DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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1ère Période: Ministère du Bab (1844-1853) [...] Page 17 La période d'exil du Bab dans les montagnes de l'Adhirbàyjàn,
qui ne dura pas moins de trois années, constitue la phase la plus triste,
la plus dramatique et, dans un sens, la plus productive de son ministère
de six ans. Elle comprend son emprisonnement absolu de neuf mois dans la forteresse
de Màh-Kù et son incarcération ultérieure dans
la forteresse de Chihriq qui fut interrompue seulement par sa visite, brève
mais mémorable, à Tabriz. Elle fut assombrie pendant toute sa
durée par l'hostilité croissante et implacable des deux plus
puissants adversaires de la foi, Hàji Mirza .Aqàsi, grand
vizir du shah Muhammad, et l'amir-nizaim, grand vizir du shah
Nàsiri'd-Din. Elle est analogue à la période la plus
critique de la mission de Baha'u'llah au cours de son exil à
Andrinople où il se trouva face au despotique sultan 'Abdu'l-'Aziz
et à ses ministres, les pachas 'Ali et Fu'àd; elle est comparable
aux jours les plus sombres du ministère d'Abdu'l-Baha en Terre
sainte, sous le règne opprimant du tyrannique 'Abdu'l-Hamid et du non
moins tyrannique pacha Jamàl. Shiraz avait été
le cadre mémorable de la déclaration historique du Bab;
Isfàhàn avait été pour lui, quoique pour peu de
temps, un havre de paix et de sécurité relative, alors que l'Adhirbàyjàn
devait devenir le théâtre de son agonie et de son martyre. Ces
dernières années de sa vie terrestre resteront dans l'histoire
comme celles où la nouvelle dispensation atteignit son plein épanouissement,
où la revendication de son fondateur fut pleinement et publiquement
soutenue, où furent énoncées ses lois, où le covenant
de son auteur fut fermement établi, où son indépendance
fut proclamée, où enfin l'héroïsme de ses défenseurs
resplendit d'une gloire immortelle. Car c'est au cours de ces années
fatidiques, intensément tragiques, que toutes les conséquences
impliquées par le rang du Bab furent dévoilées
à ses disciples et officiellement annoncées par lui dans la
capitale de l'Adhirbàyjàn, en présence de l'héritier
du trône, que fut révélé le Bayan persan,
dépositaire des lois prescrites par le Bab, que l'époque
et le caractère de la dispensation de "Celui que Dieu rendra manifeste"
furent fixés sans erreur possible, que la conférence de Badasht*
proclama l'abrogation de l'ordre ancien et que les grandes conflagrations
de Mazindaran*, de Nayriz et de Zanjàn* éclatèrent. [...] Page 18 Et pourtant Hàji Mirza Aqàsi, stupide et borné,
s'imaginait naïvement qu'en faisant échouer le projet du Bab,
qui était de rencontrer le shah face à face dans la capitale,
et en l'exilant à l'extrémité du royaume, il avait étouffé
le mouvement dès sa naissance, et triompherait bientôt de son
fondateur d'une manière décisive. Il ne se doutait pas que l'isolement
même qu'il imposait à son prisonnier permettrait à celui-ci
de développer la doctrine destinée à matérialiser
l'âme de sa foi, et lui fournirait l'occasion de la protéger
contre la désintégration et les schismes et de proclamer sa
mission, officiellement et sans réserves. Il ne se figurait pas que
cette détention même amènerait les disciples et les compagnons
exaspérés de ce prisonnier à rejeter les entraves d'une
théologie désuète, et hâterait l'arrivée
d'événements qui exigeraient d'eux des prouesses, un courage
et une abnégation sans parallèles dans l'histoire de leur pays.
Il était loin de penser que, par son acte même, il servirait
d'instrument dans l'accomplissement de la tradition authentique attribuée
au prophète de l'islam sur l'inexorabilité de ce qui
devait se dérouler dans l'Adhirbàyjàn. Ignorant l'exemple
du gouverneur de Shiraz qui, tremblant de peur, avait fui honteusement
au premier signe de la colère vengeresse de Dieu et qui avait relâché
son étreinte sur le prisonnier, le grand vizir du shah Muhammad
se préparait à son tour, par les ordres qu'il avait donnés,
une inévitable et cruelle déception, et pavait la voie de sa
propre déchéance finale. Ses ordres à 'Ali Khàn, gardien de la forteresse de Màh-Kù,
étaient rigoureux et explicites. En se rendant à cette forteresse,
le Bab passa quelques jours à Tabriz, jours marqués par
une excitation si intense de la part de la populace que, sauf quelques rares
personnes, ni le public ni ses partisans ne furent admis en sa présence.
Tandis qu'on l'escortait à travers les rues de la ville, le cri de
" Allah-u-Akbar "* s'élevait de tous côtés. Les
clameurs atteignirent en effet une telle intensité, que le crieur de
la ville reçut l'ordre d'avertir les habitants que quiconque s'aventurerait
à rechercher la présence du Bab verrait tous ses biens
confisqués et serait emprisonné. A son arrivée à
Màh-Kù qu'il surnomma Jabal-i-Bàsit (la Montagne ouverte),
personne ne fut autorisé à le voir pendant les deux premières
semaines, excepté son secrétaire Siyyid Husayn et le frère
de celui-ci. Si pénible était sa condition dans cette forteresse
que lui-même a déclaré, dans le Bayan persan, qu'il
n'avait même pas de lumière la nuit, et que sa chambre solitaire,
construite avec des briques cuites au soleil, était même dépourvue
de porte, cependant que, dans sa tablette au shah Muhammad, il se plaignit
que les habitants de la forteresse fussent réduits à deux gardes
et quatre chiens. [...] Page 19 Interné au sommet d'une montagne éloignée, dangereusement
située aux frontières des Empires russe et ottoman, détenu
entre les murs solides d'une forteresse à quatre tours, séparé
de sa famille, de ses amis et de ses disciples, vivant à proximité
d'une population bigote et indisciplinée qui, par sa race, ses traditions,
son langage et ses croyances, était différente de la grande
majorité des habitants de la Perse, surveillé par les habitants
d'un territoire qui, en tant que lieu de naissance du grand vizir, avait été
gratifié de faveurs spéciales par son administration, le prisonnier
de Màh-Kù semblait condamné, dans l'esprit de son adversaire,
à s'étioler dans la fleur de sa jeunesse ainsi qu'à assister
sous peu à l'anéantissement complet de ses espérances.
Cet adversaire devait bientôt s'apercevoir néanmoins combien
il avait sous-estimé à la fois son prisonnier et ceux qu'il
avait comblés de ses faveurs. Ce peuple indiscipliné, fier et
incapable de raisonner, était peu à peu subjugué par
la gentillesse du Bab, assagi par sa modestie, édifié
par ses conseils et instruit par son savoir. Les habitants étaient
transportés à un tel point par leur amour pour lui que, chaque
matin, en dépit des remontrances de l'autoritaire 'Ali Khàn
et des menaces répétées de mesures disciplinaires reçues
de Tihran, leur premier geste était de trouver un endroit d'où
ils pourraient l'apercevoir et implorer sa bénédiction pour
leur tâche quotidienne. En cas de différend, ils avaient coutume
de se précipiter au pied de la forteresse, et fixant les yeux sur sa
demeure, d'invoquer son nom et de se conjurer mutuellement de dire la vérité.
'Ali Khàn lui-même, à la suite d'une étrange vision,
ressentit une telle mortification, qu'il fut obligé d'atténuer
la sévérité de sa discipline, en réparation de
sa conduite passée. Son indulgence devint telle qu'un flot croissant
de pèlerins pieux et fervents commença à être admis
aux portes de la forteresse. Parmi eux se trouvait l'intrépide et infatigable
Mullà Husayn, qui avait fait à pied tout le chemin depuis Mashhad*,
à l'Est de la Perse, jusqu'à Màh-Kù, à
l'extrême frontière Ouest du royaume, et qui fut capable, après
un voyage aussi pénible, de célébrer la fête de
Naw-Rùz (1848) en compagnie de son Bien-Aimé. Cependant, des agents secrets, chargés de surveiller 'Ali Khàn
informèrent Hàji Mirza Àqàsi de la tournure
que prenaient les événements, sur quoi celui-ci décida
le transfert immédiat du Bab dans la forteresse de Chihriq (vers
le 10 avril 1848); le prisonnier la surnomma Jabal-i-Shadid (Montagne des
souffrances). Là, il fut confié à la garde de Yahya
Khàn, beau-frère du shah Muhammad. Bien que, tout d'abord,
celui-ci se conduisit avec une extrême sévérité,
il fut en fin de compte contraint de céder à la fascination
de son prisonnier. Les Kurdes qui vivaient dans le village de Chihriq, et
dont la haine des shi'ahs dépassait encore celle des habitants de Màh-Kù,
ne furent pas non plus capables de résister à la puissance pénétrante
de l'influence du prisonnier. Eux aussi, on les vit s'approcher chaque matin
de la forteresse avant de partir pour leur travail quotidien, et se prosterner
en adoration devant le saint personnage qui l'occupait. "Telle était
l'affluence populaire", rapporte un témoin oculaire européen
parlant du Bab dans ses mémoires, "que la cour n'étant
pas assez grande pour contenir ses auditeurs, la majorité restait dans
la rue, écoutant avec une attention extasiée les versets du
nouveau Qur'an. [...] Page 20 Certes, les désordres soulevés à Chihriq éclipsaient
les scènes dont Màh-Kù avait été le théâtre.
Des siyyids de haute valeur, d'éminents 'ulama et même des fonctionnaires
du gouvernement épousaient hardiment, et avec promptitude, la cause
du prisonnier. La conversion de l'ardent et illustre Mirza Asadu'llah,
surnommé Dayyan, éminent fonctionnaire, hautement réputé
en littérature, auquel le Bab donna la " connaissance cachée
et préservée ", et qu'il célébra comme le " dépositaire
de la confiance du seul vrai Dieu", puis l'arrivée d'un derviche venant
de l'Inde, ancien nabab, à qui le Bab, dans une vision, avait
ordonné de renoncer à ses biens et à son rang pour venir
le voir en toute hâte, à pied, dans l'Àdhirbàyjàn,
ces faits mirent fin à cette situation. Des comptes rendus de ces événements
étonnants parvinrent à Tabriz d'où ils furent transmis
à Tihran, forçant Hàji Mirza Aqàsi
à intervenir de nouveau. Le père de Dayyan, ami intime
de ce ministre, lui avait déjà exprimé ses craintes sérieuses
devant la manière avec laquelle les fonctionnaires compétents
de l'Etat se ralliaient à la foi nouvelle. Pour calmer l'excitation
croissante, le Bab fut convoqué à Tabriz. Craignant l'enthousiasme
de la population de l'Àdhirbàyjàn, ceux qui le gardaient
décidèrent de changer leur itinéraire et, évitant
la ville de Khuy*, ils passèrent par Urùmiyyih*. A son arrivée
dans cette ville, le prince Malik Qàsim Mirza reçut cérémonieusement
le Bab; on le vit même, certain vendredi, accompagner son hôte
à pied, alors que celui-ci se rendait à cheval au bain public;
pendant ce temps, les domestiques du prince s'efforçaient de contenir
la foule qui, dans son enthousiasme débordant, se pressait pour apercevoir
un prisonnier aussi merveilleux. Tabriz à son tour, en proie à
une excitation déchaînée, salua joyeusement son arrivée.
Telle était la chaleur des sentiments populaires, que le Bab
fut conduit en un lieu situé en dehors des portes de la ville. Cette
mesure ne réussit pourtant pas à apaiser l'émotion qui
régnait. Précautions, avertissements et restrictions ne servirent
qu'à aggraver une situation déjà critique. Ce fut à
ce moment que le grand vizir donna l'ordre historique de convoquer immédiatement
les dignitaires ecclésiastiques de Tabriz, aux fins d'examiner les
mesures les plus efficaces pour éteindre, une fois pour toutes, les
flammes d'une conflagration aussi dévorante. [...] Page 21 Les circonstances entourant l'interrogatoire du Bab, à la suite
d'un édit aussi précipité, peuvent être classées
parmi les principaux événements marquants de sa dramatique carrière.
Le but avoué de cette convocation était d'inculper le prisonnier
et de délibérer sur les mesures à prendre pour l'arracher
à sa soi-disant hérésie. Au lieu de cela, elle lui procura
la suprême occasion de sa mission, celle d'affirmer en public, formellement
et sans réserve aucune, les revendications inhérentes à
sa révélation. A la résidence officielle, en présence
du gouverneur de l'Àdhirbàyjàn, Nàsiri'd-Din Mirza,
héritier du trône, sous la présidence de Hàji Mullà
Mahmùd, le nizàmu'l-'ulamà*, tuteur du prince, devant
l'assemblée des dignitaires ecclésiastiques de Tabriz, les chefs
de la communauté shaykhi, le shaykhu'l-islam* et l'imàm-jum'ih,
le Bab, s'étant de lui-même assis à la place d'honneur
réservée au vali-'ahd (héritier du trône), donna,
d'une voix vibrante, sa célèbre réponse aux questions
que lui posa le président de cette assemblée. "je suis", s'écria-t-il,
"je suis, je suis le Promis! je suis celui dont vous invoquez le nom depuis
mille ans, celui dont la mention vous a fait lever, dont vous avez ardemment
désiré l'avènement, priant Dieu d'avancer l'heure de
sa révélation. En vérité je dis: Il appartient
aux peuples de l'Orient et de l'Occident d'obéir à ma parole
et de promettre fidélité à ma personne. " Frappés de terreur, les assistants baissèrent momentanément
la tête, dans une muette confusion. Alors Mullà Muhammad-i-Mamàqàni,
ce renégat borgne à la barbe blanche, rassemblant son courage,
blâma sévèrement le Bab avec son insolence caractéristique,
le traitant de pervers et méprisable suppôt de Satan, ce à
quoi le jeune homme répliqua sans se troubler qu'il maintenait ce qu'il
avait déjà affirmé. A la question que lui posa par la
suite le nizamu'l-'ulamà, le Bab affirma que ses paroles constituaient
la preuve la plus incontestable de sa mission, cita des versets du Qur'an
pour établir la vérité de ses assertions, et assura qu'il
était capable de révéler, en l'espace de deux jours et
deux nuits, autant de versets que ce livre en contenait. Répondant
à une critique qui l'accusait d'avoir violé les règles
de la grammaire, il cita certains passages du Qur'an justifiant ses
dires puis, écartant fermement et avec dignité une remarque
vaine et hors de propos que lui lançait l'un des assistants, mit fin
à cette réunion sans rien dire de plus, en se levant lui-même
et en quittant la salle, sur quoi l'assemblée se dispersa, la confusion
régnant parmi ses membres divisés, humiliés et pleins
d'un amer ressentiment devant l'échec de leur projet. Loin d'abattre
le courage de leur prisonnier, loin de l'amener à se rétracter
ou à renoncer à sa mission, cette rencontre n'eut d'autre résultat
que la décision, prise après maintes discussions et argumentations,
de lui faire infliger le supplice de la bastonnade par l'avare et irascible
Mirza 'Ali-Asghar, le shaykhu'l-islam de cette ville, et dans
sa maison de prière. Sa machination ayant échoué, Hàji
Mirza Àqàsi fut forcé d'ordonner le retour du
Bab à Chihriq. [...] Page 22 Cette déclaration dramatique, officielle et sans réserve, de
la mission prophétique du Bab, ne fut pas la seule conséquence
de la décision absurde qui condamnait l'auteur d'une révélation
aussi puissante à une réclusion de trois ans, dans les montagnes
de l'Àdhirbàyjàn. Cette période de captivité
dans une région reculée du royaume, bien loin des foyers d'agitation
de Shiraz, d'Isfàhàn et de Tihran, lui fournit
le loisir nécessaire pour s'atteler à sa tâche magistrale
ainsi que pour s'attaquer à d'autres ouvrages complémentaires
destinés à développer, dans sa pleine portée,
sa dispensation si récente mais d'importance capitale, et à
lui communiquer sa pleine puissance. Aussi bien par l'ampleur des écrits
émanant de sa plume que par la diversité des sujets traités,
sa révélation demeure absolument sans parallèle dans
les annales de toutes les religions du passé. Lui-même affirma,
quand il était détenu à Màh Kù, que jusque-là,
ses écrits, embrassant les sujets les plus divers, s'élevaient
à plus de cinq cent mille versets. "Les versets qui ont coulé
de ce nuage de divine miséricorde", témoigne Baha'u'llah
dans le Kitab-i-Iqan, "sont si nombreux que nul n'a encore pu les dénombrer.
Une vingtaine de volumes nous sont restés. Combien d'autres sont encore
hors de notre atteinte? Combien ont été dérobés
et sont tombés aux mains des ennemis, et dont le sort est inconnu?"
Non moins attachante est la variété des thèmes présentés
par cette profusion d'écrits comprenant: prières, homélies,
allocutions, tablettes de visitations traités scientifiques, dissertations
doctrinales, exhortations, commentaires sur le Qur'an et sur diverses
traditions, épîtres aux dignitaires ecclésiastiques et
aux religieux les plus en vue du royaume, ainsi que lois et ordonnances pour
affermir sa foi et en diriger les activités. Déjà à Shiraz, au début de son ministère,
il avait révélé sous le titre de Qayyumu'l-Asma le célèbre
commentaire sur la sùrih de joseph, caractérisé par Baha'u'llah
comme " le premier, le plus grand et le plus puissant de tous les livres"
de la dispensation Babi, et dont l'objet fondamental était
de prévoir ce que le joseph* véritable (Baha'u'llah)
souffrirait dans la dispensation suivante, par le fait de celui qui fut à
la fois son pire ennemi et son frère de même sang. Cet ouvrage,
comprenant plus de neuf mille trois cents versets et divisé en cent
onze chapitres - chaque chapitre commentant un verset de la sùrih ci-dessus
mentionnée - commence par l'appel retentissant du Bab et par
de sévères avertissements adressés à "l'assemblée
des rois et des fils de rois"; il annonce le destin funeste du shah
Muhammad, ordonne à son grand vizir Hàji Mirza Aqàsi
de renoncer à ses pouvoirs, rappelle à l'ordre le corps ecclésiastique
musulman tout entier, met plus spécialement en garde les membres de
la communauté shi'ah, exalte les vertus et annonce la venue de Baha'u'llah,
la "Pérennité de Dieu", le "très grand Maître";
il proclame dans un langage sans équivoque l'indépendance et
l'universalité de la révélation Babi, dévoile
sa portée et affirme le triomphe inévitable de son auteur. En
outre, il invite les "peuples de l'Ouest" à " quitter leurs villes
et à soutenir la cause de Dieu"; il met en garde les peuples de la
terre contre la "terrible, la douloureuse vindicte de Dieu", menace le monde
islamique tout entier du "plus grand Feu", s'il se détourne de la loi
nouvellement révélée, annonce le martyre de l'auteur,
fait l'éloge du rang élevé conféré aux
fidèles de Baha, les "compagnons* de l'Arche rouge", prophétise
la chute et la disparition complète de quelques-uns des plus grands
flambeaux dans le ciel de la dispensation Babi, et prédit
même de "douloureux tourments", à la fois au ",jour de notre
retour" et dans "le monde à venir", pour les usurpateurs de l'imamat
qui "firent la guerre à Husayn (Imàm Husayn) sur la terre de
l'Euphrate." [...] Page 23 C'est ce livre que les Babis ont universellement considéré,
pendant la presque totalité du ministère du Bab, comme
le Qur'an du peuple du Bayan, livre dont le premier chapitre
- le plus stimulant - fut révélé en présence de
Mullà Husayn au cours de la nuit où son auteur se déclara,
dont certaines pages furent apportées par ce même disciple à
Baha'u'llah, en tant que premiers fruits d'une révélation
qui reçut immédiatement son adhésion enthousiaste, livre
entièrement traduit en persan par la brillante et talentueuse Tàhirih,
dont certains passages excitèrent l'hostilité de Husayn* Khàn,
précipitant le premier déchaînement des persécutions
à Shiraz, livre enfin dont une seule page avait ravi l'imagination
et transporté l'âme de Hujjat, et dont le contenu avait embrasé
les intrépides défenseurs du fort de Shaykh-Tabarsi* et les
héros de Nayriz et de Zanjàn. Cette oeuvre d'une si haute valeur, à l'influence si profonde, fut
suivie par la révélation de la première tablette du Bab
au shah Muhammad, par ses tablettes au sultan 'Abdu'l-Majid
et au pacha Najib, le vàli* de Baghdad, par le Sahifiy,-i-baynu'l-Haramayn*,
révélé entre la Mecque et Médine pour répondre
aux questions posées par Mirza Muhit-i-Kirmàni, par l'épître
au shérif de la Mecque, par le Kitabu'r-Ruh* comprenant sept
cents sùrihs, le Khasd'il-i-Sab'ih qui prescrivait la modification
de la formule de l'adhàn, le Risaliy-i-Furu'-i-'Adliyyih*, traduit
en persan par Mullà Muhammad-Taqiy-i-Haràti, le commentaire
sur la sùrih du Kawthar qui opéra une telle transformation dans
l'âme de Vahid, le commentaire sur la sùrih de Va'l-'Asr, révélé
dans la demeure de l'imàmjum'ih, à Isfàhàn, la
dissertation sur la mission précise de Muhammad, écrite à
la requête de Manùchihr-Khàn, la seconde Tablette au shah
Muhammad, lui demandant avec insistance à être reçu afin
de lui exposer les vérités de la nouvelle révélation
et de dissiper ses doutes, et les tablettes envoyées du village de
Siyah-Dihàn aux 'ulamà de Qasvin* et à Hàji Mirza
Aqàsi, lui demandant les raisons de son changement subit de décision. [...] Page 24 La plupart des écrits émanant de l'esprit fécond du
Bab appartiennent cependant à la période où il
fut interné à Màh-Kù et à Chihriq. De cette
époque datent probablement les innombrables épîtres que,
d'après un témoignage non moins autorisé que celui de
Baha'u'llah, le Bab adressa tout particulièrement
aux ecclésiastiques de chaque cité de Perse ainsi qu'à
ceux de Najaf* et de Karbilà*, épîtres dans lesquelles
il expose en détail les erreurs commises par chacun d'entre eux. Ce
fut pendant sa réclusion dans la forteresse de Màh-Kù
que, selon le témoignage du Shaykh Hasan-i Zunùzi qui transcrivit
pendant ces neuf mois les versets dictés par le Bab à
son secrétaire, il ne révéla pas moins de neuf commentaires
sur l'ensemble du Qur'an, commentaires dont le sort, hélas,
reste inconnu et dont l'un, comme l'affirme du moins son auteur même,
surpassait à certains égards un livre à bon droit aussi
réputé que le Qayyumu'l-Asma.' Dans les murs de cette même forteresse fut révélé
le Bayan (Exposé), ce répertoire magistral des lois et
préceptes de la nouvelle dispensation, ce trésor contenant la
plupart des références et des louanges du Bab ainsi que
ses avertissements au sujet de " Celui que Dieu rendra manifeste". Sans égal
parmi les ouvrages doctrinaux du fondateur de la dispensation Babi,
composé de neuf vàhids (unités) comportant chacune dix-neuf
chapitres, sauf la dernière qui n'en contient que dix - à ne
pas confondre avec le Bayan arabe, plus petit et de moindre portée,
qui fut révélé à la même époque -,
accomplissant la prophétie musulmane selon laquelle "un jeune homme,
descendant des Bani-Hàshims*, révélerait un livre nouveau
et promulguerait une loi nouvelle"; entièrement soustrait aux interpolations
et aux altérations qui ont été le fait de tant d'ouvrages
secondaires du Bab, ce livre d'environ huit mille versets, occupant
une position centrale dans la littérature Babi, doit
être considéré avant tout comme une louange à l'égard
du Promis plutôt que comme un code de lois et ordonnances destiné
à diriger les générations futures d'une façon
immuable. Ce livre a abrogé à la fois les lois et le cérémonial
prescrits par le Qur'an en ce qui concerne la prière, le jeûne,
le mariage, le divorce et les héritages, et il a maintenu dans son
intégrité la croyance en la mission prophétique de Muhammad,
de même que le prophète de l'islam avait, avant lui,'
annulé les ordonnances de l'Evangile, reconnaissant cependant l'origine
divine de la loi de Jésus-Christ. De plus, ce livre interprétait
de façon magistrale le sens de certains termes fréquemment employés
dans les livres sacrés des dispensations antérieures, comme
par exemple: paradis, enfer, mort, résurrection, retour, balance, heure,
jugement dernier et expressions similaires. Volontairement sévère
dans les statuts et règlements qu'il imposait, révolutionnaire
par les principes qu'il inculquait, visant à réveiller le clergé
et le peuple de leur torpeur séculaire ainsi qu'à porter un
coup soudain et fatal à des institutions périmées et
corrompues, il proclamait, par ses stipulations rigoureuses, l'avènement
du jour attendu, le jour où "Celui qui appelle convoquera les hommes
pour une chose inexorable*, quand il "détruira tout ce qui était
avant lui, de même que l'Apôtre de Dieu avait aboli ce qui fut
institué par ceux qui le précédèrent." [...] Page 25 Il faut noter à ce sujet que, dans la troisième vàhid
de ce livre, il existe un passage qui, à la fois par sa référence
explicite au nom du Promis et par son anticipation de l'ordre qui, plus tard,
devait s'identifier avec sa révélation, mérite d'être
compté comme l'une des déclarations les plus importantes contenues
dans toutes les oeuvres du Bab. "Bienheureux celui", déclare-t-il
de manière prophétique, "qui fixe son regard sur l'ordre de
Baha'u'llah et qui rend grâce à son Seigneur. Car
celui-ci sera certainement manifesté. Dieu l'a, en vérité,
irrévocablement fixé dans le Bayan. " C'est avec ce même
ordre que le fondateur de la révélation promise - introduisant
cette même expression dans son Kitab-i-Aqdas - identifia, vingt
ans plus tard, le système envisagé dans ce livre, affirmant
que "ce très grand ordre" avait troublé l'équilibre du
monde et bouleversé l'ordre établi dans la vie humaine. Ce sont
les caractéristiques de cet ordre même dont, à un stade
ultérieur de l'évolution de la foi, le Centre du covenant de
Baha'u'llah, l'interprète choisi de ses enseignements,'
a tracé les grandes lignes dans les clauses de ses dernières
volontés et de son testament. C'est la base constructive de ce même
ordre que, dans l'âge de formation de cette même foi, les serviteurs
de ce même covenant - les représentants élus de la communauté
mondiale baha'i - sont maintenant en train d'établir laborieusement
et en parfait accord. C'est la superstructure de ce même ordre, parvenu
à son plein développement avec la naissance de la communauté
mondiale baha'i - le royaume de Dieu sur la terre -, que l'âge
d'or de cette même dispensation doit finalement contempler, quand les
temps seront révolus. Le Bab était encore à Màh-Kù quand il
écrivit la plus détaillée et la plus lumineuse de ses
tablettes au shah Muhammad. Commençant par une préface
élogieuse sur l'unité de Dieu, de ses apôtres et des douze
Imàms, affirmant sans aucune ambiguïté la divinité
de son auteur et les pouvoirs surnaturels dont sa révélation
a été investie, citant avec précision les versets et
les traditions pour confirmer une revendication aussi audacieuse, sévère
lorsqu'il condamne certains personnages officiels ou représentants
de l'administration du shah - particulièrement le "méchant
et maudit" Husayn Khàn -, émouvant dans la description des humiliations
et des sévices auxquels son auteur avait été soumis,
ce document historique ressemble en bien des points à la Lawh-i-Sultan,
la tablette que Baha'u'llah, en des circonstances semblables,
adressa de la prison fortifiée d'Akka au shah Nàsiri'd-Din,
et qui constitue sa plus longue épître à un seul et même
souverain. [...] Page 26 Le Dala'il-i-Sab'ih (Sept Preuves), le plus important des ouvrages de polémique
du Bab, fut révélé pendant cette même période.
Remarquablement lucide, d'une précision admirable, d'une conception
originale et d'une argumentation irréfutable, cette oeuvre, outre les
preuves diverses et nombreuses fournies sur sa mission, mérite l'attention
pour le blâme qu'elle jette sur les "sept souverains tout-puissants
gouvernant le monde" à son époque, ainsi que pour sa manière
de faire ressortir les responsabilités et de censurer la conduite des
prêtres chrétiens d'une époque passée qui, affirme
le Bab, s'ils avaient reconnu la véracité de la mission
de Muhammad, auraient été suivis par la masse de leurs coreligionnaires. Pendant la détention du Bab dans la forteresse de Chihriq,
où il passa presque entièrement les deux dernières années
de sa vie, la Lawh-i Huru'fat (Tablette des Lettres) fut révélée
en l'honneur de Dayyan; cette tablette interprétée à
tort, au début, comme un exposé de la science de la divination
fut considérée, par la suite, d'une part comme dévoilant
le mystère du Mustaghàth*, et de l'autre comme faisant une allusion
voilée aux dix-neuf années qui devaient nécessairement
s'écouler entre la déclaration du Bab et celle de Baha'u'llah.
C'est au cours de ces années constamment assombries par les rigueurs
de la captivité du Bab, par les affronts sévères
qui lui furent infligés et par les nouvelles des désastres qui
s'abattaient sur les héros de Mazindaran et de Nayriz
- qu'il révéla, peu après son retour de Tabriz, sa tablette
dénonciatrice à Hàji Mirza Àqàsi.
Rédigée en termes hardis et émouvants qui ne cachaient
nullement sa réprobation, cette épître fut envoyée
à l'intrépide Hujjat qui, ainsi que l'a confirmé Baha'u'llah,
la fit parvenir à ce mauvais ministre. A cette époque de son incarcération dans les forteresses de
Màh-Kù et de Chihriq - période de fécondité
sans précédent mais douloureuse néanmoins en raison des
humiliations et des chagrins toujours plus profonds qui le frappèrent
- appartiennent presque toutes les allusions écrites sous forme d'avertissements,
d'appels ou d'exhortations que le Bab, prévoyant l'heure imminente
de son affliction suprême, sentit la nécessité de formuler
à l'égard de l'auteur d'une révélation qui devait
bientôt remplacer la sienne propre. Conscient, dès le début
même de sa double mission, d'être le porteur d'une révélation
entièrement indépendante et le héraut d'une révélation
encore plus grande que la sienne, il ne pouvait se contenter du grand nombre
de commentaires, de prières, de lois et d'ordonnances, de dissertations
et d'épîtres, d'homélies et d'oraisons qui, sans interruption,
avaient coulé de sa plume. Le covenant plus grand que, ainsi qu'il
l'affirme dans ses écrits, Dieu avait conclu, depuis un temps immémorial
et par l'entremise des prophètes de tous les âges, avec l'humanité
tout entière était déjà un fait accompli par la
nouvelle révélation. Il restait à présent à
le compléter par un covenant plus restreint, covenant qu'il se sentait
poussé à conclure avec l'ensemble de ses disciples, concernant
celui dont il décrivit l'avènement comme le fruit et le but
ultime de sa dispensation. Un covenant semblable avait invariablement caractérisé
toutes les religions antérieures. Il avait existé sous des formes
diverses, avec plus ou moins de rigueur; toujours, il avait été
rédigé en un langage voilé et avait fait l'objet d'allusions
dans les prophéties hermétiques ou occultes, les allégories
cachées, les traditions non authentifiées, ainsi que dans les
passages obscurs et fragmentaires des Ecritures sacrées. Dans la dispensation
Babi toutefois, il allait être exprimé en un langage
clair et sans équivoque, quoique sans faire partie d'un document séparé.
A la différence des prophètes venus avant lui, dont les covenants
étaient entourés de mystère, à la différence
de Baha'u'llah dont le covenant, clairement défini, a
été incorporé dans un testament écrit tout spécialement
et qu'il intitula Le Livre de mon Covenant, le Bab choisit d'intercaler
dans son livre de lois, le Bayan persan, de nombreux passages, certains
volontairement obscurs, la plupart incontestablement clairs et décisifs,
dans lesquels il fixe la date de la révélation promise, célèbre
les vertus de cette révélation, affirme son caractère
de prééminence, lui assigne des pouvoirs et des prérogatives
sans limites, et abat toutes les barrières qui pourraient empêcher
de la reconnaître. "En vérité", a déclaré
Baha'u'llah faisant allusion au Bab dans son Kitab-i-Badi',
"il n'a pas failli à son devoir d'exhorter le peuple du Bayan
et de lui transmettre son message. Nulle époque et nulle dispensation
n'entendirent une manifestation parier avec tant de détails, et en
un langage aussi explicite, de la manifestation destinée à lui
succéder." [...] Page 27 Le Bab prépara assidûment quelques-uns de ses disciples
à recevoir la révélation imminente. A d'autres, il assura
de vive voix qu'ils vivraient pour voir son avènement. A Mullà
Bàquir, une des Lettres du Vivant, il annonça positivement,
dans une tablette, qu'il rencontrerait le Promis face à face. A un
autre disciple, Sayyah, il fit verbalement la même affirmation.
11 envoya Mullà Husayn à Tihran, lui assurant que, dans
cette ville, se trouvait un mystère rayonnant d'une lumière
avec laquelle ni Hijàz ni Shiraz ne pouvaient rivaliser. Quddùs,
à la veille de leur séparation définitive, reçut
de lui la promesse qu'il atteindrait la présence de celui qui était
l'unique objet de leur adoration et de leur amour. Au Shaykh Hasan-i Zunùzi
il déclara, alors qu'il se trouvait à Màh-Kù,
qu'il contemplerait, à Karbilà, le visage du Promis Husayn.'
A Dayyan il conféra le titre de " troisième Lettre à
croire en Celui que Dieu rendra manifeste " tandis qu'à 'Azim il divulgua,
dans le Kitab-i-Panj-Sha'n*, le nom de celui qui devait parachever
sa propre révélation, et annonça l'approche de son avènement. Le Bab ne nomma jamais de successeur ni de vice-gérant et il
s'abstint de désigner un interprète de ses enseignements. Ses
allusions au Promis furent si claires et si transparentes, si brève
fut la durée de sa propre dispensation que ni successeur ni interprète
ne furent jugés nécessaires. Tout ce qu'il fit, d'après
le témoignage d'Abdu'l-Baha dans A Traveller's Narrative fut
de désigner simplement Mirza Yahya comme tête de
file, sur le conseil de Baha'u'llah et d'un autre disciple,
en attendant la manifestation du Promis, permettant ainsi à Baha'u'llah
de promouvoir, dans une sécurité relative, la cause si chère
à son coeur. [...] Page 28 Faisant allusion au Promis dans le Bayan, le Bab affirme: "Du
commencement à la fin, le Bayan est le dépositaire de
tous ses attributs et des trésors de sa flamme et de sa lumière.
Il " Si tu parviens jusqu'à sa révélation 'Il déclare-t-il
en une autre occasion, "et si tu lui obéis, tu auras découvert
le fruit du Bayan. Sinon, tu ne mérites pas d'être mentionné
devant Dieu." Dans ce même livre, il met ainsi en garde tous ses disciples:
"O peuple du Bayan, n'agissez pas comme le peuple du Qur'an, car alors
les fruits de votre nuit* seront réduits d néant. Ne laissez
pas ce Bayan, et tout ce qu'il contient Il, enjoint-il énergiquement
"vous cacher cette essence de l'Etre, ce Seigneur du visible et de l'invisible.
'Prenez garde, prenez garde", dit-il à Vahid, lui adressant cet avertissement
significatif, "de crainte qu'aux jours de sa révélation, la
vàhid du Bayan, (les dix-huit Lettres du Vivant et le Bab)
ne vous sépare de lui comme par un voile, attendu que cette vàhid
n'est qu'une créature à ses yeux" Et encore: " 0 confrérie
des fidèles du Bayan, et de tous ceux qui en font partie! Acceptez
les limites qui vous sont imposées, car un être tel que le Point*
du Bayan, lui-même a cru en Celui que Dieu rendra manifeste,
avant que toutes choses ne fussent créées. C'est véritablement
de cela que je me glorifie, devant tous ceux qui sont dans le royaume des
cieux et sur la terre." "Dans l'année neuf*", a-t-il écrit de manière explicite,
faisant allusion à la date de l'avènement de la révélation
promise, "vous atteindrez au bien suprême". "Dans l'année neuf,
vous arriverez à la présence de Dieu." Et plus loin: "Après
hin* (68), une cause vous sera révélée que vous serez
amenés à connaître." Il a déclaré plus particulièrement:
"Ce n'est qu'après l'expiration de neuf années après
la naissance de cette cause que les réalités des choses créées
seront rendues manifestes. Tout ce que tu as vu jusqu'ici n'est que la phase
qui commence avec le germe humide et continue jusqu'à ce que Nous l'ayons
revêtu de chair. Sois Patient jusqu'à ce que tu contemples une
nouvelle création. Dis: Que Dieu, le Créateur parfait par excellence,
en soit béni. Il " Attends 'Il déclare-t-il à 'Azim,
"jusqu'à l'expiration de neuf années après la révélation
du Bayan, Puis proclame: 'Pour cela, béni soit Dieu, le Créateur
parfait entre tous'. Il Faisant allusion dans un passage remarquable à
l'an dix-neuf, il a donné cet avertissement: " Soyez vigilants depuis
la naissance de la révélation jusqu'au nombre de vàhid
(19) Le Seigneur du jour du règlement", a-t-il déclaré
d'une manière encore plus explicite, "sera manifesté à
la fin de vàhid (19) et au commencement de quatre-vingts (1280 A.H.*)."
"S'il devait apparaître en cet instant même", a-t-il affirmé
dans son ardeur à assurer que l'imminence de la révélation
promise ne devait pas écarter les hommes du Promis, "je serais le premier
à l'adorer et à me prosterner devant lui." [...] Page 29 Il fait ainsi l'apologie de l'auteur de la révélation attendue:
"Parlant de lui, ces mots, tels de précieux joyaux, ont coulé
de ma plume: Ni allusion venant de moi ni mention quelconque faite dans le
Bayan, ne peuvent l'évoquer." "Moi-même, je ne suis que
le premier serviteur à croire en lui et en ses signes... Il "Le germe
d'une année", affirme-t-il de manière significative, "qui porte
en lui-même le potentiel de la révélation à venir,
est doué d'un pouvoir supérieur aux forces combinées
du Bayan, tout entier." Et encore: " Le Bayan, tout entier n'est
qu'une feuille parmi les feuilles de son paradis." `Il est préférable
pour toi", affirme-t-il de même, "de ne réciter qu'un seul des
versets de Celui que Dieu rendra manifeste plutôt que de copier tout
le Bayan, car en ce jour-là, ce seul verset pourra le sauver,
alors que tout le Bayan, ne le pourrait pas. Il "Aujourd'hui, le Bayan,
en est à la période des semailles; au début de la manifestation
de Celui que Dieu rendra manifeste, sa perfection finale apparaîtra.
Le Bayan, puise toute sa gloire de Celui que Dieu rendra manifeste."
- Tout ce qui a été révélé dans le Bayan,
n'est qu'une bague à mon doigt, et en vérité je ne suis
moi-même qu'une bague au doigt de Celui que Dieu rendra manifeste...
Il la tourne comme il lui plaît, pour ce qu'il lui plaît et de
la manière qui lui plaît." -Il est en vérité le
protecteur dans le danger, le sublime." "La Certitude elle-même," a-t-il
déclaré en réponse à Vahid et à l'une des
Lettres du Vivant qui s'étaient informés au sujet du Promis,
"la Certitude elle-même est remplie de honte d'être appelée
à témoigner de sa vérité... et l'Attestation elle-même
est confuse de rendre témoignage de lui." S'adressant à ce même
Vahid, il a affirmé en outre: "Si j'étais sûr qu'au jour
de sa manifestation tu le renies, je te désavouerais, sans hésiter
... Si, par ailleurs, on me disait qu'un chrétien, qui n'adhère
pas à ma foi, croit en lui, je considérerais ce dernier comme
la prunelle de mon oeil." Et finalement c'est son émouvante invocation à Dieu: "Sois
témoin que, par ce livre, j'ai conclu une alliance avec toutes choses
créées, concernant la mission de Celui que tu rendras manifeste;,
avant d'établir le covenant concernant ma propre mission. Tu es un
témoin suffisant, de même que ceux qui ont cru en tes signes."
"En vérité je n'ai pas failli à mon devoir d'avertir
ce peuple. . . 'Il atteste-t-il encore par écrit: "Si, au jour de sa
révélation, tous ceux qui sont sur terre lui prêtent serment,
la joie entrera au plus profond de mon être puisque tous auront atteint
le sommet de leur existence ... Sinon, mon âme sera dans la tristesse.
J'ai véritablement préparé toutes choses avec soin dans
ce but. Aussi, comment pourrait-il être voilé pour qui que ce
soit? Il Les trois dernières années, les plus fertiles en événements
du ministère du Bab, avaient été témoins
- comme nous l'avons fait remarquer dans les pages précédentes
-, non seulement de la déclaration officielle et publique de sa mission,
mais encore d'une multiplication sans précédent de ses écrits
inspirés, y compris la révélation des lois fondamentales
de sa dispensation et aussi la mise au point de ce covenant plus restreint
qui devait sauvegarder l'unité de ses fidèles, et préparer
l'avènement d'une révélation incomparablement plus puissante.
Ce fut pendant cette même période, au début de son internement
dans la forteresse de Chihriq, que l'indépendance de la foi nouvellement
née fut ouvertement reconnue et affirmée par ses disciples.
Les lois soutenant la nouvelle dispensation avaient été révélées
par son auteur dans une prison fortifiée des montagnes de l'Adhirbàyjàn,
mais la dispensation elle-même allait être inaugurée, à
présent, au cours d'une conférence de ses fidèles, rassemblés
dans une plaine, à la frontière du Mazindaran. [...] Page 30 Baha'u'llah, gardant un contact étroit avec le Bab
par une correspondance continue, constituant lui-même la force directrice
cachée derrière les activités multiples de ses laborieux
condisciples, présida cette conférence, d'une manière
discrète mais pourtant effective, et il en guida et contrôla
les développements. Quddùs, considéré comme l'élément
conservateur dans cette assemblée, et conformément à
un plan préconçu, destiné à atténuer les
alarmes et la consternation qu'une telle conférence ne pouvait manquer
de produire, affecta de s'opposer aux vues apparemment extrémistes
soutenues par l'impétueuse Tàhirih. Le but principal de cette
réunion était de rendre effective la révélation
du Bayan par une rupture soudaine, complète et dramatique avec
le passé, avec son organisation, son sacerdoce, ses traditions et ses
cultes. Le but secondaire était d'examiner les moyens de délivrer
le Bab de sa cruelle détention à Chihriq. Le premier
objectif réussit pleinement; le second était destiné,
dès le début, à échouer. La scène d'une proclamation aussi hardie et d'une telle portée
fut le hameau de Badasht où Baha'u'llah avait loué,
au milieu d'un agréable site, trois jardins dont il attribua le premier
à Quddùs, le second à Tàhirih, se réservant
le troisième pour lui-même. Les quatre-vingt-un disciples rassemblés,
venus de diverses provinces, furent ses hôtes, depuis le jour de leur
arrivée jusqu'au jour où ils se séparèrent. Pendant
chacune des vingt-deux journées de son séjour dans ce hameau,
il révéla une tablette qui fut chantée en présence
des croyants réunis. A chaque croyant, il attribua un nouveau nom,
sans toutefois dévoiler l'identité de celui qui l'avait octroyé.
Lui-même fut désigné désormais par le nom de Baha.
La dernière Lettre du Vivant reçut le nom de Quddùs,
tandis que Qurratu'l'Ayn recevait le titre de Tàhirih. C'est par ces
noms qu'ils furent tous appelés par le Bab, dans les tablettes
qu'il révéla à chacun d'entre eux. [...] Page 31 Ce fut Baha'u'llah qui, fermement, avec sûreté
quoique sans éveiller les soupçons, dirigea le cours de cette
séance mémorable, et ce fut lui qui mena la réunion jusqu'à
son point final et dramatique. Un jour, en sa présence, alors que la
maladie l'avait contraint à garder le lit, Tàhirih, considérée
comme le symbole magnifique et sans tache de la chasteté et comme l'incarnation
de la sainte Fàtimih, apparut soudain, parée et sans voile,
devant les compagnons rassemblés, s'assit à la droite de Quddùs,
effrayé et furieux, puis, déchirant par ses paroles enflammées
les voiles qui protégeaient la sainteté des ordonnances de l'islam,
fit retentir l'appel et proclama l'instauration d'une nouvelle dispensation.
L'effet en fut instantané et foudroyant. Elle, une créature
d'une pureté tellement immaculée, si révérée,
que regarder son ombre même était considéré comme
un acte inconvenant, parut, pendant un moment, s'être perdue de réputation
aux yeux des assistants scandalisés, avoir jeté l'opprobre sur
la foi qu'elle avait épousée, et souillé l'immortelle
figure qu'elle symbolisait. La crainte, la colère, l'ahurissement balayèrent
le fond de leurs âmes et annihilèrent leurs facultés.
'Abdu'l-Khàliq-i-Isfàhàni, stupéfait et perdant
la raison devant un tel spectacle, se coupa la gorge de ses propres mains.
Eclaboussé de sang et dans une excitation frénétique,
il s'enfuit de sa vue. Quelques-uns, abandonnant leurs compagnons, renièrent
leur foi. D'autres se tinrent muets et pétrifiés devant elle.
D'autres encore, le coeur battant, devaient se rappeler la tradition islamique
qui prédisait l'apparition, sans voile, de Fàtimih elle-même,
tandis qu'elle traversait le pont (Sirat) au jour promis du jugement. Quddùs,
muet d'indignation, semblait seulement attendre le moment de pouvoir la frapper
avec l'épée qu'il avait justement à la main. Sans se troubler, imperturbable et débordante de joie, Tàhirih
se leva et, sans la moindre préparation, dans un langage ressemblant
d'une manière frappante à celui du Qur'an, elle lança
un éloquent et fervent appel au reste de l'assemblée, appel
qu'elle termina par cette affirmation hardie: "je suis la parole que le Qà'im
doit prononcer, la parole qui mettra en fuite les nobles et les chefs de la
terre! " Là-dessus, elle les invita à s'embrasser et à
fêter une aussi grande circonstance. En ce jour mémorable, le "clairon" mentionné dans le Qur'an
résonna, le "coup de trompette assourdissant" retentit avec force,
et la "catastrophe" vint à passer. Les jours qui suivirent immédiatement
un abandon aussi étonnant des traditions de l'islam, consacrées
par l'usage, furent témoins d'une véritable révolution
dans l'aspect, les coutumes, les rites et la forme du culte de la part de
ceux qui avaient été, jusque-là, les observateurs zélés
et dévoués de la loi de Muhammad. Malgré l'agitation
qui régna, du commencement jusqu'à la fin de la réunion,
malgré la regrettable dissidence de quelques-uns, qui refusèrent
d'approuver l'annulation des ordonnances fondamentales de la foi islamique,
son but fut complètement et glorieusement atteint. Quatre ans seulement
s'étaient écoulés depuis que l'auteur de la révélation
babi avait fait part de sa mission à Mullà 1jusayn, dans l'intimité
de sa demeure, à Shiraz. Trois ans après cette déclaration,
entre les murs de la prison-fortifiée de Màh-Kù, il dictait
à son secrétaire les préceptes fondamentaux et distinctifs
de sa dispensation. Une année plus tard ses fidèles, sous la
conduite effective de Baha'u'llah, leur condisciple, abrogeaient
eux-mêmes, dans le hameau de Badasht, la loi coranique, rejetant à
la fois les préceptes d'ordonnance divine et les règles faites
par l'homme dans la foi de Muhammad, s'affranchissant ainsi des entraves de
son organisation périmée. Presque immédiatement après,
le Bab lui-même, encore en prison, justifia les actes de ses
disciples en affirmant, formellement et sans réserve, sa prétention
d'être le Qà'im promis, ceci en présence de l'héritier
du trône, des dirigeants de la communauté shaykhi et des plus
célèbres dignitaires ecclésiastiques rassemblés
dans la capitale de l'Adhirbàyjàn. [...] Page 32 Un peu plus de quatre années s'étaient écoulées
depuis la naissance de la révélation du Bab, quand retentit
le son de la trompette annonçant l'extinction officielle de l'ancienne
dispensation et l'inauguration de la nouvelle. Ni pompe ni apparat ne marquèrent
un tournant aussi important dans l'histoire religieuse du monde. Et son cadre
modeste n'était pas à la mesure d'une libération aussi
soudaine, aussi bouleversante et aussi complète du joug des puissances
obscures et militantes du fanatisme, de la prêtrise, de l'orthodoxie
religieuse et de la superstition. Les troupes rassemblées se composaient
d'une simple femme et d'une poignée d'hommes recrutés, pour
la plupart, dans les rangs mêmes de ceux qu'ils attaquaient et dépourvus,
à quelques exceptions près, de biens, de prestige et de pouvoir.
Le capitaine de cette armée manquait lui-même à l'appel,
prisonnier de ses ennemis. L'arène était un tout petit hameau
dans la plaine de Badasht, à la frontière du Mazindaran.
Le sonneur de clairon était une femme seule, la plus noble de toutes
dans cette dispensation, que certains de ses coreligionnaires mêmes
qualifièrent d'hérétique. L'appel qu'elle fit retentir
fut le glas funèbre de la loi de l'islam, vieille de douze cents
ans. Accéléré, vingt ans plus tard, par une autre sonnerie
de trompette annonçant l'élaboration des lois d'une autre dispensation
encore, l'ampleur de ce processus de désintégration, solidaire
des fortunes déclinantes d'une loi surannée, quoique divinement
révélée, s'accentua encore, provoqua, plus tard, en Turquie,
l'annulation de la loi canonique de l'islam, et conduisit à
l'abandon virtuel de cette loi dans la Perse shiite*. Plus récemment,
en Egypte, ce même processus a provoqué la séparation
entre l'organisation conçue dans le Kitab-i-Aqdas et la loi
ecclésiastique sunnite en Egypte; il a préparé le chemin
à l'acceptation de cette organisation en Terre sainte même, et
il est destiné à parvenir à son objectif suprême
par la sécularisation des Etats musulmans ainsi que par la reconnaissance
universelle de la loi de Baha'u'llah par toutes les nations,
loi qui régnera sur le coeur de tous les peuples du monde musulman.
CHAPITRE II: Emprisonnement du Bab dans l'Adhirbàyjàn