Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

1. La Foi et l'Amour
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1.7. Réponse aux Contestations

De nos jours, en parcourant les journaux, on trouve un peu de tout: annonces publicitaires, nouvelles sportives, grèves des ouvriers, guerre du Vietnam, conflit israëlo-arabe, etc... tout mais bien, peu d'articles font, écho à la voix des jeunes dans le domaine de la contestation.

Il n'est donc pas étonnant que l'opinion publique ne soit pas bien informée sur les objectifs de leurs contestations et, qu'à cet égard, elle reste plongée dans le sommeil. De temps en temps, il lui arrive d'être éveillée par quelques slogans. Alors, elle se contente de se poser cette question:

Mais qu'est-ce qu'ils veulent ces jeunes?

Pourquoi contestent-ils?

Et ces contestations minent les fondations même de la civilisation actuelle, destinée à s'effondrer tôt ou tard.

Ceci nous rappelle une histoire orientale. Un voleur était en train de pratiquer un trou pour miner le mur d'une maison. Le propriétaire plongé dans le sommeil, se réveille et dit:

- Mais qu'est-ce que tu fais. là?

- Je joue de la trompette, répond le voleur.

- De la trompette? Mais je n'entends rien.

- Demain tu entendras, et comment

Et bien, chers Amis, demain on "entendra" ces contestations, demain on verra ce que signifient ces contestations des jeunes. Et elles sont significatives.

On a tort de croire que les jeunes par leurs contestations demandent plus de droits politiques, plus d'avantages économiques, plus de sécurité sociale, plus de possibilités d'approfondir leur culture générale par un plus grand nombre d'institutions culturelles... Non, ce n'est pas cela que demandent les jeunes ! Et ceci pour la simple raison que les droits politiques, les avantages. économiques, la sécurité sociale, les moyens d'approfondissement de la culture générale, tout cela ils l'ont déjà grâce aux contestations des peuples dans le passé.

En effet, dans le passé, les pays dont la jeunesse conteste aujourd'hui ont traversé des crises ayant successivement un caractère politique, économique, social et culturel.

On a commencé par réclamer des droits politiques pour tous. Les ayant obtenus, on a constaté que les choses ne se sont pas arrangées. On a pensé que la solution était dans l'obtention des avantages économiques car, s'est-on dit, à quoi bon avoir le droit de voter, par exemple, quand on reste privé de tant de nécessités de la vie, d'où contestations de caractère économique. Mais ayant obtenu les avantages économiques, on s'est aperçu que les difficultés ne se sont toujours pas dissipées. Car, parallèlement à l'augmentation des salaires, les prix montaient et le niveau de vie s'élevait.
On sentait le besoin d'avoir "beaucoup de tout", ce qui ne pouvait se faire que par des emprunts, d'où le recours aux mensualités. On fait donc son budget: et l'on voit que c'est le moyen de constater qu'on vit au-dessus de ses moyens. On n'est donc pas sûr du lendemain. Et si, par malheur, on perd son travail, si on tombe malade, ou si on fait un accident? Non, il faut absolument qu'on ait la sécurité sociale sous forme d'indemnité de chômage, d'assurance maladie, invalidité, etc.

D'où contestations de caractère social, contestations grâce auxquelles on a la sécurité sociale. Mais là encore on reste insatisfait. Car, à quoi bon, pense-t-on, qu'une société vous assure contre le chômage quand elle-même crée le chômage par l'augmentation du nombre des machines, ce qui diminue le besoin de main-d'oeuvre. L'homme ne doit donc pas compter sur ses capacités physiques, mais plutôt sur ses capacités intellectuelles. D'où contestations pour populariser l'instruction, pour faciliter l'acquisition des connaissances dans le domaine de l'art et de la science, contestations de caractère culturel.

Ayant obtenu satisfaction de ce côté là, une fois de plus on a constaté que la crise continue. Et il a fallu que cette fois, ce soit la jeunesse qui s'aperçoive que la crise n'est pas d'un caractère politique, économique, social ou culturel, mais purement HUMAIN. Cette crise de caractère purement humain est due à plusieurs facteurs, qui font l'objet des contestations des jeunes. Nous allons en citer quelques uns:

1° Le premier objet des contestations des jeunes (et c'est l'objet principal de leurs contestations) présente un aspect purement qualitatif et nullement quantitatif. Les jeunes ne demandent pas une quantité de choses mais ils demandent avant tout la qualité, la qualité d'homme, homme avec sa dignité, homme à respecter, à écouter, à comprendre, à aimer. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui où l'homme est devenu une marchandise, marchandise recherchée, appréciée en raison des bénéfices qu'on peut en tirer. Autrement dit, l'homme est apprécié selon ses aptitudes pour le succès, par tous les moyens, dans le travail qu'on lui demande. Je dis bien par "tous les moyens". Car tous les moyens sont bons, la fin justifiant les moyens, ce qui est triste.

La fraude, le mensonge, l'hypocrisie, ... tout est bon, a la seule condition de sauver les apparences.

"Cherchons mécanicien pour garage. Apparence honnête indispensable", lisait-on dans un journal humoristique, ce qui illustre bien la situation actuelle.

Si donc un homme a beaucoup de qualités morales, puisque ces qualités morales ne sont pas recherchées, puisqu'elles ne sont pas appréciées, l'homme doit aller contre sa personnalité, il doit sacrifier sa dignité humaine, il doit consentir à perdre sa qualité d'homme. Peu importe si quantitativement il a acquis beaucoup de choses: ses droits politiques, ses avantages économiques, sa sécurité sociale, ..., qualitativement il ne lui reste rien, ou, plus exactement, il n'est rien; car il n'est plus lui-même en tant qu'homme, fait pour être juste, honnête, pour s'entendre avec tout le monde, pour aimer tout le monde. La société le pousse à tricher, à être injuste, à faire la guerre à ses semblables, à servir de chair à canon. C'est cet état de chose que les jeunes contestent avant tout. C'est cet aspect qualitatif de leurs contestations qui doit faire l'objet de l'admiration générale.

2° En second lieu, les jeunes contestent les conditions sociales actuelles qui, en standardisant les goûts, les sentiments, les pensées... abolissent l'individualité. Car il ne faut pas oublier que chaque être humain tout en étant par sa qualité homme comme les autres, a cependant ses particularités, ses aptitudes, ses sentiments, son goût, son tempérament à lui, qui font de lui un être en quelque sorte unique, qui font de lui une individualité dont l'abolition ne peut être que désastreuse pour la société. Et c'est malheureusement ce qui se fait dans la société d'aujourd'hui où tout se standardise: le travail, la distraction, les sentiments, le raisonnement par l'endoctrinement.

Et l'homme se voit contraint de rester aussi proche que possible du standard, et de ne s'en distinguer ni par sa profession, ni par ses distractions, ni par sa façon de penser. Ce qui révolte tout être humain conscient de sa personnalité. S'il a des dons en musique et qu'il aime la musique, il se voit contraint d'étudier le droit pour devenir avocat ou notaire car ce métier est très recherché. Ne dit-on pas: "Impossible de vivre sans notaire. Impossible surtout de mourir sans eux"?

Si, par contre, il n'a pas le moindre goût artistique, il doit se lancer dans l'architecture car pour l'architecte, il y a toujours du travail.

Si, comme distraction, ce n'est pas le match de football qui l'intéresse, partout il n'entend parler que de football, exalté par la presse, la radio et la télévision, au point que même à la T.V., souvent, il se voit contraint de suivre un match dans sa chambre à contre coeur, comme le suivent des milliers de spectateurs au stade avec enthousiasme. C'est que les distractions aussi sont standardisées.

Dans le domaine vestimentaire aussi il y a standardisation. On l'appelle la mode. L'an dernier, c'était la mini jupe qui était à la mode. Brusquement, cette année, c'est la maxi qui la remplace. Et les pauvres parents ou les maris doivent en supporter les frais.

Mais ce n'est pas la standardisation dans le domaine vestimentaire que les jeunes contestent car ce n'est pas la standardisation vestimentaire qui abolit l'individualité. Ils contestent toute standardisation dans le domaine des aptitudes intellectuelles, des sentiments, du goût, de la pensée, ce qui est si néfaste pour l'épanouissement de la personnalité. Remarquons que la standardisation de la façon de penser est la plus dangereuse de toutes. Elle est connue sous le nom de l'endoctrinement, pratiqué surtout dans les pays de l'Est où l'on n'a même pas le droit de contester.

Mais partout la jeunesse conteste et se révolte. Poussée à l'extrême contre tout ce qui sert de standard de pensée, de goût, de sentiment, de vêtement, bon ou mauvais dans la société actuelle, cette contestation prend la forme de tout ce qu'il y a de plus triste, j'entends le non conformisme absolu des hippies, qui n'admet et n'applique qu'une règle: ne rien adopter comme façon de penser qui rappelle celle des autres, ne rien porter qui ressemble de près ou de loin au costume "monsieur" ou à la robe "madame".

3° Le troisième objet des contestations des jeunes, c'est la rigidité face aux implications de l'évolution.

De nos jours, il est rare qu'un voyageur, qui a une destination en vue, échoue dans ses projets. Et ceci pour la simple raison qu'il ne voyage plus à cheval, il se sert disons de la voiture qu'il apprend à conduire grâce à l'assistance d'un instructeur qui se met à côté de lui, qui l'observe, qui l'oriente, qui détermine sa course. Si donc le voyageur réussit dans ses projets, c'est qu'il se sert des moyens mis à sa disposition par l'évolution.

Il faut qu'il en soit de même pour tout jeune qui fait des projets d'avenir. Il est naturel qu'il veuille réussir à tout prix. Ce n'est malheureusement pas le cas de nos jours où le nombre d'échecs à l'école et, après l'école, dans la vie, croît de plus en plus. Ces échecs, les jeunes ont le droit de les attribuer, ne fût-ce que partiellement, à ce que l'enseignement n'est pas adapté à l'évolution, à ce que l'on continue d'enseigner à peu de choses près, comme à l'époque où l'on voyageait à cheval. En effet, les matières qu'on enseigne comprennent encore l'histoire des guerres, par exemple, au moment où les jeunes en ont assez des guerres et n'aspirent qu'à la paix.

Quant à la méthode d'enseignement, c'est pire encore que dans le passé.

Car, autrefois, le professeur pouvait encore s'occuper de l'élève, mais aujourd'hui, avec le grand nombre d'élèves qu'il a, matériellement, il ne peut pas s'occuper de chacun d'eux, observer chaque élève, l'orienter, l'assister à tous les points de vue pour qu'il réussisse aussi bien à l'école, et après récole, dans la vie.

C'est contre cette situation, qui est la conséquence de l'inadaptation à l'évolution, que les jeunes manifestent.

Concernant les implications de l'évolution, il faut dire que les étudiants ne sont pas les seuls à contester. Il y a un domaine où tout le monde conteste, c'est le domaine vital de la foi. Cette contestation se fait soit silencieusement, soit à haute voix.

Quand nos disons "silencieusement", nous voulons dire que l'homme évolué d'aujourd'hui, dans son coeur, conteste cette opinion selon laquelle par suite du péché d'Adam, sa postérité en porte la responsabilité comme péché originel; et que ce péché s'efface par un rite qu'on appelle baptême; et que dans l'hostie, il y a "substantiellement" et "réellement" la chair de Jésus; et bien d'autres rites non conformes au stade actuel de l'évolution de l'homme.

Quant à la contestation à haute voix, par ironie du destin, il a fallu que ce soit les prêtres contestataires qui se mettent au premier rang, parmi ceux qui réclament la conformité de la foi religieuse à révolution.

4° En quatrième lieu, les jeunes contestent pour obtenir la participation dans la recherche de la solution des problèmes intéressant la vie estudiantine, participation par CONSULTATION.

Là encore, il faut comprendre les jeunes, car la consultation est devenue l'esprit même de notre époque. Sur le plan juridique, on a recours à la consultation, étant donné que 'ce n'est plus le juge qui juge, mais les jurés. Sur le plan politique, on a recours à la consultation, étant donné que ce n'est plus le roi qui établit les lois, mais le parlement.

Indiscutablement, il y a encore beaucoup à faire en matière de consultation. D'abord parce que la consultation ne produit pas toujours ses fruits attendus: l'unité et l'harmonie; au contraire, des discussions intérieures persistent; de plus, pour beaucoup encore, se consulter, c'est se faire écouter, c'est se faire approuver et ne jamais se voir contrarier, ce qui n'est pas du tout le sens de la consultation. Mais ceci n'empêche que le processus de consultation soit engagé dans tous les domaines. Pourquoi alors l'écarter dans le domaine de l'enseignement? Pourquoi ne pas consulter les étudiants sur les questions pour lesquelles leurs opinions *pourraient constituer la solution même des difficultés universitaires?

Voilà, chers Amis, quelques-uns des objets des contestations des jeunes. Et ce qu'il y a de méritoire dans ces contestations de jeunes, c'est l'esprit de sacrifice qui les anime. En effet, on voit les jeunes qui acceptent de tout sacrifier à leur idéal, préférant tout risquer, quitte à tout perdre, plutôt que de se voir contraints à renoncer à leur idéal pour un monde nouveau.

Mais ce qui est regrettable, c'est l'action savamment agencée par des individus étrangers aux milieux estudiantins dont le seul but est de semer la peur de l'avenir parmi les jeunes, de maudire les structures existantes, afin de pouvoir tirer un profit personnel d'un désarroi où personne ne gagne.

Ne vaut-il pas mieux allumer une chandelle au lieu de maudire l'obscurité, disent les Japonais?

Cette chandelle, permettez-moi de l'allumer par une tentative d'exposer quelques réponses baha'ies aux contestations principales que j'ai mentionnées.

Nous avons dit que ce qu'il y a d'admirable dans les contestations des jeunes, c'est avant tout l'aspect qualitatif de leurs revendications, c'est-à-dire le problème de la qualité d'homme plutôt que la quantité pour l'homme. Autrement dit, la question de la dignité humaine.

Tous les enseignements religieux sont basés sur le fait que l'homme n'est pas un animal et que l'espèce humaine est une espèce distincte, aussi distincte que l'est l'espèce animale de l'espèce végétale et que, par conséquent, il doit prendre conscience de cette distinction, de cette dignité humaine.

Et le rôle de la Religion, c'est d'amener l'homme à prendre conscience de sa dignité, ceci malgré tous ses défauts héréditaires et l'influence déplorable du milieu, facteurs auxquels il ne peut pas échapper.

Une image nous ferait mieux comprendre le rôle de la religion.

La religion fournit à l'homme un PATRON d'après lequel il doit se faire un vêtement. Le tissu auquel est destiné ce patron est fait de deux facteurs: l'hérédité (formant les trames) et le milieu (formant les chaînes). L'homme ne peut rien faire avec les chaînes et les trames de ce tissu, mais il a le choix du patron, dont il s'inspire pour se faire un vêtement comme le demandent les Écritures.

Revétez-vous en Jésus Christ, dit le Nouveau Testament.

Ce patron est donné en conformité avec l'âge de l'humanité. Pour l'enfance humaine (il y a plus de 1000 ans), il y avait un patron; pour l'âge adulte, il y en a aujourd'hui un autre. On doit choisir le patron d'après son âge.

Un adulte ne peut pas s'habiller du vêtement cousu suivant le patron fait pour un enfant S'il le fait, le vêtement se déchire. C'est ce qui se passe avec les Religions du passé fondées pour l'enfance humaine ! Il faut donc chercher un patron qui permette de faire un vêtement qui ne se déchire pas. Ce patron, disent les adeptes de la Foi Baha'ie, est fourni par les enseignements de cette Foi, tous basés sur le fait que l'humanité, dans son évolution, est entrée aujourd'hui dans le stade de sa maturité et que, par conséquent, plus que jamais, elle doit prendre conscience de sa dignité, dignité qu'elle a oubliée.

"Je t'ai créé noble et puissant, comment t'avilis tu? Je t'ai créé riche, pourquoi t'estimes-tu pauvre?" lisons-nous dans les Écrits sacrés de la Foi Baha'ie. Malheureusement, ce n'est pas le langage que tient la société d'aujourd'hui à l'égard de ses membres. Et, par vole de conséquence, l'estime de soi, cet élément majeur de réussite, est oubliée.

L'homme d'aujourd'hui n'a plus confiance en lui-même, ni en personne. Il ne se croit pas capable de se changer lui-même, pas plus que le monde. Désespéré, tout lui semble utopique. Là encore, les Écrits baha'is lui viennent en aide, lui inspirant confiance en ses immenses possibilités, au point qu'ils le comparent au soleil capable de donner la vie à tous les êtres. Il faut donc qu'il prenne conscience de sa dignité humaine, de sa qualité d'homme avec ses pouvoirs infinis. Vous pouvez dire que par vos richesses, vous n'êtes pas comme Rockefeller ou par votre science, vous n'êtes pas comme Einstein, mais, par votre qualité l'homme, vous êtes comme eux. Et c'est cela qui est pris en considération dans les Communautés baha'ies. Ceci sur le plan théorique.

Sur le plan pratique, la vie communautaire baha'ie est organisée de telle façon qu'aussi bien aux réunions mensuelles sans classe qu'aux institutions dirigeant les affaires sociales, on voit réellement qu'il n'y a que la qualité d'homme qui est prise en considération et, qu'à ce point de vue, tous ne font qu'UN.

Ainsi, par exemple, il arrive souvent que les membres les plus humbles de la communauté, sans grande instruction, ni possibilités financières, soient élus au sein des institutions qui dirigent les affaires sociales.

Nous voyons ainsi comment théoriquement et pratiquement, c'est la dignité humaine qui est mise en valeur, à quel point c'est la qualité d'homme qui est recherchée (et non pas la quantité de choses qu'il possède).

Ne trouvons-nous donc pas là une réponse aux contestations qualitatives des jeunes? N'est-ce pas cela que demandent les jeunes? Cette demande une fois satisfaite, c'est-à-dire lorsque tous prendront conscience de leur dignité humaine, cette estime de soi constituera l'élément majeur de la réussite dans la vie.

Quant au deuxième objet des contestations des jeunes, c'est-à-dire la standardisation de la pensée, des sentiments, du goût, des capacités et en bref de tout ce qui caractérise l'individualité, cette standardisation qui abolit l'individualité, les enseignements baha'is insistent autant sur le respect de l'individualité avec ses particularités que sur la dignité humaine en général. Autrement dit, la Foi Baha'ie exalte L'UNITÉ dans la DIVERSITÉ.

et non pas l'unité dans l'uniformité. Ce qui veut dire que si, par votre dignité humaine, vous êtes comme les autres, par vos capacités latentes et vos particularités, vous êtes en quelque sorte unique dans le monde. Il s'ensuit que chacun a sa contribution à apporter à l'amélioration de la vie sociale et à l'avènement de la civilisation mondiale.

Et nous insistons sur la contribution individuelle à l'avancement de la civilisation mondiale, car selon les Écrits baha'is, "L'homme est une mine riche en gemmes d'une valeur inestimable. Et cette mine doit être exploitée, autrement dit, les idées et les capacités de chacun doivent servir à tous."

Sur le plan pratique, les idées de chacun peuvent être exposées aux réunions mensuelles sans classe où tous sont encouragés à exprimer leurs opinions Et cet encouragement va jusqu'au point où les Écrits baha'is disent clairement que, non parfois, mais souvent même, l'opinion émise par le membre le plus humble de la communauté, même s'il a peu d'instruction, constitue la solution des problèmes de la communauté.

Quant à l'exploitation des capacités individuelles, lies Baha'is s'opposent à toute orientation des aptitudes vers le standard financièrement bien coté par la société. Que chacun ait du travail, cela ne garantit pas le bien-être général. Que chacun ait son travail et alors tout le monde est satisfait. En effet, quand à un homme on demande de faire le travail pour lequel il a des capacités particulières, il ne demande pas mieux que de le faire, car c'est pour lui une occasion de montrer sa maîtrise, ce qui lui fait toujours plaisir. Tout comme un homme éloquent, à qui on demande de donner une conférence; ou une femme voilée et ravissante, à qui on demande de se dévoiler... Lui, il ne demandera pas mieux que de montrer ses talents, et elle prendra plaisir à révéler son charme et sa beauté.

En conclusion, si par son travail, on a l'occasion de montrer ses dons et ses talents, on fait son travail avec enthousiasme à la satisfaction de tout le monde. Et le travail prendra, comme on le dit, une valeur religieuse. Ce qui n'est malheureusement pas le cas de nos jours où le travail est devenu un objet de marchandage.

Le plombier fait du marchandage, l'électricien fait du marchandage et même certains médecins font du marchandage. Un journal humoristique racontait cette anecdote:

- Docteur, j'ai une crise de foie. J'en souffre terriblement. Pourriez-vous me recevoir demain?

- Demain, ce n'est pas possible, tous mes rendez vous sont pris. Je ne peux vous donner un rendez vous que la semaine prochaine.

- Mais d'ici une semaine, je serai morte.

- Oh, vous savez, on peut toujours annuler un rendez-vous.

Revenons à notre sujet. Si d'après les enseignements baha'is, personne ne se voit 'contraint de se conformer par ses pensées, ses sentiments, ses aptitudes professionnelles au standard en cours, mais bien au contraire si chacun est encouragé à manifester son individualité avec ses particularités et capacités, cela n'enrichira-t-il pas la société avec de nouvelles idées, cela ne permettra-t-il pas à chacun de faire son travail à lui et, par vole de conséquence, une fois de plus, cela ne contribuera-t-il pas au succès dans la vie?

N'est-ce pas cela que les jeunes demandent? Une fois de plus, la Foi Baha'ie ne donne-t-elle pas une réponse à leurs contestations?

Quant au troisième objet des contestations, c'est à dire le problème de l'évolution et la nécessité de s'y conformer, là-dessus lies Écrits baha'is ne sont pas moins explicites que sur l'unité dans la diversité. Selon la Foi Baha'ie, l'idée d'évolution dans un certain sens évoque l'idée de Dieu, et s'opposer à l'évolution, c'est s'opposer à Dieu. Et les Messagers de Dieu viennent pour proclamer anticipativement les lois qui régissent l'évolution de l'humanité. Ce sont non seulement les Connaisseurs Infaillibles des lois qui régissent l'évolution de l'humanité, mais aussi les premiers contestataires de l'ordre existant à leur époque.

Ainsi, par exemple, à un moment où partout la Loi du Talion était en vigueur, Jésus l'abolit pour la remplacer par la Loi du Pardon; ce qui a radicalement changé les relations humaines contribuant ainsi à l'union des tribus et des peuples. L'expérience a donné raison à Jésus, au point qu'avec le temps, Rome même a dû s'incliner devant lui. Jésus a donc été le premier à contester les lois en vigueur et à établir anticipativement de nouvelles lois conformes a révolution. Nous disons que Jésus était l'un des Connaisseurs Infaillibles des lois qui régissent l'évolution de l'humanité.

De même, il y a plus de cent ans, à une époque où le nationalisme était non seulement une loi, mais faisait partie de la foi, Baha'u'llah ra remplacé par la citoyenneté mondiale. A une époque où la femme était considérée comme inférieure à l'homme, Il a proclamé l'égalité des droits des deux sexes. A une époque où personne n'osait parler au Vatican du mariage des prêtres, Il a écrit au pape Pie IX une lettre où, entre autres, Il demande que les prêtres se marient et qu'ils choisissent un travail comme les autres; et bien d'autres défis aux lois et traditions de l'époque. Et qu'est-ce que nous voyons aujourd'hui? On conteste le nationalisme, les femmes contestent la supériorité des hommes, les prêtres contestent le célibat et, de plus, ils veulent avoir un travail comme les autres. En résumé, tout ce qui, il y a cent ans, était considéré comme défi ou utopie, devient aujourd'hui l'esprit même de notre époque. Baha'u'llah n'était-il pas, comme Jésus, un autre Connaisseur Infaillible des lois qui régissent l'évolution de l'humanité?

En ce qui concerne les problèmes d'éducation et d'instruction, la Foi Baha'ie y attache une telle importance que, selon les Écrits, l'éducation de tout enfant a la même valeur que l'éducation de l'enfant du Fondateur même de la Foi. De plus, il est recommandé que tout testament prévoie une part pour le cadre enseignant.

Sur le plan humain, les rapports entre le professeur et l'élève sont des rapports d'amis, puisqu'aux réunions mensuelles sans classe, ils se rencontrent régulièrement comme des amis, ils se parlent, ils se consultent, ils écoutent l'un l'autre, ils s'invitent l'un l'autre, ils se servent mutuellement. Ces rapports amicaux n'empêchent pas qu'au sein de l'établissement scolaire, la discipline soit strictement observée et que le rang du professeur soit strictement respecté.

Quant à la méthode d'enseignement, étant donné que chacun doit déterminer son avenir professionnel conformément à ses aptitudes, c'est au professeur d'observer, d'orienter son élève. Pour cela, naturellement, dans-les écoles baha'ies, on lui fournit les moyens nécessaires. Ce qui n'empêche que ces moyens d'observation, d'orientation aboutissant à la détermination, évoluent avec le temps.

Quant aux matières à enseigner, indiscutablement, c'est au cadre enseignant d'en décider. Car le fait même qu'on a des études à faire, implique que l'on n'est pas qualifié pour déterminer ce qu'il faut étudier. Mais là où les enseignements baha'is sont catégoriques et ce à quoi les responsables des écoles baha'ies se tiennent scrupuleusement, c'est à l'éducation du caractère qui est bien plus importante que la science traitant des fossiles et que l'étude des fondements d'une paix durable ne doit plus laisser de place à l'étude de l'histoire des guerres. N'est-ce pas cela qu'implique l'évolution de l'humanité à son stade actuel? Ne trouvons-nous pas dans tout cela la réponse aux contestations des jeunes relatives aux implications de l'évolution?

Et nous arrivons au quatrième objet de contestations, c'est-à-dire la demande de participation, participation en pensée naturellement, ce qui veut dire consultation.

Savoir se consulter, selon les enseignements baha'is, est une vertu. Mais entendons-nous sur l'esprit de consultation.

La consultation doit concilier deux qualités apparemment contradictoires: l'expression de la personnalité et l'effacement de la personnalité.

En effet, exprimer sa personnalité veut dire exprimer franchement et courageusement sa pensée: peu importe si elle peut ne pas être partagée par la majorité, ou même être carrément contrariée par une autre personne.

Effacer sa personnalité veut dire qu'on accepte l'opinion admise par la majorité, quelle qu'elle soit, comme si c'était notre propre opinion qui avait été admise.

Concilier ces deux qualités apparemment opposées, e t facile à comprendre quand on réalise que la vérité est comme une pierre précieuse à plusieurs facettes. Chacun voit une de ces facettes et, forcément, il 'y en a qui voient les facettes opposées, qu'ils doivent présenter; autrement dit ils doivent exprimer leurs opinions opposées. De cette façon, la vérité se présente à tous et sous tous ses aspects. Et les différents avis exprimés contribuent à ce que cette vérité soit découverte par tous.

Par conséquent, chacun apporte sa part dans la découverte de la vérité, et il devient facile d'admettre l'opinion votée comme le fruit de la contribution de chacun, comme l'opinion de chacun des participants. D'une manière imagée, les différents courants d'idées se rejoignent dans l'opinion votée comme les différents cours d'eau dans un océan OÙ il devient impossible de les distinguer. Cela signifie qu'après le vote définitif, les différentes personnalités bien exprimées par différentes pensées, s'effacent et l'unité est assurée, unité clans la diversité.

C'est dans cet esprit qu'aux réunions baha'ies, mensuelles et sans classes, se consultent patrons et ouvriers, professeurs et élèves, tous sans la moindre exception. Conduite de cette façon, la consultation ne peut plus laisser de prétexte aux contestations. Voilà, chers Amis, quelques réponses baha'ies aux contestations d'aujourd'hui. "Aujourd'hui" n'est peut-être pas le mot, car la voix de la contestation s'est levée il y a plus d'un siècle et elle a fait couler le sang de plus de 20000 martyrs qui préférèrent renoncer à leur vie plutôt qu'à leur contribution pour un MONDE NOUVEAU.

- un monde où la dignité humaine est respectée par TOUS, faisant sentir à chacun qu'il ne fait qu'UN avec tout le monde;

- un monde qui tout en contribuant à cette unité, combat tout ce qui abolit l'individualité et, par conséquent, s'achemine vers l'unité dans la diversité;

- un monde qui avance avec l'évolution; un monde où il y a participation et collaboration de tous, autrement dit un monde dirigé par la consultation.

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