Le Covenant


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5.3. Elucidations de la Maison Universelle de Justice:

Lettre du 7 décembre 1969 (280)


Cher ami baha'i,

Votre récente lettre dans laquelle vous nous faites part des questions soulevées par certains jeunes lors de l'étude de la Dispensation de Baha'u'llah a été soigneusement étudiée et nous croyons devoir (281) expliquer le passage particulier que vous mentionnez ainsi qu'un autre passage du même ouvrage. Car, ils portent tous les deux sur les rapports entre le gardiennat et la Maison Universelle de Justice.

Le premier passage concerne le devoir du Gardien d'insister auprès de ses collégues de la Maison Univer- selle de Justice pour reconsidérer toute loi qu'il croit en désaccord avec la signification des écrits sacrés et qui s'éloigne de leur esprit. Le second passage concerne l'infaillibilité de la Maison Universelle de Justice sans le Gardien, à savoir la déclaration de Shoghi Effendi selon laquelle "Sans une telle institution ( le gardiennat )... l'inspiration nécessaire pour définir le champ de l'action législative de ses membres élus serait entièrement retirée".

Vous indiquez que certains jeunes sont embarrassés pour concilier le premier de ces deux passages avec les affirmations du testament d"Abdu'l-Baha selon lesquelles la Maison Universelle de Justice est "exempte de toute erreur".

De même que le testament d"Abdu'l-Baha ne contredit en aucune façon le Kitab-i-Aqdas, mais, selon les termes mêmes du Gardien "confirme, compléte et correspond aux clauses de l'Aqdas", de même les Ecrits ne contredisent ni la Parole révélée ni les interprétations du Maître. En essayant de comprendre les
Ecrits, nous devons nous rendre compte en premier lieu qu'il n'y a et qu'il ne peut y avoir de contradic- tions réelles. A la lumière de cela nous pouvons chercher avec confiance l'unité de signification qu'ils contiennent.

Le Gardien et la Maison Universelle de Justice ont certains devoirs et fonctions en commun. Ils opèrent
également à l'inténeur d'une sphère séparée et distincte. Comme Shoghi Effendi l'a expliqué : "...il est indubitablement clair et évident que le Gardien de la Foi a été désigné comme interprète de la Parole et que la Maison Universelle de Justice a été investie de la fonction de légiférer sur les sujets non expres- sément révélés dans les enseignements. L'interprétation du Gardien, agissant à l'intérieur de sa propre sphère fait autant autorité et est autant astreignante que les lois de la Maison Universelle de Justice dont le droit et la prérogative exclusifs sont de se prononcer et de donner le jugement final sur de telles lois et décrets que Baha'u'llah n'a pas expressément révélés." Et il continue d'affirmer : "Aucun ne peut ni ne pourra jamais enfreindre le domaine sacré et prescrit de l'autre. Aucun ne pourra chercher à dominer l'autorité spécifique et indubitable dont tous deux ont été investis. Il est impossible de concevoir que deux centres d'Autorité dont le Maître a décrété qu'ils étaient tous deux sous la garde et la protection de la Beauté d'Abha, sous l'abri, la garde et la protection de Sa Sainteté l'Exalté puissent s'opposer car tous deux sont les véhicules de la m"me inspiration divine."

La Maison Universelle de Justice, au-delà de sa fonction de législateur a été investie des fonctions plus générales de protection et d'administration de la Cause, résolvant les questions obscures et prenant des décisions sur des sujets qui ont causé des différends. Nulle part il est dit que l'infaillibilité de la Maison Universelle de Justice existe en vertu de la participation du Gardien comme membre ou de sa présence dans cette institution. En vérité 'Abdu'l-Baha dans son testament et Shoghi Effendi dans la "Dispensation de Baha'u'llah" ont tous deux affirmé de façon explicite que les membres élus de la Maison Universelle de Justice, en consultation, sont des récipients de l'inspiration divine infaillible. En outre, le Gardien lui-même dans l'Ordre mondial de Baha'u'llah a déclaré qu'il doit être aussi clairement entendu par chaque croyant que l'institution du gardiennat ne doit en aucune circonstance abroger ou même porter la moindre atteinte aux pouvoirs accordés à la Maison Universelle de Justice par Baha'u'llah dans le Kitab-i-Aqdas et à maintes reprises et solennellement confirmés par 'Abdu'l-Baha dans son testament. Cela ne constitue en aucune façon une contradiction avec le testament et les écrits de Baha'u'llah et n'annule aucune de ses instructions révélées ".

Alors que la responsabilité particulière du Gardien est l'interprétation de la Parole, il est aussi investi de tous les pouvoirs et prérogatives nécessaires pour remplir sa fonction de Gardien de la Cause, son chef et son suprême protecteur. Il a été en outre désigné comme le chef inamovible et membre à vie du Corps législatif suprême de la Foi. C'est comme chef de la Maison Universelle de Justice et comme membre de ce corps que le Gardien prend part à la procédure de la législation. Si vous considérez le passage qui suit celui qui a suscité votre question, vous verrez qu'il ne s'oppose pas aux autres textes : "Bien que le Gardien de la Foi ait été désigné de façon permanente à la tête d'un corps si auguste, il ne peut jamais, même temporairement, assumer le droit d'une législation exclusive. Il doit tenir compte de la décision de la majorité de ses collaborateurs, mais est tenu d'insister pour leur faire reconsidérer tout décret qu'il pense, en toute conscience, entrer en conflit avec la signification et s'éloigner de l'esprit des paroles révélées par Baha'u'llah ."

Bien que le Gardien, dans ses rapports avec ses collaborateurs à l'inténeur de la Maison Universelle de Justice doive tenir compte de la décision de la majorité, il est inconcevable que les autres membres ignorent une objection exprimée par lui en cours de consultation ou décident d'une loi contraire à ce qui
devrait être en harmonie avec l'esprit de la Cause. Après tout, c'est l'acte final délivré par la Maison Universelle de Justice qui est assuré de l'infaillibilité et non les opinions exprimées en cours de procédure.

On geut donc voir qu'il n'y a aucun antagonisme entre les déclarations du Maître concernant I'inspiration divine infaillible conférée à la Maison Universelle de Justice et le passage ci-dessus tiré de la Dispensation de Baha'u'llah.

Les amis pourront peut-être mieux comprendre ce rapport, s'ils connaissent le processus suivi par la Maison Universelle de Justice lorsqu'elle légifère. Premièrement évidemment, elle étudie avec le plus grand soin les textes sacrés et les interprétations du Gardien et considère les avis de tous ses membres. Après une longue consultation le processus de rédaction d'un avis est engagé. Pendant ce processus toute la matière peut être reconsidérée. Une telle reconsidération conduisant à un jugement final peut-être tout à fait différent de la conclusion précédente, ou bien même peut-être à la décision de ne pas légiférer sur le sujet pour le moment. On peut comprendre la grande attention qui aurait été accordée aux vues du Gardien durant cette procédure, s'il avait été en vie.

En considérant le second passage, nous devons une fois de plus nous en tenir au principe que les ensei- gnements ne se contredisent pas.

Les Ecrits mentionnent et envisagent clairement de futurs Gardiens. Mais, il n'y a nulle part de promesse que la lignée des Gardiens continuera à jamais. Au contraire, il existe des indications claires sur la possibilité de rupture de cette lignée. Alors que, malgré cela, les Ecrits insistent à maintes reprises sur l'indestructibilité de l'Alliance et l'immuabilité du dessein de Dieu pour ce jour.

L'un des passages les plus frappants où il est envisagé la possibilité d'une telle cassure dans la lignée des Gardiens se trouve dans le Kitab-i-Aqdas même : " Les dotations de charité reviennent à Dieu, le Révélateur des Signes. Nul n'a le droit de s'en emparer sans la permission de l'Orient de la Révélation. (282). Aprés Lui, la décision incombe aux Aghsan (283) ( les Branches ) et après eux à la Maison Universelle de Justice, si elle est alors établie dans le monde, de façon qu'ils puissent utiliser ces dotations dans l'intérêt des oeuvres exaltées par cette Cause et de qui leur a été ordonné par Dieu, le Tout-Puissant, l'Omnipotent. Autrement, les dotations doivent être reportées aux peuples de Baha qui ne parlent point sans sa permission, qui n'émettent aucun jugement qui ne soit en accord avec ce que Dieu a ordonné dans cette Tablette, ceux qui sont les champions de la victoire (284) entre le ciel et la terre, de sorte qu'ils puissent les utiliser jusqu'au bout pour ce qui a été décrété dans le Livre sacré par Dieu, le Puissant, Ie Généreux."

Le décès de Shoghi Effendi en 1957 précipita justement la situation prévue dans ce passage, en ceci que la lignée des Aghsan se termina avant que la Maison Universelle de Justice ait été élue. Bien que, comme on le voit, l'arrêt de la lignée des Aghsan ait été prévu, à un certain stade, nous ne devons jamais sous- estimer la perte douloureuse dont la Foi a souffert. Cependant, le dessein de Dieu pour l'humanité demeure inchangé, et la puissante alliance de Baha'u'llah demeure inébranlable. Baha'u'llah n'a-t-il pas affirmé catégoriquement : "La main de l'omnipotence a établi sa Révélation sur une fondation inattaquable et durable." Cependant qu"Abdu'l-Baha confirme : "En vérité, Dieu fait ce qu'il Lui plaît, nul ne peut détruire son Alliance, nul ne peut empêcher sa Grâce, ni s'opposer a sa Cause". "Toute chose est sujette à la corruption, mais l'Alliance de ton Seigneur continuera à pénétrer toutes les régions ". "Les épreuves de chaque dispensation sont en proportion directe avec sa grandeur et comme jusqu'ici une Alliance si évidente écrite par la Plume suprême n'a pas été encore faite, les épreuves en sont proportionnellement plus sévéres... L'agitaüon des violateurs n'est rien de plus que l'écume de l'océan... cette écume de l'océan
ne peut durer et va bientôt disparaître et s'évanouir alors que, de l'autre côté, l'océan de l'Alliance se soulèvera et rugira éternellement". Comme Shoghi Effendi l'a clairement déclaré : "l'assise rocheuse sur laquelle cet Ordre administratif est fondé est le dessein immuable de Dieu pour l'humanité en ce jour". "Cette gemme sans prix de la révélation divine actuellement encore dans son état embryonnaire, se développera indivisée et intacte, jusqu'à ce qu'elle embrasse l'humanlté entière."

Dans la Foi baha'ie, il y a deux centres d'Autorité vers lesquels les croyants doivent se tourner car en réalité l'interprète de la Parole est une extension de ce centre qu'est la Parole elle-même. Le Livre est la transmission authentique de la parole de Baha'u'llah alors que l'interprète divinement inspiré est la bouche vivante de ce Livre, c'est lui et lui seul qui peut, de façon autorisée, définir la signification du Livre. Ainsi, l'un des centres est le Livre avec son interprète et l'autre est la Maison Universelle de Justice guidée par Dieu pour décider de tout ce qui n'est pas explicitement révélé dans le Livre. Ce modèle formé par les centres et leurs rapports est visible à chaque phase du développement de la Cause. Dans le Kitab-i-Aqdas Baha'u'llah demande aux croyants de se tourner après son décès vers le Livre et vers "Celui que Dieu a désigné, celui qui est issu de l'Antique Racine". Dans le Kitab-i-'Ahdi ( l'alliance de Baha'u'llah ) il montre clairement que cette référence concerne 'Abdu'l-Baha. Dans l'Aqdas, Baha'u'llah ordonne aussi l'insti- tution de la Maison Universelle de Justice et lui confére les pouvoirs nécessaires pour remplir les fonctions qui lui sont désignées. Le Maître dans son testament institue explicitement le gardiennat dont Shoghi Effendi affirme qu'il était clairement anticipé par les versets du Kitab-i-Aqdas, il réaffirme et élucide l'autorité de la Maison Universelle de Justice et renvoie les croyants une fois de plus au Livre : "Tous doivent se tourner vers le Livre le Plus Saint et tout ce qui n'y est pas expressément mentionné doit être référé à la Maison Universelle de Justice" et à la fin même du testament, il dit : "Tous doivent chercher la direction et se tourner vers le Centre de la Cause et la Maison de Justice. Et celui qui se tourne vers quoi que ce soit d'autre est en vérité dans l'erreur grave."
 

Comme le domaine de juridiction de la Maison Universelle de Justice en matière de législation s'étend à tout ce qui n'est pas explicitement révélé dans le texte sacré, il est clair que le Livre lui-même est la plus haute autorité et délimite le champ d'action de la Maison Universelle de Justice. De même l'interprète du Livre doit avoir également l'autorité de définir le domaine de l'action législative des représentants élus de la Cause.

Les écrits du Gardien et les conseils qu'il a donnés durant trente-six ans de gardiennat montrent la façon
dont il exerçait cette fonction en relation avec 1a Maison Universelle de Justice ainsi que les Assemblées

spirituelles nationales et locales.

Le fait que le Gardien ait l'autorité pour définir le domaine de l'action législative de la Maison Universelle de Justice n'entraîne pas le corollaire que sans une telle inspiration, la Maison Universelle de Justice pourrait s'égarer au-delà des limites de son pouvoir, une telle déduction serait en opposition avec tous les autres textes se rapportant à son infaillibilité et particulièrement à la déclaration claire du Gardien selon laquelle la Maison Universelle de Justice ne pourra et ne voudra empiéter dans le domaine sacré et préscnt du gardiennat. On doit, cependant, se rappeler que malgré l'inspiration que les Assemblées spirituelles nationales et locales peuvent recevoir, si les consultations ont lieu de la manière et dans l'esprit décrits par 'Abdu'l-Baha, elles ne partagent pas les garanties explicites d'infaillibilité conférées à la Maison Universelle de Justice. Celui qui étudie soigneusement la Cause peut constater avec quel soin le Gardien, après le décès d"Abdu'l-Baha, guida les représentants élus des croyants dans la construction assidue de l'Ordre administratif et dans la formulation des constitutions nationales et locales. (285)
 

Nous espérons que ces éclaircissements vont aider les amis à comprendre ces rapports avec plus de net-

teté, mais nous devons tous nous rappeler que nous nous trouvons trop près des débuts du système or-

donné par Baha'u'llah pour pouvoir comprendre complètement ses potentialités ou les rapports récipro-

ques de ses parties constituantes. Comme le secrétaire de Shoghi Effendi l'écrivait de sa part à un croyant, le 25 mars 1930 : "le contenu du testament du Maître dépasse de loin la compréhension de la génération présente. Il faut au moins un siècle de travail réel avant que les trésors de la sagesse qui y sont cachés puissent être révélés ".

Avec d'affectueux sentiments baha'is.     La Maison Universelle de Justice


NOTES

280. Lettre adressée a un nouveau croyant, Messages from Universal House of Justice, p. 37. (Traduction provisoire).  ñ
281
. Référence au testament d''Abdu'l-Baha qui stipule que la Maison Universelle de Justice doit éclaircir et élucider les questions obscures.  ñ
282
. La Manifestation de Dieu.  ñ
283
. Les branches issues de l'Antique Racine : le Maître et Shoghi Effendi.  ñ
284
. Shoghi Effendi a qualifié les Mains de la cause de Dieu d'Officiers de haut rang de l'armée de lumière durant la Croisade de Dix Ans.  ñ
285
. Les constitutions locales et nationales, autrement dit les statuts des ASN et des ASL, ont été adoptées pour la première fois par l'ASN des baha'is des Etats-Unis et du Canada. Dans "The Baha'i World" vol. IV (1930-1932) p.158, on pcut voir les statuts de l'ASL de New York enregistrés le 31 mars 1932. Dans "The Baha'i World", vol II (1926-1928) p.89, on peut consulter les statuts de l'ASN des Etats-Unis et du Canada tels qu'adoptés en 1926-27. Dans "The Baha'i World", vol.V (1932-1934) on peut voir le fac-similé du certificat d'enregistrement des statuts de l'ASN daté du ler mai 1929. Dans "The Baha'i World", vol. XIV (1963-1968) on peut lire les modèlcs de statuts pour ASN (p. 500) et ASL (p. 525) approuvés par la Maison Universelle de Justice.  ñ


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