Les dépositaires de la confiance divine

Adib Taherzadeh

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2. Les institutions divines

2.1. Fonctionnement des assemblées spirituelles

Les assemblées spirituelles sont des institutions divines créées par Baha'u'llah. Il a conféré à ceux qui y servent un bienfait inestimable en leur permettant de prendre part à l'érection de la charpente de son ordre mondial, actuellement dans sa forme embryonnaire. Aussi grand que soit ce privilège, les membres de ces institutions sont mis en face de responsabilités stupéfiantes puisqu'ils peuvent soit contribuer à en faire des assemblées fortes et saines, solidement établies et fonctionnant harmonieusement en appliquant les principes spirituels enchâssés dans l'ordre administratif, soit les faire dégénérer en simples corps sans esprit, bien organisés mais pleins de tensions, de problèmes, de frictions et d'incompréhensions.

Les baha'is des premiers jours, ceux qui vivaient et travaillaient à l'âge héroïque, n'avaient ni ces responsabilités ni ces problèmes. En contact direct avec la suprême manifestation de Dieu et le Centre de son alliance, ils étaient devenus une nouvelle création, douée de qualités divines, totalement oublieux d'eux-mêmes et entièrement tournés vers Baha'u'llah. Enivrées par le vin de ses paroles, lui étant complètement dévouées, ces âmes saintes étaient rafraîchies, telles des plantes au printemps, par les averses printanières de sa révélation. Elles tiraient leur force et leur subsistance, directement et de façon indépendante, du centre de la cause. Ces premiers croyants étaient en communication directe avec Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha, et bon nombre des tablettes dont nous disposons aujourd'hui ont été révélées en réponse à des lettres par lesquelles ils demandaient des conseils ou posaient différentes questions. Aucun motif de ressentiment ou de malentendu, de tension ou de friction n'existait alors parmi les croyants, car ils n'avaient pas de vie communautaire; ce fut à cette époque que la cause produisit ses géants spirituels.

Mais en cet âge de la formation, toutefois, les adeptes de Baha'u'llah doivent travailler ensemble au sein de communautés Baha'ies. Les averses printanières de la révélation de Baha'u'llah ont cessé, et l'esprit de la cause de Dieu, cette eau de vie qui animait, à un âge précédent, une troupe de héros divinement enivrés, ne peut désormais atteindre et rafraîchir les croyants que par le biais des institutions d'un ordre divinement ordonné. Le Gardien qui posa les fondations de cet ordre et dont l'esprit dominera indubitablement la période tout entière de l'âge de la formation de la foi, a résumé ce processus en ces termes: Le moment était maintenant venu pour cet Esprit impérissable, cet Esprit vivificateur du monde, qui était né à Shiraz, qui était réapparu à Tihran, qui s'était enflammé à Baghdad d et à Andrinople, puis avait été porté en Occident et illuminait maintenant les rivages des cinq continents, de s'incarner dans des institutions destinées à canaliser ses énergies débordantes et à stimuler sa croissance (Dieu passe près de nous, Shoghi Effendi, M.E.B., éd. 1976, p. 314.).

Les assemblées spirituelles, nerfs essentiels de la société baha'ie, appelées à évoluer en maisons de justice locales et nationales, sont en effet les canaux dans lesquels circule l'esprit source de vie de la foi.

L'assemblée spirituelle n'est pas seulement une réunion de neuf membres, elle est plus exactement une institution divine dans laquelle l'homme devient l'instrument de la diffusion de l'esprit.

Les membres des assemblées spirituelles sont souvent d'origines sociale, intellectuelle et spirituelle différentes. Jeunes et vieux, riches et pauvres, lettrés et illettrés, anciens et nouveaux déclarés, tous peuvent y siéger ensemble comme membres de l'assemblée spirituelle.

Cette diversité de pensées, de cultures, de coutumes et d'origines, qui donnerait lieu dans le monde extérieur à une incompatibilité telle qu'elle paralyserait le travail d'une organisation, devient ici source de force et de bénédiction dans l'assemblée spirituelle dont les membres, loin d'insister sur leurs différences d'éducation, de capacité et de compétence, peuvent oeuvrer ensemble, conformément à l'esprit de l'ordre administratif de Baha'u'llah, à créer un corps harmonieux et amical, vibrant de l'esprit de la cause et démontrant de ce fait le dynamisme de sa force de cohésion.


2.2. Le rôle de l'individu

En reprenant l'analogie qui existe entre les assemblées spirituelles et les canaux qui transportent l'eau de vie, chaque membre pourrait être comparé à une des briques qui constituent ce canal. Construisons un canal de neuf briques, toutes différentes de taille et de forme, et examinons les tensions et les pressions qui s'y exercent alors que l'eau le traverse. Si les neuf pierres sont cimentées ensemble de telle sorte que leurs faces lisses se trouvent à l'intérieur du canal, l'eau peut alors s'écouler sans heurts. Mais si quelques-unes des pierres font saillie dans le courant, il en résultera des turbulences. Chaque brique sera soumise à de fortes pressions qui risquent, en fin de compte, de démolir le canal. De même, si les membres d'une assemblée spirituelle se réunissent dans un esprit d'harmonie et d'unité, écartent leurs désirs égoïstes, laissent derrière eux leur ego, se mêlent et se fondent en un seul corps par amour pour Baha'u'llah, alors cette assemblée devient spirituelle. Elle attirera les libéralités de Baha'u'llah et, par son intermédiaire, l'esprit et le pouvoir des enseignements se répandront sur l'humanité. Mais si les membres font preuve d'un sentiment de supériorité, s'enorgueillissent de leurs propres réalisations et cultivent ainsi leur ego, ils feront saillie comme les pierres dans le canal, et alors, conformément aux paroles de 'Abdu'l-Baha, cette assemblée sera anéantie.


L'assemblée deviendra le centre de turbulence, et le canal portant l'esprit de la cause pourra être complètement obstrué. Elle passera par une période de peine, de souffrances et de tensions intenses.

Les personnes qui souffrent le plus sont souvent celles-là mêmes qui ont cultivé leur ego. Les forces puissantes de la foi qui coulent à travers l'institution exerceront une forte pression sur ces obstacles et, tout comme les pierres qui font saillie dans le canal sont frappées par le courant et finalement emportées, l'ordre administratif n'est pas un abri pour les personnes vaines et égocentriques. Il exige humilité, effacement, servitude et détachement. Ce qu'il réclame de chaque membre de l'assemblée se résume aux paroles suivantes du Maître, par lesquelles il exhorte les croyants à fouler le sentier de l'humilité et de la servitude: Rends-moi poussière dans le sentier de tes aimés. Dans plusieurs de ses tablettes, Baha'u'llah a élevé l'humilité et la servitude au plus haut rang destiné à l'homme. Si méritoire que soit une action, elle ne devient acceptable à Dieu que si son auteur acquiert ces vertus. Quel est par exemple le cadeau le plus acceptable que l'on puisse faire à un ami? Ce sera un objet qu'il ne possède pas encore. Qu'est-ce que l'homme peut donc offrir à Dieu qui lui soit acceptable? Dieu possède tout.

Les réalisations de l'homme, son savoir, sa vertu, sa richesse et son pouvoir, s'ils sont offerts à Dieu à la fin d'une vie, ne sont que pur néant comparés à la gloire transcendante de Dieu. Cependant, en vertu de sa souveraineté et de son empire, l'humilité ne fait pas partie de ses attributs et c'est donc à ses yeux le don le plus acceptable que l'homme puisse lui faire. L'humilité et la servitude vis-à-vis des croyants sont les deux qualités essentielles aux membres des assemblées spirituelles. Sans elles, l'esprit d'amour et d'unité qui doit exister au moment de la consultation sera détruit et l'assemblée ne sera pas capable de fonctionner selon l'esprit de l'ordre administratif.


2.3. Influences de l'ordre ancien

Parmi les éléments nuisibles susceptibles d'être introduits dans les institutions naissantes de la foi, il y a les mauvaises influences de l'ordre ancien qui a été disloqué depuis que les mises en garde de Baha'u'llah aux rois et aux dirigeants sont restées lettre morte. Les porteurs de ces influences nuisibles sont les croyants qui doivent vivre et travailler dans le monde extérieur un monde enveloppé des ténèbres de l'incroyance et de l'impiété, spirituellement affamé, plein de corruption, de préjugés et de conflits, avec ses fausses valeurs et ses institutions vides et usées qui fonctionnent pour la plupart dans un cadre fondé sur les intrigues, la tromperie et la discorde. Les croyants, quoique sincères, risquent, s'ils ne sont pas toujours vigilants, d'introduire dans l'assemblée, sans le vouloir, quelques-unes de ces valeurs et de ces pratiques propres à l'ordre ancien et si étrangères à l'esprit de la foi et de ses institutions divinement ordonnées.

Reprenons l'analogie du canal de neuf briques. Bien que de l'eau pure y circule, le canal lui-même est enterré et entouré de terre. Si l'une de ces briques est fissurée, elle laissera certaines impuretés pénétrer dans le canal où terre et saleté vont contaminer l'eau. Mais si les briques sont solides, dures et inexpugnables, rien ne pourra s'infiltrer de l'extérieur et l'eau du canal restera pure et non polluée.



Il en va de même des membres de l'assemblée spirituelle. La force de l'individu, sa solidarité et sa fermeté dépendent de sa foi en Baha'u'llah et de son obéissance à ses commandements. Un croyant tiède et pusillanime, dont la foi en Baha'u'llah n'est pas ardente, risque de subir les influences de valeurs relâchées, les théories décadentes et les pratiques corrompues appartenant à un ordre en rapide déclin. Il devient ainsi à l'origine de l'introduction d'éléments pernicieux dans les institutions naissantes de la foi universelle de Baha'u'llah.

La foi de Baha'u'llah se trouve bien au-delà des craintes, des doutes et des perplexités des institutions anciennes et usées et des doctrines surannées, qu'elles soient sociales, politiques ou religieuses. Elle n'est en aucune façon influencée par les philosophies et les théories humaines et trompeuses des temps modernes, et qui ont misérablement échoué à fournir une solution acceptable aux problèmes de l'humanité. Cependant, les membres de l'assemblée qui ont reconnu le rang de Baha'u'llah et sont restés fermes dans son alliance sont à l'abri des influences empoisonnées de l'ordre ancien. Par leur foi inébranlable en Baha'u'llah, leur loyauté constante envers 'Abdu'l-Baha, Shoghi Effendi et la Maison Universelle de Justice, par la rectitude de leur conduite, leur adhésion indéfectible aux lois, aux enseignements et aux ordonnances de Baha'u'llah, ces membres sont armés et protégés contre les mauvaises influences extérieures qui exercent une pression sur les institutions divines nouveau-nées. Dans le canal de l'ordre administratif, ces âmes sont, en effet, comparables à des pierres solides et imprenables.


2.4. Fermeté dans l'alliance

La foi est un terme relatif et son intensité varie d'une personne à l'autre. Lorsque l'individu reconnaît pour la première fois la vérité de la mission de Baha'u'llah, l'étincelle de la foi s'allume dans son coeur. Cette étincelle grandira en une flamme puissante s'il consent à s'éprendre de Baha'u'llah, à servir sa cause et à s'immerger dans l'océan de ses paroles. Ce n'est que de cette façon que son coeur recevra une mesure toujours croissante de confirmation et d'assurance.

Aucune histoire des premiers croyants n'est plus émouvante que celle des martyrs de la foi qui, avec intrépidité et grand héroïsme, se levèrent pour propager la cause de Dieu, et qui restèrent fermes même lorsqu'ils furent contraints à témoigner par leur sang de la vérité de la révélation de Baha'u'llah. Ces âmes avaient atteint le plus haut degré de foi et incarnaient la certitude et l'assurance. L'histoire de Rhuhu'llah Varqa est, à cet égard, hautement significative dans les annales de la foi. Enfant martyr de la foi, héros et véritable prodige spirituel, il parvint, à l'âge de huit ans, en présence de Baha'u'llah à Saint-Jean-d'Acre et, par son amour pour la Beauté bénie, il démontra une telle maturité et une telle compréhension qu'il inspira et éleva les croyants qui devinaient sa grandeur d'âme. Son dévouement à la cause et son enthousiasme pour la propager le conduisirent, peu après être parvenu en présence de son Seigneur, à la prison de Tihran où il partagea, avec son illustre père, le poète et remarquable enseignant de la foi, 'Ali Muhammad ( un apôtre de Baha'u'llah surnommé Varqa (colombe) par la Plume du Très-Haut) les épreuves et les souffrances de la vie carcérale. Ce fut dans cette prison qu'il vit de ses propres yeux le corps de son père bien-aimé tomber sous le poignard du bourreau. Peu de temps après, refusant d'abjurer sa foi et désireux de rejoindre son père, il fut étranglé et mourut à l'âge de douze ans. 'Abdu'l-Baha et la très Sainte Feuille avaient une grande admiration et beaucoup d'amour pour Rhuhu'llah et tous avaient plaisir à converser avec lui lorsqu'il était à Saint-Jean-d'Acre. On raconte qu'un jour, 'Abdu'l-Baha lui demanda comment il passait son temps dans son pays. Rhuhu'llah répondit: Nous enseignons la foi aux gens et les informons de la venue du Promis. Le Maître, visiblement content de converser avec ce jeune garçon merveilleux et désirant l'éprouver, lui demanda ce qu'il ferait si l'on découvrait que le Bab n'était pas le véritable Promis et que le vrai prophète était apparu. Je lui enseignerai la foi répondit-il promptement. Voilà un exemple de foi véritable, de certitude absolue et de fermeté dans l'alliance.

Bien que l'âge héroïque soit aujourd'hui révolu, les épreuves n'en continuent pas moins, en cet âge de la formation, d'affecter les croyants de diverses manières. La réunion de l'assemblée spirituelle est, à cet égard, un terrain d'épreuve où le membre individuel sera testé en pensée, en parole et en action, et où ses qualités et son potentiel seront connus. La meilleure protection pour le croyant est la fermeté dans l'alliance, ce qui, en langage simple signifie obéissance envers Baha'u'llah et, après lui, envers `Abdu'l-Baha, Shoghi Effendi et, aujourd'hui, envers la Maison Universelle de Justice. C'est une question de foi, et chaque baha'i qui a reconnu Baha'u'llah comme la manifestation suprême de Dieu aura déjà accepté ce principe cardinal de la cause.

Nombreux sont les enseignements et les principes de la foi qui suscitent l'adhésion. La foi d'un croyant est toutefois éprouvée lorsqu'il se trouve confronté à une affirmation contraire à sa façon de penser. Dans ce cas, on peut dire que le degré de fermeté dans l'alliance est déterminé par la promptitude avec laquelle il reconnaît sincèrement et du fond du coeur que Baha'u'llah et ceux auxquels il a conféré l'infaillibilité sont divinement guidés, que leurs paroles, leurs enseignements et leur guidance sont exempts d'erreur, et que l'esprit de l'homme est limité et son jugement souvent erroné.


2.5. Valeurs spirituelles

Une des grandes responsabilités incombant à ceux qui sont appelés à servir au sein des assemblées spirituelles consiste à s'assurer que les principes administratifs révélés par la plume de Baha'u'llah, élaborés par 'Abdu'l-Baha et expliqués en détail par Shoghi Effendi, sont fidèlement appliqués dans le travail de ces institutions.

La consultation au sein de l'assemblée spirituelle constitue un exemple important de ces principes. Le niveau que, selon Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha, les membres des assemblées spirituelles doivent maintenir dans leurs consultations est, en effet, très élevé. Les premières conditions requises de ceux qui se consultent, écrit 'Abdu'l-Baha, sont la pureté d'intention, le rayonnement de l'esprit, le détachement de tout autre que Dieu, l'attirance vers sa fragrance divine, l'humilité et la modestie parmi ses aimés, la patience et l'endurance dans les difficultés et la servitude à son seuil exalté... La condition première est l'harmonie et l'amour absolus parmi les membres de l'assemblée. Ils doivent se dégager de toute antipathie et doivent manifester en eux l'unité de Dieu, car ils sont les vagues d'une seule mer, les gouttes d'une seule rivière, les étoiles d'un seul ciel, les rayons d'un seul soleil, les arbres d'un seul verger, les fleurs d'un seul jardin (Principles of Baha'i Administration, B.P.T., London, ed. 1963, pp. 41-42.)

C'est l'application de ces normes spirituelles qui fait de la consultation baha'ie un terrain d'épreuve pour chaque membre de l'assemblée. Toutes les vertus de l'individu, sa foi, son courage et sa fermeté dans l'alliance subissent un test rigoureux quand l'assemblée s'assied autour de la table pour se consulter. Ici commence dans l'âme de l'individu la bataille spirituelle qui se poursuivra aussi longtemps que l'ego restera le dictateur. Cette bataille peut, en effet, en de nombreux cas, durer toute une vie. Sur ce champ de bataille, les forces de la lumière et celles des ténèbres sont déployées les unes contre les autres. D'un côté se trouve l'entité spirituelle, l'âme du croyant, de l'autre un grand ennemi, le moi ou l'ego.

Le niveau spirituel est exalté par le Maître, et si l'individu tourne son coeur vers le royaume de gloire, il peut parfaitement entendre avec les oreilles de l'esprit, à chaque réunion de l'assemblée, la voix vibrante du Maître l'invitant à
la pureté d'intention,
le rayonnement de l'esprit,
le détachement,
l'attirance vers la fragrance divine,
l'humilité parmi ses aimés,
la patience et l'endurance dans les difficultés,
le service,
l'amour,
l'harmonie,
la dévotion,
la courtoisie,
la dignité,
la sollicitude,
la modération,
se dépouiller de toute antipathie.

Ces attributs et de nombreux autres sont les principales conditions requises pour la consultation baha'ie. A quelque moment que l'âme prête l'oreille à ces normes élevées établies par 'Abdu'l-Baha et, lorsque l'occasion l'exige, les applique au cours de la consultation, l'ego vaincu restera à l'arrière-plan. L'âme sort victorieuse de cette bataille et deviendra radieuse de la lumière de la foi et du détachement. L'application de ces principes spirituels doit toutefois être authentique et pas seulement superficielle. Les sentiments d'amour, d'unité, de détachement et d'harmonie doivent venir du coeur. Ils ne doivent pas seulement se manifester sous une forme extérieure. Humilité et servitude, rayonnement, dévotion, courtoisie et patience, accompagnés de toutes les autres vertus, sont des qualités de l'esprit. Elles ne peuvent se manifester par de vaines paroles, ni s'en contenter. Si tel est le cas, l'ego est alors victorieux.


2.6. Présence de Baha'u'llah

Il n'est peut-être pas facile de parvenir à des normes aussi élevées pendant la consultation baha'ie. Quelles que soient sa sincérité et sa dévotion, l'homme néglige souvent d'appliquer ces principes aux réunions de l'assemblée. Mais au sein de l'assemblée spirituelle il est une force puissante, souvent négligée, qui peut transformer les échecs et les faiblesses humaines en aspirations nobles et en actions louables.

Elle peut changer l'atmosphère de l'assemblée spirituelle et, d'une atmosphère de tension et de discorde, faire une atmosphère d'amour et d'unité. Libérée de l'enchevêtrement des discussions et des controverses, l'assemblée peut alors devenir un canal parfait pour l'écoulement de l'esprit de la cause vers l'humanité. Cette force puissante est la présence de Baha'u'llah dans l'assemblée. Dans le Kitab-i-Aqdas, il a affirmé que, lorsque les membres s'assemblent dans la chambre du conseil, ils devraient considérer qu'ils sont en présence de Dieu, qui est, en effet, la présence de Baha'u'llah. Cette présence est réelle et non imaginaire, car il ne leur demande pas seulement de se considérer comme étant en sa présence, mais de voir celui qui ne peut être vu.

Dans cette vie, certaines choses pourtant réelles sont souvent invisibles à l'oeil humain. Ce monde contingent, et tout ce que l'on peut y voir, n'est qu'une ombre. Le monde de la réalité est spirituel et, pour le comprendre, l'homme a besoin de qualités spirituelles. La présence de Baha'u'llah dans l'assemblée spirituelle est plus réelle que tout autre élément de ce corps et, lorsque les membres s'assemblent, ils sont vraiment assis en sa présence, comme il l'a lui-même affirmé. Quand les membres de l'assemblée en prendront pleinement conscience et qu'avec l'oeil de l'esprit ils verront Baha'u'llah parmi eux, l'océan d'humilité et d'effacement de soi les submergera, les remplira d'un nouvel esprit, et les rendra radieux. La présence de Baha'u'llah fondra les neuf membres en un seul corps et ils ne s'attarderont plus sur leurs fautes ou sur leurs faiblesses. Chaque parole que prononce un membre, chaque idée qu'il avance, chaque contribution à la consultation sera, en réalité, adressée à Baha'u'llah dans un esprit d'humilité et de servitude. Dans une telle atmosphère, la consultation baha'ie devient vraiment constructive et incite chaque membre à offrir ses idées avec franchise et cordialité. Les inhibitions qui, pour diverses raisons, telles que l'éventualité de devenir impopulaire à l'intérieur de la communauté ou d'offenser d'autres membres de l'assemblée, pourraient souvent empêcher un membre d'exprimer son point de vue, disparaîtront et seront remplacées par le courage et la sagesse. En effet, quand l'individu se tournera vers Baha'u'llah dans une intention pure, les paroles qu'il prononcera produiront alors un tel effet sur ses auditeurs qu'aucun n'en sera offensé.

La conscience de la présence de Baha'u'llah dans l'assemblée créera une atmosphère spirituelle, les âmes deviendront humbles, tout sentiment de supériorité disparaîtra et l'ego sera balayé. Car en présence de Baha'u'llah, qui pourrait se considérer comme supérieur à ses collègues ? Qui pourrait, ouvertement ou dans son coeur, déprécier l'opinion d'un autre? Qui pourrait s'emporter, élever la voix, interrompre son ami ou discuter avec lui dans l'assemblée, qui adopterait une attitude ou parlerait d'une façon qui risquerait d'offenser une autre âme?


2.7. La vraie consultation

Une assemblée spirituelle qui fonctionne de cette façon est en vérité désignée par Dieu. Ô vous qui êtes fermes dans l'alliance, affirme le Maître en s'adressant aux membres des assemblées spirituelles, 'Abdu'l-Baha est constamment en communication parfaite avec toute assemblée spirituelle instituée par la bonté divine dont les membres se tournent avec la plus grande dévotion vers le royaume divin et sont fermes dans l'alliance. Il leur est cordialement attaché et il est uni à eux par des liens éternels ( Principles of Baha'i Administration, B.P.T., London, ed. 1983, p. 38.). La consultation baha'ie, menée selon l'esprit de l'ordre administratif, est un processus créateur par lequel des opinions et des idées différentes se développent en une décision mûre et bien équilibrée. Les membres de l'assemblée doivent d'abord se familiariser avec les faits ayant trait au sujet considéré, puis, dans une attitude de prière, exprimer franchement et sans détours leurs points de vue et leurs opinions.

Dans cette cause, dit 'Abdu'l-Baha, la consultation est d'une importance vitale, mais elle suppose un entretien spirituel et non le simple énoncé de points de vue personnels... Le but est d'insister sur l'affirmation que la consultation doit avoir pour objet la recherche de la vérité... L'homme devrait peser ses opinions avec la plus grande sincérité, le plus grand calme et le plus grand sang-froid. Avant d'exprimer son point de vue, chacun devrait considérer avec soin les avis déjà émis par les autres. S'il trouve qu'une opinion exprimée précédemment est plus juste et a plus de valeur, il devrait l'accepter immédiatement et non s'en tenir obstinément à la sienne... La vraie consultation est donc un entretien spirituel dans une atmosphère et une attitude d'amour. Les membres doivent s'aimer d'amitié pour que de bons résultats en découlent. L'amour et l'amitié sont la base (Baha'i News, A Periodical, A.S.N. of the Baha'i of the U.S.A., Wilmette, June 1947.).

Souvent, une idée exprimée par un membre stimule d'autres idées qui, à leur tour, en engendrent d'autres jusqu'à ce qu'elles se cristallisent sous la forme d'une résolution qui est l'enfant de la consultation baha'ie et est adoptée à l'unanimité. Dans d'autres cas, la résolution est adoptée à la majorité, elle n'en est pas moins valide et tous les membres la soutiennent ardemment pour la simple raison que 'Abdu'l-Baha a enjoint aux croyants d'agir ainsi. C'est l'un des principes spirituels qui régissent les travaux de l'ordre administratif. Si ce soutien n'est pas donné du fond du coeur, l'individu n'a pas agi selon l'esprit de la foi.

Aucun membre d'une assemblée, s'il est fidèle aux principes de la foi et s'il a progressé spirituellement, ne devrait entretenir dans son esprit la pensée de se donner quelque crédit que ce soit pour ses idées ou ses suggestions, aussi méritoires soient-elles. Être opiniâtre, dogmatique, obstiné et raisonneur au cours de la consultation baha'ie, c'est s'opposer à l'esprit même de la foi. La pratique, si souvent utilisée dans les institutions de l'ordre ancien, qui consiste à dicter des idées, à influencer et à persuader, est contraire aux enseignements de Baha'u'llah.


2.8. Aucun compromis sur les principes

Dans leur empressement à résoudre un problème à la satisfaction de tous ou dans leur désir de ne pas offenser les sentiments de certains ou de la communauté dans son ensemble, les membres d'une assemblée spirituelle peuvent, quelquefois inconsciemment ou même instinctivement, arriver à une décision fondée sur le compromis d'un principe de base. Il s'agit là encore de l'influence néfaste de l'ordre ancien qui risque indubitablement de nuire au travail de l'assemblée spirituelle. Si les institutions non Baha'ies, tant sociales que politiques ou religieuses, ont souvent recours au compromis pour résoudre leurs problèmes, les institutions embryonnaires du nouvel ordre mondial tirent leur force et leur vigueur de la vérité de la parole de Dieu révélée par Baha'u'llah.

Les lois, les principes et les enseignements que quarante ans de révélation continue ont accordés à l'humanité et qui doivent régir les travaux de ces institutions pendant au moins mille ans sont tous clairs et explicites et ne sont sujets à aucune altération ni compromis. De plus, pendant les vingt-neuf années de son ministère, 'Abdu'l-Baha a dévoilé l'esprit intime de ces enseignements et élucidé leur signification. Suivirent trente-six années de Gardiennat pendant lesquelles Shoghi Effendi, à travers sa correspondance avec des particuliers aussi bien qu'avec des assemblées, a non seulement amplifié les interprétations de 'Abdu'l-Baha, mais a appliqué également la plupart de ces lois et de ces principes à des cas spécifiques. Bien que les membres des assemblées spirituelles soient libres de s'exprimer et d'avoir des initiatives propres pendant les délibérations de l'assemblée, et bien qu'ils aient une grande liberté pour se consulter et arriver à des décisions sur des matières qui tombent sous leur juridiction, ils sont néanmoins obligés de suivre les directives de Baha'u'llah, de 'Abdu'l-Baha, de Shoghi Effendi et de la Maison Universelle de Justice, et de les appliquer à leurs propres situations sans aucun compromis. En effet, ce vaste océan de guidance divine donnera une orientation claire à la consultation baha'ie à chaque réunion d'assemblée, permettant à ses membres d'éviter de nombreux écueils et d'arriver à des décisions conformes à l'esprit de la foi.


2.9. Les principes administratifs

Le fait que Baha'u'llah ait révélé une quantité d'enseignements sans équivalent dans les anciennes révélations et qui sont destinés à régler le fonctionnement des institutions administratives de sa cause constitue l'un des traits uniques de la foi. Au cours du cycle prophétique qui s'ouvre avec Adam et s'achève avec Muhammad, et même pendant la révélation Babie , le domaine des enseignements spirituels et leur application sont restés presque inchangés.

Le Sermon sur la Montagne, qui résume les enseignements spirituels et moraux du christianisme, peut être considéré comme le modèle de base et l'essence des enseignements spirituels contenus dans toutes les autres religions. Ceux-ci ont exercé une influence profonde et durable sur la vie et les actions des hommes. Ni le passage du temps, ni même le fait que les religions antérieures ne sont plus en mesure d'affronter les problèmes de cet âge n'ont pu effacer des coeurs des hommes certains enseignements spirituels éternels dans lesquels les hommes ont été éduqués et qui sont désormais si enracinés dans leur esprit et dans leur âme qu'ils leur sont presque devenus une seconde nature. Cette influence a été si profonde que, même parmi les déçus, ceux qui ont perdu la foi et qui ont rejoint le rang des agnostiques et des athées, il en est beaucoup que leur conscience pousse à adopter un mode de vie conforme à ces enseignements humanitaires et spirituels.

Jamais auparavant, jusqu'à l'avènement de la révélation baha'ie, une manifestation de Dieu et le Centre de son alliance n'avaient élargi la portée de ces enseignements spirituels au point d'y inclure une série de principes administratifs destinés à régir les travaux des institutions de son nouvel ordre mondial. Les principes spirituels et administratifs ont été mis sur un même rang et une importance égale leur est accordée. En cet âge, par conséquent, le croyant ne doit pas seulement suivre les enseignements spirituels fondamentaux d'amour, d'honnêteté, de pardon, et tous les autres commandements divins destinés essentiellement à un individu dans ses relations avec autrui, mais il doit également observer ces principes qui définissent son rôle dans la société baha'ie et qui déterminent sa conduite par rapport à ses institutions.

La force et l'efficacité des institutions de l'ordre mondial embryonnaire de Baha'u'llah ne tiennent pas seulement à leur origine divine et à l'esprit de foi qui coule à travers elles, mais dépendent aussi du fait que les croyants observent les principes administratifs comme un acte de foi, qu'ils obéissent de tout leur coeur aux commandements de Baha'u'llah relatifs à ces institutions et que, dans l'accomplissement de leurs devoirs administratifs, ils se gardent avec soin d'introduire dans l'ordre administratif tout élément qui risquerait d'entraver sa croissance, de saper sa force ou de rabaisser son rang.


2.10. Elections

En matière de principes administratifs, considérons d'abord ceux qui régissent l'élection de l'assemblée spirituelle. Bien qu'il s'agisse d'une fonction administrative, cette élection a une grande signification spirituelle et doit s'effectuer dans un esprit de prière et de dévotion. Le Gardien a désigné les attributs des membres d'une assemblée. L'électeur, en votant pour eux, devrait .... considérer sans la moindre trace de passion ni de préjugé, et sans aucune considération matérielle, les seuls noms de ceux qui savent le mieux combiner les qualités nécessaires de loyauté incontestable, de dévouement exempt d'égoïsme, de discipline, d'une aptitude reconnue, et d'une mûre expérience (Principles of Baha'i Administration, B.P.T., London, ed. 1963, p. 62.).

Lors des élections Baha'ies, il ne doit y avoir ni manoeuvre électorale, ni campagne, ni propagande. De telles pratiques vont à l'encontre de l'esprit de la cause de Baha'u'llah et sont clairement défendues. Les électeurs ont la liberté de choix, et l'élection se fait à bulletin secret. Il est incorrect que deux personnes, même mari et femme, se consultent ou s'influencent dans leur choix. Ces principes administratifs sont sacrés pour un baha'i, et enfreindre l'un d'eux revient à enfreindre un principe spirituel.


2.11. Autorité des institutions

Un autre principe administratif important nous enjoint d'accepter les décisions de l'assemblée spirituelle, même si elles se révèlent mauvaises! Les assemblées spirituelles ne sont pas des organes infaillibles, mais si leurs membres mettent leur point de vue personnels de côté pour soutenir la décision de tout leur coeur, la vérité se manifestera et l'assemblée sera amenée à revoir sa première décision; le fonctionnement de l'ordre administratif est conçu de telle manière qu'une mauvaise décision peut être corrigée. En effet, les assemblées locales sont liées à leurs assemblées nationales et celles-ci, à leur tour, à la Maison Universelle de Justice. L'Assemblée nationale, en vertu de sa juridiction et de son autorité plus étendues sur les assemblées locales de son ressort, est dans une meilleure position pour attirer l'attention de celles-ci sur une résolution qu'elle estime mauvaise, et pour leur demander de reconsidérer leur décision. Si besoin est, la Maison Universelle de Justice peut intervenir en dernière analyse pour rendre un verdict définitif et infaillible sur la question.

L'autorité dont Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi ont investi tant les assemblées locales que nationales, est claire et incontestable. Il est enjoint aux croyants d'obéir aux décisions de leur assemblée. Lui désobéir n'est pas permis sous prétexte que sa décision pourrait être mauvaise.

Par ces paroles, Shoghi Effendi a précisé clairement l'autorité de l'Assemblée nationale: Je souhaite réaffirmer en termes clairs et catégoriques le principe déjà énoncé selon lequel l'Assemblée nationale est investie de l'autorité suprême dans toutes les questions qui concernent l'intérêt de la foi. Il ne peut y avoir ni conflit d'autorité, ni dualité sous quelque forme ou dans quelque circonstance que ce soit, dans aucune sphère de la juridiction Baha'ie, qu'elle soit locale, nationale, ou internationale. L'Assemblée nationale cependant, bien que seule interprète de son statut et de son règlement intérieur, est directement et moralement responsable si elle permet à un organe ou à une institution sous sa juridiction d'abuser de ses privilèges ou de dévier dans l'exercice de ses droits et de ses privilèges. Elle est la gardienne de confiance et le ressort principal des activités multiples et des intérêts de chaque communauté nationale du monde baha'i. Elle constitue le seul lien qui unit ces communautés à la Maison Universelle de Justice, l'organe administratif suprême de la cause de Baha'u'llah (Principles of Baha'i Administration, B.P.T., London, ed. 1963, p. 74.).

Bien que l'assemblée spirituelle ait reçu l'autorité de traiter des matières qui tombent sous sa juridiction et qu'elle ait le pouvoir de faire valoir ses décisions quand la situation l'exige, et en dépit du fait que ses membres ne sont pas responsables de leurs actes envers ceux qui les ont élus, nonobstant ceci, l'assemblée n'est pas une institution dont les membres agissent avec des pouvoirs dictatoriaux. Au contraire, chaque question abordée dans une réunion d'assemblée doit être traitée dans un esprit de consultation amicale, d'attention et de justice.


2.12. Responsabilités des membres

Le Gardien a décrit en ces termes l'attitude et la responsabilité des membres de l'assemblée spirituelle: Leur fonction n'est pas de dicter mais de se consulter, et de se consulter non seulement entre eux mais autant que possible avec les amis qu'ils représentent. Ils ne doivent se considérer que comme des instruments choisis pour représenter plus efficacement et plus dignement la cause de Dieu. Ils ne devraient jamais se laisser aller à penser qu'ils sont les ornements centraux du corps de la cause, intrinsèquement supérieurs aux autres en termes d'aptitude ou de mérite, et les seuls promoteurs de ses enseignements et de ses principes. Ils devraient aborder leur tâche avec extrême humilité et, par leur ouverture d'esprit, leur sens élevé de la justice et du devoir, leur sincérité, leur modestie, leur entier dévouement au bien-être et aux intérêts des amis, de la cause et de l'humanité, s'efforcer de gagner non seulement la confiance, le soutien réel et le respect de ceux qu'ils servent, mais aussi leur estime et leur réelle affection. Ils doivent, en tout temps, éviter l'esprit d'exclusivité, l'atmosphère de secret, se libérer d'une attitude dominatrice et bannir de leurs délibérations toute forme de préjugé et de passion. Ils devraient, dans les limites d'une sage discrétion, se confier aux amis, les tenir au courant de leurs plans, partager avec eux leurs problèmes et leurs inquiétudes, et rechercher leurs avis et leurs conseils. Et lorsqu'il leur est demandé d'arriver à une certaine décision, ils devraient, après une consultation cordiale, pleine de sollicitude et dépourvue de passion, se tourner en prière vers Dieu et enregistrer leur vote avec empressement, conviction et courage, et obéir à la voix de la majorité qui, nous dit le Maître, est la voix de la vérité et ne doit jamais être contestée mais toujours appliquée généreusement. Les amis doivent répondre de bon coeur à cette voix et la considérer comme le seul moyen de pouvoir assurer la protection et le progrès de la cause (Principles of Baha'i Administration, B.P.T., London, ed. 1963, pp. 43 - 44).

S'il est facile d'accepter une décision que l'on approuve et d'y obéir, il n'est pas toujours aisé de le faire lorsque l'on n'est pas d'accord et que l'on considère la décision comme mauvaise, particulièrement si elle a trait à un problème où l'on est personnellement impliqué. Il s'agit là d'une des épreuves à affronter par les croyants en cet âge et c'est en effet une bataille spirituelle à laquelle de nombreux individus doivent se livrer pour acquérir des qualités spirituelles, se rapprocher de Baha'u'llah et se détacher des choses terrestres.


2.13. Détachement

C'est souvent l'attachement à ce monde qui obscurcit la vision et rend l'individu orgueilleux, arrogant et centré sur lui-même. L'obéissance à Baha'u'llah, l'humilité et la soumission aux institutions finiront par conférer à l'âme des bénédictions inestimables.

L'attachement à ce monde est souvent compris, à tort, comme la possession de biens terrestres. Si un homme, explique Baha'u'llah à ses adeptes, désire se parer des ornements de la terre, revêtir ses parures ou prendre part aux bienfaits qu'elle peut procurer, aucun mal ne peut lui advenir s'il ne laisse rien s'interposer entre lui-même et Dieu, car Dieu a ordonné toutes les bonnes choses, qu'elles soient dans les cieux ou sur la terre, pour ceux de ses serviteurs qui croient sincèrement en lui (Avènement de la justice divine, Shoghi Effendi, M.E.B., éd. 1973, p. 47.).

Il est une histoire en persan qui jette quelque lumière sur la nature et la signification du détachement de ce monde. C'est l'histoire du roi et du derviche (Un homme qui renonce au monde pour chercher Dieu et qui subsiste grâce à la charité de ses semblables.). Un roi avait beaucoup de qualités spirituelles mais, dans son coeur, enviait le derviche qui semblait n'avoir aucun attachement à ce monde. Car le derviche n'avait pour tout bien qu'un panier pour transporter sa nourriture. Il passait son temps à parcourir la ville, chantant les louanges de son Seigneur et communiant mystiquement avec Lui. Il n'avait ni maison ni biens, et pourtant il s'estimait aussi riche que si le monde entier lui appartenait. Le roi, séduit par ce mode de vie, invita le derviche dans son palais à lui donner quelques leçons de détachement. Ce dernier se rendit au palais et y resta quelque temps. Finalement, le roi décida de renoncer à son trône et de mener la vie d'un derviche. S'affublant de vieux vêtements, il se déguisa en pauvre et quitta son palais en compagnie de son invité.

Ils avaient parcouru une certaine distance ensemble lorsque soudain le derviche s'aperçut qu'il avait laissé son panier au palais. Il expliqua au roi qu'il ne pouvait s'en aller sans son panier et qu'ils feraient mieux de retourner le chercher. Cet incident mit le derviche à l'épreuve et révéla son attachement à ce monde. Le roi avait abandonné son palais et ses trésors et marchait sur le sentier du détachement alors que le derviche, qui avait prêché cette vertu toute sa vie, s'était montré, à la fin, attaché à son petit panier.

L'attachement est une attitude de l'esprit et n'est pas nécessairement lié aux richesses. L'orgueil qu'un individu peut éprouver de son savoir et de ses connaissances, de ses réalisations dans cette vie, de sa position dans la communauté, de sa célébrité et de sa popularité, de son amour pour lui-même et pour ses biens, pourrait devenir un obstacle entre son âme et Dieu.


2.14. Unité

L'unité des membres constitue un autre principe qui joue un rôle important dans le bon fonctionnement de l'assemblée spirituelle. Il ne faudrait pas confondre unité et uniformité ou considérer l'unité comme le fait d'avoir le même point de vue et les mêmes idées en cours de consultation. Au contraire, comme l'a expliqué 'Abdu'l-Baha, la brillante étincelle de la vérité ne naît que du choc des opinions différentes. Il faut entendre par unité un lien spirituel qui unit les membres et qui tire sa force de cohésion de Baha'u'llah. Pour réaliser cette unité, la clé est d'aimer les autres membres avec l'amour de Dieu et non pour eux-mêmes, et de regarder leurs qualités et non leurs défauts. Se préférer aux autres membres et amoindrir leurs opinions, quel que soit leur manque de maturité ou leurs insuffisances, est contraire à l'esprit des enseignements de Baha'u'llah et témoigne d'un manque de maturité et d'égoïsme de la part de l'individu concerné.


2.15. Justice - Amour

Quand le coeur de l'homme est privé de foi et de croyance en Dieu, l'individu a tendance à être motivé par sa nature animale. C'est alors qu'au lieu de considérer ses semblables avec compassion, il les regarde avec l'oeil de la justice, leur trouve mille défauts et les juge. Par ailleurs, les institutions de l'ordre ancien, dont la fonction principale est supposée être le maintien de la loi, de l'ordre et de la paix à l'intérieur de la société, sont de plus en plus enclines à l'indulgence, au pardon et à la compassion au lieu de tendre vers la fermeté, la justice et l'équité.

La foi de Baha'u'llah, par l'influence dynamique qu'elle exerce sur les coeurs des hommes, vise à renverser ce schéma dans la société humaine. Elle enseigne que ce n'est pas à un individu de juger son semblable ou de le considérer d'un oeil critique. Elle affirme clairement que les relations d'un être avec un autre se fondent sur l'amour et la compassion, et que pardonner et ignorer les péchés des autres est une vertu louable, individuellement parlant. En revanche, elle proclame que la base sur laquelle sont établies les assemblées spirituelles les institutions qui, dans la plénitude des temps, évolueront en maisons de justice n'est pas le pardon mais la justice. Ce qui suit est un extrait d'une lettre du Gardien, rédigée par son secrétaire: Comme le Maître avant lui, il (le Gardien) est tellement anxieux de voir les croyants unis dans le service de la foi. Si l'amour véritable fondé sur l'amour de Dieu pouvait devenir manifeste entre les amis, la cause se répandrait très rapidement. L'amour est la valeur qui doit gouverner la conduite d'un croyant envers un autre. L'ordre administratif ne doit pas changer cela, malheureusement les amis confondent parfois les deux et essayent d'être l'un pour l'autre une assemblée spirituelle intégrale avec la discipline, la justice et l'impartialité que cet organisme doit montrer, au lieu de pardonner, d'aimer et de se montrer patients les uns envers les autres en tant qu'individus (Baha'i Journal, a Periodical, A.S.N. of the Baha'i of the British Isles, London, August 1963.).


2.16. Soutenir les décisions de l'assemblée

Un autre principe, qui protège les institutions de la foi d'un autre mal encore profondément enraciné dans la structure de la société d'aujourd'hui, est celui selon lequel 'Abdu'l-Baha a interdit aux croyants de s'opposer aux décisions de l'assemblée spirituelle ou de les condamner, que ce soit au cours de la réunion ou en dehors. Dans un monde affligé de nombreux troubles et de nombreuses inquiétudes, où femmes et hommes dans tous les domaines de la vie, individuellement et collectivement, élèvent la voix en protestation contre les actions des autorités, qu'elles soient religieuses ou politiques, et parfois ont recours à la violence pour imposer leur vue à ces autorités, les adeptes de Baha'u'llah ne sont pas influencés par les disputes vaines, les passions passagères, les controverses et les complications qui les environnent à l'intérieur de l'ordre ancien; car ils sont tellement remplis de l'esprit de la foi de Baha'u'llah qu'ils obéissent avec la plus grande sincérité à ce commandement de 'Abdu'l-Baha. Par conséquent, un vrai baha'i ne critiquera et ne condamnera pas les décisions de l'assemblée spirituelle, que ce soit en paroles ou par son attitude. Un membre de l'assemblée spirituelle qui n'accepte pas de tout son coeur une décision prise à la majorité par son assemblée enfreint vraiment un commandement spirituel de la cause de Dieu. Cependant, personne n'est privé du droit d'exposer son point de vue par les canaux adéquats et, s'il n'est pas satisfait, de faire appel d'une décision de l'assemblée. Chacun a toute latitude pour soulever quelque question que ce soit auprès de l'assemblée spirituelle, soit à titre personnel, soit en consultation avec la communauté lors de la Fête des dix-neuf jours. Il a le droit de faire appel d'une décision de l'assemblée locale auprès de l'Assemblée spirituelle nationale, ou d'une décision de l'Assemblée spirituelle nationale auprès de la Maison Universelle de Justice. Mais, en attendant, il continuera d'accepter la décision jusqu'à ce que le résultat de l'appel soit connu. Contester l'autorité de l'assemblée, à quelque moment ou pour quelque motif que ce soit, équivaut à enfreindre un autre principe spirituel fermement établi dans la cause de Dieu.


2.17. La faveur de servir dans l'assemblée

Servir au sein de l'assemblée spirituelle est une grande faveur que Baha'u'llah a accordée à ses aimés, cela confère à chaque membre non seulement le privilège unique de prendre part à la construction de la charpente de son ordre mondial, mais lui permet aussi d'améliorer son caractère et d'acquérir des qualités par les combats spirituels qu'il doit mener pour se rendre Maître de lui-même et de ses passions pendant la consultation baha'ie.


Référons-nous une fois de plus à l'analogie du canal formé de neuf briques. Sous l'action de l'eau qui y coule, les briques situées à l'intérieur du canal perdront au bout d'un certain temps leur rugosité et leurs aspérités. De même, les faiblesses et les manquements des uns et des autres feront surface au cours des réunions de l'assemblée et se heurteront aux forces tumultueuses de l'esprit de la cause qui y circule. Par cette action réciproque, ignorance, préjugés et autres défauts humains diminueront progressivement pour faire place à une plus grande mesure de maturité et de sagesse.


2.18. Equilibre entre forme et esprit

La qualité de membre de l'assemblée spirituelle confère aussi de grandes responsabilités. Une des responsabilités majeures qui repose sur les épaules des membres de l'assemblée consiste à s'assurer que la gestion des affaires soit menée conformément aux principes spirituels et administratifs énoncés par les figures centrales de la foi et non selon le schéma de théories faites par l'homme, empruntées au monde extérieur.

L'ordre administratif de Baha'u'llah se compose de deux éléments: la forme et l'esprit. La relation qui existe entre les deux est semblable à celle qui lie le corps à l'âme. Bien que l'âme en constitue la partie essentielle, cela ne veut pas dire qu'il faille négliger le corps. Il est important de préserver l'équilibre entre les deux. Un aspect essentiel de la forme de l'ordre administratif, qui est nécessaire pour que les assemblées spirituelles se développent à leur manière, est un système d'administration fondé sur l'ordre et l'efficacité. Mais les procédures et les systèmes administratifs devraient seulement être considérés comme les moyens d'arriver à une fin, et non comme le but ultime, qui est, lui, le flot de l'esprit de la cause au travers des institutions embryonnaires de l'ordre mondial de Baha'u'llah.

Il est donc de la responsabilité de chaque membre de l'assemblée de se garder d'essayer de parfaire le mécanisme administratif au risque d'en perdre l'esprit, et de faire de l'assemblée, après un certain temps, un organe rigide, efficace dans l'administration mais esclave des règles et des règlements, hautement organisé mais dépourvu de l'esprit d'amour et de coopération qui est le trait distinctif du nouvel ordre mondial.


2.19. Protection de la foi

A mesure que l'ordre administratif de Baha'u'llah se développe, certaines de ses caractéristiques uniques apparaissent progressivement et, le modèle du développement de ses institutions devient plus évident avec le passage du temps. Une de ces caractéristiques est la façon dont le fonctionnement sain des assemblées spirituelles, tant locales que nationales, doit être sauvegardé. Cette responsabilité n'incombe pas seulement aux membres des assemblées locales et nationales, mais aussi à une institution qui joue un rôle important dans l'ordre administratif et qui en constitue une partie vitale, à savoir l'institution des Mains de la cause de Dieu.

Cette institution ainsi que celle du corps des conseillers ces derniers assurant la continuité de deux des fonctions des Mains de la cause, la protection et la propagation de la foi ont été constituées par nominations et non par élection. Le pouvoir et l'autorité appartiennent seulement aux assemblées spirituelles locales et nationales, et la direction des affaires de la cause dans leur sphère respective leur est confiée. Les conseillers ne sont pas des administrateurs et leur fonction n'est donc pas d'administrer les affaires de la foi mais plutôt, par les conseils et les avis qu'ils prodiguent aux assemblées nationales, par la sollicitude pleine d'amour et l'assistance qu'eux-mêmes et leurs membres auxiliaires dispensent aux assemblées locales, en inspirant les croyants et en les encourageant à remplir leurs devoirs administratifs, ce corps joue un rôle majeur dans la protection de la foi et le fonctionnement sain des institutions de l'ordre mondial embryonnaire de Baha'u'llah.

En dernière analyse toutefois, la vigueur et la vitalité d'une assemblée dépendent de ses membres, car c'est par leur sincérité et leur dévotion envers la foi que tous les idéaux et tous les principes élevés énoncés par la Beauté bénie et le Centre de son alliance sont appliqués au travail de l'assemblée spirituelle. Une étude plus approfondie des écrits de Shoghi Effendi sur l'administration baha'ie permettra à chacun de s'apercevoir qu'en cette période de l'âge de la formation de la foi le but des membres de l'assemblée ne devrait pas être essentiellement celui de devenir des administrateurs efficaces ou des spécialistes capables de résoudre les problèmes complexes de la communauté, mais plutôt celui de créer, durant leurs réunions, une atmosphère spirituelle de façon que les confirmations de Baha'u'llah puissent les atteindre de toutes parts et que, par son assistance, ils puissent résoudre leurs problèmes.

Comme il a déjà été affirmé, c'est par la fermeté de la foi de chacun en Baha'u'llah et par la loyauté envers son alliance, par la suppression de l'ego, par la pureté d'intention ... l'humilité et la modestie parmi ses aimés ... et la servitude envers son seuil exalté, que l'on peut y arriver. Tel est le défi auquel doivent faire face en cet âge ceux qui ont la confiance du Miséricordieux.

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