DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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2ième Période: Ministère de Baha'u'llah (1853-1892) [...] Page 85 La succession d'événements désastreux qui, coup sur
coup, suivit le funeste attentat contre la vie du shah Nàsiri'd-Din
marque, comme on l'a déjà observé, la fin de la dispensation
babi et clôt le chapitre initial, le plus sombre et le plus sanglant
dans l'histoire du premier siècle baha'i. Une période
de tribulations sans fin avait été amorcée par ces événements
au cours desquels la prospérité de la foi proclamée par
le Bab déclina au maximum. En effet, dès son début
même, épreuves, vexations, revers et déceptions, dénonciations,
trahisons et massacres avaient contribué, suivant un crescendo sans
cesse grandissant, à décimer les rangs de ses partisans, à
éprouver au maximum la loyauté de ses défenseurs les
plus vaillants, et avaient failli réussir à détruire
les fondations sur lesquelles elle reposait. Depuis sa naissance, le gouvernement, le clergé et le peuple s'étaient
dressés comme un seul homme contre cette foi, vouant une hostilité
éternelle à sa cause. Le shah Muhammad, aussi faible
d'esprit que de volonté et cédant aux pressions, avait rejeté
les avances que le Bab lui-même lui avait faites; il avait refusé
de le rencontrer face à face et lui avait même interdit l'accès
de la capitale. Le jeune shah Nàsiri'd-Din, de nature impérieuse
et cruelle, avait toujours, en tant que prince héritier et aussi de
souverain régnant, fait preuve de l'hostilité la plus âpre,
laquelle devait, à une époque ultérieure de son règne,
s'épanouir dans toute sa sombre et impitoyable férocité.
Le perspicace et puissant mu'tamid, seul et unique personnage qui aurait pu
accorder au Bab le soutien et la protection dont il avait si désespérément
besoin, lui fut enlevé par une mort soudaine. Le shérif de la
Mecque qui, par l'intermédiaire de Quddùs, avait été
mis au courant de la nouvelle révélation à l'occasion
du pèlerinage du Bab à La Mecque, avait fait la sourde
oreille au message divin, et reçu celui qui l'apportait avec une sèche
indifférence. La réunion prévue, qui aurait dû
avoir lieu dans la cité sainte de Karbilà, au cours du voyage
du Bab revenant de Hijàz, dut être définitivement
annulée, à la déception de ses fidèles qui avaient
attendu impatiemment son arrivée. Les dix-huit Lettres du Vivant, piliers
principaux qui étayaient les jeunes forces de la foi, avaient succombé
pour la plupart. Les " miroirs ", les " guides ", les "témoins" constituant
la hiérarchie Babi avaient été soit passés
par l'épée, soit chassés de leur pays natal, ou bien
matraqués pour les réduire au silence. Le programme dont les
caractéristiques essentielles avaient été communiquées
aux plus éminents d'entre eux n'avait pas été exécuté
la plupart du temps, en raison de leur zèle excessif. Les tentatives
faites par deux de ces disciples pour établir la foi en Turquie et
aux Indes avaient manifestement échoué au début même
de leur mission. Les tempêtes qui avaient balayé Mazindaran,
Nayriz et Zanjàn, qui avaient détruit dans l'oeuf les carrières
pleines de promesses du vénéré Quddùs, de Mullà
Husayn - au coeur de lion -, de l'érudit Vahid et de l'indomptable Hujjat,
avaient également abrégé la vie d'une proportion alarmante
des plus doués et des plus vaillants de leurs compagnons. Les effroyables
violences qui accompagnèrent la mort des Sept-Martyrs de Tihran
avaient encore provoqué la disparition d'un autre symbole vivant de
la foi qui, en raison de son étroite parenté et de son association
intime avec le Bab, autant que par la vertu de ses qualités
naturelles, aurait pu, s'il avait survécu, contribuer à la protection
et au progrès d'une cause engagée dans la lutte. [...] Page 86 La tempête qui éclata par la suite avec une violence sans précédent
sur une communauté déjà réduite à merci,
l'avait en outre privée de sa plus grande héroïne, l'incomparable
Tàhirih, encore dans le plein épanouissement de ses succès.
Elle avait réglé le sort de Siyyid Husayn, le secrétaire
du Bab, homme de confiance et dépositaire choisi de ses dernières
volontés. Elle avait fait disparaître Mullà 'Abdu'l-Karim-i
Qasvini, reconnu comme l'un des rares qui puisse prétendre posséder
une connaissance profonde des origines de la foi, et elle avait jeté
au cachot Baha'u'llah, le seul survivant parmi les figures éminentes
de la nouvelle dispensation. Le Bab - la source vive d'où s'étaient
déversées les énergies vivifiantes d'une révélation
nouvellement née - avait lui-même succombé avant le déchaînement
de cet ouragan, en des circonstances poignantes, aux salves d'un peloton d'exécution,
laissant derrière lui, comme chef titulaire d'une communauté
presque disloquée, un simple chef de file, timide à l'extrême,
d'un bon naturel mais sensible à la moindre influence, dénué
de toute qualité majeure, et qui maintenant (privé de la main
directrice de Baha'u'llah, le véritable chef), déguisé
en derviche, cherchait à atteindre la protection des montagnes de sa
province natale de Mazindaran contre les attaques menaçantes
d'un ennemi mortel. Les écrits volumineux du fondateur de la foi, sous
forme de manuscrits dispersés, non classés, mal copiés
et conservés sans soin, furent en partie, par suite de la fièvre
et des troubles de l'époque, soit délibérément
détruits ou confisqués, soit expédiés en hâte
dans des cachettes sûres, hors du pays où ils avaient été
révélés. De puissants adversaires, parmi lesquels dominait
l'hypocrite Hàji Mirza Karim Khàn à l'ambition
démesurée, qui, dans un traité écrit à
la demande particulière du shah, avait méchamment attaqué
la foi nouvelle et ses doctrines, venaient de relever la tête et, enhardis
par les revers qu'elle avait essuyés, l'accablaient d'insultes et de
calomnies. De plus, sous la pression d'intolérables circonstances,
quelques Babis furent contraints de renier leur foi, tandis
que d'autres allèrent jusqu'à l'apostasie et se joignirent aux
rangs de l'ennemi. Et voici que, maintenant, s'ajoutait à toutes ces
cruelles infortunes une monstrueuse calomnie résultant de l'acte de
violence perpétré par une poignée d'enthousiastes irresponsables,
stigmatisant une foi sainte et innocente d'une infamie qui paraissait ineffaçable,
et qui menaçait d'en saper les fondations. [...] Page 87 Et malgré tout, le feu qu'avait allumé la main de la Toute-Puissance,
quoique étouffé par le torrent de tribulations déchaînées
sur lui, ne s'était pas éteint. La flamme qui avait brûlé
pendant neuf ans avec une intensité si éclatante était
certes momentanément éteinte, mais les cendres ardentes, laissées
derrière elle par cette vaste conflagration, luisaient encore; elles
étaient destinées à s'embraser de nouveau, dans un proche
avenir, au contact des brises revivifiantes d'une révélation
incomparablement plus grande, et à répandre une clarté
qui, non seulement dissiperait les ténèbres environnantes, mais
projetterait son rayonnement jusqu'aux confins des hémisphères
oriental et occidental. De même que la captivité forcée
du Bab et son isolement lui avaient fourni, d'une part, l'occasion
de formuler sa doctrine, d'exposer toute la signification de sa révélation,
de dévoiler officiellement et publiquement son rang et d'établir
son covenant, et avaient contribué, d'autre part, à faire proclamer
les lois de sa dispensation, par la bouche de ses disciples réunis
à Badasht, de même la crise, d'une ampleur sans précédent,
qui se termina par l'exécution du Bab et l'emprisonnement de
Baha'u'llah, se révéla comme le prélude
d'une renaissance qui, par la force stimulante d'une révélation
beaucoup plus puissante, devait immortaliser la renommée du message
originel du prophète de Shiraz, et l'établir sur des
bases encore plus solides, bien au-delà des confins de sa terre natale. Au moment où la cause du Bab semblait à la veille de
l'extinction, où les espérances et les ambitions qui l'animaient
avaient disparu aux yeux des humains, où les énormes sacrifices
effectués par ses adorateurs innombrables paraissaient vains, la promesse
divine que renfermait cette cause était prête à s'accomplir
tout à coup, et sa perfection définitive à se manifester
mystérieusement. La dispensation Babi touchait à
sa fin (non pas prématurément mais à son heure fixée),
portait son fruit attendu, et révélait son but ultime: la naissance
de la mission de Baha'u'llah. En cette heure des plus sombres
et des plus redoutables, une nouvelle lumière allait jaillir dans sa
gloire, sur l'horizon obscur de la Perse. Comme un aboutissement de ce qui
était, en fait, un processus d'évolution et de mûrissement,
la période la plus importante, sinon la plus spectaculaire de l'âge
héroïque de la foi, allait bientôt s'ouvrir. [...] Page 88 Pendant neuf ans, comme l'avait prédit le Bab lui-même,
d'une manière rapide, mystérieuse et irrésistible, la
foi embryonnaire qu'il avait conçue s'était développée,
jusqu'à ce qu'à l'heure fixée, le fruit mûr de
la cause promise par Dieu soit jeté dans les ténèbres
et l'angoisse du Siyah-Chàl, à Tihran. " Considère",
a déclaré Baha'u'llah lui-même quelques
années plus tard, pour réfuter les prétentions de ceux
qui avaient nié la validité de sa mission suivant de si près
celle du Bab, " considère comme, immédiatement après
l'expiration de la neuvième année de cette merveilleuse, de
cette très sainte et miséricordieuse dispensation, le nombre
requis d'âmes pures, entièrement consacrées et sanctifiées,
a été atteint dans le plus grand secret." " Le fait qu'un intervalle
si court", a-t-il encore affirmé, "ait séparé cette merveilleuse
et très puissante révélation de ma propre manifestation
antérieure est un secret qu'aucun homme ne peut percer, et un mystère
tel qu'aucun esprit ne peut le sonder. Sa durée avait été
ordonnée à l'avance." Saint jean le divin avait, en se référant à ces deux
révélations successives, prophétisé avec clarté:
" Le second malheur est passé et voici, le troisième malheur
vient bientôt."' "Ce troisième malheur", explique 'Abdu'l-Baha,
commentant ce verset, "est le jour de la manifestation de Baha'u'llah,
le jour de Dieu, et il est proche de celui de l'apparition du Bab." " Tous
les peuples du monde", affirme-t-il encore, "attendent deux manifestations
qui doivent être contemporaines; tous attendent la réalisation
de cette promesse." Et encore: "Le fait essentiel, c'est que deux manifestations
sont promises à tous, et elles viendront l'une après l'autre."
Shaykh Ahmad-i-Ahsà'i, cette lumineuse étoile de la direction
divine qui avait si clairement perçu, avant l'année soixante,
la gloire imminente de Baha'u'llah, et qui avait insisté
sur le fait que "les deux révélations jumelles devaient se suivre
à un court intervalle", Shaykh Ahmad avait, pour sa part, fait cette
déclaration significative concernant l'heure imminente de cette révélation
suprême, dans une épître écrite de sa propre main
à Siyyid Kàzim: "Le mystère de cette cause doit nécessairement
être révélé, et le secret de ce message doit nécessairement
être divulgué. je ne puis en dire davantage. Je ne puis fixer
de date. Sa cause sera publiquement connue après hin (68)." Les circonstances dans lesquelles l'auteur de cette révélation
nouvellement éclose - succédant avec une telle rapidité
à celle du Bab - reçut la première annonce relative
à sa mission sublime rappelant, et dépassant même, le
caractère poignant de l'expérience qui bouleversa l'âme
de Moïse, face au buisson ardent, dans la solitude du Sinaï, de
Zoroastre lorsqu'il prit conscience de sa mission à la suite de sept
visions, de jésus lorsqu'en sortant des eaux du Jourdain, il vit les
cieux s'entrouvrir et le Saint-Esprit descendre sous forme d'une colombe qui
se posa sur lui, de Muhammad lorsque, dans la grotte de Hira, hors de la cité
sainte de La Mecque,' la voix de Gabriel lui commanda: " Crie au nom de ton
Seigneur ", et du Bab qui, en rêve, s'approcha de la tête
sanglante de l'Imàm Husayn, et buvant le sang qui s'égouttait
de sa gorge lacérée, s'éveilla, pour se découvrir
lui-même le destinataire choisi de la grâce débordante
du Tout Puissant. [...] Page 89 A ce point critique, il est permis de se demander quelles étaient
la nature et les implications de cette révélation qui, paraissant
si peu de temps après la déclaration du Bab, abolissait
d'un coup la dispensation si récemment proclamée par cette foi
et soutenait, avec tant de véhémence et de force, l'autorité
divine de son auteur. Il est permis de s'arrêter pour examiner quelles
étaient les revendications de celui qui, alors disciple du Bab,
s'était considéré, à un stade aussi jeune, comme
ayant reçu lui même le pouvoir d'abroger la loi établie
par son maître bien-aimé. On peut se demander en outre quelle
pouvait être la relation existant entre les organisations religieuses
créées avant lui et sa propre révélation, révélation
qui, engendrée en cette heure de grand péril, par son esprit
laborieux, transperça les ténèbres amassées sur
cette fosse pestilentielle et, traversant ses murs pour se propager jusqu'aux
confins de la terre, communiqua au corps entier de l'humanité ses potentialités
illimitées et dirige, actuellement, sous nos yeux mêmes, l'évolution
de la société humaine. Celui qui, dans des circonstances aussi dramatiques, fut amené à
soutenir le poids écrasant d'une aussi glorieuse mission n'était
autre que celui que la postérité acclamera, et que d'innombrables
partisans reconnaissent déjà, comme le juge, le législateur
et le rédempteur de toute l'humanité, comme l'organisateur de
la planète tout entière, l'unificateur des enfants des hommes,
l'inaugurateur du millénaire tant attendu, le promoteur d'un nouveau
" cycle universel ", le fondateur de la très grande paix, la source
de la très-haute justice, le proclamateur de la majorité de
toute la race humaine, le créateur d'un nouvel ordre mondial, l'inspirateur
et le fondateur d'une civilisation mondiale. Pour Israël, il n'était ni plus ni moins que la personnification
du "Père éternel', du "Seigneur des armées " descendu
"avec dix mille saints", pour la chrétienté le Christ, revenant
"dans la gloire du Père", pour l'islam shi'ah le retour de l'Imàm
Husayn, pour l'islam sunnite la descente de "l'Esprit de Dieu" (Jésus-Christ),
pour les zoroastriens le Shah Bahràm promis, pour les hindous
la réincarnation de Krishna, et pour les bouddhistes le cinquième
Bouddha. [...] Page 90 Le nom qu'il portait alliait celui de l'Imàm Husayn, le plus illustre
des successeurs de l'Apôtre de Dieu - la plus brillante "étoile"
scintillant sur la "couronne" dont parle la révélation de saint
jean - à celui de l'Imàm 'Ali, le Commandeur des croyants, second
des deux "témoins" exaltés dans ce même livre. Il fut
officiellement désigné par le nom de Baha'u'llah,
appellation spécifiquement mentionnée dans le Bayan persan,
qui signifie à la fois la Gloire, la Lumière et la Splendeur
de Dieu, et reçut les titres de " Seigneur des seigneurs ", " très
grand Nom ", " ancienne Beauté ", " Plume du Très-Haut ", "
Nom caché ", " Trésor préservé ", " Celui que
Dieu manifestera", "Lumière sublime", "Horizon le plus élevé",
CC très grand Océan ", " Ciel suprême ", " Racine préexistante
", " Celui qui subsiste par lui-même ", " Etoile diurne de l'univers
", " grande Annonce ", " Celui qui parla sur le Sinaï ", " Examinateur
des hommes " Opprimé du monde ", " Désir des nations ", " Seigneur
du covenant ", Arbre au-delà duquel on ne passe pas". Il descendait,
d'une part, d'Abraham (le Père des croyants) par sa femme Ketura et,
d'autre part, de Zoroastre ainsi que de Yazdigird, le dernier roi de la dynastie
des Sassanides. De plus, il descendait de Jessé et, par son père
Mirza Abbas, plus connu sous le nom de Mirza Buzurg -
gentilhomme faisant partie des cercles gouvernementaux de la cour du shah
Fath-'Ali -, il appartenait à l'une des familles les plus anciennes
et les plus illustres de Mazindaran. Esaïe, le plus grand des prophètes juifs, fait allusion à
lui en ces termes: la " Gloire du Seigneur", le " Père éternel',
le " Prince de la paix ", l' " Admirable ",' le " Conseiller ", le " Rameau
sorti du tronc de Jessé " et la " Branche issue de ses racines ", qui
" sera établi sur le trône de David ", qui " viendra avec une
main ferme", qui "jugera les nations", qui "frappera la terre par le glaive
de sa parole ", qui, " du souffle de ses lèvres, tuera le méchant
", et qui " rassemblera les exilés d'Israël et réunira
les dispersés de Juda des quatre extrémités de la terre
C'est lui que David chante dans ses Psaumes, l'acclamant comme le " Seigneur
des armées " et le " Roi de gloire ". Aggée le mentionne comme
le "Désir de toutes les nations " et Zacharie comme la " Branche "
qui " sortira de ses racines", et qui "construira le temple du Seigneur" .
Ezéchiel l'a célébré comme le "Seigneur" qui "sera
roi de toute la terre", tandis que Joël et Sophonie font tous deux allusion
à son jour comme au "jour de Jéhovah ", le second le décrivant
comme un, "jour de fureur, un jour de détresse et d'angoisse, un jour
de ravage et de destruction, un jour de ténèbres et d'obscurité,
un jour de nuées et de brouillards, un jour où retentiront la
trompette et les cris de guerre contre les villes fortifiées et les
tours élevées". [...] Page 91 De plus, Ezéchiel et Daniel acclament tous deux son jour comme le
"jour de Dieu", et Malachie le décrit comme "le grand et terrible jour
du Seigneur" où "le Soleil de la justice se lèvera, avec la
guérison sous ses ailes", tandis que Daniel déclare que son
avènement marquera la fin de " l'abomination de la désolation". C'est la dispensation de Baha'u'llah que mentionnent les livres
sacrés des disciples de Zoroastre, dispensation au cours de laquelle
le soleil doit nécessairement rester immobile pendant au moins un mois
entier. C'est de lui que Zoroastre a voulu parler lorsque, d'après
la tradition, il prédit qu'une période de trois mille ans de
conflits et de discordes devra obligatoirement précéder l'avènement
de Shah Bahràm, le sauveur du monde, qui triomphera d'Ahriman
et ouvrira une ère de bénédictions et de paix. C'est de lui seul qu'il s'agit dans la prophétie attribuée
à Gautama Bouddha, d'après laquelle "un Bouddha nommé
Maytreya, le Bouddha de la fraternité universelle" se lèvera
quand les temps seront accomplis, et révélera "sa gloire infinie".
C'est lui que désigne la Bhagavad-Gita des hindous sous les noms de
" très grand Esprit ", de " dixième Avatar " et de "Manifestation
immaculée de Krishna". Jésus-Christ parle de lui comme du "prince de ce monde", du "consolateur"
qui " convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice
et le jugement ",' de " l'Esprit de vérité " qui " vous conduira
dans toute la vérité ", qui " ne parlera pas de lui-même,
mais qui dira tout ce qu'il aura entendu" comme du "Maître de la vigne
113 et du " Fils de l'homme " qui " viendra dans la gloire de son Père
", sur les nuées du ciel avec grande puissance et grande gloire ",
avec " tous les saints anges" autour de lui et "toutes les nations" rassemblées
devant son trône. L'auteur de l'Apocalypse le désigne comme "la
Gloire de Dieu", "l'Alpha et l'Oméga le Commencement et la Fin le Premier
et le Dernier ". De plus, identifiant sa révélation avec "le
troisième malheur", il célèbre sa loi comme "un nouveau
ciel et une nouvelle terre", comme "le tabernacle de Dieu", "la cité
sainte ", "la nouvelle Jérusalem venant de Dieu et descendue du ciel,
arrangée comme une épouse qui s'est parée pour son époux.
Jésus-Christ mentionne son jour comme celui de "la régénération,
lorsque le Fils de l'homme s'assoira sur le trône de sa gloire". Saint
Paul évoque l'heure de son avènement, à l'heure où
retentira la "dernière trompette", la "trompette de Dieu", tandis que
saint Pierre en parle comme du " jour de Dieu où les cieux enflammés
se dissoudront et où les éléments fondront sous une chaleur
ardente 11.7 C'est son jour qu'il décrit en outre comme "le temps du
renouveau", "le temps de la restitution de toutes choses dont Dieu a parlé
par la bouche de tous ses saints prophètes, depuis le commencement
du monde". [...] Page 92 C'est à lui que Muhammad, l'Apôtre de Dieu, fait allusion dans
son livre, l'appelant la -,grande Nouvelle", et déclarant que son jour
serait le jour où "Dieu descendra environné de nuages", le jour
où "viendront ton Seigneur ainsi que les anges, rang après rang",
où "l'Esprit S'élèvera et où les anges seront
alignés en ordre". Dans une sùrih de ce livre, qu'il intitule
le " coeur du Qur'an", Muhammad prédit son avènement comme
la venue du "troisième" messager, envoyé pour "renforcer" l'oeuvre
des deux précédents. Dans les pages de ce même livre,
il rend un brillant hommage à son jour, le célébrant
comme le grand jour, le dernier jour, le jour de Dieu, le jour du jugement,
le jour d'expiation, le jour de la duperie réciproque, le jour de la
séparation, le jour des soupirs, le jour de la rencontre, le jour "où
s'accomplira le décret", le jour où retentira la seconde "sonnerie
de trompette", le "jour où l'humanité se tiendra devant le Seigneur
du monde", et où "tous viendront à lui en toute humilité
", le jour où " tu verras les montagnes que tu croyais si solides,
disparaître avec un nuage qui passe ", le j cour " de la liquidation
", - le jour qui approche où le coeur des hommes leur remontera à
la gorge et les étouffera ", le jour où "tout ce qui est dans
les cieux et tout ce qui est sur la terre sera frappé de terreur, excepté
celui qu'il plaira à Dieu de sauver " ' le jour où "toute femme
qui allaite abandonnera son nourrisson, où toute femme enceinte sera
délivrée de son fardeau", le jour "où la terre sera illuminée
par la gloire de son Seigneur, où un livre nouveau sera ouvert, où
les prophètes se lèveront ainsi que les témoins, où
chacun sera jugé avec équité et où nul ne sera
lésé". Comme l'affirme Baha'u'llah lui-même, l'Apôtre
de Dieu compara encore la plénitude de sa gloire à la "Pleine
lune dans sa quatorzième nuit". Suivant le même témoignage,
l'Imàm 'Ali, Commandeur des croyants, l'a placé au même
rang que " Celui qui conversa avec Moïse à travers le buisson
ardent, sur le Sinaï". L'Imàm Husayn, toujours selon Baha'u'llah,
a rendu témoignage du caractère transcendant de sa mission,
la qualifiant de "révélation dont le Révélateur
sera Celui qui révéla" l'Apôtre de Dieu lui-même. A son sujet, Shaykh Ahmad-i-Ahsà'i, le héraut de la dispensation
Babi, qui avait annoncé les "étranges événements"
qui se produiraient "entre les années soixante et soixante-sept", et
qui avait affirmé d'une manière catégorique que sa révélation
était inévitable, comme indiqué précédemment,
ce shaykh écrit ce qui suit: "Le mystère de cette cause doit
nécessairement être manifesté, et le secret de ce message
obligatoirement divulgué. Je ne puis en dire davantage, je ne puis
fixer de date. Sa cause se fera connaître après hin (68)" (c'est-à-dire
quelque temps après). [...] Page 93 Siyyid Kàzim-i-Rashti, disciple et successeur de Shaykh Ahmad, écrit
de même: Il faut que le Qà'im soit mis à mort. Après
sa mort, le monde aura atteint l'âge de dix-huit ans." Dans son" Sharh-i-Qasidy-i-Làmiyyih
", il fait même allusion au nom de "Baha". Par ailleurs, comme
ses jours approchaient de leur fin, il déclara de façon significative
à ses disciples: "En vérité je dis qu'après le
Qà'im, le Qayyùm* sera rendu manifeste. Car lorsque l'étoile
du premier se sera couchée, le soleil de la beauté d'Husayn
se lèvera et illuminera toute la terre. Alors, le "mystère"
et le secret" dont a parlé Shaykh Ahmad se déploieront dans
toute leur gloire ... Avoir atteint ce jour des jours, c'est avoir atteint
à la gloire suprême des générations du passé,
et une seule bonne action accomplie en cette époque équivaut
à d'innombrables siècles de pieuse adoration." Le Bab célèbre Baha'u'llah de façon
non moins significative comme l'Essence de l'existence, la Pérennité
de Dieu, le Maître omnipotent, la " Lumière pourpre qui baigne
toutes choses", le "Seigneur du visible et de l'invisible", le seul But de
toutes les révélations antérieures, compris la révélation
du Qà'im lui-même ". Il le désigne formellement comme
" Celui que Dieu manifestera "; il fait allusion à lui comme à
l' "Horizon Abha" où lui-même vit et demeure. Dans son
oeuvre la lus connue, le Bayan persan, il mentionne son titre avec
précision, fait l'éloge de son "ordre", dévoile son nom
dans son allusion au "fils d'Ali, chef authentique et incontestable des hommes".
A plusieurs reprises, oralement et par écrit, il a fixé sans
aucun doute possible l'époque de sa révélation, et averti
ses disciples afin que le "Bayan et tout ce qu'il contient " ne les
" séparent pas " de lui' " comme par un voile". En outre, il déclare
qu'il est le "premier serviteur à croire en lui", qu'il lui a juré
fidélité " avant la création de toutes choses ", qu'
" aucune de ses allusions ne pourrait l'évoquer", que "le germe d'un
an, qui contient en lui les vertus cachées de la révélation
à venir, est doué d'une puissance supérieure toutes les
forces réunies du Bayan tout entier". Il a, de plus, clairement
affirmé qu'il avait "conclu une alliance avec toutes les choses créées"
concernant Celui que Dieu rendra manifeste, avant que ne soit établi
le covenant concernant sa propre mission. Il reconnaît volontiers qu'il
n'est qu' "une lettre" de ce " très puissant livre ", " une goutte
de rosée " de cet " Océan sans limites ", que sa révélation
n'est " qu'une feuille parmi les feuilles de son paradis ", que " tout ce
qui a été célébré dans le Bayan"
n'est "qu'une bague" à son propre doigt, comme lui-même "n'est
qu'une bague au doigt de Celui que Dieu manifestera bague qu'il "tourne comme
il lui plaît, pour ce qu'il lui plaît, et de la manière
qui lui plaît". Il déclare nettement qu'il s'est "sacrifié
totalement" pour lui, qu'il a "consenti à être maudit" pour l'amour
de lui, et qu'il n'a "aspiré qu'au martyre" sur le chemin de son amour.
Enfin, il prophétise sans aucune équivoque: "Aujourd'hui, le
Bayan est au stade de la graine. Au commencement de la manifestation
de Celui que Dieu manifestera, sa perfection ultime deviendra apparente."
"Avant un délai de neuf ans, depuis la naissance de cette cause, les
réalités des choses créées ne se manifesteront
Pas. Tout ce que tu as vu jusqu'à présent n'est que la phase
de la germination, avant que le germe ne soit revêtu de chair. Sois
patient jusqu'à ce que tu contemples une nouvelle création.
Dis: ',Que Dieu, le plus Excellent des créateurs, soit donc béni!"' [...] Page 94 " Il est venu Celui autour duquel gravite le Point du Bayan " (le
Bab), témoigne Baha'u'llah, confirmant l'inconcevable
grandeur et le caractère de prééminence de sa propre
révélation. "Si tous ceux qui sont dans les cieux et sur la
terre", affirme-t-il encore, "étaient en ce jour investis des pouvoirs
et des attributs destinés aux Lettres du Bayan* dont le rang
est dix mille fois plus glorieux que celui des Lettres de la dispensation
coranique*, et si tout un chacun hésitait, fut-ce l'espace d'un clin
d'oeil à reconnaître ma révélation, ils seraient
rangés, au regard de Dieu, parmi ceux qui se sont égarés,
et considérés comme des Lettres de négation Il est puissant
le Roi du divin pouvoir ", affirme-t-il dans le Kitab-i-Iqan
en faisant allusion à lui-même, "et d'une seule lettre de ses
paroles merveilleuses, il est capable d'éteindre le souffle de vie
qui anime le Bayan tout entier et son peuple, et par une seule lettre,
il peut leur conférer une vie nouvelle et sans fin, les inciter à
se lever et à se hâter de sortir des sépulcres de leurs
désirs égoïstes et vains." " Ce jour est le roi des jours
", déclare-t-il de plus, le "jour de Dieu Lui-même ", le "jour
qui ne sera jamais suivi par la nuit ", le "printemps que l'automne ne rejoindra
jamais", la "vision des âges et des siècles passés." A
ce jour "aspira l'âme de tous les prophètes de Dieu et celle
de tous les messagers divins "; après lui " toutes les races de la
terre ont soupiré ", et par lui " Dieu a éprouvé le coeur
de tous ses messagers, de tous ses prophètes, et aussi de tous ceux
qui montent la garde devant son sanctuaire inviolable et sacré, les
hôtes du céleste pavillon et les habitants du tabernacle de gloire."
" Dans cette révélation des plus puissantes ", affirme-t-il
encore, "toutes les dispensations du passé ont atteint leur suprême
et finale consommation." Et il ajoute: "Aucune des manifestations d'antan
n'a jamais, sauf dans une mesure déterminée, complètement
saisi la nature de cette révélation." Parlant de son propre
rang, il déclare: "Sans lui, aucun messager divin n'aurait revêtu
la robe de prophète et aucune des Ecritures sacrées n'aurait
été révélée." Le dernier tribut, mais non le moindre, est celui que rend 'Abdu'l-Baha
au caractère transcendant de la révélation personnifiée
par son père: " Des siècles, que dis-je, des âges doivent
s'écouler avant que l'Etoile du jour de la vérité ne
brille de nouveau dans sa splendeur de plein été, ou qu'elle
n'apparaisse une fois de plus dans le rayonnement de sa gloire printanière."
"La seule contemplation de la dispensation inaugurée par la Beauté
bénie ", affirme-t-il encore, "aurait suffi à combler de joie
les saints des âges passés, eux qui désiraient ardemment
partager un instant sa grande gloire." " A propos des manifestations qui,
dans l'avenir, viendront "dans l'ombre des nuages", déclare-t-il expressément,
"sache en vérité qu'en ce qui concerne leur relation avec la
source de leur inspiration, elles seront sous l'ombre de l'ancienne Beauté.
Néanmoins, relativement à l'époque où elles paraîtront,
chacune d'entre elles et toutes feront ce qu'elles voudront." Et pour terminer,
dans une explication lumineuse, il montre de façon concluante la véritable
relation qui existe entre la révélation de Baha'u'llah
et celle du Bab: "La révélation du Bab peut être
comparée au soleil, dont la position correspond au premier signe du
zodiaque - le signe du Bélier et que le soleil atteint à l'équinoxe
du printemps. La position de la révélation de Baha'u'llah
est, par ailleurs, représentée par le signe du Lion, position
la plus haute du soleil à la mi-été. Cela signifie que
cette sainte dispensation est illuminée par la clarté du Soleil
de Vérité, rayonnant de son point le plus élevé
et dans la plénitude de son éclat, de sa chaleur et de sa gloire." [...] Page 95 Essayer de donner un aperçu complet des références annonçant
la révélation de Baha'u'llah serait certes une
tâche impossible. La plume de Baha'u'llah lui-même
l'atteste: " Tous les livres divins et toutes les Ecritures ont prédit
et annoncé aux hommes l'avènement de la révélation
suprême. Personne ne peut dénombrer exactement les versets consignés
dans les livres des âges passés lui annoncent cette bonté
suprême, ce bienfait des plus puissants." Pour conclure, je pense qu'il faut spécifier que la révélation
de Baha'u'llah abroge sans réserve toutes les dispensations
précédentes, qu'elle maintient sans aucun compromis les vérités
éternelles qu'elles recèlent, reconnaît fermement et de
manière absolue l'origine divine de leurs auteurs, préserve
de toute violation la sainteté de leurs Ecritures authentiques, rejette
toute intention de diminuer le rang de leurs fondateurs ou de déprécier
les idéaux spirituels qu'ils inculquent, éclaircit et coordonne
leurs fonctions, réaffirme leur but commun, immuable et fondamental,
réconcilie leurs revendications et leurs doctrines en apparence divergentes
et admet sans difficulté, et avec gratitude, leurs participations respectives
dans le déploiement graduel d'une révélation divine.
Cette révélation reconnaît sans hésiter qu'elle
est un simple maillon de la chaîne des révélations en
continuel développement; elle ajoute à leurs enseignements des
lois et ordonnances obéissant à d'impérieuses nécessités,
lois et ordonnances dictées par la réceptivité croissante
d'une société en évolution rapide et toujours en transformation;
enfin, elle se déclare prête et à même d'unir et
de faire fusionner ces révélations divisées en sectes
et en factions opposées, pour établir une fraternité
universelle qui oeuvre dans le cadre et en accord avec les préceptes
d'un ordre divinement conçu, ordre unificateur et rédempteur
pour le monde. Une révélation saluée comme la promesse et la gloire
suprême des âges et des siècles passés, comme la
consommation de toutes les dispensations du cycle d'Adam, qui inaugure une
ère d'au moins mille ans et un cycle destiné à durer
au moins cinq mille siècles, qui marque la fin de l'ère prophétique
et le commencement de l'ère de l'accomplissement, révélation
jamais surpassée, à la fois par la durée du ministère
de son auteur et par la fécondité et la splendeur de sa mission,
une telle révélation était née - comme on l'a
déjà signalé - dans l'obscurité d'un cachot souterrain
de Tihran, une répugnante fosse qui avait servi autrefois de
réservoir d'eau pour l'un des bains publics de la ville. Enveloppé
dans ses ténèbres stygiennes, respirant son air fétide,
engourdi par son atmosphère humide et glacée, les pieds dans
des ceps, le cou alourdi par une chaîne pesante, environné de
criminels et de mécréants de la pire espèce, obsédé
à la pensée de l'affreuse tache qui avait terni le bon renom
de sa foi bien-aimée, réalisant avec douleur la détresse
terrible qui s'était abattue sur ses défenseurs et les graves
dangers encourus par le reste de ses fidèles, c'est à une heure
aussi critique et en des circonstances aussi effroyables, que l' "Esprit suprême
", comme il le désigne lui-même - Esprit symbolisé dans
les dispensations respectives de Zoroastre, de Moïse, du Christ et de
Muhammad par le feu sacré, le buisson ardent, la colombe et l'ange
Gabriel -, descendit sur Baha'u'llah et se révéla
à son âme agonisante sous la forme d'une "créature* virginale". [...] Page 96 - Une nuit, en rêve ", écrit-il lui-même, se remémorant,
au soir de sa vie, les premiers tressaillements de la révélation
de Dieu en son âme, "ces paroles exaltantes se firent entendre de tous
côtés: "En vérité, Nous te rendrons victorieux
par toi-même et par ta plume. Ne t'afflige pas à cause de ce
qui t'est arrivé et ne sois pas effrayé, car tu es en sécurité.
Bientôt, Dieu fera paraître les trésors de la terre: des
hommes qui t'aideront par toi-même et par ton nom, avec lesquels Dieu
a ranimé les coeurs de ceux qui l'ont reconnu." Dans un autre passage,
il décrit, brièvement et de façon vivante, le choc produit
sur tout son être par la force impétueuse des sommations divines,
expérience rappelant de façon frappante la vision de Dieu pour
Moïse - vision qui le fit défaillir -, et la voix de Gabriel qui
plongea Muhammad dans une telle consternation que, se réfugiant chez
lui, il ordonna à sa femme Khadidja de l'envelopper dans son manteau.
"Pendant les jours où j'étais confiné dans la prison
de Tihran ", dit-il dans son mémorable récit, "quoique
le poids irritant des chaînes et l'air empesté m'aient laissé
peu de sommeil, il me semblait que, dans ces rares moments d'assoupissement,
quelque chose s'écoulait du sommet de ma tête sur ma poitrine,
ainsi qu'un torrent puissant se précipite sur la terre du sommet d'une
montagne élevée. Alors, tous mes membres Prenaient feu, et à
ces moments-là ma langue prononçait des paroles qu'aucun homme
ne pourrait supporter d'entendre." Dans sa Sùratu'l-Haykal (la Surih du Temple), Baha'u'llah
décrit ainsi ces moments à vous couper le souffle où
cet être virginal, symbolisant l' "Esprit suprême", annonça
sa mission à toute la création: " Tandis que je sombrais sous
le poids des afflictions, j'entendis, au-dessus de ma tête, une voix
merveilleuse et infiniment douce qui m'appelait. Levant les yeux, j'aperçus
une créature virginale - personnification du souvenir du nom de mon
Seigneur - qui flottait dans l'espace, devant moi. Son âme tout entière
était dans une telle joie que son expression resplendissait du bon
plaisir de Dieu, et que son visage rayonnait de la clarté du très-Miséricordieux.
Entre ciel et terre, elle lançait un appel qui captivait le coeur et
l'esprit des hommes. Elle me fit part, d'une façon à la fois
objective et subjective, de nouvelles qui réjouirent mon âme
et celle des serviteurs estimés de Dieu. Montrant ma tête du
doigt, elle s'adressa à tous ceux qui sont au ciel et à tous
ceux qui sont sur terre, en ces termes: "Au nom de Dieu, voici le Bien-Aimé
des mondes et cependant vous ne le comprenez pas. Voici la Beauté de
Dieu parmi vous, et la puissance de sa souveraineté en vous, si seulement
vous pouviez le comprendre. Celui-ci est le mystère de Dieu et son
trésor, la cause de Dieu et sa gloire pour tous ceux qui sont dans
les royaumes de la révélation et de la création, si vous
êtes de ceux qui le perçoivent'' [...] Page 97 Dans son épître au shah Nàsiri'd-Din, son royal
adversaire, épître révélée au point culminant
de la proclamation de son message, on trouve ces passages qui jettent une
nouvelle lumière sur l'origine divine de sa mission: "0 Roi! Je n'étais
qu'un homme comme les autres, endormi sur ma couche, et voici que les brises
du très-Glorieux ont soufflé sur moi et m'ont donné la
connaissance de tout ce qui a été. Cela ne vient pas de moi
mais de Celui qui est tout puissant et omniscient. Et Il m'a ordonné
d'élever la voix entre la terre et les cieux; et pour cela, il m'est
advenu ce qui a fait couler les larmes de tout homme de discernement ... je
ne suis qu'une feuille agitée par les vents de la volonté de
ton Seigneur, le Tout-Puissant, le très-Glorifié ... Son irrésistible
appel m'a atteint et m'a amené à Prononcer ses louanges parmi
tous les peuples. J'étais vraiment comme un mort lorsque son ordre
fut donné. La main de la volonté de ton Seigneur, le Compatissant,
le Miséricordieux, m'a transformé." "Par ma vie! " affirme-t-il
dans une autre tablette, "ce n'est pas de ma propre volonté que je
me suis révélé moi-même, mais c'est Dieu qui, de
son propre choix, m'a manifesté." Et ailleurs: " Chaque fois que je
choisissais de rester en paix et d'être silencieux, voilà que
la voix du Saint-Esprit, se tenant sur ma droite, me réveillait. Le
plus grand Esprit apparaissait devant mon visage, Gabriel me couvrait de son
ombre, et l'Esprit de gloire s'agitait au fond de moi-même, m'ordonnant
de me lever et de rompre mon silence." Telles furent les circonstances dans lesquelles le Soleil de Vérité
s'éleva de la ville de Tihran, ville qui, en raison du privilège
si rare qui lui a été conféré, est glorifiée
par le Bab comme la Terre sainte et surnommée par Baha'u'llah
la Mère du monde, l'Aube de la Lumière, le Point d'aurore des
signes du Seigneur, la Source de joie de toute l'humanité. Les premières
lueurs de cette lumière d'une splendeur sans pareille avaient, comme
déjà décrit, fait leur apparition dans la ville de Shiraz.
Le limbe de cet astre apparaissait maintenant au-dessus de l'horizon du Siyah-Chàl
de Tihran. Les rayons devaient jaillir dix ans plus tard sur Baghdad,
transperçant les nuages qui, aussitôt son lever en ces sombres
circonstances, avaient obscurci sa splendeur. Il était destiné
à monter jusqu'à son zénith dans la ville lointaine d'Andrinople
et à se coucher enfin au voisinage immédiat de la ville forte
d'Akka. [...] Page 98 Le processus par lequel la splendeur d'une révélation aussi
éblouissante se déploya sous les yeux des hommes fut forcément
lent et graduel. La divulgation de son caractère aux compagnons mêmes
de Baha'u'llah ou à sa famille ne coïncida pas avec
la première inspiration qu'en reçut son auteur ni ne suivit
rapidement celle-ci. Une période d'au moins dix ans devait s'écouler
avant que son contenu implicite, d'une grande portée, puisse être
formellement dévoilé - même à ceux qui avaient
été en étroite association avec lui -, période
de grande fermentation spirituelle, pendant laquelle le bénéficiaire
d'un message aussi important attendait fébrilement l'heure à
laquelle il pourrait libérer son âme lourdement chargée,
remplie par les énergies puissantes que dégageait la révélation
naissante de Dieu. Tout ce qu'il fit, au cours de ce délai déterminé
d'avance, ce fut de laisser entendre en paroles voilées et allégoriques
- dans des épîtres, des commentaires, des prières et des
traités qu'il se sentait poussé à révéler
- que la promesse du Bab s'était déjà réalisée,
et qu'il était l'élu choisi pour l'accomplir. Quelques-uns de
ses condisciples qui se distinguaient par leur perspicacité, leur attachement
et leur dévouement envers lui, perçurent le rayonnement de la
gloire non encore révélée qui avait inondé son
âme; et s'il ne les en avait empêchés, ils auraient divulgué
son secret et l'auraient proclamé partout.
CHAPITRE VI: Naissance de la révélation Baha'i