Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

6. La lumière ne fait pas de bruit
Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant


6.5. Le mystère des miracles

Si jamais vous ouvrez un dictionnaire, cherchez à la lettre J le mot JONAS et vous lirez ceci: "Un des douze petits prophètes. Il fut rendu à la vie après avoir séjourné trois jours dans le ventre d'un poisson".

Et le dictionnaire ajoute encore cette précision Il vivait huit siècles avant Jésus-Christ".

Si on prend cette version à la lettre, il est difficile d'y croire, comme à bien d'autres histoires citées dans l'Ancien Testament.

Mais lorsqu'on en lit la confirmation par la bouche même de Jésus-Christ qui dit que lui aussi fera ce miracle et que ce sera son seul miracle (Mat. 12/39, Luc 11/29), autrement dit, que lui aussi ressuscitera trois jours après sa mort, on se demande ce que cela pourrait bien signifier réellement.

Les Écrits baha'is nous en donnent l'explication, en précisant que derrière cette histoire se cache une vérité profonde. C'est ce que nous allons voir. Mais voyons d'abord ce qu'en dit la Bible. En résumé, voilà ce que nous y lisons:

"Dieu donne à Jonas la mission d'inviter à la foi le peuple corrompu de Ninive. Jonas désobéit. Il est jeté à la mer et englouti par un gros poisson. Il y reste prisonnier trois jours. Il est dans le "séjour des morts". Il est mort. Le troisième jour, il se repent, il accepte la mission divine. Il est délivré du ventre du poisson. Il ressuscite."

Quant à l'interprétation de cette version, les Écrits baha'is disent en substance ce qui suit:

La mer c'est le monde matériel, et le poisson c'est le corps physique de l'homme, c'est la chair (par opposition à l'esprit). Se noyer dans la mer c'est se noyer dans les soucis du monde matériel (Ne pourrait-on pas en déduire que marcher sur les eaux (comme ce fut le cas du Christ) c'est fouler sous ses pieds les soucis du monde matériel) Rester prisonnier dans le ventre du poisson c'est rester prisonnier des désirs de son corps physique, de sa chair. "Remonter vivant du coeur de la mer" c'est reprendre la vie acquise par la Foi (après s'être détaché du monde matériel).

Cette interprétation est confirmée par le fait que tant que Jonas avait refusé la FOI, il était dit dans le "séjour des morts" (au lieu de "dans le ventre du poisson") et le troisième jour quand, repenti, il est revenu à la Foi, on dit qu'il est "remonté vivant".

En bref, cela veut dire que Jonas sans FOI est un mort, Jonas avec FOI est rendu à la vie. Ce qui compte en Jonas c'est la FOI.

Cette interprétation des termes "mort" et "résurrection" est en conformité avec ce que nous lisons dans le Nouveau Testament.

En effet, selon ce livre tant qu'on reste privé de la vie spirituelle, vie qu'on ne peut acquérir que par la FOI, autrement dit, tant qu'on reste en dehors de la FOI, plongé dans le monde matériel avec ses imperfections et ses vices, on est considéré comme mort.

Quelques réflexions:

1) Parlant du fils cadet d'un homme riche, qui, plongé dans les vices du monde, s'est repenti pour revenir à la vie spirituelle, Jésus dit Il était mort, il est revenu à la vie" (Luc 15/24).

2) A un disciple qui voulait aller à l'enterrement de son père incroyant, Jésus dit: "Suis moi et laisse les morts enterrer leurs morts" (Mat 8/22).
Ce qui veut dire que pour Jésus les incroyants sont considérés comme des morts.

3) St Paul, s'adressant aux Ephésiens devenus croyants dit: "Vous étiez morts... nous tous aussi... il nous a ressuscité ensemble" (Ephésiens 2/1-16).

Par conséquent, quand les Écritures parlent de la mort", elles entendent la "mort de la Foi" et quand elles parlent de la "résurrection", elles entendent la "résurrection de la Foi".

C'est ce qui s'est passé avec Jonas. Pour les habitants de Ninive, Jonas était "mort" pendant trois jours quand il "fuyait" la Foi (que Dieu l'avait chargé de proclamer). Et Jonas ressuscita le troisième jour quand cette Foi se manifesta (étant donné que Jonas, ce jour-là, accepta sa mission divine et proclama la Foi).

Et il en fut de même en ce qui concerne le Christ, ou plus exactement la Foi chrétienne appelée communément christianisme. Etant donné le reniement de Pierre et les perplexités des Apôtres après la crucifixion du Christ, il leur semblait que le christianisme (ou Christ quand à sa réalité) était mort. Mais le troisième jour quand les Apôtres sont redevenus fermes et réassurés, la Foi chrétienne (le christianisme) se ranima, ressuscita.

Voilà tout le mystère de la résurrection du Christ aux yeux des Apôtres. Je dis bien "aux yeux des Apôtres" car il n'y a qu'eux qui ont vu le christianisme (le Christ) ressuscité.

Si nous considérons la résurrection du Christ comme corporelle et, en tant que telle, la présentons comme un signe de sa grandeur exceptionnelle, Jonas n'a-t-il pas le même mérite, étant donné que lui aussi, avait ressuscité, et que le Christ lui-même le confirme.

Remarquons que non seulement la raison, mais les Écritures, elles aussi, confirment la résurrection spirituelle du Christ.

St Pierre ne dit-il pas que le Christ "a été mis à mort quant à la chair, mais rendu vivant quant à l'esprit... (I. Pierre 3/18). Or l'esprit c'est sa parole, sa doctrine, c'est le christianisme (Jean 6/63). Et c'est le christianisme qui ressuscita. Cette résurrection de la Foi chrétienne en trois jours présentait une telle importance aux yeux du Christ qu'il la prédit à une autre occasion ; "Détruisez ce temple et en trois jours je le rebâtirai" (Jean 2/19).

Par le terme "temple" Jésus entendait sa personne, le Christ. Il s'agissait en réalité comme le précise St Paul du christianisme (11. Cor. 5/16). Nous connaissons le Christ selon l'esprit, c'est-à-dire sa parole (comme il a été expliqué). Autrement dit, pour nous, le Christ veut dire le christianisme. Et en définitive Jésus voulait dire: "En détruisant mon corps, vous arriverez à détruire (apparemment aux yeux de ses disciples) le christianisme pendant trois jours seulement, après quoi je lui rendrai la vie (en inspirant la foi et la certitude à mes Apôtres).

Et c'est ce qui s'est passé pratiquement. Et c'était un miracle. Car normalement chaque fois que le fondateur d'une doctrine disparaît, sa doctrine perd sa vitalité et finit par "mourir". Et si elle ne meurt pas (ce qui fut le cas de la doctrine chrétienne) c'est que c'est un phénomène extraordinaire, un miracle.

La question qui se pose maintenant est celle-ci pourquoi Jésus attachait-il tant d'importance au miracle de sa résurrection, comme à celui de Jonas?

Les raisons en sont multiples. Nous allons en citer deux:

La première et la plus importante est que Jésus par la même occasion voulait nous faire comprendre le sens de son Retour (ce Retour qui est l'essence même de l'Évangile).

Il a voulu dire que par le terme "Retour" il faut entendre le retour de l'esprit, cet esprit qui se manifeste par la Parole et sa puissance (Ma parole est esprit (Jean 6/63)). Nous en trouvons la meilleure illustration lorsque Jésus parle du Retour d'Elie, attendu par les Juifs. Il dit que c'est Jean Baptiste qui est le Retour d'Elie "C'est lui qui est l'Elie qui devait venir" (Mat. 11 / 14) tout en précisant que "Elie doit venir et établir toutes choses" (Mat. 17/11).

Or, physiquement Jean Baptiste ne pouvait pas être l'Elie du passé, pas plus que celui qui devait venir pour établir toutes choses".

Il s'agit donc de ce que caractérise essentiellement Elie, il s'agit de son esprit manifesté par la Parole et sa puissance. Et c'est la raison pour laquelle l'Évangile dit que Jean Baptiste était Élie parce qu'il avait l'esprit d'Élie (Luc 1/17).

Comme Élie était mort bien des siècles avant Jean Baptiste, parler de son retour c'est parler de sa résurrection. Et son retour, comme sa résurrection n'existent qu'en esprit, manifesté par la Parole et sa puissance.

Si donc aujourd'hui dans les enseignements baha'is on trouve la même Parole, dotée de la même puissance, que celle révélée il y a deux mille ans, on peut dire qu'on est en présence du Retour du Christ en esprit. C'est d'ailleurs ainsi que la Reine Marie de Roumanie expliquait son adhésion à la Foi baha'ie, en disant qu'elle y avait trouvé le véritable esprit de Jésus par ailleurs méconnu et négligé.

Une deuxième raison pour laquelle Jésus a tant insisté sur sa résurrection, c'est que non seulement en lui on doit voir ce qui le caractérise essentiellement, ce qui est appelé esprit, mais qu'en toutes choses on doit voir sa réalité apparemment invisible (cette réalité qui s'appelle esprit) et qu'on doit fermer les yeux à l'apparence.

Craignant qu'on ne le comprenne pas assez, qu'on ne saisisse pas bien ce point capital, Jésus va jusqu'à dire que c'est le but même de sa mission: "Je suis venu pour que ceux qui ne voient point voient et que ceux qui voient deviennent aveugles" (Jean 9/39).

Par ces paroles Jésus voulait dire que ceux qui ne voient point l'esprit, le voient, et que ceux qui voient la forme, la chair, ne le voient point, deviennent aveugles devant l'apparence des choses.

Car, précise-t-il, afin de ne pas laisser la moindre place à une autre interprétation "la chair ne sert de rien, c'est l'esprit qui vivifie" (Jean 6/63).

Partant de là, nous allons essayer de comprendre l'esprit de quelques uns des enseignements du Christ.

1. Baptême:

Selon l'interprétation baha'ie, l'esprit du baptême est dans l'amour du prochain, autrement dit, le baptême d'eau signifie le baptême d'amour. En effet, selon la religion l'eau est symbole de la vie : "Il les conduira aux sources des eaux de la vie" (Ap. 7/17) et "Nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons les frères" (l Jean 3/14).

Selon la science aussi l'eau c'est ce qui donne la vie, puisque sans eau il n'y a pas de vie:

eau = ce qui donne la vie

De l'autre côté, selon la religion, l'amour c'est ce qui donne la vie (1). Selon la science aussi l'amour est ce qui donne la vie:

amour = ce qui donne la vie

Par conséquent, le baptême d'eau c'est le baptême d'amour. Être baptisé c'est être engagé à aimer.

C'est cela l'esprit du baptême et c'est conforme au Nouveau Testament qui dit: "Le baptême c'est l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu" (I. Pierre 3/21).

Or engager sa conscience envers Dieu c'est s'engager à faire ce qu'Il demande. Et Il ne nous demande qu'une chose, c'est de nous aimer les uns les autres.

Ce n'est donc pas par le baptême d'eau qu'on peut reconnaître un chrétien, mais par le baptême d'amour.

"À ceci tous reconnaîtront que vous êtes les disciples, si vous avez de l'amour les uns des autres) (Jean 13/35).

2. Eucharistie:

L'esprit de l'eucharistie est dans la fraternisation. C'est ce que nous allons voir.

En effet, en montrant le pain, Jésus a dit: "Ceci est mon corps". Puisque son corps était là, tout comme le pain et qu'on pouvait bien les distinguer, matériellement le pain ne pouvait pas être le corps du Christ. C'est le langage imagé comme celui qu'il a tenu à une autre occasion, lorsqu'il a dit: "Je suis le pain descendu du ciel" (Jean 6/5 1). Or Jésus est venu du sein de Marie et non pas du ciel.

Tout cela est un langage imagé où "venu du ciel" veut dire "venu d'en haut, de Dieu ; le Christ, veut dire le christianisme, sa Parole ("La parole a été faite chair" Jean 1/ 14: cela ne signifie-t-il pas que Christ = Parole) qui est venue d'en haut, de Dieu, cette Parole qui nourrit l'esprit, comme le pain nourrit le corps (Par le verset e Je suis le pain de vie" (Jean 6/47). Jésus ne veut-il pas dire que sa Parole donne la vie à l'esprit comme le pain donne la vie au corps).

Et lorsqu'il a rompu le pain, le Christ a dit "Faites ceci en mémoire de moi" (Luc 22/19).

Or en Orient (d'où Jésus est venu) rompre le pain ensemble c'est le symbole de fraternisation. Par conséquent, le Christ voulait dire: "Invitez-vous les uns les autres , fraternisez et pensez à moi", le "moi" étant sa Parole (Parole faite chair) Parole d'amour et d'unité.

C'est cela l'esprit de l'eucharistie, selon les enseignements baha'is. Pour les baha'is l'UNITÉ étant la manifestation extérieure de l'amour, ils s'engagent à se réunir mensuellement à des réunions dont les participants sont d'origines différentes au point de vue classe, race, opinions, religion et nation. Ils y prient ensemble, se consultent ensemble, rompent le pain ensemble. Cet entraînement à l'esprit d'unité est leur baptême, cette fraternisation par des invitations et consultations mutuelles est leur eucharistie.

On a l'habitude de finir un exposé par une conclusion. Permettez-moi de le faire par une question:

"A-t-on plus de chance d'être sauvé par le baptême et l'eucharistie pris à la lettre qu'en les pratiquant quant à l'esprit comme le font les baha'is?"

Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant