Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

7. Les Prodiges de ces temps merveilleux
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7.3. Le respect de la vie est un signe de la foi

Il n'y a pas longtemps, j'ai lu dans une revue une remarque disant en substance ceci

Le jour du sabbat, les juifs orthodoxes ne doivent toucher ni à l'argent, ni aux allumettes, ni aux appareils mécaniques. Aussi, à cette occasion les ascenseurs de certains immeubles d'Israël sont-ils modifiés de façon à s'arrêter automatiquement tous les deux étages sans qu'on soit obligé d'appuyer sur un bouton.

Cette remarque m'a fait penser à l'état actuel des religions dites classiques, où on trouve encore des gens qui croient qu'avec de telles pratiques ils manifestent leur foi. Et pourtant selon le témoignage de l'histoire c'est précisément cette même foi qui, à chaque époque où l'humanité traversait une crise, lui venait en aide non seulement en lui fournissant les moyens d'en sortir, mais en plus en lui permettant de fonder une nouvelle civilisation à la fois matérielle et spirituelle.

Et je dis bien à la fois matérielle et spirituelle, car c'est cela qui permettait à l'homme de VIVRE dans le vrai sens du terme.

Et l'on peut dire qu'on vit dans le vrai sens du terme quand notre bien-être spirituel et matériel sont tous deux garantis. Ce qui à son tour implique que l'homme lui-même adopte le comportement qui convient par rapport à son prochain et à la nature.

Ce que doit être ce comportement, c'était la mission des fondateurs des religions de le définir. Et ils le faisaient en conformité avec les exigences du temps.

Dans le passé, les conditions de la vie étaient telles qu'il suffisait simplement de définir le comportement de l'individu par rapport à son prochain. C'est ce que la religion définissait en deux mots: l'amour du prochain.

Mais aujourd'hui, les temps ont changé et seul l'amour du prochain ne suffit pas. Il faut l'amour de toute la création.

Pourquoi et comment? C'est ce que nous allons voir en détail.

Avant tout rappelons-nous que la terre que nous habitons est en parfait équilibre. Tout fonctionne automatiquement en parfaite harmonie afin de nous assurer la vie. A nous de respecter les règles qui garantissent l'équilibre de ses éléments.

Quels sont ces éléments?

1° L'air

En moyenne toutes les 5 secondes nous aspirons de l'air. Sans l'air nous ne pouvons pas vivre. Cet air doit être pur.

Dans les conditions normales d'utilisation il se purifie lui-même. Nous participons dans une certaine mesure à cette opération au moyen de nos poumons.

Les océans et les plantes y jouent le rôle principal: en échange du gaz carbonique que nous éliminons, les océans par les algues qui y vivent fournissent 2/3 et les plantes 1/3 de l'oxygène qui rend l'atmosphère respirable. Si le gaz carbonique est irrespirable pour nous, en échange il est nécessaire pour les plantes. L'équilibre est donc assuré. Par contre, si nous rejetons dans l'air tout élément étranger, il nous revient tôt ou tard, et nous rendons ainsi l'air irrespirable.

Et c'est précisément cela que nous faisons aujourd'hui.

Avec notre civilisation de gaspillage (nos autos, nos usines...) nous rejetons dans l'atmosphère plus de gaz carbonique que n'en demandent les plantes, et, par malheur, d'un autre côté nous supprimons les plantes: double erreur.

Notre situation est comparable à celle d'un homme enfermé dans son garage avec le moteur de sa voiture en marche. Cet homme est condamné à la mort par asphyxie. Ce garage est l'atmosphère terrestre, où selon l'éminent savant Dorst, au rythme actuel de la pollution de l'air, l'homme n'a pas plus de 2 siècles à vivre.

Ajoutons-y bien d'autres matières que nous rejetons dans l'atmosphère diminuant ainsi notre chance de survie. Situation critique dont la seule solution réside dans le respect de la vie où l'air joue un rôle primordial.

Mais où est cette solution? A cette question nous répondrons en conclusion de notre exposé.


2° Le deuxième élément de la vie c'est l'eau. Son importance est aussi vitale que celle de l'air.

Cette eau doit être naturelle. Elle constitue le principal élément de notre organisme. Et en plus par de nombreux organismes qu'elle contient, organismes presque tous comestibles, l'eau est également une nourriture pour nous.

Nous devons donc respecter l'eau au point de vue qualité. Si nous y répandons des substances nocives, elles se concentrent dans les tissus des animaux aquatiques dont nous nous nourrissons, et, par conséquent, d'une manière indirecte nous absorbons ces substances nocives.

Ajoutons y (comme nous l'avons déjà mentionné) qu'étant donné que c'est principalement grâce aux algues marines que l'air est respirable, il faut assurer la vie à ces algues en empêchant toute introduction de substances nocives dans l'eau marine. Raison de plus pour le respect de l'eau.

Et que faisons-nous aujourd'hui. Nous polluons l'eau par toutes sortes de déchets industriels qui tuent précisément ces algues.

Au rythme actuel de la pollution universelle il faut prévoir que l'eau potable et celle qui, par ces algues nous permet de respirer, manquera partout dans moins de 80 ans.

Déjà la Hollande importe de l'eau potable de Norvège. Et on en manque en Amérique Latine.

En plus de qualité, la question de quantité d'eau se pose donc également. Car d'une manière générale la provision d'eau est très limitée. Si le globe avait la taille d'un neuf, elle équivaudrait à une goutte. Là aussi notre civilisation de gaspillage ne permet pas de respecter l'eau, pas de respect au point de vue quantité.

Une fois de plus nous sommes confrontés à une situation critique, dont il faut trouver la solution. Où est cette solution?

A cette question nous répondrons en conclusion de notre exposé.


3° Le troisième élément de notre planète est le sol.

J'entends par le sol cette surface de la planète qui se prête à la culture, grâce à laquelle nous obtenons la majeure partie de nos aliments. Or il arrive que cette surface cultivable n'est qu'une faible partie de notre planète, la majeure partie étant couverte par les océans. Il convient donc d'en faire bon usage. C'est ce que précisément nous ne faisons pas.

Nous épuisons artificiellement le sol par des produits chimiques.

Nous l'empoisonnons directement ou indirectement par cette gamme de produits nocifs appelés herbicides, insecticides ou autres pesticides.

Et ces poisons nous reviennent en définitive, puisque introduits dans le sol, il passent dans les aliments que nous consommons.



4° Le quatrième élément de notre planète est l'énergie.

J'entends par là les réserves de combustibles tels que pétrole, mazout, gaz etc... Ces réserves sont limitées. Il faut donc en prendre soin. C'est ce que nous ne faisons pas: nous les gaspillons. Ce gaspillage non seulement nous fait courir le risque d'être un jour à court d'énergie, mais de plus, ce même gaspillage introduit dans l'air des produits toxiques qui aspirés nous empoisonnent lentement et inévitablement.

Situation une fois de plus critique. Quelle en est la solution? Nous la mentionnerons en conclusion de notre exposé.


5° Le cinquième élément de notre planète ce sont les plantes.

Les plantes non seulement nous permettent de respirer, mais elles nous nourrissent également. C'est le mouvement invisible des centaines de milliers de lèvres rangées sur la face inférieure de chaque feuille qui absorbe le gaz carbonique rejeté par nous, et qui expire l'oxygène dont nous avons besoin. Ce sont les plantes qui fournissent la majeure partie de la nourriture que nous consommons. Les plantes nous guérissent en cas de maladie. De sa naissance jusque sa mort, l'homme utilise la cellulose pour s'abriter, se vêtir, se chauffer. Le papier, ce moyen nécessaire à notre instruction, ne vient-il pas des plantes?

Et quelle est notre attitude par rapport à ce monde végétal? Ou bien nous l'empoisonnons directement (sous prétexte de conservation ou protection) ou bien nous le supprimons pour faire des parkings, des usines dont on peut se passer facilement.

Situation toujours critique qui demande une solution. Quelle est cette solution, nous la mentionnerons en conclusion de notre exposé.


6° Le sixième élément de notre planète c'est le règne animal, où nous trouvons notre source d'alimentation et d'habillement (lait, neuf, miel, laine, etc). Ajoutons-y le rôle de facteur d'équilibre que jouent les animaux sur notre planète.

Malgré tous les bénéfices que nous tirons de ce monde, notre attitude à son égard est aussi impitoyable que dans le cas des autres mondes.

Quant à la solution à cette situation, nous en parlerons en conclusion de notre exposé.


7° Le septième élément constituant notre planète, élément qui est le sommet de toute la création c'est l'HOMME. L'homme qui doit se servir de tous les autres éléments pour assurer son existence. Ce à quoi il peut arriver sans trop de peine s'il s'en sert avec modération.

Car il y a assez d'air, assez d'eau, assez de sol, assez d'énergie, assez de plantes, assez d'animaux pour que l'homme puisse mener une vie agréable. Mais l'homme dans sa négligence dépasse les limites de la modération et crée le déséquilibre.

"Il rejette trop de gaz carbonique dans l'atmosphère par trop d'autos, trop d'usines. Il déverse dans l'eau trop de déchets. Il épuise trop le sol par trop de produits chimiques. Il consomme trop de raisin pour en dénaturer le jus sous forme d'alcool. Il consomme trop de bois pour en faire trop de papier afin de faire trop de publicité dans trop de journaux, que les concierges des immeubles transportent directement à la cave pour jeter dans les poubelles. L'homme consomme trop d'énergie pour avoir chez soi une température, dont il se plaint en été..." (Denis de Rougemont "l'Avenir est notre affaire").

Bien entendu tous ces "trop " c'est pour le monde occidental. Par contre, pour le tiers monde c'est le terme " trop peu " qu'il faut utiliser.

En bref, l'homme crée le déséquilibre non seulement dans le monde minéral, végétal, animal, mais également dans son propre monde, le monde humain.

Situation une fois de plus critique, situation qui demande une solution.

Le moment est venu de parler de la solution à apporter à cette crise générale.

La solution est dans le RESPECT de la VIE. Et le respect de la vie implique le respect de toute la création, le respect du monde minéral, végétal, animal et humain, de la part de l'élément perturbateur actuel qu'est l'homme.

Or le respect de la vie n'est pas une question de contrainte imposée par une loi draconienne. C'est une question de conscience qui incite l'homme à aimer ce qui garantit la vie. Le respect de la vie est donc le fruit de l'amour de toute la création.

Or ce n'est pas la science qui par une de ses opérations peut inculquer l'amour dans le coeur de l'homme. La preuve c'est que ce sont précisément les pays les plus avancés scientifiquement qui souffrent le plus de l'irrespect de la vie par suite du manque d'amour pour la création tout entière.

Comme pour l'amour du prochain c'est la religion qui doit intervenir. Et si dans le passé la religion n'a parlé que de l'amour du prochain, en tant que signe de la foi, passant sous silence l'amour de toute la création, c'est que la question ne se posait pas, la vie n'étant pas en danger. Mais la question se pose aujourd'hui, ce qui fait que c'est toujours la religion, à l'état actuel de son évolution (j'entends la foi baha'ie) qui nous en parle avec force, définissant l'amour de toute la création comme un signe de la foi.

Et cet amour est inculqué dans le coeur de l'homme dès son enfance par l'éducation.

Dans les écoles baha'ies, on commence à inculquer dans le coeur de l'enfant l'amour du monde minéral. Et ceci non seulement du point de vue physique, mais également du point de vue moral. Ainsi, par exemple, non seulement on parle de la terre si nécessaire pour que les plantes y poussent (ces plantes qui nous nourrissent), cette terre qui est la source de toutes nos richesses. Mais on parle également de la patience et de l'humilité avec laquelle cette même terre supporte tous nos fardeaux, nos biens mobiliers et immobiliers.

Quelle leçon de service rendu avec humilité! Un tel bienfaiteur, si humble et patient mérite d'être aimé! Et quand on aime quelque chose on ne l'empoisonne pas. Aussi, un enfant baha'i devenu adulte ne tolère pas l'introduction des poisons dans le sol, ni son épuisement.

Puis dans les écoles baha'ies on passe au monde végétal qui est également l'une des sources qui pourvoient à nos besoins. On rappelle à l'enfant comment les plantes, en échange du gaz asphyxiant, nous donnent le gaz vivifiant. Une fois de plus c'est une leçon de morale, car on est en présence d'un " ami " qui en échange du " poison " nous donne du " miel". Un tel " ami " mérite d'être aimé.

On rappelle à l'enfant combien les messagers de Dieu aimaient le monde végétal. On cite, par exemple, Baha'u'llah qui a souffert pendant quarante ans en exil et en prison et qui s'est plaint une seule fois en disant

"Il y a si longtemps que je n'ai pas vu de verdure". Tellement il aimait les espaces verts.

Elevé dans un tel esprit un enfant baha'i ne peut qu'aimer le monde végétal.

Et devenu adulte il ne peut tolérer ni l'empoisonnement ni la suppression de la verdure.

Puis, toujours dans les écoles baha'ies, on passe au monde animal. On parle aux enfants des services que les animaux ont rendu et continuent de rendre à l'homme. On leur parle de tant de produits laitiers que nous consommons, des neufs, du miel et de bien d'autres choses qui sont fournies par le monde animal.

On leur parle des histoires d'animaux, histoires illustrant leurs qualités, ce qui doit servir de leçon pour l'homme. On leur parle de la fidélité du chien. A titre d'exemple on leur parle du chien de Mozart: le corbillard des pauvres qui transportait la dépouille de Mozart pour être jetée dans une fosse commune, n'était accompagné que de son chien.

On leur parle des colombes en leur faisant remarquer que lorsqu'elles se rencontrent même pour la première fois, quelle que soit leur couleur, elles s'associent affectueusement, partageant la nourriture sans se battre.

En tenant un tel langage à l'enfant baha'i on lui apprend à aimer le monde animal, de sorte que devenu adulte il n'a plus besoin d'être membre de la société protectrice des animaux.

Il est déjà un bon ami pour les animaux.

En bref, c'est par l'éducation à l'école qu'on apprend à l'enfant baha'i l'amour de la création, et, par conséquent, le respect de la vie. C'est par l'éducation qui est amour de la création, ce respect de la vie devient partie intégrante de sa foi.

C'est cela le but de la religion: la religion veut dire éducation.

C'est l'éducation qui fait de l'enfant baha'i le futur écologiste, sans qu'apparemment il en porte le titre. Et il n'a pas besoin de ce titre car il connaît les lois de la" MAISON " où il habite.

En effet, qu'est-ce que l'écologie?

Le mot vient du grec OIKOS (maison) et LOGOS (connaissance). C'est donc la connaissance des lois de la maison au sens d'habitat ou d'environnement. Et ce sont précisément ces lois que l'enfant baha'i apprend à l'école pour les respecter consciencieusement dans la vie.

Jusqu'ici nous avons parlé de l'amour pour le monde minéral, végétal et animal. Et c'est à dessein que j'ai mis l'amour du monde humain pour la fin, car c'est le couronnement de l'amour pour la création.

Un enfant baha'i apprend à l'école que " la terre n'est qu'un seul pays et que les hommes en sont les citoyens " que par conséquent, son prochain est tout habitant de la terre, qu'il soit en Occident ou dans le tiers monde.

Partant de là, devenu adulte, l'enfant baha'i ne peut pas tolérer ni les " trop " de l'Occident ni les " trop peu " du tiers monde.

Il s'en tient donc à la modération, cette vertu qui est lamentablement négligée par notre civilisation de gaspillage. Et c'est cela qui est à l'origine de l'injustice sociale.

Si c'est seulement aujourd'hui que les penseurs s'aperçoivent du manque de modération et de l'injustice qui s'en suit, il y a plus de 100 ans que le fondateur de la foi baha'ie l'a prévue en ces termes:

"Quiconque s'attache à la justice ne saurait en aucune circonstance passer les bornes de la modération. La civilisation tant vantée par les représentants les plus qualifiés des arts et des sciences apportera de grands maux à l'humanité si on lui laisse franchir les limites de la modération. La civilisation d'où découle tant de bien lorsqu'elle est modérée, deviendra, si elle est portée à l'excès une source aussi abondante de mal".

Ne sommes-nous pas les tristes témoins de la réalisation de cette prophétie?

N'avons-nous pas le devoir de mettre fin à nos excès?

"Que vont dire les générations futures - écrivait René Cassin - de ce que nous aurions pu faire et que nous n'avons pas fait, et de ce que nous aurions pu ne pas faire et que nous avons fait?"

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