurasan. Nous décidâmes de faire partir aussitôt
Tahirih pour cette province, et chargeâmes Mirza (21.48)
de la conduire en un lieu situé hors des murs de la ville et, de là, vers une
localité avoisinante qui lui semblerait adéquate. Elle fut amenée dans un verger
à proximité duquel se trouvait un bâtiment abandonné, où ils rencontrèrent un
vieillard qui remplissait les fonctions de gardien. Mirza M6sa revint, nous informa
de l'accueil qui leur avait été réservé, et vanta la grande beauté du paysage
environnant.
[ PAGE: 430 ]
Nous fîmes ensuite le nécessaire en vue de son départ pour le Khurasan et promîmes
que nous la suivrions quelques jours plus tard.
"Nous la rejoignîmes peu après à Badasht, où nous louâmes un jardin à son intention
et désignâmes le même Muhammad-Hadi, qui avait obtenu sa libération, pour être
son portier. Environ soixante-dix de nos compagnons se trouvaient avec nous et
logeaient en un lieu proche de ce jardin.
"Nous tombâmes un jour malade et dûmes garder le lit. Tahirih nous adressa une
requête afin que nous la convoquions. Nous fûmes surpris de son message et ne
savions que répondre. Soudain nous la vîmes à la porte, le visage dévoilé devant
nous. Comme Mirza Aqa Jan (21.49) a bien commenté cet incident!
"Le visage de Fatimih, dit-il, doit être révélé au jour du Jugement et apparaître
sans voile aux yeux des hommes. A ce moment-là, on entendra la voix de l'Invisible
dire: "Détournez votre regard de ce que vous avez vu"!
"Comme la consternation qui saisit les compagnons ce jour-là fut grande! La peur
et la confusion envahirent leurs coeurs. Quelques-uns, ne pouvant tolérer ce qu'ils
considéraient comme une déviation révoltante des coutumes établies de l'Islam,
s'enfuirent horrifiés devant sa face. Effrayés, ils cherchèrent refuge dans un
château désert du voisinage. Parmi ceux qui furent scandalisés par son comportement
et se séparèrent complètement d'elle se trouvaient le Siyyid-i-Nahri (21.50)
et son frère Mirza Hadi, auxquels nous envoyâmes un mot disant qu'il était inutile
pour eux de fuir leurs compagnons et de se réfugier dans un château.
"Nos amis se dispersèrent finalement, nous laissant à la merci de nos ennemis.
Lorsque, plus tard, nous allâmes à Amul, le tumulte que le peuple avait soulevé
fut tel que plus de quatre mille personnes s'étaient rassemblées dans le masjid
et avaient afflué sur les toits de leurs maisons. Le principal Mulla de la ville
nous dénonça avec sévérité. "Vous avez dénaturé la foi islamique", cria-t-il en
dialecte Mazindarani, "et souillé son renom! La nuit dernière, je vous vis en
rêve entrer dans le masjid, qui était rempli d'une foule impatiente d'assister
à votre arrivée. Comme la foule se pressait autour de vous, que vis-je! le Qa'im
se tenant dans un coin, le regard fixé sur votre visage, ses traits reflétant
une grande surprise. Ce rêve, je le considère comme une preuve de ce que vous
vous êtes écarté du sentier de la vérité." Nous lui affirmâmes que l'expression
de surprise qui se lisait sur le Qa'im était un signe de vive désapprobation du
traitement que lui et ses concitoyens nous avaient réservé.
[ PAGE: 431 ]
Il nous interrogea sur la mission du Bab. Nous l'informâmes que, bien que nous
ne l'eussions jamais rencontré en tête-à-tête, nous avions néanmoins une grande
affection pour lui. Nous exprimâmes notre profonde conviction qu'il n'avait, en
aucun cas, agi contrairement à la foi islamique."
"Le Mulla et ses adeptes, cependant, refusèrent de nous croire et rejetèrent notre
témoignage, le prenant pour une falsification de la vérité. Ils nous jetèrent
finalement en prison et interdirent à nos amis de nous rencontrer. Le gouverneur
en exercice d'Amul réussit à organiser notre fuite de la prison. A travers une
brèche qu'il avait ordonné à ses hommes de pratiquer dans le mur, il nous permit
de quitter cette cellule et nous conduisit chez lui. Dès que les habitants furent
informés de cet acte, ils se levèrent contre nous, assiégèrent la résidence du
gouverneur, nous lapidèrent et hurlèrent à notre face les injures les plus ignobles.
"Au moment où nous envisagions d'envoyer Muhammad Hadiyi-Farhadi à Qazvin, afin
qu'il obtint la libération de Tahirih et la conduisît à Tihran, Shaykh Abu-Turab
nous écrivit une lettre dans laquelle il insistait sur le fait qu'une telle tentative
comportait de sérieux risques et qu'elle pouvait provoquer un tumulte sans précédent.
Nous refusâmes de nous laisser détourner de notre but. Ce shaykh, doué d'un coeur
généreux, était simple et fort humble de caractère, et se comportait avec beaucoup
de dignité. Il manquait cependant de courage et de détermination, et trahissait
sa faiblesse en certaines occasions.
PHOTO: panorama de Yazd
[ PAGE: 432 ]
Je dois à présent ajouter un mot concernant les phases finales de la tragédie
qui témoigna de l'héroïsme des sept martyrs de Tihran. Durant trois jours et trois
nuits, ceux-ci gisèrent abandonnés sur le Sabzih-Maydan, qui était contigu au
palais royal, exposés aux indignités indicibles d'un ennemi impitoyable. Des milliers
de shi`ahs dévots se réunirent autour de leurs cadavres, leur donnèrent des coups
de pieds et crachèrent sur leur visage. Ils furent lapidés, maudits et raillés
par la foule en colère. Les passants jetèrent des tas de détritus sur leurs dépouilles,
et les atrocités les plus abominables furent perpétrées sur leurs corps. Aucune
voix ne s'éleva pour protester, aucune main ne se tendit pour arrêter le bras
de l'oppresseur barbare.
Après avoir apaisé le tumulte de leur passion, les habitants les enterrèrent en
dehors de la capitale, en un lieu situé au-delà des limites du cimetière public
contigu au fossé qui se trouvait entre les portes de Naw et de Shah 'Abdu'l-'Azim.
Ils furent tous étendus dans la même tombe, demeurant ainsi unis corporellement,
comme ils l'avaient été en esprit durant leur vie terrestre. (21.51)
La nouvelle de leur martyre constitua un nouveau choc pour le Bab, qui était déjà
plongé dans la tristesse à cause du sort advenu aux héros de Tabarsi. Dans la
Tablette détaillée qu'il révéla en leur honneur, et dont chaque mot témoigne de
la position exaltée qu'ils occupaient à ses yeux, il parle d'eux comme des "sept
chèvres" auxquelles font allusion les traditions islamiques et qui, au jour du
Jugement, "marcheront devant le Qa'im promis". Ils symboliseront par leur vie
l'esprit d'héroïsme le plus noble et, par leur mort, manifesteront la véritable
soumission à sa volonté. "Par ces mots: "ils précéderont le Qa'im", explique le
Bab, l'on veut dire que leur martyre précédera celui du Qa'im lui-même, qui est
leur Pasteur." Ce que le Bab avait prédit devait se réaliser, puisque son propre
martyre eut lieu quatre mois plus tard à Tabriz.
Cette année mémorable vit, en plus du martyre du Bab et de celui de ses sept compagnons
à Tihran, les formidables événements de Nayriz qui atteignirent leur apogée avec
la mort de Vahid. Vers la fin de cette même année, Zanjan aussi devait devenir
le centre d'une tempête déchaînée, déferlant avec une exceptionnelle violence
à travers la région environnante, et amenant dans son sillage le massacre d'un
grand nombre des disciples les plus fermes du Bab. Cette année-là, rendue mémorable
par l'héroïsme glorieux dont firent preuve les partisans de sa foi, sans parler
des circonstances relatives à son propre martyre, doit rester à jamais comme l'un
des plus glorieux chapitres jamais enregistrés dans l'histoire de cette foi écrite
avec le sang.
[ PAGE: 433 ]
Le visage entier du pays fut assombri par les atrocités que continuait à commettre
en toute liberté un ennemi cupide et cruel. Du Khurasan aux confins orientaux
de la Perse, jusqu'à Tabriz située à l'Ouest, théâtre du martyre du Bab, et des
villes du Nord telles que Zanjan et 'Tihran, jusqu'à l'extrême Sud, c'est-à-dire
Nayriz dans la province de Fars, tout le pays fut plongé dans une obscurité qui
annonçait l'aurore de la révélation que le Husayn attendu devait bientôt manifester,
révélation plus puissante et plus glorieuse que celle que le Bab lui-même avait
proclamé (21.52)
[ PAGE: 434 ]
NOTE DU CHAPITRE 21:
(21.1) 22 juin - 21 juillet 1849 ap. J.-C.
(21.2) 17 novembre - 17 décembre 1849 ap. J-C.
(21.3) Le 10 muharram, anniversaire du martyre de l'Imam
Husayn qui tombait, cette année-là, le 26 novembre 1849 ap. J-C.
(21.4) D'après le "Kashfu'l-Ghitâ" (p. 241), son nom
complet était Mirza 'Aliy-i-Sayyah-iMaraghih'i. Il avait servi le Bab comme domestique
à Mah-Ku, était l'un de ses principaux compagnons, et embrassa ultérieurement
le message de Baha'u'llah.
(21.5) 15 janvier 1850 ap. J-C.
(21.6) 23 janvier 1850 ap. J.-C.
(21.7) Surnommé Subh-i-Azal.
(21.8) Disciples de Mirza Yahya.
(21.9) "Les prétentions de ce jeune homme étaient fondées
sur une déclaration écrite qui est à présent entre les mains du professeur Browne,
et ont été appuyées par une lettre donnée en version française par monsieur Nicolas.
La falsification, cependant, a joué un si grand rôle dans les documents écrits
de 1' Orient que j'hésite à reconnaître l'authenticité de cette déclaration. Et
je pense qu'il est fort improbable qu'un groupe d'hommes éminemment sérieux aient
accepté le document de préférence à la preuve de leur propre connaissance concernant
les dons inadéquats de Subh-iAzal...
Il est probable que l'arrangement déjà fait fut sanctionné par la suite, à savoir
que Baha'u'llah devait momentanément prendre la direction privée des affaires
et exercer ses grands dons à titre d'enseignant, alors que Subh-i-Azal (un jeune
homme vaniteux) donna son nom comme chef apparent, surtout à l'intention des profanes
et des agents du gouvernement." (T.K.Cheyne: "la Réconciliation des races et des
religions", pp. 118-19.)
(21.10) "Je t'adjure par Dieu, l'Unique, le Puissant,
l'Omnipotent, de méditer en ton coeur ces écrits qui furent envoyés en son nom
[celui de Mirza Yahya au Premier Point [le Bab], afin que tu puisses reconnaître
et distinguer, aussi manifestement que le soleil, les signes du seul vrai Dieu
("l'Épître au fils du Loup", p. 125.)
(21.11) 1848-9 ap. J.-C.
(21.12) 29 juillet 1831 ap. J-C.
(21.13) Voir glossaire.
(21.14) 1847 ap. J.-C.
(21.15) Qur'an, 103.
(21.16) Voir glossaire.
(21.17) Voir glossaire.
(21.18) Voir glossaire.
(21.19) 1851-2 ap. J.-C.
(21.20) Voir glossaire.
(21.21) Littéralement: "La Feuille la plus exaltée".
(21.22) Titre d' 'Abdu'l-Baha.
(21.23) Signifiant "Maître", titre par lequel on désignait
alors 'Abdu'l-Baha.
(21.24) Voir glossaire.
(21.25) Sorte de pardessus.
(21.26) 14 février - 15 mars 1850 ap. J.-C.
(21.27) 1850 ap. J.-C.
(21.28) L'un des titres du Bab.
(21.29) 14 février - 15 mars 1850 ap. J.-C.
(21.30) C'était le fils de Qurban, le cuisinier en
chef du Qa'im-Magam, le prédécesseur de Haji Mirza Aqasi.
(21.31) Littéralement: "Le plus grand oncle".
(21.32) 1848 - 9 ap. J.-C.
(21.33) "Il ôta son turban et, levant son visage vers
le ciel, s'exclama: "Ô Dieu! Tu vois comment ils sont en train de tuer le fils
de ton plus honorable Prophète sans qu'il ait commis de faute." Puis il se tourna
vers le bourreau et récita ce verset: Combien de temps le chagrin d'être séparé
de lui me tuera-t-il? Coupe-moi la tête, afin que l'amour puisse m'en octroyer
une". (Mathnavi, Livre 6, p. 649,1,2; éd. 'Ala'u'd-Dawlih.) ("A Traveller's Narrative",
Note B, p. 174.)
(21.34) Le septième Imam.
(21.35) D'après le récit de Haji Mu'inu's-Saltanih
(p. 131), Mirza Qurban-'Ali le dervish rencontra le Bab au village de Khanliq.
(21.36) Voir glossaire.
(21.37) "Mirza Qurban-'Ali était célèbre parmi les
mystiques et les dervishs, et avait beaucoup d'amis et de disciples à Tihran,
tout en étant bien connu de la plupart des nobles et des grands, et même de la
mère du shah. Celle-ci, à cause de l'amitié qui la liait à lui et de la compassion
qu'elle éprouvait pour son sort, dit à Sa Majesté le roi: "Il n'est pas babi,
mais a été faussement accusé." Aussi l'envoya-t-on chercher et lui dit-on: "Tu
es dervish, érudit et homme de savoir; tu n'appartiens pas à cette secte égarée;
une fausse plainte a été déposée contre toi."
Il répondit: "Je me déclare l'un des disciples et serviteurs de Sa Sainteté, bien
que je ne sache s'il m'a accepté comme tel. "Lorsqu'ils persistèrent à le persuader
en lui offrant l'espoir d'une pension et d'un salaire, il dit: "Cette vie et ces
gouttes de sang qui sont miennes comptent peu; si l'empire du monde m'appartenait
et si j'avais un millier de vies, je les jetterais volontiers toutes aux pieds
de ses amis :
"Offrir en sacrifice sa tête au Bien-Aimé,
N'est en réalité que chose aisée à mes yeux;
Ferme-toi la bouche et cesse de parler de médiation,
Car les amants n'ont guère besoin de médiation."
Ils renoncèrent donc finalement, désespérés qu'ils étaient, et signifièrent qu'il
devait mourir."
(Le "Tarikh- i-Jadid", p. 254.)
(21.38) Référence au Bab. __
(21.39) Qurban signifie "Sacrifice"; d'où: "Sacrifice
au Bab".
(21.40) "Lorsqu'on l'amena au pied du poteau d'exécution,
le bourreau leva son épée et lui donna un coup à la nuque par derrière. Le coup
ne lui fit qu'incliner la tête, et fit rouler le turban du dervish sur le sol
à quelques pas de lui. Aussitôt, comme avec son dernier souffle, il suscita une
vive douleur dans le coeur de tous ceux qui pouvaient être émus en récitant ces
versets:
"Heureux celui que l'ivresse de l'amour
A tant emporté qu'il sait à peine
Si aux pieds du Bien-Aimé
Il jette la tête ou le turban!"
(Le "Tarikh- i-Jadid", pp. 254-5.)
(21.41) "Alors qu'ils étaient prêts à commencer leur
travail de décapitation et de massacre, et que c'était au tour de Haji Mulla Isma'il
de mourir, quelqu'un vint à lui et dit: "Un tel de tes amis donnera une telle
somme d'argent pour te sauver de la mort, à condition que tu rejettes ta foi,
pour qu'ils soient ainsi amenés à t'épargner la vie. Dans ce cas de nécessité
cruelle, alors qu'il y va de ta vie, quel mal y a-t-il à dire simplement: "Je
ne suis pas Babi", pour qu'ils aient un prétexte pour te relâcher?"
Il répondit: "Si je désirais rejeter ma foi, personne ne me toucherait, même sans
argent. "Voyant qu'on le pressait et qu'on l'importunait beaucoup, il se dressa
sur ses jambes pour atteindre sa taille maximum parmi la foule et s'exclama, pour
que tout le monde l'entendît:
"Zéphir, de grâce porte de ma part un message
À cet Isma'il qui ne fut pas tué:
"Puisque je vis dans la rue du Bien-Aimé,
L'amour ne me permet pas de revenir."
(Le "Tarikh- i Jadid", pp. 253-4.)
(21.42) 1847-8 ap. J.-C.
(21.43) L'Imam Husayn.
(21.44) "Après avoir détaillé les événements que j'ai
brièvement évoqués ci-dessus, l'historien Babi commence à mettre en relief la
valeur spéciale et le caractère unique du témoignage donné par les "sept martyrs".
C'était des hommes qui représentaient toutes les plus importantes classes de la
Perse - théologiens, dervishs, marchands, boutiquiers, et officiels du gouvernement;
c'étaient des gens qui jouissaient du respect et de la considération de tous;
ils moururent avec intrépidité, volontiers, presque avec empressement, refusant
de racheter leur vie par ce simple désavoeu oral que les shi`ahs reconnaissent,
sous le nom de kitman ou de taqiyyih, comme un subterfuge parfaitement justifiable
en cas de péril; ils ne furent pas amenés à désespérer de la grâce comme le furent
ceux qui moururent à Shaykh Tabarsi et à Zanjan; et ils scellèrent leur foi de
leur sang sur la place publique de la capitale persane où se trouvent les résidences
des ambassadeurs étrangers accrédités à la cour du shah.
Et, en disant cela, l'historien babi a raison: même ceux qui parlent généralement
avec sévérité du mouvement Babi, le caractérisant de communisme destructeur de
tout ordre et de toute moralité, expriment leur compassion pour ces victimes innocentes.
L'éloquente réflexion de Gobineau à l'occasion d'une tragédie similaire, deux
années plus tard, peut très bien s'appliquer au jour de leur martyre. "Cette journée
donna au Bab plus de partisans secrets que bien des prédications n'auraient pu
le faire.
Je l'ai dit tout à l'heure, l'impression produite sur le peuple par l'effroyable
impassibilité des martyrs fut profonde et durable. J'ai souvent entendu raconter
les scènes de cette journée par des témoins oculaires, par des hommes tenant de
près au gouvernement, quelques-uns occupant des fonctions éminentes. A les entendre,
on eut pu croire aisément que tous étaient Babis, tant ils se montraient pénétrés
d'admiration pour des souvenirs où l'Islam ne jouait pas le plus beau rôle, et
par la haute idée qu'ils avouaient des ressources, des espérances, et des moyens
de succès de la secte." ("A Traveller's Narrative", Note B, pp. 175-6.)
(21.45) 11 décembre 1888 ap. J-C.
(21.46) D'après des traditions islamiques, Fatimih,
la fille de Muhammad, apparaîtra sans voile au moment où elle traversera le pont
"Sirat" au jour du Jugement. Lorsqu'elle apparaîtra, une voix du ciel déclarera:
"Détournez vos regards, ô assemblée du peuple!"
(21.47) Mirza Aqa Khan-i-Nuri, qui succéda à l'amir-nizam
comme Grand vazir de Nasiri'd-Din Shah.
(21.48) Aqay-i-KAlim, frère de Baha'u'llah.
(21.49) Secrétaire de Baha'u'llah.
(21.50) Mirza Muhammad-'Aliy-i-Nahri.
(21.51) Si "Lorsque les bourreaux eurent accompli leur
oeuvre sanglante, les spectateurs, composés de la lie du peuple, effrayés pendant
un certain temps par le patient courage des martyrs, laissèrent de nouveau leur
fanatisme féroce s'extérioriser par des outrages aux restes de ceux dont l'esprit
se trouvait désormais au-delà du champ d'action de leur malignité. Ils jetèrent
des pierres et des immondices sur les cadavres immobiles, les dénigrant et s'écriant:
"Voilà la récompense réservée au peuple de l'affection et à ceux qui suivent le
sentier de la sagesse et de la vérité!" Ils n'eurent même pas le droit d'avoir
leurs corps enterrés dans un cimetière; on les jeta dans une fosse en dehors de
la porte du Shah 'Abdu'l-'Azim, fosse que l'on remplit ensuite." ("A Traveller's
Narrative", Note B, pp 174-5.)
(21.52) "Pendant que ces événements se déroulaient
au nord de la Perse, les provinces du centre et du sud étaient profondément remuées
par les prédications enflammées des missionnaires de la nouvelle doctrine. Le
peuple, léger, crédule, ignorant, superstitieux à l'excès était frappé de stupeur
par les miracles continuels qu'à chaque instant il entendait raconter; les mullas
anxieux, sentant leur troupeau frémissant prêt à leur échapper, redoublaient de
calomnies et d'imputations infamantes; les mensonges les plus grossiers, les imaginations
les plus sanglantes étaient par eux répandus dans la populace hésitante, partagée
entre l'horreur et l'admiration." (A.L.M. Nicolas: "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le
Bab", p. 387.)