Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

4. L'amour et l'amitié
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4.6. L'aube d'une nouvelle civilisation

Un touriste américain arrive à Paris, prend un taxi et demande au chauffeur de lui montrer les chefs-d'oeuvre de la capitale. Arrivé à Notre Dame, le chauffeur lui dit:

- Il n'y a pas d'église plus majestueuse que celle-là. Et l'on a mis 200 ans pour la finir.

- 200 ans - fait l'Américain. Chez nous la science est tellement avancée qu'on la fait en un an.

Le chauffeur vexé ne dit rien et continue sa route. Ils arrivent devant le Panthéon.

- C'est là - dit-il - que nos grands hommes sont enterrés. C'est moins important que Notre Dame, mais c'est tout de même magistral, et on a mis 25 ans pour le construire.

- 25 ans - s'étonne l'Américain - Chez nous, à l'état actuel de notre science on le fait en moins de 6 mois.

Une fois de plus le chauffeur se sentit vexé, mais ne dit rien. Ils s'approchent de l'Arc de Triomphe. Il accélère.

- Attends - dit l'Américain - C'est bien beau - qu'est ce que c'est?

- je ne sais pas - répond le chauffeur flegmatiquement. Hier il n'y était pas encore. Il faut demander aux gars du quartier.

Cette anecdote nous revient à l'esprit chaque fois que les défenseurs farouches de la science cherchent à nous impressionner, prétendant qu'avec la puissance dont dispose la science on arrivera à bâtir une nouvelle civilisation, à la place de celle que nous avons aujourd'hui et dont les signes d'effondrement sont manifestes.

Fiers d'un siècle d'expérience, ils oublient les milliers d'années d'expérience du passé enregistrées par l'histoire. Ils oublient qu'il y a 4000 ans les Babyloniens fiers de leur science cherchaient à atteindre le ciel par leur Tour de Babel; mais "ils parlèrent différentes langues" c'est-à-dire qu'ils ne parvinrent pas à se comprendre et à s'entendre, et ils échouèrent. Leur civilisation s'effondra pour céder la place à une nouvelle civilisation fondée par Abraham.

Ils oublient qu'il y a 3500 ans, non moins fiers étaient les Egyptiens avec leur civilisation matériellement très avancée mais moralement en décadence. Mais leur civilisation s'effondra pour céder la place à une nouvelle civilisation fondée par Moise.

Ils oublient qu'il y a 2000 ans, non moins prétentieux étaient les Romains avec leurs arts et leur science, mais moralement en décadence. Leur civilisation s'effondra pour céder la place à celle qui a été fondée par jésus; et je m'arrête là pour ne pas allonger la liste des multiples civilisations étudiées par les grands historiens tels que Arnold Toynbee, civilisations qui toutes se sont effondrées pour l'unique raison qu'elles étaient basées sur un seul pilier, celui de la science, négligeant l'autre pilier, celui de la religion.

Et elles furent toutes remplacées par de nouvelles civilisations basées sur deux piliers, la science et la religion.

Alors faut-il aujourd'hui avoir recours à la religion d'Abraham avec ses lois sociales dépassées, ou à celle de Moïse avec sa loi du talion incompatible avec les exigences de notre époque, ou à celle de jésus qui était si efficace pour son temps et qui n'arrive pratiquement pas à résoudre les problèmes si complexes de notre siècle?

Voilà les questions que se posent les penseurs de notre siècle lorsqu'ils étudient l'histoire des civilisations fondées par les Fondateurs des religions au fur et à mesure que l'humanité avance dans son évolution.

L'éminent savant français Leconte de Nous écrit dans "L'homme et sa destinée":

"Les Romains civilisés d'il y a 2000 ans seraient bien étonnés si on leur avait dit que le destin de leur civilisation se trouvait dans la main d'un jeune juif originaire de l'une de leurs colonies lointaines, crucifié à côté de deux brigands..." Et il continue en disant:

"L'homme, qui dans un ou deux mille ans sera tenu pour le plus grand de notre époque existe peut-être aujourd'hui ou vivait-il hier. Nous n'avons aucun moyen de le découvrir soit parce que nous sommes trop intelligents, soit parce que nous ne le sommes pas assez.

Les baha'is déclarent solennellement que cet Homme, ce Fondateur d'une nouvelle civilisation c'est BAHA'U'LLAH, Auteur de la Révélation baha'ie, tout en précisant qu'au point de vue spirituel c'est toujours la même religion qui a été fondée par Abraham, Moïse, jésus, Muhammad... Seulement, étant donné que depuis, l'humanité a évolué pour entrer aujourd'hui dans le stade d'adulte, il a bien fallu que la religion, évolue aussi. Ce stade de l'évolution de la religion, ou cette nouvelle religion c'est la Foi baha'ie dont les enseignements satisfont aux exigences de l'âge adulte de l'humanité. C'est ce que nous allons voir en tenant compte des caractéristiques de l'âge adulte de l'homme.

1 - la première caractéristique de l'âge adulte c'est qu'à cet âge on préfère s'imposer une discipline de bon gré (et on est assez grand pour le faire plutôt que d'obéir sous menace de sanctions; donc autodiscipline plutôt que discipline imposée.

Sur le plan religieux c'est précisément le cas de la foi. Si dans le passé les Écritures parlaient des tourments de l'enfer en cas de désobéissance et d'inobservance des lois, aujourd'hui les Écrits baha'is demandent l'observance des lois par AMOUR, et non pas par peur de l'enfer.

"Observez Mes lois par amour pour Moi".

Voilà ce que Dieu nous demande aujourd'hui.

Voilà ce que nous lisons dans les Écrits baha'is. (Baha'u'llah "Les Paroles Cachées").

A titre d'exemple je cite le cas de la colère et du pardon. jésus dit qu'il faut maîtriser sa colère et pardonner, sinon le feu de l'enfer nous attend.

Le prophète Muhammad nous promet les délices du paradis si nous maîtrisons notre colère et pardonnons.

"Le paradis est destiné à ceux qui maîtrisent leur colère et à ceux qui pardonnent aux hommes (leurs offenses) Qur'an 3 "/128.

Baha'u'llah dit que si l'on ne maîtrise pas sa colère "le foie brûle" ce qui veut dire que c'est surtout le foie qui souffre des effets néfastes de la colère (Et la médecine d'aujourd'hui le confirme).

Remarquons qu'il ne faut pas prendre à la lettre cette histoire de l'enfer dont parlent jésus et Muhammad. En se mettant en colère, en s'obstinant à ne pas pardonner une offense, et, par conséquent, en "brûlant" son foie et en subissant les souffrances physiques qui en résultent ne se crée-t-on pas déjà un enfer?

En tout cas, ce qui est certain, c'est que l'homme adulte d'aujourd'hui est plus disposé à s'imposer la discipline du pardon sur la base d'une argumentation plutôt que de l'observer par peur d'aller en enfer en cas d'inobservance.

La Foi baha'ie devient donc une sorte d'autodiscipline basée sur l'amour plutôt qu'une discipline s'appuyant sur la menace de l'enfer.

2 - La deuxième caractéristique de l'âge adulte c'est qu'on veut chercher personnellement et indépendamment la discipline qui garantit son bien-être et celui de la communauté. On ne veut plus que ce soit papa qui nous l'impose, ce qui était le cas dans le passé où l'on était encore enfant.

Sur le plan religieux la recherche personnelle et indépendante de la vérité devient donc un principe de base, ce qui est précisément le cas de la Foi baha'ie.

Si sur le plan scientifique on est uni, c'est qu'on applique ce principe de la recherche personnelle, laquelle aboutit à la découverte de la vérité qui reste toujours une et une seule et, par conséquent, met tout le monde d'accord.

Il en sera de même sur le plan religieux si l'on applique le principe de la recherche personnelle, laquelle aboutit à la découverte de la vérité spirituelle qui reste toujours une et une seule et par conséquent, met tout le monde d'accord.

3 - Une troisième caractéristique de l'âge adulte c'est de n'accepter que ce qui satisfait la raison. Sur le plan religieux l'intelligibilité de la foi doit devenir un principe de base de la religion, ce qui est précisément le cas de la Foi baha'ie.

Les Écrits baha'is non seulement prescrivent des lois qui sont en parfait accord avec la raison et la science, mais, en plus, par des interprétations logiques ils rendent intelligibles ce qui dans le passé était admis comme dogme et que la raison ne pouvait pas accepter.

A titre d'exemple je prends la question de la résurrection du Christ. Dans le passé on nous disait que c'était une résurrection corporelle, ce que l'esprit scientifique n'admet pas. Or les Écrits baha'is disent que par le terme résurrection du Christ il faut entendre la résurrection du christianisme, c'est-à-dire la résurrection de la foi chrétienne qui pendant trois jours restait "enterrée" par les apôtres, étant donné leurs troubles, leurs doutes et même le reniement (ce qui fut le cas de St-Pierre). Cette interprétation n'est pas arbitraire, elle est conforme au Nouveau Testament.

En effet dans sa première épître St-Pierre dit que le Christ a été mis à mort quant à la chair mais rendu vivant quant à l'esprit I Pierre 3/18. Or le mot esprit, jésus le définit en tant que Sa parole.

"Et les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie" jean 6/63.

Et c'est précisément la parole du Christ qui a été oubliée (enterrée) pendant trois jours, après quoi les apôtres se ressaisirent et se raffermirent dans la foi: le christianisme a ressuscité.

Quant au fait de ne pas prendre le terme Christ selon la chair, C'est St-Paul qui le dit clairement après la crucifixion.

"Si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons Plus de cette façon" (II Cor. 5/16).

4 - Une quatrième caractéristique de l'âge adulte c'est qu'on ne veut plus faire des prières sans en comprendre le sens. Si c'était le cas dans le passé quant on récitait les prières dans une langue qu'on ne comprenait pas (l'arabe pour les musulmans, le latin pour les chrétiens) c'est que l'on traversait la période d'enfance, le stade de formation où l'on ne peut pas être exigeant. je m'explique par un exemple. A un enfant on demande de dire suivant le cas "bonjour" "au revoir" ou "s'il vous plaît".
Il obéit sans comprendre la signification exacte de ces mots. Mais devenu grand, il veut comprendre et il comprend que "bonjour" veut dire "je vous souhaite une bonne journée", "au revoir" veut dire "j'aurai le plaisir de vous voir" et que "s'il vous plaît" signifie "si cela vous plaît" "si cela ne vous dérange pas". La formation de l'enfant impliquait d'apprendre à dire ces formules de politesse sans en saisir la signification, mais une fois cette formation reçue et une fois qu'on est adulte on comprend le sens et de tout son coeur on les récite.

C'est le cas de l'homme adulte d'aujourd'hui, face à la prière. Et c'est la raison pour laquelle les Écrits baha'is disent explicitement que la prière est indissolublement liée à la méditation et à l'action. C'est un tricycle dont on ne peut pas enlever une roue.

Ainsi, par exemple, quand nous prions en disant:

"Que Ton règne arrive sur la terre comme au ciel" nous comprenons que le règne de Dieu sur terre veut dire que Dieu soit le roi sur terre, autrement dit qu'on L'écoute quand Il dit "Aimez-vous les uns les autres". Nous continuons notre méditation afin de comprendre ce que signifie "aimer". Nous voyons que la meilleure image de l'amour c'est l'amour maternel qui se manifeste par le fait que le comportement de la mère est tel qu'on a l'impression qu'elle et son enfant ne font qu'UN. C'est donc le sentiment d'unité qui manifeste l'amour. En conclusion, pour aimer, nous devons nous entraîner à l'esprit d'unité. C'est le stade d'action, qui encore une fois fait partie intégrante de la Foi baha'ie, étant donné que l'un des engagements de tout baha'i est l'entraînement à l'esprit d'unité aux réunions mensuelles sans classe.

En résumé la prière doit être accompagnée de méditation et suivie d'action.

Autrement un perroquet peut aussi réciter les paroles de la prière. Est-il croyant?

Qui peut-on tromper rien qu'en parlant de l'amour du prochain, sans le montrer dans la pratique par son comportement et par ses actes.

Voyant dans la main d'un enfant un nid avec des petits oiseaux une femme lui dit:

- Pourquoi as-tu fait cela? Et leur maman de retour vers son nid, combien va t-elle souffrir, n'y trouvant ni le nid, ni les petits.

Et l'enfant après avoir regardé la femme des pieds à la tête, dit - Madame, peut-être leur maman est l'oiseau dont vous portez les plumes sur votre chapeau.

5 - Une cinquième caractéristique de l'âge adulte c'est qu'on ne voit plus la nécessité des rites. Ce qui ne veut pas dire que lorsqu'on était petit on n'en avait pas besoin. Non, les rites sont comme les jouets qui sont nécessaires pour l'enfant. Une poupée est nécessaire pour une fillette afin de la former pour l'avenir quand elle sera maman. Mais une fois qu'elle est adulte et mariée, si vous lui offrez la même poupée, elle va rire. C'est ce que font les jeunes de nos jours quand on leur parle des rites.

6 - Une sixième caractéristique de l'âge adulte c'est qu'on ne veut plus qu'on continue de vous parler en paraboles, on demande un langage ouvert. En effet, quand on est petit, il est normal qu'on nous tienne un langage imagé, en paraboles. On n'est peut-être pas en mesure de comprendre, le langage ouvert. je m'explique par un exemple.

Ne pouvant pas expliquer à un enfant le processus de la naissance on lui tient un langage imagé, en faisant intervenir "les anges" "les cigognes" "les choux" etc.

jojo a 4 ans, il vient d'avoir une petite soeur.

- Hier - lui dit sa mère - un ange a apporté une toute petite soeur pour toi. Veux-tu voir ta petite soeur?

- Oui maman, fais la voir.

Dix ans après, il y a une deuxième naissance, et maman continue de tenir le même langage.

- Hier, - dit-elle à Jojo - un ange a apporté une autre petite soeur pour toi. Veux-tu voir ta petite soeur?

- Non, maman, c'est l'ange que je veux voir.

Et bien, chers amis, l'homme d'aujourd'hui c'est "l'ange" qu'il veut voir. Il lui faut le langage ouvert et non pas les paraboles.

Sur le plan religieux c'est ce que jésus a promis en disant:

"je vous ai dit ces choses en paraboles, le temps viendra où je vous parlerai ouvertement" jean 16/25.

Il y a bien d'autres caractéristiques à l'âge adulte, mais je ne voudrais pas continuer leur longue liste car toutes ces caractéristiques, comme celles que j'ai mentionnées, une fois appliquées à l'état actuel de l'humanité nous amènent aux conclusions analogues à ce que je vais vous résumer sous forme de points d'interrogation.

Ne sommes-nous pas aujourd'hui assez grands pour être en mesure de nous imposer une discipline, au lieu qu'on nous l'impose sous la menace du châtiment?

- Ne sommes nous pas assez grands pour choisir notre chemin nous-mêmes, personnellement et indépendamment?

- Ne sommes-nous pas assez grands pour n'accepter que ce qui est intelligible?

- Ne sommes-nous pas assez grands pour associer nos prières à la méditation et surtout à l'action qui est l'esprit même, le but même de la prière?

- Ne sommes-nous pas assez grands pour ne pas avoir besoin de rites?

- Ne sommes-nous pas assez grands pour qu'on nous tienne un langage ouvert?

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