DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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3ième Période: Ministère d'Abdu'l-Baha, 1892-1921 [...] Page 233 Comme on l'a déjà observé, l'ascension de Baha'u'llah
avait aussitôt fait naître le chagrin et le désarroi parmi
ses fidèles et ses compagnons et inspiré à ses adversaires,
redoutables et vigilants, un renouveau d'espoir et une détermination
nouvelle. A une époque où cette foi gravement calomniée
avait surmonté triomphalement les deux crises les plus sévères
qu'elle eût jamais subies, l'une due à ses ennemis de l'extérieur,
l'autre à ceux de l'intérieur, où son prestige s'était
élevé à une hauteur jamais égalée à
n'importe quelle période de ses cinquante années d'existence,
la Main infaillible qui avait tracé sa destinée depuis sa naissance
lui fut soudainement retirée, laissant un vide qui, estimèrent
ses amis comme ses ennemis, ne pourrait jamais être comblé. Cependant, comme le Centre choisi du covenant de Baha'u'llah,
l'interprète autorisé de ses enseignements, l'expliqua lui-même
plus tard, la dissolution du tabernacle dans lequel l'âme de la manifestation
de Dieu avait choisi de demeurer temporairement marqua sa libération
des restrictions forcément imposées par une vie terrestre. Son
influence, cessant d'être bornée par des limitations physiques
quelles qu'elles soient, son rayonnement n'étant plus affaibli par son
temple humain, cette âme pouvait désormais communiquer de l'énergie
au monde entier, avec une intensité jamais atteinte à n'importe
quel moment de son existence sur cette planète. La tâche stupéfiante de Baha'u'llah sur le plan
terrestre avait d'ailleurs été menée à son point
final, à heure de sa mort. Loin d'avoir donné des résultats
peu concluants en quoi que ce soit, sa mission avait été menée
à son terme sous tous les rapports. Le message qui lui avait été
confié avait été dévoilé à toute l'humanité.
L'appel qu'il avait été chargé d'adresser à ses
chefs et à ses gouvernants avait été lancé sans
crainte. Les principes fondamentaux de la doctrine destinée à
recréer la vie de l'humanité, à guérir ses maux
et à la délivrer de l'esclavage et de la dégradation, avaient
été fixés d'une manière inexpugnable. Le flot d'adversités
qui devait purifier et accroître l'énergie de sa foi avait déferlé
avec une fureur sans frein. Le sang qui devait fertiliser le terrain d'où
les institutions de son ordre mondial étaient destinées à
naître avait été versé à profusion. Par-dessus tout, le covenant qui allait perpétuer l'influence de cette
foi, assurer son intégrité, la garder contre le schisme et stimuler
son expansion mondiale, avait été établi sur une base inviolable. [...] Page 234 Sa cause, plus précieuse que les espoirs et les rêves de l'homme,
recelant dans son écrin cette perle de grand prix que le monde attendait
depuis sa création, sa cause, mise en face de tâches démesurées,
d'une complexité et d'une urgence inimaginables, était, à
n'en pas douter, sous bonne garde. Son propre fils bien-aimé, la prunelle
de son oeil, son vice-gérant sur la terre, l'exécutant de sa volonté,
le pivot de son covenant, le berger de son troupeau, le modèle de sa
foi, l'image de ses perfections, le mystère de sa révélation,
l'interprète de sa pensée, l'architecte de son ordre mondial,
l'emblème de sa suprême paix, le foyer de son infaillible direction,
en un mot, le possesseur d'une charge sans égale ni semblable dans toute
l'histoire religieuse gardait cette cause, vigilant, intrépide et déterminé
à élargir son champ, à proclamer au loin sa renommée,
à défendre ses intérêts et à lui permettre
d'atteindre son but. La proclamation vibrante qu'Abdu'l-Baha avait écrite et adressée
à la grande masse des fidèles de son père, au lendemain
de son ascension, autant que les prophéties qu'il avait lui-même
révélées dans ses tablettes dénotaient une résolution
et une confiance que les fruits récoltés et les triomphes remportés
au cours d'un ministère de trente années ont amplement justifiés. L'ombre du découragement qui s'était momentanément profilée
sur les amis inconsolables de la cause de Baha'u'llah se dissipa.
La continuité de cette infaillible direction, accordée à
cette cause depuis sa naissance, était maintenant assurée. La
signification de l'affirmation solennelle que c'était " le jour qui ne
sera pas suivi par la nuit ", était à présent clairement
saisie. A l'heure où le besoin s'en faisait désespérément
sentir, une communauté orpheline avait reconnu en 'Abdu'l-Baha
sa consolation, son guide, son principal soutien et son défenseur...
La lumière qui, au coeur de l'Asie, avait brillé avec une clarté
aussi éblouissante, et qui s'était répandue, du vivant
de Baha'u'llah, dans le Proche-Orient, illuminant les confins
des continents européen et africain, allait, sous l'influence entraînante
du covenant récemment proclamé, et presque aussitôt après
la mort de son auteur, se propager loin vers l'Ouest, jusqu'au continent nord-américain,
puis, de là, continuer son chemin à travers les pays d'Europe,
et plus tard, inonder de sa splendeur l'Extrême-Orient et l'Australasie. [...] Page 235 Mais avant que la foi puisse planter sa bannière au coeur même
du continent nord-américain, et de là, établir ses avant-postes
sur une portion aussi vaste du monde occidental, le covenant nouveau-né
de Baha'u'llah devait, comme ce fut le cas pour la foi qui l'avait
engendré, être baptisé par le feu, afin de prouver sa solidité
et de proclamer son indestructibilité devant un monde incroyant. Une
crise presque aussi grave que celle qui avait assailli la foi dans sa première
enfance, à Baghdad, allait, dès le départ même,
secouer ce covenant en ses fondements, et soumettre de nouveau la cause, dont
il était le fruit le plus noble, à l'une des plus douloureuses
épreuves rencontrées au cours d'un siècle entier. Cette crise, prise à tort pour un schisme, et que les adversaires à
la fois politiques et ecclésiastiques, autant que le reste des partisans
de Mirza Yahya - qui diminuaient rapidement -, accueillirent comme
le signal de la dislocation immédiate et de la dissolution finale de
l'ordre établi par Baha'u'llah, cette crise éclata
au coeur même de sa foi. Celui qui la provoqua n'était rien moins
qu'un membre de la propre famille d'Abdu'l-Baha, son demi-frère,
mentionné spécialement dans le livre du covenant, et occupant
un rang que nul n'éclipsait, sauf celui qui avait été désigné
comme Centre de ce covenant. Pendant non moins de quatre ans, cet état
de choses critique agita furieusement les esprits et les coeurs d'une grande
partie des fidèles dans tout l'Orient, obscurcit pour un certain temps
l'astre du covenant, créa une brèche irréparable parmi
les propres parents de Baha'u'llah, décida définitivement
du sort de la grande majorité des membres de sa famille, et causa un
grave préjudice au prestige de la foi elle-même, bien qu'il ne
réussit jamais à réaliser une scission définitive
dans sa structure. La véritable raison de cette crise provenait de la
jalousie brûlante, irrésistible et ulcérante que la prééminence
reconnue d'Abdu'l-Baha, quant à son rang, sa puissance, ses capacités,
son savoir et sa vertu, au-dessus de toute autre personne de la famille de son
père, avait éveillée, non seulement en Mirza Muhammad-'Ali,
l'Archibriseur du covenant, mais aussi en quelques-uns de ses plus proches parents.
Une envie aussi aveugle que celle qui s'était emparée de l'âme
de Mirza Yahya, aussi implacable que celle qu'avait allumée
la haute perfection de joseph dans le coeur de ses frères, aussi enracinée
que celle qui avait flambé dans le coeur de Caïn et l'avait poussé
à tuer son frère Abel, une telle envie avait couvé pendant
plusieurs années, avant l'ascension de Baha'u'llah, dans
les replis du coeur de Mirza Muhammad-'Ali, et elle avait été
secrètement attisée par les innombrables marques de distinction,
d'admiration et de faveur accordées à 'Abdu'l-Baha, non
seulement par Baha'u'llah lui-même, par ses compagnons et
ses disciples, mais par le grand nombre d'incroyants amenés à
reconnaître cette grandeur innée qu'il manifestait depuis son enfance. [...] Page 236 Loin d'être apaisé par les clauses d'un testament qui l'avaient
élevé à la seconde place dans l'ensemble des croyants,
le feu d'une animosité inextinguible qui brûlait dans la poitrine
de Mirza Muhammad-'Ali redoubla de violence dès qu'il réalisa
pleinement toutes les implications de ce document. Tout ce qu'Abdu'l-Baha
put faire pendant une durée de quatre années pleines d'angoisse,
ses exhortations incessantes, ses plaidoyers chaleureux, les faveurs et les
bontés qu'il lui témoigna en abondance, les remontrances, les
avertissements qu'il donna, et même son retrait volontaire, dans l'espoir
d'écarter l'orage menaçant, tout cela ne servit à rien.
Graduellement, et avec une ténacité obstinée, à
l'aide de mensonges, de demi-vérités, de calomnies et de grossières
exagérations, ce "promoteur de séditions" réussit à
ranger de son côté presque toute la famille de Baha'u'llah,
ainsi qu'un nombre considérable de ceux qui avaient appartenu à
son entourage immédiat. Les deux épouses de Baha'u'llah
qui vivaient toujours, ses deux fils, l'indécis Mirza Diya'u'llah
et le perfide Mirza Badi'u'llah, leurs soeur et demi-soeur ainsi
que leurs époux dont l'un était l'infâme Siyyid 'AI!, apparenté
au Bab, et l'autre, le rusé Mirza Majdi'd-Din, ainsi que
la soeur de ce dernier et ses demi-frères - enfants du noble et fidèle
Aqày-i-Kalim alors décédé -, tous s'unirent dans
un effort résolu pour renverser les fondations du covenant que le testament,
publié récemment, avait instituées. Même Mirza
Aqà Jàn qui, pendant quarante ans, avait travaillé comme
secrétaire de Baha'u'llah, de même que Muhammad-Javad-i-Qazvini
qui, depuis les jours d'Andrinople, s'était employé à copier
d'innombrables tablettes révélées par la plume suprême
- ainsi que toute sa famille, se joignirent aux briseurs du covenant et se laissèrent
séduire par leurs machinations. Abandonné, trahi, attaqué par presque tous les membres de sa
famille, maintenant rassemblés dans le manoir et les maisons voisines
qui étaient groupées autour du très saint tombeau, déjà
privé de sa mère et de ses fils*, et n'ayant d'autres soutiens
que ceux d'une soeur célibataire, de ses quatre filles non mariées,
de sa femme et de son oncle (un demi-frère de Baha'u'llah),
'Abdu'l-Baha resta seul en face d'une foule d'ennemis ligués contre
lui, au-dedans et au-dehors, pour porter tout le poids des terrifiantes responsabilités
que ses hautes fonctions lui imposaient. Etroitement unis par un désir et un but communs, inlassables dans leurs
efforts, assurés de l'appui du perfide et puissant jamàl-i-Burujirdi
et de ses acolytes, Hàji Husayn-i-Kàshi, Khalil-i-Khu'i et Jalil-i-Tabrizi
qui avaient embrassé leur cause, reliés par un vaste système
de correspondance avec tous les centres et tous les isolés qu'ils pouvaient
toucher, secondés dans leur entreprise par des émissaires qu'ils
envoyaient en Perse, en 'Iraq, aux Indes et en Egypte, enhardis dans
leurs desseins par l'attitude des fonctionnaires qu'ils soudoyaient ou corrompaient,
ces renégats d'un covenant établi par Dieu se levèrent
comme un seul homme pour se livrer à une campagne d'injures et de calomnies
comparable, pour sa virulence, aux accusations infâmes que Mirza
Yahya et Siyyid Muhammad avaient lancées ensemble contre Baha'u'llah. [...] Page 237 Aux amis comme aux étrangers, aux croyants comme aux incroyants, aux
fonctionnaires de tous rangs, ouvertement et par insinuations, verbalement aussi
bien que par écrit, ils représentèrent 'Abdu'l-Baha
comme un usurpateur ambitieux, opiniâtre, sans probité ni pitié,
qui avait délibérément méconnu les instructions
du testament de son père, qui, dans un langage ambigu et voilé
à dessein, s'était approprié un rang égal à
celui de la manifestation elle-même, qui, dans ses messages à l'Occident,
commençait à déclarer qu'il était Jésus-Christ,
le Fils de Dieu, revenu sur terre "dans la gloire du Père", qui, dans
ses lettres aux croyants des Indes prétendait être le shah
Bahràm promis et s'arrogeait le droit d'interpréter les écrits
de son père, d'instaurer une dispensation nouvelle et de partager avec
lui l'infaillibilité suprême, prérogative exclusive des
détenteurs de la fonction prophétique. Ils affirmèrent
par ailleurs qu'il avait fomenté la discorde à des fins personnelles,
entretenu l'inimitié et brandi l'arme de l'excommunication, qu'il avait
dénaturé le but d'un testament qui, prétendaient-ils, concernait
tout d'abord les intérêts privés de la famille de Baha'u'llah,
en le faisant passer pour un covenant d'une importance mondiale, préexistant,
unique et sans pareil dans l'histoire de toutes les religions, qu'il avait privé
ses frères et soeurs de leur part d'héritage légal pour
la distribuer à des fonctionnaires, en vue de son avantage personnel,
et avait décliné toutes les invitations répétées
qui lui furent faites de discuter les questions pendantes et de régler
les différends qui régnaient; ils affirmèrent encore qu'il
avait effectivement altéré le texte sacré, interpolé
des passages écrits par lui-même, détourné de leur
objet et faussé le sens de quelques-unes des plus puissantes tablettes
révélées par la plume de son père, et que, à
cause d'un tel comportement, l'étendard de la rébellion avait
été levé par les croyants d'Orient, la communauté
des fidèles s'était scindée, elle s'affaiblissait rapidement,
et elle était condamnée à disparaître. C'était encore ce même Mirza Muhammad-'Ali qui, se considérant
comme le protagoniste de la fidélité, le porte-étendard
des "unitaires", le "doigt qui montre son maître", le champion de la sainte
famille, le porte parole des aghsàns et le défenseur des saintes
Ecritures, avait avancé, du vivant de Baha'u'llah, dans
une déclaration écrite, signée de sa main et portant son
sceau, la revendication même qu'il imputait maintenant à tort à
'Abdu'l-Baha, et cela si ouvertement et avec une effronterie telle, que
son père l'avait châtié de sa propre main. C'était
lui qui, envoyé en mission aux Indes, avait falsifié le texte
des saintes Ecritures confiées à ses soins pour être publiées.
C'était lui qui avait eu l'impudence et la témérité
de jeter au visage d'Abdu'l-Baha que, de même qu'Omar avait réussi
à usurper la succession du prophète Muhammad, lui aussi se sentait
capable d'en faire autant. [...] Page 238 C'était lui qui, lorsque 'Abdu'l-Baha lui donna l'assurance
que tout l'honneur qu'il convoitait lui reviendrait un jour, obsédé
qu'il était par la crainte de mourir le premier, lui répliqua
avec vivacité qu'il n'avait aucune garantie de lui survivre. C'était
lui qui, ainsi qu'en témoigna Mirza Badi'u'Llah dans sa
confession - écrite et publiée au moment de son repentir et de
sa réconciliation éphémère avec 'Abdu'l-Baha
-, avait, grâce à une ruse, réussi à emporter, alors
que le corps de Baha'u'llah attendait encore sa sépulture,
les deux sacoches contenant les plus précieux documents de son père,
documents que ce dernier, avant son ascension, avait confiés à
'Abdu'l-Baha. C'était lui qui, par une falsification extrêmement
simple et adroite d'un mot qui revenait dans quelques-uns des passages accusateurs
adressés par la plume suprême à Mirza Yahya,
ainsi que par d'autres stratagèmes comme par exemple en tronquant et
en interpolant les textes, était parvenu à les rendre positivement
applicables à un frère qu'il haïssait avec une passion si
dévorante. Et enfin, c'était ce même Mirza Muhammad-'Ali
qui, ainsi que l'atteste 'Abdu'l-Baha dans son testament, avait conspiré
avec ruse et prudence pour lui enlever la vie, comme l'indiquent bien les allusions
contenues dans une lettre écrite par Shù'à'u'llah
(fils de Mirza Muhammad-'Ali), et dont 'Abdu'l-Baha plaça
l'original dans ce même document. Par des actes de ce genre, et bien d'autres trop nombreux pour être rapportés,
le covenant de Baha'u'llah avait manifestement été
violé. Un autre coup, foudroyant par ses premiers effets, venait d'être
administré à la foi et avait ébranlé momentanément
sa structure. La tempête annoncée par l'auteur de l'Apocalypse
s'était déchaînée. Les "éclairs", le "tonnerre",
le "tremblement de terre" qui devaient obligatoirement accompagner l'apparition
de 1-arche de son testament",' tout cela s'était produit. Face à une évolution aussi tragique de la situation qui suivit,
de si près, l'ascension de son père, le chagrin d'Abdul'l-Baha
fut tel, que, malgré les triomphes enregistrés au cours de son
ministère, il laissa des traces en lui jusqu'à la fin de sa vie.
Les émotions violentes qu'il ressentit devant cette sombre affaire rappelaient
celles de Baha'u'llah, lors des événements désastreux
que la rébellion de Mirza Yahya avait entraînés.
"je le jure par l'ancienne Beauté!", écrivit 'Abdu'l-Baha
dans l'une de ses tablettes, "mon chagrin et mes regrets sont si grands que
ma plume reste paralysée entre mes doigts." Tu vois déferler sur
moi", se lamente-t-il dans une prière mentionnée dans son testament,
"des flots de calamités et d'afflictions qui accablent l'âme et
oppressent le coeur ... De cruelles épreuves m'ont assailli, et des dangers
m'ont entouré de tous côtés. Tu me vois plongé dans
une mer de tribulations qui, jamais, ne furent Plus graves, englouti par un
abîme sans fond, affligé par mes ennemis, et consumé par
la flamme de la haine suscitée par les miens, avec lesquels tu as conclu
ton puissant covenant et ton testament solide..." Et plus loin, dans ce même
testament: "Seigneur! Tu le vois, toutes choses pleurent sur moi, et les miens
se réjouissent de mes malheurs. Par ta gloire, ô mon Dieu! Même
parmi mes ennemis, quelques-uns ont déploré mes chagrins et ma
détresse, et plusieurs, parmi les envieux, ont versé des larmes
sur mes soucis, mon exil et mes tourments." "0 toi, la Gloire des gloires",
s'écrie-t-il dans l'une de ses dernières tablettes, "j'ai renoncé
au monde et à ses habitants et me voilà le coeur brisé,
cruellement affligé à cause des infidèles. Dans la cage
de ce monde, je me débats comme un oiseau effrayé, et je languis
chaque jour du désir de prendre mon vol vers ton royaume." [...] Page 239 Dans l'une de ses tablettes - tablette qui jette une vive lumière sur
tout cet épisode -, Baha'u'llah révèle de
manière significative: "Par Dieu, ô peuples! Des pleurs s'échappent
de mes yeux et des yeux d'Ali (le Bab), au milieu de l'Assemblée
céleste, et mon coeur sanglote, et le coeur de Muhammad sanglote dans le
très glorieux Tabernacle, et mon âme appelle, et les âmes
des prophètes en appellent à ceux qui sont doués d'entendement
... Ce n'est pas sur moi-même que je m'attriste mais sur celui qui viendra
après moi, dans l'ombre de ma cause, avec une souveraineté indubitable
et manifeste, car il ne sera pas le bienvenu quand il paraîtra: On rejettera
ses signes, on contestera sa suprématie, on discutera avec lui et on
trahira sa cause ..." "Est-il possible", observe-t-il dans une tablette non
moins chargée de sens, " qu'après le lever du soleil de ton testament,
au-dessus de l'horizon de ta plus grande tablette, les pieds de quiconque puissent
glisser hors de ton droit chemin? A ceci, Nous avons répondu: "0 ma plume
très exaltée! Il t'appartient de t'occuper de ce qui t'a été
ordonné par Dieu, le Magnifié, le Grand. Ne demande pas ce qui épuisera ton coeur et les "coeurs des botes du paradis
qui se sont rangés autour de ma cause merveilleuse. Il convient que
tu n'aies point connaissance de ce que Nous t'avons voilé. Ton Seigneur
est, en vérité, Celui qui voile, Celui qui sait tout." Baha'u'llah,
parlant de manière plus explicite de Mirza Muhammad-'Ali, affirme,
en un langage clair et sans équivoque: "Il n'est, en vérité,
que l'un de mes serviteurs... S'il s'éloignait, fut-ce un moment, de
l'ombre de la cause, il serait sûrement réduit à néant."
D'autre part, dans un langage tout aussi énergique, il déclare
encore au sujet de Mirza Muhammad-'Ali: " Par Dieu, le Véritable! Si
Nous lui refusions pendant un seul instant les bienfaits de notre cause, il
dépérirait et tomberait dans la poussière." 'Abdu'l-Baha,
de son côté, déclare en outre: " Il n'y a aucun doute
que, dans un millier de passages des écrits sacrés de Bahd'u'llàh,
les briseurs du covenant soient exécrés." Avant de quitter ce
monde, il fit lui-même une compilation de certains de ces passages,
et il les inséra dans l'une de ses dernières tablettes, en tant
que mise en garde, et comme moyen de protection contre ceux qui, tout au long
de son ministère, avaient manifesté contre lui une haine aussi
implacable, et avaient presque réussi à détruire les
fondements d'un covenant qui, non seulement lui conférait sa propre
autorité, mais dont dépendait l'intégrité même
de la foi.
CHAPITRE XV: Rébellion de Mirza Muhammad 'Ali