La dispensation de Baha'u'llah

Shoghi Effendi

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Chapitre 3 : Abdu'l-Baha

Amis chèrement aimés! Je me suis hasardé, dans les pages qui précèdent, à tenter une interprétation de certaines vérités implicites de la revendication de Celui qui est la Source de la Révélation Baha'ie. Je me suis en outre efforcé de rectifier les idées fausses qui ont naturellement pu naître dans l'esprit de
quiconque médite sur une aussi surhumaine manifestation de la gloire de Dieu. J'ai tâché d'expliquer la signification de la divinité dont Celui qui est le propagateur d'une aussi mystérieuse énergie doit forcément être investi. J'ai aussi tenté de démontrer de mon mieux le fait suivant: le Message qu'un Être aussi grand a été chargé par Dieu d'apporter à notre époque au genre humain, reconnaît l'origine divine, soutient les principes essentiels de toutes les Dispensations inaugurées par les Prophètes du passé et demeure étroitement lié à chacune d'elle. J'ai également senti la nécessité de faire ressortir, en y insistant, que l'Auteur d'une telle Foi, opposé à toute prétention à la finalité, s'est montré fidèle à Son sentiment en refusant, malgré la vaste étendue de Sa Révélation, le bénéfice de cette finalité pour Sa personne, tandis que des chefs de dénominations diverses en maintenaient le principe. J'ai encore estimé qu'au stade actuel de l'évolution de notre Cause, il était très désirable de mettre en lumière un autre de ses principes fondamentaux : nonobstant la courte durée de Sa Dispensation, le Bab doit être tenu tout d'abord, non point pour le Précurseur choisi de la Foi Baha'ie, mais pour un Être investi de l'autorité sans partage assumée par chacun des Prophètes indépendants du passé.

Je suis convaincu qu'une tentative doit maintenant être faite en vue d'éclairer nos esprits quant à la station occupée par 'Abdu'l-Baha et à l'importance de Sa position dans cette sainte Dispensation. A vrai dire, pour nous, qui avons été en contact avec une aussi formidable figure et qui sommes attirés par le pouvoir mystique d'une personnalité tellement magnétique, il serait difficile d'acquérir une compréhension exacte et claire du rôle et du caractère d'un Etre qui remplit une fonction unique, non seulement dans la Dispensation de Baha'u'llah, mais aussi dans le champ de l'histoire religieuse générale. Bien qu'évoluant dans une sphère qui Lui est propre et bien que Son rang soit radicalement différent de ceux de l'Auteur et du Précurseur de la Révélation Baha'ie, Il forme avec eux, en vertu de la Position que Lui a assignée le Covenant de Baha'u'llah, ce qui peut être dénommé les Trois Figures Centrales de la Foi, trio de Figures sacrées qui demeure sans similaire dans l'histoire spirituelle du monde. De concert avec eux, Il domine d'une telle hauteur les destinées de cette Foi de Dieu à peine naissante qu'aucun individu ou corps constitué préposé après Lui à la sauvegarde de ses besoins, ne pourra l'égaler avant qu'un millénaire entier ne soit révolu. Ravaler Son rang éminent, en assimilant Sa station ou en la considérant comme approximativement équivalente à la position de ceux sur lesquels le manteau de Son autorité s'est posé, serait un acte d'impiété aussi grave que la croyance non moins hérétique qui tend à l'élever à un état d'égalité absolue avec la Figure Centrale ou avec le Précurseur de notre Foi. Si immense en effet que soit l'abîme séparant 'Abdu'l-Baha de Celui qui est la Source d'une Révélation indépendante, la distance est encore infiniment plus grande entre Celui qui est le Centre du Covenant et Ses serviteurs chargés de continuer Son oeuvre, quels que soient le nom, le rang, les fonctions ou les oeuvres de ces derniers. A ceux qui ont connu 'Abdu'l-Baha et qui, mis en contact avec Sa personnalité magnétique, Lui ont voué une si fervente admiration, je demande de vouloir bien méditer, à la lueur de cette affirmation, sur la grandeur d'un Être dont le rang est tellement plus élevé que le Sien.

Les paroles du Fondateur de notre Foi et de l'Interprète de Ses enseignements enchâssent de façon
indestructible les vérités fondamentales suivantes : 'Abdu'l-Baha n'est pas une Manifestation de Dieu. Bien qu'Il soit le successeur de Son père, Il n'occupe point une station analogue. Personne, hormis le Bab et Baha'u'llah, ne peut prétendre à une telle station avant l'expiration d'un millénaire entier.

Le Kitab-i-Aqdas contient cet avertissement formel: “Quiconque avant l'expiration de mille ans révolus prétendra avoir reçu une Révélation directement de Dieu, devra être tenu pour un imposteur et un menteur. Nous prions Dieu de lui faire, par Sa grâce, rétracter et répudier pareille prétention. S'il se repent, nul doute que Dieu ne lui pardonne. Si, toutefois, il persiste dans son erreur, Dieu, assurément, enverra ici-bas quelqu'un qui le traitera sans miséricorde. Et terrible, en vérité, est le châtiment de Dieu.” “Quiconque, ajoute-t-il, pour mieux accentuer Son avertissement, donne à ce verset une autre signification que celle qu'il offre de toute évidence, est en vérité privé de l'Esprit de Dieu et de Sa miséricorde qui embrassent toutes choses créées.” “Si un homme apparaît ” - c'est encore une de Ses affirmations décisives - “avant que mille ans se soient écoulés - l'année se composant de douze mois selon le Qur'an et de dix-neuf mois de dix-neuf jours chacun d'après le Bayan - et si un tel homme révèle à vos yeux tous les signes de Dieu, repoussez-le sans hésitation !”

Les propres affirmations d"Abdu'l-Baha, destinées à confirmer cet avertissement, sont tout aussi énergiques et catégoriques: “Voici,” affirme-t-Il, “ma conviction ferme et inébranlable, l'essence de ma croyance déclarée et explicite - conviction et croyance que les citoyens du Royaume d'Abha partagent pleinement : La Beauté Bénie est le Soleil de Vérité et Sa lumière la lumière de vérité... Le Bab est également le Soleil de Vérité et Sa lumière la lumière de vérité... Mon rang est celui de la servitude - servitude qui est complète, pure et réelle, fermement établie, durable, évidente, explicitement révélée et non sujet à commentaires... Je suis l'interprète de la Parole de Dieu ; telle est mon explication.”

Le Testament d"Abdu'l-Baha, document ultime conçu en vue de la perpétuelle propagation des directives et des voeux d'un Maître défunt, contient dans un de ses plus importants passages une réponse aux infracteurs les plus acharnés du Covenant de Son Père qui, animés d'une inlassable ténacité, L'accusaient de prétendre tacitement à une Position égale, sinon supérieure, à celle de Baha'u'llah. Par cette réponse - écrite d'un ton et en termes bien faits pour les confondre - 'Abdu'l-Baha les prive de leur arme principale en déclarant: “Voici la base fondamentale de la croyance des gens de Baha: “Sa Sainteté l'Exalté (le Bab) est la Manifestation de la concorde et de l'unité de Dieu ainsi que le Précurseur de l'Ancienne Beauté (Baha'u'llah). Sa Sainteté, la Beauté d'Abha (Baha'u'llah) (puisse ma vie être offerte en sacrifice à ses fidèles amis) est la suprême Manifestation de Dieu et l'Aurore de Sa plus divine Essence. Tous les autres sont ses serviteurs n'agissant que par son ordre.”

Ces affirmations si lumineusement claires et formelles, bien qu'incompatibles avec toute prétention à la station de Prophète, ne nous permettent nullement de conclure qu"Abdu'l-Baha n'est qu'un des serviteurs de la Beauté Bénie, et que Sa fonction se limite à celle d'un Interprète autorisé des enseignements de Son Père. A Dieu ne plaise que je professe une telle opinion ou qu'il me vienne à l'esprit de propager une telle notion. Le considérer sous ce jour équivaudrait à une évidente trahison à l'égard de l'inestimable héritage que Baha'u'llah a laissé à l'humanité. La Position que la Plume suprême Lui a conférée est superlativement élevée, elle domine et surpasse les inductions qui découlent des propres déclarations écrites d"Abdu'l Baha. Soit dans le Kitab-i-Aqdas, la plus importante et sacrée de toutes les oeuvres de Baha'u'llah, soit dans le Kitab-i-'Ahd, le Livre de Son Covenant, ou encore dans le Suryi-i-Ghusn (Tablette de la Branche) on trouve, écrites de la main de Baha'u'llah - et puissamment renforcées par des Tablettes adressées en propre à son Fils - certaines allusions qui investissent 'Abdu'l-Baha d'un pouvoir, et le parent d'une auréole, que la présente génération ne pourra jamais apprécier à leur juste valeur.

Il est, et Il doit être considéré à jamais, d'abord comme le Centre et l'Axe de l'incomparable Covenant universel de Baha'u'llah, et encore comme Son oeuvre la plus exaltée, le Miroir immaculé de Sa lumière, le parfait Exemple de Ses enseignements, l'infaillible Interprète de Sa Parole, la personnification de tout idéal Baha'i, l'incarnation de toutes les vertus Baha'ies, la Plus Grande Branche issue de l'Ancienne Racine, l'Organe de la Loi de Dieu, l'Être “autour duquel tous les noms gravitent ”, la Cheville ouvrière de l'Unité de l'Humanité, le Symbole de la Plus Grande Paix, la Lune de l'Orbe Central de cette suréminente Dispensation - titres et épithètes qui se confondent et trouvent leur expression la plus élevée et la plus juste dans le nom magique d"Abdu'l-Baha. Il domine et surpasse ses appellations. Il est le “Mystère de Dieu” - expression choisie par Baha'u'llah Lui-même pour Le désigner. Cette dénomination, sans nous donner en rien le droit de Lui assigner la station de Prophète, nous indique comment les caractéristiques de la nature humaine, de la science et de la perfection se sont fondues dans la personne d"Abdu'l-Baha en une complète harmonie.

“ Quand l'océan de Ma présence aura reflué et que le Livre de Ma Révélation sera achevé”, proclame le Kitab-i-Aqdas, “tournez-vous vers Celui que Dieu a désigné et qui est issu de l'Antique Racine.” Et encore, “Quand la Colombe Mystique aura fui son Sanctuaire de Gloire et cherché son but lointain, sa demeure cachée, référez-vous pour tout ce que vous ne comprendrez pas dans le Livre à Celui qui est issu de ce puissant Tronc. ”

Dans le Kitab-i-'Ahd, Baha'u'llah, déclare, de plus, de façon solennelle et claire : “Il est du devoir des Aghsans, des Afnans et de Ma parenté de tourner leurs visages, tous sans exception, vers la plus Grande Branche. Ayez présent à l'esprit ce que Nous avons révélé dans Notre Livre le Plus Sacré : “Quand l'océan de Ma présence aura reflué et que le Livre de Ma Révélation sera achevé, tournez-vous vers Celui que Dieu a désigné et qui est issu ne l'Antique Racine. Ce verset sacré ne concerne nul autre que la Plus Grande Branche ('Abdu'l-Baha). Nous vous révélons ainsi bénévolement Notre puissante Volonté, et Je suis le Miséricordieux, l'Omnipotent. ”

Dans le Suriy-i-Ghusn (la Tablette de la Branche) sont inscrits les versets suivants: “Du Sadratu'l-Muntaha est né l'Être sacré et glorieux, cette Branche de Sainteté ; heureux celui qui recherche en Lui Sa protection et qui se tient à Son ombre. En vérité, l'Organe de la Loi de Dieu a jailli de cette Racine que Dieu a implantée fermement dans le sol de Sa Volonté et la Branche de cette Racine a été élevée si haut qu'Elle a pu embrasser toute la création. Qu'Il soit, en conséquence, loué pour cette oeuvre sublime, sacrée, puissante, exaltée... Une Parole est émanée de la Plus Grande Tablette, en témoignage de Notre grâce - Parole que Dieu a ornée de la parure de Sa propre identité, qu'Il a rendue souveraine sur la terre et tout ce qu'elle renferme, comme un symbole de Sa puissance et de Sa grandeur parmi les peuples... Rendez grâces à Dieu, de Sa venue, ô Peuples, car en vérité, Il est pour vous la plus haute faveur et le plus grand bienfait ; par Lui tout os qui se désagrège est vivifié. Qui se tourne vers Lui s'adresse à Dieu et qui se détourne de Lui s'écarte de Ma Beauté, répudie Ma Preuve et a péché envers Moi. Il est le Dépôt de Dieu parmi vous, Son autorité sur vous, Il est pour vous Sa manifestation et Son reflet parmi Ses serviteurs favorisés... Nous L'avons envoyé ici-bas sous la forme d'un temple humain. Béni Et sanctifié soit Dieu dont les inviolables, les infaillibles décrets peuvent créer toutes choses selon Son gré. Ceux qui se privent de l'ombre de la Branche, sont perdus dans la confusion de l'erreur, sont consumés par l'ardeur des désirs terrestres, et comptent assurément parmi ceux qui périront. ”

Baha'u'llah, écrivant de Sa propre main, s'adresse ainsi à 'Abdu'l-Baha : “O Toi qui est la prunelle de Mes Yeux ! Que Ma gloire, l'océan de la bienveillance de Mon amour, le soleil de Ma bonté, le ciel de Ma miséricorde se posent sur Toi. Nous prions Dieu d'éclairer le monde par Ta science et Ta sagesse. Nous le prions de choisir pour Toi ce qui réjouira Ton coeur et apportera de la consolation à Tes yeux.” “Que la Gloire de Dieu soit sur Toi”, écrit-il dans une autre Tablette, “et sur quiconque Te sert et gravite autour de Toi. Malheur, grand malheur à qui Te fait opposition et T'injurie ! Heureux celui qui Te jure fidélité ; que le feu de l'enfer tourmente celui qui est Ton ennemi.” “Nous avons fait de Toi un abri pour toute l'humanité” affirme-t-Il dans une autre Tablette: “Tu es un bouclier pour tous ceux qui sont au ciel et sur la terre, une forteresse pour qui a cru en Dieu, l´lncomparable, l'Omniscient. Que Dieu veuille bien par Toi les protéger, les enrichir, les soutenir, qu'Il T'inspire ce qui sera une source de bonheur pour toutes choses créées, un océan de bonté pour tous les hommes, et l'aurore de la miséricorde pour tous les peuples."

Dans une prière révélée en l'honneur d"Abdu'l-Baha, Baha'u'llah supplie: "Tu sais, ô Mon Dieu ! que Je ne désire pour Lui que ce que Tu as Toi-même désiré, et que c'est pour Me conformer à Ton
intention que Je L'ai choisi. Accorde, en conséquence, qu'Il soit victorieux, grâce à Tes légions terrestres et célestes... Je T'en conjure, par l'ardeur de Mon amour pour Toi et par Mon aspiration à manifester Ta cause, décrète pour Lui et pour ceux qui L'aiment ce que Tu as destine à Tes Messagers et aux Dépositaires de Ta Révélation. En vérité, Tu es le Tout Puissant, l'Omnipotent."

Lors d'une visite d"Abdu'l-Baha à Beyrouth, Baha'u'llah Lui adressa par la plume de Son secrétaire Mirza Aga Jan, une lettre où nous lisons ce qui suit: “Louange à Lui qui a honoré la Terre de Ba (Beyrouth) de la présence de Celui autour de qui tous les noms gravitent. L'ensemble des atomes de la terre a annoncé à toutes choses créées que de derrière la porte de la Ville-prison, suivant Sa route vers d'autres lieux, est apparu et s'est manifesté au-dessus de son horizon, l'Orbe de la beauté de la grande, de la Plus Puissante Branche de Dieu - Son antique et immuable Mystère. L'affliction s'est ainsi abattue sur la Ville-prison, tandis qu'une autre terre se réjouissait... Béni, doublement béni, est le sol que Ses pas ont foulé, l'oeil que la beauté de Son visage a réjoui, l'oreille qui a été honorée en écoutant Son appel, le coeur qui a ressenti la douceur de Son amour, la poitrine qui s'est dilatée à Son souvenir, la plume qui a propagé Sa louange, le rouleau de papier qui porte le témoignage de Ses écrits."

En confirmation de l'autorité que Baha'u'llah lui conférait, 'Abdu'l-Baha a écrit la déclaration suivante: "Conformément au texte si explicite du Kirab-i-Aqdas, Baha'u'llah a fait du Centre du Covenant l'Interprète de Sa parole. Ce Covenant est si ferme et si puissant que depuis l'origine des temps jusqu'au jour présent aucune Dispensation religieuse n'a produit son pareil."

Le rang si exalté d"Abdu'l-Baha et les surabondantes louanges dont Baha'u'llah a glorifié Son fils dans Ses Livres et Tablettes sacrés, tout en Lui accordant une distinction unique, hors de pair, ne devront jamais être interprétés comme conférant à leur bénéficiaire une station identique, ou équivalente, à celle de Son Père, la Manifestation Elle-même. Donner à l'un quelconque de ces passages cités une telle interprétation mettrait celle-ci, et pour des raisons qui sautent aux yeux, en conflit immédiat avec les affirmations et les avertissements non moins clairs et authentiques dont j'ai déjà fait mention. A vrai dire, ainsi que je l'ai antérieurement établi, ceux qui surestiment la station d"Abdu'l-Baha sont aussi répréhensibles et ont fait tout autant de mal que ceux qui la sous-estiment. Et voici pourquoi : par leur insistance à tirer des écrits de Baha'u'llah des conclusions nullement autorisées, ils justifient, sans le vouloir, les fausses accusations et les déclarations trompeuses de l'ennemi et lui fournissent continuellement des preuves.

En conséquence, je trouve nécessaire de déclarer sans équivoque ou hésitation que ni dans le Kitab-i-Aqdas, ni dans le Livre du Covenant de Baha'u'llah, ni même dans la Tablette de la Branche, ni dans aucune autre Tablette révélée par Baha'u'llah ou par 'Abdu'l-Baha, il ne se trouve la moindre phrase ou expression qui puisse autoriser à soutenir l'opinion qui tend à admettre la soi-disant "unité mystique" de Baha'u'llah et d"Abdu'l-Baha, pas plus qu'à établir l'identité de ce dernier soit avec Son Père, soit avec toute autre Manifestation antérieure. Cette conception erronée peut être en partie attribuée à une inter- prétation tout à fait extravagante de certains termes et passages de la Tablette de la Branche, du fait de l'insertion dans la traduction anglaise de certains mots inexistants, trompeurs, ou ambigus par leurs connotations. Cette hérésie est, sans doute, surtout basée sur une déduction absolument fausse tirée d'extraits du début d'une Tablette de Baha'u'llah, extraits qui, dans les "Baha'i Scriptures" précédent immédiatement le texte de la Tablette de la Branche, sans toutefois en faire partie. Il doit être clair pour tous les lecteurs de ces dits extraits que la phrase "la Langue de l'Ancien" ne désigne nul autre que Dieu; que le terme "le Plus Grand Nom" se rapporte évidemment à Baha'u'llah et que "le Covenant" dont il est question n'est pas le Covenant spécifique dont Baha'u'llah est l'Auteur et 'Abdu'l-Baha le Centre, mais qu'il s'agit de ce Covenant général que, suivant l'enseignement baha'i, Dieu Lui-même instaure toujours avec le genre humain quand Il inaugure une nouvelle Dispensation. Ainsi qu'il est énoncé dans ces extraits, "La Langue qui donne les joyeuses nouvelles" signifie uniquement la Voix de Dieu se référant à Baha'u'llah, et non Baha'u'llah se référant à 'Abdu'l-Baha.

D'ailleurs, soutenir que l'assertion "Il est Moi-même", établit l'identité de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha au lieu de dénoter l'unité mystique de Dieu et de Ses manifestations, ainsi que l'explique le Kitab-i-Iqan, constituerait une violation flagrante du principe souvent mentionné de l'unité des Manifestations de Dieu. Or, c'est précisément l'erreur patente de la soi-disant identité de Baha'u'llah et d"Abdu'l-Baha que l'Auteur des extraits précités s'évertue à poser en principe par induction.

Cette hérésie équivaudrait encore à un retour aux croyances irrationnelles et superstitieuses qui se sont insensiblement et peu à peu glissées, au cours du premier siècle de l'ère chrétienne, dans les enseignements de Jésus-Christ, et qui en se cristallisant dans les dogmes acceptés ont nui à l'efficacité de la Foi Chrétienne et ont obscurci son objet.
 
"J'affirme", est le propre commentaire d"Abdu'l-Baha sur la Tablette de la Branche, "que le vrai sens, la signification réelle, le secret le plus profond de ces versets, de ces mots eux-mêmes, c'est la constatation de ma servitude vis-à-vis du Seuil sacré de la Beauté d'Abha, de mon effacement personnel, de mon entière annihilation devant Lui. C'est de cela qu'est faite ma couronne resplendissante, mon plus précieux ornement. C'est de cela que je m 'enorgueillis dans le royaume de la terre et du ciel. C'est là ce dont je me fais gloire dans la compagnie des élus!" "Il n'est permis à personne", nous avertit-Il dans le passage immédiatement subséquent, "de donner à ces versets aucune autre explication". "Je suis", affirme-t-Il dans le même ordre d'idées, "en conformité avec le texte formel du Kitab-i-Aqdas et du Kitab-i-'Ahd le manifeste Interprète de la Parole de Dieu... Quiconque n'accepte pas mon interprétation est la victime de son imagination ".

La conséquence inévitable de la croyance à l'identité de l'Auteur de notre Foi et de Celui qui est le Centre de Son Covenant serait de placer 'Abdu'l-Baha dans une position supérieure à celle du Bab, alors que le principe contraire, bien qu'il ne soit pas encore universellement reconnu, est à la base de cette Révélation. Elle justifierait aussi l'accusation par laquelle, durant tout le ministère d"Abdu'l-Baha, les Briseurs de Covenant se sont efforcés de corrompre les esprits et de pervertir la compréhension des loyaux adeptes de Baha'u'llah.

Au lieu de soutenir cette identité fictive d''Abdu'l-Baha et de Son Père, il serait plus correct, et conforme aux principes établis de Baha'u'llah et du Bab, de considérer le Précurseur et le Fondateur de notre Foi comme identiques en réalité - ce que le texte de Suriy-i-Haykal affirme de façon indiscutable. La
déclaration de Baha'u'llah y est des plus claires : "Si le Premier Point (le Bab) avait été, comme vous le prétendez, un Etre autre que Moi, et avait atteint Ma présence, Il ne Se serait, en vérité, jamais permis de Se séparer de Moi, et au cours de Mes Jours nous aurions joui l'un par l'autre de mutuelles délices." "Celui qui maintenant propage la Parole de Dieu" affirme encore Baha'u'llah, "n'est personne d'autre que le Premier Point rendu manifeste une nouvelle fois." "Il est", c'est ainsi qu'Il parle de Lui-même dans une Tablette adressée à une des Lettres du Vivant, "le même qui apparut en l'an soixante (1260 A.H.). Ceci est en vérité un de Ses signes puissants." "Qui", demande-t-Il dans le Suriy-i-Damm, "s'élèvera pour assurer le triomphe de la Première Beauté (le Bab) révélée par la face de Sa Manifestation subséquente?" Et inversement à la Révélation proclamée par le Bab, Il la caractérise comme "Ma propre Manifestation antérieure."

'Abdu'l-Baha n'est pas une Manifestation de Dieu, Il reçoit Sa lumière, Son inspiration, Son appui directement de la Source de la Révélation Baha'ie; Il reflète de façon parfaite comme un miroir clair et idéal les rayons de la gloire de Baha'u'llah, sans posséder de façon inhérente, cette indéfinissable réalité, qui cependant pénètre toutes choses, mais demeure l'apanage exclusif et la marque distinctive du Prophète. Ses paroles, tout en possédant une égale validité, ne sont pas égales en rang a celles de Baha'u'llah; Il ne doit pas non plus être acclamé comme étant une réapparition de Jésus-Christ, le Fils qui viendra "dans la gloire du Père" - ces vérités déjà patentes trouvent une justification accrue, et sont encore renforcées, par les déclarations suivantes qu"Abdu'l-Baha a adressées à quelques croyants d'Amérique, déclarations qui me permettront de mettre le point final à ce chapitre: "Vous avez écrit qu'une dissidence existe entre les croyants en ce qui concerne la ,Seconde Venue du Christ'. Mon Dieu ! Que de fois cette question a-t-elle été soulevée, et toujours 'Abdu'l-Baha y a répondu par l'affirmation aussi claire qu'irréfutable émanée de sa plume. Les prophètes, en mentionnant le ,Dieu des Armées' et le ,Christ à venir' ont voulu uniquement et sans équivoque possible désigner la Perfection Bénie (Baha'u'llah) et Sa Sainteté Exaltée (le Bab). Mon nom, a moi, est 'Abdu'l-Baha. Ma qualification est 'Abdu'l-Baha. Ma réalité est 'Abdu'l-Baha. Ma louange est 'Abdu'l-Baha. Ma soumission à la Perfection Bénie est mon glorieux et resplendissant diadème, et servir l'humanité entière est ma perpétuelle religion... Je n'ai point de nom, de titre, de mention, de qualité autre qu'Abdu'l-Baha, et jamais n'en aurai d'autre. C'est là mon ardent désir. C'est là l'objet de la plus profonde aspiration de mon âme. C'est en cela qu'est ma vie éternelle. C'est de cela qu'est faite ma gloire sans fin."

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