Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

5. L'amour et la science
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5.4. Parents responsables

Un petit garçon dit à son père:

- "Papa, viens jouer avec moi."

- "je ne peux pas": répond le père.

- "Pourquoi?"

- "Pour gagner de l'argent."

- "Pourquoi faire?"

- "Pour que tu puisses manger."

- "Je n'ai pas faim, viens jouer avec moi."

Cet enfant est encore heureux de voir son père, car il y a des cas où il ne voit presque pas son père.

- "Maman" dit le petit "qui est ce monsieur qui tous les soirs entre dans ta chambre, pour en sortir le lendemain de bonne heure?"

- "C'est ton père": répond maman.

Ces deux petites histoires montrent combien en Occident nous manquons de temps pour nous occuper de nos enfants. Et pourtant nous leur achetons des jouets, des livres, des bicyclettes... croyant que c'est de tout cela qu'ils ont besoin, et oubliant que c'est surtout de NOUS qu'ils ont besoin. Nous, qui avons le temps pour aller au cinéma, au théâtre, au match de football, à la mer, mais qui n'avons pas le temps pour nous occuper de nos enfants à la maison.

Nous croyons que c'est là le devoir de l'État avec ses écoles, ses programmes scolaires et ses méthodes modernes. Quant à l'État, il dépense une grande partie de son budget pour l'instruction, il met au service des enfants une multitude de spécialistes enseignants, psychologues, pédiatres, conseillers d'orientation, etc.)

Et nous sommes heureux que l'État fasse d'eux des hommes capables de se faire un NOM et une FORTUNE, des individus PRODUCTIFS.

Souvent même, afin d'atteindre ce but, nous sommes très pressés, nous les poussons à brûler les étapes, nous substituons une croissance forcée à la croissance naturelle, nous voulons voir nos enfants devenir de bonne heure de petits adultes accomplis, comblant nos aspirations personnelles et se sentant heureux.

Et quelle est la conséquence de tous nos efforts et ceux de l'État? Nous voyons qu'ils ne sont pas heureux, qu'ils se révoltent, que le nombre de suicides augmente chaque année chez les adolescents.

En Amérique, on enregistre 200000 tentatives de suicide par an, dont 20000 avec succès. Ce qui fait plus de 500 tentatives de suicide par jour dont 50 avec succès. C'est effrayant. C'est incroyable, mais c'est vrai.

Chez les moins de 16 ans on voit se multiplier les affections dues à la nervosité, l'anxiété, comme les ulcères, l'asthme et la migraine.

Et la majorité, sous prétexte d'éviter ses inquiétudes et anxiétés, a de plus en plus recours à l'alcool et stupéfiants, phénomène qui prend des proportions alarmantes et inquiète vivement aussi bien les parents que les autorités.

Quelle est la cause de cette triste situation? C'est que non seulement nous n'avons pas le temps de nous occuper de l'éducation de nos enfants, mais que nous n'avons pas le temps de nous occuper de nous-mêmes afin d'avoir une idée claire de ce qu'est réellement l'éducation.

Selon les enseignements baha'is, il y a trois sortes d'éducation, l'éducation matérielle, l'éducation humaine et l'éducation spirituelle.

L'éducation matérielle a pour but d'assurer les meilleures conditions pour le développement du corps en facilitant les moyens de vivre et en contribuant à l'acquisition du confort et de la tranquillité. Nous nous privons de beaucoup de choses, si nécessaires, pour assurer le bien-être de notre enfant, nous lui donnons la meilleure chambre, bien aérée, bien ensoleillée, nous acceptons de vivre loin du lieu de notre travail et de perdre des heures dans les transports afin que notre enfant profite des espaces verts de la banlieue. Nous lui procurons à profusion le matériel de sport et de jeux en plein air. Tout cela pour garantir son bien-être matériel. Ce que l'animal fait avec son petit, avec peut-être cette différence que l'animal joue avec son petit et nous n'en avons pas le temps. Pour être bref, disons que l'éducation matérielle est commune à l'homme et à l'animal.

Vient ensuite l'éducation humaine, c'est ce qu'on appelle instruction, grâce à laquelle on progresse en sciences et en arts.

De cette éducation, ce sont les écoles qui s'en chargent. Quant à nous ce que nous devons faire c'est de voir quelles sont les aptitudes et les capacités de notre enfant afin de l'orienter d'une manière juste. Nous ne devons jamais chercher à satisfaire nos désirs personnels. Si l'enfant n'aime pas la médecine, nous ne devons pas le contraindre à étudier la médecine. Si nous insistons, il étudiera la médecine, mais ne se voyant pas aussi brillant que ses collègues doués en cette branche, il perdra confiance en lui-même, cette confiance qui est l'élément majeur du succès dans la vie. Il ne réussira donc pas dans la vie et il échouera dans tout ce qu'il entreprend.

Si dans les meilleurs des cas, nous consentons à ce qu'il étudie la branche pour laquelle il a des aptitudes, là encore nous devons éviter les contraintes excessives nées uniquement de notre ambition exagérée. je veux dire que si, dans le but de voir la réussite de notre enfant rejaillir sur nous-mêmes, nous le poussons à accomplir des exploits qui ne lui laissent pas un instant de repos ou de véritable réflexion, nous entravons l'épanouissement de sa personnalité, nous faisons de lui un homme qui pense comme une machine, ce qui est dangereux. Que les machines pensent comme des hommes, il n'y a pas de danger, mais que les hommes pensent comme des machines, c'est tout ce qu'il y a de plus dangereux pour la société.

En bref, étant donné que selon la Foi baha'ie le travail et l'amour vont de pair, ou plus exactement le travail est l'amour rendu visible, chacun doit faire le travail pour lequel il est fait, et que par conséquent il aime et dans des conditions telles que cet amour reste intact.

Il faut donc distinguer les aptitudes de l'enfant pour l'aider, à réussir, sans jamais le forcer à se surpasser. Sinon on risque d'éveiller chez lui de l'hostilité, de la méfiance et un sentiment de frustration, et, en définitive de faire de lui un révolté.

Pour le reste comme nous l'avons dit, c'est l'école qui se charge de son éducation scientifique autrement dit, de son instruction.

La troisième éducation est l'éducation spirituelle. Son but est l'acquisition des qualités spirituelles tels que l'amour du prochain, le service, l'honnêteté, la politesse, la droiture, etc.

Et c'est là que selon Einstein, la science boîte car, précise-t-il, c'est là le domaine de la religion.

Voyons ce que dit la religion au stade actuel de son évolution, je veux dire la Foi baha'ie.

Selon les enseignements baha'is, l'éducation spirituelle non seulement c'est à l'école qu'elle commence, non seulement au sein de la famille, mais dans le sein de la mère. Ce qui implique pour toute la période de gestation un environnement harmonieux imprégné d'amour, de justice, de droiture et, en bref, de toutes les vertus humaines. Aussi, est-il recommandé aux mères de lire durant cette période des ouvrages traitant des questions morales et naturellement des Écrits sacrés. Un tel comportement nécessite une éducation préalable qu'elles auraient dû recevoir de la part des grand-mères.

Voilà pourquoi Victor Hugo disait: "Si vous voulez avoir un homme civilisé commencez par sa grand-mère". Cette parole fut à l'époque considérée comme une plaisanterie, mais aujourd'hui c'est une vérité spirituelle sanctionnée par la science.

En effet, il a été récemment prouvé par des constatations scientifiques (faites surtout par des spécialistes allemands) que l'enfant conçu dans un mauvais environnement moral et placé immédiatement après sa naissance dans un bon environnement est très désavantagé par rapport à l'enfant conçu dans un bon environnement.

Ce bon environnement doit être maintenu après la naissance avec cette différence que la mère lira à haute voix les ouvrages qui lui sont recommandés et surtout les Écrits sacrés. Une fois de plus cela pourrait être pris comme une plaisanterie par les sceptiques, sous prétexte que le nouveau-né ne comprend rien de ce qu'on lui dit. Mais les constatations scientifiques et les statistiques ont mis en évidence l'influence ultérieure de cette lecture régulière sur le comportement de l'enfant. Il ne faut pas croire que la religion ne s'occupe que de l'éducation spirituelle en passant sous silence l'éducation physique et humaine.

Cela ne serait pas juste, étant donné qu'il existe une certaine interdépendance entre le corps et l'esprit. Ce qui fait que dans les Écrits baha'is nous trouvons des références concernant l'éducation physique et humaine.

Ainsi, par exemple, il est recommandé aux parents d'habituer les enfants dès leur naissance aux conditions difficiles, de les protéger aussi peu que possible contre le froid et la douleur, de manière à ce qu'une fois devenus adultes ils puissent jouir d'une parfaite santé physique, laquelle ne restera pas sans influence sur la santé morale. Les enfants doivent être allaités par leur mère, sauf en cas d'incapacité pour cause de maladie.

Les châtiments corporels et les injures sont déconseillés, étant donné qu'ils provoquent des réactions néfastes chez l'enfant, dont la conduite ne fait qu'empirer.

Il y a un proverbe arabe qui dit: "Prends un bâton dans la main, mais tiens le langage doux et tu iras loin." Ce qui veut dire qu'il faut faire comprendre aux enfants que l'affection dans l'éducation n'exclut pas l'autorité. Et cette autorité doit s'exercer dans le sens positif, ce qui veut dire que l'enfant doit sentir et voir qu'il y a une autorité qui le surveille pour encourager toute bonne action et appliquer une punition (verbale mais pas physique) en cas de mauvais comportement.

Ce n'est malheureusement pas le cas de nos jours, quand la punition s'exerce d'une façon qui est illustrée (bien que d'une façon exagérée) par une revue américaine qui écrit: "Vers 18 h 15 la mère excédée par une journée entière de bêtises, s'écrie: "Maintenant, ça suffit! Va dans ta chambre." L'enfant s'en va. Il y a un poste de T.V. et un réfrigérateur bien garni. On lui apporte son dîner.

Ensuite les parents sortent en le laissant à la garde d'une charmante jeune fille de 18 ans. Et on appelle ça une punition?"

L'instruction de l'enfant commence à l'âge de 5 ans et toujours dans un esprit d'amour et d'encouragement.

Quant à la responsabilité morale chez les baha'is, elle commence à l'âge de 15 ans, âge à partir duquel on doit faire son choix sur l'opinion ou la religion à adopter. Le principe directeur de ce choix reste la recherche personnelle et indépendante de la vérité, donc pas de contrainte dans la foi mais la liberté.

Une mise au point est cependant nécessaire. Sous prétexte de laisser l'enfant libre de choisir son chemin on ne doit pas s'abstenir de lui indiquer le chemin que le raisonnement et l'expérience ont montré comme étant juste.

Si par raisonnement et par expérience je suis arrivé à cette conclusion que je vivrai mieux en attirant la confiance des autres et en leur faisant confiance plutôt qu'en les trompant, je ne dois pas laisser mon enfant tromper les autres pour que par "son expérience" toujours amère il regrette son comportement et se rallie à ma conviction.

Si je sais que la drogue est un danger aussi bien pour l'individu que pour la société, je ne dois pas laisser mon enfant se droguer pour qu'il fasse "son expérience". je dois lui dire ce qu'il doit faire:

Si je sais que, par mon travail, je dois servir mon prochain et non pas le voler, il est de mon devoir d'éduquer mon enfant dans cet esprit et non pas le laisser libre de faire "son expérience", laquelle tôt ou tard lui reviendra cher.

Si je sais que l'homme doit se libérer des préjugés de race, de classe, de nation, d'opinion, de religion, je ne dois pas laisser mon enfant libre de s'empoisonner par tous ces préjugés dont souffre l'humanité.

Par contre, je dois l'éduquer dans un esprit qui le tient à l'abri de tout préjugé.

Mais tout cela fait partie de ma foi. Si c'est bon pourquoi ne pas éduquer mon enfant dans cet esprit? Arrivé à l'âge de 15 ans il sera libre de faire son choix indépendamment et personnellement.

La question qui se pose maintenant est celle-ci: "pratiquement, comment cette éducation doit-elle se faire?"

Inspirons-nous d'un exemple tiré de la nature. Lorsqu'une mère conçoit, la nature crée dans son sein l'ambiance nécessaire pour la croissance physique de l'enfant. Bien qu'ils soient impatients de voir le visage de leur cher petit, les parents ne forcent jamais la naissance. Bien au contraire, ils attendent patiemment le moment de la naissance tout en veillant à assurer les conditions nécessaires pour que le processus naturel suive son cours. Et le moment de la naissance viendra au jour prévu par la Providence.

Il faut appliquer cette même règle concernant la formation spirituelle de l'enfant: nous devons créer l'ambiance nécessaire au sein du foyer.

Quelles sont les conditions à réaliser pour créer cette ambiance?

La première condition nécessaire pour assurer le développement spirituel de l'enfant c'est de donner L'EXEMPLE.

Si les parents ne peuvent pas donner le bon exemple, qu'ils s'abstiennent au moins de donner le mauvais exemple. Car si le bon exemple est difficile à suivre, par contre, le mauvais exemple est bien plus facile à suivre et l'enfant le suivra très facilement.

Rentrant de la pêche, papa tend son panier à sa femme en disant:

- "Regarde tout ce que j'ai pris. N'est-ce pas que c'est formidable!"

- "Menteur" s'écrie son épouse "le petit t'a vu entrer chez le poissonnier. N'est-ce pas jojo?"

- "Oui maman,, j'ai vu papa passer chez le poissonnier avant de rentrer à la maison" affirme le petit.

- "C'est vrai" répond papa sans se démonter: "J'avais tellement de poissons que je suis allé lui en vendre."

Mais le malheur c'est que le petit avait bien vu que le panier était vide quand papa était entré chez le poissonnier. Papa adore mentir et on peut donc suivre son exemple. Il sera facile à l'enfant de dire un mensonge, mais difficile de n'en dire qu'un; l'enfant prendra l'habitude de mentir.

Et s'il arrive que c'est l'enfant qui donne un bon exemple, il faut nous en inspirer.

- "Maman, je peux aller jouer avec Jacques?" demande le petit.

- "Non" répond maman "ses parents l'ont mal élevé. Il est mauvais comme tout. On joue avec les enfants qui sont bons."

- "Est-ce que vous m'avez bien élevé? Est-ce que je suis bon?

- "Mais bien sur."

- "Alors Jacques peut-il venir jouer avec moi?"

Le coeur de l'enfant est pur, il n'a pas l'habitude de voir les autres d'un mauvais oeil. Devant l'enfant quand on commence à dire du mal des autres, au début on n'en voit pas l'effet néfaste. Mais aveu le temps on s'en aperçoit. C'est comme si, dans un récipient contenant de l'eau pure, vous ajoutez une goutte d'encre noire. Au début la couleur de l'eau ne change pas. Mais à force de continuer d'en ajouter on rend cette eau pure absolument noire. Il en est de même en ce qui concerne la médisance. L'effet de la médisance ne se manifeste pas immédiatement, mais à force de continuer de médire on empoisonne l'existence de l'enfant pour l'avenir.

Car l'enfant verra tout le monde d'un mauvais oeil, n'ayant confiance en personne, souffrant personnellement et faisant souffrir les autres.

La meilleure façon d'éduquer un enfant c'est donc de donner un bon exemple.

La deuxième condition indissolublement liée à la première afin de créer l'ambiance harmonieuse pour le développement spirituel de l'enfant c'est L'AMOUR.

L'enfant doit sentir qu'on l'aime, que tout ce qu'on lui demande c'est par amour pour lui, et tout ce qu'on lui interdit c'est également par amour.

Mais l'amour n'exclut pas la discipline. Les enfants tâtent toujours le terrain afin de savoir ce qu'ils peuvent se permettre. Et ils espèrent secrètement que vous ne les laisserez pas dépasser certaines limites. Autrement ils estimeront que vous n'avez "rien dans le ventre" et vous rendront responsables de tout ce qui peut leur arriver de désagréable.

La preuve que l'enfant n'est pas contre la discipline est que même s'il quitte le foyer familial et s'engage dans une bande, il s'y soumet à une discipline. N'oublions pas que les mots "discipline" et "disciple" ont la même origine "dissipulum" qui signifie "élève". Les enfants ne sont-ils pas les disciples de leurs parents quand ceux-ci font bon ménage et se soutiennent mutuellement? L'amour dont l'enfant a besoin ne se sent et ne s'apprend que si les parents eux-mêmes s'aiment.

Une troisième condition nécessaire afin de créer l'ambiance harmonieuse pour le développement spirituel de l'enfant c'est le fait de découvrir en lui les bonnes qualités et de les encourager. Car les enfants aiment ressembler à la bonne image que ses parents se font d'eux. Une telle attitude de la part des parents implique qu'à tout prix on évite les comparaisons.

Tout enfant a besoin qu'on l'apprécie tel qu'il est. La révolte d'un enfant n'est souvent qu'une réaction violente suscitée par le "pourquoi ne ressembles-tu pas à tel ou tel?" Il sent alors qu'on l'aime non pas pour lui-même mais pour son intelligence ou ses capacités exceptionnelles.

Ce n'est pas par des critiques qu'on incite l'enfant à se transformer selon notre voeu, mais par l'encouragement.

Compte tenu de ces considérations et de ce que nous, parents, n'avons pas fait ce que nous devions faire, les spécialistes en matière d'éducation nous tiennent responsables devant la crise que traverse la jeunesse aujourd'hui.

Un péché reconnu est à demi pardonné. Que les jeunes nous pardonnent pour le passé. Mais afin de ne pas recommencer ces erreurs, que les futurs parents prennent conscience dès maintenant de leurs responsabilités.

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