La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 3. Les premières années du gardiennat

Il est temps de se demander quel était l'homme qui écrivit de telles choses sur lui-même? Quelle impression produisait-il? Comment apparaissait-il aux autres?

La description suivante est tirée du journal d'un croyant américain appelé en mars 1922 a Haïfa: "... Shoghi Effendi apparut et me salua très gentiment et affectueusement. Je ne l'avais pas vu depuis huit ans et naturellement j'étais surpris par le changement et le développement qui s'étaient opérés en lui. Le garçon que j'avais connu était maintenant un homme, jeune en âge mais pondéré, d'un esprit profond et réfléchi..." Shoghi Effendi lui donna a lire une copie dactylographiée du Testament du Maître. Il rapporte ainsi ses propres réactions aux dispositions du Testament: "je n'ai jamais rien lu qui m'ait donné autant de joie et d'inspiration que ce document sacré. Il... me donna une direction fixe vers laquelle me tourner et un centre autour duquel nous devons tous graviter tant que nous sommes sur cette terre... Un roi des rois dirigeant le monde, protégeant de la même manière les rois, les aristocrates et les peuples," Il poursuit ses impressions sur Shoghi Effendi: "Alors que j'étais assis a table et regardais Shoghi Effendi, je fus frappé par sa ressemblance avec le Maître, par la forme et le maintien de la tête, par ses épaules, par sa manière de marcher et par son comportement en général. Je sentis alors le poids terrible et la responsabilité placée sur ce jeune adolescent. Il me semblait atterrant que lui, dont la vie commençait tout juste, pour parler du point de vue humain, il dut porter cette responsabilité, un poids qui le consumerait et en ferait un être a part, éliminant de sa vie la liberté et la joie qui, bien que non éternelles, ont un certain retentissement en chacun de nous."

En 1929, un pèlerin indien écrivait au sujet de Shoghi Effendi:

"Nous devons comprendre Shoghi Effendi pour pouvoir l'aider, en accomplissant la grande tâche qu'il nous a confiée. Il est si calme et pourtant si vibrant, si statique et pourtant si dynamique."
C'est un petit résumé d'un des aspects du Gardien. L'impression qu'il fit sur la première baha'ie appelée a Haïfa après la fin de la seconde guerre mondiale, en 1947, révèle d'autres aspects de sa nature:
"Ma première impression fut son sourire chaleureux et aimable et sa poignée de main me mettant instantanément a l'aise... Au cours de ces audiences, j'eus de plus en plus conscience de ses grandes qualités, sa noblesse, sa dignité, sa chaleur et son enthousiasme, son pouvoir de passer très vite d'un humour pétillant a l'outrage profond, mais toujours et toujours mettant la foi baha'ie avant toute chose...
Par sa manière pratique et logique, Shoghi Effendi me fit sentir que j'étais a la fois une invitée bien accueillie et une aide nécessaire; il décrivit quelques unes de mes obligations qui commençaient le lendemain. Son conseil, donné a cette première visite, fut d'exécuter tous les travaux de sa part. Il me dit qu'il voulait que je suive ses instructions a la lettre; si je ne réussissais pas ou si des difficultés surgissaient, de le mettre au courant d'une manière précise et qu'il me donnerait un nouveau plan d'action...
Pour les baha'is travaillant au Centre International, tout au moins pendant cette période, il n'y avait pas un jour de repos particulier. C'est alors que chacun comprenait que chaque instant appartenait a la foi..." "Elle parle ensuite de ces soirées où Shoghi Effendi nous entretenait, au dîner, de ses plans, des câbles et messages qu'il avait envoyés et occasionnellement des documents précieux en sa possession: "...
Etincelant d'excitation et de plans nouveaux, il sortait de ses poches des messages et des lettres, souvent repoussant le plat intact, il demandait un crayon et du papier et nous réjouissait de ses nouvelles idées et espérances a réaliser par les baha'is... Le Bien-Aimé Gardien n'aimait pas du tout qu'on le photographie, par conséquent toutes les photos existantes ne reflètent pas sa véritable 'image'.
En premier lieu, l'émotion passait si rapidement dans ses traits qu'il aurait fallu prendre toute une série de photos pour saisir ses innombrables expressions. C'était un régal de le voir et de l'entendre rire... Il semblait scintiller comme une étoile, lorsqu'un plan avait réussi. Son sens de l'humour était une joie! Il était comme une haute montagne, forte, toujours la, mais jamais conquise, possédant des sommets et des gouffres inattendus ... ; il était extrêmement minutieux et nous apprit, a nous tous, un sens nouveau de la perfection et de l'attention dans les détails...

Il surveillait de près les dépenses de tous les fonds ... Il se préoccupait avec enthousiasme des statistiques baha'ies ... Nous ne pourrions jamais apprécier sa compréhension de toutes les activités depuis la base jusqu'au sommet de l'échelle, le centre mondial..."

Le mari de cette amie, qui eut également le privilège de servir au Centre mondial explique, dans une lettre écrite en 1948 a un baha'i américain, son impression intime sur le Gardien en tant qu'homme: "Du peu que j'ai vu, je voudrais dire qu'il n'y a pas beaucoup d'Orientaux pour soutenir l'allure que Shoghi Effendi impose. On ne peut que s'émerveiller a la vue de son raisonnement et de sa force. Cependant, bien qu'il soit tout feu tout flamme, il est l'homme le plus aimable, le plus compréhensif, le plus compatissant et le plus prévenant que j'ai jamais connu. Il n'a pas son pareil. Il n'y a personne qui lui ressemble. Comme je voudrais que d'autres baha'is puissent le connaître comme Gladys et moi avons eu le privilège de le connaître. En écrivant cela je ne parle pas de sa position de Gardien, ce serait tout a fait au-dessus de ma force. Comme tous les baha'is devraient travailler pour cette grande figure! Sa charge est grande."

En 1956, un pèlerin notait très judicieusement et finement: "Son visage est beau, d'une expression pure et impressionnante, et en même temps tendre et majestueuse... J'ai vu de grands yeux bleus gris... Son nez est une combinaison entre celui qui apparaît sur les photos quand il était un petit garçon (il ressemble encore beaucoup a ces photos) et le nez plissé du Maître. Il paraissait avoir quarante huit ans au lieu de soixante. Il avait de petites moustaches grises sur des lèvres minces et serrées. Sa bouche est ferme et d'une ligne pure, ses dents blanches et belles. Son sourire est une grâce... Il est très simple et direct. Il ne demande pas toutes ces déférences, mais le fait d'être en sa présence vous donne le sentiment d'être absolument faible et petit. Le Gardien est toujours courtois et ne perd jamais patience avec des questions prématurées. Toutefois, il n'hésite pas a dire quelles sont les questions importantes, celles qui ne le sont pas et celles auxquelles la Maison Universelle de justice répondra..." Elle raconte que Shoghi Effendi présidait a table "si simplement et cependant si royalement comme seul un grand roi sait être simple!... J'ai senti qu'il était une très puissante locomotive tirant derrière elle une longue, très longue file de wagons chargés, non pas de poids morts, mais quelque fois de vrais morts!

Ce poids, ce sont les croyants qui doivent être poussés, tirés, cajolés ou loués a tout moment pour qu'ils agissent. Le Bien-Aimé Gardien prévoit de loin les besoins, le manque de temps, les obstacles et les problèmes. Il nous tire effectivement tout le temps par sa direction et sa puissante lumière. De même que la locomotive, il peut aller droit devant, vite ou lentement, mais il ne PEUT dévier de sa course, il DOIT suivre la voie qu'est sa direction divine... Il donne l'impression d'être un instrument très parfait, très impersonnel mais hyper sensible a la moindre réflexion et atmosphère.

On ne peut influer sur ses idées. Il n'est influencé ni par l'amitié, ni par la préférence, ni par l'argent, ni par les sentiments, blessants ou non. Il est absolument au-dessus de tout cela... Le Gardien a expliqué clairement que maintenant le temps n'est plus de s'arrêter sur les aspects ésotériques des enseignements, au contraire, nous devons être ACTIFS et positifs et accomplir la Croisade de Dix Ans... Il parle, explique et puis soudain termine, plie soigneusement sa serviette et se lève... Impossible de décrire et de communiquer la luminosité du Gardien. S'il vous sourit ou vous observe de ce regard doux et pénétrant, c'est un frisson de plaisir et d'émotion... Il parle toujours de la Cause et s'arrête sur le thème de l'achèvement de la Croisade de Dix Ans. Lorsqu'il y a de bonnes nouvelles, il est joyeux, lorsqu'elles sont mauvaises, il est profondément déprimé... tout en aimant les appréciations sur la beauté des jardins, des Mausolées et sur leurs arrangements, le Gardien semble fuir les louanges personnelles ou les remerciements... Nous cherchions toujours et essayions désespérément de fixer en nos mémoires sa figure radieuse, de ne pas perdre le moindre trait de son expression, toujours impressionnante mais variée, soudaine et surprenante... Hélas, la radiante nature de Shoghi Effendi était trop souvent cachée sous un nuage de tristesse a cause du manque de sagesse des amis, de leur désobéissance flagrante ou de leur manque de considération envers ses instructions. On se demande franchement qui n'a pas failli envers lui d'une manière ou d'une autre!"

J'ai cité ces passages parce qu'ils décrivent me semble-t-il, le Gardien tel que je l'ai connu. Ne me souvenant pas Abdu'l-Baha moi-même, je ne saurais parler de leur ressemblance, mais beaucoup de baha'is anciens affirmaient qu'ils avaient remarqué nettement cette ressemblance. Je citerai quelques passages de mon propre journal concernant le Gardien de la Cause de Dieu.

"Par tempérament Shoghi Effendi est un homme d'action, un bâtisseur, un organisateur et a horreur des abstractions! ... En observant Shoghi Effendi, personne ne peut douter qu'il ne fût parfaitement équipé pour cette phase de la Cause et je crois qu'il a été créé pour faire justement ce qu'il fait. Il est la personne la plus extraordinairement unidirectionnelle que j'ai jamais connue. Entier, il aime ou n'aime pas intensément. Il ressemble a un objet qui se déplace a une très grande vitesse dans une direction, ce qui lui donne une énergie cinétique infinie. Sa ténacité est irrésistible; il ne dissipe pas ses forces. Il veut une seule chose a la fois mais il la veut passionnément, immédiatement, complètement et a la perfection. L'édifice du Temple, ou la rampe d'un escalier, ici, dans le jardin, il s'en empare comme un ouragan et ne l'abandonne que lorsqu'il est fait. Il va de l'avant. C'est extraordinaire. Il aime le gazon vert, les sentiers rouges et blancs, les géraniums rouges, les cyprès et naturellement autres choses, mais ce que je veux dire c'est qu'il n'aime pas n'importe quelle fleur et n'importe quel arbre, non, mais seulement telle chose a tel endroit. Cela est vrai pour la nourriture, pour les vêtements, pour les couleurs: peu de choses en fait mais il les aime passionnément, il ne veut rien d'autre. Il ne s'en fatigue jamais! C'est cette insistance presque bornée sur un ou deux thèmes qui lui permit de construire en vingt ans une telle fondation a la Cause. Un homme de goûts et de tempérament plus catholiques n'aurait jamais pu le faire!"

Le Gardien est plus sensible qu'un sismographe. Quelque chose en lui, plus profond que l'intelligence ou toute information extérieure qu'il puisse avoir, enregistre l'état de l'individu, enregistre des choses que peut-être l'individu ignore encore. Je crois que nous devrions le considérer comme notre indicateur et s'il trouve quelque imperfection dans une de nos attitudes subtiles nous devrions chercher en nous-mêmes pour la découvrir." Nous pouvons très bien nous demander, aujourd'hui encore et toujours, si cela ne doit pas être notre guide et si nous lisions attentivement ses écrits, nous n'y trouverions pas des indications sur nos imperfections individuelles, nationales ou raciales pour en être avertis et nous y conformer. "Shoghi Effendi, ai-je écrit sonne juste comme le vrai diapason des enseignements..."; 911 est le Gardien et la nature de ses relations avec Dieu est évidemment un mystère. Il peut comprendre tout mystère; il peut interpréter n'importe quel passage mystique de la foi, il peut écrire des choses d'une nature profondément mystique il est motivé pour le faire."

Baha'u'llah était prophète. Il a fait et dit tout ce qui était nécessaire pour le monde d'aujourd'hui. Le Maître était la personnification de ses pouvoirs et enseignements. Il a introduit un ingrédient dans le monde de service au vrai sens du terme, un ingrédient de bonté, et une vie religieuse dans sa forme la plus élevée qui est impérissable. Puis quelque chose d'autre a été nécessaire, c'est la que... beaucoup de gens, y compris les membres de la famille du Maître et quelques baha'is ont échoué dans leur perception des choses. Ils voulaient un second 'Abdu'l-Baha une série répétitive patriarcale sous forme de Gardiens. Mais il semble que Dieu avait une autre idée. L'impression la plus forte que j'ai toujours eue au sujet de Shoghi Effendi est celle d'un objet se déplaçant uni directionnellement avec une force et une vitesse terrifiantes.

Si Baha'u'llah brillait comme le soleil, le Maître irradiait sa lumière harmonieusement comme la lune : Shoghi Effendi est un phénomène entièrement différent. Aussi différent qu'un objet se précipitant sur son but l'est d'une chose stationnaire et irradiante. Si l'on préfère une comparaison chimique, je dirai que Baha'u'llah a réuni tout ce qui nous était nécessaire. Le Maître a fait la préparation ou le mélange, Dieu a, alors ajouté un élément une sorte de précipitant universel, nécessaire pour clarifier le tout, et qui continue d'agir jusqu'à son aboutissement naturel, cet élément c'est le Gardien... Il est fait exactement pour répondre aux besoins de la Cause et par conséquent de la planète elle-même, en ce jour."

Bien que Shoghi Effendi, dans son essence, doive rester a jamais, pour tout être de ce monde, un mystère, jusqu'au jour où une nouvelle manifestation de Dieu, être supérieur, choisirait de nous l'expliquer a nous qui sommes si inférieurs, néanmoins, nous savons beaucoup sur lui et nous avons le droit de préserver sa mémoire tendrement, sinon de manière adéquate.

Les premières années de son ministère, en dépit de sa tristesse et de son chagrin, son exubérance, cette marque enfantine de celui qui, après tout on l'a dit, n'était qu'un tout jeune homme, ne pouvait disparaître complètement. Il était naturellement impatient, un trait de caractère qu'il ne perdit jamais. Mais a cette époque, cette impatience transparaissait nettement dans ses lettres ses télégrammes et dans ses contacts personnels avec autrui.

La photo était son seul violon d'Ingres. Pendant ces premières années il prenait des photos très artistiques des paysages de la Suisse et d'ailleurs. Nous trouvons la copie d'une lettre écrite en français' en 1924, a un photographe d'une petite ville Suisse disant: "J'attends impatiemment les photographies que je vous ai envoyées... J'espère que vous les avez reçues. Elles me sont très chères. Rassurez-moi instantanément par une carte postale, a leur sujet, s'il vous plaît. J'espère qu'elles sont toutes réussies. Vous remerciant par avance, je suis votre dévoué." Bien que la lettre soit signée par un "Shoghi" fleuri, elle est néanmoins de l'écriture de quelqu'un d'autre!

Dans le domaine floral, son désir de voir les choses rapidement expédiées n'est pas moins manifeste. Il voulait avoir du gazon en face du Mausolée du Bab et a quelques autres endroits des propriétés baha'ies. En mai 1923, il télégraphia a un baha'i de Paris: "Où en est notre projet de gazon?" Dix jours plus tard, ne recevant pas de réponse, il câblait: "lettre pas encore répondue. Et les graines gazon?" Elles arrivèrent enfin, mais le résultat semble avoir été peu satisfaisant: car il apparaît que Shoghi Effendi, a son retour a Haïfa, inaugura une campagne régulière en ce sens malgré les affirmations sectaires du vieux jardinier d'Abdu'l-Baha pour qui le gazon ne pousserait pas en Palestine! Le 29 septembre, Shoghi Effendi écrivait a un cousin en Egypte: "Nos graines de gazon sont apparemment peu satisfaisantes. Pouvez vous m'envoyer trente kilos des meilleures graines disponibles en Egypte et convenant aux particularités de notre climat."

Une semaine plus tard, ayant apparemment reçu une réponse qu'il n'a pas comprise, il télégraphiait. "Surpris Prière expliquer par lettre." Les explications paraissent avoir été aussi peu satisfaisantes cette fois encore Shoghi Effendi cessa de traiter avec la parenté et les amis et s'adressa directement, le 18 décembre, a quatre pépiniéristes et marchands de graines, un Français et trois Anglais. Il commandait des graines de gazon, des graines de fleur, des bulbes et des boutures, précisant qu'il "attendait impatiemment" leur réponse! Cet été la, ou peut-être le précédent, il avait fait envoyer quelques arbustes a Haïfa; car, il télégraphiait en décembre aux Dreyfus Barney de Paris "Carmel vous attend tous deux avec roses d'Orléans."

Nous supposons que Shoghi Effendi établit des relations amicales avec certains de ses fournisseurs, en effet, dans une lettre en français ' datée de janvier 1925 il dit:

"je vous envoie ci-joint la somme de - en vous priant d'avoir l'amabilité de m'envoyer immédiatement des graines de la fausse ivraie pour gazon. Je suis très satisfait des résultats du gazon que vous m'avez envoyé auparavant et j'espère recevoir les graines aussitôt que possible. Vous remerciant par avance pour ces envois, je vous assure, cher Monsieur, de mes sentiments les plus affectueux. Shoghi Rabbani." J'en déduis que c'était les premiers gazons a pousser en Palestine sur une grande échelle. Shoghi Effendi écrivit également a une firme anglaise d'horticulture, près de Norwich: "... Je suis un amateur de fleurs et de jardins. Je vous envoie, ci-joint, une autre Livre Sterling, pour toute plante pittoresque que vous jugerez convenir a mon dessein."

Je doute que Shoghi Effendi ait planté quoi que ce soit de sa vie ou même qu'il en ait eu l'envie. Il ne s'intéressait pas au jardinage mais aux jardins. Il ne manqua jamais une occasion de visiter un beau jardin. Je ne sais pas le nombre de jardins que, pendant vingt ans nous visitâmes ensemble. Il me semblait que partout où il y en avait un, nous y allions et souvent nous y retournions, année après année, comme on va voir un vieil ami. Pendant les dix premières années de son ministère, ou presque, Shoghi Effendi fit tout son possible pour reproduire dans ses propres jardins les effets des plantes qu'il admirait ailleurs. Une année il commanda des milliers de bulbes en Hollande, une autre, des centaines de rosiers en France. On lui envoya même des fougères des Antipodes. Mais la capacité de ses jardiniers, combinée dans certains cas, a une inadaptation climatique (comme pour la fougère, le narcisse des bois, la hyacinthe, le crocus etc ..) firent échouer tous ses efforts. Il n'importa plus, finalement, que des graines de gazon.

'Abdu'l-Baha, a une époque où l'eau était un problème majeur, avait créé, près des Tombeaux Sacrés, a Bahji et sur le Mont Carmel, des jardins faits principalement de citronniers et de fleurs. Shoghi Effendi les modifia, les agrandit et leur donna des formes. En 1923, lors de mon premier pèlerinage, ma mère remarqua le tracé déjà défini des petits jardins adjacents au Mausolée du Bab et dit que c'était un symbole de l'Ordre Administratif que Shoghi Effendi édifiait dans le monde. Je suis sûre que cette idée n'a pas effleuré Shoghi Effendi. Mais ordre et forme étaient innés en lui, il ne pouvait travailler autrement.

(Photo)

Le professeur Alayne LocL de l'Université de Howard a Washington qui fut un des pèlerins baha'is a visiter Haïfa pendant les premières années du Gardiennat, décrit ainsi les impressions qu'il ressentait lorsqu'il se promenait avec Shoghi Effendi dans les jardins du Mausolée du Bab: "Shoghi Effendi est un maître, pour le détail comme pour le principe, dans l'exécution comme dans la vision projective. Quand je parlais avec lui des plans d'embellissement et d'arrangement des terrasses et jardins, les détails perdaient leur insignifiante banalité naturelle. Ils étaient importants, car ils devaient tous contribuer a dramatiser l'émotion en ce lieu et a vivifier l'âme même par les sens."

Shoghi Effendi agrandit continuellement ces jardins et leur renommée s'accrut de plus en plus. Vers la fin de sa vie, 90.000 personnes par an visitaient ces jardins et le Mausolée du Bab. Ce qu'une visiteuse lui écrivit, en 1935, exprime en des termes les plus simples, l'impression de ces visiteurs "profondément impressionnée par la beauté discrète des Mausolées et par la gaieté des jardins."

Il avait l'habitude d'agrandir la superficie cultivée autour des Mausolées du Bab et d'Abdu'l-Baha, chaque année. Son désir de suivre toujours scrupuleusement les volontés du Maître lui donna, sans doute, la première impulsion dans cette voie. Il savait qu'Abdu'l-Baha avait projeté une série de terrasses allant de l'ancienne colonie allemande jusqu'au sépulcre du Bab. En fait, le Maître avait déjà commencé l'agrandissement de la première terrasse! Shoghi Effendi s'imposa d'achever ce projet. C'est sans doute au cours de l'étude de ce plan qu'il conçut l'idée de ses jardins autour du Mausolée. En effet, il s'agit bien des jardins et non d'un jardin. Il faut connaître sa méthode, pour comprendre et apprécier l'extraordinaire impression de beauté que Shoghi Effendi créa sur le Mont Carmel et a Bahji.

Quand il était a Haïfa, il montait presque chaque jour vers le Mausolée, et souvent, il visitait alternativement la Tombe du Bab et celle d'Abdu'l-Baha. Les jours Saints, il les visitait successivement. C'est en observant ce qui était devant lui que son esprit créateur lui suggérait des développements et des améliorations. Il savait qu'Abdu'l-Baha avait conçu le Mausolée avec neuf pièces; il entreprit donc de construire les trois derrières pièces au Sud de la Tombe.

Il transforma les deux portes en bois ordinaire des murs Est et Ouest du tombeau intérieur du Bab, en deux arches élancées, faisant une trouée vers le Saint des Saints, ce qui embellit grandement l'intérieur. Au cours des ans, il changea et augmenta les ornements intérieurs du Mausolée, tout en gardant toujours cette impression de simplicité et d'intimité qui accroît le charme de ce Lieu Sacré. Tout en apportant ces améliorations (dont le point culminant fut l'érection de la grande superstructure du Mausolée), Shoghi Effendi étudia les alentours arides de la montagne et commença a développer année après année, morceau après morceau, des sections indépendantes. Il faut savoir que, a l'exception des terrasses, il n'eut jamais un plan d'ensemble. C'est ce qui donne aux jardins du Mont Carmel leur caractère unique. Alors qu'il se promenait, une idée jaillissait en Shoghi Effendi concernant un morceau de jardin convenant a la topographie du terrain. Sans bruit, sans conseil, sans autre aide que celle des fermiers malhabiles faisant office de jardiniers, il réalisait son plan. Si nécessaire, il faisait arpenter le terrain et dessiner les courbes et les lignes, mais le plus souvent, il faisait tout lui-même.

J'ai appris, par la description vivante qu'il me faisait, quand il rentrait, de ce qu'il avait trouvé et projeté de faire, que sa méthode consistait a regarder le terrain, lors de ses promenades. Un modèle s'imposait ainsi a son esprit. Il l'étudiait alors non seulement sur le terrain en observant le domaine, mais aussi sur des dessins qu'il faisait lui-même. Bien qu'il vînt, en un éclair, d'innombrables idées a Shoghi Effendi, et bien que parfois il vît en un clin d'oeil le plan d'ensemble du jardin qu'il projetait, néanmoins il travaillait minutieusement sur un dessin les détails et les dimensions. Il ne dessinait pas a l'échelle, car cela lui aurait pris trop de temps, mais il calculait et indiquait sur ses graphiques les dimensions et les distances.
Prenons, par exemple, un sentier principal de 25 mètres de long et de 2 mètres de large, de chaque côté, il allouait 25 cm. aux bordures, une bande de 1,20 m. pour les cyprès distants les uns des autres 1,5 m. et ainsi de suite. Ayant tout projeté, il allait sur place et, debout, il donnait ses instructions aux jardiniers qui les exécutaient avec des moyens rudimentaires: une corde nouée a des piquets pour les lignes droites, un piquet et une corde servant de compas pour les cercles, utilisant l'empan (l'espace entre le pouce et l'auriculaire lorsque la main est complètement ouverte) pour mesurer la distance entre les arbres, déversant de la terre colorée pour matérialiser les lignes et d'autres moyens aussi simples.

Sachant exactement ce qu'il voulait faire, Shoghi Effendi demandait, habituellement, aux autres jardiniers de suivre ceux qui dessinaient: ainsi le plan était dessiné sur le terrain, les trous pour les cyprès creusés, les arbres plantés, le lit de fleurs réalisé et les bordures plantées; et le tout pendant que Shoghi Effendi avançait au devant d'eux procédant aux mesures! Il y a un proverbe arabe disant que celui qui porte la bague du Roi Salomon, lorsqu'il la tourne, tout change en un clin d'oeil. Certains travailleurs arabes avaient l'habitude de dire que Shoghi Effendi avait trouvé la bague du Roi Salomon.

Il est difficile de comprendre pourquoi certaines personnes font les choses si lentement, quand Shoghi Effendi les faisait si rapidement. Répondre simplement qu'il "était guidé par Dieu" ne me semble pas une explication suffisante. Je crois que les grands hommes voient les choses en grand et les petites gens trébuchent sur de petits détails. Shoghi Effendi étant vraiment grand, sachant parfaitement ce qu'il voulait faire, ne voyait pas pourquoi des détails mesquins, tels que donner des instructions a des subordonnés et les laisser oeuvrer, devaient l'empêcher de faire en sorte que tout soit réalisé sous ses yeux, en une seule opération. Il organisait parfaitement cette opération et elle était faite parfaitement et immédiatement. Tout ce qu'il pouvait faire lui-même était toujours fait. Les retards et les échecs ne survenaient que lorsqu'il s'adressait a d'autres.

Il avait un sens infaillible des proportions. Il disait toujours qu'il ne pouvait pas visualiser, en d'autres termes, il n'avait pas ce don de l'artiste qui en fermant les yeux, voit devant lui ce que sera l'oeuvre terminée. Mais quand il regardait un dessin ou quand il avait fini ses mesures et étudié le terrain, ses proportions étaient absolument parfaites. C'est la combinaison de ce sens des proportions et d'une originalité libre de traditions ou de trop d'informations, qui fait que ces jardins sont si uniques, si fascinants et si beaux. S'il lui manquait (comme il le prétendait) le pouvoir de visualiser l'oeuvre finie, il possédait, par contre, a un haut degré cette autre faculté du véritable artiste: laisser une chose prendre forme dans ses mains; recevoir, au milieu d'un travail, l'inspiration et suivre le cours grandissant de cette inspiration plutôt que de s'enfermer dans l'idée préconçue.

Nulle part ailleurs cela n'est plus manifeste que dans le développement des terrains entourant le Mausolée de Baha'u'llah a Bahji. Le plan originel consistait a faire du Tombeau Sacré et du Manoir le centre d'un grande roue. Après les dernières transactions avec l'Etat d'Israël et l'acquisition de 145.000 mètres carrés de terrain autour de la Tombe Sacrée, en 1952, il commença a niveler une section de cette étendue représentant environ un quart de cercle, face au Mausolée. Shoghi Effendi loua un bulldozer pour quelques jours et s'installa a Bahji afin de diriger personnellement les travaux.

Il y avait dans le périmètre des travaux, un bâtiment en ruine d'une seule pièce. Shoghi Effendi, désireux d'avoir une vue d'ensemble du terrain, grimpa sur ces ruines et trouva que de cette position élevée, il avait une vue totalement différente. Il fit, alors, réparer les murs et le toit fit installer, a l'extérieur, des escaliers en bois, et aménagea l'intérieur en bureau d'où il pouvait répondre a son courrier. En observant et dirigeant de cet endroit les travaux, il avait une vision tout a fait nouvelle de la propriété du Mausolée qui est située au milieu d~ une plaine plate. Cela lui donna une autre idée. Une grande quantité de terre étant enlevée au cours du nivellement, il ordonna qu'elle soit poussée vers l'est formant un haut talus de remblai, permettant de découvrir toute la région environnante comme un beau motif de tapis. Le succès de ce plan plut tant au Gardien qu'il fit faire non pas une, mais deux terrasses formant une petite colline.

Voici un trait de l'attitude du Gardien envers la Cause de Dieu dont il était le Protecteur: lorsque finalement ce nouveau domaine fut terminé, les gazons et les fleurs plantés, les lampadaires illuminant les beaux sentiers rouges érigés, il transféra immédiatement les réunions en dehors du nouveau périmètre, installant ses invités le long d'un sentier semi-circulaire face au Mausolée a environ 100 m. du lieu où ils se réunissaient antérieurement. J'ignorais ces nouvelles dispositions, et ce soir la, en rentrant, après la réunion, a Haïfa, j'interrogeais Shoghi Effendi. Il répondit qu'il avait transféré la réunion plus loin "par respect pour le Mausolée". Depuis lors, toutes les réunions tenues a Bahji, y compris la commémoration de l'ascension de Baha'u'llah qui a lieu après minuit se tiennent a cet endroit.

On éleva, après son décès et en accomplissement de son intention exprimée, une troisième terrasse sur les deux précédentes mettant ainsi une touche finale a son magnifique arrangement des jardins du Mausolée. Cette nouvelle conception signifie que son plan originel de jardin en forme de roue était complètement abandonné, car le système de sentiers convergeant vers un centre commun n'était plus possible. Shoghi Effendi changeait souvent ses plans en découvrant sur le terrain quelque chose de plus beau, de plus digne.

Shoghi Effendi, comme le Maître avant lui, était un grand amoureux de la lumière. Il détestait les intérieures sombres. Son amour de la lumière était tel que je lui faisais des remontrances, craignant pour sa vie, de travailler avec une puissante lampe de bureau, brillant pratiquement dans ses yeux. Sa chambre était toujours très éclairée; les tombeaux étaient pleins de lumières, grandes et petites. Un de ses premiers actes en tant que Gardien fut de placer un grand éclairage vers la porte du Mausolée du Bab face a la grande avenue qui va du pied de la montagne a la mer. Je me rappelle, en 1923, les gens de la ville plaisantaient a ce sujet et demandaient pourquoi il n'y en avait que la. C'est ce qui, sans doute, amena un chrétien fanatique nommé Dumit a ériger, quelques années plus tard, une grande croix illuminée sur le toit de sa maison, non loin du Tombeau du Bab. Shoghi Effendi loin de s'en irriter compara cette croix a une fleur a la boutonnière du Mausolée!

Graduellement les jardins de Bahji et de Haïfa furent éclairés par des lampadaires en fer forgé a quatre branches. Rien qu'a Bahji il y en a quatre vingt dix-neuf. Ils furent allumés, pour la première fois en 1953, a l'occasion de la fête du Ridvan. Nous allions en voiture, a Bahji quand soudain le ciel s'éclaira comme si nous approchions d'une petite ville! Le Gardien dit alors aux pèlerins persans que c'était toujours de la lumière, mais c'était maintenant "lumière sur lumière" (dans la version originale il y a un très joli jeu de mots faisant allusion a Baha'u'llah en tant que lumière). Le Mausolée a Haïfa fut également illuminé, la nuit, par une marée de lumière ainsi que les tombes de la Plus Sainte Feuille, de la mère et du frère d'Abdu'l-Baha. Des projecteurs très puissants furent commandés pour éclairer le bâtiment des Archives Internationales.

Le Gardien était minutieusement exact dans tout ce qu'il faisait. Il ne laissait rien au hasard et très peu au jugement de ses collaborateurs. Un exemple parmi tant d'autres: il précisait avec minutie les jours de commémorations baha'ies a Haïfa.

Comme les dates, selon le calendrier lunaire, varient (elles dépendent dans certains cas de l'heure du lever de la nouvelle lune), Shoghi Effendi vérifiait avec précision ces dates ainsi que d'ailleurs l'instant exact de l'équinoxe de printemps qui, s'il tombe avant une certaine heure, signifie que le Nouvel An aura lieu le 20 mars au lieu du 21. Nous trouvons des télégrammes tels que celui-ci envoyé a son cousin a Beyrouth, en 1923: "Vérifiez et télégraphiez moment exact équinoxe vernal". Il estimait, sans doute, qu'on pouvait obtenir une information plus scientifique a l'Université Américaine de Beyrouth que localement.

En 1932, il câblait a son frère, alors étudiant dans la même université: "Précisez population approximative Empire romain pendant deux premiers siècles après Christ il n'était pas seulement précis et exact, mais il savait que, avec cette perspicacité de grand écrivain, des faits cités au bon moment peuvent produire le même effet que les pierres précieuses sur une pièce de joaillerie: elles mettent en valeur l'oeuvre entière. Prenons par exemple une information prosaïque: Le détroit de McMurdo est situé a 77° latitude sud sur la mer de Ross. Mais quand Shoghi Effendi informait les croyants que les livres baha'is avaient été envoyés a l'expédition antarctique américaine qui a sa base dans le détroit de McMurdo et ajoutait la latitude exacte de la localité, cela devenait vivant, romantique et enthousiasmant!

En 1924, Shoghi Effendi s'efforça résolument de résoudre un des problèmes qui se posaient a lui. Il avait déjà fait clairement comprendre a ses ennemis qu'il n'était pas faible et ne manquait ni de direction ni de jugement, malgré l'état dans lequel il était plongé après le décès du Maître. Il avait écrit dans une de ses lettres: "Il est difficile de rompre avec les traditions et les coutumes du passé; de familiariser le plus grand nombre des baha'is, si divers dans leurs vues et conceptions, avec les changements nécessaires et les exigences de cette nouvelle phase de l'histoire de la Cause." Et pourtant il le faisait avec succès. Ce dont il avait besoin a Haïfa et de manière urgente, c'était un plus grand nombre d'assistants. Son père connaissait très peu l'anglais; deux de ses oncles travaillaient a Haïfa et le troisième vivait en Egypte. Le plus âgé de ses cousins et son frère travaillaient ou étudiaient. Certains des membres de la famille d'Abdu'l-Baha lui apportaient bien quelque aide, mais le travail de la Cause augmentait constamment.

Shoghi Effendi avait déjà commencé a traduire en anglais de nombreux écrits et a les envoyer en Occident. En janvier 1923, il écrivait aux baha'is de Londres: "La présence a Haïfa d'un assistant compétent pour mon travail de traduction actuel, serait la bienvenue et hautement désirable. Je soumets cette matière aux membres du Conseil pour qu'ils étudient l'envoi, temporaire, d'un ami anglais qui pourrait m'assister dans cet important travail."

La personne qui semble avoir répondu a cet appel n'était autre que le bien aimé de Shoghi Effendi, le Dr. Esslemont. Il vécut a Haïfa, aidant et servant Shoghi Effendi jusqu'à sa mort précoce, le 22 novembre 1925. Depuis quelques temps, il était souffrant. Déjà, en février 1922, après l'ascension du Maître, il télégraphiait a Shoghi Effendi: "Convalescence satisfaisante - testament reçu - votre dévoué." Un lien très étroit unissait les deux hommes. Après la mort soudaine d'Esslemont, Shoghi Effendi télégraphia a ses parents: "Accablé de tristesse par décès chèrement aimé Esslemont. Tous efforts dévoués inefficaces - Soyez assurés sympathie condoléances sincères moi-même et baha'is monde entier - Lettre suit." Quatre jours plus tard, il leur écrivait: "Il n'est pas exagéré de dire que je ne trouve pas de mots pour exprimer de manière adéquate la perte personnelle que je ressens a la mort de mon cher collaborateur et ami John Esslemont."

Esslemont n'était pas seulement une figure distinguée et internationale du monde Baha'i, l'auteur d'un livre dont Shoghi Effendi a dit qu'il "inspirera les générations pas encore nées" (Baha'u'llah et l'ère nouvelle) traduit dans plus de 100 langues), mais il fut pour lui personnellement "le plus chaleureux des amis, un conseiller de confiance, un collaborateur infatigable, un aimable compagnon" et leur étroite relation en laquelle il avait "Placé les plus doux espoirs" finissait soudain. Le Gardien pleura cet ami des jours où il était étudiant, mais comme d'habitude, il était obligé par sa position et malgré sa douleur personnelle, de poursuivre ses fonctions de Gardien. Il télégraphia immédiatement en Angleterre, Amérique, Allemagne, Iran et Inde leur demandant d'envoyer un télégramme aux parents d'Esslemont dont aucun n'était baha'i, et de tenir des réunions commémoratives spéciales. Il l'éleva également, a titre posthume au rang de Main de la Cause.

Cette arrivée du Dr. Esslemont a Haïfa, loin de résoudre les problèmes de Shoghi Effendi ne servit qu'a ajouter une douleur nouvelle a un coeur déjà affligé. En janvier 1926, Shoghi Effendi se plaint "de la charge oppressive des responsabilités et des soucis qui est mon sort et que j'ai le privilège de porter" et parle de "ma peine continuelle" "mes afflictions et mes perplexités" et "du sentier épineux" de "mes pénibles obligations". Quatre mois plus tard, il écrivait a Horace Holley: "J'ai souvent senti comme extrêmement désirable d'avoir un collaborateur tel que vous travaillant a mes côtés, a Haïfa. Je ressens vivement la perte du Dr. Esslemont et j'espère que les conditions, ici et ailleurs, me permettront d'établir, sur une base plus systématique, le travail a Haïfa. J'attends le moment favorable." C'était écrit en mai. En septembre il écrit a nouveau a Horace, louant ses services et réitérant: "Comme je sens la nécessité d'un travailleur aussi compétent, aussi consciencieux, aussi méthodique et aussi vigilant que vous, a mes côtés a Haïfa! Vous ne pouvez et ne devez quitter votre poste actuellement. Haïfa devra s'en accommoder quelque temps encore."

C'est dans l'intervalle qui sépare ces deux lettres, quand Shoghi Effendi était en Suisse, qu'il écrivit, le 30 juin 1926, a Hippolyte Dreyfus-Barney: "J'ai besoin d'un secrétaire capable, sûr, travailleur, méthodique et expérimenté qui combinerait le don de l'expression littéraire avec une position reconnue dans le monde Baha'i Le Dr Esslemont était le plus convenable des compagnons, libre, minutieux, dévoué, humble et capable. Je déplore sa perte... Un secrétaire capable, méticuleux, sincèrement dévoué a son travail et deux conseillers principaux qui représenteraient le Mouvement a des occasions spécifiques avec dignité et dévouement, avec deux associés orientaux, mentalement éveillés et experts en connaissance, me mettront je crois, sur pied et libéreront les forces qui mèneront la Cause a sa libération et a son triomphe prédestinés... Je ne peux m'exprimer de manière plus adéquate car ma mémoire a grandement souffert."

Bien que ces lettres soient adressées a des personnes privées, il ne fait cependant pas mystère de ses besoins. En octobre 1926, il écrivait a l'Amérique: "l'importance et la complexité croissantes du travail qui doit être nécessairement effectué en Terre Sainte, ont servi a fortifier le sentiment de nécessité absolue de former une sorte de secrétariat international qui, avec la capacité de conseil et d'exécution, devra m'aider et m'assister dans mes nombreux et exigeants travaux."

Il ajoute qu'il a " anxieusement considéré cette importante question " et a demandé a trois représentants d'Amérique, d'Europe et d'Iran de venir en Terre Sainte afin de les consulter sur les mesures nécessaires a prendre pour faire face aux exigences de l'heure. Il affirme que cela non seulement l'aidera et fortifiera les liens unissant le Centre International au monde, mais cela constituera aussi l'étape préliminaire conduisant a l'établissement de "la première Maison Internationale de Justice". Déjà au mois de mai, il écrivait a l'un de ceux-ci: "je me demande si vous pouvez vous joindre, a l'automne prochain, a H... dans mon travail, ici, a Haïfa. J'ai devant moi des problèmes des plus complexes et des plus délicats et je sens la nécessité de collaborateurs compétents, sans, peur et de confiance... Je dois m'arrêter car je peux difficilement assembler mes idées."

La collaboration envisagée dans cette lettre par Shoghi Effendi ne se matérialisa jamais. Malgré tous ses efforts: la maladie, des événements dans la Cause, des complications familiales et de travail de ceux qu'il avait choisis, tout conspira pour le laisser aussi dépourvu d'aides compétents qu'il l'avait été depuis 1922, quand il commença ses fonctions de Gardien. En février 1927, il écrivit a l'un d'eux espère que vous pourrez me joindre dans mes pénibles labeurs aussitôt que possible". En septembre il écrivait de nouveau a cet ami que la maladie tenait a la maison: di je regarde le travail de cet hiver avec soucis quand je réalise l'ampleur de mon travail et ma solitude face a ma prodigieuse tâche. Comme je l'ai déjà observé, et les conférences ont l'habitude de le faire, ce dont j'ai besoin c'est d'une collaboration étroite et continue de sorte que les mesures nécessaires a la propagation et a la consolidation de la Cause soient entreprises et exécutées. En attendant, je dois poursuivre ma ligne actuelle de travail qui, je le sens, est secondaire en importance et pourrait facilement être entreprise par un secrétariat... ". En octobre, il écrit une nouvelle fois, a cet ami: "je suis seul actuellement et je fais du mieux que je peux.". Et en janvier 1928: "Toutes les autres questions sont au point mort, et j'attends l'attention et l'aide d'assistants compétents, dévoués et expérimentés."

L'image que cela nous donne du Gardien brise le coeur. Il n'est plus un tout jeune homme, ni aussi affligé de chagrin que lors des premières années de son ministère. Il voit les besoins de la Cause; il voit les possibilités, s'il a plus d'aide et s'il est ainsi plus libre de consacrer son temps a l'essentiel. Mais c'est inutile.

Les assistants dont il a besoin, ne peuvent ou simplement ne veulent pas tout laisser pour venir s'installer a Haifa. Dans une lettre écrite par un pèlerin indien, la situation paraît claire comme l'eau de roche, c'est sans aucun doute Shoghi Effendi lui-même qui le lui a si clairement expliqué, car il avait l'habitude de parler très librement avec les baha'is qui visitaient la Terre Sainte. Le 15 juin 1929, ce croyant écrivait: "Shoghi Effendi veut avoir un secrétariat international a Haïfa avant que nous puissions avoir toute organisation internationale; mais l'idée n'a pas été réalisée par manque d'un nombre suffisant de baha'is capables et de confiance..."

Ce sujet resta en suspens jusqu'à la formation du Conseil International baha'i, en 1951. Shoghi Effendi vint aux prises avec le dur fait d'être seul dans tous ses desseins et objectifs et ne compta, de plus en plus, que sur lui-même. Il se mit a faire tout le travail et il le fit, utilisant comme secrétaire divers membres de la famille du Maître, faisant face de plus en plus a un esprit de désaffection de leur part, se résignant aux corvées sans fin des tâches insignifiantes, ou grandes, acceptant son destin avec résignation, souvent avec désespoir, mais toujours avec loyauté et courage. On peut vraiment dire de lui qu'il établit, dans le monde, la foi de son divin arrière grand-père et qu'il démontra qu'il appartenait a la même caste souveraine.

C'était pendant ces années, alors que Shoghi Effendi essayait si durement de réunir autour de lui un groupe de collaborateurs compétents, qu'une crise sans égale éclata. L'océan de la Cause de Dieu, fouetté par les vents de la destinée et de la chance qui soufflent sur lui a partir du monde extérieur, était maintenant agité par une tempête dont les vagues battaient l'esprit, la force, les nerfs et les ressources de Shoghi Effendi. La Maison sacrée occupée par Baha'u'llah, a Baghdad, et décrétée par lui, selon les paroles de Shoghi Effendi, comme "objet de vénération de pèlerinage baha'i sacré, sanctifié et chéri" avait déjà été saisie, au temps d'Abdu'l-Baha par une série de manoeuvres scélérates, par les Shi'ahs, mais les autorités britanniques l'avaient rendue a ses gardiens légitimes. Quand la nouvelle du décès d'Abdu'l-Baha parvint aux ennemis invétérés de la foi, ils renouvelèrent encore une fois leurs attaques et revendiquèrent la demeure. En 1922, le gouvernement confisqua les dés de la Maison. Le Roi Feysal revenait sur sa parole, malgré les assurances qu'il avait données de respecter les revendications des baha'is sur un bâtiment qui avait été occupé par leurs représentants depuis le départ de Baha'u'llah de Baghdad.

En 1923, les clés étaient très injustement rendues aux Shi'ahs. Depuis le décès d'Abdu'l-Baha et jusqu'en novembre 1925, il y eut une lutte continuelle des baha'is pour protéger la demeure la plus sacrée. Les Shi'ahs saisirent d'abord le tribunal de leur propre religion, l'affaire vint ensuite rapidement devant la cour de Paix, puis devant le tribunal local de Première Instance qui décida en faveur des droits des baha'is. Cette décision alla devant la cour d'appel, la Cour Suprême de l'Irak, qui rendit son verdict en faveur des Shi'ahs.

Quand le Gardien fut informé de cette flagrante erreur judiciaire, il appela immédiatement le monde baha'i a l'action: il envoya 19 câbles a différentes personnes et institutions nationales comprenant les croyants de l'Iran, du Caucase, du Turkistan, de l'Irak, de japon, de la Birmanie, de la Chine, de la Turquie, de Moscou, de l'Inde, de l'Australie, de la Nouvelle Zélande, du Canada, des Etats-Unis, de l'Allemagne, de l'Autriche, de la France, de la Grande Bretagne et des îles du Pacifique. Les baha'is devaient protester, télégraphiquement ou par lettre, contre cette décision, auprès du Haut-Commissaire britannique en Irak. L'Iran et l'Amérique du Nord, où le nombre des croyants était plus élevé étaient informés qu'en outre, chaque Assemblée locale devait protester directement et l'Assemblée Nationale devait non seulement protester auprès du Haut-Commissaire, mais aussi auprès du Roi Feysal d'Irak et des Autorités britanniques a Londres. L'Assemblée Nationale de l'Inde et de la Birmanie devait protester également auprès du Roi, mais pas a Londres.

Shoghi Effendi conseilla aux pays où les baha'is étaient peu nombreux comme la France et la Chine d'envoyer les protestations sous la signature des individuels. Toutes ces instructions révèlent de manière évidente le stratège en Shoghi Effendi. Dans ses câbles au monde baha'i, il affirma que la situation était ~c périlleuse" et "les conséquences de la plus haute gravité". Tous devaient exiger "une action prompte pour sauvegarder les revendications spirituelles des baha'is sur ce lieu chèrement aimé", "cette demeure sanctifiée", "la maison Sacrée de Baha'u'llah".

Il mit des phrases adéquates dans la bouche de ceux qu'il conseillait, disant aux amis orientaux d'en appeler instamment, "avec ferveur et courtoisie", "dans un langage ferme et attentif", "pour la considération de leurs revendications spirituelles sur sa possession" et "au sens britannique de la justice"; alors que les croyants occidentaux apprenaient "qu'une action prompte et efficace exigeait d'urgence... de protester vigoureusement contre l'injustice manifeste de la Cour, d'en appeler au sens britannique de l'équité pour un redressement, d'affirmer les revendications spirituelles des baha'is... de déclarer leur résolution indéfectible de faire le maximum pour défendre leurs droits légitimes et sacrés." Avec sa minutie coutumière, Shoghi Effendi conseilla a l'Amérique que les messages envoyés par les Assemblées locales "ne soient pas en des termes identiques".

L'échange de presque cent télégrammes, sur une période de six mois, en plus de la correspondance régulière avec les agents travaillant a la sauvegarde de la demeure la plus sacrée, témoigne de la masse et de la substance des préoccupations de Shoghi Effendi sur ce sujet. En apprenant la décision de la cour suprême, il télégraphia au Haut-Commissaire a Baghdad: "Les baha'is du monde entier regardent avec surprise et consternation le verdict inattendu de la cour concernant la propriété de la maison sacrée de Baha'u'llah. Rappelant leur occupation de longue datte continuelle de cette propriété, ils refusent de croire que Votre Excellence approuvera jamais une injustice aussi manifeste. Ils s'engagent solennellement a réclamer résolument la sauvegarde de leurs droits. Ils font appel au sens élevé d'honneur et de justice qui, ils le croient fermement, anime votre administration. Au nom de la famille de Sir 'Abdu'l-Baha 'Abbas et de toute la communauté baha'ie - Shoghi Rabbani. "Le même jour il télégraphiait au Gardien de la Maison de Baha'u'llah: "Ne soyez pas affligés. Cas entre mains de Dieu. Soyez rassurés."

Durant les mois qui suivirent, de nombreux télégrammes de Shoghi Effendi contenaient des phrases telles que: "Affaire Maison doit être vigoureusement poursuivie". Il télégraphia a un certain nombre de non baha'is éminents, et coordonna constamment les efforts de ses lieutenants dans les différentes parties du monde. A peine un mois plus tard, il câbla a plusieurs Assemblées Nationales leur ordonnant d'interroger, en "termes courtois", le Haut-Commissaire sur "les résultats de l'enquête" que les Autorités britanniques avaient promis d'effectuer. C'était une bataille perdue, car des éléments politiques et religieux d'Irak avaient fait cause commune et refusaient de s'incliner devant les pressions y compris celles du Gouvernement britannique.

Shoghi Effendi, cependant, n'acceptait pas aussi facilement la défaite; il ne se reposa pas tant que l'affaire de la maison sacrée ne vint, en novembre 1928, devant la Commission Permanente des Mandats de la Ligue des Nations. La puissance Mandataire soutint le droit des baha'is a la propriété de la maison. La commission recommande au Conseil de la Ligue des Nations que le Gouvernement britannique fasse des représentations auprès du Gouvernement irakien pour redresser ce déni de justice envers les baha'is. De 1928 a 1933, les baha'is poursuivirent leurs pressions, mais en vain: d'une part il leur manquait les moyens de faire respecter la décision, d'autre part la puissance des Shi'ahs en Irak était telle qu'elle obligea le gouvernement irakien a abandonner la question.

Un bref résumé de ces événements ne contient pas -les attentes qui les accompagnaient, jour après jour, les fluctuations entre l'espoir et le désespoir, l'alternance entre les bonnes et les mauvaises nouvelles, qui usent le coeur et en annihilent les forces. Le premier impact de la décision de la Cour Suprême était a peine reçu que le Dr. Esslemont mourait soudainement. Survenant en un tel moment de crise, la perte de son ami était un second coup de poignard pour le Gardien.

Une semaine avant cet événement, Shoghi Effendi avait envoyé au monde baha'i, des messages révélant un autre sujet d'inquiétude. Des rumeurs avaient couru au sujet des restes de certains leaders éminents du Sionisme qui pourraient être transférés en Terre Sainte pour être convenablement enterrés sur le Mont Carmel. Shoghi Effendi avait appelé les croyants a contribuer pour l'achat immédiat de terrains avoisinant et surplombant le Mausolée du Bab, afin de protéger ce lieu Sacré. Leur réponse fut si écrasante qu'a peine un mois plus tard, il les informait que leur soutien généreux et splendide avait rempli son but. Il n'empêche, du moins pendant un temps, que cette préoccupation s'ajouta a ses autres soucis et charges.

Cette charge était si lourde qu'en février 1926, il écrivait a un croyant: "je suis submergé par un océan d'activités, d'inquiétudes et de préoccupations. Ma raison est extrêmement fatiguée et je sens que je deviens inefficace et lent a cause de cette fatigue mentale.". Sa condition empira a tel point qu'il fut obligé de partir et de prendre un bref repos. "La charge écrasante des soucis et des responsabilités pressantes", écrivit-il vers la fin de mars, "exigèrent mon départ a un moment... où j'étais impatient de recevoir les amis et collaborateurs des différentes parties du monde."

Il devait être vraiment malade pour quitter Haïfa et ses invités. Mais quelque fût sa condition en février et mars, elle était douce par rapport a celle où il fut plongé le 11 avril par un télégramme de Shiraz disant crûment: "Douze amis Jahrum martyrisés - agitation peut s'étendre ailleurs", a laquelle il répondit le jour même: "Horrifié calamité soudaine; Suspendez activités. Faites appel autorités centrales. Transmettez parenté sympathie la plus tendre." Ce jour même, il câblait a Téhéran un message qui, en conjonction avec les événements de Jahrum, est très, significatif pour l'esprit de foi: "je demande instamment tous croyants Iran - Turkistan - Caucase - participer sincèrement aux élections renouvellement Assemblées spirituelles. Aucun vrai baha'i ne peut s'abstenir. Résultats doivent être promptement envoyés Terre Sainte par Assemblées centrales. Communiquez immédiatement avec chaque centre. Procédez prudemment. Implore assistance divine."

Le lendemain ayant reçu un télégramme plus détaillé de Shiraz annonçant que l'instigateur principal de l'agitation avait été arrêté et donnant certaines suggestions, Shoghi Effendi câbla a Téhéran: "Affligé martyre Jahrum. Transmettez sa majesté de la part tous baha'is et moi-même notre profonde appréciation sa rapide intervention et notre pressante sollicitation pour infliger châtiment immédiat auteurs de crime si atroce. Demande toutes Assemblées persanes envoyer message similaire." C'est un petit détail, mais très révélateur sur son état dans le premier câble il écrit phonétiquement "Jahrum" mais plus tard il rectifie en "Jahrum", selon la translitération. Le 24 avril, Shoghi Effendi écrit a un de ses collaborateurs une lettre qui exprime ce que tout cela signifiait pour lui. Après avoir accusé réception de ses nombreuses lettres, il explique que le retard apporté a leur réponse était dû a "ma malheureuse maladie, équivalent presque a une dépression, combinée a la réception des plus affligeantes nouvelles de l'Iran concernant le martyre de douze de nos amis dans la ville de Jahrum, au sud de Shiraz.

J'ai télégraphié pour plus de détails et je les communiquerai aux divers centres baha'is aussitôt que j'aurai des informations détaillées. Des considérations politiques et des rivalités personnelles semblent avoir joué une part non négligeable... J'ai transmis un message au Shah par l'intermédiaire de l'Assemblée Spirituelle Nationale de l'Iran... J'ai également demandé aux Assemblées étrangères de donner, en un langage non offensant pleine publicité a ces rapports dans leurs journaux respectifs.

Mais j'ai pensé qu'il est prématuré pour elles d'entrer directement en contact avec le Shah... Il est triste et ennuyeux de révéler que les baha'is oppressés, comme ils le sont, par des circonstances si affligeantes et humiliantes, paraissent actuellement, tout a fait impuissants et sans aide dans leurs efforts pour obtenir l'assistance nécessaire des autorités reconnues. Il doit sûrement y avoir une sagesse sous-jacente a cette apparente futilité de leurs efforts énergiques." Une semaine plus tard, dans un câble a cette même personne, Shoghi Effendi dit qu'il est "Profondément affligé".

Le 21 mai, il écrit une nouvelle fois au même baha'i et lui ouvre son coeur: "je suis moi-même trop fatigué pour faire un travail efficace actuellement. Je suis devenu lent, impatient, inefficace... Je me prépare a partir si aucune crise soudaine n'a lieu. J'en ai tellement eu ces derniers mois... " . Malgré son état, Shoghi Effendi parvint a faire ce qui pouvait être fait: "je pense qu'avec patience, tact, courage et ressource nous pouvons

utiliser ce développement pour les intérêts ultérieurs et pour étendre l'influence de la Cause." Il avait uni les forces du monde baha'i pour défendre la Communauté opprimée de l'Irak, assuré une large publicité dans la presse étrangère aux martyrs de l'Iran, dirigé constamment les Assemblées Nationales dans les actions qu'elles devaient entreprendre a cet égard et en ce qui concerne la demeure la plus sacrée.

Tel est le récit d'une période de la vie du Gardien. Combien de flèches tombèrent sur lui, en six mois a peine, a un moment où il luttait pour équilibrer, afin de pouvoir la porter, la charge qui avait été placée sur ses épaules depuis l'ascension du Maître!


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