Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

2. L'amour universel
Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant


2.6. Ce siècle de lumière

Imaginons, dans l'espace infini de notre univers, avec ses immenses corps célestes, un tout petit vaisseau spatial, une sorte d'Apollo, qui a une destination bien déterminée. C'est de ce vaisseau spatial que nous allons nous occuper plus particulièrement. Car il s'agit, comme vous l'avez peut-être deviné, de notre planète, dont la destination est la paix.

J'ai eu recours à cette image pour attirer votre attention sur ce qui suit. Tout comme un vaisseau spatial, qui ne peut atteindre sa destination que lorsqu'il y a collaboration entre tous les membres de l'équipage, ce qui se traduit par les termes "esprit d'équipe", notre planète ne pourra, elle aussi, atteindre sa destination que lorsqu'il y aura collaboration entre tous les membres de l'équipage, c'est-à-dire entre tous les habitants de la terre.

Car I'ère est révolue où l'équipage dirigeant était constitué par quelques individus. Aujourd'hui, toute la communauté doit faire partie de l'équipage. C'est une précision que nous trouvons dans les Écrits baha'is depuis plus d'un siècle.

Il faut donc qu'il y ait esprit d'équipe parmi tous les habitants de la terre, pour qu'enfin, on arrive à destination, c'est-à-dire à la paix.

Indiscutablement, pour tout, il y a un commencement, et comme disent les Grecs, le commencement est la moitié du tout. Ce commencement, c'est-à-dire l'apparition de cet esprit d'équipe, on le voit chez les adhérents des différents mouvements mondiaux. et plus particulièrement chez les fédéralistes pour qui "la terre n'est qu'un pays, et les hommes en sont les citoyens".

Le fait que cet esprit d'équipe existe déjà chez des gens de bonne volonté appartenant à différents mouvements, est digne d'admiration. Mais ce n'est pas suffisant. C'est comme ces ampoules, elles éclairent bien cette pièce, mais ce n'est pas suffisant. Il faut une lumière universelle, un esprit d'équipe universel. Où trouver la source de cette lumière universelle? Où trouver ce "soleil"?

Pour avoir réponse à cette question, profitons de l'expérience du passé, autrement dit étudions un peu l'histoire.

Supposons que nous sommes au stade de l'évolution où "Adam" avec "Ève" vont constituer ce qu'on appelle une famille. Indiscutablement, après cette union au sein de la famille, l'homme ne jouit plus de la liberté et de la souveraineté absolues dont il jouissait avant. Il a dû céder un certain nombre de ses droits au profit de la famille.

L'évolution continue. L'homme ayant appris à cultiver la terre n'est plus obligé à errer constamment pour assurer sa subsistance; il reste attaché à sa terre et ne peut s'enfuir devant l'attaque de la famille voisine. D'où la nécessité de l'entente entre les familles. Celles-ci se voient donc contraintes de céder une partie de leurs droits. de leur liberté, de leur souveraineté, au profit d'une nouvelle unité: la tribu.

L'évolution continue. Les besoins des tribus grandissent. Les unes se spécialisent en élevage, les autres ne font que cultiver la terre, les autres encore fabriquent des instruments d'agriculture et de chasse. Pour continuer à vivre, elles doivent s'entendre. D'où une nouvelle union pour former la nation. Les tribus cèdent donc une partie de leur liberté et de leurs droits au profit de la nation.

Nous voyons ainsi que chaque fois qu'il y a une nouvelle union, les parties en cause renoncent à leur souveraineté absolue, et cèdent un certain nombre de leurs droits au profit de la nouvelle unité.

Mais le témoignage capital de l'histoire est que toutes ces unions ne peuvent se réaliser définitivement que grâce à ce phénomène mystérieux, appelé révélation par les historiens spiritualistes, et mutation par les historiens matérialistes. Les Russes l'appellent phénomène social, tout court.

Quelle que soit l'appellation, ce qui est indéniable, c'est que ce phénomène produit une telle transformation dans les consciences, que celles-ci deviennent aptes à s'unir sur une plus grande échelle. Autrement dit, ce phénomène crée l'unité de conscience successivement à l'échelle familiale, tribale et nationale.

Ainsi, par exemple, personne ne nie le fait que c'est la révélation islamique qui a uni les tribus arabes pour former la nation arabe. De même les historiens sont unanimes sur le fait que c'est la révélation zoroastrienne qui a uni les princes prétentieux et les roitelets, chefs des tribus persanes, pour former la nation persane.

Cette leçon de l'histoire est oubliée, mais la voix de l'évolution et de ses implications se fait entendre. Ainsi, au dix-neuvième siècle, l'on s'aperçoit que, cette fois, c'est l'union des nations qui s'impose. On essaie d'abord de recourir à la force militaire. C'est Napoléon qui le fait, et il échoue.

Puis on pense à la faire par des alliances militaires entre les Grands. Ainsi, l'Angleterre, la Russie, l'Autriche et la Prusse s'unissent pour tenir les nations en accord. Mais là aussi on échoue. Et c'est la guerre de 1914, après laquelle il y a une troisième tentative pour unir les nations. C'est la Société des Nations. Ce troisième essai est également voué à l'échec, puisque les nations entrent de nouveau en guerre en 1939.

Et nous sommes aujourd'hui témoins du quatrième essai. C'est l'Organisation des Nations Unies. "Unies" ou "dites unies", c'est la question qu'on est en droit de se poser. Car d'abord s'il y a union, comme nous l'avons vu, les parties en cause, dans le cas actuel les nations, ne doivent plus garder leur souveraineté absolue. Ce qui n'est pas le cas jusqu'ici. Et puis, si les nations sont réellement unies au sein d'une organisation représentant la planète toute entière, chaque membre de cette organisation doit se considérer comme le représentant de la planète toute entière, et non pas en tant que le représentant de son pays natal.

Autrement dit, il faut qu'il y ait unité de conscience à l'échelle mondiale. C'est comme à l'échelle nationale où l'unité de conscience nationale fait que chaque membre de l'organisation représentant la nation (chaque ministre, si vous voulez) ne se considère pas comme le représentant de sa ville natale, mais en tant que représentant de toute la nation; il ne défend plus les intérêts de sa ville natale, mais ceux de tout le pays.

Or, comme nous l'avons dit, cette unité de conscience (à l'échelle nationale) est l'oeuvre de la révélation ou de la religion. Par conséquent, s'il s'agit de créer l'unité de conscience à l'échelle mondiale, il faut recourir à la même puissance (religion) qui a fait ses preuves durant plus de 6000 ans.

Mais quelle religion? Pour un baha'i, la question ne se pose pas. Car ce serait demander quelle science permettrait aux peuples de se rencontrer plus facilement, et, par conséquent de se rapprocher de plus en plus? Il va de soi que c'est la même science qu'il y a 2000 ans, car il n'y a qu'une science, la science universelle, toujours en évolution. Si cette science, il y a 2000 ans. mettait le char comme moyen de transport à la disposition des peuples, la même science, au stade actuel de son évolution, met l'avion comme moyen de transport à la disposition des peuples.

Il en est de même en ce qui concerne la religion: il n'y a qu'une religion, la religion de Dieu, toujours en évolution. Et le stade actuel de son évolution, c'est la foi baha'ie, qui est dotée des mêmes caractéristiques que les stades précédents (judaïsme, christianisme, islam ...). Autrement dit la foi baha'ie a son fondateur, ses Écrits sacrés, ses martyrs, ses prophéties accomplies, ses lois et bien d'autres caractéristiques dont l'exposé devrait faire l'objet d'une autre conférence.

Mais ce qu'il faut surtout retenir concernant la foi baha'ie, c'est qu'elle insiste plus particulièrement sur l'unité des religions, sans négliger l'unité dans les autres domaines.

D'après les Écrits baha'is, la lumière de l'unité mondiale se compose de sept lumières qui sont les suivantes:

1. l'unité dans l'ordre politique:

2. l'unité de pensée dans les entreprises mondiales;

3. l'unité dans la liberté;

4. l'unité dans la religion;

5. l'unité des nations, ce qui signifie que les hommes se considèrent comme les citoyens d'une même patrie, cette patrie étant notre planète;

6. l'unité des races;

7. l'unité des langues.

Quelques remarques s'imposent concernant ces diverses étapes vers l'unité mondiale.

Concernant l'unité politique, les Écrits baha'is recommandent la convocation d'une conférence mondiale, organisée par les dirigeants du monde afin de conclure un traité où les frontières de tous les pays seront fixées, ainsi que l'importance des armements de chacun d'eux et les obligations internationales.

Pour garantir le respect de ce traité, les Écrits baha'is prévoient la nécessité d'une force armée internationale assez puissante pour arrêter toute dérogation, d'où qu'elle vienne.

Concernant l'unité de pensée dans les entreprises mondiales, mentionnons, à titre d'exemple, le problème de la révolte et de la violence dans le monde.

La solution de ce problème doit être apportée à l'échelon mondial et de la même façon. La triste situation devant laquelle nous nous trouvons actuellement, vient de ce que les uns incitent les jeunes à la révolte, alors que les autres répriment impitoyablement les révoltes.

La solution actuelle que la foi baha'ie préconise, c'est la loyauté envers le gouvernement et la non-ingérence dans les activités politiques, car celles-ci ne font que diviser au moment où la foi baha'ie ne cherche qu'à unir.

La situation actuelle dans tous les pays est comparable à l'état d'un édifice qui est en train de s'écrouler lui-même; à quoi bon se révolter et prendre une pioche pour en accélérer l'effondrement? Ne vaut-il pas mieux plutôt consacrer son temps à l'édification d'un nouvel édifice dont humblement les baha'is présentent le modèle?

Concernant l'unité dans la liberté il faut avouer qu'actuellement on ne trouve nulle part cette liberté dont le signe est que les désirs des individus se trouvent réalisés pratiquement à l'échelon social. Dans les pays de l'Est, qui se présentent comme les vrais défenseurs de la liberté, la situation est illustrée par ce petit mot qui dit:

Alors Dieu, désignant Ève, dit à Adam: Choisis une épouse.

Quant aux pays au régime démocratique, on les définit ainsi: la démocratie est un régime sous lequel on a la liberté de dire qu'on n'a pas de liberté.

Quelle est la solution baha'ie à ce problème? J'en dirai un mot à la fin de cet exposé.

Et nous arrivons à la quatrième unité, l'unité dans la religion. Qu'est-ce que c'est que la religion?

C'est un code de lois révélé par Dieu afin d'assurer l'ordre, grâce à sa puissance innée (son esprit). Or l'ordre ne peut être établi qu'avec un même code de lois, et non pas avec plusieurs codes de lois. D'où la nécessité de l'unité dans la religion. Et quel est ce modèle d'ordre présenté par la foi baha'ie, j'en dirai un mot également à la fin de cet exposé.

Quant à l'unité des nations, on constate avec regret que les gens qui se considèrent comme les citoyens d'un même pays (je ne dis même pas du monde) restent en désaccord à cause des préjugés de race ou de langue. D'où la nécessité de l'unité de race et de langue, en plus de l'unité des nations.

Deux observations sont à faire à propos de ces lumières d'unité.

D'abord, comme pour la lumière solaire qui se compose de sept lumières dont chacune a son importance, le rouge restant le plus important, la lumière de l'unité mondiale se compose de ces sept lumières d'unité, chacune ayant un rôle à jouer et le rôle le plus important étant celui de l'unité dans la religion.

La deuxième observation est que, d'après les Écrits baha'is, ces lumières d'unité apparaîtront, chacune en leur temps, en ce "siècle de lumière (Terme utilisé par Abdu'l-Baha).

N'en voyons-nous pas déjà les signes précurseurs? Ne voyons nous pas augmenter de jour en jour le nombre de ceux qui, tels les cosmonautes, voient notre planète comme un petit corps céleste, habité par un même peuple?

Tout cela pourrait paraître de la théorie pure, s'il n'y avait pas un mode de vie pratique qui engage chacun à s'entraîner à l'esprit d'unité au point de vue race, classe, nation, langue, religion, tout en apprenant à travailler en groupe, ensemble avec les autres, de manière que toute la communauté forme une seule et même équipe. Cet engagement est la participation active de tout baha'i à la vie communautaire organisée, régie par ce qu'on appelle actuellement l'Ordre administratif, embryon du futur Ordre mondial, comme nous allons le voir.

A la base de cet Ordre administratif se trouvent les réunions mensuelles appelées Fête des dix-neuf jours, où les baha'is se rencontrent régulièrement.

Ces réunions comprennent trois parties distinctes, chacune ayant une fonction bien définie, et les trois constituant un processus continu. Comme dans l'art du ballet (Image conçue par H. M. Balyuzi), il y a la musique, le mouvement et le décor, trois parties absolument distinctes, mais réunies ensemble pour composer une unité individuelle, exprimant magistralement tant d'idées. Ce n'est qu'une image illustrant le caractère de ces fêtes. Cependant il faut noter que si dans l'art du ballet il n'y a pas de paroles, à ces fêtes, c'est la parole, expression des idées, qui est encouragée.

Pendant la première partie, qui est purement spirituelle, on récite des prières et on lit les extraits des Écrits sacrés.

La deuxième partie, appelée administrative, est prévue pour exprimer et échanger des vues et des idées sur les divers problèmes de la communauté locale, ou nationale, ou même mondiale. Ces échanges de vues aboutissent à des suggestions aux institutions dirigeantes.

La troisième partie étant sociale, on y "rompt le pain ensemble", ce qui est un symbole de fraternité et d'affection.

Ces fêtes sont organisées à tour de rôle par chaque membre de la communauté, qui devient l'hôte de la partie sociale et reçoit les participants suivant ses moyens. Comme les participants à ces réunions sont des gens d'origines religieuse, sociale, raciale et éventuellement nationale ou linguistique différentes, et que tous, avec des droits égaux, s'y consultent et se servent régulièrement, c'est un entraînement permanent à l'esprit d'unité.

De plus, comme à ces réunions, on se consulte, quand les circonstances l'exigent, sur les questions intéressant d'autres pays du monde, où les habitants sont d'une autre origine nationale, raciale ou linguistique, et comme on leur vient en aide par des contributions volontaires, on voit que l'entraînement à l'esprit d'unité se fait à l'échelon mondial.

Un dernier mot pour justifier le fait que l'Ordre administratif baha'i est l'embryon du futur Ordre mondial, tout en assurant actuellement la liberté des individus.

Il est indéniable qu'aujourd'hui il n'y a pas d'ordre dans le monde. La meilleure preuve en est la situation paradoxale suivante. Les hommes, pris individuellement, désirent la paix, et peuvent servir utilement à l'érection de l'édifice de la paix. Mais du fait qu'ils sont soi-disant organisés en divers États, il n'y a plus de paix possible. C'est qu'il n'y a pas d'ordre dans leur organisation.

C'est comme les divers matériaux de construction (les briques, le sable, le bois, le verre, le fer, etc.): chacun pris séparément sert utilement à l'érection d'un édifice. Mais si on ne les arrange pas dans l'ordre, si, par exemple, on ne juxtapose pas les briques comme il faut, si on ne les lie pas ensemble avec un liant tel que le mortier de ciment, l'érection de l'édifice devient impossible.

C'est ce qui se passe actuellement chez les hommes qui, soi-disant organisés, n'arrivent pas à ériger l'édifice de la paix, cette paix qu'ils désirent si ardemment, pris individuellement.

Ce qui, par la même occasion, prouve qu'ils n'ont pas la liberté de traduire à l'échelon social ce qu'ils désirent individuellement.

Une telle situation ne peut pas exister avec l'Ordre administratif baha'i. En effet, aux réunions mensuelles dont nous avons déjà parlé, après une année d'association et de consultation, on arrive à distinguer ceux qui sont faits pour traduire à l'échelon social les désirs des individus. Et à la fin de l'année on procède à des élections absolument libres, c'est-à-dire sans propagande, ni candidature. Les neuf personnes qui obtiennent le plus grand nombre de voix dans chaque communauté de la ville ou du village, constituent l'institution qui dirigera les affaires de cette communauté. Cette institution s'appelle actuellement Assemblée spirituelle locale.

Élue de cette façon, cette Assemblée ne peut qu'être l'interprète véritable des sentiments des individus, et traduire à l'échelon social leurs désirs. Une telle organisation garantit donc la liberté individuelle.

Pour mémoire on peut noter qu'actuellement dans le monde il y a plus de dix-sept mille" Assemblées spirituelles. sorte de gouvernements locaux embryonnaires.

Ceci sur le plan local.

Sur le plan national, on procède de la façon suivante. A la fin de chaque année, les membres de la communauté de chaque localité procèdent à l'élection libre de leurs délégués à la Convention nationale. Et ce sont ces délégués, véritables représentants des membres de la communauté, qui élisent l'institution nationale qui dirigera les affaires de la communauté nationale. Cette institution qui s'appelle actuellement Assemblée spirituelle nationale, est pour les baha'is une sorte de gouvernement national embryonnaire. Le nombre de ces Assemblées spirituelles nationales est actuellement de plus d'une centaine (Statistiques de 1973).

Ceci sur le plan national.

Sur le plan mondial ce sont les membres de ces Assemblées nationales qui élisent l'institution dirigeant les affaires mondiales baha'ies. Cette institution existe actuellement et s'appelle Maison universelle de justice.

Pour les baha'is c'est une sorte de gouvernement mondial embryonnaire.

Quant au gouvernement mondial, représentant tous les pays de notre planète, il sera, selon les Écrits baha'is, constitué en ce siècle même, en ce "siècle de lumière". Et alors, cosmonautes que nous sommes tous par l'image que nous nous faisons de notre terre, nous verrons qu'effectivement LA TERRE N'EST QU'UN SEUL PAYS ET TOUS LES HOMMES EN SONT LES CITOYENS.

Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant