DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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2ième Période: Ministère de Baha'u'llah (1853-1892) [...] Page 189 Tandis que Baha'u'llah et le petit groupe de compagnons qui l'entouraient
étaient soumis aux rudes épreuves d'un bannissement destiné
à les effacer de la surface de la terre, la communauté de ses
fidèles, en extension constante dans son pays natal, endurait une persécution
plus violente et de plus longue durée que les épreuves dont lui-même
et ses compagnons furent les victimes. Les actes effroyables et meurtriers perpétrés
plus tard par un ennemi insatiable et inflexible, quoique moins nombreux que
ceux commis au moment de la naissance de la foi, baptisée par des bains
de sang, et où, en une seule année, atteste 'Abdu'l-Baha,
"plus de quatre mille hommes furent massacrées, et quantité de
femmes et d'enfants restèrent sans protection ni soutien", furent d'une
envergure tout aussi grande, et atteignirent un degré de férocité
encore plus grand. Le shah Nàsiri'd-Din, flétri par Baha'u'llah
comme le "Prince des oppresseurs", comme celui qui avait "commis ce qui a provoqué
les lamentations des habitants des cités de justice et d'équité",
était, à l'époque considérée, en pleine maturité,
et avait atteint au sommet du pouvoir despotique. Seul arbitre des destinées
d'une nation "solidement ancrée dans les traditions immémoriales
de l'Orient", entouré de ministres "intéressés, astucieux
et faux", qu'il pouvait élever ou abaisser à volonté, chef
d'une administration dans laquelle " chaque agent était, selon le cas,
tour à tour le suborneur ou le suborné", allié, dans son
antagonisme contre la foi, à un ordre sacerdotal qui constituait une
véritable "Eglise d'Etat", soutenu par un peuple d'une abominable cruauté,
connu pour son fanatisme, sa bassesse, sa cupidité et ses pratiques corrompues,
ce capricieux monarque, ne pouvant plus se saisir de la personne de Baha'u'llah,
dut se contenter d'essayer d'écraser, sur ses propres Etats, les restes
d'une communauté hautement redoutée qui venait de ressusciter.
Après le shah, rang et pouvoir revenaient à ses trois fils
aînés auxquels, en vue de l'administration intérieure du
pays, il avait pratiquement délégué son autorité
et qu'il avait placés à la tête de toutes les provinces
de son royaume. Il avait confié la province de l'Adhirbàyjàn
au faible et timide Muzaffari'd-Din Mirza, héritier du trône,
qui était tombé sous l'influence de la secte shaykhi et manifestait
un respect marqué aux mullàs. Sous l'autorité sévère
et brutale du rusé Mas'ùd Mirza, couramment appelé
Zillu's-Sultan, son fils aîné survivant, dont la mère
était d'origine plébéienne, le shah avait placé
plus des deux cinquièmes de son royaume, y compris les provinces du Yazd
et d'Isfàhàn, tandis que, à la tête des provinces
de Gilàn et du Mazindaràn, il avait placé Kàmràn
Mirza, son fils préféré, généralement
appelé par son titre de nàyibu's-saltanih*, et l'avait nommé
gouverneur de Tihran, ministre de la guerre et commandant en chef de
son armée. Telle était la rivalité entre ces deux derniers
princes qui se disputaient les faveurs de leur père, que chacun d'eux,
aidé des chefs mujtahids relevant de sa juridiction, tâchait d'éclipser
l'autre par des efforts bien intentionnés pour chasser, piller et exterminer
les membres d'une communauté sans défense, laquelle, sur l'ordre
de Baha'u'llah, avait cessé d'offrir une résistance
armée, même en cas de légitime défense, et appliquait
son mot d'ordre qu' "il vaut mieux être tué que de tuer". [...] Page 190 Dans le clergé, les provocateurs de discorde, Hàji Mullà
'Aliy-i-Kani et Siyyid Sàdiq-i-Tabàtabà'i, les deux principaux
mujtahids de Tihran, ainsi que leur collègue d'Isfàhàn,
Shaykh Muhammad-Bàqir et Mir Muhammad Husayn, l'imàm-jum'ih de
cette ville, n'étaient pas non plus disposés à laisser
passer la moindre occasion de frapper, avec toute la force et l'autorité
dont ils disposaient, un adversaire dont ils avaient encore plus de raisons
que le souverain lui-même de craindre les influences libérales. Est-il étonnant que, face à une situation aussi remplie de périls,
la foi ait été contrainte à demeurer dans l'ombre, et que
les arrestations, interrogatoires, emprisonnements, invectives, spoliations,
tortures et exécutions aient été les traits marquants de
son développement pendant cette période parsemée de crises?
Les pèlerinages qui avaient débuté à Andrinople
et qui prirent plus tard, à 'Akka, des proportions impressionnantes,
de même que la mise en circulation des tablettes de Baha'u'llah
et des rapports enthousiastes de la part de ceux qui avaient atteint sa présence
servirent, qui plus est, à exciter l'animosité du clergé
autant que des laïques qui s'étaient sottement imaginé que
la brèche ouverte à Andrinople, dans les rangs des adhérents
de la foi, et la sentence de bannissement à vie rendue ensuite contre
son chef scelleraient irrémédiablement son destin. A Àbàdih, un certain Ustàd 'Ali-Akbar fut appréhendé,
à l'instigation d'un siyyid de la localité, et rossé avec
une telle brutalité qu'il fut couvert, de la tête aux pieds, par
son propre sang. Dans le village de Tàkur, les propriétés
des habitants furent pillées sur l'ordre du shah; Hàji
Mirza Ridà-Quli, un demi-frère de Baha'u'llah,
fut arrêté, conduit à la capitale et jeté dans le
Siyah-Chàl où il resta un mois tandis que le beau-frère
de Mirza Hasan, un autre demi-frère de Baha'u'llah,
était saisi et marqué aux fers rouges; après quoi, le village
voisin de Dàr-Kalà fut livré aux flammes. [...] Page 191 Aqà Buzurg du Khuràsàn, l'illustre "Badi"' (Merveilleux),
converti à la foi par Nabil, surnommé la "Fierté des martyrs",
le messager de dix sept ans qui porta la tablette adressée au shah
Nàsiri'd-Din, celui qui, affirma Baha'u'llah, " reçut
le souffle de l'esprit de puissance et de force", fut arrêté et
soumis pendant trois jours consécutifs à des brûlures*;
sa tête fut réduite en bouillie avec la crosse d'un fusil et son
corps jeté dans un puits qu'on recouvrit de terre et de pierres. Après
avoir rendu visite à Baha'u'llah dans la caserne, au cours
de la seconde année de sa réclusion, il s'était mis en
route avec un empressement étonnant pour porter cette tablette, tout
seul et à pied, jusqu'à Tihran, et pour la remettre entre
les mains du souverain. Un voyage de quatre mois l'avait mené dans cette
ville, et après avoir passé trois jours à jeûner
et à veiller, il avait rencontré le shah qui se rendait
à une partie de chasse à ShimIran*. Il s'était approché
calmement, et avec respect, de sa Majesté, en s'écriant: "0 Roi!
je suis venu vers toi de Sheba* avec un message important." Le souverain ordonna
alors de lui prendre le tablette et de la remettre aux mujtahids de Tihran,
en leur commandant de répondre à cette épître, ordre
qu'ils négligèrent d'exécuter, conseillant de mettre plutôt
le messager à mort. Plus tard, le shah envoya cette tablette à
l'ambassadeur de Perse à Constantinople, espérant que sa lecture
aviverait davantage encore l'animosité des ministres du sultan.
Pendant trois années, Baha'u'llah continua à célébrer,
dans ses écrits, l'héroïsme de ce jeune homme, caractérisant
ce sublime sacrifice, dans les allusions qu'il en faisait, comme le "sel de
mes tablettes". Abà-Basir et Siyyid Ashraf, dont les pères avaient été
tués pendant le combat de Zanjàn, furent décapités
le même jour dans cette ville; le premier, agenouillé et en prières,
alla jusqu'à donner des indications à son bourreau sur la meilleure
manière de lui porter son coup; le second, après avoir été
battu si brutalement que le sang jaillissait sous ses ongles, fut décapité
au moment où il tenait dans ses bras le corps de son compagnon martyrisé.
C'est la mère de ce même Ashraf qui, mise en prison dans l'espoir
qu'elle persuaderait son fils unique de renier sa foi, l'avait averti qu'elle
le désavouerait s'il abjurait; elle lui avait commandé de suivre
l'exemple d'Abà-Basir, et l'avait même regardé expirer sans
qu'aucune larme voile ses yeux. Le riche et distingué Muhammad-Hasan
Khàn-i-Kàshi fut, à Burùjird*, bastonné de
façon si impitoyable qu'il en succomba. A Shiraz, Mirza
Àqày-i-Rikàb-Sàz, Mirza Rafi'-i-Khayyat
et Mashhadi Nabi furent simultanément étranglés en pleine
nuit, sur l'ordre du mujtahid de la ville, et la populace, profanant ensuite
leurs tombes, entassa des immondices par-dessus. A Kàshàn. Shavkh
Abu'l-Qàsim-i-Màzkàni, qui avait refusé de boire
l'eau qu'on lui offrait avant sa mort, affirmant qu'il était assoiffé
de la coupe du martyre, reçut un coup fatal sur la nuque, au moment où
il se prosternait pour prier. [...] Page 192 Mirza Bàqir-i-Shirazi, qui avait copié les tablettes
de Baha'u'llah à Andrinople avec un dévouement infatigable,
fut tué à Kirmàn. A Ardikàn*, Gul-Muhammad, âgé
et infirme, fut attaqué par une populace en furie, jeté à
terre, et piétiné à tel point par les bottes cloutées
de deux siyyids que ses côtes furent écrasées et ses dents
brisées; on emporta alors son corps dans la banlieue de la ville et on
l'enfouit dans un puits, mais pour l'en extraire le jour suivant, le traîner
à travers les rues, et finalement l'abandonner dans un terrain vague.
Dans la ville de Mashhad, célèbre pour son fanatisme effréné,
on lacéra, de la taille à la gorge, le corps de Hàji 'Abdu'l-Majid,
père de Badi', ci-dessus mentionné, âgé de quatre-vingt-cinq
ans - l'un des survivants du combat de Tabarsi, qui après le martyre
de son fils, avait rendu visite à Baha'u'llah et s'en était
retourné, brûlant de zèle, à Khuràsàn
-, et l'on exposa sa tête, sur une plaque de marbre, aux regards d'une
multitude insultante de spectateurs qui, après avoir odieusement traîné
son corps à travers les bazars, le laissèrent à la morgue
pour que ses parents viennent l'y réclamer. A Isfàhàn, Mullà Kàzim fut décapité
par ordre du Shaykh Muhammad Bàqir, et 1 on fit passer un cheval au galop
sur son cadavre qui fut ensuite livré aux flammes, tandis qu'on tranchait
les oreilles de Siyyid Àqà Jàn et qu'on le conduisait,
attaché par un licou, à travers les rues et les bazars. Un mois
plus tard, dans cette même ville, éclatait la tragédie des
deux illustres frères, Mirza Muhammad-Hasan et Mirza Muhammad
Husayn, les "brillantes lumières jumelles' , surnommés respectivement
"Sultanu'sh-shuhadà" (Roi des martyrs) et "Mahbùbu'sh-shuhadà"
(Bien-aimé des martyrs), réputés pour leur générosité,
leur loyauté, leur bonté et leur piété. Leur martyre
eut lieu à l'instigation du méchant et malhonnête Mir Muhammad-Husayn,
l'imàm-jum'ih, que Baha'u'llah flétrit comme le
"serpent femelle" et qui, s'étant fortement endetté dans ses tractations
avec eux, combina de se libérer de ses obligations en les dénonçant
comme des Babis, ce qui entraîna leur mort. Leurs maisons somptueusement
meublées et même les arbres et les fleurs de leurs jardins furent
pillés, et le reste de leurs biens fut confisqué. Shaykh Muhammad
Bàqir, qualifié de "loup" par Baha'u'llah, prononça
leur condamnation à mort, et Zillu's-Sultan ratifia cette décision.
On enchaîna alors les deux frères qui furent' décapités,
puis traînés sur la maydàn-i-Shah* et là,
livrés aux outrages nombreux d'une population féroce et avilie.
"Le sang de ces deux frères fut versé de telle façon ",
écrit 'Abdu'l-Baha, " que, ce jour-là, le prêtre
chrétien de Julfà en poussa des cris, se lamenta et pleura. "
Pendant plusieurs années, Baha'u'llah continua à
les citer dans ses tablettes, exprimant son chagrin de leur mort et célébrant
leurs vertus. [...] Page 193 Mullà 'Ali Jàn fut conduit à pied, de Mazindaran
à Tihran. Les sévices qu'il subit en route furent si terribles,
que son cou portait des blessures et que son corps enfla des pieds à
la taille. Le jour de son martyre, il demanda de l'eau, fit ses ablutions, récita
ses prières et fit don d'une somme considérable à son bourreau;
il était encore en prière lorsqu'on lui trancha la gorge avec
un poignard; on souilla ensuite son corps de crachats, on le couvrit de boue,
le laissa exposé dehors pendant trois jours, et à la fin, on le
découpa en morceaux. A Namiq*, on attaqua brutalement, à coups
de pioche, Mullà 'Ali, converti à la foi au temps du Bab,
et on lui brisa les côtes avec une telle violence qu'il en mourut sur
le coup. Mirza Ashraf fut tué à Isfàhàn;
son corps fut piétiné par Shaykh Muhammad Taqiy-i-Najafi, le "fils
du loup", et par ses élèves, puis sauvagement mutilé et
livré à la populace pour être brûlé; ses os
calcinés furent enterrés au pied d'un mur en ruines qui fut abattu
sur eux. A Yazd, à l'instigation du mujtahid de cette ville, et sur ordre du
jalàlu'd-dawlih*, l'insensible gouverneur Mahmùd Mirza,
fils de Zillù'Sultan, sept baha'is furent mis à
mort en un seul jour, dans d'épouvantables conditions. Le premier d'entre
eux, un jeune homme de vingt-sept ans, 'Ali-Asghar, fut étranglé,
et son corps livré aux mains de quelques juifs qui obligèrent
les six compagnons du mort à venir avec eux. Ces juifs traînèrent
le corps à travers les rues, accompagnés du bas peuple et des
soldats battant du tambour et jouant de la trompette. Arrivés près
du bureau du télégraphe, ils décapitèrent Mullà
Mihdi, âgé de quatre vingt-cinq ans, et le traînèrent
de la même manière dans un autre quartier de la ville où,
à la vue d'une grande foule de spectateurs excités par les accents
vibrants de la musique, ils exécutèrent Àqà 'Ali
de la même façon. De là, se dirigeant vers la demeure du
mujtahid de la ville, et emmenant avec eux les quatre survivants, ils coupèrent
la gorge de Mullà 'Aliy-i-Sabzivàri qui s'était adressé
à la foule en se glorifiant de son proche martyre; son corps fut haché
en morceaux avec une bêche, alors qu'il était encore en vie, et
son crâne fut réduit en bouillie à coups de pierres. Dans
un autre quartier, près de la porte Mihriz, ils tuèrent Muhammad-Bàqir
puis, sur la maydàn-i-Khàn*, tandis que la musique se déchaînait
et couvrait les hurlements des gens, ils décapitèrent les derniers
survivants, deux frères d'une vingtaine d'années, 'Ali-Asghar
et Muhammad-Hasan. Ils éventrèrent ce dernier, lui arrachèrent
le coeur et le foie puis, empalant sa tête avec une lance et la brandissant
en l'air, ils parcoururent les rues de la ville au son de la musique, et ils
la suspendirent à un mûrier où une foule de gens lui lancèrent
des pierres. Ils jetèrent son corps devant la porte de la maison de sa
mère où, délibérément, des femmes entrèrent
pour danser et s'amuser. On emporta même des morceaux de chair de ces
jeunes gens pour les utiliser comme médicaments. Finalement, la tète
de Muhammad-Hasan fut attachée à la partie inférieure de
son corps qu'on transporta, avec les têtes des autres martyrs, sur le
pourtour de la ville où elles furent bombardées de pierres avec
une telle violence que les crânes en furent brisés; puis on contraignit
les juifs à emporter les restes et à les jeter dans un puits de
la plaine de Salsabil. Le gouverneur accorda un jour de fête au peuple,
toutes les boutiques furent fermées sur son ordre, la ville fut illuminée
le soir, et des réjouissances annoncèrent la consommation d'un
des actes les plus barbares commis aux temps modernes. [...] Page 194 Les juifs et les parsis récemment convertis à la foi et habitant,
les premiers à Hamadàn et les autres à Yazd, ne furent
pas davantage à l'abri des assauts des ennemis dont la fureur s'exaspérait
en voyant la lumière de la foi pénétrer dans les quartiers
qu'ils avaient naïvement imaginés hors de son atteinte. Même
dans la ville d'Ishqàbàd, la communauté shi'ah établie
depuis peu, envieuse du prestige croissant des fidèles du Bab
qui vivaient au milieu d'eux, poussa deux bandits à attaquer Hàji
Muhammad-Ridày-i-Isfàhàni, âgé de soixante-dix
ans; en plein jour et au milieu du bazar, ces bandits le frappèrent d'au
moins trente-deux coups de poignard, lui ouvrant le foie, lui déchirant
la poitrine et lui lacérant l'estomac. Une cour de justice militaire
fut envoyée par le tsar à 'Ishqàbàd; après
une longue enquête, elle établit la culpabilité des shi'ahs,
condamna deux d'entre eux à mort et bannir les six autres. Cette condamnation,
ni le shah Nàsiri'd-Din ni les 'ulamà de Tihran,
de Mashhad et de Tabriz, sollicités d'intervenir, ne purent en atténuer
la sévérité; mais les délégués de
la communauté opprimée réussirent, par leur intercession
magnanime - ce qui surprit énormément les autorités russes
-, à faire commuer cette sentence en punition plus légère. Ces faits ne sont que quelques exemples typiques des traitements que, pendant
le bannissement de Baha'u'llah à 'Akka, les adversaires
de la foi infligèrent à la communauté fraîchement
régénérée de ses fidèles, traitements qui,
on peut le dire honnêtement, tantôt relèvent de la " brute
sans entrailles", tantôt manifestent "l'habileté du démon". L' "inquisition et les tortures effroyables" qui suivirent l'attentat contre
le shah Nàsiri'd-Din avaient déjà donné à
la foi, comme l'exprime un observateur de la valeur de Lord Curzon de Kedleston,
"une vitalité que nulle autre impulsion n'aurait pu lui fournir". Cette
recrudescence de persécutions, cette nouvelle effusion du sang des martyrs
servirent à vivifier encore plus les racines que cet arbre sacré
avait déjà plantées dans sa terre natale. Insoucieux de
la politique de feu et de sang qui tendait à les anéantir, imperturbables
malgré les coups tragiques qui s'abattaient sur un chef emmené
si loin d'eux, incorruptibles malgré les actes infâmes et séditieux
commis par le fieffé briseur du covenant du Bab, les adeptes de
Baha'u'llah se multipliaient et reprenaient tranquillement les
forces nécessaires qui allaient leur permettre, par la suite, de relever
la tête en toute liberté et d'édifier la structure de leurs
institutions. [...] Page 195 Peu après sa visite en Perse, pendant l'automne de 1889, Lord Curzon
de Kedleston écrivit, entre autres attestations destinées à
dissiper l' "erreur" et la "grande confusion" qui régnaient au sujet
de la foi parmi les auteurs européens, et surtout les écrivains
anglais", que " dix neuf Babis sur vingt sont maintenant devenus, semble-t-il,
des baha'is convaincus." Déjà, écrivant en 1865,
le comte de Gobineau déclarait ce qui suit: "L'opinion générale
est que les Babis sont répandus dans toutes les classes de la
population et parmi tous les religionnaires de la Perse, sauf les nusayris*
et les chrétiens; mais ce sont surtout les classes éclairées,
les hommes pratiquant les sciences du pays qui sont donnés comme très
suspects. On pense, et avec raison, ce semble, que beaucoup de mullàs,
et parmi eux des mujtahids considérables, des magistrats d'un rang élevé,
des hommes qui occupent à la cour des fonctions importantes et qui approchent
de près la personne du roi sont des Babis. D'après un calcul
fait récemment, il y aurait à Tihran cinq mille de ces
religionnaires, sur une population de quatre-vingt mille âmes à
peu près."' Et plus loin: - ... Le Babisme a pris une action considérable
sur l'intelligence de la nation persane et, se répandant même au-delà
des limites du territoire, il a débordé dans le pachalik de Baghdad
et passé aussi dans 1'lnde." Et encore: " ... Un mouvement religieux
tout particulier dont l'Asie centrale, c'est-à-dire la Perse, quelques
points de l'Inde et une partie de la Turquie d'Asie, aux environs de Baghdad,
est aujourd'hui vivement préoccupée, mouvement remarquable et
digne d'être étudié à tous les titres. Il permet
d'assister à des développements de faits, à des manifestations,
à des catastrophes telles que l'on n'est pas habitué à
les imaginer ailleurs que dans les temps reculés où se sont produites
les grandes religions." "Ces divergences cependant", écrit encore Lord Curzon, faisant allusion
à la déclaration de la mission de Baha'u'llah et
à la rébellion de Mirza Yahya, "n'ont aucunement
découragé sa propagation4; elles semblent au contraire l'avoir
stimulée, car elle a progressé avec une rapidité inexplicable
pour ceux qui ne peuvent voir en elle qu'une forme grossière d'activité
politique, ou même d'effervescence métaphysique. D'après
les estimations minimum, le nombre actuel de Babis en Perse s'élève
à un demi-million. J'incline à croire qu'il approche plutôt
du million, d'après mes conversations avec des personnes bien placées
pour en juger. [...] Page 196 "Il y en a", ajoute-t-il, "dans tous les milieux, depuis les ministres et les
nobles de la cour jusqu'aux balayeurs des rues ou aux valets, le milieu ecclésiastique
musulman lui-même n'étant pas le dernier à entrer dans le
champ de leur activité." "Du fait que, dans les premières années",
déclare-t-il encore, "le Babisme s'est trouvé en conflit
avec les pouvoirs civils et que les Babis ont commis un attentat contre
la vie du shah, on en a conclu à tort que le mouvement avait une
origine politique et un caractère nihiliste ... A présent, les
Babis font preuve de la même loyauté que tous les autres
sujets de la couronne. Il semble qu'il ne soit pas plus juste de taxer si délibérément
cette jeune croyance de socialisme, de communisme et d'immortalité. Le
seul communisme connu qu'ai pu recommander le Bab est celui du Nouveau
Testament et de l'Eglise chrétienne primitive, c'est-à-dire le
partage des biens entre les membres de la foi, la pratique des aumônes
et d'une large charité. L'accusation d'immortalité semble être
née, en partie des inventions méchantes des adversaires, et en
partie de la liberté plus grande réclamée par le Bab
pour les femmes, ce qui, pour l'esprit oriental, n'est guère séparable
de la légèreté de conduite." Et pour finir, ce pronostic
tombe de sa plume: "Si le Babisme continue à progresser au rythme
actuel, on peut imaginer qu'un temps viendra où il évincera l'islamisme
de la Perse. je crois que cela n'arriverait probablement pas s'il se présentait
sous l'emblème d'une foi hostile. Mais étant donné que
ses adhérents se recrutent parmi les meilleurs soldats de la garnison
qu'il attaque, les raisons de croire qu'il prévaudra en définitive
sont d'autant plus grandes." La réclusion de Baha'u'llah dans la prison fortifiée
d'Akka, les nombreuses tribulations qu'il endura, l'épreuve prolongée
que subit la communauté de ses fidèles en Perse n'arrêtèrent
point, et ne pouvaient même pas entraver le moins du monde, le flot puissant
de la révélation divine qui, sans interruption, coulait de sa
plume, et dont dépendaient directement l'orientation future, l'intégrité,
l'expansion et l'affermissement de sa foi. Effectivement, par leur portée
et par leur volume, ses écrits, parus au cours de ses années de
réclusion dans la plus grande prison, dépassèrent, tant
à Andrinople qu'à Baghdad, les torrents déversés
par sa plume. Plus remarquable que le changement radical des conditions de sa
vie même à 'Akka, d'une portée supérieure,
par ses conséquences spirituelles, à la campagne de répression
poursuivie sans répit par les ennemis de sa foi dans son pays natal,
cette extension sans précédent dans la variété de
ses oeuvres doit placer cette période de relégation dans cette
prison parmi l'une des plus vivifiantes et des plus fructueuses pour le développement
de sa foi. [...] Page 197 Les vents d'orage qui soufflèrent sur la foi au début du ministère
de Baha'u'llah, le froid d'hiver et la désolation qui accueillirent
le commencement de sa carrière prophétique peu après son
bannissement de Tihran furent suivis, pendant la seconde partie de son
séjour à Baghdad, parce qu'on peut considérer comme
les années printanières de sa mission, années qui virent
s'épanouir en une activité manifeste les forces inhérentes
à cette graine divine, forces restées en sommeil depuis la fin
tragique de son précurseur. Avec son arrivée à Andrinople,
et à la suite de la proclamation de sa mission, le soleil de sa révélation
s'était pour ainsi dire élevé jusqu'à son zénith
et, comme en témoignent le style et le ton de ses écrits, il resplendissait
dans la plénitude de sa gloire estivale. C'est pendant la période
d'incarcération de Baha'u'llah à 'Akka qu'un
lent processus de développement fut mené à son terme, et
que les fruits de choix de cette mission furent finalement récoltés. Si l'on examine attentivement l'immense domaine qu'embrassent les oeuvres de
Baha'u'llah au cours de cette période, on s'aperçoit
que ces oeuvres appartiennent à trois catégories différentes.
La première comprend les écrits qui font suite à la proclamation
de sa mission à Andrinople. La seconde contient les lois et les ordonnances
de sa dispensation qui, pour la plus grande part, sont consignées dans
le Kitab-i-Aqdas, son très saint Livre. Dans la troisième
catégorie doivent se ranger les tablettes qui, d'une part, formulent
et de l'autre réaffirment les principes essentiels et les préceptes
fondamentaux de cette dispensation. Comme on l'a déjà constaté, la proclamation de sa mission
était particulièrement adressée aux rois de la terre sur
lesquels reposait, en vertu du pouvoir et de l'autorité qu'ils détenaient,
la responsabilité exclusive et inéluctable du sort de leurs sujets.
C'est vers ces rois, autant que vers les chefs religieux du monde qui exerçaient
une influence non moins profonde sur la masse de leurs partisans, que le prisonnier
d'Akka dirigea ses appels, ses avertissements et ses exhortations, pendant
les premières années de son emprisonnement dans cette ville. "
En arrivant dans cette prison ", affirme-t-il, " Nous nous proposâmes
de transmettre aux rois les messages de leur Seigneur, le Tout-Puissant, le
très glorifié. Bien que, dans plusieurs tablettes, - Nous leur
ayons transmis ce qui nous était commandé, Nous le faisons cependant
une fois encore, en signe de la grâce de Dieu." Aux rois d'Orient comme à ceux d'Occident, musulmans et chrétiens,
qui avaient déjà été, tous ensemble, prévenus
et mis en garde dans la Sùriy-i-Mùlùk révélée
à Andrinople, et qui avaient été appelés avec tant
de véhémence par le Bab dans le premier chapitre du Qayyùmu'l-Asmà',
la nuit même de la déclaration de sa mission, Baha'u'llah
envoya, pendant les heures les plus sombres de sa détention à
'Akka, quelques-uns des plus nobles passages de son très saint
Livre. [...] Page 198 Dans ces extraits, il les invite à s'attacher avec fermeté à
la "plus grande loi", proclame qu'il est lui-même "le Roi des rois" et
"le Désir de toutes les nations", leur déclare qu'ils sont ses
"vassaux" et "les emblèmes de sa souveraineté", dénie toute
intention de porter la main sur leurs royaumes, et leur ordonne d'abandonner
leurs palais et de se hâter d'obtenir l'accès à son royaume;
il exalte le roi qui se lèvera pour soutenir sa cause et l'appelle "l'oeil
même de l'humanité"; finalement, il leur reproche tout ce qu'il
a enduré par leur faute. Dans sa Tablette à la reine Victoria, il invite en outre ces rois à
maintenir fermement au moins une "paix imparfaite" puisqu'ils ont refusé
la "paix suprême"; il les exhorte à se réconcilier entre
eux, à s'unir et à réduire leurs armements; il leur ordonne
de s'abstenir d'imposer des fardeaux excessifs à leurs sujets qui sont,
leur apprend-il, leurs "protégés" et leurs "trésors"; il
stipule que, si l'un d'entre eux prenait les armes contre un autre, tous devraient
se soulever contre lui; enfin, il leur recommande de ne pas le traiter comme
l'ont fait le "roi de l'islam " et ses ministres. A l'empereur des Français, Napoléon 111, le souverain le plus
en vue et le plus influent de l'Occident à cette époque, qu'il
distingua comme le "principal souverain" et qui avait, selon ses propres termes,
"jeté à terre" la tablette révélée pour lui
à Andrinople, Baha'u'llah envoya une seconde tablette pendant
sa détention à la caserne militaire, par l'intermédiaire
du représentant français résidant à 'Akka.
Dans cette tablette, il annonce la venue de "Celui qui est exempt de toute contrainte",
dont le but est de " vivifier le monde" et d'unir les peuples, affirme sans
équivoque que Jésus Christ fut le héraut de sa mission,
et annonce la chute des "étoiles du firmament de la connaissance" qui
se sont détournées de lui; il met à jour le manque de sincérité
de ce monarque et prédit nettement que son royaume sera "jeté
dans le trouble", que son "empire lui échappera", et que des "commotions
ébranleront tous les habitants de ce pays " s'il ne se lève pas
pour soutenir la cause de Dieu et suivre celui qui en est l'Esprit. Dans des passages mémorables du Kitab-i-Aqdas, adressés
aux "gouvernants de l'Amérique et aux présidents de ses républiques",
il convie ceux-ci à ~ ' embellir le temple de l'autorité avec
les parures de la justice et de la crainte de Dieu, et à orner le dôme
de ce temple avec la couronne du souvenir" de leur Seigneur; il déclare
que "le Promis" a été manifesté, il leur conseille de mettre
à profit le "jour de Dieu", leur ordonne d' "apporter réparation
aux êtres brisés, avec les mains de la justice", et d' "écraser"
l' "oppresseur" avec "le sceptre des commandements de leur Seigneur, l'Ordonnateur
suprême, le très-Sage ". A Nicolas Alexandre 11, le tout-puissant tsar de Russie, il envoya, de la caserne
où il était prisonnier, une épître dans laquelle
il annonce l'avènement du Père promis, que "la langue d'Esaïe
a célébré", et "dont le nom est l'ornement de la Thora*
comme de l'Evangile"; il lui commande de "se lever ... et de convoquer les nations
devant Dieu", lui conseille de prendre garde afin que sa souveraineté
ne le retienne pas loin de "Celui qui est le Souverain suprême"; il reconnaît
l'aide qu'il a reçue de son ambassadeur à Tihran, et l'invite
à ne pas perdre la place que Dieu lui a destinée. [...] Page 199 A la même époque, il adressa à la reine Victoria une épître
dans laquelle il l'invite à prêter l'oreille à la voix de
son Seigneur, le Seigneur de toute l'humanité, lui ordonne de " rejeter
tout ce qui est sur la terre" et de tourner son coeur vers son Seigneur, l'Ancien
des jours; il affirme que "tout ce qui est écrit dans l'Evangile s'est
réalisé"; il l'assure que Dieu la récompensera pour avoir
"interdit le commerce des esclaves", si elle se conforme à ce qu'il lui
a envoyé, la félicite d'avoir " remis les rênes de la délibération
entre les mains des représentants du peuple " qu'il encourage à
"se considérer comme les représentants de tout ce qui est sur
terre", et à juger entre les hommes selon la "pure justice ". Dans un passage célèbre du Kitab-i-Aqdas, adressé
à Guillaume il,, roi de Prusse, récemment proclamé empereur
d'une Allemagne unifiée, il ordonne à ce souverain d'écouter
sa voix, la voix de Dieu lui-même, le met en garde afin que son orgueil
ne l'empêche pas de reconnaître "l'aurore de la révélation
divine", et l'exhorte à se "souvenir de celui" (Napoléon 111)
" dont la puissance dépassait" sa puissance, et qui " s'est écroulé
dans la poussière avec pertes et fracas ". Plus loin, dans ce même
livre, parlant des " rives du Rhin", il prédit que "les épées
du châtiment" seront tirées contre elles et que "les lamentations
de Berlin" s'élèveront, bien qu'en ce moment cette ville soit
dans une "gloire évidente". Dans un autre passage remarquable de ce même livre, qui s'adresse à
François-Joseph, empereur d'Autriche et héritier du Saint Empire
romain, Baha'u'llah reproche à ce souverain d'avoir négligé
de s'informer à son sujet, pendant son pèlerinage à Jérusalem.
Il prend Dieu à témoin qu'il l'a trouvé " accroché
à la Branche, mais insoucieux de la Racine", s'afflige de constater sa
nature capricieuse, et lui ordonne d'ouvrir les yeux pour contempler "la lumière
qui brille au-dessus de cet horizon lumineux". Au pacha 'Ali, grand vizir du sultan de Turquie, il envoya, quelque
temps après son arrivée à 'Akka, une seconde tablette
dans laquelle il le blâme pour sa cruauté "qui a fait flamber l'enfer
et se lamenter l'Esprit", énumère ses actes tyranniques, le condamne
comme l'un de ceux qui, depuis des temps immémoriaux, ont traité
les prophètes d'agitateurs malfaisants, et prophétise sa déchéance;
il expose ses propres souffrances et celles de ses compagnons d'exil, célèbre
leur courage et leur détachement, prédit que la " colère
déchaînée " de Dieu fondra sur lui et sur son gouvernement,
que la "sédition sera attisée" parmi eux et que leurs "possessions
seront démembrées",- enfin, il lui affirme que, s'il se réveillait,
il abandonnerait tous ses biens et "choisirait comme demeure l'une des pièces
délabrées de cette suprême prison". Dans la Lawh-i-Fu'ad,
en faisant allusion à la mort prématurée du pacha Fu'àd,
ministre des Affaires étrangères du sultan, il confirme
la prédiction de cette manière: "Bientôt, Nous destituerons
celui" (le pacha 'AH) " qui était semblable à lui et -Nous nous
emparerons de leur chef Il (le sultan 'Abdu'l-'Aziz) " qui gouverne le
pays, et je suis, en vérité, le Tout-Puissant, l'Irrésistible." [...] Page 200 Les messages que Baha'u'llah adressa aux chefs ecclésiastiques
de toutes dénominations dans le monde ne sont ni moins énergiques
ni moins librement exprimés. Dans ces messages - quelques-uns inclus
dans le cours de tablettes spécifiques, d'autres intercalés dans
ses écrits -, il leur dévoile, clairement et sans réserves,
les revendications de sa révélation, les invite à tenir
compte de son appel et dénonce, dans certains cas particuliers, leur
perversité, leur arrogance extrême et leur tyrannie. Dans d'immortels passages de son Kitàb-i-Aqdas et d'autres tablettes,
il ordonne à tous ces chefs ecclésiastiques de " craindre Dieu
Il, de - retenir II leur plume, de " rejeter les idées vaines et les
futiles imaginations, et de se tourner vers l'horizon de certitude"; il leur
recommande de "ne pas peser le livre de Dieu" (Kitab-i-Aqdas) "selon
les normes et les connaissances qui ont cours" chez eux, qualifie ce même
livre de "balance juste assignée aux hommes", et se lamente devant leur
aveuglement et leur obstination; il affirme la supériorité de
ses vues, de sa perspicacité, de ses paroles et de sa sagesse, déclare
que sa science est innée et qu'elle vient de Dieu, les invite à
"ne pas recouvrir les yeux des hommes par un nouveau voile" alors que lui-même
a " déchiré les voiles Il, les accuse d'être " responsables
du reniement de la foi dès sa naissance" et les adjure "d'examiner attentivement,
avec justice et impartialité, ce qui a été révélé"
par lui, et de ne pas "anéantir la vérité" à l'aide
de ce qu'ils possèdent. Au pape Pie IX, chef incontesté de la plus puissante des églises
de la chrétienté, détenant à la fois un pouvoir
temporel et une autorité spirituelle, lui, le prisonnier des casernes
de la colonie pénitentiaire d'Akka, envoya une épître
fort importante dans laquelle il annonce que "celui qui est le Seigneur des
seigneurs est venu, parmi les ombres des nuages* Il, et que "la parole que le
Fils a cachée est apparue Il. 11 l'enjoint aussi à ne point discuter
avec lui comme les pharisiens d'autrefois l'ont fait avec Jésus-Christ,
l'invite à laisser ses palais à ceux qui les désirent,
"à vendre tous les somptueux ornements" qu'il possède et à
"en dépenser le montant dans la voie de Dieu", à abandonner son
royaume aux rois, "à se lever ... parmi les peuples de la terre" et à
les appeler à sa foi. Le considérant comme l'un des soleils dans
le ciel des noms de Dieu, il lui recommande de prendre garde à ce que
"l'ombre n'étende pas ses voiles Il sur lui; il lui demande d' " exhorter
les rois Il à " traiter les hommes avec équité" et lui
conseille de marcher sur les traces de son Seigneur et de suivre son exemple. [...] Page 201 Aux patriarches de l'Eglise chrétienne, il lança un appel particulier
dans lequel il annonce la venue du Promis, les exhorte à "craindre Dieu"
et à ne pas suivre "les vaines imaginations des superstitieux"; il les
engage à abandonner les choses qu'ils possèdent et à "s'accrocher
solidement à la tablette de Dieu, par sa souveraine puissance". Aux archevêques
de cette Eglise, il déclare de même que " celui qui est le Seigneur
de tous les hommes est apparu", qu'ils sont "comptés au nombre des morts",
et que grande est la bénédiction de celui que "ranime la brise
de Dieu et qui, à ce Nom explicite, s'est levé parmi les morts".
Dans des passages adressés aux évêques de cette Eglise,
il annonce que "le Père éternel appelle à haute voix entre
les cieux et la terre", décrète qu'ils sont les étoiles
tombées du ciel de sa connaissance, et affirme que son corps "aspire
à la croix" et que sa tête "désire ardemment la lance sur
le chemin du très-Miséricordieux". A la communauté des
prêtres chrétiens, il ordonne de "laisser les cloches" et de sortir
de leurs églises, les exhorte à "proclamer à haute voix
le très grand Nom parmi les nations", les assure que quiconque appellera
les hommes en son nom "manifestera ce qui dépasse le pouvoir de tout
ce qui est sur la terre Il, les avertit que le "jour du règlement est
arrivé", et leur conseille de tourner leurs coeurs vers leur "Seigneur,
le Clément, le Généreux". Dans de nombreux passages adressés
à la "communauté des moines", il leur ordonne de ne pas s'enfermer
dans les églises et les cloîtres, mais de s'occuper de ce qui apportera
un profit à leurs âmes et aux âmes des hommes, et il leur
enjoint de se marier; il leur affirme que, s'ils décident de le suivre,
il fera d'eux les héritiers de son royaume, mais que s'ils transgressent
son commandement, dans sa longanimité, il le supportera patiemment. Et enfin, dans plusieurs passages adressés à tous les croyants
en Jésus Christ, il s'identifie lui-même avec le "Père"*
dont a parle Esaïe, avec le "consolateur" dont le covenant fut établi
par celui qui est l'Esprit (jésus), et avec " l'Esprit de vérité
Il qui les conduira " dans toute la vérité "; il déclare
que son jour est le jour de Dieu, annonce l'union du Jourdain avec le "très
grand Océan", souligne la négligence des chrétiens et affirme
en même temps qu'il leur a ouvert lui-même "les portes du royaume',
assure que le "temple" promis a été construit "par les mains de
la volonté" de leur Seigneur, le Puissant, le Généreux,
leur ordonne de "déchirer les voiles" et d'entrer en son nom dans son
royaume; il leur rappelle les paroles de jésus à Pierre et leur
garantit que, s'ils acceptent de le suivre, il fera d'eux les "animateurs du
genre humain". [...] Page 202 A l'ensemble des ecclésiastiques musulmans, Baha'u'llah
consacra spécialement d'innombrables passages de ses livres et tablettes
dans lesquels, en un langage véhément, il dénonce leur
cruauté, condamne leur orgueil et leur arrogance, les invite à
laisser de côté les choses qu'ils possèdent, à se
taire et à écouter les paroles qu'il a prononcées; il affirme
qu'en raison de leurs actes, "la condition élevée du peuple a
été rabaissée, que l'étendard de l'islam
a été renversé et que son trône puissant s'est effondré".
A la "confrérie des ecclésiastiques persans", il adressa plus
particulièrement des paroles de réprobation stigmatisant leurs
actes, prédisant qu'a leur "gloire succéderait l'humiliation la
plus pitoyable " et qu'ils verraient le châtiment qui leur sera infligé,
"selon le décret de Dieu, Celui qui commande, le très Sage ". Il annonça par ailleurs au peuple juif que la loi suprême a été
donnée, que "la Beauté ancienne règne sur le trône
de David' - qui proclame et invoque son nom à haute voix -, que, "de
Sion, est apparu ce qui était caché " et que, " de Jérusalem,
on entend la voix de Dieu, l'Unique, l'Incomparable, l'Omniscient ". Aux "grands prêtres" de la foi zoroastrienne, il déclara que l'
"Ami incomparable" s'est manifesté, que "le salut se trouve dans ce qu'il
dit", que "la main de l'Omnipotence est tendue à travers les nuages"
et que les signes de sa majesté et de sa grandeur sont visibles; et il
ajouta qu' "en ce jour, les actes ne seront acceptés de la part d'aucun
être humain s'il ne renonce pas au monde et à tout ce que possèdent
les hommes, et ne tourne pas son visage vers l'Omnipotent". Certains des passages les plus importants de son épître à
la reine Victoria s'adressent aux membres du corps législatif britannique,
l'ancêtre de tous les parlements, aussi bien qu'aux représentants
élus des peuples d'autres pays. Dans ces passages, il affirme que son
but est de - vivifier le monde et d'unir les peuples. Il fait allusion au traitement
qui lui a été infligé par ses ennemis; il exhorte les législateurs
à "se consulter mutuellement" et à se préoccuper uniquement
"de ce qui profite à l'humanité ", et il affirme que "le remède
souverain" pour la ",guérison du monde entier" est " l'union de tous
ses peuples en une cause universelle, une foi commune ", ce qui ne peut, " en
aucune façon, être obtenu sinon par le pouvoir d'un médecin
habile, tout puissant et inspiré". Dans son très saint Livre,
il a recommandé en outre de choisir un langage unique et d'adopter une
écriture courante, utilisable sur toute la terre, recommandation qui,
mise en pratique, serait, comme il l'affirme dans ce livre, l'un des signes
de " la maturité de la race humaine ". Non moins importantes sont les paroles qu'il adressa séparément
au "peuple du Bayan" aux sages de ce monde, à ses poètes,
ses hommes de lettres, ses mystiques et même ses commerçants, et
par lesquelles il les exhorte à être attentifs à sa voix,
à reconnaître son jour et à suivre son commandement. [...] Page 203 Tels sont, en résumé, les caractères qui ressortent des
dernières paroles de cette proclamation historique, dont les premiers
échos résonnèrent pendant la seconde période de
l'exil de Baha'u'llah à Andrinople et qui s'acheva dans
les premières années de sa détention dans la prison fortifiée
d'Akka. Les rois et les empereurs, chacun en particulier et tous ensemble,
les principaux magistrats des républiques du continent américain,
les ministres et les ambassadeurs, le souverain pontife lui-même, le vicaire
du prophète de l'islam, le dépositaire* royal du royaume
de l'Imàm caché, les monarques de la chrétienté,
ses patriarches, archevêques, évêques, prêtres et moines,
les chefs reconnus des ordres sacerdotaux sunnite et shi'ah, les grands prêtres
de la religion zoroastrienne, les philosophes, les chefs ecclésiastiques,
les sages et les habitants de Constantinople - siège altier du sultanat
et du califat -, la communauté tout entière des croyants déclarés
des religions zoroastrienne, juive' chrétienne et musulmane, le peuple
du Bayan, les sages du monde, ses hommes de lettres, ses poètes,
ses mystiques, ses commerçants, les représentants élus
des peuples et les compatriotes mêmes de Baha'u'llah, tous,
dans des livres, épîtres et tablettes, furent, à un moment
donné, directement instruits des exhortations, des avertissements, appels,
déclarations et prophéties qui constituent le thème de
son appel solennel aux dirigeants de l'humanité, appel qui reste sans
parallèle dans les annales de toutes les religions passées, et
auprès duquel les messages que le prophète de l'islam adressa
à quelques-uns des gouvernants de son époque n'offrent qu'une
ressemblance lointaine. "Jamais, depuis le commencement du monde", affirme Baha'u'llah,
"le message n'a été proclamé aussi ouvertement." " Chacune
d'entre elles", écrit-il, faisant spécialement allusion aux tablettes
qu'il adressa aux souverains de la terre - tablettes qu' 'Abdu'l-Baha
célébra comme un "miracle" -, "a été désignée
par un nom particulier. La première e a été appelée
le Grondement, la seconde le Souffle, la troisième l'Inévitable,
la quatrième la Plaine, la cinquième la Catastrophe, et les autres,
le Son assourdissant de la Trompette, l'Evénement proche, la grande Terreur,
la Trompette, le Clairon et ainsi de suite, de sorte que tous les peuples de
la terre peuvent savoir avec certitude, et être témoins, avec leurs
jeux de chair et ceux de l'âme que celui qui est le Seigneur des noms
a dominé et continuera à dominer, en toutes circonstances, sur
tous les humains." Les plus importantes parmi ces tablettes ainsi que la célèbre
Sùriy-i-Haykal (la Sùrih du Temple) furent, sur son ordre, écrites
sous forme de pentacles* symbolisant le temple de l'homme, temple qu'il identifia,
lorsqu'il s'adressa aux adeptes de l'Evangile dans l'une de ses tablettes, avec
le "temple" mentionné par le prophète Zacharie, et qu'il désigna
comme "le resplendissant lieu de l'apparition du trés-Miséricordieux
", temple que " les mains du pouvoir de Celui qui est la Cause des causes" a
construit. [...] Page 204 Si unique, si stupéfiante que fut cette proclamation, elle s'avéra
n'être qu'un prélude à une manifestation encore plus extraordinaire
du pouvoir créateur de son auteur, et à ce qui peut prendre place
comme l'acte le plus significatif de son ministère: la promulgation du
Kitab-i-Aqdas. Dépositaire principal de cette loi prévue
par le prophète Esaïe, et que l'auteur de l'Apocalypse a décrite
comme le "nouveau ciel " et la "nouvelle terre'', comme le "tabernacle de Dieu",
la "cité sainte", l' "épousée", la "nouvelle Jérusalem
venue du ciel', ce "très saint Livre", auquel le Kitab-i-Iqan
fait allusion, dont les clauses doivent rester inviolées pendant au moins
un millénaire, et dont le plan directeur englobera la planète
entière, peut être considéré comme la plus brillante
conception sortie de l'esprit de Baha'u'llah, comme le livre-mère
de sa dispensation, la charte du nouvel ordre mondial. Révélé peu après Je transfert de Baha'u'llah
dans la maison d'Udi Khammàr (vers 1873), à une époque
où il était encore assailli d'épreuves et d'afflictions
dues aux actes de ses ennemis et des prétendus adhérents à
sa foi, ce livre, ce trésor contenant les gemmes inestimables de sa révélation
se détache, en vertu des principes qu'il inculque, des institutions administratives
qu'il prescrit, et de la fonction dont il investit le successeur désigné
de son auteur, comme une oeuvre unique et incomparable entre toutes les Ecritures
sacrées du monde. Car, à la différence de l'Ancien Testament
et des livres sacrés qui l'ont précédé, et dans
lesquels les véritables préceptes prononcés par le prophète
lui-même ne sont pas mentionnés, contrairement aux Evangiles dans
lesquels les quelques propos attribués à Jésus-Christ ne
fournissent aucune indication claire concernant l'administration future des
affaires de sa foi, contrairement au Qur'an même qui, bien qu'explicite
en ce qui concerne les lois et ordonnances formulées par l'Apôtre
de Dieu, se tait sur la question primordiale de la succession, le Kitab-i-Aqdas,
révélé, du commencement à la fin, par l'auteur de
la dispensation lui-même, non seulement préserve pour la postérité
les lois et ordonnances fondamentales sur lesquelles doit reposer la structure
de son futur ordre mondial, mais en plus du rôle d'interprète donné
à son successeur, prescrit les institutions nécessaires qui, seules,
peuvent garantir l'intégrité et l'unité de sa foi. Dans cette charte de la future civilisation mondiale, l'auteur - à la
fois juge, législateur, unificateur et rédempteur de l'humanité
- annonce aux rois de la terre la promulgation de la "plus grande loi"; il déclare
que ces rois sont ses vassaux, se proclame lui-même "Roi des rois", dénie
toute intention de porter la main sur leurs royaumes, et se réserve le
droit de "saisir et de posséder les coeurs des hommes"; il recommande
aux chefs ecclésiastiques du monde de ne pas peser le "livre de Dieu"
selon les normes admises chez eux, et affirme que le livre lui-même est
la "balance juste" assignée aux hommes. Dans ce livre, il ordonne formellement
de fonder la "Maison de Justice", définit ses fonctions, fixe ses revenus
et désigne ses membres comme les "Hommes de justice", les "représentants
de Dieu", les "administrateurs du très-Miséricordieux"; il fait
allusion au futur Centre de son covenant et lui décerne le droit d'interpréter
ses écrits sacrés, et il anticipe d'une manière implicite
l'institution du Gardiennat; il se porte garant de l'effet révolutionnaire
de son ordre mondial, formule la doctrine de " l'infaillibilité absolue
" de la manifestation de Dieu, affirme que cette infaillibilité est le
droit inhérent et exclusif du prophète, et écarte la possibilité
de la venue d'une autre manifestation avant un délai d'au moins un millénaire. [...] Page 205 Toujours dans ce livre, il prescrit les prières obligatoires, fixe l'époque
et la durée du jeûne, interdit la prière rituelle, sauf
pour les enterrements détermine le qiblih, institue le Huqùqu'llah*
(droit de Dieu), définit les règles de succession, ordonne la
construction du Mashriqu'l-Adhkar, institue les fêtes des Dix-Neuf
jours, détermine les jours fériés baha'i et les
jours intercalaires*, abolit le sacerdoce, interdit l'esclavage, l'ascétisme,
la mendicité, la vie monastique, la pratique des pénitences, l'utilisation
des chaires pour prêcher et l'usage du baise-main; il prescrit la monogamie,
condamne la cruauté envers les animaux, l'oisiveté et la paresse,
la médisance et la calomnie, blâme le divorce, interdit les jeux
d'argent, l'usage de l'opium, du vin et autres boissons alcooliques; il énumère
les sanctions pour meurtre, incendie volontaire, adultère et vol, souligne
l'importance du mariage et fixe ses conditions essentielles; il impose à
chacun l'obligation de s'adonner à quelque commerce ou profession, et
il élève cette occupation au rang d'acte d'adoration; enfin, il
insiste sur la nécessité d'éduquer les enfants, il assigne
à tous le devoir de faire un testament écrit et celui d'obéir
strictement au gouvernement. En dehors de ces dispositions, Baha'u'llah exhorte ses fidèles
à fréquenter dans l'entente et l'amitié, et sans faire
de distinction, les adeptes de toutes les religions, les met en garde contre
tout fanatisme, sédition, orgueil, querelles et controverses, leur inculque
des principes d'hygiène impeccable, d'absolue sincérité,
de chasteté sans tache, d'honnêteté, d'hospitalité,
fidélité, courtoisie, endurance, justice et impartialité;
il leur conseille de se comporter "comme les doigts d'une seule main et les
membres d'un même corps", les invite à se lever pour servir sa
cause et leur promet son aide indéfectible. [...] Page 206 Par ailleurs, il souligne l'instabilité des affaires humaines, déclare
que la vraie liberté réside dans la soumission de l'homme à
ses commandements, leur recommande de ne pas être faibles en appliquant
ses règlements, prescrit ces deux devoirs inséparables: Reconnaître
"l'aube de la révélation de Dieu" et observer toutes les ordonnances
qu'il a révélées, car aucune, affirme-t-il, ne peut être
acceptée sans les autres. Les appels significatifs, adressés aux présidents des républiques
du continent américain, d'avoir à saisir leur chance, au jour
de Dieu, et de soutenir la cause de la justice, l'injonction faite aux membres
des parlements à travers le monde, les pressant d'adopter un langage
et une écriture uniques pour tous, ses avertissements à Guillaume
i-, le vainqueur de Napoléon 111, les reproches qu'il adressa à
François-Joseph, l'empereur d'Autriche, son allusion aux "lamentations
de Berlin", quand il interpelle "les rives du Rhin", sa condamnation du "trône
de la tyrannie'' établi à Constantinople, l'annonce qu'il fit
de la fin de sa " splendeur visible" et des adversités qui allaient s'abattre
sur ses habitants, les paroles d'encouragement et de réconfort qu'il
adressa à sa ville natale, lui affirmant que Dieu l'a choisie pour être
"la source de joie de toute l'humanité", sa prophétie selon laquelle
"la voix des héros du Khuràsàn'' s'élèvera
pour glorifier leur Seigneur, son affirmation que des hommes "doués d'une
grande vaillance" seront suscités dans le Kirmàn et parleront
de lui, et enfin son assurance magnanime donnée à un frère
perfide, qui lui avait apporté tant de tourments, qu'un Dieu "très
généreux et toujours clément" lui pardonnerait ses iniquités
si seulement il se repentait, tout ceci contribue à enrichir encore le
contenu d'un livre que son auteur désigna comme la source de la vraie
félicité ", la " balance juste ", la " voie droite " et l' " animateur
de l'humanité". En outre, Baha'u'llah a caractérisé les lois et
ordonnances qui constituent le sujet principal de ce livre par des expressions
spécifiques telles que - " le souffle de vie en toutes choses créées
", " la plus puissante forteresse ", les 'fruits " de son " arbre ", " les moyens
suprêmes pour maintenir l'ordre du monde et la sécurité
de ses Peuples ", " les lampes de sa sagesse et de sa bienveillante providence
", " le doux parfum de son vêtement ", les " clefs " de sa " miséricorde
" envers ses créatures. "Ce livre", déclare-t-il, "est un firmament
que Nous avons paré des étoiles de nos commandements et de nos
interdictions." "Béni soit l'homme qui le lira", a t-il dit aussi, "et
qui méditera ses versets révélés par Dieu, le Seigneur
du pouvoir, le Tout-Puissant. Dis, ô vous, les hommes! Saisissez-le avec
les mains de la résignation ... Par ma vie! Il a été envoyé
d'une manière qui stupéfie l'esprit de l'homme. Il est vraiment
mon témoignage le plus puissant pour toute l'humanité, et la preuve
donnée par le très-Miséricordieux à tous ceux qui
sont au ciel et à tous ceux qui sont sur terre. " Et de nouveau: " Béni
soit le palais qui goûte à sa douceur, et le regard pénétrant
qui discerne le trésor qu'il recèle, et le coeur réceptif
qui comprend ses allusions et ses mystères. Par Dieu! La majesté
de ce qu'il décrit est telle, et si terrible est la révélation
de ses allusions cachées, que l'on tremble en essayant de les dévoiler.
Le Kitab-i-Aqdas est révélé de telle sorte qu'il
se relie aux dispensations divinement prescrites et qu'il les comprend toutes.
[...] Page 207 Bénis sont ceux qui le lisent attentivement! Bénis ceux qui en
perçoivent le sens! Bénis ceux qui le méditent! Bénis
ceux qui approfondissent sa signification! Si vaste est son champ d'action qu'il
s'est saisi de tous les hommes avant qu'ils ne s'en aperçoivent. Bientôt,
son pouvoir souverain, son influence pénétrante et l'immensité
de sa force seront manifestés sur la terre." Après avoir formulé, dans son Kitab-i-Aqdas, les lois
fondamentales de sa dispensation, Baha'u'llah, à mesure
que sa mission approchait de son terme, énonça certains préceptes
et principes qui résident au coeur même de sa foi, réaffirma
les vérités qu'il avait antérieurement proclamées,
élabora et clarifia certaines des lois déjà données,
révéla de nouvelles prophéties et d'autres avertissements,
et il institua des ordonnances secondaires destinées à compléter
les clauses de son très saint Livre Toutes ces instructions ont été
enregistrées dans d'innombrables tablettes qu'il continua à révéler
jusqu'aux derniers jours de sa vie terrestre. Citons parmi les plus remarquables
les Ishràqàt (Splendeurs), les Bishàràt (Bonnes
Nouvelles), les Taràzàt (Ornements), les Tajalliyat (Révélations),
les Kalimàt-i-Firdawsiyyih (Paroles de Paradis), la Lawh-i-Aqdas (Très-Sainte
Tablette), la Lawh-i-Dunya (Tablette du Monde), la Lawh-i-Maqsùd
(Tablette de Maqsùd). Ces tablettes - ultimes et puissantes émanations
de sa plume infatigable - doivent prendre place parmi les oeuvres de choix issues
de son esprit, et marquent la consommation de son long ministère de quarante
années. De tous les principes que renferment ces tablettes, le plus nécessaire
la vie est le principe de l'unité et de l'intégrité de
la race humaine, qu'on peut considérer comme la marque distinctive de
la révélation de Baha'u'llah et le pivot de ses
enseignements. Le principe de l'unité est d'une importance si essentielle
qu'il est expressément mentionné dans le livre de son covenant,
et que Baha'u'llah proclame, sans réserve aucune, qu'il
es le but dominant de sa foi. " Vraiment", déclare-t-il, " Nous sommes
vent pour unir et souder ensemble tout ce qui est sur la terre." "Si puissante
est la lumière de l'unité", dit-il encore, "qu'elle peut éclairer
la terre entière." " Parfois", écrit-il, parlant de ce thème
dominant de sa révélation, "Nous employons le langage du législateur,
une autrefois celui du chercheur de vérité et du mystique; néanmoins,
notre but principal et notre plus grand désir ont toujours été
de mettre en lumière la gloire et la suprême élévation
de cette condition." L'unité déclare-t-il, est le but qui "prévaut
sur tous les buts"; c'est une aspiration qui est "la reine de toutes les aspirations."
"Le monde", proclame-t-il, "est lit seul pays dont tous les hommes sont les
citoyens." 11 affirme aussi que l'unification de l'humanité, la dernière
étape de son évolution vers la maturité, es inévitable,
que "bientôt, l'état de choses actuel sera révolu et qu'un
nouvel ordre, sera déployé à sa place ", que " toute la
terre est actuellement en état gestation " que le jour approche où
elle produira ses fruits les plus magnifiques, où elle portera les arbres
les plus élancés, les fleurs les plus ravissantes, les plus grands
bienfaits du ciel. [...] Page 208 Il déplore l'imperfection de la situation qui règne, dénonce
l'insuffisance du patriotisme en tant que force capable de diriger et de maîtriser
la société humaine, et considère que l' "amour de l'humanité"
et le service consacré à ses intérêts sont les objectifs
les plus louables et les plus dignes des efforts de l'homme. 11 se lamente également
de voir que "la force de la croyance en Dieu est en train de disparaître
dans tous les pays", et que la "face du monde " soit tournée vers " l'obstination
et l'incroyance "; il proclame que la religion est "une lumière radieuse
et une forteresse inexpugnable, destinée à la protection et au
bien-être des peuples", et qu'elle est "le principal moyen pour établir
l'ordre dans le monde ", affirme que son but fondamental est de promouvoir l'union
et la concorde parmi les hommes, et leur recommande de ne pas en faire "une
source de dissension, de discorde et de haine "; il ordonne que les principes
religieux soient enseignés aux enfants dans toutes les écoles,
d'une façon qui ne donne pas naissance aux préjugés ni
au fanatisme, attribue " l'entêtement de l'impie " au " déclin
de la religion ", et prédit des "Convulsions d'une gravité telle,
que "les membres du genre humain en trembleront". Baha'u'llah encourage, sans aucune restriction, le principe de
la sécurité collective, recommande la réduction des armements
nationaux, et déclare nécessaire et inévitable la convocation
d'un rassemblement mondial dans lequel rois et gouvernants de la terre se consulteront,
en vue d'établir la paix entre les nations. Il célèbre la justice comme la "lumière des hommes", comme
leur "gardienne", comme "la révélatrice des secrets du monde de
l'existence et le porte-flambeau de l'amour et de la bonté"; il déclare
que sa splendeur est incomparable, affirme que, sur elle, doit reposer "l'organisation
du monde et la tranquillité des humains". Il caractérise les "deux
piliers" de la justice "Punition et récompense" - comme "les sources
de vie " pour la race humaine, avertit les peuples de secouer leur apathie en
prévision de son avènement, et prophétise qu'après
une période de grand trouble et de cruelle injustice, son étoile
du jour brillera dans toute sa splendeur et dans toute sa gloire. Par ailleurs, il inculque le principe de "modération en toutes choses",
déclare que tout ce qui "dépasse les limites de la modération",
que ce soit "liberté, civilisation et choses semblables", "exerce" forcément
"une influence pernicieuse sur les hommes", constate que la civilisation occidentale
a sérieusement perturbé et alarmé les peuples, et prédit
que le jour est proche où la "flamme" d'une civilisation "poussée
à l'excès" "dévorera les villes". [...] Page 209 Il décrète que la consultation est l'un des principes fondamentaux
de sa foi, la représente comme " la lampe pilote ", " l'instrument de
compréhension ", et comme l'un des deux "flambeaux" du "ciel de la sagesse divine". La connaissance,
déclare-t-il, figure "les ailes de la vie humaine", c'est comme "une
échelle qui permet à l'homme de s'élever"; il estime que
c'est "pour tous une obligation" de l'acquérir, considère que
les "arts, les métiers et les sciences" sont favorables à l'élévation
du monde des vivants, approuve l'acquisition de la richesse dans l'exercice
de son métier ou de sa profession, reconnaît la dette des peuples
envers les savants et les artisans, et déconseille l'étude de
ces sciences qui ne profitent pas aux hommes, celles qui "commencent avec des
mots et finissent par des mots". Baha'u'llah appuie de nouveau sur le commandement qui enjoint
de "fréquenter tous les hommes dans un esprit d'amitié et de camaraderie",
et il déclare que ce genre de relations contribue à "l'union et
à la concorde", lesquelles sont, affirme-t-il, les bases génératrices
d'ordre dans le monde et les forces stimulantes des nations. Il insiste à
plusieurs reprises sur la nécessité de choisir une langue et une
écriture identiques pour tous, déplore la perte de temps due à
l'étude de plusieurs langues, affirme qu'avec l'adoption d'une langue
et d'une écriture communes, toute la terre sera considérée
comme "une seule ville, un seul pays ", et il déclare qu'il possède
cette double science et qu'il est prêt à la transmettre à
quiconque le lui demandera. Aux administrateurs de la Maison de justice, il confie la tâche de légiférer
sur les questions qui ne sont pas formellement prévues dans ses écrits,
et promet que Dieu "les inspirera selon sa volonté". Il recommande comme
un exploit méritoire d'établir une forme de gouvernement constitutionnel,
dans lequel l'idéal républicain et la majesté de la royauté
qu'il caractérise comme "l'un des signes de Dieu " - seront réunis;
il insiste pour qu'une attention particulière soit accordée à
l'agriculture; il fait une allusion spéciale à "la publication
rapide des journaux" qu'il représente comme "le miroir du monde" et comme
"un phénomène étonnant et puissant", et il décrète
que tous ceux qui sont responsables de leur composition doivent être exempts
de toute malveillance, passion et préjugé, se montrer juste et
impartial, mener avec soin leurs enquêtes et s'informer de tous les faits
dans chaque cas. Baha'u'llah élabore aussi la doctrine de la suprême
infaillibilité; il réaffirme l'obligation qui incombe à
ses fidèles de " se conduire avec loyauté, honnêteté
et sincérité vis-à-vis du gouvernement du pays où
ils résident", insiste à nouveau sur l'interdiction de se livrer
à la guerre sainte et de détruire les livres; enfin, il distingue
les hommes de science et les sages et, dans un hommage spécial, les glorifie
comme les "Yeux" du genre humain et comme les "plus grands cadeaux" offerts
au monde. [...] Page 210 Un compte rendu des caractéristiques frappantes des écrits de
Baha'u'llah (parus au cours de la dernière période
de son bannissement à 'Akka) ne saurait manquer de faire une référence
à la Lawh-i-Hikmat (Tablette de la Sagesse), dans laquelle il pose les
fondements de la vraie philosophie, ni à la Tablette de la Visitation,
révélée en l'honneur de l'Imàm Husayn dont il célèbre
les louanges en termes chaleureux, ni aux Questions et Réponses qui apportent
des éclaircissements sur les lois et ordonnances du Kitab-i-Aqdas,
ni à la Lawh-i-Burhàn (Tablette de la Preuve) dans laquelle sont
sévèrement condamnés les actes commis par le Shavkh Muhammad-Bàqir
surnommé "Dhi'b " (Le Loup) -, et par Mir Muhammad Husayn, l'imàm-jum'ih
d'Isfàhàn - surnommé "Raqshà" (Serpent femelle)
-, ni à la Lawh-i-Karmil (Tablette du Carmel) dans laquelle l'auteur
mentionne explicitement la "cité de Dieu qui est descendue du ciel',
et prophétise que, "sous peu, Dieu conduira son arche" sur cette montagne,
et "manifestera le peuple de Baha". Finalement, il faut citer son épître
au Shaykh Muhammad-Taqi, surnommé "Ibn-i-Dhi'b" (Fils du Loup), la dernière
tablette(L'Epître au Fils du Loup) importante sortie de la plume de Baha'u'llah,
dans laquelle il conjure ce prêtre féroce de se repentir de ses
actes, cite quelques passages les plus caractéristiques et les plus célèbres
de ses propres écrits, et apporte des preuves établissant la validité
de sa cause. Avec ce livre, révélé un an environ avant son ascension,
on peut dire que l'oeuvre prodigieuse de l'auteur d'une centaine de volumes,
recueils des perles inestimables de sa révélation, était
pratiquement terminée. Ces volumes sont remplis d'innombrables exhortations,
de principes révolutionnaires, de lois et ordonnances destinées
à façonner le monde, de terribles avertissements et de sinistres
prophéties ainsi que de prières et de méditations pour
l'élévation de l'âme, de commentaires et d'interprétations
lumineuses, d'homélies et de discours pleins d'ardeur, le tout entremêlé,
d'adresses ou d'allusions destinées aux rois, aux empereurs et aux ministres
orientaux et occidentaux, aux ecclésiastiques de toutes dénominations
et aux dirigeants des diverses sphères de l'activité de l'homme:
intellectuelle, politique, littéraire, mystique, commerciale et humanitaire. "En vérité", écrit Baha'u'llah, de sa suprême
prison, passant en revue, au soir de sa vie, le champ tout entier de cette
immense et puissante révélation, "Nous n'avons pas été
inférieur dans notre tâche d'exhorter les hommes et de leur faire
connaître ce qui m'a été ordonné par Dieu, le Tout-Puissant,
l'infiniment Loué." "Existe-t-il une excuse pour quiconque à
l'égard de cette révélation", dit-il encore. " Non, par
Dieu, le Seigneur du puissant trône! Mes signes ont fait le tour de
la terre, et mon pouvoir a enveloppé toute l'humanité."
CHAPITRE XII: Emprisonnement de Baha'u'llah à 'Akka (suite)