DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
Chapitre précédent
Retour au sommaireChapitre
suivant
4ième Période: Début de l'âge de formation de la foi, 1921-1944 [...] Page 343 Les institutions annonçant la naissance et l'établissement de
l'ordre administratif de la foi de Baha'u'llah ne restèrent
pas (comme le démontre amplement l'histoire de leur développement)
à l'abri des assauts et des persécutions auxquels la foi elle-même,
mère de cet ordre, avait été soumise pendant plus de soixante-dix
ans et dont elle souffre encore. La formation d'une communauté solidement
unie, se réclamant d'une religion mondiale, ayant des ramifications déployées
dans cinq continents, comprenant des représentants de races, de langues,
de classes et de traditions religieuses très diverses, possédant
une littérature largement répandue sur la terre et qui expose
sa doctrine en plusieurs langues, douée d'une vue claire, dénuée
de crainte, vigilante et déterminée à atteindre son but
au prix de n'importe quel sacrifice, unifiée dans ses éléments
grâce au mécanisme d'un ordre administratif divinement institué,
apolitique, non sectaire, fidèle à ses obligations civiques et
cependant supra nationale de nature, attachée avec ténacité
aux lois et ordonnances réglementant sa vie communautaire, la formation
d'une telle communauté, dans un monde noyé dans les préjugés,
adorant de faux dieux, déchiré par des querelles internes et aveuglément
accroché à des doctrines désuètes et à des
normes imparfaites, ne pouvait manquer de déclencher, tôt ou tard,
des crises non moins graves quoique moins spectaculaires que les persécutions
qui, dans une période antérieure, avaient fait rage autour des
fondateurs de cette communauté et de leurs premiers disciples. Assailli
par des ennemis de l'intérieur qui s'étaient révoltés
contre l'autorité que Dieu lui avait donnée ou qui avaient complètement
renié leur foi, ou bien par des adversaires de l'extérieur, politiques
ou ecclésiastiques, l'ordre naissant, indissolublement lié à
cette communauté a. depuis sa création et à travers toutes
les phases de son évolution, ressenti gravement le choc des forces qui
ont vainement cherché à étouffer sa vie fraîchement
éclose ou à ternir son but. [...] Page 344 A ces attaques dont la portée et la gravité sont destinées
à s'accroître et à provoquer un tumulte qui se répercutera
à travers le monde, 'Abdu'l-Baha avait déjà fait
allusion d'une manière significative, à l'époque où
il décrivait les grands traits de cet ordre divin dans son testament:
"D'ici peu, les clameurs de la multitude, à travers l'Afrique et à
travers l'Amérique, les cris de l'Européen et du Turc, les gémissements
de l'Inde et de la Chine s'entendront, de près et de loin. Alors, les
chevaliers de Dieu.... renforcés des légions du covenant, se lèveront
et montreront la vérité du verset: Voyez la confusion qui s'est
abattue sur les tribus des vaincus." Déjà, dans plus d'un pays, les administrateurs et les représentants
élus de cet ordre mondial indestructible ont été convoqués
par les autorités civiles ou les cours ecclésiastiques ignorantes
de ses revendications, hostiles à ses principes ou inquiètes de
sa vigueur grandissante, pour qu'ils justifient cet ordre ou bien qu'ils renoncent
à lui être fidèles, ou encore qu'ils restreignent son champ
d'action. Déjà, une main agressive, négligeant la colère
vengeresse de Dieu, s'est abattue sur ses sanctuaires et ses édifices.
Déjà, ses défenseurs et ses champions ont été
qualifiés d'hérétiques dans certains pays, ou flétris
comme des destructeurs de la loi et de l'ordre, traités de visionnaires,
d'anti-patriotes indifférents à leurs devoirs civiques et à
leurs responsabilités, ou sommés de façon péremptoire
de cesser leurs activités et de dissoudre leurs institutions. En Terre sainte, siège mondial de cette organisation, où bat
son coeur, où reposent les cendres de ses fondateurs, d'où partirent
tous les processus dévoilant ses objectifs, stimulant sa vie et tissant
sa destinée, en ce lieu s'abattit, à l'heure même où
naissait cette organisation, le premier coup qui servit à proclamer aux
puissants comme aux humbles la solidité des fondations sur lesquelles
elle était établie. Les briseurs du covenant, maintenant réduits
à une simple poignée, poussés par Mirza Muhammad
'Ali, le grand rebelle, dont les espoirs endormis s'étaient subitement
réveillés à l'ascension soudaine d'Abdu'l-Baha,
et conduits par l'arrogant Mirza Badi'u'Llah, s'emparèrent
par la force des clefs du tombeau de Baha'u'llah, expulsèrent
le sérieux Abu'l-Qàsim-i-Khuràsàni qui le gardait,
et demandèrent aux autorités que leur chef soit reconnu comme
gardien légal de ce tombeau. Oubliant leur piteux échec, comme
le montra bien l'attitude de fermeté prise par les autorités de
Palestine qui, après une enquête prolongée, enjoignirent
le fonctionnaire anglais résidant à 'Akka de remettre les
clefs aux mains de ce même gardien, les briseurs de covenant eurent recours
à d'autres méthodes, espérant ouvrir une brèche
dans les rangs des disciples affligés, mais cependant résolus,
d'Abdu'l-Baha, et de saper en définitive les fondations des institutions
que ses fidèles travaillaient à établir. [...] Page 345 Par leurs déformations malveillantes des idéaux animant les constructeurs
de l'ordre administratif Baha'i, en maintenant, quoique sur un autre
rythme qu'au début, une correspondance subversive avec des particuliers
dont ils espéraient détruire insidieusement la loyauté,
en défigurant délibérément la vérité
au cours de leurs relations avec les notables et les personnages officiels qu'ils
pouvaient approcher, en essayant d'acheter, par la corruption et l'intimidation,
une partie du palais de Baha'u'llah, en s'efforçant d'empêcher
la communauté Baha'i d'acquérir certaines propriétés
situées aux alentours du tombeau du Bab, et de faire échouer
la tentative pour confirmer l'acquisition de certaines d'entre elles - ceci
par le transfert des titres de propriétés aux noms d'assemblées
Baha'i enregistrées -, ils continuèrent à travailler
par intermittence, pendant plusieurs années, jusqu'à ce que la
mort de Archi briseur du covenant lui-même ait pratiquement fixé
leur destin. L'évacuation, par ces briseurs du covenant, du palais de Baha'u'llah
qu'ils avaient occupé depuis son ascension sans que personne le leur
disputât, et que leur négligence criante avait laissé dans
un triste état de dégradation, sa restauration complète
qui suivit, réalisant un projet longtemps caressé par 'Abdu'l-Baha,
son éclairage à l'électricité, installée
exprès par un croyant américain, le nouvel ameublement de toutes
ses pièces, complètement dépouillées par ses anciens
occupants de toutes les précieuses reliques qu'elles contenaient, à
l'exception d'un seul chandelier dans la chambre où avait eu lieu l'ascension
de Baha'u'llah, la collection, rangée dans ses salles,
de documents historiques Baha'i, de reliques et de plus de cinq mille
volumes de littérature Baha'i en quarante langues au moins, l'exemption
de taxes étendue à ladite demeure par le gouvernement qui l'avait
déjà accordée à d'autres institutions et propriétés
Baha'i à 'Akka et sur le mont Carmel, et finalement sa
transformation de résidence privée en un centre de pèlerinage
que visitent les Baha'is et les non-Baha'is, tous ces faits servirent
à ruiner un peu plus les espoirs de ceux qui, désespérément,
s'efforçaient encore d'éteindre la lumière du covenant
de Baha'u'llah. De plus, l'heureux achat et la préservation,
plus tard, de la zone environnant le lieu de repos du Bab, sur le mont
Carmel, et le transfert des titres de propriétés de quelques-unes
de ces propriétés à la filiale palestinienne, légalement
constituée, de l'Assemblée Spirituelle Nationale des Baha'is
d'Amérique, non moins que les circonstances entourant la mort de celui
qui avait été le principal promoteur* de troubles pendant tout
le ministère d'Abdu'l-Baha, démontrèrent à
ces ennemis l'inutilité de leurs efforts en faveur d'une cause désespérée. De nature plus sérieuse et entraînant des répercussions
encore plus grandes fut la saisie illégale par les shi'ahs d'Iraq,
à peu près au moment OÙ les briseurs du covenant arrachèrent
les clefs du tombeau de Baha'u'llah à son gardien, d'un
autre sanctuaire Baha'i, la maison occupée par Baha'u'llah
pendant presque toute la période de son exil en 'Iraq et qu'il
avait acquise, maison qui fut désignée plus tard comme un lieu
de pèlerinage et qui, depuis son départ de Baghdad, était
restée la propriété ininterrompue et incontestée
de ses fidèles. d'Abdu'l-Baha, et [...] Page 346 Au fur et à mesure que se déroulait cette crise, née environ
un an avant l'ascension provoquée par les mesures prises, selon ses instructions,
pour reconstruire cette maison après le changement de régime en
'Iraq, une publicité de plus en plus grande se fit autour d'elle.
Elle devint l'objet de l'attention d'une série de tribunaux, d'abord
de la cour locale shi'ah ja'fariyyih à Baghdad, ensuite du tribunal
de paix, puis du tribunal de première instance, ensuite de la cour d'appel
d'Iraq, et enfin de la Société des Nations, le plus grand
organisme international jamais créé, possédant l'autorité
nécessaire pour surveiller et contrôler tous les territoires sous
mandat. Quoique cette crise ne soit pas encore résolue pour diverses
raisons tant religieuses que politiques, elle a déjà remarquablement
servi à réaliser la prédiction même de Baha'u'llah,
et lorsque le temps sera venu et que les moyens de la résoudre seront
donnés par la Providence, elle remplira le rôle important que lui
a dévolu Baha'u'llah dans ses tablettes. Bien avant que
des ennemis fanatiques ne s'en emparent sans aucun droit imaginable, il avait
prophétisé qu' "elle serait tellement dégradée dans
les temps à venir, que couleraient les larmes de tout être doué
de discernement". L'Assemblée Spirituelle des Baha'is de Baghdad, privée
de la jouissance de cette propriété sacrée, en vertu d'une
décision majoritaire défavorable de la cour d'appel qui avait
cassé le verdict du tribunal précédent et accordé
la propriété aux shi'ahs, et soulevée d'indignation par
les agissements de ceux-ci qui, après l'exécution du jugement
de cette cour, convertirent cette maison en propriété waqf (fondation
pieuse) appelée Husayniyyih*, ceci dans le but de consolider leur avantage,
ladite assemblée se rendit compte de l'inutilité des trois ans
de négociations poursuivies avec les autorités civiles de Baghdad,
en vue d'obtenir le redressement des torts qui lui avaient été
infligés. Se référant au texte de l'article 22du pacte
de la Société des Nations, et en vertu de leur qualité
de représentants nationaux des Baha'is d'Iraq, les membres
de l'assemblée firent alors, le 11 septembre 1928, par l'entremise du
haut-commissaire de l'Iraq, une démarche auprès de la Commission
des mandats permanents de la Société des Nations, chargée
de contrôler l'administration de tous les territoires sous mandat, et
lui présentèrent une pétition qui fut acceptée et
approuvée par cet organisme, en novembre 1928. A propos de cette pétition,
un mémorandum, soumis à cette même commission par la puissance
mandataire, faisait connaître nettement qu' "aucun droit possible" sur
cette maison ne revenait aux shi'ahs, que la décision du juge de la cour
ja'fariyyih était "manifestement erronée ", "injuste", et "incontestablement
inspirée par des préjugés religieux", que l'expulsion des
Baha'is survenue ensuite, était "illégale", que la mesure
prise par les autorités était "parfaitement irrégulière",
et que le verdict de la cour d'appel ne paraissait pas "exempt de considérations
politiques". [...] Page 347 "La Commission", spécifie celle-ci dans son rapport soumis au Conseil
de la Société des Nations - rapport publié dans les minutes
de la 14ème session de la Commission des mandats permanents, tenue à
Genève en automne 1978, traduit en arabe par la suite et publié
en 'Iraq -, "la Commission attire l'attention du Conseil sur les considérations
et les conclusions que l'examen de la pétition lui a inspirées
... Elle propose que le Conseil demande au gouvernement britannique de faire
des représentations au gouvernement d'Iraq, en vue de réparer
immédiatement le déni de justice que les auteurs de la pétition
ont souffert." Le représentant britannique accrédité, présent
aux sessions de la Commission, déclara en outre que "la puissance mandataire
avait reconnu que les Baha'is avaient souffert d'une injustice", tandis
qu'une allusion était faite, au cours de cette session, au fait que l'acte
des shi'ahs constituait une violation de la constitution et de la loi organique
en 'Iraq. De plus, le représentant finlandais déclara,
dans son rapport au Conseil, que cette "injustice devait être attribuée
uniquement à la passion religieuse", et demanda que "soient réparés
les torts faits aux requérants". Le Conseil de la Société des Nations ayant, de son côté,
examiné ce rapport ainsi que les observations annexées et les
conclusions de la Commission, adopta, à l'unanimité, le 4 mars
192.9, une résolution, traduite et publiée par la suite dans les
journaux de Baghdad, invitant la puissance mandataire à "faire
des représentations au gouvernement de l'Iraq, dans le but de
réparer immédiatement l'injustice infligée aux requérants".
En conséquence, il chargea le secrétaire général
de porter à la connaissance de la puissance mandataire, aussi bien qu'aux
requérants en question, les conclusions auxquelles la Commission était
arrivée, et le gouvernement britannique transmit correctement ces instructions
au gouvernement de l'Iraq, par l'entremise de son haut-commissaire. Une lettre datée du 12 janvier 1931, écrite de la part du ministre
des Affaires étrangères britannique, Mr. Arthur Henderson, adressée
au secrétariat de la Société des Nations, déclara
que les conclusions du Conseil avaient "fait l'objet de l'examen le plus attentif
de la part du gouvernement de l'Iraq" qui avait "finalement décidé
de nommer un comité spécial ... pour étudier les points
de vue exprimés par la communauté Baha'i au sujet de certaines
maisons de Baghdad, et formuler des recommandations en vue d'un règlement
équitable de cette question". Cette lettre signala également que
le comité avait soumis son rapport en août193o, et qu'il avait
été accepté par le gouvernement, que la communauté
Baha'i avait "approuvé en principe" ses recommandations, et que
les autorités de Baghdad avaient donné des directives pour
que "des plans détaillés et des devis estimatifs soient dressés
afin de mettre ces recommandations à exécution, au cours de l'exercice
financier prochain". [...] Page 348 Il est inutile de s'appesantir sur la suite de l'histoire de ce cas mémorable,
sur les négociations prolongées, les délais et les complications
qui s'ensuivirent, sur les consultations, "plus d'une centaine", auxquelles
prirent part le roi, ses ministres et ses conseillers, sur les expressions de
"regret", de "surprise" et d' "inquiétude" enregistrées dans les
procès verbaux des sessions successives de la Commission des mandats,
tenues à Genève en 1929,1930, 1931, 1932 et 1933, dont les membres
condamnèrent l' "esprit d'intolérance" de la communauté
shi'ah, la "partialité" des tribunaux iraquiens, la "faiblesse" des autorités
civiles et la "passion religieuse cachée au fond de cette injustice",
témoignèrent des "dispositions extrêmement conciliantes
" de la part des requérants, exprimèrent leur "doute" à
l'égard de la justesse des propositions faites, constatèrent le
caractère Il sérieux " de la situation ainsi créée,
et reconnurent-ils l'injustice flagrante" dont les Baha'is avaient souffert
ainsi que la "dette morale" contractée par le gouvernement d'Iraq,
dette qu'il était de son strict devoir de régler, quels que soient
les changements de ses statuts en tant que nation. Il ne paraît pas non plus nécessaire de s'étendre sur les
conséquences malheureuses de la mort inopportune, à la fois du
haut-commissaire britannique et du Premier ministre iraquien, sur l'admission
de l'Iraq comme membre de la Société des Nations, d'où
la fin du mandat détenu par la Grande-Bretagne, sur la mort tragique
et inattendue du roi lui-même, sur les difficultés dues à
un projet d'urbanisme pour la ville, sur l'assurance écrite que le haut-commissaire
reçut du Premier ministre intérimaire, dans sa lettre de janvier
1932, sur la promesse donnée par le roi en février 1933, avant
sa mort et en présence du ministre des Affaires étrangères,
que la maison de Baha'u'llah serait expropriée et que la
somme nécessaire serait disponible au printemps de l'année suivante,
sur la déclaration catégorique de ce même ministre des Affaires
étrangères, disant que le Premier ministre avait donné
les assurances nécessaires que la promesse déjà faite par
le Premier ministre intérimaire serait tenue, ni sur les déclarations
positives dudit ministre des Affaires étrangères et de son collègue,
le ministre des Finances, représentant tous deux leur pays aux sessions
de la Société des Nations, à Genève, et affirmant
que la promesse donnée par leur défunt roi serait pleinement honorée. Qu'il suffise de dire qu'en dépit de ces interminables délais,
protestations et dérobades, et de la carence manifeste des autorités
auxquelles il incombait d'exécuter les recommandations présentées
par le Conseil de la Société des Nations et la Commission des
mandats permanents, la publicité que valut à la foi ce litige
mémorable et la défense de sa cause - la cause de la vérité
et de la justice -, par le plus haut tribunal de la terre, fut à même
de provoquer l'émerveillement de ses amis et de remplir de consternation
ses ennemis. [...] Page 349 Bien peu d'épisodes, s'il en est, ont donné lieu, depuis la naissance
de l'âge de formation de la foi de Baha'u'llah, à
des répercussions, dans les hautes sphères, comparables à
l'effet produit sur les gouvernements et les chancelleries par cette attaque
violente et non provoquée, dirigée par les ennemis invétérés
de la foi contre l'un de ses sanctuaires les plus sacrés. 'Ne t'afflige point, 9 demeure de Dieu", écrit Baha'u'llah
lui-même de façon suggestive, Il si le voile de ta sainteté
est déchiré par les infidèles. Dieu t'a parée, dans
le monde de la création, du joyau de son souvenir. Un ornement de ce
genre, nul homme ne peut, en aucun temps, le Profaner. Vers toi, en toutes circonstances,
les regards de ton Seigneur continueront à se tourner." Au temps fixé",
annonce-t-il dans un autre passage, faisant allusion à cette même
demeure, "le Seigneur l'exaltera aux yeux de tous les hommes, par le pouvoir
de la vérité. Y en fera l'emblème de son royaume, le sanctuaire
autour duquel circulera la foule des croyants." A l'attaque effrontée lancée par les briseurs du covenant de
Baha'u'llah, unis dans leurs efforts pour s'assurer la garde de
son tombeau sacré, à la saisie arbitraire de sa sainte demeure,
à Baghdad, par la communauté shi'ah d'Iraq, devait
s'ajouter quelques années après une autre grave attaque lancée
par un adversaire encore plus puissant, et dirigée contre la structure
même de l'ordre administratif tel qu'il avait été établi
par deux communautés Baha'i d'Orient, depuis longtemps florissantes;
cette attaque se termina par la dislocation pratique de ces communautés
et la saisie du premier Mashriqu'l-Adhkar du monde Baha'i, ainsi
que des quelques institutions subsidiaires déjà élevées
autour de lui. Le courage, la ferveur et la vitalité spirituelles que montraient ces
communautés, l'état de leurs institutions administratives très
bien organisées, les facilités prévues pour l'éducation
religieuse et la formation de la jeunesse, la conversion d'un certain nombre
de citoyens russes d'esprit large, pénétrés d'idées
en rapport étroit avec les principes de la foi, la compréhension
de plus en plus grande de la portée des principes de celle-ci, mettant
l'accent sur la religion, sur la sainteté de la vie familiale et sur
l'usage établi de la propriété privée, le refus
de ces communautés de faire une discrimination entre les classes, ainsi
que la doctrine de l'égalité absolue entre les hommes, toutes
ces raisons s'ajoutèrent pour éveiller la suspicion et pour soulever,
plus tard, l'opposition violente des autorités dirigeantes, et pour déclencher
l'une des crises les plus graves dans l'histoire du premier siècle Baha'i. [...] Page 350 La crise, qui se développa et s'étendit même aux centres
avoisinants du Turkistàn et du Caucase, amena peu à peu des restrictions
à l'égard de ces communautés, limitant leur liberté,
entraînant l'interrogatoire et l'arrestation de leurs représentants
élus, la dissolution de leurs assemblées locales et de leurs comités
correspondants, à Moscou, 'Ishqàbàd, Bakou et autres localités
des provinces ci-dessus mentionnées, ainsi que la cessation de toutes
les activités de la jeunesse Baha'i. Cette crise conduisit même
à fermer les écoles Baha'i, les jardins d'enfants, les
bibliothèques et salles de lecture publiques, à intercepter toute
communication avec les centres Baha'i étrangers, confisquer les
presses à imprimer les livres et documents, défendre toutes les
activités enseignantes, annuler la constitution Baha'i, supprimer
tous les fonds nationaux et locaux, et interdire aux non-croyants d'assister
aux réunions Baha'i. Au milieu de l'année 1928, la loi d'expropriation des édifices
religieux fut appliquée au Mashriqu'l-Adhkar d'Ishqàbàd.
Cet édifice continua cependant à servir de maison d'adoration,
en vertu d'un bail de cinq ans, renouvelé en 1933 par les autorités
locales pour une période identique. En 1938, la situation s'aggrava rapidement
au Turkistàn et dans le Caucase, conduisant à l'emprisonnement
de plus de cinq cents croyants dont beaucoup moururent - ainsi que d'un certain
nombre de femmes, et à la confiscation de leurs propriétés;
ces mesures furent suivies par l'exil de plusieurs membres éminents de
ces communautés en Sibérie, dans les forêts polaires et
autres lieux situés au voisinage de l'océan Arctique, puis, par
la déportation en Perse de la plupart des derniers membres de ces communautés,
vu leur nationalité persane, et enfin par l'expropriation complète
du temple lui-même qui fut transformé en musée des arts. En Allemagne également, la naissance et l'établissement de l'ordre
administratif de la foi, que les croyants allemands contribuaient de plus en
plus, et d'une manière remarquable, à développer et à
établir solidement, furent bientôt suivis par des mesures de répression
qui, moins graves que les tourments infligés aux Baha'is du Turkistàn
et du Caucase, aboutirent quand même à faire cesser pratiquement
toute activité Baha'i organisée à travers ce pays,
pendant les années qui précédèrent immédiatement
le conflit actuel.' L'enseignement public de la foi, mettant ouvertement l'accent
sur la paix et l'universalité, et rejetant le racisme, fut officiellement
interdit, les assemblées Baha'i et leurs comités furent
dissous, les réunions en conventions défendues, les archives de
l'assemblée spirituelle nationale saisies, l'école d'été
abolie et la publication de toute littérature Baha'i suspendue. [...] Page 351 D'autre part, en Perse, outre les explosions isolées de persécutions
dans des localités comme Shiraz. Àbàdih, Ardibil,
Isfàhàn, et dans certaines régions de l'Adhirbàyjàn
et du Khuràsàn - explosions bien moins nombreuses et moins violentes,
étant donné le déclin sensible du pouvoir des ecclésiastiques
shi'ah autrefois puissants -, les institutions d'un ordre administratif, tout
nouveau et non encore affermi, furent soumises par les autorités civiles,
dans la capitale et en province, à des restrictions visant à limiter
leur portée, entraver leur liberté et miner leurs fondations. L'émergence progressive et totalement inattendue, hors de l'obscurité,
d'une communauté nationale solidement unie, formée à l'école
du malheur et douée d'un courage inaltérable, possédant
des centres installés dans chaque province de ce pays, malgré
les poussées successives de persécutions inhumaines qui, pendant
trois quarts de siècle, l'avaient atteinte et presque engloutie, la détermination
de ses membres de faire connaître l'esprit et les principes de leur foi,
de répandre ses écrits, d'appliquer ses lois et règlements
et de frapper d'une sanction ceux qui les transgresseraient, d'entretenir des
relations suivies avec leurs coreligionnaires en pays étrangers, de construire
les édifices et d'établir les institutions de son ordre administratif
ne pouvaient que soulever les appréhensions et l'hostilité des
autorités au pouvoir, soit qu'elles méconnussent les objectifs
de cette communauté, soit qu'elles eussent décidé de l'anéantir.
La persistance de ses membres qui, tout en obéissant, pour toute question
d'un caractère purement administratif, aux statuts civils de leur pays,
continuaient à adhérer aux principes spirituels fondamentaux,
aux préceptes et aux lois révélés par Baha'u'llah
- leur enjoignant entre autres de s'attacher fermement à ce qui est vrai,
de ne pas cacher leur foi, d'observer les ordonnances prescrites concernant
le mariage et le divorce, et de suspendre tout genre de travail les jours saints
institués par Baha'u'llah -, une telle persistance amena
tôt ou tard lesdits membres à entrer en conflit avec un régime
qui, en raison de sa reconnaissance officielle de l'islam comme religion
d'Etat en Perse, refusait d'accorder cette reconnaissance à ceux que
les représentants officiels de ladite religion avaient déjà
condamnés comme hérétiques. La fermeture de toutes les écoles appartenant à la communauté
Baha'i de ce pays, conséquence immédiate du refus des représentants
de cette communauté de laisser leurs institutions officielles - dont
ils étaient propriétaires et qu'ils contrôlaient entièrement
- transgresser la loi clairement révélée qui ordonne l'arrêt
du travail pendant les jours saints de la foi Baha'i, le refus des bureaux
de l'Etat civil d'accepter et d'enregistrer tous les certificats de mariage
Baha'i, l'interdit frappant l'impression et la mise en circulation de
toute littérature Baha'i aussi bien que son importation dans ce
pays, la saisie de documents, de livres et de reliques Baha'i en divers
centres, la fermeture des Haziratu'l Quds dans certaines provinces et, dans
plusieurs localités, la confiscation de leur ameublement, l'interdiction
de toutes manifestations Baha'i, conférences et conventions, [...] Page 352 La rigoureuse censure imposée sur les messages - qui, souvent, ne furent
pas distribués -, messages échangés par les centres Baha'i
de Perse, entre eux et avec les communautés des pays étrangers,
le retrait aux citoyens loyaux et respectueux des lois de leurs certificats
de bonne vie et moeurs, en raison de leur adhésion avouée à
la foi Baha'i, le renvoi d'employés du gouvernement, la rétrogradation
ou la révocation d'officiers de l'armée, l'arrestation, l'interrogatoire,
l'emprisonnement, les amendes et autres punitions infligées à
quantité de croyants parce qu'ils refusaient de renoncer aux principes
spirituels moralement imposés par leur foi, ou d'agir d'une manière
incompatible avec son caractère apolitique et universel, tous ces agissements
peuvent être considérés comme les premières tentatives
qui furent faites, dans le pays dont le sol était déjà
saturé du sang d'innombrables martyrs Baha'i, pour empêcher
l'établissement d'un ordre administratif naissant et faire échouer
les efforts en vue de son émancipation, ordre dont les racines mêmes
ont puisé leur force dans d'aussi héroïques sacrifices.
CHAPITRE XXIII: Attaques des institutions Baha'i