Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

9. La mesure de l'amour est l'amour sans mesure
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9.8. "Et un petit enfant les conduira" (la vie de Shoghi Effendi)

En parlant du chemin de Dieu que chaque croyant s'engage à suivre, l'éminente poétesse baha'ie Tahirih écrit:

Si quelqu'un veut suivre mon chemin,
Je le mets dès maintenant au courant,
Les épreuves, les souffrances et le chagrin,
Sont toujours destinés aux amants.

Ces vers résument toute la vie de Shoghi Effendi, le Gardien de la foi baha'ie.

D'abord sa naissance coïncide avec la période des souffrances de sa famille. En effet il est né le premier mars 1897, et à cette époque toute la famille de son grand père `Abdu'l-Baha était prisonnière du Sultan de Turquie.

Les épreuves du futur Gardien de la cause de Dieu (Le titre de Shoghi Effendi) commence donc dès sa naissance pour continuer pendant 60 ans, épreuves dont il est toujours sorti vainqueur. Et s'il triomphait toujours c'est qu'il savait choisir les moments pour lancer ses projets. Ces moments, selon lui, étaient les moments des épreuves.

La haute destinée de Shoghi Effendi était prévue depuis des milliers d'années avant sa naissance.

En effet Esaïe (Voir Esaie 11/6 et 11/11) avait prédit que le second retour des enfants d'Israël (Le Premier Retour a eu lieu sous le règne des rois persans cinq siècles avant Jésus Christ) sera pratiquement réalisé sous le ministère du "petit enfant", nouveau né, prophétie qui se réalisa sous le ministère de Shoghi Effendi en 1948 avec la formation de l'Etat d'Israël.

C'est en se référant à cette prophétie qui dit:

"Et un petit enfant les conduira" (Esaïe 11/6) qu'une Américaine demanda à `Abdu'l-Baha si ce "petit enfant" était déjà né? Et `Abdu'l-Baha lui répondit par l'affirmative en précisant que grâce à cet "enfant" "tous les horizons du monde seront illuminés" (Allusion à l'extension de la foi sous le ministère de Shoghi Effendi).

`Abdu'l-Baha avait donc choisi Shoghi Effendi dès sa naissance pour lui succéder et prendre la destinée de la foi baha'ie en sa main.

Ce choix impliquait un amour infiniment profond pour Shoghi Effendi, amour qu'il ne pouvait pas extérioriser de peur de provoquer la jalousie des autres et de mettre en danger la vie du "petit enfant".

Au fur et à mesure que l'"enfant" grandissait il justifiait par son comportement le choix de son grand-père.

Déjà tout petit Shoghi Effendi manifestait un courage et une vitalité étonnante. Ainsi, par exemple, quand il descendait les marches d'un escalier, il donnait l'impression d'un cascade qui tombait, ce qui effrayait terriblement ses parents.

Déjà tout petit, il était très matinal: toujours le premier à se lever parmi les membres de sa famille.

Et pour l'encourager dans cette habitude, parfois c'est `Abdu'l-Baha lui-même qui venait le réveiller de bonne heure.

Et dès que cet "enfant" se levait, ü se mettait à prier, souvent avec des larmes dans les yeux.

Et il chantait ses prières tellement haut qu'une fois ses parents lui en ont fait la remarque, à quoi il répondit:

"C'est `Abdu'l-Baha lui-même qui m'a dit que je chante les prières à haute voix pour qu'il puisse les entendre."

Ses parents demandèrent alors à `Abdu'l-Baha d'intervenir, à quoi le Maître répondit: "Laissez-le tranquille".

L'"enfant" avait un coeur extrêmement pur, un caractère très sensible. Il ne pouvait pas voir ses compagnons de jeu attristés. Si jamais il se doutait qu'il avait attristé un camarade, le soir il ne pouvait pas aller au lit avant d'avoir trouvé cet enfant pour dissiper le malentendu (s'il y en avait un).

L'"enfant" a souffert surtout quand il avait dix ans en voyant la cruauté avec laquelle les frères mêmes d`Abdu'l-Baha se comportaient à l'égard de son grand-père bien-aimé.

Il a souffert parce qu'il voyait que tous les amis quittaient 'Akka. Et c'est `Abdu'l-Baha qui les y encourageait, car à cette époque la vie de tous les fidèles résidant à 'Akka était en danger. Et tout cela à cause de la trahison et des fausses accusations portées contre `Abdu'l-Baha, par les membres mêmes de sa famille.

Craignant que ces derniers puissent empoisonner son futur successeur `Abdu'l-Baha avait même interdit à l'"enfant" de prendre ne fut ce qu'une tasse de thé avec eux.

Tout cela faisait souffrir terriblement Shoghi Effendi.

A propos de ses souffrances nous lisons dans les mémoires de la doctoresse allemande qui soignait la famille d`Abdu'l-Baha:

"Un jour, `Abdu'l-Baha m'a dit: Comment trouves-tu Shoghi Effendi, mon futur Elie? L'as tu aimé?

- Maître - lui répondis-je - ses grands yeux noirs me disent que cet enfant est destiné à souffrir beaucoup.

- Dans ses yeux - me dit `Abdu'l-Baha - je vois la loyauté, la persévérance, le rayonnement d'une parfaite conscience. Je l'ai choisi comme mon futur successeur."

Les épreuves qu'allait affronter Shoghi Effendi, c'est d'ailleurs lui-même qui les voyait en rêve déjà à l'âge de dix ans.

Ainsi, par exemple, une nuit Shoghi Effendi voit en rêve que le Bab est entré dans sa chambre poursuivi par un Arabe qui voulait le tuer. Puis se tournant vers l'enfant, l'Arabe en question lui dit: "Maintenant c'est ton tour" Effrayé l'enfant se réveille en sursaut et raconte son rêve à sa nourrice.

On en demande l'interprétation à `Abdu'l-Baha. En réponse le Maître écrit une lettre à Shoghi Effendi disant en substance ceci: Mon cher Shoghi, être en la sainte présence du Bab est le signe dé la bonté et de la grâce divines. Et il en est de même en ce qui concerne le reste de ton rêve.

Ce qui signifie que par ses souffrances Shoghi Effendi aura une vie de martyr, comme le Bab.

Quant aux études de Shoghi Effendi, la première langue étrangère qu'il a apprise c'était le français, que les Frères d'un Collège de Jésuites lui enseignèrent.

Mais à ce collège il n'était pas heureux.

Alors `Abdu'l-Baha l'envoya à Beyrouth, comme pensionnaire à l'école catholique.

Ayant appris que là non plus Shoghi Effendi n'était pas heureux le Maître l'inscrivit au Collège américain.

Mais la véritable école pour Shoghi Effendi c'était d'être auprès d`Abdu'l-Baha, chez qui il passait ses vacances. C'était là qu'il apprenait tout ce dont il allait avoir besoin plus tard pour succéder à son grand-père: l'humilité, l'amour, la justice, la sobriété.

Ainsi il accompagne le Maître en Egypte en 1910 et 1911. Il ne se sépare d`Abdu'l-Baha que pour quatre mois, pendant lequel le Maître fit son premier voyage en Occident.

Cette séparation a été difficile à supporter non seulement pour Shoghi Effendi, mais également pour `Abdu'l-Baha, de sorte que l'année suivante (1912) quand le Maître quitte Haïfa pour l'Amérique, il prend Shoghi Effendi avec lui. Mais à Naples les autorités italiennes, pour des raisons injustifiées, empêchent Shoghi Effendi (âgé alors de 15 ans) d'accompagner son grand-père. Il doit donc retourner à Haïfa, ce qui l'attrista profondément.

La seule consolation qui lui restait ce fut la correspondance, par laquelle il s'informe de l'état de santé d`Abdu'l-Baha et des détails de son voyage.

Shoghi Effendi poursuit brillamment ses études à Beyrouth où en 1918 il reçoit son diplôme de bachelier es-lettres. Et il en est tellement heureux, "car", écrit t il à un ami, "il peut servir son grand-père en lui traduisant les bonnes nouvelles envoyées de l'Occident."

IL devient pratiquement le bras droit du Maître en servant d'intermédiaire entre lui et les croyants occidentaux.

Il accompagne même le Maître presque partout.

En 1920 selon les instructions d`Abdu'l-Baha, Shoghi Effendi quitte Haïfa pour l'Angleterre afin d'y poursuivre ses études à l'Université d'Oxford.

C'est en Angleterre en 1920 qu'il reçoit la nouvelle du décès d`Abdu'l-Baha, ce qui porte un coup terrible à sa santé, au point qu'il en devient malade et reste alité pendant plusieurs jours.

A peine rétabli il part pour Haïfa, où il est appelé à prendre connaissance de la mission écrite qu`Abdul'l-Baha lui avait confiée dans son testament, mission qui, croit-il, serait la formation de la Maison Universelle de Justice, institution suprême qui dirige la Communauté mondiale baha'ie.

A peine débarqué à Haïfa il va visiter les tombeaux du Bab et d`Abdu'l-Baha.

Le même jour en présence des membres de la famille d`Abdu'l-Baha on ouvre le testament du Maître. Shoghi Effendi est absent à cette réunion, mais il apprend qu'il est désigné à succéder à `Abdu'l-Baha au titre de Gardien de la cause de Dieu.

Shoghi Effendi commence sa mission par une série de lettres adressées aux croyants, et par une lettre officielle au gouverneur de Palestine pour l'informer que dorénavant c'est lui qui selon le testament d`Abdu'l-Baha est désigné à la tête de la communauté mondiale baha'ie.

Si seulement les membres de la famille même d`Abdu'l-Baha, toujours les mêmes infidèles pouvaient le laisser tranquille !

Jaloux et furieux de sa désignation ils interviennent auprès des autorités anglaises en Palestine pour leur demander de se conformer aux lois islamiques qui désigneraient comme successeur d`Abdu'l-Baha son demi-frère (celui-là même qui du vivant du Maître a tout fait pour le faire disparaître).

Ayant échoué dans leurs démarches, il s'emparèrent de la clé du tombeau de Baha'u'llah pour faire croire aux baha'is que dorénavant c'est à eux qu'ils doivent s'adresser et non à Shoghi Effendi.

Les souffrances dé Shoghi Effendi n'en finirent pas là. Il apprend qu'à Baghdad les musulmans se sont emparé de la Maison de Baha'u'llah, l'un des lieux de pèlerinage pour les baha'is.

Notons en passant que si Jésus a souffert de la trahison de l'un seulement de ses Apôtres, Baha'u'llah, `Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi eurent à souffrir durant toute leur vie des oeuvres néfastes de l'un ou de l'autre membre de leur famille.

Shoghi Effendi n'a que 24 ans quand il se trouve soudain dans une ambiance absolument défavorable pour l'accomplissement de sa mission qui consistait à protéger la foi aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Pour en sortir il décide qu'il doit recourir à une retraite temporaire pour arriver à se donner entièrement à Dieu.

Aussi, après avoir constitué une Assemblée de neuf personnes sous la direction de la sueur d`Abdu'l-Baha, il se retire dans les montagnes pour neuf mois.

A ce propos plusieurs années après, il fera cette confidence à son secrétaire Leroy Ioas:

"La seule chose à laquelle je m'attendais était d'être appelé par le Maître, à préparer la formation de la Maison Universelle de Justice.

Quand à Haïfa j'ai appris que j'avais été désigné comme Gardien de la foi je ne me croyais pas capable d'assumer une telle responsabilité. Aussi me suis-je retiré dans le but d'arriver à triompher de moi-même et de me donner à Dieu.

Dès que je fus arrivé à triompher de moi-même je retournai à Haïfa avec le sentiment d'être en mesure de faire ce que Dieu me demandait.

C'est ce que, d'ailleurs - remarqua-t-il - tout baha'i doit s'efforcer de faire".

De retour à Haïfa, Shoghi Effendi lance un appel pathétique aux croyants, appel où entre autres il dit:

"Le temps est venu pour qu'on pense non seulement comment on doit servir la Cause, mais comment la Cause doit être servie".

Or la Cause de Dieu ne peut être servie qu'à partir du moment où l'on s'efforce d'acquérir certaines qualités dont Shoghi Effendi lui-même donnait l'exemple parfait.

Il serait donc intéressant de mentionner quelques unes de ces qualités avant de finir cet exposé.

D'abord Shoghi Effendi était extrêmement humble. Il ne parlait jamais de lui-même. Il parlait de Baha'u'llah, du Bab et d`Abdu'l-Baha et puis "des jours après leur ministère". Jamais il ne mentionnait son ministère.

S'il parlait des succès remportés par la foi, il en attribuait le mérite aux amis.

En même temps que cette humilité il faut mentionner son amour pour tout le monde.

Cet amour se manifestait par le fait qu'il lui était impossible de voir un coeur attristé. Si jamais un tel cas se présentait à lui, il savait comment consoler la personne chagrinée.

Un jour il recevait Miss Martha Root (L'une des plus grandes enseignantes de la foi baha'ie. C'est grâce à elle que la Reine Marie de Roumanie accepta la foi baha'ie) dans la chambre d`Abdu'l-Baha. La dame en question avait dans sa main un flacon de parfum qu'elle voulait lui offrir. Mais prise d'émotion sa main trembla, le flacon tomba et se cassa. Miss Martha fut terriblement désolée. Comme on était dans la chambre d`Abdu'l-Baha, Shoghi Effendi dit à Miss Martha Root:

"Pouvait-on trouver un lieu meilleur qu'ici pour répandre votre parfum?"

Pour Shoghi Effendi le temps avait une valeur religieuse, il devait être consacré à Dieu et à sa Cause.

A peine avait-il pris une décision qu'il la mettait immédiatement à exécution. Ainsi, par exemple, en quelques heures il transformait un rocher en un jardin.

IL y a un proverbe qui dit qu'à celui qui possède la bague de Salomon, il lui suffit de la tourner pour qu'en un clin d'oeil tout ce qu'il désire se réalise.

Les Arabes disaient que Shoghi Effendi possédait la bague de Salomon.

Pour Shoghi Effendi non seulement chaque minute de la vie appartenait à Dieu, mais également chaque centime lui était un dépôt confié par Dieu. IL ne se permettait donc pas de le perdre: il était extrêmement sobre et économe.

IL voyageait en troisième classe, et la chambre qu'il louait était toujours la moins chère, souvent mansardée, de sorte que ses visiteurs se voyaient obligés de se courber.

Au restaurant, il prenait le repas le moins cher. Etudiant à Oxford il repassait ses vêtements lui-même.

Shoghi Effendi avait un respect absolu pour les messagers de Dieu. Son secrétaire Leroy Ioas raconte qu'un jour, ayant appris que la municipalité de Haïfa avait donné le nom BAHA à l'une des rues de cette ville, Shoghi Effendi m'appela pour me dire:

"Dites au maire que s'il n'arrache pas la plaque BAHA STREET, j'irai le faire moi-même de ma propre main".(Le lecteur aura compris que Shoghi Effendi ne pouvait admettre qu'on donne à une rue le nom d'un messager de Dieu).

Devant une telle fermeté le maire céda et changea BAHA STREET en IRAN STREET.

Shoghi Effendi savait apprécier les services rendus à la foi, et manifester ses sentiments de gratitude à ceux qui rendaient de tels services. Et il le faisait aussi bien de leur vivant qu'après leur mort.

Ainsi, par exemple, de passage en Suisse, il ne manqua pas d'aller visiter la tombe de l'un de ceux qui parmi les premiers ont apporté le message baha'i dans ce pays.

Voilà, chers amis, à titre d'exemple quelques unes des vertus de Shoghi Effendi. Si seulement nous pouvions nous en inspirer dans la vie ...

IL y a beaucoup à dire sur les vertus de Shoghi Effendi, sur ses souffrances dans la vie, sur la mission divine qu'il a accomplie, mais je m'arrête là pour renvoyer ceux qui, avec raison, s'y intéressent davantage, au livre "La Perle inestimable" (Par Ruhiyyih Rabbani - M.E.B. Bruxelles - éd 1976)

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