Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

6. La lumière ne fait pas de bruit
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6.4. La joie par la foi

Un roi avait quatre fils. Lorsqu'ils eurent atteint l'âge adulte, il les confia à un maître pour qu'il leur apprenne la sagesse. Comme première leçon, le maître leur donna la formule suivante à bien apprendre: "En toutes circonstances je reste heureux".

Le lendemain, trois des fils présentèrent au maître leurs copies en disant qu'ils ont bien appris leur leçon. Le quatrième déclara qu'il n'est pas parvenu à l'apprendre. Et plus le maître travailla avec lui, plus le jeune homme persista à dire qu'il ne se voit pas digne de prétendre qu'il a bien appris la leçon en question.

Finalement le maître présenta au roi ses quatre fils. Les trois premiers reçurent toutes les faveurs du roi, quant au quatrième, il fut vivement réprimandé ; ce qui n'affecta nullement sa sérénité. Bien au contraire, il se montra satisfait de ce qui lui arrivait, au point qu'il ne dissimula même pas son sourire. Furieux, le roi ordonna qu'il soit sévèrement puni. Et le jeune homme réagit toujours avec la même sérénité et le même sourire.

Alors un sage intervint et dit au roi: "Mais c'est justement celui-là qui a bien compris sa leçon, car il reste heureux en toutes circonstances".

Cette histoire est instructive en ce sens que la vie aussi, avec ses peines et ses joies, ses hauts et ses bas, est une leçon que nous devons bien apprendre afin de rester heureux en toutes circonstances, afin de garder une joie intérieure inébranlable.

Mais où trouver la source de cette joie intérieure, c'est la question à laquelle nous allons essayer de répondre.

Certains croient trouver la source de la joie dans les plaisirs matériels ; mais si on réfléchit bien, ces plaisirs ne sont en réalité, que des remèdes contre les souffrances et une fois ces souffrances calmées, ces remèdes deviennent eux-mêmes des souffrances. Ainsi, quand on a soif, c'est un plaisir de boire de l'eau, mais une fois désaltéré, si on nous fait boire encore, on nous fait souffrir, au point qu'on peut en mourir.

Il en est de même en ce qui concerne les plaisirs de la table et tous les plaisirs matériels, car ce ne sont des plaisirs que temporairement.

Tel n'est pas le cas des sentiments spirituels. Ainsi, par exemple, quand on aime quelqu'un, la rencontre avec lui nous fait toujours plaisir. Une mère qui aime son enfant continue de l'aimer en toutes circonstances.

Si donc nous cherchons une joie inébranlable, c'est à l'acquisition de sentiments spirituels que nous devons nous entraîner, tout en profitant cependant des moyens matériels appropriés, étant donné l'interdépendance du matériel et du spirituel.

Nous avons l'habitude de diriger nos sens matériels, pourquoi oublier que nous sommes également capables de diriger nos sentiments spirituels. Si nous avons soif, nous nous dirigeons vers une source. Si nous sommes en danger, nous nous précipitons vers un abri.

Il faut qu'il en soit de même sur le plan moral. Si nous avons soif de justice, nous devons recourir à la source de justice, si nous sommes déprimés et tristes, nous devons recourir à la source de joie.

Or depuis que le monde est monde, cette source de joie reste la FOI, et les gens les plus heureux sont ceux qui ont la FOI. La joie est le but même de la FOI. Toutes les Écritures nous en parlent.

Jésus dit "Je vous ai dit ces choses afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite" (Jean 15/21).

Et Il a établi les lois qui ont garanti cette joie, aussi longtemps qu'on s'en tient à l'esprit de ces lois.

Or cet esprit ayant été abandonné il a fallu le ranimer, ce qui est la mission de la Foi baha'ie.

Et puis les conditions, elles aussi, ayant changé, il a fallu de nouvelles instructions garantissant la joie dans les conditions d'aujourd'hui, c'est ce qu'on trouve dans les Écrits baha'is.

Ces instructions et lois sont nombreuses. Nous allons en citer quelques unes. Mais avant de les citer, précisons que Baha'u'llah tient le même langage que Jésus. Il dit qu' "Il a bu jusqu'à la lie le calice de la tribulations (Quarante années d'exil, d'emprisonnement et de terribles souffrances) afin que tous les peuples de la terre puissent atteindre à la joie éternelle et qu'ils soient remplis d'allégresse".

Ou encore " L'allégresse et la joie doivent se lire sur vos visages". "Ne cédez pas à la tristesse ni au chagrin

ils causent les plus grandes misères".

Et pour ne pas y céder, Baha'u'llah donne des moyens dont certains ont la forme de lois.

1) Le premier moyen pour éviter la tristesse c'est de profiter de tout ce que la vie offre de bon et de beau tant sur le plan matériel que spirituel. Baha'u'llah dit: "Ne vous privez pas de ce qui fut créé pour vous". Et `Abdu'l-Baha, Son successeur et interprète de Ses paroles dit: "Tout ce qui a été créé est pour l'homme, le sommet de la création, et il doit être reconnaissant des dons divers. Toutes les choses matérielles sont faites pour nous afin que notre reconnaissance et notre gratitude nous amènent à apprécier la vie comme un divin bienfait. Si nous sommes las de la vie, nous sommes des ingrats..." (Divine Philosophy p. 104).

En effet, la Nature est un cadeau de Dieu. Ne pas s'en servir c'est être ingrat, et sûrement Dieu n'aimera pas cela. C'est comme si j'offrais une bague précieuse à ma femme et que je constate qu'elle ne la porte pas. N'aurais-je pas raison d'être mécontent?

Un baha'i a le devoir d'aimer la Nature et de profiter de ses beautés. Baha'u'llah était le premier à donner l'exemple. Déjà tout petit il aimait la campagne et souvent on le trouvait en plein air. En prison, Il ne s'est pas plaint des conditions terribles dans lesquelles Il se trouvait, mais Il disait: "Il y a si longtemps que je n'ai pas vu de verdure".

Une mise au point est nécessaire: en prenant sa part de joie dans tout ce qui est bon et beau un baha'i ne doit pas oublier deux choses importantes:

a) Puisqu'il a le devoir d'aimer la Nature il est responsable de son bon usage. Il sait que s'il empoisonne l'air, l'eau et le sol, ce poison lui reviendra tôt ou tard ;

b) Il doit éliminer toute trace d'envie. Je m'explique. Lorsque je me promène dans un jardin public à aucun moment, il ne me vient à l'esprit la question de savoir pourquoi ce jardin ne m'appartient pas. Il faut qu'il en soit de même quand je me promène dans un jardin privé qui n'est pas à moi. Je dois en profiter avec une joie aussi pure que dans le jardin public.

2) Un deuxième moyen pour éviter la tristesse et la mélancolie et, par conséquent, vivre dans la joie, c'est de s'imposer une discipline garantissant la santé, plus particulièrement dans le domaine de l'alimentation. Un baha'i doit se nourrir d'aliments sains, sans jamais se permettre de s'empoisonner par l'alcool, par exemple, sous prétexte que l'alcool noie le chagrin. Ce qui n'est pas vrai, car tout compte fait, l'alcool arrose le chagrin.

Un autre genre de discipline alimentaire c'est le jeûne, sorte de désintoxication annuelle, grâce à un "congé annuel" donné à son tube digestif.

Ne dit-on pas que la moitié de ce que nous mangeons suffit pour nous nourrir, l'autre moitié étant pour nourrir les médecins.

3) Un troisième moyen de combattre la tristesse c'est l'activité, c'est de faire quelque chose, mais de le faire bien, même si c'est une orange qu'on épluche.

L'activité sous sa forme la plus noble c'est le travail utile. L'homme n'est pas fait pour rester inactif. Il doit travailler, cela fait partie de sa nature intime. Dans la Foi baha'ie le travail est obligatoire pour tous. De plus il doit être consciencieux, et dans ce cas, il a une valeur religieuse, étant donné qu'il équivaut à un acte d'adoration de Dieu.

4) Un quatrième moyen de combattre la tristesse c'est d'éviter la solitude, c'est aller à la rencontre de ses semblables. Là aussi, c'est une nécessité de la nature humaine. L'homme est une créature sociale. Ce n'est pas un arbre qui puisse vivre seul. Chez les baha'is les rencontres régulières constituent une obligation morale. Elles se font tous les mois à des réunions sans classe, réunions qui se composent de trois parties: prière, consultations, réception, comme le ballet se compose de trois parties: musique, mouvement et décor. Le caractère de ces réunions est tel qu'on les appelle: FÊTES.

5) Un cinquième moyen d'éviter la tristesse et de garder une joie inébranlable c'est de se fixer un BUT dans la vie. La vie n'est-elle pas comparable à un voyage? Et un voyage n'implique-t-il pas une destination? Ce but dans la vie peut être la protection des animaux, comme la maîtrise aux jeux d'échecs ou toute autre chose. L'essentiel c'est de penser aux moyens d'arriver à la réalisation du but qu'on s'est fixé, plutôt que de chercher un sujet de mécontentement et de mélancolie.

Pour un baha'i ce but c'est le salut général, autrement dit la recherche et l'application des moyens garantissant le bien-être général. Dans les circonstances actuelles, le bien-être individuel que tout le monde recherche ne dépend t-il pas du bien-être général. Comme dans l'organisme humain: s'il ne se porte pas bien, les différents organes n'en souffrent-ils pas autant?

Un baha'i s'efforce donc de faire ce qu'il peut pour changer ce monde malade, afin de contribuer à l'établissement d'une nouvelle civilisation où le bien-être général étant assuré, le bien-être individuel par principe en découlera.

Et pour constater combien le bien-être individuel dépend du bien-être général, permettez-moi de reprendre les quatre moyens que j'ai cités tantôt pour le bien-être personnel.

Nous avons vu comme premier moyen la jouissance de la Nature. Mais peut-on y compter encore longtemps avec la pollution actuelle de l'air, de l'eau, du sol et de la suppression des espaces verts? Il faut que cela cesse. Il faut changer le monde.

Nous avons vu comme deuxième moyen une discipline garantissant la santé par l'usage d'aliments sains. Mais de tels aliments sont-ils disponibles facilement étant donné tous ces conservants, solvants et colorants qu'on utilise dans les aliments?

Nous avons parlé d'une discipline protégeant la santé contre les poisons tels que l'alcool.

Mais peut-on s'imposer facilement une telle discipline dans un monde qui admet l'alcool comme faisant partie des plaisirs de la table? Il faut changer le monde.

Nous avons parlé du travail obligatoire. Mais le monde souffre du chômage. Il faut donc changer ce monde afin de créer un monde nouveau où l'on puisse trouver facilement du travail.

Nous avons parlé du travail consciencieux. Mais le monde d'aujourd'hui ne l'apprécie pas. Ce qui est si bien illustré par cette anecdote. Un patron veut embaucher un comptable. Trois candidats se présentent.

"Combien font 2 et 2 ?" - demande le patron à chacun d'eux.

"Quatre" - répondent les deux premiers, et ils ne sont pas acceptés. Le troisième obtient le poste. Au lieu de répondre 4, il avait fermé la porte, tiré les rideaux et demandé au patron: "Combien voulez-vous que ça fasse?"

Nous avons parlé des rencontres et des fréquentations régulières comme moyen d'éviter la mélancolie. Or de nos jours ce sont précisément ces fréquentations et ces visites qui sont évitées.

Monsieur Dupont dit à sa femme de se préparer pour aller visiter les Durand.

"Mais ça va les ennuyer" - répond sa femme.

"Pas du tout, c'est le contraire. Tu verras."

Et ils y vont. De retour, Monsieur Dupont dit à sa femme: "Tu as bien vu que j'avais raison. N'as-tu pas remarqué que lorsqu'ils ont ouvert la porte, ils avaient une mine renfrognée, et lorsque nous sommes partis, ils étaient si rayonnants".

Les habitants d'un grand immeuble ne se fréquentent pas et ils préfèrent qu'on ne les dérange pas. Il faut que cela change. Il faut un monde nouveau où les gens se rencontrent et se fréquentent dans la joie et dans un esprit d'unité.

6) Un sixième moyen de combattre la tristesse est d'acquérir une joie intérieure en toutes circonstances c'est de rendre SERVICE.

Un simple exemple: Supposons qu'un jour, vous sentant déprimé, vous sortiez de chez vous. Un conducteur visiblement ennuyé s'arrête et vous dit: "Ça fait deux heures que je tourne en rond et je n'arrive pas à trouver la rue, disons, Eugène Isaye".

Il arrive que, par hasard, vous connaissez bien cette rue et vous renseignez d'une manière précise le conducteur en difficulté.

Rien que ce simple service ne vous change-t-il pas le moral?

Nous avons vu que le but dans la vie pour un baha'i est le salut général. Or ce salut général ne peut être atteint que par l'unité organique. Et nous revenons toujours à l'organisme humain, dont le bon fonctionnement (le "salut") dépend de l'unité entre les différents membres, en ce sens que chaque membre en remplissant son rôle vient en aide aux autres, "sert" les autres. S'il y a donc esprit de service, il y a unité. Et en définitive, le salut général (le but de la vie) dépend de l'esprit de service. Voilà pourquoi on peut dire que SERVIR est le but de tout baha'i. Et sur la bague qu'il porte au doigt il y a un signe qui lui rappelle ce but.

7) Un septième moyen de combattre la tristesse et de garder une joie intérieure inébranlable c'est de voir en tout le bon côté.

Un exemple pour illustrer cette idée.

Après avoir terminé le premier volume de son Histoire de la "Révolution Française" Carlyle en confia le manuscrit à un éminent critique. Or par inadvertance, la femme de chambre de celui-ci utilisa ces feuillets pour allumer le feu. Mis au courant de ce fâcheux incident, Carlyle recommença son travail en inscrivant dans son journal "J'ai l'impression qu'un maître d'école invisible à mis en pièce le cahier que je lui présentais en me déclarant: non, mon garçon, tu dois faire mieux que ça".

Cet optimisme de Carlyle venait de sa profonde foi. Ce qui est normal, car la foi est l'optimisme.

8) Un huitième moyen d'acquérir la joie est précisément de donner la joie. Car en répandant du parfum sur votre prochain, inévitablement vous en ressentez vous-même l'effet agréable.

Si on réfléchit bien, on arrive à cette conclusion que tous les enseignements divins ne sont, pour ainsi dire, que des moyens de donner la joie à nos semblables.

L'histoire suivante racontée par le médecin d' `Abdu'l-Baha en est la preuve:

Un jour, raconte le médecin en question (Yunis Khan "Les Mémoires de neuf années de séjour en Terre Sainte".) (qui était en même temps le secrétaire et l'interprète d" Abdu'l-Baha) pendant la période du jeûne, voyant le Maître très pâle, je lui ai demandé de rompre son jeûne.

"Ce n'est pas bien - me répondit-il. C'est une loi."

"Mais vous êtes malade, Maître."

"Non, je suis épuisé. Je vais me reposer et ça passera."

Voyant que par aucun argument je ne pouvais le convaincre, je lui dis:

"Maître, ne fût-ce que pour réjouir un coeur, rompez votre jeûne..."

"Bien volontiers, bien volontiers", me répondit-il et il rompit son jeûne.

Quant aux moyens de réjouir un coeur attristé, ils sont multiples: visiter un malade, téléphoner à une personne qui souffre moralement, venir en aide à un homme dans le besoin, écrire une lettre à une personne qui se croit oubliée et abandonnée, etc.

En donnant ainsi de la joie inévitablement on ressent la joie soi-même.

9) Un neuvième moyen de combattre la tristesse, moyen le plus puissant et infaillible, à la seule condition qu'on ait la foi, c'est la PRIÊRE. Comment la prière permet-elle de combattre la tristesse, c'est une question à laquelle une seule personne peut répondre. Et cette personne c'est vous, à la condition que vous ayez la foi. Je veux dire, que pour un croyant c'est une question d'expérience personnelle, inaccessible à toute tentative d'explication faite par autrui.

Quelques exemples pour illustrer ce que j'entends par le terme "expérience personnelle".

Vous êtes déprimé. Vous décrochez le téléphone et vous parlez à votre bien-aimée. Ceci vous change le moral. Passez l'écouteur à quelqu'un d'autre qui est également déprimé, cela ne lui changera pas le moral. Une lettre d'un ami que vous recevez à un moment de dépression morale change votre état d'esprit, la même lettre reste sans effet sur le moral d'autrui.

Il en est de même en ce qui concerne la prière qui est un langage d'amour et une question d'expérience personnelle.

Voilà, chers Amis, quelques moyens qu'utilisent les baha'is pour accomplir leur devoir d'être heureux et rayonnants de joie. Je dis bien DEVOIR et là-dessus les Écrits baha'is sont explicites: "Nous devons être heureux et faire de notre vie une action de grâce".

On entend souvent les gens dire: "Je suis d'accord avec les enseignements baha'is, mais je ne veux pas porter l'étiquette baha'ie. Ils oublient qu'il s'agit d'une étiquette portant l'inscription: JOIE et BONHEUR.

Cette joie et ce bonheur ne peuvent être acquis que par une expérience personnelle et c'est à cette expérience que les baha'is vous invitent. À vous d'accepter ou de rejeter cette invitation.

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