LA FOI BAHA'IE
L'émergence d'une religion mondiale


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9. La communauté baha'ie

Depuis les temps les plus reculés, des communautés se sont créées autour de croyances religieuses. Les premières réactions aux enseignements de Bouddha, de Jésus-Christ et de Mohammed sont des exemples particulièrement spectaculaires de la manière dont des milliers de personnes furent amenées à former des communautés que leur foi unissait, chacune étant organisée autour des priorités et principes établis par le fondateur. Au fur et à mesure que ces communautés croissaient et s'avéraient capables de répondre aux besoins de leurs membres, elles finissaient par comprendre des millions d'adhérents et par, finalement, donner naissance à de nouveaux États et de nouvelles cultures.

Ce fut le rôle de la religion même, y compris au cours des étapes les plus primitives de la civilisation humaine. Dans son étude bien connue, The City in History, le philosophe et sociologue Lewis Mumford dit des premières formes de groupement humain :

" [Ils] s'occupent aussi du sacré, et non pas uniquement de la survie physique : ils se rattachent à une sorte de vie plus précieuse et plus significative, conscients du passé et du futur, percevant le mystère originel de la génération sexuelle et le mystère ultime de la mort et de l'au-delà. Avec l'élaboration de la cité, bien d'autres choses seront ajoutées : mais ces préoccupations centrales demeurent, la raison même de l'existence de la cité, inséparables des contingences économiques qui la rendent possible. Dans les premières réunions autour d'une tombe ou à propos d'un symbole peint, d'une grande pierre ou d'un bosquet sacré, se trouve le commencement d'une succession d'institutions civiques qui vont depuis le temple jusqu'à l'observation astronomique, depuis le théâtre jusqu'à l'université. "
[Nota: Lewis Mumford, The City in History, p. 9.]

Le processus d'élaboration d'une communauté est bien avancé dans la foi baha'ie. Au cours du premier siècle de son existence, la communauté baha'ie était principalement concentrée en Perse où, en tant que minorité proscrite et fortement persécutée, elle n'eut guère l'occasion d'expérimenter les enseignements de son fondateur. Cependant, une fois les plans d'enseignement mis en oeuvre par Shoghi Effendi et particulièrement lorsque ces plans se furent généralisés, la vie collective des croyants commença à témoigner de certaines potentialités à construire une société. Que la foi baha'ie devienne finalement une force inspiratrice et directrice d'une nouvelle progression vers une civilisation mondiale comme l'ont été les autres religions révélées, voilà une chose que seul le temps pourra démontrer. Le fait important à noter est que des activités de la foi, depuis sa naissance en 1844, une communauté baha'ie universelle qui se développe rapidement est née. Une appréhension de la foi baha'ie doit inclure une évaluation de cet important développement.

Comme nous l'avons déjà vu, l'héritage spirituel des membres de la communauté baha'ie est impressionnant. L'histoire de la communauté depuis 1844, avec ses martyrs, ses sacrifices, ses réalisations et son drame, peut véritablement être qualifiée d'héroïque. Le message baha'i est tout aussi puissant : les enseignements de Baha'u'llah portent sur un nombre important de préoccupations humaines et étudient un grand nombre de problèmes parmi les plus controversés de la pensée humaine moderne. Il y a également peu de personnes qui nieraient le fait que l'ordre administratif baha'i soit une réalisation remarquable, à la fois par la manière dont ses principes sont en harmonie avec les objectifs de la foi et par le succès avec lequel ses institutions ont été établies sous la forme précise prévue par son fondateur. Si l'on considère l'histoire, les enseignements et l'administration baha'ie comme un leg de Baha'u'llah à ses disciples, la nouvelle foi a débuté sa vie avec d'importants avantages.

Qu'ont fait les héritiers de Baha'u'llah de cet héritage ? Quelle sorte de communauté ont-ils été capables de créer jusqu'à présent comme résultat de leurs efforts, pour être les émules des héros de leur foi, pour comprendre le but et le message du fondateur, et pour organiser leur vie collective sur le modèle administratif établi par ce dernier, ainsi que par ses successeurs désignés ?

Il serait peut-être bon de commencer par un examen de la dimension physique de la communauté et du genre de développement survenu depuis ses débuts. Si des statistiques précises ne sont pas disponibles, il semble qu'il y a plus de 5 millions de baha'is dans le monde, dont la moitié vit dans la plus importante communauté nationale : l'Inde. Le chiffre total ne paraît pas très important si l'on considère la taille des autres mouvements religieux sensiblement contemporains de la foi baha'ie.

[Nota: On peut retrouver les détails de ce développement dans The Baha'i Faith, 1844-1952, ainsi que dans The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 7, 1936-1938; The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 8, 1938-1940; The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 9, 1940-1944; The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 10, 1944-1946; The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 11, 1946-1950; The Baha'i World : A Biennial International Record, vol. 12, 1950-1954; The Baha'i World : An International Record, vol. 13, 1954-1963; The Baha'i World : An International Record, vol. 14, 1963-1968; The Baha'i World : An International Record, vol. 15, 1968-1973; The Baha'i World : An International Record, vol. 16, 1973-1976; The Baha'i World : An International Record, vol. 17, 1976-1979; The Baha'i World : An International Record, vol. 18, 1979-1983; The Baha'i World : An International Record, vol. 19, 1983-1986; The Baha'i Faith, Statistical Information, 1844-1968; The Baha'i World : An International Record, 1992-1993; The Baha'i World : An International Record, 1993-1994; The Baha'i World : An International Record, 1994-1995.]

L'importance de cette croissance n'apparaît qu'après un examen de la nature du développement qui a eu lieu. Il a été très étendu. Il existe aujourd'hui près de 17 000 assemblées spirituelles locales élues qui fonctionnent dans plus de 200 États indépendants et territoires; et il existe près de 119 000 centres où résident des baha'is ou groupes de baha'is. D'après les estimations de la communauté internationale baha'ie, plus de deux mille minorités tribales et groupes ethniques différents seraient représentés, dont un grand nombre vit dans des régions reculées du monde : îles du Pacifique, colonies arctiques, villages de la jungle, hautes terres des Andes. Afin d'éduquer et d'organiser ces communautés hautement diversifiées qui leur étaient confiées, les plus de 170 assemblées spirituelles nationales établies jusqu'à présent ont traduit et publié de la littérature et des prières baha'ies dans plus de huit cents langues.

Qu'une communauté religieuse relativement petite et jeune soit déjà cosmopolite, bien répandue et très organisée dès les débuts de son histoire est un résultat extraordinaire. On pourrait dire la même chose du succès rencontré par les baha'is pour se faire reconnaître des autorités civiles. Loin de rejeter le monde et les institutions qui le gouvernent, la communauté baha'ie a délibérément recherché - et cela faisait partie intégrale de son développement - à établir d'étroites relations avec les autorités civiles. Grâce à des efforts soutenus au travers de toute une série de plans généraux de développement, les assemblées spirituelles baha'ies, à des niveaux aussi bien locaux que nationaux, ont été légalement incorporées dans la plupart des pays où la foi a été établie. La cérémonie du mariage baha'i a été formellement reconnue par un grand nombre de juridictions civiles et, dans différents endroits du monde, les jours saints baha'is commencent à obtenir un statut similaire à celui accordé aux autres principales religions, aussi bien dans le monde des affaires et à l'école que dans l'administration gouvernementale.

Aux Nations unies, la communauté internationale baha'ie a régulièrement développé le statut qui lui a été accordé auprès du Conseil Économique et Social (ECOSOC). Ses représentants participent à un très grand nombre de conférences internationales organisées par différents bureaux et organismes de la famille des Nations unies, aidant ainsi à poser les fondations d'un accord international et acquérant pour la communauté baha'ie l'occasion de partager les idéaux universels de la foi.

[Nota: Au cours du Plan de sept ans (1979-1986) par exemple, la communauté baha'ie internationale a participé à plus de 200 conférences, séminaires, et congrès des Nations unies de par le monde.]

Dans la mesure où les circonstances le permettent, les baha'is attachent beaucoup d'importance à s'assurer de ce que le grand public, dans toutes les régions du monde, soit conscient de l'existence de la foi et de la nature de ses enseignements. Des maisons d'éditions dans différents pays impriment et distribuent une littérature baha'ie très diversifiée, allant des compilations des Écrits de Baha'u'llah aux commentaires d'érudits, ouvrages destinés au grand public, bulletins et magazines. D'autres formes de médias sont aussi utilisées de manière intensive : films, programmes de télévision et émissions de radio, articles de journaux et publicité, brochures, affiches et manuels, cours par correspondance, expositions, conférences, écoles d'hiver et d'été. Au printemps 1996, grâce à l'ouverture offerte par l'électronique, à un nouveau monde de possibilités pour la communication d'informations et d'idées, la communauté internationale baha'ie a lancé son site officiel sur le Web, The Baha'i World.

[Nota: The Baha'i World http://www.bahai.org Le but de toutes ces activités est de s'assurer qu'avec le temps toute personne sur terre rencontrera le message de Baha'u'llah.]

L'une des institutions baha'ies qui a joué un rôle particulièrement important dans ce programme d'éducation du public est la maison d'adoration. Il y a actuellement des maisons d'adoration baha'ies sur chaque continent, et un nombre important de sites ont été acquis de par le monde pour la future construction de ces édifices qui devront jouer un rôle central dans la vie communautaire baha'ie. Autour de chacun d'eux seront construits, avec le temps, d'autres bâtiments tels que des écoles ou collèges, des foyers, des maisons de retraite ou des centres administratifs. À l'heure actuelle, ces maisons d'adoration ne sont pas uniquement utilisées pour les besoins de la communauté baha'ie. Ce sont plutôt des lieux ouverts aux adeptes de toutes religions (et à ceux qui ne professent aucune foi en particulier), où ils peuvent se rencontrer pour adorer un seul Dieu. Les offices ne sont pas confessionnels et se composent de lectures et de prières des Écrits saints de toutes les religions du monde, sans sermon ou autre tentative de couler ces enseignements dans le moule d'une interprétation spécifiquement baha'ie. Les Écrits choisis sont souvent mis en musique et chantés par un choeur de niveau professionnel. Le seul impératif architectural d'une maison d'adoration est de posséder neuf côtés et un dôme, symbolisant l'acceptation par les baha'is de toutes les traditions religieuses et représentatives du fait que, bien que les participants puissent entrer par différentes portes, ils s'unissent pour reconnaître un seul Créateur.

À bien des égards, les maisons d'adoration sont représentatives des relations des baha'is avec le reste de la société. Les temples sont des structures ouvertes, emplies de lumière. Ils sont destinés à exprimer l'engagement baha'i envers l'unité dans la diversité et à démontrer la praticabilité de ce principe. Dans le cas du temple-mère de l'Occident situé à Wilmette dans l'Illinois, l'architecte a intégré différentes traditions architecturales importantes ainsi que les symboles de plusieurs grandes religions révélées. Selon ses propres paroles :

" Lorsque les croyances des hommes prennent leurs racines dans toutes les religions, nous ne rencontrons que l'harmonie. Aujourd'hui cependant, la religion s'enfonce tellement dans les superstitions et les théories humaines qu'elle doit être définie d'une nouvelle manière afin de redevenir pure et sans tache. Il en est de même en architecture... Maintenant, avec ce nouveau concept du temple, est intégré de manière symbolique l'important enseignement baha'i de l'unité - l'unité de toutes les religions et de toute l'humanité. Nous y trouvons les associations de lignes mathématiques symbolisant celles de l'univers; et dans leur fusion complexe de cercles se chevauchant, de cercles à l'intérieur d'autres cercles, il est possible de décrire la fusion de toutes les religions en une seule. "

[Nota: Cité dans Louis Bourgeois, Un Homme et son oeuvre.]

Dans l'architecture des maisons d'adoration on peut également constater l'optimisme de la communauté baha'ie. Les baha'is pensent avec confiance que la plupart des hommes accepteront finalement les enseignements de Baha'u'llah. Ils croient qu'avec l'amplification des crises actuelles, hommes et femmes seront poussés à rechercher plus sérieusement la vérité; et si le message de Baha'u'llah est correctement présenté, les chercheurs seront de plus en plus nombreux à répondre à ses préceptes. Par leur liberté de conception, l'intégration de différentes traditions architecturales et leurs offices dépourvus de sermons et de rites, les maisons d'adoration baha'ies expriment avec force cet esprit d'optimisme.

L'optimisme de la communauté baha'ie semble à ce jour pleinement justifié. La foi baha'ie est actuellement l'un des systèmes religieux du monde qui se développe le plus rapidement. En avril 1979, la Maison Universelle de Justice annonçait que le dernier d'une série de plans internationaux d'enseignement, le Plan de cinq ans lancé en 1974, avait été accompli avec succès. Une grande partie de ses buts ont été dépassés, en particulier en ce qui concerne le nombre d'assemblées spirituelles à former et le nombre de localités à ouvrir. L'accroissement du nombre de croyants pendant cette période de cinq ans a été estimé à quarante pour cent.

Alors que c'étaient l'Afrique et l'Amérique latine qui avaient connu la croissance la plus rapide pendant la période précédente de neuf ans, le relais était désormais pris par les communautés baha'ies d'Asie et des îles du Pacifique. Encouragée par ces résultats, la Maison Universelle de Justice annonça le lancement immédiat d'un nouveau Plan de sept ans devant prendre fin au printemps 1986.

[Nota: Le détail des réalisations du Plan de cinq ans est donné dans The Five Year Plan, 1974-1979 : Statistical Report. Trois plans successifs, couvrant les périodes de 1979 à 1986, 1986 à 1992 et 1993 à 1996, ont également réussi à atteindre leurs objectifs.. Lorsque les délégués baha'is du monde entier se réunirent à Haïfa pour leur Convention internationale de 1983, ce dernier projet avait lui aussi dépassé ses objectifs.]

L'étendue de la communauté baha'ie et la nature de l'expansion qui l'a caractérisée ont été brièvement examinées. Un examen de la vie interne de la communauté est plus difficile. L'approche la plus directe qui puisse être faite est d'essayer de la considérer par l'intermédiaire de l'expérience de ses membres. Comment devient-on baha'i ? Quelles caractéristiques se dégagent plus particulièrement de l'expérience d'une personne qui se joint à la cause baha'ie à cette époque-ci de son histoire ?

De toute évidence la réponse variera d'un individu à un autre. De plus, il existe vraisemblablement des différences significatives d'accentuation et de priorité dans les différentes régions du monde, ce qui entraîne des différences relatives quant aux expériences vécues par les membres. Néanmoins, l'histoire de la foi baha'ie, ses enseignements et le développement de son ordre administratif représentent un contexte global qui est essentiellement le même à travers le monde, ce qui doit susciter inévitablement une certaine similarité dans les réponses de la part de ceux qui l'acceptent, quelles que soient leurs origines ethniques.

En ce qui concerne les conditions requises pour devenir membre, la Maison Universelle de Justice a écrit :

" Le premier motif devrait toujours être la réponse de l'homme au message de Dieu et la reconnaissance de son messager. Ceux qui se déclarent baha'is devraient tomber sous le charme de la beauté des enseignements et être émus par l'amour de Baha'u'llah. Ceux qui désirent se déclarer n'ont pas besoin de connaître toutes les preuves, l'histoire, les lois et principes de la foi, mais ils doivent, avant de se déclarer et après avoir capté l'étincelle de la foi, être fondamentalement informés des figures centrales de la foi, ainsi que de l'existence de lois à suivre et de l'administration à laquelle il leur faudra obéir. "

[Nota: La Maison Universelle de Justice :
 Ouvrir le livre Messages de la Maison Universelle de Justice , 1963-1986, 18.4.]

Pour ceux qui sont nés et élevés dans une famille baha'ie, le processus de déclaration est direct. Alors que les enseignements baha'is condamnent le dogmatisme en matière d'éducation, les enfants baha'is sont élevés en tant que membres de la communauté. Ils participent à la plupart des événements du calendrier baha'i, étudient l'histoire baha'ie et les enseignements de Baha'u'llah ainsi que les autres grandes religions du monde, et ils sont encouragés à vivre selon les critères de la vie baha'ie pour leur âge.

[Nota: Voir l'Éducation baha'ie : une compilation extraite des Écrits de Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi.
 Ouvrir le livre Sommaire des compilations baha'ies ]

L'accent mis par les enseignements baha'is sur des questions sociales contemporaines contribue sans aucun doute à encourager la jeunesse baha'ie à poursuivre sa quête spirituelle et intellectuelle à l'intérieur de la foi. Ils sont néanmoins libres de rejeter une telle appartenance s'ils le désirent. En atteignant l'âge nubile, qui est fixé à quinze ans dans la communauté baha'ie, les jeunes assument la responsabilité de leur propre développement spirituel. Vers cet âge, les jeunes précisent si oui ou non ils se considèrent comme baha'is et continueront à participer à la vie communautaire baha'ie.

Dans le cas de ceux qui entrent dans la foi à l'âge adulte, la décision est généralement prise après avoir fréquenté les croyants de manière informelle. Le vaste champ d'activités d'information poursuivi par la communauté pousse des milliers de chercheurs intéressés à contacter des membres de la foi. Par l'intermédiaire de petites réunions d'étude en groupes ou de présentations plus formelles, on présente aux chercheurs les enseignements et les objectifs de la foi baha'ie de manière plus ou moins détaillée, selon leur intérêt. Arrive un moment où ils demandent eux-mêmes spontanément comment l'on devient membre de la communauté baha'ie; il se peut aussi que les baha'is leur demandent d'envisager cette possibilité. S'ils désirent faire partie de la communauté, leur demande est retransmise à l'assemblée spirituelle locale la plus proche; si cette institution est convaincue que les demandeurs comprennent les implications d'une telle participation et sont prêts à assumer la responsabilité de vivre selon les enseignements de Baha'u'llah, elle les accepte. Il n'y a ni rituel, ni voeu, mais cet événement peut donner lieu à une petite fête.

Une fois devenu membre de la communauté baha'ie, le nouveau croyant est entraîné dans deux processus simultanés : son propre développement spirituel et la lutte d'une très jeune communauté pour comprendre et exprimer les idéaux exposés dans les enseignements de son fondateur. La prière, la méditation, le jeûne à une période très précise de l'année, l'abstinence de drogues et de boissons alcoolisées et cette lutte pour éviter critique et médisance constituent les principaux éléments d'un schéma explicite de discipline individuelle. De même, la communauté baha'ie est engagée dans un programme à long terme de croissance et d'expansion, qui requiert des efforts concertés et une attention particulière en ce qui concerne les priorités et les buts. La poussée de la croyance et des pratiques dans la foi baha'ie accentue la relation réciproque qui existe entre le croyant et la communauté baha'ie.

Ces deux défis sont liés en raison de l'accent mis par la foi baha'ie sur le service. Baha'u'llah nous a enseigné que l'expression la plus élevée de la nature humaine était le service. La croissance intérieure, devenant le véritable côté de notre nature, se fait au fur et à mesure que nous servons l'idéal de l'unification de l'humanité. Le but de toute discipline individuelle est de libérer l'âme de ses préoccupations d'avec elle-même, d'approfondir le sentiment d'identification avec toute l'humanité et de concentrer l'énergie à découvrir des moyens de servir les besoins des autres. Les activités de la communauté baha'ie fournissent à l'individu toutes sortes d'occasions de rendre de tels services. En l'absence d'un clergé, les affaires de la communauté sont organisées de manière à encourager un maximum de participation de la part de tous les membres.

La participation est particulièrement encouragée en ce qui concerne les efforts entrepris pour promouvoir l'expansion de la foi. Baha'u'llah a dit que le plus grand service que chaque individu puisse rendre en ce jour est d'enseigner la cause de Dieu.

[Nota: Voir la compilation intitulée : " The Individual and Teaching, Raising the Divine Call ", extraits des Écrits de Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi.
 Ouvrir le livre Sommaire des compilations baha'ies]

Chaque baha'i est encouragé à partager la tâche d'apporter le message de Baha'u'llah à tous ceux qui, selon les baha'is, sont susceptibles d'être réceptifs à ce dernier. Nous ne disposons que de peu de temps, a averti 'Abdu'l-Baha . Les crises qui oppressent la société actuelle s'accentueront et apporteront de plus en plus de souffrances et finalement la destruction des institutions existantes. Un autre mode de vie doit être développé à l'intérieur des communautés baha'ies et ceci ne peut être fait qu'en accroissant considérablement, dans tous les pays, le nombre de ceux qui ont répondu à l'appel de Baha'u'llah et se sont engagés à mettre en pratique ses enseignements.

[Nota: Voir
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, p. 183.]

Il n'est d'ailleurs pas surprenant que la plupart des membres nouvellement enrôlés soient désireux de répondre à cet appel, de toutes les manières possibles. Ils ont trouvé quelque chose qui les a profondément rassurés et leur a donné un but, et ils veulent le partager avec les autres. En dépit cependant de cet accent important mis sur l'enseignement, le prosélytisme est explicitement interdit.

[Nota: " Si vous sentez que vous possédez quelque vérité, un joyau dont les autres soient privés, faites-leur en part dans un langage empreint de bonté et bonne grâce. S'ils l'acceptent, votre but est atteint. Si quelqu'un le refuse, laissez-le à lui-même, en priant toutefois Dieu de le guider. Gardez-vous de toute rudesse à son égard. "
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, p. 190.]

Les baha'is sont donc mis au défi de trouver les moyens de partager leurs croyances sans nuire à la vie privée des autres ni enfreindre les coutumes de la société dans laquelle ils vivent. Ce qui a eu pour résultat de générer toutes sortes d'expérimentations variant selon les différentes régions du monde et selon les individus.

Il est difficile de généraliser en ce qui concerne la nature des activités baha'ies d'enseignement. Dans la plupart des pays occidentaux, les baha'is enseignent en tant qu'individus ou familles dans leurs rapports quotidiens avec les autres : conversations entre voisins, amis, collègues de travail; connaissances qui s'établissent au travers d'intérêts partagés pour des projets d'intérêt public; études ou activités récréatives et rencontres lors d'événements baha'is ouverts au public. Dans de nombreuses autres parties du monde, la religion est le centre d'un intérêt général beaucoup plus grand, et des communautés entières peuvent être engagées à débattre des nouveaux enseignements spirituels. Des déclarations en masse ont eu lieu en Afrique centrale, en Amérique du Sud et dans le Sud-Est asiatique par l'intermédiaire d'équipes de baha'is qui allient des représentations musicales et théâtrales avec des causeries et cours sur la foi. En ce qui concerne certains événements sociaux, l'initiative peut venir des auditeurs éventuels. Les baha'is d'Amérique du Nord se sont trouvés invités à parler devant des assemblées de Noirs américains dans des églises des États du sud, ou bien à partager le message baha'i au cours de rassemblements d'Indiens Peaux-Rouges d'Amérique dans les prairies du Canada. Des universitaires baha'is d'Amérique du Nord, d'Inde, des nations naissantes du Pacifique ou des Caraïbes peuvent se trouver invités à parler dans des collèges et universités au sujet des enseignements de leur foi.

Toutefois, la méthode la plus communément utilisée pour répandre les enseignements de Baha'u'llah est le coin de feu. Ce terme est né parmi les premiers baha'is de Montréal au Canada, bien que l'activité ait déjà été pratiquée dans un certain nombre de centres.

[Nota: Les auteurs doivent ce renseignement à Mme Ruhiyyih Rabbani, veuve de feu le Gardien de la foi baha'ie, dont la mère fut à l'origine de ces coins de feu à Montréal. L'usage répandu de ce terme est sans aucun doute dû au fait que le Gardien l'ait utilisé dans sa correspondance.]

Il désigne des petits groupes d'étude qui se réunissent à intervalles réguliers dans des maisons particulières et auxquels sont invités à se joindre amis et connaissances. Cette activité tout à fait officieuse a été une source prolifique de nouveaux membres. Elle permet au chercheur d'explorer les concepts, les lois et les enseignements baha'is à leur propre rythme, libéré de la préoccupation engendrée parfois par des réunions publiques, à savoir celle d'exposer ouvertement sa propre recherche spirituelle. Cette disposition permet aussi de renforcer des liens qui se poursuivront après qu'un nouveau membre a rejoint la communauté baha'ie, permettant ainsi à l'enseignant baha'i de l'aider dans son intégration au sein de la communauté.

Une forme particulière d'enseignement est ce que les baha'is appellent devenir pionnier. De même qu'il n'y a aucun clergé, il n'existe aucun missionnaire professionnel pour apporter les enseignements baha'is aux nouvelles localités. La foi baha'ie se développe plutôt par les initiatives prises par des milliers de ses membres qui, individuellement ou en famille, quittent leur maison pour s'installer dans de nouveaux lieux. Les pionniers sont censés subvenir eux-mêmes à leurs besoins par l'exercice de leur profession et utiliser leur temps libre pour s'occuper de la foi. On change de travail, on vend sa maison, on en acquiert une nouvelle, on apprend une seconde langue, renouvelant ainsi bien des aspects de la vie quotidienne dans le seul but d'introduire la foi baha'ie dans quelque nouvelle ville, district ou territoire.

Devenir pionnier peut aussi signifier s'établir dans un pays totalement différent où la foi n'est pas encore fermement implantée. Pour chaque plan d'enseignement, la Maison Universelle de Justice fait paraître une liste de pays qui ont besoin de l'aide de confrères d'autres pays et en spécifie le nombre requis. Dans de nombreux plans, des buts spécifiques sont assignés à différentes communautés nationales baha'ies; il n'est pas rare que trois ou quatre pays différents soient appelés à envoyer des pionniers dans un même pays ou région. Par exemple un pays cible comme la Finlande ou Haïti peut recevoir des pionniers d'Iran, de France, du Japon ou des États-Unis. En dehors des ressources que représentent ces nouvelles arrivées, l'expérience qu'a la communauté hôte du principe baha'i de l'unité dans la diversité se trouve profondément enrichie (de même que l'est, sans aucun doute, l'expérience des pionniers venant de l'étranger).

En ceci, comme dans toutes ses activités, la communauté baha'ie dépend directement de l'initiative et de la responsabilité prises individuellement par des croyants. Aucune agence ne contrôle dans quelle mesure tel ou tel croyant s'acquitte de ses obligations à enseigner la foi. Si une assemblée spirituelle peut intervenir lorsque les activités d'enseignement d'un individu paraissent inopportunes pour une raison ou une autre, c'est le croyant qui, selon sa propre conscience, décide de la réponse à donner à l'appel de l'enseignement. Ceci est également vrai de l'activité de pionnier, qui est considérée comme un grand privilège. Chaque mois, on fait connaître à chaque communauté locale baha'ie les besoins en pionniers ou enseignants lors des fêtes de Dix-Neuf jours, ainsi que lors de conférences ou au travers des différentes publications de la communauté. L'initiative doit venir du coeur du croyant et de la consultation de la famille baha'ie. L'individu ou la famille qui décide de partir comme pionnier s'adresse alors aux instances administratives de la foi pour une consultation au sujet de projets ou de buts spécifiques.

La participation volontaire est aussi la clef du financement de nombreux programmes de la foi baha'ie. Au début de l'année baha'ie, chaque assemblée spirituelle locale ou nationale décide du budget requis pour mener à bien les projets de cette année particulière, qu'il soit lié à des buts d'enseignement, à l'achat de terrains ou à des projets de développement, à des dépenses administratives ou à des services communautaires. Ces besoins sont alors annoncés à la communauté baha'ie de la même manière que sont annoncés les besoins en enseignants ou pionniers. La collecte de fonds professionnelle souvent associée aux organismes religieux ou de charité n'est pas autorisée dans la communauté baha'ie. Seuls des appels d'ordre général peuvent être faits; la sollicitation individuelle est interdite. Toute contribution est volontaire, et Shoghi Effendi a fortement condamné tout ce qui peut ressembler à une manipulation psychologique.

[Nota: Voir Le Fonds baha'i et les Contributions au Fonds, p. 13, Compilation Maison d'Éditions Baha'ies.
 Ouvrir le livre Sommaire des compilations baha'ies]

De plus, les contributions sont confidentielles et se passent entre l'individu ou la famille et le trésorier de l'institution à qui la contribution est faite.

Les baha'is considèrent la contribution au fonds baha'i comme un privilège spirituel réservé à ceux qui ont reconnu Baha'u'llah. Par conséquent aucune contribution pour le développement de la foi baha'ie, sous quelque forme que ce soit, ne peut être acceptée de la part de personnes qui ne sont pas baha'ies. Il n'est pas rare que des non-baha'is, qui approuvent tel ou tel programme, fassent pression sur des assemblées pour leur faire des dons. Dans de tels cas, les donateurs sont encouragés à en faire profiter une oeuvre de bienfaisance publique. Dans le cas de dons anonymes, l'administration baha'ie remet elle-même les contributions à une oeuvre de bienfaisance. Ce n'est que pour des projets qui servent les besoins sociaux, économiques ou éducatifs de la société en général que les baha'is acceptent et utilisent des fonds provenant de sources non baha'ies. Cette politique accroît le sentiment d'identification des membres et leur responsabilité personnelle face aux travaux entrepris par la communauté.

[Nota: La conception baha'ie du financement de la foi est résumée par le passage suivant dans une lettre de Shoghi Effendi à l'Assemblée Spirituelle Nationale des Baha'is des États-Unis en 1942 : " Nous devons ressembler à la fontaine ou à la source qui, se vidant sans cesse de son contenu, est sans arrêt remplie sous l'action d'un invisible jaillissement. Donner continuellement pour le bien de nos semblables, ignorant la crainte de la pauvreté et confiants en l'infaillible générosité de la Source de toute richesse et de tout bien : tel est le secret d'une vie droite. " Cité dans Le Fonds baha'i et les Contributions au Fonds, p. 17.
 Ouvrir le livre Sommaire des compilations baha'ies]

La gestion des affaires de la communauté baha'ie offre aussi la possibilité à un individu de répondre à l'idéal baha'i de service. Le fait que la foi baha'ie soit la religion du laïque s'impose aux nouveaux membres peu après leur entrée dans la foi. Ils réalisent qu'ils ont rejoint une communauté, et non une assemblée de fidèles. Les membres de la communauté non seulement accomplissent les tâches les plus humbles dans le domaine du service, mais sont aussi pleinement responsables des décisions à prendre, de la planification et de leur rôle de représentant formel de la communauté.

Les nouveaux membres de la communauté réalisent rapidement que la foi qu'ils viennent d'adopter est dans sa phase de formation. D'une part le champ d'expérimentation est très vaste à l'intérieur des grandes lignes que définissent les Écrits baha'is et les directives continues de la Maison Universelle de Justice; d'autre part cette expérimentation répond à un besoin véritable, afin d'assurer l'accomplissement des buts ambitieux de cette communauté qui se développe rapidement. Si le nouveau croyant a des talents spécifiques, ceux-ci peuvent être rapidement utilisés. On peut lui demander d'enseigner à des classes d'enfants, de concevoir des publicités pour des journaux, de faire partie d'une délégation auprès du maire de la ville ou d'une commission gouvernementale, de prendre en charge une fête des Dix-Neuf jours, de participer à la planification d'une conférence régionale, à une représentation musicale ou théâtrale, de faire fonctionner un projecteur, de construire un stand d'exposition, de taper du courrier, d'aider à la comptabilité, de monter une petite bibliothèque ou de prendre part à l'une ou l'autre des activités de la communauté. Lorsque l'on pose la question : Pourquoi ne faites-vous pas ceci ou cela ? La réponse est en général : Parce que, jusqu'à présent, il n'y a personne qui ait le temps ou les qualifications requises pour l'entreprendre.

L'une des principales caractéristiques de la communauté baha'ie est son active vie sociale. Il a été fait référence au chapitre 8 à la fête des Dix-Neuf jours, qui est à la base de la vie communautaire sociale baha'ie au niveau local, et à l'importance que les Écrits baha'is attachent à tous les aspects de cette réunion. Les conventions régionales et nationales fournissent elles aussi l'occasion de se consulter sur la bonne marche de la communauté et développent en même temps le caractère social des croyants de la région ou du pays.

De plus, la communauté organise régulièrement des conférences en tout genre. Chaque plan d'enseignement général comprend la coordination d'un certain nombre de conférences internationales dans les principaux centres. La participation à ces événements est importante, les baha'is peuvent venir de différents pays du monde pour passer trois à cinq jours à se réjouir des récents développements en matière d'enseignement, à étudier les tendances et les besoins courants, à prendre connaissance des derniers ouvrages parus, des ressources en matière d'audiovisuel ou de tout autre support pour le développement de la communauté. Les Mains de la cause (voir chapitre 8) participent souvent en tant que conférenciers à ces événements, de même que d'éminents érudits baha'is de différents horizons. Ces conférences donnent aussi l'occasion aux baha'is d'expérimenter directement la palette des cultures représentées dans la communauté baha'ie internationale, par l'intermédiaire de représentations théâtrales, musicales ou autres.

[Nota: Au cours du Plan de sept ans, des conférences internationales ont eu lieu à Montréal, Canada; Quito, Équateur; Lagos, Nigéria; Canberra, Australie; Dublin, Irlande.]

Ce schéma est aussi suivi, dans la mesure où les ressources le permettent, à des niveaux nationaux et régionaux. Ce qui a pour résultat de faire bénéficier les baha'is de l'occasion peu courante de se connaître. De plus, les nombreux déplacements engendrés par ces événements fournissent davantage l'occasion aux baha'is de se familiariser avec les coutumes et structures sociales des autres sociétés. Ils permettent aussi à certains, sans aucun doute, d'enseigner la foi de manière officieuse, et rend la possibilité d'un éventuel projet d'installation de pionniers à la fois plus attrayante et moins intimidante pour l'individu ou la famille qui l'envisage.

Aucune institution baha'ie ne contribue plus intensément à l'enrichissement spirituel et social des croyants que le pèlerinage. Les enseignements baha'is encouragent chaque croyant à essayer au moins une fois dans sa vie d'entreprendre un pèlerinage de neuf jours au centre mondial de la foi baha'ie à Haïfa en Israël. Un nombre de plus en plus grand de croyants répond à cette injonction; tellement en fait, que ces dernières années il y a eu un délai d'attente.

Le pèlerinage est considéré comme l'un des temps forts de la vie d'un baha'i. Il ou elle arrive à Haïfa pour faire partie d'un groupe d'environ quatre-vingts croyants venus de tous les coins du monde. Pendant neuf jours ce groupe visite les Lieux saints d'Haïfa, de Saint-Jean-d'Acre et des environs. Seuls ou par petits groupes, ils passent un certain temps dans les tombeaux de Baha'u'llah, du Bab et de 'Abdu'l-Baha . Ils peuvent visiter les maisons où vécut le fondateur de leur foi pendant son exil et son emprisonnement en Terre sainte et consacrer une partie d'une journée à faire le tour du magnifique bâtiment des Archives, où l'on peut consulter les Écrits baha'is originaux et voir des articles consacrés à la mémoire des figures centrales de la foi et de ses premiers héros et martyrs. On peut aussi y voir des portraits du Bab et de Baha'u'llah qui ne sont pas visibles autrement.

[Nota: Shoghi Effendi a découragé l'exposition de portraits du Bab ou de Baha'u'llah à l'exception de ceux que l'on peut observer brièvement au cours de pèlerinages, de façon à éviter qu'ils ne deviennent des objets de vénération.]

Les liens étroits et encore relativement officieux qui unissent la communauté baha'ie dans cette première étape de sa croissance sont resserrés par une réception donnée par la Maison Universelle de Justice à chaque groupe de pèlerins et par l'occasion ainsi offerte à chaque croyant de rencontrer de manière tout à fait informelle les membres de cette institution suprême de leur foi.

Pour les pèlerins, l'expérience est généralement intense. Les baha'is estiment qu'à bien des égards le pèlerinage représente l'approche la plus étroite que l'on puisse avoir du monde de Dieu. Un écrivain baha'i particulièrement respecté, ex-archidiacre anglican, George Townsend l'a exprimé en ces termes : " Dieu est passé près de nous dans les révélations du Bab et de Baha'u'llah. À Haïfa et à Saint-Jean-d'Acre, le croyant est en contact avec les traces les plus intimes de ce passage divin, et cette expérience pousse son esprit et son coeur à se concentrer plus intensément sur les vérités fondamentales de la révélation baha'ie. "

Le pèlerinage permet aussi aux individus d'enrichir davantage leur compréhension sociale de l'ensemble de cette communauté dont ils sont les membres. Passer neuf jours en étroite association avec des gens de différentes cultures est une chance que n'ont qu'un nombre relativement restreint d'individus dans la société contemporaine. Le fait de pouvoir le faire dans un environnement qui rappelle une histoire où se sont mêlés tragédie, sacrifice et exploits permet d'expérimenter intensément cette famille universelle que la révélation de Baha'u'llah a fait naître. De plus, le pèlerinage fournit souvent aux baha'is l'occasion d'entreprendre des projets d'enseignement dans d'autres régions du monde, de rendre visite à des amis qui sont partis comme pionniers à l'étranger et d'envisager la possibilité d'entreprendre eux-mêmes un tel projet.

Au-delà de cette formation morale et spirituelle, Baha'u'llah a fortement mis l'accent sur l'éducation dans les arts et les sciences. Les baha'is sont encouragés non seulement à assurer la meilleure éducation possible à leurs enfants, mais aussi à profiter eux-mêmes, pour leur propre développement, des occasions offertes par la société en matière d'éducation.

" La connaissance est semblable à des ailes pour la vie de l'homme, à une échelle pour son ascension. Son acquisition incombe à chacun. Toutefois, les sciences à acquérir sont celles qui peuvent profiter aux peuples de la terre, et non celles qui commencent par des mots et se terminent par des mots. Grande, en vérité, est l'emprise des savants et des artisans sur les peuples du monde. "

[Nota: Baha'u'llah, Epistle to the Son of the Wolf, pp. 26-27.]

Dès le début de son existence, la communauté baha'ie de Perse prit cette injonction très au sérieux. En conséquence de quoi, après trois ou quatre générations, la communauté a atteint un point où ses membres représentent un pourcentage important de la classe instruite de l'Iran d'aujourd'hui, bien qu'ils ne soient qu'environ trois cent cinquante mille dans ce pays.

[Nota: Ce fait a eu des conséquences inattendues et malheureuses au cours des soulèvements politiques en Iran. Représentant une partie si importante de la classe instruite, de nombreuses familles baha'ies avaient bâti des carrières réussies dans l'administration, les professions libérales, les affaires et l'industrie. Cette position importante elle-même attira cependant l'hostilité des éléments révolutionnaires. Cruellement et ironiquement, les baha'is se retrouvèrent accusés d'avoir profité de l'ancien régime en dépit de la discrimination systématique pratiquée contre eux à l'époque des deux chahs Pahlavi et en dépit de leur abstention totale de toute politique partisane.]

Dans un pays où le taux d'alphabétisation n'atteignait pas quarante pour cent, la communauté baha'ie jouissait d'un taux d'alphabétisation de plus de quatre-vingts pour cent.

L'exemple iranien est suivi par les baha'is partout dans le monde dans la mesure où les conditions locales le permettent. L'une des tâches spécifiques assignées aux assemblées spirituelles nationales et locales dans les derniers plans internationaux d'enseignement, a été de prendre les dispositions nécessaires pour conseiller la jeunesse baha'ie et l'aider à planifier ses études de manière à rendre un maximum de services non seulement à leur foi, mais aussi à l'humanité.

[Nota: Les baha'is iraniens ont montré l'exemple aux autres communautés qui avaient de lourdes responsabilités en matière de pionniers, en encourageant la jeunesse à poursuivre des études qui leur permettraient de trouver facilement du travail dans les pays en voie de développement : médecins, infirmiers, ingénieurs, enseignants techniques, ingénieurs agricoles, etc.]

De nombreuses écoles d'été et d'hiver baha'ies proposent des programmes de ce type. Elles mettent aussi à profit tout le temps que peuvent leur consacrer des conférenciers qualifiés pour organiser des cours faisant le lien entre la connaissance contemporaine dans différentes disciplines et les enseignements des Écrits baha'is. L'exemple d'érudits mûrs ayant intégré avec succès science et foi dans leur propre vie intellectuelle encourage sans aucun doute les jeunes croyants à suivre leur exemple.

[Nota: En 1974, un groupe d'étudiants baha'is et d'universitaires forma l'Association des Études Baha'ies. Elle a, depuis, établi le Centre des Études Baha'ies à Ottawa, Canada, avec des filières nationales dans le monde entier. Le principal but de cette association est de développer des cours et des matériaux destinés à l'étude de la foi baha'ie dans des institutions universitaires.]

Là où l'éducation publique est soit inadéquate, soit inexistante, les communautés locales baha'ies ont leur propre programme éducatif, en particulier dans le primaire. En Inde, l'Assemblée spirituelle nationale s'occupe de plusieurs écoles baha'ies qui fonctionnent à temps complet et proposent des cours pour le primaire, le secondaire, et le technique. De nombreuses autres communautés nationales baha'ies proposent parmi leurs principales activités des cours par corres-pondance pour adultes ainsi que pour enfants et jeunes gens. Lors du dernier plan international, trente-sept assemblées spirituelles nationales ont rapporté avoir institué des programmes similaires. L'esthétique est l'un des aspects de l'éducation qui a reçu une attention toute particulière depuis le commencement de l'histoire baha'ie. Baha'u'llah a qualifié l'art de forme d'adoration de Dieu; et la beauté des tombeaux, temples et jardins baha'is est l'une des impressions dominantes qu'emportent avec eux les observateurs qui ont abordé la foi. Shoghi Effendi a souligné que des siècles s'écouleraient avant qu'apparaisse ce que l'on pourra appeler l'art baha'i. Ce n'est que lorsqu'une religion s'est pleinement épanouie pour aboutir à une nouvelle civilisation que naissent de nouvelles formes d'art qui peuvent lui être spécifiquement identifiées. Dans le même temps, il ne fait aucun doute que l'oeuvre d'artistes baha'is contemporains a été affectée par l'appel à l'unité, à l'harmonie, à l'ouverture et à l'optimisme lancé par Baha'u'llah. L'artiste baha'i américain, Mark Tobey - l'un des peintres les plus renommés du vingtième siècle - a dit ceci de cette influence sur son oeuvre :

" Cette cause universelle de Baha'u'llah, qui fait fructifier le développement de l'homme, le défie aussi et le pousse à considérer la lumière de ce jour comme l'unité de toute vie; [elle] lui fait remettre en cause une grande partie de son héritage automatique, conditionné par le milieu; [elle] cherche à créer en lui une vision absolument nécessaire à son existence. Les enseignements de Baha'u'llah sont eux-mêmes la lumière qui nous permet de voir comment nous déplacer sur le chemin de l'évolution. "

[Nota: Cité par Arthur Dahl dans The Fragrance of Spirituality : An Appreciation of the Art of Mark Tobey; dans The Baha'i World, vol. 16, 1973-1976, p. 638-645. Tobey attira à la foi un autre artiste au renom international, le potier britannique Bernard Leach.]

En ce qui concerne le rapport de l'art avec la future civilisation mondiale, Tobey a ajouté :

" Nous parlons bien sûr aujourd'hui de styles internationaux, mais je pense que plus tard nous parlerons de styles universels ... le futur du monde doit être cette réalisation de son unité qui est l'enseignement de base tel que je le comprends dans la foi baha'ie; et de cette unité se développera naturellement un nouvel esprit dans l'art, parce que c'est de cela qu'il s'agit. C'est tout un état d'esprit, ce ne sont pas seulement de nouvelles paroles ou de nouvelles idées. "

[Nota: Ibid., p. 644.]

Les musiciens baha'is ont été influencés de la même manière. En fait, 'Abdu'l-Baha a longuement encouragé les communautés baha'ies à faire bon usage de ces personnes qui possédaient des talents musicaux :

" L'art de la musique est divin et efficace. C'est la nourriture de l'âme et de l'esprit. Par le pouvoir et le charme de la musique, l'esprit de l'homme est exalté. Elle a une action et un effet merveilleux sur le coeur des enfants, car leur coeur est pur et les mélodies ont une grande influence sur eux. Les talents latents que recèle le coeur de ces enfants pourront s'exprimer par l'intermédiaire de la musique. Vous devez donc vous efforcer de leur permettre de maîtriser cet art; apprenez-leur à chanter avec excellence et effets. Il appartient à chaque enfant de connaître quelque peu la musique... "

[Nota: 'Abdu'l-Baha , cité dans Baha'i Writings on Music, p. 6.]

Telles sont donc quelques-unes des caractéristiques de la vie de la communauté baha'ie qui a hérité de l'histoire, des institutions administratives et des enseignements que lui a légués Baha'u'llah. Cette communauté est, de fait, établie dans chaque pays et territoire sur terre; elle représente une coupe transversale de l'humanité, et elle reste dévouée à la mission que lui a confiée 'Abdu'l-Baha : la conquête spirituelle de la planète. Le processus de ce développement engage ses membres dans différentes formes de participation, d'interaction sociale et de développement personnel. Cette interaction et la croissance spirituelle qui s'ensuit font naître un sentiment de famille universelle et donnent une nouvelle identité à la communauté, différente de celle des autres traditions religieuses.

Les baha'is considèrent cette communauté non seulement comme un tout collectif, mais comme un tout organique. Les écrits de 'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi sont émaillés d'analogies avec la biologie : efflorescence, évolution, germe, graine, développement organique, noyau, influence génératrice, assimilation. Les baha'is sont encouragés à se considérer eux-mêmes, individuellement, comme faisant partie d'un organisme vivant en développement, dont le mode de vie serait : les lois, les institutions et les enseignements créés par Baha'u'llah. La Maison Universelle de Justice a souligné que le développement du potentiel d'un individu et son sentiment d'identification avec les enseignements baha'is dépendaient de sa capacité à participer pleinement à la vie de la communauté :

Dans le corps humain chaque cellule, chaque organe, chaque nerf ont leur rôle à jouer. Lorsque tous le jouent, le corps est sain, vigoureux, rayonnant, prêt à répondre à tout appel qui lui est lancé. Aucune cellule, aussi humble soit-elle, ne vit séparée du corps, que ce soit en le servant ou en étant servie. Ceci est vrai du corps de l'humanité dans lequel Dieu " a doté chaque humble créature de capacités et de talents ", cela est encore plus vrai du corps de la communauté baha'ie mondiale, car ce corps est déjà un organisme uni dans ses aspirations, unifié dans ses méthodes, recherchant aide et confirmation d'une même source, et illuminé par la connaissance consciente de son unité... La communauté baha'ie mondiale, se développant comme un nouveau corps sain, développe de nouvelles cellules, de nouveaux organes, de nouvelles fonctions et de nouveaux pouvoirs, tout en se hâtant vers sa maturité; alors chaque âme, vivant pour la cause de Dieu, recevra de cette cause santé et confiance, ainsi que les abondantes bénédictions de Baha'u'llah répandues par l'intermédiaire de son ordre divin.

[Nota: La Maison Universelle de Justice :
 Ouvrir le livre Messages de la Maison Universelle de Justice , 19.4.]

Durant les années 1986 et 1996, la foi baha'ie bénéficia d'une attention accrue de la part du public et des gouvernements. Des politiciens de haut rang, y compris des chefs d'État, demandèrent l'avis de baha'is concernant des problèmes sociaux et économiques qu'ils rencontraient dans leurs pays, mais également sur des questions plus générales ayant trait à la paix mondiale. La communauté internationale baha'ie fut représentée à plus de cent sessions consultatives et conférences internationales des Nations unies, et soumit plus de cent déclarations et rapports à différents organes de cette même institution. Assumant de plus en plus de responsabilités au sein de la communauté N. U / O. N. G. de New-York, Genève et Vienne, les représentants baha'is furent membres de comités d'O. N. G. s'occupant des droits de l'homme, de la famille, des femmes, du développement économique, de la jeunesse, de l'information au grand public et des enfants.

Alors que la foi baha'ie émergeait de l'obscurité, des bureaux spéciaux de la communauté internationale baha'ie furent créés, afin de traiter les différents aspects du travail relatif aux affaires internationales. Le Bureau aux Nations unies continua à assumer la responsabilité des relations avec les Nations unies. Un bureau d'information publique fut établi en 1985, avec son siège à Haïfa, en Israël. En 1992, deux bureaux particuliers ont été ajoutés : le Bureau de l'Environnement (créé en 1989), et le Bureau pour la Promotion des Femmes (créé en 1992). Siégeant à New-York, ces bureaux se sont vu attribuer la responsabilité d'établir des rapports avec des organisations internationales, y compris les Nations unies, et avec la communauté baha'ie, concernant les résultats d'un développement durable qui comprendrait respectivement l'éducation et la santé, et les femmes.


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