Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
9. La mesure de l'amour est l'amour
sans mesure
Chapitre précédent
Retour au sommaire
Chapitre suivant
9.7. Le bonheur c'est croire au bonheur
Le célèbre poète allemand Goethe disait:
"IL y a neuf conditions nécessaires pour vivre heureux: assez de santé pour
que le travail devienne un plaisir, assez d'argent pour subvenir à vos besoins,
assez de force pour lutter contre les difficultés et les surmonter, assez de
volonté pour confesser vos péchés et ne plus les commettre, assez de patience
pour souffrir jusqu'à ce que vous ayez un bon résultat, assez de charité pour
voir un peu de bien chez votre prochain, assez d'amour pour vous inciter à être
utile et secourable aux autres, assez de foi pour réaliser les desseins de Dieu,
assez d'espérance pour ôter de votre coeur l'inquiétude et la crainte de l'avenir".
Indiscutablement ce n'est pas l'ordre dans lequel Goethe énuméra ces neuf conditions
qui souligne l'importance de chacune d'elles pour contribuer au bonheur. L'éminent
poète était trop croyant pour se permettre de mettre la foi en avant dernière
position, laissant la priorité à l'argent, par exemple. Loin de là. Et puis
il y a bien d'autres conditions pour être heureux.
Quelles que soient les conditions requises pour le bonheur, on les trouve toutes
dans la foi, à la condition que cette foi soit en conformité avec le stade actuel
de l'évolution de l'humanité. C'est ce que nous allons voir en étudiant, à titre
d'exemple, les neuf conditions du bonheur selon Goethe.
Pour plus de simplicité nous allons suivre l'ordre dans lequel le poète a énuméré
ces conditions.
1° LA SANTÉ
Qu'est ce que la santé? L'Organisation Mondiale de la Santé nous en donne la
définition suivante:
"La santé est un état de bien-être physique, psychique et social."
Le mot psychique vient du grec PSUKHE que veut dire âme, esprit.
Par conséquent notre santé dépend des facteurs liés à notre état d'esprit. Or
tout ce qui concerne l'esprit est du domaine de la religion, tandis que la science
s'occupe des facteurs physiques.
Comme il y a interdépendance entre les facteurs physiques et psychiques, il
faut que les deux puissances, la religion et la science interviennent simultanément
pour assurer notre santé.
Et il en est de même en ce qui concerne les facteurs sociaux.
Là aussi la science et la religion doivent collaborer pour assurer notre santé.
Laissons pour le moment le rôle de la science de côté, pour voir dans quelle
mesure la religion contribue à notre santé.
Et quand je dis "religion" j'entends le stade actuel de son évolution, à savoir
la religion baha'ie.
D'abord Goethe a raison en précisant l'interdépendance entre la santé et le
travail. Or dans la religion baha'ie le travail est une obligation pour tous.
Et l'une des sagesses de ce commandement c'est précisément le fait que le travail
est une nécessité pour le maintien de la santé, laquelle santé est indiscutablement
l'une des conditions du bonheur.
Mais concernant la santé laissons la parole à un médecin.
Dans son livre "Baha'u'llah et l'Ere Nouvelle" le Dr Esselmont écrit: "Le corps
est le serviteur de l'âme, jamais son maître, mais il faut que ce serviteur
soit de bonne volonté, soumis et capable, et il doit être traité avec les égards
dus à un aide dévoué. S'il n'est pas convenablement traité, il en résulte des
maladies et des troubles, et le maître en subit les conséquences désastreuses
autant que le serviteur".
Et l'auteur indique quelques enseignements baha'is concernant le maintien de
la santé. Avant tout il souligne l'interdépendance entre la santé physique et
la santé psychique, ce que les Écrits baha'is ont précisé il y a plus de cent
ans, et dont la science parle seulement aujourd'hui.
Le Dr. Seyle, spécialiste des nerfs, écrit:
"Nous commençons seulement à nous rendre compte que bien des maladies courantes
résultent en grande partie de nos réactions défectueuses en présence des difficultés
de la vie plutôt que de l'action des microbes".
Un autre point que le Dr Esselmont mentionne c'est la nécessité de mener une
vie simple, à tous les points de vue. A ce propos il cite ces paroles d`Abdu'l-Baha:
"Celui qui se satisfait de peu de choses garde toujours l'esprit en paix et
le coeur en repos".
Et l'on connaît combien l'état d'esprit influence notre santé. Un autre enseignement
baha'i non moins important est l'exhortation des fidèles à ce qu'ils prennent
leur part de joie dans tout ce que la vie offre de bon et de beau.
Baha'u'llah dit clairement:
"Ne vous privez pas de ce qui a été créé pour vous".
Un autre commandement de Baha'u'llah concernant le maintien de la santé c'est
la prescription de s'adresser à un médecin en cas de maladie, tout en s'efforçant
de traiter le mal de préférence par la diète et en réduisant l'usage des médicaments.
On voit toute la sagesse de cette prescription surtout aujourd'hui où le pharmacien
nous sert de mécecin, avec l'embarras de choix qu'il a devant cette multitude
de spécialités.
Le voyant se verser des gouttes dans un verre, alors que des fioles sont dispersées
autour de son assiette, une femme dit à son mari: "N'oublie pas surtout de prendre
ton repas pendant les médicaments".
2° L'ARGENT
Indiscutablement l'un des facteurs qui contribue à notre bonheur c'est la capacité
de subvenir à nos besoins et cette capacité est acquise par l'argent.
Selon les enseignements baha'is l'argent doit être gagné par le travail consciencieux,
utile et accompli avec modération. (S'il est conforme à nos capacités spécifiques
alors c'est l'idéal).
L'argent ainsi gagné contribue à notre bonheur à la condition qu'il soit dépensé.
Baha'u'llah dit:
"Les hommes les meilleurs sont ceux qui gagnent leur vie dans leur métier, et,
par amour de Dieu, le Seigneur de tous les mondes, dépensent leur argent pour
eux-mêmes et pour leurs semblables".
Et il fait remarquer que ne pas dépenser judicieusement l'argent qu'on a gagné,
le destinant à l'accumulation des richesses c'est s'exposer au danger.
L'un des dangers de l'accumulation des richesses c'est l'orgueil.
Or quand on est orgueilleux on n'est aimé, ni respecté de personne, et par conséquent,
on en souffre, on n'est pas heureux.
Un autre danger de l'accumulation des richesses c'est l'esclavage, en ce sens
que l'argent devient maître et l'on en devient le serviteur, captif en sa main.
Et ce qui est triste c'est que c'est un mauvais maître, car chaque fois que
le serviteur veut faire une bonne action, il se heurte à son "veto".
Un troisième danger de l'accumulation des richesses c'est le sacrifice de la
santé. Car nombreux sont ceux qui pour avoir plus d'argent gaspillent leur santé.
En bref, l'argent contribue au bonheur s'il est gagné par un travail consciencieux,
utile, accompli avec modération, et s'il est dépensé pour le bien de tous.
3° LA FORCE NÉCESSAIRE POUR RÉSOUDRE LES DIFFICULTÉS DE LA VIE
De même qu'on apprend les mathématiques en résolvant les problèmes mathématiques,
on apprend l'art de vivre en résolvant les problèmes qui se présentent dans
la vie.
Ces problèmes peuvent être de toutes sortes. Pour chaque cas il y a une solution.
Et cette solution est à la portée de celui à qui la Providence pose ce problème.
La Providence est un maître qui connaît bien son élève. Un maître ne pose jamais
à un enfant un problème destiné à un universitaire. L'élève doit donc avoir
confiance en son maître, et en lui même. Autrement dit il faut qu'il soit convaincu
qu'il est capable de résoudre le problème qui lui a été posé.
Il en est de même en religion.
`Abdu'l-Baha dit que si Dieu vous pose un problème, Il sait que vous êtes en
mesure de le résoudre et Il en donne le moyen.
A nous d'avoir confiance en Dieu et en nous-mêmes.
C'est cette confiance en Dieu qui fait que les baha'is souvent, en cas de difficultés,
récitent cette prière:
"Qui hormis Dieu dissipe les difficultés? Loué soit Dieu ! Lui seul est Dieu.
Tous sont ses serviteurs et tous dépendent de son commandement."
A remarquer qu'en récitant cette prière les baha'is prient aussi pour tous,
car la prière dit: Tous sont ses serviteurs. (Je ne suis donc pas le seul à
avoir des difficultés et je ne suis pas le seul à avoir besoin de ton assistance).
4° LA VOLONTÉ
L'une des causes de nos ennuis et de nos difficultés ce sont nos propres défauts.
Si nous nous engageons à nous en débarrasser nous sommes sur le chemin qui conduit
à notre bonheur. Je dis bien "sur le chemin" car le bonheur est un voyage, être
heureux c'est rester voyageur. Le bonheur c'est donc dans le mouvement, dans
l'action. C'est le ruisseau qui court, non un étang qui dort. Cette action avant
tout c'est la recherche de nos défauts, et l'effort pour nous en débarrasser,
ce qui demande beaucoup de volonté.
Et c'est l'un des commandements sur lequel les Écrits baha'is insistent beaucoup,
étant donné que c'est par un tel effort qu'on s'achemine vers le bonheur, et
tout ce que la foi veut c'est notre bonheur.
Mais ce qui est triste c'est que souvent nous voulons ignorer nos défauts pour
en chercher chez les autres et les rendre responsables de nos ennuis.
Sénèque avait une servante aveugle. Ne sachant pas qu'elle était aveugle elle
criait constamment: "Il fait noir, pourquoi n'allume-t-on pas les lampes?"
Combien nombreux sont ceux qui ne voient pas leurs propres défauts et accusent
les autres.
Une actrice disait: "J'étais folle de Jean et j'étais heureuse. Maintenant je
ne peux plus le voir. Que les hommes changent !"
5° LA PATIENCE DANS LES SOUFFRANCES
Qu'est-ce que la patience? C'est la vertu qui fait qu'on supporte les épreuves
avec résignation.
Les épreuves sont-elles nécessaires et l'homme doit-il les supporter? Oui, disent
les baha'is. La graine ne doit-elle pas supporter les ténèbres de la terre,
la pluie, l'orage, la chaleur du soleil, afin d'être en mesure de donner naissance
à un arbre destiné à donner des fruits?
Les épreuves et les contrariétés sont aussi nécessaires que le vent pour le
cerf-volant. Si le cerf-volant n'affronte pas le vent il ne peut pas monter.
Par ces analogies je veux dire que les épreuves sont nécessaires pour que l'homme
puisse manifester ses capacités latentes, pour que sa vie porte des fruits.
C'est grâce aux épreuves que l'homme progresse, surtout dans le domaine moral.
`Abdu'l-Baha dit:
"Le plant le plus émondé est celui qui, l'été venu, porte les plus belles fleurs
et les fruits les plus abondants. Le laboureur fend la terre du soc de sa charrue
et de ce sol sort la plus riche, la plus généreuse moisson. Plus un homme est
corrigé, plus grande sera la moisson des vertus spirituelles. Un soldat ne deviendra
pas un bon général tant qu'il n'aura pas été au premier rang de la bataille
et n'aura pas reçu les plus graves blessures".
Selon la foi baha'ie l'art de vivre ne consiste pas à éviter les épreuves, mais
à apprendre à vivre en leur compagnie.
Pour un baha'i les épreuves sont pour ainsi dire le meilleur des maîtres, le
meilleur parce que c'est un maître qui donne les leçons particulières que l'élève
n'a plus qu'à apprendre avec patience.
6° LA CHARITÉ
Qu'est ce que la charité '? C'est la vertu qui porte à désirer le bien pour
son prochain.
Selon les enseignements baha'is ce désir du bien ne doit pas être contrainte.
Avant tout il faut souhaiter le bien chez son prochain avec sincérité. Autrement
si l'on voit le mal et que l'on s'efforce de lui souhaiter le bien, c'est qu'on
fait un compromis avec sa conscience. Et c'est de l'hypocrisie.
7° L'AMOUR
Qu'est-ce que l'amour et comment se manifeste-t-il? Selon la définition baha'ie
l'amour est une vertu qui se manifeste extérieurement par le sentiment d'unité.
Ainsi, par exemple, une mère manifeste son amour à l'égard de son enfant par
le fait que pour elle son enfant et elle-même ne font qu'un: la joie de l'enfant
est sa joie, comme la souffrance de l'enfant est sa souffrance.
Quand on manifeste un tel sentiment à l'égard de son prochain, c'est qu'on l'aime.
Et quand on l'aime on fait de lui son ami. Or dans la vie plus on a d'amis plus
on est heureux.
Baha'u'llah dit:
"Tout ce que nous voulons en ce monde et dans l'autre ce sont des amis".
8° L'ESPERANCE
A ce stade de mon exposé, permettez-moi de ne pas respecter l'ordre dans lequel
Goethe a énuméré les neuf conditions du bonheur. C'est ce que je vais justifier
dans un instant.
Abordons donc l'étude de la question de l'espérance. Qu'est-ce que l'espérance?
C'est l'attente du bien qu'on désire. Cette attente apporte la joie. Et cette
joie ne laisse pas de place pour l'inquiétude et les soucis, si néfastes pour
le bonheur.
Le Dr. Mayo écrit: "Je n'ai jamais entendu dire qu'un homme soit mort d'avoir
trop travaillé, mais j'en ai connu beaucoup qui sont morts d'être trop inquiets".
Puisqu'on parle de la mort, notons qu'un croyant ne peut pas se faire de souci
à son sujet, car même s'il est menacé de mort, il a l'espérance d'une vie meilleure.
Si un croyant se fait du souci cela revient à dire: "Je ne m'en tirerai pas,
puisqu'il n'y a pas de Dieu pour m'aider" ce qui est incompatible avec la croyance
en Dieu. Il ne peut donc pas se dire croyant.
Un croyant doit être heureux (comme un enfant est heureux) puisqu'en toutes
circonstances il a un Père en qui il peut mettre son espoir, et de qui il n'attend
que du bien.
9° LA FOI
Et nous arrivons à la question de la foi qui selon les baha'is peut à elle seule
assurer le bonheur de l'homme ou, pour être plus précis, c'est la seule condition
qui garantit le bonheur de l'homme.
En effet quand on a la foi toutes les conditions du bonheur sont remplies. Je
dis bien "toutes", car il y a bien plus de conditions encore que celles que
Goethe a citées. IL y a le courage, il y a le savoir, le détachement, etc, etc.
Mais tout cela fait partie intégrante de la foi.
Car avoir la foi c'est veiller à sa santé, c'est travailler consciencieusement
pour subvenir à ses besoins et aux besoins des autres, c'est avoir la force
de surmonter les difficultés, c'est la volonté pour se corriger, c'est la patience
dans les souffrances, c'est la charité, c'est l'amour, c'est l'espérance, c'est
le courage, c'est la persévérance et toutes les autres qualités si interdépendantes
les unes des autres. Ainsi la santé, pour ne citer qu'un exemple, dépend du
travail, de la force de surmonter les difficultés, de la bonne volonté pour
se corriger, de la patience dans les souffrances, de la charité, de l'amour,
de l'espérance, chacune de ces vertus dépendant à son tour plus ou moins de
l'état de santé.
Et toutes ces vertus réunies dans la foi garantissent le bonheur.
La foi est donc le bonheur.
Et si les baha'is sont des gens heureux c'est à cause de leur foi, c'est qu'ils
croient, c'est qu'ils croient au bonheur.
Et c'est pour cela que j'ai intitulé mon exposé : Le bonheur c'est croire au
bonheur.