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Sommaire
1) Epoque 1
2) Epoque 2
3) Epoque 3
4) Epoque 4
5) Epoque 5
6) Epoque 6
7) Epoque 7
8) Epoque 8
9) Epoque 9
10) Epoque 10
11) Epoque 11
12) Epoque 12
13) Epoque 13
Epilogue
1) EPOQUE 1
Notre première tâche fut d'envoyer un télégramme à Shoghi Effendi, indiquant
l'heure et la date de notre arrivée, à laquelle il répondit, "Prières affectueuses
vous entourent." Nous sortons finalement de l'obscurité pour émerger dans la
lumière! Une confusion totale régna dans le bureau des télégraphes d'Unalaska
lorsque nous envoyâmes de ce coin isolé du monde, le premier câble international
et reçûmes la réponse d'Israël!
A notre arrivée, je fus accueilli sur les docks par la question suivante d'un
missionnaire local, "Etes-vous chrétien, monsieur ?" à laquelle je répondis,
"oh oui, et aussi musulman et bouddhiste, monsieur." Ma remarque troubla infiniment
cette chère personne qui raconta aux autres que nous étions venus leur enlever
le Christ et que nous n'étions pas des chrétiens. Qu'est-ce qu'un chrétien ?
Je crois que c'est celui qui aime et adore le Christ vivant et s'efforce avec
tout son coeur de suivre Ses enseignements, qui sont les enseignements de Dieu.
Avec amour et tendresse, Baha'u'llah nous a conduits à la fontaine des enseignements
chrétiens, et à l'adoration de cet Esprit béni de Dieu, Jésus Christ. Je rendis
plusieurs fois visite à ce missionnaire pour le convaincre de la nécessité pour
nous de montrer l'harmonie, l'amour et l'unité de base de la religion de Dieu.
Il soutenait que j'en avais uniquement après les membres de sa congrégation,
qui étaient tout au plus trois ou quatre personnes.
Il me fit finalement comprendre que je n'étais pas le bienvenu dans son église,
même pas pour prier avec eux. Dieu sait que j'ai fait tous les efforts possibles
pour établir l'amour, l'harmonie et l'unité entre nous. Mais je ne reçus en
retour de mes efforts que la pire forme de diffamation. Je souffris en silence,
et tournai mon coeur et mon âme vers Dieu, l'Aide suprême. La vie de ce missionnaire
prit fin un beau jour calme et ensoleillé où il partit dans son petit bateau
en mer. Le bateau se renversa et il se noya. Cela survint la quatrième année
de notre arrivée sur l'Ile.
La diffamation et la haine dirigées contre nous avaient atteint leur paroxysme.
Nous réussîmes néanmoins à louer une maison et mîmes en oeuvre la perspective
de nous installer sur la terre Aléoutienne de façon permanente. Je trouvai du
travail comme agent de sécurité et ramasseur de poubelles dans le bar local,
Elaine lavait les verres de bière sales. Mais je quittai ce travail dès que
le missionnaire m'accusa d'en priver un pauvre
autochtone.
Nous commençâmes donc notre premier hiver en ayant comme unique ami, le maire
de la ville, sans travail ni aucune perspective d'en avoir, sans revenus, une
maison exposée au vent qui y soufflait continuellement. Je passais mes journées
à pêcher pendant que ma femme s'occupait des enfants, coupait du bois de flottaison
pour le fourneau et faisait la lessive comme elle le pouvait à la main.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous étions glorieusement plus heureux
à l'époque que nous ne l'avions jamais rêvé ; nous étions intimement unis et
très proches. Les soirs, lorsque les enfants dormaient, nous priions très fort,
nous avions appris la valeur et la réalité du vrai mariage spirituel.
Je voudrais partager avec vous le secret d'un mariage réussi. Comme le dit ma
femme, le plus grand psychiatre ou conseiller conjugal, c'est le livre de prières.
J'ai découvert une grande sagesse auprès d'Abdu'l-Baha. Comme nous le savons
tous, dans ses enseignements, Baha'u'llah nous dit que lorsqu'une erreur a été
faite, on doit la corriger, c'est la raison pour laquelle le divorce est permis,
Abdu'l-Baha, dans ses éclaircissements, dit qu'après une année de séparation,
si l'amour n'a pas été rétabli, le divorce peut être accordé, mais alors "Gare
à celui qui en est la cause." Si une erreur manifeste a été faite et que deux
personnes sont incompatibles, personne n'est en cause, aucun des deux mariés
n'a alors rien à craindre de la malédiction de Dieu.
Prenons une situation typique de la vie : ma femme est en colère et m'assène
un coup de poêle sur la tête. A mon tour de me fâcher et de me ruer hors de
la maison en claquant la porte, qu'elle s'empresse de fermer derrière moi. Avant
d'arriver au bout de notre pâté de maison, cet avertissement, "Gare à celui
qui en est la cause" , fait battre mon coeur. Je fais le voeu de ne pas être
celui qui serait responsable de l'échec de notre mariage. Par conséquent, je
retourne à la maison. Ma femme, animée des même pensées, a déjà ouvert la porte.
Je vous le demande, comment peut-on avoir des problèmes dans le couple si les
deux partenaires aiment et craignent Dieu si entièrement que chacun des deux
fait plus de la moitié du chemin vers la solution de leurs problèmes ? Louange
et grâces soient rendus à Dieu pour la sagesse d'Abdu'l-Baha !
"Comment pouvez-vous prétendre croire sans vouloir être testé ?" "Avec le feu,
nous éprouvons l'or." Si l'or ne subit pas l'épreuve du feu, comment pourrait-il
être débarrassé de ses impuretés mettant ainsi en évidence l'or pur et resplendissant
du coeur humain. L'hiver de cette année de l'E.B. 109-110 (1954), qui tirait
à sa fin, fut le plus rude qu'on ait connu au cours des dix années qui suivirent.
J'avais construit un petit bateau d'à peu près quatre mètres de long pour aller
pêcher. Mais quand les éléments de la nature se déchaînèrent, mon bateau devint
inutilisable. A la fin de notre deuxième mois sur les Iles Aléoutiennes, nous
avions de la neige jusqu'aux avant-toits de la maison. J'étais dans le salon
en train de raccommoder un vieux filet de pêche usé que j'y avais accroché et
que j'avais déjà déchiré et raccommodé. Entre le salon et la cuisine, nous avions
suspendu une couverture pour contenir dans la cuisine, pour ma femme et les
enfants, le peu de chaleur produite par notre petite cuisinière au bois. Le
vent froid qui soufflait dans le salon était si rigoureux et glacial qu'au bout
de chaque quinze minutes, je devais abandonner mon ouvrage pour aller me dégeler
dans la chaleur de la cuisine. De la sorte, mon filet restait suspendu inachevé.
Au cours de cette période, nous avions écrit au Gardien au sujet de la quasi-pénurie
alimentaire que nous connaissions et de l'absence de toute promesse de travail
sans toutefois mentionner le fait que nous n'avions plus d'argent non plus.
Mais dans cette atmosphère infaillible divinement inspirée qu'il baigne, Shoghi
Effendi était en mesure de lire entre les lignes de notre correspondance et
tendre la main vers - non seulement nous mais tous les autres à travers le monde
qui nous ont raconté leurs histoires, pour nous relever, nous épousseter, en
nous envoyant les encouragements susceptibles de nous guider comme nous en avions
si cruellement besoin. Tel était notre cas à cette époque.
Nous reçûmes une lettre d'Amatu'l-Baha signée par Shoghi Effendi nous demandant
d'accepter de l'aide de l'Assemblée spirituelle nationale des Etats-Unis. Après
avoir dit des prières par lesquelles nous nous sommes profondément interrogés,
nous répondîmes en argumentant que nous ne voudrions pas prendre de l'argent
d'un fonds auquel nous désirions très fort contribuer. Pour nous, cela était
inconcevable, nos coeurs débordant de joie et de gratitude, nous suppliâmes
d'avoir la force de faire ce sacrifice pour servir d'exemple à notre famille
baha'ie qui se trouve sur le front intérieur, afin qu'ils puissent suivre nos
pas et éponger définitivement ce déficit qui faisait continuellement ombre aux
glorieuses victoires enregistrées.
Le problème de subsistance atteignit bientôt son point culminant. Un jour, Elaine
(qui marche dans la voie spirituel d'un pas pratique) attira mon attention sur
le fait que nous n'avions plus d'argent, presque plus de nourriture, et qu'il
serait impossible de tenir le coup jusqu'à la fin de l'hiver. Nous nous assîmes
ensemble
cette nuit-là dans un esprit de prières et de méditation tel qu'en y pensant
encore aujourd'hui, mon âme en est transportée. Nous primes la décision de commencer
à nous rationner dès le lendemain. Comme les enfants ne participaient pas à
cette prise de décision, ils seraient nourris normalement, Quant à Elaine et
moi, nos repas seraient rationnés pour que nos réserves durent jusqu'au printemps.
Comment pourrais-je décrire la joie et le bonheur de cette nuit-là ? Mon âme
chantait et mes pensées, au moment où je m'endormais, étaient qu'enfin, il m'était
possible de sacrifier quelque chose pour mon Bien-Aimé, Encore aujourd'hui où
j'écris ces mots plusieurs années plus tard, ce désir de sacrifice n'a pas été
satisfait. Ainsi, je peux en toute confiance dire qu'il est impossible de sacrifier
quoi que ce soit pour la Cause de Dieu. Tout juste parce qu'on en a fait l'effort,
des myriades d'océans de bienfaits sont déversées sur vous. C'est mon expérience
qui me permet de dire ces mots qui ne découlent pas simplement d'un idéalisme
exalté. Quoi qu'il en soit, la tempête se calma au cours de la nuit et trois
longs mois rigoureux plus tard, le calme revint totalement.
Le lendemain matin, je fus réveillé par des coups frappés à la porte. En allant
ouvrir, je trouvai en face de moi le superintendant du Standard Oïl Company,
située sur l'Ile voisine d'Amaknak (mieux connue sous le nom de Dutch Harbour).
Il m'expliqua que la tempête avait emporté les fils électriques. Il avait appris
que j'étais ingénieur en électricité et voulait savoir si je voudrais bien être
employé à les réparer, J'acceptai immédiatement, demandai à Elaine de préparer
le petit déjeuner - et ainsi se terminèrent nos rations de famine avant même
qu'elles n'eussent commencé.
Il me restait pourtant une autre forme de famine à satisfaire eu égard à la
cause de Dieu. Il me fallut expliquer honnêtement au superintendant que l'ingénieur
en électronique que j'étais, avait été formé pour dessiner des circuits d'ordinateur,
et non pas pour travailler sur le terrain mais que j'étais sûr de pouvoir faire
le travail... Ce que je fis, même si au début, j'ai mis les pôles à l'envers,
n'en ayant jamais vu auparavant.
De ce premier travail à Dutch Harbour. je passai à un autre et ainsi de suite.
Quand finalement le printemps arriva, j'avais fini de creuser les tranchées
et d'enterrer les fils électriques dans toute l'Ile Amaknak. En outre, au cours
du printemps, tous les bateaux de pêche remontaient vers le nord et il semblait
que tous ces bateaux qui passaient dans notre baie, avaient quelque chose de
cassé qu'il fallait réparer. Je me fis une réputation de bon réparateur qui
fut propagée par les ondes, tant et si bien que, rapidement, j'avais plus de
travail que je ne pouvais en gérer. Ce premier automne fut notre point le plus
bas sur l'échelle économique et depuis, la courbe ne cessa de monter.
Notre plus beau cadeau au cours de ces premiers mois fut de loin l'assurance
reçue d'Amatu'l-Baha que l'esprit qui nous animait avait rendu le Gardien heureux.
Pour ma part, ce fut le plus grand accomplissement de ma vie; grâce à Dieu,
l'Aide suprême, nous avons fait la dernière volonté d'Abdu'l-Baha en touchant
par un peu de bonheur le grand coeur de Shoghi Effendi, dont le battement radieux
était en harmonie avec la cause de Dieu. Lorsque Sa cause connaissait des victoires,
il était heureux et quand il était informé des cas de division, de défaite et
d'actions négatives de la part des croyants, il devenait si malheureux qu'il
en était incapable de manger.
A chaque baha'i d'aujourd'hui et de demain, je veux dire ceci du fond du coeur
: que chacun de nous lutte de tout son coeur et de toute son âme pour être véritablement
et réellement un baha'i dans ses pensées et ses actes. Ainsi, non seulement
ne salirons-nous plus jamais la robe blanche immaculée de la Perfection Bénie,
mais également, nous comblerons de bonheur et de délices cette emblème unique
de Dieu, Shoghi Effendi, dans le royaume de gloire où il demeure actuellement.
Un autre incident démontre comment Shoghi Effendi gardait toujours son doigt
sur le pouls du monde. Après avoir prié et consulté, nous avions décidé de proclamer
ouvertement la foi aux cinquante familles qui vivaient dans notre coin du globe.
Personne d'autre que ma femme et moi n'était au courant de notre projet.
Une fois encore, sortie des nuages, une lettre de Shoghi Effendi nous parvint
disant ce qui suit : Ne faites aucune proclamation ouverte du message de Dieu
dans cet endroit ; attendez d'avoir confiance en eux et de gagner leur confiance
puis progressivement confirmez-les dans la Cause de Dieu. Oh, nos louanges et
remerciements montèrent vers Dieu pour le don radieux qu'Il nous a fait de la
sagesse de notre Gardien. Mon coeur bat d'émerveillement et d'étonnement, car
maintenant, en regardant en arrière, je peux honnêtement affirmer que si nous
avions ouvertement fait une proclamation de Son message à l'époque, on nous
aurait chassés de l'île et les portes auraient été fermées pour longtemps. Ainsi,
grâce à l'intervention et à la sagesse de notre bien-aimé
Shoghi Effendi, les portes restèrent ouvertes et au fil des ans, nous prîmes
profondément racines. La haine céda la place à la tolérance, la tolérance à
l'acceptation et finalement l'amour et le respect mutuels s'établirent. Même
aujourd'hui, ces peuples aléoutiens connaissent très lentement la confirmation
dans la cause de Dieu.
2) EPOQUE 2
L'été de 111 E.B. (1955) fut une période d'intenses activités. Nous avions besoin
d'un meilleur logement pour la famille. Comme nous avions fait tout ce voyage
en bateau uniquement dans le but de servir la cause de Dieu, nous nous sommes
dit, pourquoi ne pas construire un centre baha'i qui nous servirait de logement
dans le présent et à la Foi dans le futur ? Nous achetâmes un lopin de terre
pour $ 150 dans le meilleur coin de ville et trois vieux bâtiments de l'armée
à $ 2.50 chaque, et nous mîmes au travail. Nous savions que si nous voulions
rester sur place tout le long de la Croisade des Dix ans, nous devions nous
assurer un travail permanent. Nous montâmes donc une entreprise de conserve
de poisson. Disposant d'un filet de 64 mètres, d'un petit bateau de pêche, d'une
vieille base militaire abandonnée qui nous a été accordée, ma femme et moi démarâmes
en étant les seuls employés de l'entreprise.
Nous commencions la journée à 4 heures du matin et la terminions entre 10 et
10. 30 heures du soir. La journée se déroulait de la manière suivante : je sortais
du lit à 4 heures du matin pour partir en mer dans mon petit bateau. Lorsque
je trouvais un banc de poissons, je jetais mon filet que je tirais ensuite jusqu'à
terre afin de le charger sur mon bateau et retourner à la conserverie. Entre-temps,
Elaine habillait les enfants, nettoyait la cabine, lavait les couches et autre
lessive dans l'eau qu'elle prenait dans la rivière. Pendant que je portais les
saumons sur mon dos jusqu'à la conserverie, elle préparait le petit déjeuner.
Le petit déjeuner pris, je me mettais à nettoyer les poissons et Elaine faisait
la vaisselle, après quoi elle partait avec les enfants chercher du charbon.
Envoyer les enfants, qui étaient alors âgés de cinq, trois et un ans, chercher
du charbon, valait de loin mieux que d'engager quelqu'un pour les garder. Lorsqu'après
la guerre, l'armée dut quitter l'Ile, ils avaient enfoncé le charbon en excès
dans le sol en roulant dessus avec leurs bulldozers. La tâche des enfants consistait
à gratter le sol pour déterrer ce charbon. Il est aisé d'imaginer la quantité
de charbon qu'ils arrivaient à ramasser. Les garçons jouaient plutôt au loup
ou construisaient des châteaux de sable. Ils mettaient ainsi toute la journée
à remplir un seau qui pouvait normalement être rempli en dix minutes. Mais la
présence du seau qu'il fallait remplir les empêchait de trop s'éloigner !
Quand Elaine en finissait avec les enfants, elle me rejoignait dans la conserverie
pour couper les poissons qu'elle disposait dans les boîtes de conserve. Ensuite,
je finissais le travail par diverses opérations qui consistaient à sceller les
boîtes à la main sous vide et à faire cuire les conserves sous pression. Avec
nos quarante-deux caisses, soit 2016 boîtes de conserve de saumon fabriquées
la première année, nous venions de créer une industrie. Je faisais parallèlement
du travail en électronique et chaque sou gagné était réinvesti dans le centre
baha'i et la conserverie.
La première fois qu'il nous fallut utiliser notre salle de bain à la conserverie
fut une expérience bien amusante et intéressante. Non loin de la conserverie,
du coté de la mer, se trouvait un vieux bassin. Pour gagner du temps et dépenser
le moins d'énergie, j'eus l'idée de creuser un trou dans le dock et d'y construire
une, dépendance. L'endroit était vraiment magnifique - la vue s'étendait au-delà
de la baie sur les montagnes, et parfois, on voyait mêmes des requins, des dauphins
et des otaries nageant dans l'océan à la recherche du nourriture. J'aménageai
également deux trous dans le but qu'ils servent à deux enfants à la fois afin
qu'Elaine eût moins à courir.
En théorie et pour la belle vue, tout était parfait. mais en pratique c'était
tout autre affaire ! Mais voyons ce qu'il en est pratiquement. Pour commencer,
les deux sièges furent un échec à cause du climat venteux et après la première
utilisation de mon chef-d'oeuvre par Elaine, il me fallut aller clouer une nouvelle
planche sur le deuxième trou. Le vent qui soufflait de la mer venait balayer
le dock arrachant le papier disposé sur l'un des trous, lequel était happé par
l'autre trou d'où il ressortait en vous frôlant la tête au passage avant de
s'envoler par la porte.
Quant à la belle vue, personne n'eut jamais l'occasion d'en profiter, car, le
vent venant de la Mer de Bering apportait dans notre coin toilette une douche
froide gratuite. Je vois encore mon épouse partir comme une flèche vers la dépendance,
tenant deux gamins par la main de chaque côté, les cheveux au vent. la tête
rejetée en arrière, filant dans le vent. Elle essayait de répondre au besoin
urgent des enfants, courant comme une gazelle dans le désert. Je suis sûr que
si le primitif en elle n'avait pas cédé le pas au moderne, elle aurait été capable
de soutenir les compétitions olympiques les plus acharnées et s'en serait toujours
sortie en tête.
En l'an 112 ·E.B·. (1956), ma femme attendait un bébé et le centre médical le
plus proche se trouvait à Anchorage à 1280 km. I1 n'y avait ni médecin ni infirmier
dans notre ville. J'étais d'autant plus préoccupé du bien-être de ma femme que
pour les trois premières grossesses elle avait bénéficié du meilleur suivi médical.
A peu près à la même période, je reçus une offre d'emploi dans mon ancienne
branche, l'électronique, assortie d'un choix entre les villes d'Anchorage, Kodiak
et Fairbanks. Cette offre semblait être une réponse à nos prières, car en plus
du salaire confortable et d'une indemnité de coût de vie de 25 % proposé, nous
bénéficierions d'une couverture médicale, du logement et du transport gratuits.
Il me suffisait de signer un contrat d'un an pour obtenir tout cela.
Le Gardien nous avait demandé de n'abandonner notre poste sous aucun prétexte,
sauf en cas de force majeure, Mais avant de prendre toute décision nous devions
lui écrire en lui expliquant en détails nos raisons. Conformément à cette recommandation,
je m'assis pour étaler sur le papier tout ce que me dictait mon coeur ; j'expliquai
les difficultés financières qui m'empêchaient d'envoyer ma femme accoucher à
l'hôpital, la proposition d'emploi, qui nous permettrait de revenir un an plus
tard avec suffisamment d'argent pour nous installer pour de bon. Si j'avais
eu la capacité d'anticiper, je n'aurais jamais écrit cette lettre. J'étais absolument
certain que Shoghi Effendi allait nous dire de partir (avec sa bénédiction)
mais grâce à Dieu, il n'en fit rien. L'essentiel de sa réponse était qu'il préférerait
que nous restions sur place. Mon coeur fut instantanément apaisé par sa réponse,
Elaine aussi était heureuse parce qu'elle avait envie d'accoucher dans des conditions
naturelles.
Je suis satisfait de la volonté de Dieu - ma satisfaction cache dans ses profondeurs
un océan de bonheur sans limites ! Hélas, seuls ceux d'entre nous qui se plongent
complètement et sans réserves dans cet océan peuvent connaître l'existence des
trésors cachés dans ses profondeurs. Je n'ai le moindre espoir de dire ni d'écrire
un seul mot qui puisse toucher aucun autre coeur par cette vérité. Tout ce qu'il
m'est possible d'ajouter dans mon état actuel de saisissement, d'adoration et
d'amour complets devant les bienfaits de Dieu, est, "Gloire, Gloire, Gloire
à Toi, Seigneur !" Aucune louange ne peut jamais exprimer adéquatement la gratitude
due au plus petit de Ses bienfaits infinis et encore moins au plus grand don
de satisfaction face à Sa volonté et à Son plaisir.
Me sentant entièrement indigne de vous décrire, cher lecteur, comment je ressentais
la proximité de Dieu, j'eus l'idée d'en finir avec ce travail et de détruire
mon manuscrit. Si tous les bâtons du monde étaient transformés en stylos et
tous les océans en encre, et toute l'humanité en écrivains; il nous serait encore
impossible d'élucider la moindre manifestation de cette réalité. Pourtant, si
impuissant et incapable que je sois, une force irrésistible que je ne peux expliquer
ni comprendre, m'oblige à continuer car je dois raconter cette histoire jusqu'au
bout. Mon plus cher espoir est que vous priez pour moi et que vous soyiez indulgents
pour mes défauts afin que je me réjouisse d'apporter un peu de bonheur et de
lumière dans vos coeurs. Si je peux arriver à cela, mes efforts n'auront pas
été vains.
Pour l'accouchement, nous nous sommes assurés les services d'une sage-femme
indigène, de très loin plus compétente que nombre de docteurs en médecine. Nos
voisins nous portaient désormais un respect et une admiration sans réserve.
Elaine allait accoucher dans les mêmes conditions que les femmes du pays. A
cette période de l'histoire de l'humanité, le miracle de la naissance d'une
nouvelle vie était relégué au niveau d'une routine hospitalière efficace, froide
et stérile, comme nous l'avions expérimenté lors de la naissance de nos trois
premiers garçons. Quand ma femme me disait que les douleurs commençaient, ma
réaction consistait à la conduire vite à l'hôpital.
Là, on l'emmenait dans le dédale de ce grand édifice, vers quoi, je n'en savais
rien. Il m'était néanmoins évident que si les docteurs et le personnel de l'hôpital
ne pouvaient pas l'assister, ce n'était pas moi qui pourrais le faire. Par conséquent,
je me retrouvais dans une salle d'attente à lire, somnoler ou autre, ignorant
tout de l'effarant drame qui se déroulait. Plus tard, une infirmière venait
m'annoncer que j'avais un fils, que je pouvais apercevoir à travers la vitre
d'une grande paroi si j'en avais envie. Quant à ma femme elle se reposait et
on m'informait que je pourrais aller la voir le lendemain.
Cette fois-ci, j'étais avec ma femme, il m'était impossible de la quitter des
yeux. Elle s'accrochait à ma main. Elle avait si désespérément besoin de moi,
et je réalisais combien j'avais si désespérément besoin d'elle. Les battements
de mon coeur n'avaient jamais atteint les profondeurs qu'ils atteignaient alors,
tant l'amour, la tendresse et par-dessus tout, la compassion que je ressentais
pour ma femme, étaient profonds. Notre mariage était une belle réussite, aussi
bien sur le plan spirituel que physique. Cet accouchement aurait-il duré plus
longtemps, mon coeur aurait défailli et je me serais évanoui à coup sûr.
Le bébé naquit dans sa poche d'eau. Ma femme m'assura que cet accouchement fut
plus facile que les trois précédents. Dieu nous donna la fille que nous désirions,
à qui nous donnâmes le nom de Layli, du nom de l'héroïne du conte rapporté dans
Les Sept Vallées , selon lequel, l'amoureux chercha n'importe où sa bien-aimée
dans l'espoir de la trouver. Layli, (celle qui est pure d'esprit), arriva dans
notre vie comme un signe de reconnaissance de notre obéissance. Dans les quelques
minutes qui suivirent sa naissance, je la tenais dans les mains. J'observais
ce visage précieux et minuscule, elle était belle du fait d'être née dans la
poche d'eau.
Mon coeur se gonfla de prières de remerciement et de gratitude et du plus profond
de mon âne, je suppliais Dieu de l'accepter comme une vraie servante de Sa cause.
A peine cette prière fut-elle exprimée dans mon coeur que je vis cette petite
face s'illuminer d'un sourire si radieux que j'eus comme la confirmation que
ma prière avait été entendue. Je savais cependant qu'elle avait un effort personnel
à faire pour parvenir à cette glorieuse destinée.
Je portai ensuite ma femme, que j'aimais plus entièrement et tendrement que
jamais, dans son propre lit; où je lui donnai notre nouveau et précieux paquet
de pure lumière spirituelle. Je ne pouvais rêver d'aimer davantage ma femme,
et au fil des années, cet amour ne put que s'approfondir et le jour où il cesserait
n'est pas près de se lever.
Un jour où je décris tout ceci à un ami baha'i très proche, il dit "Caldwell,
je n'y comprends rien ! Quand ma femme met au monde un bébé, elle met au monde
un bébé, c'est tout - mais dès qu'il s'agit de ta femme, cela devient une expérience
spirituelle !" Depuis, j'ai maintes fois réfléchi à cette remarque. Si j'avais
été capable de prévoir cette gigantesque expérience spirituelle qui m'avait
si profondément secoué, je n'aurais jamais écrit au Gardien pour lui demander
la permission de partir. Non seulement l'enfant de mon obéissance était né,
mais en plus, je n'aurais pas échangé ces précieux moments de l'accouchement
de notre fille contre le monde entier et tout l'or qu'il contenait.
Je voudrais relater ici quelques incidents au centre desquelles se trouvaient
nos enfants, survenus au cours de notre séjour à Unalaska.
Ma Layli Roshan, vers l'âge de deux ans, dit un soir où nous prenions notre
dîner en parlant de Dieu, "Papa, je sais où Dieu se trouve"
Je lui répondis, "Chérie, Papa aimerait savoir"
"J'ai peur".
"N'aie pas peur, Papa ira avec toi."
Alors, elle descendit de sa chaise, prit ma main et me conduisit au salon où
elle me montra la photo d'Abdu'l-Bahà en me disant, "voilà Dieu"
Notre fils aîné à cinq ans environ, regardant un jour par la fenêtre deux petits
bateaux qui faisaient la course dans la baie, s'écria avec enthousiasme, "super
! venez voir la "race" humaine !"("Race" veut aussi dire "course" en anglais).
Les années passèrent. La conserverie s'était considérablement agrandie et en
l'an 112 E.B. (1956-7). nous achevâmes la construction du centre baha'i. Le
Gardien informé, considéra cela comme l'accomplissement d'un but auxiliaire
de la Croisade de Dix ans. Au cours de cette année, un ange de Dieu nous rendit
visite pour l'inauguration de centre, qu'il dédia au service de l'humanité.
Il s'agissait de Florence Mayberry, que je rencontrai pour la première fois
à Oklahoma.
Nos chemins se sont de temps en temps croisés depuis, et à chaque rencontre,
j'avais le sentiment d'entrer en contact avec une étoile brillante qui remplissait
mon coeur de lumière et de chaleur. Je la connais comme une personne dont chaque
acte, chaque pensée, est dédiée au service de la cause de notre Bien-Aimé. Je
pourrais volontiers mourir pour elle. Un autre événement important de cette
période fut la traduction en langue aléoutienne de la prière, "Béni est le lieu",
par un natif aléoutien Siméon Pletnikoff, qui devint plus tard baha'i. Le Gardien
mentionna également cet accomplissement comme un but auxiliaire de la Croisade
de dix ans.
3) EPOQUE 3
NOTRE GARDIEN, dans sa lettre du 30 juin 1952, avait averti les baha'is du monde
que suite à des troubles futures imprévisibles., ils auront à subir une épreuve
résultant d'une séparation temporaire du coeur et du centre nerveux de leur
foi... Nous les baha'is du monde recevions directement des directives infaillibles
de la source même de la nouvelle révélation de Dieu. A partir du jour où Sa
Sainteté le Bab eut son tête-à-tête avec Mulla Husayn à qui, pour la première
fois, il se révéla, jusqu'à ce jour fatal de l'E.B. 113 (5 novembre 1957), où
notre bien-aimé Commandant en Chef, coeur de lion, plein d'abnégation, s'envola
vers les royaumes des cieux, nous n'avions jamais été seuls, Ils ont toujours
été là pour nous guider, à commencer par le Bab, puis Baha'u'llah, suivi par
le Maître et finalement, le Gardien.
Je me rappelle très bien comment, à la réception de ce message, nous anticipâmes
tous sur ce que cela pouvait signifier. Aucun tremblement de terre n'aurait
pas un choc d'une telle ampleur que cette perte. Une perte imprévisible, qui
nous donna le sentiment d'avoir été complètement abandonnés ! Oui, nous avions
toujours le Gardiennat pour nous conduire encore pendant au moins 900 ans. Oui,
nous avions toujours les plans pour les actions immédiates à mener, Oui, grâce
à Dieu, nous avions ceux qui étaient nommés les Mains de la Cause de Dieu, ces
vaillants généraux formés par Shoghi Effendi lui-même.
Pourtant, de 113 à 119 E.B. (1957-1963) - pendant six longues années atroces
- cette séparation temporaire du centre de notre foi, comme l'avait prédit Shoghi
Effendi lui-même, fut en vérité pour certains de nous, une séparation plus totale
qu'on ne pouvait t'imaginer. Notre coeur s'est remis à battre finalement en
119 E.B. (1963) - à la formation de la première Maison universelle de Justice,
lorsque le lien avec la divine infaillibilité fut de nouveau renoué.
A la réception du télégramme nous annonçant le décès de Shoghi Effendi, et nous
basant sur les derniers messages qui nous étaient parvenus de sa part, ma femme
et moi fîmes le voeu de lui rendre hommage à notre façon en accomplissant dans
les moindres détails ses espoirs, ses désirs et ses dernières volontés qu'il
voudrait nous voir accomplir. Après analyse sérieuse, il nous apparut clairement
que nous faisions tout ce qui était en notre capacité. Pourtant, après avoir
sincèrement prié et médité, nous nous entendîmes sur un point supplémentaire.
Dans un message à la communauté américaine, le Gardien avait lancé l'appel aux
baha'is de raviver cet esprit pionnier qui nous avait poussés à nous lancer
dans la glorieuse Croisade de Dix ans. Notre décision fut que je partirais aux
Etats-Unis en vue de sillonner en long et en large les Etats dans l'unique but
d'aider à faire renaître cet esprit chez les amis baha'is.
Il n'est pas nécessaire de partir loin de chez soi dans un pays étranger pour
être animé de cet esprit. Cette station peut être atteinte simplement et facilement.
En voici la recette : placer la Cause de Dieu avant tout autre chose. C'est
tout. On peut écrire des piles de volumes sur la question, mais ce ne sera que
pour aboutir à cette simple proposition. La Cause de Dieu, d'abord et par-dessus
tout.
Examinons maintenant cette proposition. On n'a pas besoin d'abandonner sa famille
ni quoi que ce soit. En fait, la famille, le travail, et autres prennent une
importance précieuse, puisqu'ils reposent tous sur cette fondation solide qu'est
la Cause de Dieu. L'esprit pionnier n'est pas une question de position dans
l'espace mais une attitude, une relation à notre Dieu. Je connais des soi-disant
pionniers qui, partis à des endroits très éloignés, sont retournés chez eux,
désillusionnés et découragés, car la Cause de Dieu n'était pas leur première
motivation. D'autres pionniers, qui ne sont allés que dans des villes voisines,
ont été si entièrement transformés et remplis de l'amour, de l'émerveillement
et du pouvoir de Dieu que, lorsque je converse avec eux, j'ai l'impression d'avoir
conversé avec des anges célestes.
Je partis pour mon voyage d'enseignement, laissant ma précieuse femme tenir
la garde à la maison. Comme nous avions dépensé chaque sou que nous gagnions
pour la construction de notre Centre baha'i ou le développement de notre conserverie,
nous avions peu d'argent, mais comme le dit Baha'u'llah, Mets toute ta confiance
en Dieu. Je dépensai tout l'argent dont je pouvais disposer pour acheter un
ticket aller et retour pour Seattle. A mon arrivée à Anchorage, les amis baha'is
organisèrent des rencontres d'enseignement pour moi dans cette ville. Nous n'avions
rien dit à personne sur nos conditions financières difficiles et encore une
fois,nous avions refusé l'aide financière provenant des fonds baha'is des Etats-Unis.
Malgré cela, une amie très aimable m'approcha en insista sur le fait qu'elle
ressent la nécessité incontrôlable et inexplicable de m'aider financièrement.
Dieu aide qui Il veut, toutes louanges à Dieu, le Seigneur de tous les mondes
Je ne m'étendrai pas sur ce voyage puisque j'en ai parlé plus longuement ailleurs.
il suffit de dire que son argent m'a servi à acheter une vieille voiture et
une carte de crédit. Le coeur débordant d'amour pour Dieu, assuré du soutien
de ma femme restée à Unalaska, je partis sur les routes en hommage à notre Gardien.
Nous apprîmes plus tard que ce seul voyage stimula le départ de plusieurs nouveaux
pionniers pour la dernière phase de la Croisade de Dix ans.
Au cours d'un autre voyage d'enseignement en 115 E.B. (1959), je parcourus l'Alaska
et tout l'ouest du Canada en réponse à la suggestion des Mains de la Cause de
Dieu résidant en Terre Sainte. Je portai une attention spéciale aux Indiens
et aussi aux Iles Queen Charlottes. Je terminais ce périple en enseignant à
l'école d'été baha'ï de Geyserville, en Californie.
La conserverie continuait de grossir. Il nous était possible d'engager tous
les locaux qui voulaient travailler, et nous tournions désormais sans interruption
presque toute l'année.
Dans nos projets élaborés à cette grande conférence de Chicago en 109 E.B. (1953),
il était question pour nous de participer à la fin de la Croisade de Dix ans
à la Conférence mondiale qui devrait être tenue à Bagdad. Le lieu de la conférence
fut transféré à Londres mais je crains que ma femme et moi soyons de piètres
épargnants. En calculant ce que nous devrions avoir mis de côté au début de
119 E.B. (1963), l'année de la conférence, par rapport à ce que nous avions
économisé durant toute la période de la Croisade de Dix ans, j'arrivai à la
conclusion qu'il nous faudrait compter trente et un ans pour épargner les fonds
nécessaires pour payer notre voyage.
Face aux divers temples à construire, en Amérique du Nord, en Afrique, en Australie
et en Allemagne, à l'achat d'un terrain du temple en Alaska, aux différents
fonds à alimenter en Alaska, au Centre mondial et ailleurs, il nous semblait
que tout l'agent qui n'allait pas dans notre industrie ou dans notre fonds local,
devait selon notre conscience aller à notre Foi bien-aimée.
Ma femme (sens pratique) et moi (sens spirituel) ne ruminions plus ce genre
de question. Nous décidâmes de faire le voyage. Et tout naturellement, nous
nous envolâmes avec nos quatre enfants vers Londres. J'avais fait le tour de
plusieurs compagnies aériennes pour trouver celle qui accepterait de nous vendre
les billets d'avion à crédit. Ce fut de cette manière que j'ai pu participer
à trois conférences historiques : la première à Chicago en 109 E.B. (1953).
Je pus participer à la seconde juste parce que je souhaitais apporter un plus
à la mémoire de notre Gardien ; l'Assemblée spirituelle nationale m'a tracé
un itinéraire qui me permit d'être à Chicago en 114 E.B. (1958) - mon coeur
déborde de gratitude pour cette bénédiction - et bien sûr, en 119 E.B. (1963),
j'étais à Londres.
J'eus une expérience étrange et émouvante durant notre première nuit à Londres.
Lorsque midi sonne à Unalaska, il fait nuit à Londres. Ma famille s'adapta très
bien au décalage horaire si bien que très vite tout le monde dormait profondément
à l'hôtel, sauf moi, mon corps ne voulant pas coopérer. Au milieu de la nuit,
j'étais encore tout éveillé, couché sur mon lit. Puis j'eus une envie irrépressible
de me lever, de m'habiller et de traverser tout Londres jusqu'au Royal Hôtel.
Malgré la réticence de ma raison qui me dictait que c'était pure folie et que
tous les baha'is descendus à Royal Hotel seraient tous couchés, le désir de
mon coeur eut le dessus. Par conséquent, à 2h 30 du matin, j'arrivai à cet hôtel
en taxi et comme ma raison l'avait prévu, tout le monde
dormait. J'entrai dans le hall d'accueil où régnaient l'obscurité et le calme.
Quelques veilleuses éclairaient faiblement le comptoir. Je m'assis dans cet
hôtel en pensant avec joie que presque tous ceux qui y dormaient
aimaient Baha'u'llah.
L'un des portiers vint à moi et me demanda si j'étais un des baha'is qui étaient
là, et lorsque je l'assurai que j'en étais un, il me demanda si je pouvais lui
expliquer l'étrange expérience qu'il était en train de faire. Il me raconta
qu'à tous les étages où il s'arrêtait, il voyait un homme d'une très grande
dignité, toujours le même, portant une barbe blanche et des habits d'un blanc
crème, qui faisait les cent pas dans le hall de l'hôtel.
Je lui expliquai qu'il y avait là plusieurs personnes venant de différentes
parties du monde et qu'il était possible qu'il ait vu des personnes différentes
vêtues de la même façon. J'ajoutai que de même que cela m'arrivait, le décalage
horaire avait dû empêcher d'autres personnes de trouver le sommeil. Mais il
insista qu'il s'agissait toujours du même homme.
Il oublia vite son étrange expérience, notre conversation prenant un autre tour
en ceci que je lui tendis la coupe de vie des enseignements de Baha'u'llah.
Il invita l'autre portier à se joindre à nous et tous deux s'assirent sur le
tapis à mes pieds. Ensemble, nous goûtâmes au vin de l'étonnement, et notre
conversation pure et intime ne fut interrompue qu'une seule fois lorsque le
beau garçon spirituel alla porter du thé et des gâteaux à la cuisine.
Notre conversation se poursuivit jusqu'à l'heure où le métro recommençait à
circuler et au moment où je m'en allais vers la station de métro, dans les rues
quasi désertes de Londres, le jeune homme était resté debout dans la rue à me
suivre du regard. Et lorsque je me retournais pour le voir, il agitait la main.
Je crois que si je l'avais invité à partir avec moi, il aurait abandonné son
travail à l'hôtel et m'aurait suivi jusqu'au bout du monde, tant nos coeurs
avaient été touchés de la tendresse et de l'amour de Dieu cette nuit-là. Je
me suis souvent émerveillé au Souvenir de cette bénédiction, qui, chose étrange
et heureuse, m'avait été accordée dès ma première nuit à Londres - l'hôtel était
rempli de baha'is et pourtant ce fut moi qui fut appelé à traverser la ville
pour le festival divin qui consiste à partager le message de Baha'u'llah.
Mon séjour à Londres fut paradisiaque. Je ne sais pas si j'avais mangé ou dormi.
J'étais entouré de tous côtés de ma famille spirituelle. Tous ceux que je rencontrais
étaient dans le même état que moi-même, le coeur battant de l'amour de Dieu.
Le point culminant de Londres pour moi fut le moment où Amatu'l-Baha, avec un
sentiment, une tendresse et un amour que personne d'autre ne pouvait égaler,
nous dévoila la réalité de notre Gardien. Ce fut avec une immense compassion
que nous élevâmes nos voix en choeur, avec celles de nos frères Africains, pour
l'aider à soulager son coeur, qu'elle accepta de lacérer en vue de nous rapprocher
de lui. Toutefois, chaque moment de la conférence était un cadeau précieux qui
nourrira pour le reste de ma vie mes souvenirs les plus chers.
4) EPOQUE 4
Nous retournâmes à Unalaska après le jubilé mondial de Londres. La conserverie
avait prospéré ; de 42 caisses par an, nous étions passés à 4 000 caisses par
mois avec une période opérationnelle qui englobait toute l'année au lieu de
deux mois seulement en été. Notre produit principal n'était plus le saumon mais
le mondialement célèbre crabe royal.
Une certaine agitation commençait à s'insinuer dans mon âme à l'époque. Je sentais
que nous avions fait tout ce qui était en notre pouvoir dans les Iles Aléoutiennes
et - ce qui concerne la Foi de Dieu - tout le monde avait alors du travail,
tout le monde connaissait la foi baha'ie et les livres baha'is avaient été distribués
non seulement à Unalaska mais également dans les îles d'Akutanet et de Nikolski.
Cependant, je me sentais si profondément enraciné qu'il me semblait impossible
de me libérer... comme l'oiseau céleste décrit par Baha'u'llah, qui évoluait
sur les ailes du détachement vers Dieu, mais qui descendit dans la boue et la
poussière pour satisfaire sa faim, et les ailes souillées, il fut incapable
de reprendre son vol. Je n'avais jamais eu d'autre but en dehors de celui de
servir Dieu et l'humanité, et jamais au cours des dix années passées à notre
poste de pionniers, je ne permis à cet esprit de me lâcher - la Cause de Dieu
d'abord - toute notre vie en était dominée. Puis ce fut la catastrophe.
Tout marchait sans accroc, bien que dans une affaire comme la nôtre, nous avions
constamment des dettes. Par exemple, nous mettions en conserves des crabes d'une
valeur de 100.000 $, que nous expédions par bateau à Seattle, et sur présentation
d'un reçu du magasin de stockage, une avance de 70.000 S nous était accordée
sur les futures recettes des ventes de nos produits. Plus tard, quand les produits
étaient vendus, nous recevions les 30.000 $ restants, ou le montant qui restait
à payer.
Cependant, il arriva une fois très peu après une telle expédition qu'au lieu
d'un chèque, une information nous parvint disant que la banque avait refusé
l'avance. Les difficultés empirèrent lorsque je fermai la conserverie, pris
congé de ma famille pour descendre dans cette abîme noire et ruineuse si vivement
décrite par Baha'u'llah. A Seattle, toutes les portes étaient closes devant
moi. Il semblait que nous avions raflé une part de marché non négligeable aux
monopoles de poisson qui tournaient sur le million de dollars, et selon les
lois du monde des affaires, nous devions disparaître.
Je me figurai que comme je devais 30.000 $ rien qu'à mes pêcheurs, et qu'il
vaudrait mieux vendre à prix coûtant et en finir. Une fois encore, la concurrence
m'avait pris de vitesse ; 100.000 caisses de crabes étaient bradées sur le marché
à cinquante cents en dessous du prix coûtant. Bien évidemment, il suffisait
à toutes ces compagnies d'augmenter de quelques pennies les prix de leurs fruits
et légumes pour compenser leur perte sur le crabe. Quant à nous hélas ! Nous
n'avions que le crabe et devions faire face à la faillite.
Le soir, au lieu d'aller au lit le coeur brûlant de l'amour de Dieu, j'étais
préoccupé par ces sordides problèmes de la vie dénués de valeur, et le matin,
au réveil, au lieu de mon habituel 'Je me suis réveillé dans ton refuge, O mon
Dieu ! ', c'était "O Dieu, comment pourrais-je payer mes pêcheurs ?" Je pourrais
fermer la conserverie et partir, seulement, j'avais d'énormes responsabilités
à l'égard des autres. J'avais dit à ma femme que je partais pour une semaine,
mais mon absence se prolongea jusqu'à six mois. J'eus une vive perception de
la réalité de l'enfer dont seul Dieu, l'infiniment Miséricordieux, pouvait me
délivrer des flammes.
Totalement immergé dans la fange du matérialisme, je fus happé dans le tourbillon
d'un torrent bouillant comme un petit bout de bois mort. A l'approche de la
période du jeûne, je décidai que je ne servais à rien à Seattle et comme le
jeûne est une période spéciale pour la famille, je retournai sur mon île. Comme
l'hiver de la désolation devait céder la place à la réalité et à la chaleur
du printemps nouveau, de même, l'esprit de Dieu commença à raviver mon âme languissante
dès mon retour aux fontaines de guérison de la soumission à Dieu. Je suis sûr
que seul Son amour plein de tendresse et de compassion pouvait m'avoir hissé
hors de ce bourbier de négligence.
Plus j'avançais dans le jeûne, plus je progressais de nouveau, d'abord très
lentement, puis plus vite. dans ce royaume divin d'où j'avais chuté. Un jour,
alors que je baignais dans une paix et une joie complètes, cette révélation
- fit jour dans mon esprit, "Dieu fait ce qu'Il veut ". Quels ne furent la joie
et le soulagement qui envahirent tout mon être ! Mes actions ont été celles
de quelqu'un qui essaie de jouer à Dieu. O Dieu, mon Dieu, aie pitié de moi
! Dieu est l'Omniscient et le très Sage. Dans Sa sagesse infinie, Il décide
si, dans leur propre intérêt, Ses enfants doivent retourner à leur ancien état
de pauvreté. Cette pauvreté pourrait nous permettre de partir et d'avancer dans
le Plan de Neuf ans. N'était-ce pas par amour pour ces peuples aléoutiens que
je me faisais tant de soucis pour eux ? Quoi qu'il en fût, Dieu fait ce qu'Il
veut ; tous sont Ses serviteurs et tous dépendent de Son commandement.
Après Naw-Ruz de cette année-là, je quittais encore une fois la maison pour
Seattle, complètement plongé dans la réalité profonde de ces pensées. A mon
arrivée à Seattle, je ne contactais ni les banques ni les courtiers maritimes
ni les grossistes. Je téléphonai plutôt à mes amis baha'is pour leur offrir
mes services pour le week-end. Le vendredi, j'ai parlé au centre baha'i de Seattle,
ce fut une réunion vraiment digne du paradis.
A mon retour à l'hôtel cette nuit-là, on annonçait au journal télévisé le grand
tremblement de terre survenu en Alaska. Selon les nouvelles, les îles Aléoutiennes
avaient disparu. Bien que ma précieuse famille se trouvait seule sur l'une de
ces minuscules îles, ma première réaction n'exprimait ni angoisse ni remords,
mais une acceptation joyeuse de la volonté et du plaisir de Dieu, suivie d'une
prière venant du fond de mon âme pour la protection et le progrès de ma famille
qu'elle soit toujours dans ce monde ou dans le Royaume d'Abhà.
Evidemment; il s'avéra par la suite que les nouvelles diffusées à la radio et
à la télévision étaient largement exagérées: Les îles étaient complètement intactes.
Ma femme avait chargé un grand nombre de personnes dans le bus de la compagnie
et les avait conduites dans les collines, mais ma famille décida qu'ils préféraient
être emportés par les vagues de la mer que de mourir gelés dans les montagnes
et par conséquent, ils retournèrent à la maison.
Ce grand tremblement de terre ne dura que trois minutes, trois minutes qui apportèrent
des solutions à tous nos problèmes. Les compagnies qui s'acharnaient à nous
détruire perdirent chacune de leurs usines implantées en Alaska. Le lundi, les
courtiers maritimes et les grossistes se bagarrèrent pour acheter mes conserves
au prix fort. Une autre compagnie qui avait perdu son usine me contacta pour
prendre à bail notre affaire. L'affaire fut conclue et ainsi, je fus libéré
pour poursuivre mon service pour la Cause de Dieu, tout en étant assuré de la
garantie du travail pour mes chers amis Aléoutiens. Je rentrais auprès de ma
famille en moins d'une semaine.
Je suis sûr que comme ce fut le cas lors de la naissance de notre petite fille,
des gens diront "Il suffit d'un tremblement de terre pour que Caldwell ait une
expérience spirituelle". Qu'il en soit ainsi ou autrement, chaque atome de mon
être se tournerait-il vers les plus fervents remerciements que ces remerciements
seraient quand-même totalement inadéquats pour exprimer ce que je dois à mon
Bien-Aimé pour le plus infime de Ses signes.
5) EPOQUE 5
Vivre au coeur de la civilisation tout en restant à l'abri de son influence
néfaste n'est pas une tache facile. Le changement à la direction de notre fabrique
de conserves nécessitait que je travaille pendant un an au bureau de la compagnie
à Seattle. Selon une recommandation du Gardien, il ne devait pas y avoir plus
de quinze baha'is dans la même ville. Nous ne nous installâmes donc pas à Seattle.
Au contraire, nous partîmes à Edmonds où on avait besoin de nous pour y sauver
l'Assemblée spirituelle locale. Je me rendais à mon travail à partir de cette
ville.
De toutes les assemblées que je connaissais et au sein desquelles j'avais travaillé,
je peux honnêtement dire que l'Assemblée spirituelle locale d'Edmonds, Washington,
était la plus proche de ce que devait être une vraie Assemblée spirituelle.
Amour, unité, harmonie et toujours, les meilleurs intérêts de la cause de Dieu,
étaient ce qui guidait ses membres honorés. Je ne cherche pas à laisser à mon
lecteur l'impression que ces amants du Seul Vrai Dieu avaient toujours eu des
réunions d'Assemblée paisibles - non, ce n'était pas le cas Souvent le choc
d'opinions divergeantes, tournait au drame, alimenté d'éclairs, d'étincelles,
et de feu, chaque personne exprimant toujours son opinion sans aucune sorte
de réserve, Cependant, toutes pensées, méditations et prières étaient directement
dirigées vers l'étoile brillante du service de la cause de Dieu. L'année que
nous avons passée avec eux restera toujours très belle et tendre dans nos souvenirs.
Nous voici en terre étrangère après onze années passées dans les îles Aléoutiennes,
et bien entendu, nous ne connaissions personne. Je ne nous voyais pas au cours
de cette courte période d'une année, lier amitié avec beaucoup de personnes,
à qui offrir l'eau vive des enseignements divins. Par conséquent, l'idée me
vint, après avoir beaucoup prié, de mettre une annonce personnelle dans le journal
disant, "Si vous n'êtes pas satisfait des réponses que vous avez concernant
la religion, veuillez appeler...". Le journal en question était distribué à
plus de 300.000 exemplaires, et l'annonce eut un succès dépassant nos espérances
les plus folles. On n'imagine pas le nombre de personnes qui se posent des questions
profondes sans y trouver de réponse, or voici une porte ouverte dans une atmosphère
d'anonymat qui leur permettait de chercher sans crainte d'embarras.
Quelques-uns désiraient nous rencontrer, de telle sorte que des coins de feu
furent organisés dans leurs maisons mais leur téléphone continuait de sonner
sans cesse, ce qui nous permit, à ma femme et à moi, de partager le message
baha'i jour et nuit sans perdre un seul instant de notre temps. Il y eut bien
évidemment quelques excentriques et plaisantins, mais, même ceux qui ont appelé
pour s'amuser ont montré par la suite leur intérêt lorsque nous avions échangé
quelques blagues avec eux avant d'entrer dans le vif du sujet. Le coût fut négligeable
et seul l'avenir en mesurera adéquatement le résultat. Mais pour ma part, chacun
des appels reçus aurait suffit à compenser l'argent et le temps investi dans
le projet.
Je citerai particulièrement un cas en exemple. Lorsque je répondis à l'appel,
la femme à l'autre bout était en pleurs. Elle m'expliqua en sanglotant qu'elle
revenait du cimetière où elle venait d'enterrer son mari. Elle était retournée
toute seule dans une grande maison vide et ne savait pas vers qui se tourner.
Puis elle s'est souvenue avoir lu notre annonce. Quelle douloureuse angoisse
était la sienne ! Par téléphone, nous reliant d'un bout à l'autre de la ville,
j'apportai un peu de consolation à son coeur brisé. Je commençai par lui parler
de l'endroit où son mari se trouvait en utilisant la belle allégorie d'Abdu'l-Baha
présentant un jardin dont Dieu est le Jardinier.., l'Omniscient, le Jardinier
infiniment sage qui sait le moment exact où Il doit transplanter une jeune pousse
qui était dans l'ombre au soleil.
Il fait cela avec une tendresse et un amour infinis mais pour nous qui n'avons
pas été déplacés, ne connaissant pas la sagesse de Dieu, nous pleurons cette
séparation. "Oh, pourquoi Dieu a-t-Il enlevé cette si jeune plante ?" Comme
je parlais, mon coeur se remplit d'amour et de compassion pour cette soeur que
je ne connaissais pas et ne pouvais voir. Le calme et la certitude remplacèrent
doucement ses sanglots. Bien que je ne mentionnais ni Baha'u'llah ni la cause
de Dieu, je puis quand-même toucher son coeur blessé et brisé par le médicament
divin au moment où l'urgent besoin s'en faisait sentir. Mes remerciements montèrent
vers Dieu de m'avoir permis d'être là au moment où on avait le plus besoin de
moi.
A cette même période, notre Assemblée spirituelle locale d'Edmonds lança un
gigantesque projet de proclamation destiné à faire connaître la Foi de Dieu
au million d'habitants du Grand Seattle. J'eus la bénédiction d'en être le coordinateur
de telle sorte que j'eus le privilège de participer aux réunions d'Assemblée
presque tous les soirs, partageant avec ces anges de Dieu nos espoirs, nos projets,
et instillant en leurs coeurs bénis de l'enthousiasme pour notre projet. Que
d'amour, quelle unité de but et quelle contribution financière
Je rentrais le soir à la maison après avoir parcouru une distance de 60 à 80
km, submergé d'émerveillement et d'étonnement face à la force inhérente à cette
cause de Baha'u'llah. Potentiellement, nous les Baha'is avons le pouvoir de
surpasser toutes les forces combinées de l'humanité et la clé qui libérera ce
pouvoir latent est l'amour, l'unité et la coopération de tout coeur entre tous
les amis. Dans cet effort, toutes les barrières intercommunautaires furent détruites
et même une ou deux communautés qui au début ne voyaient aucun intérêt à s'impliquer,
furent assez vite happées dans les activités fiévreuses de la proclamation.
Les baha'is de toute la région, dont certains pour la première fois, eurent
un aperçu du caractère universel de notre Foi. Je prie avec ferveur qu'ils ne
se laissent plus aller à leur léthargie de provinciaux d'où ils ont émergé pour
servir la Foi partout où le dessein divin les placera. Unis, nous les Baha'is
avons un levier suffisamment fort pour arracher le monde de ses fondations,
mais cela suppose que nous tirions tous dans le même sens. Si l'un tire alors
que l'autre pousse, les précieux efforts s'annuleront et seront infructueux.
Amour, amour ; unité, unité ; paix, paix !
Nos efforts culminèrent dans une grande réunion dans la salle des spectacles
de Seattle, notre conférencière n'étant autre que Florence Mayberry. Mais hélas
! Je ne devais pas être présent à cette apogée d'un projet sur lequel nous avions
travaillé si diligemment. Nous avions été informés que notre pèlerinage si longtemps
rêvé allait enfin se réaliser. Lorsque la lettre du Centre mondial arriva, nous
n'avions que 5 $ sur notre compte à la banque ; nous avions dépensé tout ce
que nous gagnions pour la proclamation. Mais intrépides, nous eûmes une fois
de plus recours à notre plan de "voyager maintenant et payer plus tard" et nous
voilà en route pour la Terre du désir de nos coeurs.