DIEU PASSE PRES DE NOUS
Shoghi Effendi
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4ième Période: Début de l'âge de formation de la foi, 1921-1944 [...] Page 353 Tandis que les premières dispositions en vue de la création des
cadres de l'ordre administratif de la foi de Baha'u'llah étaient
prises simultanément par ses fidèles, dans les pays de l'Orient
et de l'Occident, une attaque violente était déclenchée,
dans un obscur village d'Egypte, contre une poignée de croyants qui tâchaient
d'y établir une des premières institutions de cet ordre, attaque
qui, considérée du point de vue de l'histoire, sera jugée
par les générations futures comme un événement marquant,
non seulement pour la période de formation de la foi, mais pour l'histoire
du premier siècle Baha'i. En fait, on peut dire que, par ses conséquences,
cette attaque ouvrit un nouveau chapitre dans l'évolution de la foi elle-même,
évolution qui, la conduisant à travers les phases successives
de répression, d'émancipation, de reconnaissance comme révélation
indépendante et comme religion d'Etat, doit conduire à l'établissement
de l'Etat Baha'i et aboutir à l'avènement de la fédération
mondiale Baha'i. Commencé dans un pays qui peut, à juste titre, se vanter d'être
le centre reconnu des mondes arabe et musulman, accéléré
par l'action dans laquelle s'engagèrent, de leur propre initiative, les
représentants ecclésiastiques de la plus grande confrérie
de l'islam, faisant directement suite à une série de troubles
provoqués par certains des membres de cette confrérie, dans le
but de mettre fin aux activités de certains adhérents à
la foi qui avaient fait partie du clergé, ce développement notable
de la prospérité d'une communauté engagée dans la
lutte a contribué nettement, et dans une large mesure, à fortifier
et à rehausser le prestige de l'ordre administratif qu'elle avait commencé
à établir. Par ailleurs, au fur et à mesure que ses répercussions
seront plus largement ressenties par d'autres nations islamiques, et que sa
profonde signification sera plus clairement comprise des adhérents de
la chrétienté et de l'islam, ce développement hâtera
la fin de la période de transition par laquelle la foi, actuellement
au stade de sa formation, est en train de passer. [...] Page 354 C'est dans le village de Kawmu's-Sa'àyidih, district de Beba, province
de Beni Suef, en Haute-Egypte, où la formation d'une assemblée
Baha'i avait éveillé le fanatisme religieux dans le coeur
du chef de ce village, lequel avait porté de graves accusation devant
l'officier de police du district et le gouverneur de la province - accusations
qui excitèrent tellement les musulmans qu'ils en arrivèrent à
commettre des actes honteux contre leurs victimes - , c'est dans ledit village
que le notaire, en sa qualité de plaignant d'un ordre religieux agréé
par le ministère de la justice, entama une action contre trois résidents
Baha'i de ce village, demandant que divorcent leurs épouses qui
étaient musulmanes, sous prétexte que leurs maris avaient abandonné
l'islam après leur mariage légal en tant que musulmans. Après jugement, la cour d'appel religieuse de Beba rendit son verdict
le 10 mai 1925. Sanctionné par la suite par les plus hautes autorités
ecclésiastiques du Caire qui le déclarèrent définitif,
imprimé et mis en circulation par les autorités musulmanes elles-mêmes,
ce verdict annulait les mariages contractés par les trois défendeurs
Baha'i et condamnait en masse, comme hérétiques, ceux qui
avaient violé les lois et ordonnances de l'islam. Le jugement
alla même jusqu'à faire la déclaration positive, surprenante
et véritablement historique, que la foi embrassée par ces hérétiques
devait être considérée comme une religion distincte, entièrement
indépendante des systèmes religieux qui l'avaient précédée,
affirmation contestée ou délibérément ignorée
jusque-là par les ennemis de la foi, en Orient ou en Occident. Après avoir énoncé les principes fondamentaux et les ordonnances
de l'islam et donné un exposé détaillé des
enseignements Baha'i, appuyés par diverses citations tirées
du Kitab-i-Aqdas, des écrits d'Abdu'l-Baha et de Mirza
Abu'l-Fadl, et par une mention spéciale de certaines lois Baha'i,
et après avoir démontré que, à la lumière
de ces assertions, les défendeurs avaient positivement abjuré
la foi de Muhammad, ce jugement officiel stipule, en termes des plus nets: "La
foi Baha'i est une nouvelle religion, entièrement indépendante,
avec des croyances, des principes et des lois qui lui sont propres, qui sont
différents des croyances, principes et lois de l'islam, et sont
en désaccord complet avec ceux-ci. Par conséquent, un Baha'i
ne peut être considéré comme musulman et vice-versa, de
même qu'un bouddhiste, un brahmaniste ou un chrétien ne peut être
considéré comme musulman et réciproquement." Ordonnant
la dissolution des contrats de mariage des parties en cause et la "séparation"
des maris d'avec leurs femmes, cette déclaration officielle et mémorable
se terminait par ces mots: " Si l'un d'entre eux (des époux) se repent,
s'il croit et reconnaît tout Ce que ... Muhammad, l'Apôtre de Dieu
... a apporté de la part de Dieu .... s'il revient vers la noble foi
de l'islam ... et atteste que ... Muhammad ... est le sceau des prophètes
et des messagers, qu'aucune religion ne succédera à sa religion,
que nulle loi n'abrogera sa loi, que le Qur'an est le dernier des livres
de Dieu et sa dernière révélation à ses prophètes
et à ses messagers ... il sera accepté et aura le droit de renouveler
son contrat de mariage." [...] Page 355 Cette déclaration d'une portée considérable, appuyée
par des preuves irréfutables qu'apportaient eux-mêmes les ennemis
avérés de la foi de Baha'u'llah, faite dans un pays
qui ambitionne de prendre la tête de l'islam en rétablissant
le califat, et qui reçut la sanction des autorités ecclésiastiques
les plus hautes de ce pays, ce témoignage officiel que les chefs de l'islam
shi'ah, à la fois en Perse et en 'Iraq, ont évité
avec soin pendant un siècle de prononcer, réduit au silence, une
fois pour toutes, ces détracteurs y compris les ecclésiastiques
chrétiens d'Occident - qui, dans le passé, ont discrédité
la foi, la traitant de culte, de secte babi, de branche dérivée
de l'islam, ou bien la représentant comme une synthèse
des religions. Une telle déclaration fut acclamée par toutes les
communautés Baha'i des deux mondes, comme la première charte
libérant la cause de Baha'u'llah des chaînes de l'orthodoxie
islamique, comme le premier pas historique effectué, non pas par ses
adhérents comme on aurait pu s'y attendre mais par ses adversaires, dans
le chemin conduisant à sa reconnaissance finale à travers le monde. Un tel jugement, impliquant d'incalculables possibilités, fut immédiatement
reconnu comme un défi formidable que les constructeurs de l'ordre administratif
de la foi de Baha'u'llah ne furent pas longs à regarder
en face ni à accepter. Il fit peser sur eux une obligation sacrée
dont ils furent prêts à s'acquitter. Conçu par ses auteurs
en vue d'empêcher leurs adversaires d'accéder aux tribunaux musulmans
et de les placer, de ce fait, dans une situation embrouillée et embarrassante,
ce jugement devint un levier que la communauté Baha'i d'Egypte,
suivie plus tard par les communautés soeurs d'autres pays, utilisa promptement
comme un moyen pour affirmer l'indépendance de sa foi et pour tâcher
de la faire reconnaître par son gouvernement. Traduit en plusieurs langues
et distribué aux communautés Baha'i d'Orient et d'Occident,
il prépara graduellement le terrain à l'ouverture de négociations
entre les représentants élus de ces communautés et les
autorités civiles en Egypte, en Terre sainte, en Perse et même
aux Etats-Unis d'Amérique, dans le but d'obtenir, de la part de ces autorités,
la reconnaissance officielle de la foi comme religion indépendante. En Egypte, ce fut le signal de l'adoption d'une série de mesures qui
S'ajoutèrent pour faciliter énormément une telle reconnaissance
de la part d'un gouvernement encore officiellement associé avec la religion
de l'islam, et qui accepte que ses lois et règlements soient fondés,
pour une large part, sur les vues et les déclarations de ses chefs ecclésiastiques.
La détermination inflexible des croyants égyptiens de ne pas dévier
de l'épaisseur d'un cheveu des principes de leur foi, en évitant
toutes relations avec un tribunal ecclésiastique musulman quelconque
dans ce pays, et en refusant toute situation qu'on pourrait leur offrir au sein
du clergé, la codification et la publication des lois fondamentales du
Kitab-i-Aqdas concernant les questions touchant le statut individuel
comme le mariage, le divorce, [...] Page 356 l'enterrement et les héritages, et la présentation de ces lois
au ministère égyptien, la délivrance de certificats de
mariage et de divorce par l'assemblée spirituelle nationale d'Egypte,
la prise en charge, par cette assemblée, de tous les devoirs et responsabilités
se rapportant aux formalités des mariages et divorces Baha'i ainsi
que de l'enterrement des morts, l'observance, par tous les membres de cette
communauté, des neuf jours saints pendant lesquels le travail, selon
les enseignements Baha'i, doit être entièrement suspendu,
la présentation d'une pétition adressée par les représentants
nationaux élus de cette communauté au Premier ministre égyptien,
au ministre de l'intérieur et au ministre de la justice (appuyée
par une communication semblable de l'assemblée spirituelle nationale
d'Amérique envoyée au gouvernement égyptien), présentation
à laquelle était jointe une copie du jugement du tribunal et une
copie de leur constitution nationale Baha'i et de leurs règlements
locaux - pétition qui demandait aux ministres de reconnaître leur
assemblée comme un corps qualifié pour exercer les fonctions de
tribunal indépendant, autorisé à appliquer, dans toutes
les questions touchant leur statut personnel, les lois et ordonnances révélées
par l'auteur de leur foi -, tous ces faits se détachent comme les conséquences
premières d'une déclaration historique qui doit finalement conduire
à l'établissement de cette foi sur une base d'égalité
absolue avec ses soeurs, les autres religions en ce pays. Corollaire de cette déclaration historique et conséquence directe
des troubles intermittents provoqués à Port-Saïd et à
Ismà'iliyyih par une population fanatique, à l'occasion de l'enterrement
de quelques membres de la communauté Baha'i, la fatvà (sentence)
officielle rendue à la demande du ministère de la justice par
le grand mufti d'Egypte fut tout aussi remarquable. Peu après avoir été
prononcée, elle fut publiée dans la presse égyptienne et
contribua à fortifier davantage le statut indépendant de la foi.
Elle fit suite aux émeutes qui éclatèrent avec une exceptionnelle
violence à Ismà'iliyyih, lorsqu'une foule en fureur entoura le
cortège funèbre de Muhammad Sulaymàn, un éminent
Baha'i décédé en cette ville. Un tel tumulte en
résulta que la police dut intervenir, et s'étant saisie du corps
et l'ayant ramené à la maison mortuaire, on fut forcé de
le transporter sans escorte, la nuit, aux confins du désert, et de l'enterrer
dans un lieu sauvage. Ce jugement fut rendu à la suite de la demande écrite adressée
le 24 janvier 1939 par le ministère égyptien de l'Intérieur
au ministère de la justice. Accompagnée d'une copie de la compilation
des lois Baha'i relatives au statut individuel - compilation publiée
par l'Assemblée Spirituelle Nationale des Baha'is d'Egypte -,
cette demande réclamait une décision de la part du mufti, au sujet
de la pétition que ladite assemblée avait envoyée au gouvernement
égyptien pour solliciter l'attribution de quatre parcelles de terrain
destinées à servir de cimetière aux communautés
Baha'i du Caire, d'Alexandrie, de Port-Saïd et d'Ismà'iliyyih.
" Nous sommes en possession ", écrivit le mufti dans sa réponse
du 11 mars 1939 à la communication qu'il reçut du ministère
de la justice, "de votre lettre... datée du 21 février 1939, avec
ses pièces jointes.... demandant s'il serait ou non légal d'enterrer
les Baha'is décédés dans les cimetières musulmans. [...] Page 357 Nous déclarons par la présente que cette communauté ne
doit pas être considérée comme musulmane, étant donné
les croyances qu'elle professe La lecture de ce qu'elle nomme 'les lois Baha'i
touchant aux questions de statut individuel', et qui sont jointes aux documents,
en est une preuve suffisante. Celui que a été musulman et qui
en fait partie a renoncé à l'islam en vertu de sa croyance
dans les prétentions de cette communauté. il est considéré
comme étant mis au ban de l'islam et se trouve sous le coup des
lois régissant l'apostasie telles qu'elles sont établies dans
la vraie foi islamique. Cette communauté n'étant pas musulmane,
il serait illégal d'enterrer ses morts en cimetière musulman,
fussent-ils musulmans d'origine ou non... " C'est à la suite de ce verdict péremptoire, définitif
et clairement exprimé par le plus haut représentant de la loi
islamique en Egypte, et après des négociations prolongées
qui aboutirent d'abord à l'attribution, à la communauté
Baha'i du Caire, d'une parcelle de terrain dans la partie du cimetière
réservée aux libres penseurs de cette ville, que le gouvernement
égyptien consentit à accorder à cette communauté
ainsi qu'aux Baha'is d'Ismà'iliyyih, deux pièces de terrain
pour enterrer leurs morts. Cet édit, d'importance historique, fut chaudement
accueilli par les membres de communautés douloureusement opprimés
et pleins d'endurance, et il servit à démontrer encore mieux le
caractère d'indépendance de leur foi ainsi qu'à agrandir
le champ d'action ressortissant à ses institutions représentatives. C'est dans le premier de ces deux cimetières officiellement réservés
aux Baha'is que, selon la décision de l'assemblée nationale
Baha'i d'Egypte, et avec le concours de sa consoeur, l'assemblée
de Perse, les restes de l'illustre Mirza Abu'l-Fadl furent transférés
et reçurent une sépulture digne de sa Position élevée,
cérémonie qui marqua d'une manière convenable la naissance
de la première institution Baha'i officielle de ce genre établie
en Orient. Ce résultat fut, peu après, mis en valeur par l'exhumation
du corps de cette illustre éducatrice-mère de l'Occident, Mme
E. Getsinger qui se trouvait au cimetière chrétien du Caire et
qui, avec l'aide accordée par l'assemblée nationale Baha'i
d'Amérique et par le ministère des Affaires étrangères
à Washington, fut enterrée au centre de ce cimetière, près
du lieu de repos de cet auteur distingué, ce champion de la foi. [...] Page 358 En Terre sainte, où un cimetière Baha'i avait été
aménagé pendant le ministère d'Abdu'l-Baha avant
ces déclarations, on prit la décision, de portée historique,
d'enterrer les Baha'is décédés face au qiblih d'Akka.
L'importance de cette décision fut accentuée par la résolution
de cesser tout recours aux tribunaux musulmans comme on le faisait auparavant
pour régler les questions de mariages et de divorces, et de suivre complètement,
sans se cacher aucunement, les rites prescrits par Baha'u'llah
pour la cérémonie funèbre et l'ensevelissement des morts.
Ceci fut bientôt suivi par la présentation d'une pétition
officielle en date du 4 mai 1929, adressée par les représentants
de la communauté Baha'i locale de Haïfa aux autorités
de Palestine, les priant de reconnaître officiellement la communauté
et de lui accorder "pleins pouvoirs pour administrer ses propres affaires, comme
le faisaient actuellement les autres communautés religieuses de Palestine
", en attendant que soit adoptée une loi civile uniforme de statuts individuels
applicables à tous les résidents de la nation, indépendamment
de leurs croyances religieuses. L'acceptation de cette pétition - fait d'une importance considérable
et absolument sans précédent dans l'histoire de la foi de n'importe
quel pays marquant la reconnaissance officielle, par les autorités civiles,
des certificats de mariage fournis par les délégués de
la communauté locale, certificats dont la validité était
tacitement reconnue par le représentant officiel du gouvernement persan
en Palestine, fut suivie d'une série de décisions exonérant
des taxes d'Etat toutes les propriétés et institutions considérées
par la communauté Baha'i comme des lieux saints, ou consacrées
à l'érection des tombeaux de ses fondateurs, au centre mondial.
Par ailleurs, d'après ces décisions, toutes les fournitures destinées
à l'ornementation ou à l'ameublement des tombeaux furent exemptées
de droits de douane, et les filiales des assemblées spirituelles nationales
Baha'i d'Amérique et des Indes furent capables d'agir en tant
que " sociétés religieuses " selon les lois du pays, et de détenir
et administrer des propriétés, en qualité de mandataires
de ces assemblées. En Perse où une communauté beaucoup plus vaste, déjà
numériquement supérieure aux minorités chrétienne,
juive et zoroastrienne résidant en ce pays, avait réussi, malgré
l'attitude hostile traditionnelle des autorités civiles et ecclésiastiques,
à former la structure de ses institutions administratives, la réaction
à une déclaration aussi capitale fut à même d'inspirer
ses membres et de les conduire à exploiter, dans toute la mesure du possible,
les avantages énormes que leur conférait ce témoignage
totalement inattendu. Ayant survécu aux épreuves de feu auxquelles
les chefs cruels, arrogants et implacables d'un clergé tout-puissant
- aujourd'hui sérieusement humilié - l'avaient soumise, cette
communauté triomphante, sortant tout juste de l'obscurité, était
déterminée plus que jamais à poursuivre ses revendications,
dans les limites prescrites par ses fondateurs, afin d'être reconnue comme
une entité religieuse indépendante et de sauvegarder, par tous
les moyens possibles, son intégrité, la solidarité de ses
membres et la solidité de ses institutions élues. [...] Page 359 Alors que ses adversaires déclarés avaient fait, dans un pays
comme celui-là et en un tel langage, une déclaration à
ce point positive et radicale sur une question d'une telle importance, et .
avaient déchiré le voile qui, pendant si longtemps, avait été
tiré sur certaines des vérités distinctives qui se trouvaient
à la base de sa doctrine, elle ne pouvait rester silencieuse plus longtemps
ni tolérer sans protester les restrictions qu'on lui imposait dans le
but de limiter ses pouvoirs, d'étouffer son existence en tant que communauté,
et de lui contester son droit d'être placée sur un pied d'égalité
absolue avec les autres communautés religieuses de ce pays. Fermement résolus à cesser d'être considérés
comme des musulmans, des juifs, des chrétiens ou des zoroastriens, les
membres de cette communauté décidèrent, pour commencer,
de prendre des mesures capables de justifier contre toute contestation la condition
de religion distincte que ses ennemis avérés avaient proclamée
pour leur foi. Conscients de leur devoir à la fois clair, inéluctable
et sacré, d'obéir sans réserve aux lois de leur pays pour
toutes questions de caractère purement administratif, mais fermement
résolus à affirmer et à démontrer par tous les moyens
légitimes à leur disposition, le caractère indépendant
de leur foi, ils se tracèrent une ligne de conduite et entreprirent des
tâches destinées à les mener vers une étape plus
proche du but qu'ils s'étaient proposé d'atteindre. La ferme résolution de ne pas dissimuler leur foi quels que soient les
sacrifices qui pourraient s'ensuivre, leur prise de position intraitable qui
refusait de soumettre toutes questions concernant leur statut individuel à
un tribunal musulman, chrétien, juif ou zoroastrien, le refus de s'affilier
à une organisation quelconque ou d'accepter un poste d'ecclésiastique
appartenant à l'une des religions reconnues dans leur pays, l'observance
totale des lois prescrites dans le Kitab-i-Aqdas et relatives aux prières
obligatoires, au jeûne, mariage, divorce, aux héritages, à
l'enterrement des morts et à l'usage de l'opium et des boissons alcooliques,
la création et la mise en circulation de certificats pour les naissances,
décès, mariages et divorces, selon les directives des assemblées
Baha'i reconnues et avec leurs cachets, la traduction, en persan, des
"lois Baha'i concernant les questions de statut individuel ", qui fut
d'abord publiée par l'assemblée national Baha'i d'Egypte,
l'arrêt du travail pendant les jours saints Baha'i, la création
de cimetières Baha'i dans la capitale ainsi que dans les provinces,
pour permettre d'ensevelir en un même lieu les fidèles de tous
rangs, quelle que soit leur origine religieuse, l'insistance avec laquelle les
Baha'is refusaient d'être désormais inscrits comme musulmans,
chrétiens, juifs ou zoroastriens sur les cartes d'identité, les
certificats de mariage, les passeports et autres documents officiels, l'accent
mis sur l'institution de la fête des dix-neuf jours d'après les
données de Baha'u'llah dans son très saint Livre,
les sanctions prises par les assemblées Baha'i élues -
qui assumaient maintenant les devoirs et les fonctions de tribunaux religieux
contre les membres récalcitrants de la communauté, leur retirant
le droit de vote et celui d'être membre de ces assemblées et de
leurs comités, toutes ces mesures doivent être rattachées
aux premières activités d'une communauté qui avait établi
les fondements de son ordre administratif et qui, sous l'effet stimulant du
verdict judiciaire historique rendu par l'Egypte, était maintenant résolue
à obtenir que les autorités civiles acceptent, non pas par la
force mais par la persuasion, le statut dont ses adversaires ecclésiastiques
s'étaient portés garants de façon aussi catégorique. [...] Page 360 Le fait qu'à sa première tentative cette communauté n'ait
rencontré qu'un succès partiel, qu'elle ait éveillé
parfois la suspicion des autorités et qu'elle ait été grossièrement
calomniée par ses vigilants ennemis, ne saurait surprendre. Elle réussit,
sous certains rapports, dans ses négociations avec les autorités
civiles, obtenant entre autre du gouvernement un décret qui supprimait
toute allusion à une affiliation religieuse dans les passeports délivrés
aux Persans, ainsi que l'autorisation tacite, accordée aux Baha'is
de plusieurs localités, de ne pas remplir les colonnes relatives à
la religion dans certains documents officiels mais de faire enregistrer, par
leurs propres assemblées, leurs mariage, divorce, naissance et décès,
et de procéder à leurs funérailles selon leurs rites religieux.
Sous d'autres rapports cependant, elle fut en butte à de graves difficultés:
Les écoles qu'elle possédait, qu'elle avait fondées et
contrôlait exclusivement, furent obligées de fermer parce qu'elles
refusaient de travailler pendant les jours saints Baha'i; les membres
de cette communauté, hommes et femmes, furent poursuivis, et ceux qui
détenaient des postes civils ou militaires furent parfois licenciés.
L'importation, l'impression et la mise en circulation des ouvrages littéraires
furent interdites et toutes les réunions publiques Baha'i furent
proscrites. A tous les règlements administratifs que les autorités civiles
ont établis de temps à autre ou établiront à l'avenir
dans ce pays comme dans tous les autres, la communauté Baha'i,
fidèle à ses obligations sacrées envers le gouvernement
et consciente de ses devoirs civiques, s'est soumise avec une obéissance
absolue. La fermeture immédiate de ses écoles qu'elle effectua
en Perse en est une preuve. Mais à des ordres qui impliqueraient l'abjuration
de sa foi ou constitueraient des actes de déloyauté envers ses
principes et préceptes spirituels fondamentaux, venant de Dieu, elle
refusera obstinément de s'incliner, préférant l'emprisonnement,
la déportation et toutes les formes de persécution, y compris
la mort - déjà subie par les vingt mille martyrs qui ont laissé
leur vie dans le chemin de ses fondateurs -, plutôt que d'obéir
aux diktats d'une autorité temporelle exigeant le renoncement de sa fidélité
à la cause. [...] Page 361 "Si vous taillez en pièces les hommes, femmes et enfants de toute la
région d'Abàdih", lit-on dans le message mémorable envoyé
par les courageux descendants de quelques-uns des martyrs de ce centre turbulent
au gouverneur de Fàrs, qui avait décidé de les contraindre
à se déclarer musulmans, Il nous ne nous soumettrons jamais à
vos désirs", message qui, aussitôt parvenu entre les mains de ce
provocant gouverneur, lui fit renoncer à pousser l'affaire plus loin. Aux Etats-Unis d'Amérique, la communauté Baha'i, qui avait
déjà donné un exemple inspirateur en créant et perfectionnant
le mécanisme de son ordre administratif, était consciente de l'étendue
des conséquences du verdict rendu par le tribunal musulman d'Egypte et
du sens exact de la réaction produite en Terre sainte, et la courageuse
ténacité manifestée par cette communauté-soeur de
Perse lui fut un stimulant. Elle décida de compléter ses remarquables
réalisations par de nouvelles mesures destinées à donner
plus de relief aux statuts acquis par la foi de Baha'u'llah dans
l'Amérique du Nord. Elle était numériquement moins importante
que la communauté des croyants persans. En raison de la multiplicité
de lois qui réglementaient les Etats de l'Union, elle eut à faire
face, en matière de statut individuel pour ses membres, à une
situation radicalement différente et beaucoup plus complexe que celle
où se trouvaient les croyants d'Orient. Cependant, consciente de devoir
donner, une fois encore, un élan puissant au développement d'un
ordre divinement prescrit, elle prit crânement l'initiative de mesures
capables de faire ressortir le caractère d'indépendance d'une
révélation qu'elle avait déjà si noblement défendue. La reconnaissance de son assemblée spirituelle nationale par les autorités
fédérales comme un organisme religieux autorisé à
détenir, en qualité d'administrateur, les biens consacrés
aux intérêts de la foi, la constitution de dotations Baha'i
et leur exonération de taxes par les autorités civiles, en tant
que propriétés appartenant à une communauté purement
religieuse et administrées pour son seul bénéfice, devaient
être maintenant complétées par des décisions et des
mesures destinées à donner plus d'importance à la nature
des liens qui unissaient ses membres. L'insistance spéciale placée
sur certaines lois fondamentales contenues dans le Kitab-i-Aqdas au sujet
des prières quotidiennes obligatoires, la pratique du jeûne, le
consentement préalable des parents exigé pour les mariages, l'indispensable
séparation d'un an entre mari et femme pour obtenir le divorce, l'abstinence
de toutes boissons alcooliques, l'importance attribuée à l'institution
de la fête des dix-neuf jours ordonnée par Baha'u'llah
dans ce même livre, la cessation de toute appartenance et affiliation
aux organisations ecclésiastiques et le refus d'accepter un poste d'ecclésiastique
quelconque, ces mesures servirent à souligner énergiquement le
caractère distinctif de la confrérie des Baha'is et à
la dissocier, dans l'esprit du public, des rites, cérémonies et
institutions d'origine humaine inséparablement liés aux systèmes
religieux du passé. [...] Page 362 D'une importance particulière et historique fut la demande de l'Assemblée
Spirituelle des Baha'is de Chicago - premier centre établi sur
e continent nord-américain, première assemblée enregistrée
entre toutes, et première à prendre l'initiative de préparer
la voie à l'érection d'un temple Baha'i en Occident -,
demande présentée aux autorités civiles de l'Etat d'Illinois
pour obtenir la reconnaissance civile du droit de célébrer légalement
les mariages selon les ordonnances du Kitab-i-Aqdas, et d'enregistrer
des certificats de mariage ayant préalablement reçu la sanction
officielle de cette assemblée. L'acceptation de cette requête par
les autorités, nécessitant un amendement des règlements
de toutes les assemblées locales pour leur permettre de procéder
légalement à tous les mariages Baha'i et de donner le pouvoir
au président ou au secrétaire de l'assemblée de Chicago
de représenter cet organisme dans leur célébration, l'attribution,
le 22 septembre 1939, de la première licence de mariage Baha'i
par l'Etat d'Illinois, autorisant la susdite assemblée à procéder
à ces cérémonies et à en délivrer des certificats,
la réussite des démarches effectuées dans la suite par
les assemblées des autres Etats de l'Union comme celles de New York,
New jersey, Wisconsin et Ohio afin d'obtenir des privilèges analogues,
contribuèrent d'autre part à donner une plus grande valeur au
statut religieux indépendant de la foi. A tout ceci, il faut ajouter
une acceptation similaire, et non moins importante, accordée aux Etats-Unis
depuis le début du conflit actuel par le ministère de la Guerre
- comme le prouve la communication adressée à l'Assemblée
Spirituelle Nationale des Baha'is d'Amérique, par l'intendant
général de ce ministère, le 14 août 19,42 -: C'est
l'autorisation d'employer le symbole du très grand Nom sur les pierres
tombales des Baha'is tués pendant la guerre et ensevelis dans
des cimetières militaires ou privés, afin de distinguer ces tombes
de celles qui portent la croix latine ou l'étoile de David, symboles
respectifs des religions chrétienne et juive. Il ne faudrait pas oublier de mentionner la requête présentée,
avec succès également, par l'Assemblée Spirituelle Nationale
des Baha'is d'Amérique à l'office administratif des prix,
à Washington, demandant que les présidents et secrétaires
des assemblées locales Baha'i, vu leur rôle d'officiers
d'assemblées conduisant les réunions religieuses, et autorisés
dans certains Etats à procéder aux célébrations
des mariages, soient admis à bénéficier d'un surplus* d'essence
pour un parcours de faveur selon les dispositions de la Section des Règlements
sur l'essence, afin qu'ils puissent satisfaire aux besoins religieux des localités
qu'ils desservent. [...] Page 363 Les communautés Baha'i des autres nations telles que l'Inde,
l'Iraq, la Grande-Bretagne et l'Australie ne furent pas longues non plus,
soit à apprécier les avantages découlant de la publication
de ce verdict historique, soit à exploiter, chacune selon ses capacités,
et dans les limites que lui imposaient les exigences du moment, l'occasion offerte
par une telle déclaration publique pour démontrer, une fois de
plus, le caractère indépendant de la foi dont elles avaient déjà
constitué la structure administrative. Par la mise en vigueur, dans la
mesure du possible, des lois ordonnées dans leur très saint Livre,
par la rupture de tous liens d'affiliation et d'appartenance aux institutions
ecclésiastiques de toutes dénominations, par une procédure
entreprise dans le seul but de donner davantage de publicité à
ce résultat capital qui marquait un grand tournant dans l'évolution
de la foi, et de faciliter son implantation finale, conscientes de leur solidarité
et parfaitement averties des perspectives glorieuses qui s'ouvraient à
elles, ces communautés, et en fait toutes les institutions Baha'i
organisées d'Orient ou d'Occident, si isolées ou insuffisamment
développées fussent-elles, se dressèrent pour proclamer
d'une voix unanime le caractère indépendant de la religion de
Baha'u'llah, et pour préparer la voie à son émancipation
de toutes les entraves, ecclésiastiques ou autres, qui pourraient empêcher
ou retarder sa reconnaissance finale de la part du monde entier. Au statut déjà obtenu pour leur foi, principalement grâce
à leurs propres efforts et aux oeuvres qu'elles accomplirent sans aide,
des tributs ont été rendus par des observateurs appartenant à
divers milieux, dont le témoignage fut bien accueilli des communautés
qui le considèrent comme un encouragement de plus à progresser
dans leur laborieuse et rude ascension vers les sommets qu'elles doivent finalement
conquérir. considérée comme le sol non pas de trois mais de quatre religions,
parce que la croyance Baha'i, dont le centre spirituel et aussi de pèlerinage
est à 'Akka et Haïfa, est en train de prendre le caractère
d'une religion mondiale. Aussi loin que s'étende son influence dans le
pays, elle est un facteur de compréhension entre nations et entre religions.
" " En 1920 ", déclara dans son testament le célèbre savant
et psychiatre suisse, le Dr Auguste Forel, "j'ai appris, à Karlsruhe,
l'existence de la religion supra confessionnelle et mondiale des Baha'is,
fondée en Orient il y a soixante-dix ans par un Persan, Baha'u'llah.
C'est la vraie religion du "bien-être social', sans dogmes ni prêtres,
reliant entre eux tous les hommes de ce petit globe terrestre qui est le nôtre.
je suis devenu Baha'i. Que cette religion vive et Prospère pour
le bien de l'humanité, c'est là mon voeu le plus ardent. [...] Page 364 "Il est obligatoire qu'il y ait un Etat mondial, une langue universelle et
une religion unique", a-t-il ajouté, et "le mouvement Baha'i pour
l'unité de l'humanité est, à mon avis, le plus grand mouvement
actuel travaillant pour la paix et la fraternité universelles." " Une
religion qui relie toutes les croyances", dit cet autre témoignage émanant
de la plume de la défunte reine, Marie de Roumanie, " ... une religion
animée de l'esprit profond du divin ... Elle enseigne que toutes les
haines, intrigues, suspicions, paroles méchantes et même patriotismes
agressifs sont étrangers à la loi essentielle de Dieu, et que
les convictions particulières ne reposent que sur l'apparence des choses,
alors que le coeur qui bat d'un amour divin ne connaît ni race ni tribu."
CHAPITRE XXIV: Emancipation et reconnaissance de la foi
et des institutions